CONFERENCE DE PRESSE : FEDERATION LAIQUE DES CENTRES DE
PLANNING FAMILIAL ET MEDECINE GENERALE.
Oui la médecine générale est intéressée par ce qui peut soutenir son action
quotidienne d’information des patients dans tous les domaines qui font la qualité
de la vie, et donc en particulier concernant le domaine affectif, relationnel et
particulièrement sexuel. Tous nos contacts thérapeutiques sont irrémédiablement
traversés par cette composante relationnelle, malheureusement encore trop peu
identifiée, reconnue et gérée avec compétence parce que trop peu enseignée. Et
ce qui se passe pour les médecins est bien à l’image de ce qui se passe dans la
société en général.. J’en veux pour preuve la pauvreté de l’enseignement des
cours dans ce domaine tant sur le plan médical, physique que sur le plan de
l’éthique relationnelle, donnés dans les écoles secondaires…phénomène déjà
dénoncé il y a 20 ans ou plus ! Comme si aucun problème n’existait… ou si le
problème est reconnu, il n’est quand même pas identifié comme étant un réel
problème de société à gérer aussi collectivement !
La porte du cabinet de MG est la première porte que l’on pousse, la plus
accessible, installé à côté de la boulangerie dans le quartier.
Le MG est celui qu’on a connu pour les premières otites, les premiers vaccins,
les soucis d’adolescence. Ce rapport privilégié est un atout pour le MG pour
aborder avec l’adolescent les sujets plus difficiles que sont le rapport au corps, à
la sexualité, le rapport à l’autre qui pourra devenir partenaire dans une relation
sexuée et sexuelle.
Mais, ce rapport privilégié avec le médecin de famille est parfois plutôt un
obstacle, suscitant la peur du jugement, la peur d’une éventuelle rupture de la
confidentialité par rapport aux parents parce que le médecin de famille est vu
comme trop médecin de la famille. C’est pourquoi ces jeunes consultent dans les
centres de planning familial, espérant rencontrer une approche plus « libre de
pensée » que celle pressentie chez le médecin de famille, une confidentialité
absolue et parfois plus de compétences dans ce domaine précis.
Ils n’ont pas tort. En effet les généralistes en médecine de première ligne
souffrent d’un manque récurrent d’abord de temps, avec des honoraires qui
rétribuent singulièrement mal le temps consacré à des questions sensibles et
délicates, à la prévention. De plus leur formation universitaire et continuée s’est
relativement peu penchée sur la question de l’éducation sexuelle et affective qui
rencontrerait les difficultés de nos jeunes à vivre la liberté que la contraception
leur permet mais que les maladies sexuellement transmissibles leur confisquent.
Cette éducation doit pouvoir les interpeller au sujet de la liberté et doit tenter de
leur donner les moyens de la vivre bien, de la vivre mieux, en restaurant les
deux corollaires indissociables à cette liberté que sont la responsabilité et la
solidarité.
En tant que médecins de terrain, nous assistons, inquiets, aux conséquences
parfois dramatiques de comportements qui font fi d’un de ces trois corollaires
pour assurer un comportement humaniste en ce domaine : ces conséquences
sont, entre autres, grossesses non désirées, MST avec leurs conséquences à long
terme : dont on peut penser que les plus graves sont la stérilité et la mort.
Une violence latente, larvée ou exprimée s’installe dans les relations
interpersonnelles avec les conséquences affectives difficiles à vivre,
conséquences personnelles et conséquences collectives. Violence qui nous
interpelle aussi parce qu’elle est parfois le fruit de la marchandisation de la
liberté qu’ils vivent : l’envahissement de leur environnement par la
pornographie en est l’expression la plus spectaculaire.
En tant que généralistes, nous sommes consultés par les jeunes filles et femmes,
pour les contrôles gynécologiques à l’occasion de prescriptions de contraceptifs,
ou à l’occasion de plaintes (des problèmes infectieux par exemple) . Nous ne
sommes par ailleurs que peu consultés proportionnellement par les jeunes
hommes à ce sujet…leurs préoccupations sont peu préventives : c’est plutôt
quand le problème se pose qu’ils consultent : infections, troubles d’érection,
impuissance. La prévention, même le curatif mais « quand rien ne se voit »,
quand il n’y a pas de symptôme, est difficile à implémenter chez de nombreux
hommes. Et une attention particulière doit en plus être accordée aux jeunes
hommes immigrés, confrontés à une société d’accueil qui vit la liberté sexuelle
sans trop bien la gérer et qui eux-mêmes ont des repères culturels différents dans
leur propre société.
Quelle collaboration est à favoriser entre la Fédération Laïque des Centres de
Planning Familial, les centres qu’elle représente et la médecine générale ?
Pourquoi s’adresser aux représentants syndicaux de la MG ?
En tant que syndicat, nous avons inlassablement tenté de situer le rôle du
généraliste au centre de l’organisation des soins de santé. Ce thème-ci n’y
échappe pas.
Mais il nous semble indispensable que la Fédération puisse jeter des ponts
solides vers les CUMG (centre universitaire de médecine générale) et la SSMG
(société scientifique de médecine générale) pour collaborer à l’élaboration de la
formation des soignants dans ce domaine : comment expliquer pourquoi la
prévention des maladies cardio-vasculaires a acquis de telles lettres de noblesse
en MG et si peu la prévention des difficultés liées aux rencontres
interpersonnelles particulièrement à travers la sexualité ?
Il nous semble intéressant de favoriser le rôle plus collectif de la Fédération :
publications, supports éducatifs, supports informatifs individuels (par exemple
pour les salles d’attentes…on peut proposer de réaliser des fascicules destinés
aux garçons, aux hommes concernant les moyens contraceptifs, les MST, les
problèmes d’impuissance…pour ne pas confiner la destination de l’information
aux femmes… même si l’intention n’y était pas, c’est pourtant souvent le cas.)
Je ne peux qu’encourager les responsables de la Fédération à frapper
inlassablement aux portes de nos représentants démocratiques pour qu’ils
implémentent d’urgence des cours d’éducation sexuelle et affective aux travers
des différentes disciplines enseignées qui pourraient être concernées par ce sujet
majeur dans le développement des jeunes qui seront les adultes de demain. Il ne
faut en effet pas laisser le sujet aux seules mains des médecins et des
psychologues.
Je vous remercie pour les efforts déjà déployés et vous garantis de notre entière
collaboration dans ce domaine qui ne me laisse pas indifférente en tant que
professionnelle, mère, et citoyenne.
Anne Gillet-Verhaegen,
Vice-présidente du GBO,
Le 16-10-2005.
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