CONJ • RCSIO Summer/Été 2013 203
Quels soins de santé sexuelle les patients
souhaitent-ils recevoir des professionnels
de la santé?
Selon plusieurs études, les patients en oncologie veulent que ce
soient les professionnels de la santé qui prennent l’initiative en lan-
çant les conversations sur la santé sexuelle (Cox et al., 2006; Flynn et
al., 2012; Julien et al., 2010) et ils n’aborderont pas le sujet si les pres-
tataires ne le font pas (Flynn et al., 2012). Les patients indiquent qu’ils
désirent une communication ouverte, franche et réfléchie relative-
ment à leurs inquiétudes en matière de santé sexuelle (Cox et al., 2006;
Hordern & Street, 2007b), avoir la permission de discuter ouvertement
des enjeux et qu’on leur demande en quoi les changements induits par
le traitement ont touché leurs fonctions sexuelles et leur relation de
couple (Park et al., 2009). De plus, ils veulent que les infirmières nor-
malisent les changements et les préoccupations qu’ils éprouvent et
veulent savoir qu’ils ne sont pas les seuls à éprouver de tels problèmes
(Hordern & Street, 2007b; Stead et al., 2003). Dans une étude (Flynn et
al., 2012), 78 % des patients voulaient tenir une discussion sur la santé
sexuelle et être informés des effets secondaires courants de nature
sexuelle avant le démarrage du traitement, notamment des renseigne-
ments pratiques de base sur les changements touchant le fonctionne-
ment sexuel et l’intimité provoqués par le traitement (Hordern & Street
2007a; Stead et al., 2003). Stead et son équipe (2003) ont découvert que
les patients n’attendaient pas de l’infirmière qu’elle possède l’expertise
requise en matière de santé sexuelle, mais ils voulaient qu’elle consti-
tue un environnement propice à un examen détaillé de leur expérience
ainsi que de leurs idées, inquiétudes et espoirs.
Obstacles à la prise en charge des
besoins en matière de santé sexuelle
À la lumière des preuves manifestes des besoins dans ce
domaine et de la simplicité relative de ce que les patients exigent
des infirmières, comment se fait-il que les inquiétudes en matière
de santé sexuelle ne sont pas prises en charge plus fréquemment?
Nous avons cerné, dans la littérature, toute une gamme d’obs-
tacles aux soins de santé sexuelle.
Ne fait pas partie du rôle infirmier : Dans une étude de grande enver-
gure réalisée par Magnan et Reynolds (2005), l’obstacle principal aux
discussions sur la santé sexuelle entre les infirmières en oncologie et
leurs patients était que, selon ces dernières, les patients n’attendaient
pas d’elles qu’elles abordent les enjeux d’ordre sexuel. Hautamaki et
ses collègues (2007) indiquaient que 92 % des infirmières jugeaient
que la responsabilité de discuter des questions de nature sexuelle
incombait principalement au médecin traitant, quoique 78 % de ces
infirmières signalaient également qu’il s’agissait là d’une responsabi-
lité qu’elles partageaient avec le médecin et avec le patient.
Manque de connaissances et de compétences : Les infirmières
et d’autres professionnels de la santé signalent souvent qu’ils se
sentent mal préparés et mal à l’aise en vue d’amorcer la conversa-
tion et qu’ils manquaient de confiance parce qu’ils jugeaient n’avoir
ni la préparation ni la formation nécessaires (Flynn et al., 2012;
Hautamaki et al., 2007; Kotronoulas et al., 2009; Lavin & Hyde,
2005; Stead et al. 2003). Dans l’étude d’Hautamaki, le manque d’ins-
truction constituait le principal obstacle à la prise en charge de la
santé sexuelle chez les patients, une opinion partagée par d’autres
auteurs (Kotronoulas et al., 2009). Bien que les infirmières soient
nombreuses à penser qu’il s’agissait d’un aspect important des
soins, elles craignaient de faire des erreurs et ne voulaient pas révé-
ler leur vulnérabilité aux patients ni leur fournir de renseignements
incorrects (Cox et al., 2006; Haboubi & Lincoln, 2003; Hordern &
Street, 2007b; Stead et al., 2003). Kotronoulas et ses collaborateurs
(2009) ont conclu que les connaissances inadéquates des infir-
mières se divisaient en trois catégories : l’incapacité de fournir des
informations explicites sur les inquiétudes de nature sexuelle, une
aptitude à communiquer inadéquate et le manque d’expérience.
Enjeux liés à l’environnement et au système : Les lourdes charges
de travail et les contraintes de temps font également partie des fac-
teurs empêchant la prise en charge de la santé sexuelle par les infir-
mières, quoique selon d’aucuns, l’incapacité à établir un ordre de
priorité suffisant et à aborder ces inquiétudes pourrait refléter une
attitude d’évitement parce que la santé sexuelle jouit d’une valeur
moindre ou parce que les infirmières estimaient ne pas avoir les
connaissances ou les compétences nécessaires (Hautamaki et al.,
2007; Kim et al., 2011; Kotronoulas et al., 2009). Certaines infir-
mières rapportaient que c’étaient le manque de matériel pédagogique
imprimé à l’intention des patients et de la leur ainsi que le manque
de services de santé sexuelle vers lesquels aiguiller les patients qui
les empêchaient d’amorcer la conversation (Kotronoulas et al. 2009;
Stead et al., 2003), tandis que d’autres évitaient les discussions sur
la santé sexuelle parce qu’elles ne pouvaient pas le faire en toute
intimité ou parce qu’elles ne pouvaient pas voir leurs patients sans
que quelqu’un d’autre ne soit présent (Hordern & Street, 2007b;
Kotronoulas et al., 2009; Stead et al., 2003). Deux études (Hordern
& Street, 2007b; Magnan & Reynolds, 2006) décrivaient les obstacles
associés aux membres de l’équipe. Par exemple, les professionnels
de la santé se souciaient parfois du fait que les membres de l’équipe
jugent qu’il était tout à fait inapproprié de discuter de cet aspect des
soins à cause de la nature délétère de la situation (Hordern & Street,
2007b). Les infirmières disaient également se soucier des pressions
et des critiques émanant de leurs collègues de travail en signalant
comme obstacles à la prise en charge des enjeux de santé sexuelle
le manque de soutien de la part des gestionnaires et d’autres cadres
ainsi que l’absence de modèles de rôle (Magnan & Reynolds, 2006).
Attitudes, valeurs et croyances de l’infirmière : C’est de diverses
façons que les attitudes, les valeurs et les croyances des infirmières
ont une incidence sur la prise en charge ou non des inquiétudes en
matière de santé sexuelle et, dans l’affirmative, sur la manière dont
elles le sont. Certaines infirmières s’inquiètent d’offusquer ou de
bouleverser les patients (Hordern & Street, 2007a; Kim et al., 2011;
Lavin & Hyde, 2005) et pensent que les patients ne sont pas prêts
à participer à des discussions sur la santé sexuelle (Nakopoulou et
al.; 2009). Par contre, une étude de grande envergure a révélé que
c’étaient les infirmières qui se sentaient mal à l’aise à l’idée de par-
ler de sexualité (Magnan & Reynolds, 2006). La gêne constitue bel et
bien un facteur qui peut l’emporter sur le besoin du patient (Cox et
al., 2006; Kotronoulas et al., 2009, Magnan & Reynolds, 2006; Stead
et al., 2003). Paradoxalement, les résultats d’études examinant les
points du vue des patients montraient que les patients évitent de
soulever leurs préoccupations parce qu’ils ont peur de gêner les
professionnels de la santé (Stead et al., 2003). Il semblerait que leur
crainte soit fondée.
Beaucoup de professionnels de la santé ne voulaient pas abor-
der les questions de santé sexuelle à cause de l’âge du patient (trop
jeune ou trop vieux), de sa culture, de sa religion ou parce qu’ils
n’étaient pas au courant de ses mœurs et croyances et qu’ils crai-
gnaient que la conversation soit mal interprétée (Hordern & Street,
2007b; Kotronoulas et al., 2009). Une partie des professionnels
de la santé ne discutaient pas de la santé sexuelle parce que leurs
patients leur rappelaient leurs propres parents (Hordern & Street,
2007b) tandis que d’autres déclaraient que les conversations sur la
santé sexuelle représentent une atteinte à la vie privée (Kim et al.,
2011; Magnan & Reynolds, 2005). Hautamaki et ses collègues (2007)
ont conclu que le degré d’aise du professionnel de la santé était un
des facteurs clés permettant de prédire si les questions de santé
sexuelle seraient abordées ou non.
doi:10.5737/1181912x233202207