Médecine & enfance L’acné de la naissance à l’adolescence DERMATOLOGIE F. Ballanger-Desolneux, dermatologue, Talence et CHU de Bordeaux L’acné est une affection inflammatoire chronique du follicule pilosébacé évoluant par poussées. S’il s’agit d’une pathologie très fréquente chez les adolescents et les jeunes adultes (plus de 80 %), elle est plus rare chez le nourrisson et souvent diagnostiquée avec retard. Plusieurs facteurs interviennent dans l’acné : l’hyperséborrhée, la rétention sébacée, la prolifération de Propionibacterium acnes et l’inflammation cutanée. Les manifestations cliniques sont très variées (lésions rétentionnelles, inflammatoires ou mixtes). La durée d’évolution et le risque de cicatrices peuvent avoir un retentissement psychologique important, influençant la qualité de vie des patients. Les traitements anti-acnéiques ont beaucoup progressé. Le choix du traitement doit être adapté au type d’acné et à l’âge de l’enfant. L’observance conditionne la qualité du résultat. ’acné affecte plus de 85 % des adolescents mais peut se voir à tout âge. Ainsi, les dermatologues et les pédiatres peuvent être confrontés à des cas d’acné chez le nourrisson ou le jeune enfant. Cela pose parfois des problèmes thérapeutiques et soulève la question d’une pathologie hormonale sous-jacente. Chez l’adolescent, l’acné doit être considérée comme une pathologie chronique à l’origine d’anxiété et de dépression. L QUOI DE NEUF EN PHYSIOPATHOLOGIE ? RÔLE PRIMORDIAL DE L’INFLAMMATION La pathogénie de l’acné est complexe, faisant intervenir plusieurs facteurs : hyperkératinisation folliculaire, sécrétion de sébum, colonisation par P. acnes, inflammation cutanée et stimulation androgénique excessive. Il est actuellement admis que, bien avant la formation du microcomédon, lésion toute débutante de l’acné, il existe un infiltrat inflammatoire périfolliculaire intense constitué de lymphocytes T mémoires et effecteurs. Ces cellules représentent la réponse immunitaire adaptative de l’hôte à un antigène : P. acnes. Ce n’est que grâce à ce contexte d’inflammation que P. acnes se lie aux Toll-like récepteurs novembre 2016 page 275 (TLR) des kératinocytes, des sébocytes et des cellules dendritiques, activant une cascade de signalisations et la transcription de cytokines telles que TNFa, IL8 et IL6. Les kératinocytes de l’épiderme et de l’infundibulum sont alors stimulés et forment un bloc corné. Cela constitue le début du comédon [1]. RÔLE DU SÉBUM Plus que l’hyperséborrhée en elle-même, c’est la composition des lipides du sébum qui a un rôle très important dans la genèse des lésions acnéiques. Chez les sujets « prédisposés » à l’acné, les androgènes sécrétés stimulent la production de lipides par les sébocytes. Ces lipides sont hydrolysés et forment des composants irritants qui pérennisent l’inflammation cutanée [2]. La glande sébacée joue donc un rôle particulier dans l’initiation de l’acné, car elle produit toute la machinerie enzymatique nécessaire à la production des hormones et des cytokines qui sont impliquées dans l’inflammation cutanée [3]. IMPORTANCE DE LA GÉNÉTIQUE Des études anciennes sur des jumeaux ont permis très tôt de mettre en évidence le rôle des facteurs génétiques dans la survenue de l’acné. Plus récemment, le rôle important des antécédents familiaux a été montré dans l’acné persistante à l’âge adulte et chez les patients Médecine & enfance présentant des acnés inflammatoires sévères. L’influence maternelle semble être particulièrement importante [4]. INFLUENCE HORMONALE Les androgènes (dihydrotestostérone, sulfate de déhydroépiandrostérone et androgènes surrénaliens) sont reconnus pour jouer un rôle dans le développement de l’acné, car ils stimulent la production de sébum. Ils se lient à des récepteurs localisés au niveau des kératinocytes, ce qui induit une hyperkératinisation, et au niveau des sébocytes, ce qui stimule le développement des glandes sébacées et la synthèse de sébum. La glande sébacée a un rôle clé dans le métabolisme des androgènes. En effet, elle possède une enzyme, la 5a-réductase de type 1, qui transforme la testostérone en dihydrotestostérone, hormone qui a le plus d’affinité pour le récepteur aux androgènes [3]. D’autres hormones telles que l’hormone de croissance (GH) ou l’IGF-1 ont également un rôle dans la survenue de l’acné. En effet, l’augmentation de la production de sébum observée à l’adolescence survient au moment où les taux de GH et d’IGF-1 sont maximaux. Une corrélation a été observée entre le taux moyen d’excrétion de sébum et le taux sérique d’IGF-1 chez des patients post-adolescents [3]. ORIGINE MICROBIENNE ? P. acnes est présent à la surface de la peau de tous les adultes, mais cette colonisation varie en fonction de l’âge et des régions du corps. La densité de P. acnes est plus importante au niveau des régions séborrhéiques. A la puberté, la quantité de sébum excrétée augmente, ainsi que la densité cutanée de P. acnes. Cependant, des études microbiologiques réalisées sur des lésions acnéiques ont montré que P. acnes n’était présent que dans 70 % des lésions. De plus, les patients ayant une acné sévère n’ont pas plus de P. acnes à la surface de la peau. P. acnes n’aurait donc pas de rôle dans l’initiation du comédon, ni dans celle des lésions inflammatoires. Par contre, il aggraverait une desqua- mation anormale et coloniserait secondairement les lésions inflammatoires, entraînant une intensification des phénomènes inflammatoires par ses activités enzymatiques, antigéniques, d’activation du complément et de stimulation des TLR2 et TLR4 [5]. IMPACT DES RÉGIMES ALIMENTAIRES A côté des facteurs pathogéniques classiquement connus, les effets de l’environnement et du mode de vie ont également été analysés. Des études comparant différents modes de vie suggèrent que le stress chronique, le manque d’activité physique et le régime alimentaire déséquilibré auraient un impact sur la survenue de plusieurs pathologies, dont l’acné [6]. Il est bien reconnu actuellement que les régimes avec index glycémique élevé augmentent l’IGF-1, entraînant des modifications endocrinologiques et la synthèse d’androgènes. TABLEAUX CLINIQUES La classification de l’acné de l’enfant est fonction de l’âge et distingue cinq catégories [7]. L’acné néonatale, de zéro à quatre semaines de vie. L’acné serait liée à la fois à l’augmentation de la production de DHEA, à l’hypertrophie de la zone productrice d’androgènes au niveau des surrénales et au passage transplacentaire d’androgènes qui stimulent la glande sébacée. Elle est à distinguer de la pustulose céphalique néonatale. L’acné infantile, de un à douze mois. Elle touche préférentiellement le garçon (80 % des cas). L’acné est caractérisée par la présence de comédons sur les joues, associés parfois à des nodules inflammatoires. L’acné est le plus souvent isolée, sans association à une endocrinopathie. On retrouve fréquemment des antécédents familiaux d’acné. Le plus souvent, cette acné guérit spontanément, mais la durée d’évolution peut être longue, avec un risque cicatriciel dans les formes inflammatoires et un risque de développer une acné à l’adolescence. novembre 2016 page 276 L’acné de la moyenne enfance, de un à sept ans. Elle ne doit en aucun cas être considérée comme normale. Il faut se méfier d’une puberté précoce ou d’une endocrinopathie sous-jacente. L’acné précoce est un mode de révélation rare mais classique d’un bloc enzymatique surrénalien. L’examen clinique doit rechercher une pilosité pubienne et axillaire, une augmentation de volume des organes génitaux et des glandes mammaires, et doit être complété par un bilan biologique (FSH, LH, SDHEA, 17-OH progestérone, testostérone, prolactine) et une radiographie du poignet gauche pour déterminer l’âge osseux. L’avis d’un endocrinologue pédiatre est recommandé en cas d’anomalie. L’acné du préadolescent, de sept à onze ans. Cela touche le plus souvent les filles. Cliniquement, on observe une prédominance de comédons localisés sur la zone T et au niveau des oreilles. Cela peut être le premier signe de début de la puberté. L’examen clinique doit être attentif afin d’exclure un hyperandrogénisme ou un syndrome des ovaires polykystiques, et si besoin complété d’un bilan biologique hormonal. Ces enfants présentant des signes de puberté précoce doivent être suivis, car il existe un risque de survenue de syndrome dysmétabolique. On constate actuellement un âge moyen plus précoce de survenue de l’acné, et cela est bien corrélé avec la survenue plus précoce de la puberté, que l’on objective particulièrement chez les filles (figure 1) [8]. Cette évolution pourrait s’expliquer par des facteurs environnementaux tels que le statut nutritionnel (qui influence le poids de l’enfant), l’exposition à des produits chimiques (pesticides, bisphénols) ou des facteurs socioéconomiques. Or, la survenue d’une acné précoce serait prédictive d’une acné plus sévère et plus difficile à traiter [4]. L’acné de l’adolescent. C’est la forme classiquement décrite. Les premières lésions surviennent en général vers douze-treize ans chez la jeune fille, souvent plus tardivement chez le garçon. La première manifestation est l’hyperséborrhée, Médecine & enfance Figure 1 ou la formation d’ulcérations nécrotiques. Cette éruption est associée à une atteinte importante de l’état général : hyperthermie à 39-40 °C, douleurs articulaires et musculaires et parfois érythème noueux au niveau des membres inférieurs. L’introduction de l’isotrétinoïne comme traitement d’une acné papulopustuleuse peut être responsable de la survenue d’une acné fulminans, mais cela reste exceptionnel comparé au nombre de patients traités. Les facteurs prédictifs de la survenue de l’aggravation d’une acné sous isotrétinoïne sont le sexe masculin, le jeune âge et l’importance de l’atteinte rétentionnelle (comédons ouverts et fermés). Figure 2 Figure 3 Figure 4 DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS De multiples dermatoses moins connues sont parfois responsables de lésions du visage pouvant faire évoquer le diagnostic d’acné. Divers diagnostics sont à évoquer en fonction de l’âge de l’enfant. DURANT LE PREMIER MOIS DE VIE à laquelle s’associent ensuite des lésions rétentionnelles (figure 2) qui deviennent progressivement papulo-pustuleuses. Le visage est en général atteint en priorité (figure 3), mais les lésions peuvent s’étendre au niveau du dos, des épaules et du décolleté. L’évolution, même en l’absence de traitement, est spontanément favorable, et l’acné guérit dans 90 % des cas vers dix-huit à vingt ans. Néanmoins, des formes graves peuvent être observées : 첸 l’acné nodulaire (ou conglobata) est une acné suppurative chronique. Elle survient plutôt chez le garçon et débute à la puberté. Elle comporte des lésions papulopustuleuses profuses au niveau de la face, avec extension progressive des lésions au niveau du cou, du tronc, des fesses et de la racine des membres. La peau est couverte de comédons poly- poreux, de microkystes, de kystes folliculaires de grande taille, de papules, de pustules et de nodules fermes ou abcédés (figure 4). Ces nodules vont laisser place à des lésions cicatricielles déprimées ou à des chéloïdes ; 첸 l’acné fulminans (ou acné nodulaire aiguë fébrile et ulcéreuse) est la forme la plus grave d’acné. Elle touche avec prédilection les adolescents de sexe masculin. Le mécanisme physiopathogénique ferait intervenir les antigènes de P. acnes, qui, lorsqu’ils sont produits en excès, formeraient des complexes immuns circulants à l’origine d’une réaction inflammatoire générale. Il s’agit d’une éruption nodulaire de survenue brutale localisée au niveau thoracique : nodules inflammatoires et suppuratifs très nombreux évoluant vers l’émission de pus hémorragique novembre 2016 page 277 L’acné néonatale doit être distinguée de deux pathologies plus fréquentes au cours de cette période : la pustulose céphalique néonatale et l’hyperplasie néonatale des glandes sébacées. 첸 La pustulose céphalique néonatale affecte près de 20 % des nouveau-nés. Elle se présente sous la forme de lésions inflammatoires et pustuleuses, souvent limitées aux zones séborrhéiques : front et joues. Le rôle de la colonisation de la peau par Malassezia a été souligné. L’absence de soins d’hygiène adaptés (absence de lavage du visage pendant les premières semaines) entraîne une accumulation de sébum dans les orifices pilaires des zones séborrhéiques. Le diagnostic repose sur la topographie et l’aspect des lésions. L’absence de comédon permet d’éliminer une acné. 첸 Le second diagnostic différentiel est la miliaire sudorale, mais dans ce cas il s’agit de vésicules translucides qui sont Médecine & enfance également retrouvées sur le reste du corps. Enfin, les grains de milium se différencient des comédons fermés par leur aspect plus blanchâtre et superficiel. APRÈS L’ÂGE DE DEUX ANS 첸 Les pyodermites froides peuvent poser le problème du diagnostic différentiel avec des lésions inflammatoires d’acné. Mais il s’agit le plus souvent d’une lésion unique, rénitente, de la joue, évoluant par poussées inflammatoires. L’antibiothérapie est inefficace. La chirurgie est peu souhaitable en raison du risque de cicatrice. La régression peut se faire spontanément sur plusieurs mois. 첸 Les éruptions rosacéiformes de l’enfant se présentent sous la forme de papules érythémateuses et de pustules, le plus souvent périorales, causées par l’utilisation de corticoïdes topiques, inhalés ou systémiques. PRINCIPES DE TRAITEMENT [7, 9, 10,11] L’acné doit être prise en charge de manière globale. Il faut prendre le temps de parler avec l’adolescent pour expliquer simplement la pathogénie de l’acné, son caractère physiologique et son évolution sur plusieurs années, et pour apprécier sa motivation à se traiter. De plus, une information sur les traitements proposés permet une meilleure compréhension et améliore l’observance du traitement. Enfin, il est important d’apprécier le retentissement psychique de la dermatose, ainsi que ses répercussions sur la qualité de vie. Dans tous les cas, on recherchera un facteur aggravant (médicament, cosmétiques comédogènes) et on conseillera des soins adaptés : toilette quotidienne ou biquotidienne avec un produit non irritant (pain surgras, gel nettoyant sans savon…), application quotidienne d’une crème hydratante adaptée à la peau acnéique afin d’améliorer la tolérance des traitements anti-acnéiques. La photoprotection est recommandée en raison du risque phototoxique de certains traitements anti-acnéiques et du risque de pigmentation des cicatrices chez les sujets à peaux mates. MOYENS THÉRAPEUTIQUES TOPIQUES Trois classes médicamenteuses ont fait la preuve de leur efficacité dans le traitement local de l’acné. Le peroxyde de benzoyle est un agent kératolytique et antibactérien. Il est adapté aux acnés essentiellement inflammatoires mais a une action minime sur les lésions rétentionnelles [12]. Deux effets indésirables sont possibles : une irritation cutanée, en particulier en début de traitement, et une phototoxicité, qui limite son utilisation l’été. Il faut également avertir le patient que ce produit peut décolorer certains vêtements. Le peroxyde de benzoyle est disponible en gel ou en lotion à des concentrations de 2,5, 5 et 10 %. Les rétinoïdes topiques (trétinoïne 0,025, 0,05 et 0,1 % ou adapalène) ont une activité kératolytique prédominante et sont donc indiqués dans les acnés rétentionnelles. Ils modifient la différenciation kératinocytaire terminale et diminuent la cohérence du bouchon corné, aboutissant à la fonte et à l’expulsion des microkystes ou des comédons. Le principal effet secondaire est l’irritation cutanée secondaire à la sécheresse cutanée. L’application du produit le soir, sur peau sèche, en faible quantité et à dose lentement progressive permet de limiter ce phénomène. Une photoprotection efficace est recommandée pendant toute la durée du traitement. Les antibiotiques locaux ont une action à la fois antibactérienne et anti-inflammatoire. On les réserve aux acnés papulopustuleuses modérées. En France, deux molécules sont disponibles : l’érythromycine et la clindamycine. Les antibiotiques locaux ne doivent pas être utilisés en monothérapie dans le traitement de l’acné, en raison du risque d’apparition de résistance bactérienne. Ils doivent être réservés au traitement de deuxième intention, prescrits sur une durée limitée (un mois) et ne pas être associés à un antibiotique systémique. novembre 2016 page 278 QUAND ADRESSER AU SPÉCIALISTE ? 첸 Devant un échec thérapeutique malgré une bonne observance après antibiothérapie et traitement local bien menés. 첸 Devant une acné inflammatoire modérée ou sévère où apparaissent les premières cicatrices. 첸 Quand une acné est nodulaire et étendue. 첸 Quand une acné s’aggrave brutalement avec poussée inflammatoire sévère. 첸 Quand une acné s’aggrave sous isotrétinoïne orale. 첸 Quand l’acné est associée à des signes d’hyperandrogénie. 첸 Quand l’acné survient dans un contexte inhabituel (acné prépubertaire, acné familiale…). Les traitements topiques combinés. On constate actuellement le développement de nouvelles stratégies combinant plusieurs traitements topiques. La combinaison associant rétinoïdes topiques et érythromycine ou clindamycine topiques est plus efficace que chaque agent utilisé seul. De même, la combinaison érythromycine ou clindamycine avec peroxyde de benzoyle diminue le risque de résistance bactérienne et augmente l’efficacité. Enfin, l’association adapalène et peroxyde de benzoyle (Epiduo®) augmente le spectre d’activité de l’adapalène seul. Cette association est efficace dans les acnés modérées du préadolescent [13]. MOYENS THÉRAPEUTIQUES SYSTÉMIQUES Il existe quatre classes de traitements médicamenteux. Les antibiotiques Leur principale indication est l’acné inflammatoire modérée à sévère. Ils agissent par leur activité antibactérienne en inhibant la prolifération de P. acnes mais aussi par leur activité anti-inflammatoire (inhibition du chimiotactisme des polynucléaires neutrophiles, activité antilipasique, inhibition de la production des cytokines inflammatoires), ce qui explique leur mode d’utilisation Médecine & enfance dans l’acné à faible dose (100 mg pour les cyclines de deuxième génération, 300 mg pour la lymécycline). Les principales molécules utilisées sont les tétracyclines : doxycycline et lymécycline. Les effets secondaires les plus fréquents sont des troubles digestifs, des candidoses vaginales et une photosensibilité (principalement rapportée avec la doxycycline). L’un des problèmes posés actuellement par ces traitements est la survenue de résistances bactériennes. Pour éviter le développement de ces résistances, il faut privilégier les traitements courts (quatre mois maximum), obtenir une bonne compliance du patient et éviter la multiplication de cures itératives avec différents antibiotiques [14]. L’association d’une antibiothérapie locale et d’une antibiothérapie générale est contre-indiquée. Il est également possible de prescrire des macrolides (érythromycine principalement) dans les acnés infantiles, où les cyclines sont contre-indiquées en raison du risque de coloration des dents. Le gluconate de zinc Il a une activité anti-inflammatoire en inhibant le chimiotactisme des polynucléaires, la production de TNF alpha et en favorisant l’élimination des radicaux libres. Il est utilisé dans les acnés inflammatoires minimes à modérées. Ce traitement a l’avantage de ne pas avoir de contre-indication ; il peut en particulier être utilisé pendant l’été. La dose préconisée est de 2 gélules par jour (30 mg de zinc élément) à prendre à distance des repas. Ses effets secondaires sont rares et modérés, à type de gastralgie. L’isotrétinoïne C’est le seul traitement réellement curatif dans l’acné. Tout en réduisant l’inflammation, l’isotrétinoïne induit une atrophie de la glande sébacée par apoptose des sébocytes ainsi qu’une diminution de l’hyperkératinisation canalaire. Elle est recommandée dans les acnés ayant résisté à un traitement bien conduit de trois mois associant un antibiotique oral et un traitement local, et dans les acnés sévères (nodulaires ou conglobata) en raison du risque de cica- Tableau I Avant la prescription d’isotrétinoïne : 첸 information des patients sur les effets secondaires et sur le risque tératogène 첸 bilan biologique La prescription d’isotrétinoïne chez les femmes en âge de procréer impose : 첸 un mois de contraception efficace et bien suivie avant la première prescription 첸 le recueil de l’accord de soins et de contraception et la remise d’un carnet-patiente complété avant la première prescription 첸 la réalisation d’un test de grossesse en laboratoire avec résultat négatif dans les trois jours précédant chaque prescription et cinq semaines après la fin du traitement 첸 une ordonnance limitée à un mois de traitement 첸 la délivrance dans les sept jours suivant la prescription 첸 la délivrance après vérification de l’ensemble des mentions obligatoires devant figurer sur le carnet-patiente (formulaire d’accord de soins et de contraception complété et signé par la patiente, date et résultat du test de grossesse négatif) 첸 la notification de la date de délivrance sur le carnet-patiente trices. Des effets secondaires nombreux et potentiellement graves sont décrits, sa prescription est donc bien codifiée. Depuis 2015, l’ANSM a décidé de restreindre les conditions de prescription et de délivrance de l’isotrétinoïne orale et de renforcer les mesures de minimisation des risques liés à la tératogénicité. La prescription initiale d’isotrétinoïne orale est désormais réservée aux dermatologues. Les renouvellements de prescription peuvent toutefois être effectués par tout médecin [15]. Chez l’adolescent, la dose orale initiale est de 0,5 mg/kg/j (en une prise quotidienne au cours d’un repas), poursuivie jusqu’à une dose cumulée totale de 120 à 130 mg/kg. Le traitement dure donc en moyenne six à neuf mois suivant la dose utilisée. Des récidives s’observent dans 20 à 30 % des cas, souvent lorsque la cure n’a pas été complète. La réalisation d’une deuxième cure est alors licite. Les effets secondaires de l’isotrétinoïne sont dose-dépendants. Le plus grave est la tératogénicité. La jeune fille doit obligatoirement signer un consentement après information concernant les risques de malformations fœtales et les autres effets secondaires avant que le traitement puisse être débuté. Une contraception (à l’exception de Diane ® 35) doit être instaurée un mois avant le début du traitement et poursuivie jusqu’à un mois après l’arrêt. Par ailleurs, des tests de grossesse sont réanovembre 2016 page 280 lisés systématiquement avant de débuter le traitement, puis tous les mois et un mois après l’arrêt du traitement [10]. La prescription et la délivrance de l’isotrétinoïne se font uniquement sur présentation du carnet-patiente (tableau I). Les effets secondaires cutanéomuqueux sont les plus fréquents : chéilite, xérose, sécheresse conjonctivale (pouvant gêner le port de lentilles), nasale (parfois associée à des épistaxis) ou vaginale. Le patient doit être informé de ces éventuels effets indésirables. La prescription d’émollients pour le visage et les lèvres et éventuellement de larmes artificielles permet de les prévenir. D’autres effets secondaires sont observés plus rarement : douleurs musculo-articulaires, granulomes péri-unguéaux, troubles auditifs… Il existe actuellement une controverse sur les symptômes psychiatriques associés au traitement par isotrétinoïne. Des cas de dépressions ont été rapportés sous isotrétinoïne. Il s’agit de cas isolés, apparaissant dans les premiers mois de traitement. Même s’il a été montré que les rétinoïdes pouvaient influencer biologiquement le système nerveux central, il n’y a actuellement aucun lien de causalité admis entre isotrétinoïne et pathologie psychiatrique [16]. De plus, l’acné elle-même peut être un facteur de risque de syndrome dépressif. Il semble donc nécessaire, avant de mettre en route le traitement par isotrétinoïne, d’informer Médecine & enfance le patient, les parents et le médecin généraliste, et de dépister les symptômes dépressifs, puis de contrôler régulièrement la thymie au cours du traitement avec une échelle de dépression et au besoin avec l’aide de psychologues. Enfin, on peut constater une élévation du cholestérol, des triglycérides ou des transaminases. Un bilan biologique comprenant le dosage du cholestérol, des triglycérides et des transaminases (SGOT, SGPT) est donc réalisé avant l’initiation du traitement puis tous les trois mois. Les traitements hormonaux Les anti-androgènes ne sont utilisables que chez les filles. L’acétate de cyprotérone est indiqué en cas d’hyperandrogénie, soit seul, soit de préférence en association avec un œstrogène. La spironolactone peut être proposée en deuxième intention. Si une contraception est nécessaire, la pilule pourra améliorer une acné minime mais ne suffira pas pour traiter une acné modérée. Elle peut par contre être associée aux traitements anti-acnéiques classiques en cas de poussées prémenstruelles. LES TRAITEMENTS PHYSIQUES Leur efficacité dans l’acné comparée aux traitements médicamenteux reste à prouver. En effet, aucune étude randomisée avec une bonne méthodologie et un nombre de patients suffisant n’a été réalisée à ce jour. L’effet de certains lasers (IPL, laser vasculaire) et de la photothérapie dynamique semble être intéressant sur les lésions acnéiques inflammatoires, avec cependant une rechute qui semble assez rapide. Ces traitements ne doivent donc être proposés qu’en deuxième intention, en cas d’échec ou de contre-indication aux traitements plus classiques. STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE Chez l’adolescent, elle est résumée dans le tableau II. De nouvelles recommandations ont été publiées en 2015 [15]. Chez l’enfant, la stratégie thérapeutique Tableau II Type d’acné Traitement 첸 Acné rétentionnelle modérée ou moyenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Trétinoïne topique 첸 Acné inflammatoire modérée . . . . . . . . . . . Peroxyde de benzoyle topique 첸 Acné mixte modérée ou moyenne . . . . . . . Trétinoïne topique + peroxyde de benzoyle topique ou antibiothérapie topique 첸 Acné inflammatoire moyenne . . . . . . . . . . . Antibiothérapie orale ou gluconate de zinc + peroxyde de benzoyle topique 첸 Acné inflammatoire sévère avec échec d’une antibiothérapie orale bien conduite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Isotrétinoïne + contraception stricte chez la jeune fille 첸 Acné minime à modérée chez une jeune femme souhaitant une contraception . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pilule de 2e génération en première intention 첸 Acné avec hyperandrogénie . . . . . . . . . . . . Androcur® après avis endocrinologique n’est pas différente de celle que l’on adopte dans l’acné pubertaire [7, 9]. Cependant, les cyclines orales sont contreindiquées chez l’enfant de moins de huit ans en raison du risque de coloration jaune permanente des dents définitives. Dans les formes rétentionnelles peu sévères, on propose les rétinoïdes topiques à la concentration la plus faible (0,025 %) ou l’adapalène, initialement à raison de deux applications par semaine. Puis la fréquence et la concentration peuvent être augmentées progressivement. Dans les formes inflammatoires modérées, on peut prescrire des traitements locaux de type peroxyde de benzoyle ou antibiothérapie locale (Dalacine® ou érythromycine topiques), ou des traitements généraux de type sels de zinc ou antibiothérapie (macrolides ou cotrimoxazole). L’érythromycine est souvent utilisée en première intention, mais elle doit être évitée en période néonatale (risque de survenue de sténose du pylore). Dans les formes sévères nodulo-kystiques ou résistantes aux traitements classiques, le recours à un traitement par isotrétinoïne orale est justifié du fait du caractère affichant des lésions, de leur durée d’évolution et du risque de cicatrices. Il est le plus souvent très efficace [17]. Les modalités de prescription et de surveillance sont à respecter quel que soit l’âge de l’enfant. Des rechutes à l’arrêt du traitement sont décrites, mais les novembre 2016 page 281 lésions sont alors souvent moins sévères et contrôlées par les traitements topiques [18, 19]. Les manifestations squelettiques (retard de croissance par soudure des cartilages de conjugaison) sont exceptionnelles et en rapport avec de fortes doses prescrites au long cours [20]. La difficulté concerne le mode d’administration du médicament, qui se présente sous forme de gélules. Il est conseillé d’ouvrir les gélules dans l’obscurité, car la vitamine A est instable à la lumière, et d’administrer le médicament avec un peu de lait, par exemple, et en deux prises quotidiennes [19]. Les parents doivent être prévenus de la chronicité de l’acné et de sa réapparition possible à la puberté. La durée moyenne du traitement de l’acné infantile varie de six à quarante mois [21]. TRAITEMENT DES CICATRICES La survenue de cicatrices d’acné est corrélée au site des lésions acnéiques, à la sévérité de l’acné et au délai avant la mise en route d’un traitement adéquat. Les causes de cicatrices d’acné peuvent être divisées en deux groupes : une formation excessive de tissu responsable de cicatrices hypertrophiques ou chéloïdes, ou un dommage tissulaire responsable de cicatrices atrophiques type pic à glace, rolling ou Médecine & enfance boxcar). La prise en charge des cicatrices d’acné est complexe. Elle nécessite une consultation spécifique pour expliquer au patient les différentes modalités de traitements (avec les effets secondaires possibles et les complications) et pour écouter ses attentes. Le plus souvent, il s’agit d’une combinaison de plusieurs traitements : relèvement de cicatrice au punch, comblement avec collagène autologue ou acide Références [1] TAYLOR M., GONZALEZ M., PORTER R. : « Pathways to inflammation : acne pathophysiology », Eur. J. Dermatol., 2011 ; 21 : 323-33. [2] BOWE W.P., LOGAN A.C. : « Clinical implications of lipid peroxidation in acne vulgaris : old wine in new bottles », Lipids Health Dis., 2010 ; 9 : 141. [3] MAKRANTONAKI E., GANCEVICIENE R., ZOUBOULIS C. : « An update on the role of the sebaceous gland in the pathogenesis of acne », Dermatoendocrinol., 2011 ; 3 : 41-9. [4] BALLANGER F., BAUDRY P., N’GUYEN J.M. et al. : « Heredity : a prognostic factor for acne », Dermatology, 2006 ; 212 : 145-9. [5] SHAHEEN B., GONZALEZ M. : « A microbial aetiology of acne : what is the evidence ? », Br. J. Dermatol., 2011 ; 165 : 474-85. [6] SZABÓ K., KEMÉNY L. : « Studying the genetic predisposing factors in the pathogenesis of acne vulgaris », Hum. Immunol., 2011 ; 72 : 766-73. [7] EICHENFIELD L.F., KRAWKOWSKI A.C., DEL ROSSO J. et al. : « Evidence-based recommendations for the diagnosis and treatment of pediatric acne », Pediatrics, 2013 ; 131 (suppl. 3) : S163-86. [8] GOLDBERG J.L., DABADE T.S., DAVIS S.A. et al. : « Changing hyaluronique, atténuation des pigmentations postinflammatoires par peeling ou laser, induction de la formation de collagène par technique de microabrasion, laser ablatif ou fractionné [22]. CONCLUSION L’acné est une pathologie complexe qui peut laisser des cicatrices physiques et psychologiques. L’amélioration récente age of acne vulgaris visits : another sign of earlier puberty ? », Pediatr. Dermatol., 2011 ; 28 : 645-8. [9] KIM W., MANCINI A.J. : « Acne in childhood : an update », Pediatr. Ann., 2013 ; 42 : 418-27. [10] AUFFRET N., REVUZ J., POLI F. et al. : « Algorythme de traitement de l’acné juvénile du visage », Ann. Dermatol. Vénéréol., 2011 ; 138 : 23-9. [11] NAST A., DRÉNO B., BETTOLI V. et al. : « European evidence-based (S3) guidelines for the treatment of acne », J. Eur. Acad. Dermatol. Venereol., 2012 ; 26 (suppl. 1) : 1-29. [12] KIRCIK L.H. : « The role of benzoyl peroxide in the new treament paradigm for acne », J. Drugs Dermatol., 2013 ; 12 : s73-6. [13] EICHENFIELD L.F., DRAELOS Z., LUCKY A.W. et al. : « Preadolescent moderate acne vulgaris : a randomized trial of the efficacy and safety of topical adapalene-benzoyl peroxide », J. Drugs Dermatol., 2013 ; 12 : 611-8. [14] SARDANA K., GUPTA T., GARG V.K., GHUNAWAT S. : « Antibiotic resistance to propionobacterium acnes : worldwide scenario, diagnosis and management », Expert Rev. Anti-infect. Ther., 2015 ; 13 : 883-96. [15] SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE DERMATOLOGIE, HAUTE AUTORITÉ DE SANTÉ : « Recommandations de bonne pratique : prise en charge de l’acné », 20 octobre 2015, www.sfdermato.org/me novembre 2016 page 282 de la connaissance des mécanismes physiopathogéniques en jeu dans l’acné permet de la considérer comme une pathologie inflammatoire dès le stade infraclinique. L’information du patient et de sa famille sur la pathogénie, et les conseils donnés au cours de la consultation, répétés au cours du suivi, permettent d’améliorer la compliance au 첸 traitement. L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt. dia/pdf/recommandation/label-recommandations-acne-postcollege-54ac60356d1b9584a71ccaac92cf3724.pdf. [16] BOROVAYA A., OLISOVA O., RUZICKA T., SÁRDY M. : « Does isotretinoin therapy of acne cure or cause depression ? », Int. J. Dermatol., 2013 ; 52 : 1040-52. [17] TORRELO A., PASTOR M.A., ZAMBRANO A. : « Severe acne infantum successfully treated with isotretinoin », Pediatr. Dermatol., 2005 ; 22 : 357-9. [18] SARAZIN F., DOMPMARTIN A., NIVOT S. et al. : « Treatment of an infantile acne with oral isotretinoin », Eur. J. Dermatol., 2004 ; 14 : 71-2. [19] BARNES C.J., EICHENFIELD L.F., LEE J., CUNNINGHAM B.B. : « A practical approach for the use of oral isotretinoine in infantile acne », Pediatr. Dermatol., 2005 ; 22 : 166-9. [20] LÉAUTE-LABRÈZE C., GAUTIER C., LABBÉ L., TAIEB A. : « Acné infantile et isotrétinoïne », Ann. Dermatol. Vénéréol., 1998 ; 125 : 132-4. [21] CUNLIFFE W., BARON S., COULSON I.H. : « A clinical and therapeutic study of 29 patients with infantile acne », Br. J. Dermatol., 2001 ; 145 : 463-6. [22] SÁNCHEZ VIERA M. : « Management of acne scars : fulfilling our duty of care for patients », Br. J. Dermatol., 2015 ; 172 (suppl. 1) : 47-51.