On m'avait dit que c'était impossible : le manifeste du fondateur de Criteo GENCOD : 9782234078956 PASSAGE CHOISI Extrait du prologue Les lumières du Nasdaq 30 octobre 2013. Times Square, New York. Je suis là. La foule se presse, s'agitant sous le ciel bleu électrique. Avec ses néons et ses écrans géants dans tous les sens, l'ambiance a quelque chose d'entêtant, façon Blade Runner. Je suis un peu étourdi. La fatigue, les nuits sans sommeil qui se sont accumulées. Et puis soudain, je me pince. Sur l'écran géant devant moi s'affiche... mon visage. En énorme ! Oui, c'est bien moi, là, sur trente mètres de haut. Quelque chose d'inimaginable. Pourtant, je ne suis ni Brad Pitt, ni Angelina Jolie. Je m'appelle Jean-Baptiste Rudelle, fondateur de Criteo, une start-up française. On ne peut pas dire que mon nom ou mon visage soient connus du grand public. Sauf qu'aujourd'hui, ce 30 octobre 2013, ma petite entreprise française, tout droit venue de l'Hexagone, est entrée à la Bourse du Nasdaq. Aujourd'hui, c'est l'IPO (initial public offering), prononcez «Aille-Pi-Oh». Et cela, au pays de l'Oncle Sam, ce n'est jamais une mince affaire. Aujourd'hui, que je le veuille ou non, c'est un peu moi la star. Cette journée, je l'ai vécue dans un rêve éveillé, comme si, dédoublé, je regardais les événements défiler, à la fois spectateur et acteur. Cela faisait déjà trois semaines que j'étais sur la route pour les fameux road shows, cette tournée fiévreuse devant les grands argentiers où vous ressassez dix fois, cent fois la même histoire bien rodée, le même laïus huilé au cordeau. Tout cela pour séduire ces analystes financiers et ces investisseurs qui, comme César aux jeux du cirque, ont le pouvoir de lever ou baisser le pouce, le jour fatidique de l'IPO. Je leur ai expliqué, jusqu'à en perdre la voix, que nous étions en train de révolutionner la publicité sur Internet. Que, grâce à nos algorithmes ultra-perfectionnés qui analysent chaque jour des milliards de données numériques, nous pouvions proposer le bon produit au bon internaute au bon moment. Je leur ai répété que notre modèle économique nous assurait la pérennité qu'il fallait, que nos équipes étaient solides et le marché potentiel énorme. C'est quelque chose d'un peu fou, ces road shows. Vous n'avez pas une minute à vous, à peine le temps de respirer, jamais de vous poser. Vous ne dormez pas deux nuits au même endroit, vous prenez l'avion chaque jour pour une nouvelle destination, parfois en bouclant deux, voire trois villes dans la même journée. Avec un agenda hyperserré où s'enchaînent non-stop petits déjeuners, réunions, déjeuners, présentations, conférences téléphoniques et dîners de groupe. Pour avaler autant de rendez-vous en trois semaines, notre banquier nous avait initiés au luxe suprême des puissants, le jet privé qui nous suivait partout. À défaut de drogues plus sérieuses réservées aux vrais rockeurs, je me suis gavé de caféine pour tenir la distance. Je ne sais pas si les chanteurs éprouvent cette même sensation quand ils partent en tournée, mais c'est à la fois épuisant et électrisant d'être ainsi toujours en représentation. Sauf que pour nous, les entrepreneurs, tout se joue à la fin de la tournée. Et bien sûr, vous ne savez qu'au dernier moment si vous avez fait tout cela pour rien et que vous allez devoir battre en retraite, humilié. Ou si au contraire la mayonnaise a pris comme il fallait, et que cette cavalcade frénétique va se terminer par l'ultime consécration : l'Aille-Pi-Oh. 8 heures. Je me suis mis sur mon trente et un. Pour la première fois depuis la création de Criteo, il y a neuf ans, j'ai sorti du placard le costume-cravate. Je l'ai si peu utilisé qu'il sent un peu la naphtaline, mais on n'entre pas au Nasdaq tous les jours. EN SAVOIR PLUS SUR CE LIVRE Consultez la fiche complète de ce livre sur PassageDuLivre.com Commandez ce livre sur Fnac.com