P Familles et schizophrénies DOSSIER THÉMATIQUE Families and schizophrenias

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DOSSIER THÉMATIQUE
Familles et schizophrénies
Families and schizophrenias
J. Miermont*
P
eut-on parler des schizophrènes ?
Si le titre et le thème de cet article ne sont
pas “Les schizophrènes et leur famille”, mais
“Familles et schizophrénies” c’est pour plus d’une
raison.
D’une part, il apparaît conjectural d’identifier des
personnes souffrant de graves maladies à ces maladies elles-mêmes, en particulier lorsqu’il s’agit de
schizophrénies : s’agit-il, en effet, d’un seul type
de maladie ou d’une constellation hétérogène de
formes cliniques dont les frontières diffèrent souvent
selon les écoles de pensée, et dont le diagnostic
varie non moins souvent d’un clinicien à un autre ?
Pour autant, je ne me ferai pas l’apôtre inconditionnel de la formule, fréquemment utilisée par
les systémiciens, de “patient désigné”, qui risque, à
l’inverse, de discréditer l’identification des pathologies et de laisser supposer que cette identification
serait soluble dans une amélioration des communications familiales et sociales. À tout prendre, la
dénomination de “personne présentant des troubles
schizophréniques”, même si elle peut sembler politiquement correcte, a au moins le mérite de ne pas
identifier l’être humain malade à sa maladie, de ne
pas en faire nécessairement le sujet de sa folie, et
de signifier que la complexité de sa personne ne se
réduit pas à ce qui la fait souffrir et fait souffrir ses
proches, ni à l’état de “malade mental”.
D’autre part, la fréquentation assidue, depuis plus de
trente ans, des familles confrontées à ces formes de
maladie m’a fait découvrir que la schizophrénie de
l’un de leurs membres est indissociable de la souffrance qui s’exprime chez eux. Il arrive même que
plusieurs schizophrénies soient à l’œuvre au sein
d’une même famille. Enfin, l’on observe fréquemment que des perturbations ou des singularités de
caractère ou de personnalité, que l’on rattache au
spectre des schizophrénies (schizoïdie, schizotypie,
paranoïa), sont présentes dans ces familles.
J’ai appris à considérer que ces diverses dénominations fonctionnaient comme des noms d’oiseaux,
de même que toutes les appellations péjoratives
qui fleurissent dans le champ psychiatrique et dans
celui des thérapies familiales concernant les attitudes, les comportements et les relations affectés
par les maladies schizophréniques. Dans ce qui suit,
j’essaierai de montrer en quoi ces noms d’oiseaux,
qui renvoient à des tendances à la désorganisation,
à la destruction, à l’hostilité sont conjointement les
signes de potentialités de réorganisation, de création et d’apaisement contribuant à la réalisation
d’objectifs thérapeutiques.
Différents courants
Les courants classiques des thérapies familiales ont
cherché le plus souvent à décrire les dysfonctionnements des familles confrontées à la schizophrénie de
l’un de leurs membres : les troubles du cours de la
pensée présents chez leurs membres, les distorsions
ou les clivages du couple parental, l’indifférenciation
des sexes et des générations et “l’incestualité”, selon
des courants psychanalytiques ; les double binds,
les triangles pervers, les frontières perméables, les
relations enchevêtrées, la masse d’ego indifférenciés,
l’indifférenciation des selfs sur plusieurs générations,
la saturation des tensions et des angoisses par la
triangulation à l’intérieur de la famille, conduisant
à la projection familiale sur l’environnement social,
les conflits de loyauté, la pseudo-mutualité et la
pseudo-hostilité, voire les coups tordus selon les
courants systémiques. Le point commun sous-jacent
à ces deux courants est l’hypothèse d’une pathologie
familiale, voire d’une pathogenèse familiale.
Pour les tenants de la mouvance comportementale et cognitive, la famille n’est pas pathologique,
et elle est encore moins la cause de la maladie
schizophrénique. Si elle est sollicitée, c’est pour être
informée du diagnostic, des connaissances actuelles
sur la maladie et des traitements appropriés. Il ne
s’agit donc plus de faire la thérapie de la famille, mais
* Centre hospitalier Paul-Guiraud,
Villejuif.
La Lettre du Psychiatre • Vol. VI - n° 2 - mars-avril 2010 | 41
Résumé
Mots-clés
Schizophrénies
Familles
Psychothérapies
Highlights
Since more than thirty years,
consultations with patients
who present schizophrenic
disorders and with their families have allowed to develop
specific methods of therapeutic
interventions. They are based
on meeting’s ritualization, ordinary conversations, suffering
mind’s gathering and ordering
rest, reorganization of care’s
contexts. They have to deal
with the respect of human
dignity, of common believes
and values of the persons, in a
forecast approach of learnings
performed between patients,
families and therapists, through
the creation of a shared history.
Keywords
Schizophrenias
Families
Psychotherapies
Les consultations avec des patients souffrant de schizophrénie et avec leur famille, effectuées depuis plus
de trente ans, ont permis de développer des modalités d’interventions thérapeutiques spécifiques. Elles
reposent sur la ritualisation des rencontres, l’instauration de conversations ordinaires, le rassemblement
et la mise au repos de l’esprit en souffrance, la réorganisation des contextes de soins. Elles impliquent le
respect des personnes, de leurs valeurs et de leurs croyances collectives, dans une démarche prospective
d’apprentissages réalisés par les patients, les familles et les thérapeutes, par la création d’une histoire
partagée.
de lui proposer un programme de psycho-éducation.
Des échelles d’évaluation permettent d’apprécier le
niveau d’expression émotionnelle de la famille. À
la suite de recherches psycho-sociologiques, il est
apparu que lorsque ce niveau est élevé (tendance à
la critique, à l’hostilité, à la surimplication, à l’envahissement et à l’intrusion), les décompensations
et les hospitalisations étaient plus fréquentes que
dans les familles où ce niveau d’expression émotionnelle était bas. Ce paramètre n’est pas spécifique
des troubles schizophréniques ; il se retrouve dans
des familles confrontées à d’autres pathologies, et
même dans des familles dans lesquelles personne
n’est atteint d’une maladie grave. Des méta-analyses
portant sur des cohortes très conséquentes sous
toutes les latitudes montrent que, dans les familles
entraînées à faire face aux troubles du patient et
à réduire l’intensité des manifestations émotionnelles, le taux de rechutes et de réhospitalisations
est significativement diminué par comparaison avec
ce qu’il est dans des familles ne participant pas à un
programme de psycho-éducation.
D’autres orientations éco-systémiques ont vu le
jour, abandonnant l’hypothèse d’une pathologie ou
d’une pathogenèse familiale : les thérapies centrées
sur la solution, les thérapies narratives et conversationnelles, les thérapies prospectives, centrées sur
l’interface personnelle, familiale et sociale. La prise
en compte des circuits complets de l’esprit (qui ne
sont pas limités par l’enveloppe corporelle, et se
prolongent par tout ce qui donne sens et valeur à la
vie dans l’environnement [1]) conduit à soulager la
souffrance corporelle et mentale par l’instauration
de contextes apaisants.
Demande
La consultation familiale opère souvent dans un
premier temps comme une aide aux décisions
psychiatriques : lorsqu’il existe des troubles psychotiques majeurs, des perturbations comportementales, voire des atteintes somatiques pouvant
rapidement mettre en jeu le pronostic vital,
solliciter l’avis de la famille devient une nécessité urgente. Cette démarche, déjà décrite par P.
Pinel dans son Traité médico-philosophique sur
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l’aliénation mentale (2), permet le plus souvent
de recueillir des informations précieuses pour la
conduite à tenir sur le plan psychiatrique. Elle
permet de créer une alliance avec la famille et
s’accompagne fréquemment d’une diminution
des angoisses tant chez les soignants que chez les
membres de la famille, ainsi que d’une atténuation
des troubles chez le patient.
La demande des membres de la famille est rarement une demande de thérapie familiale ; elle est
habituellement distincte, voire opposée aux objectifs thérapeutiques des psychiatres et des équipes.
Observons que les dynamiques respectives de la
famille et des équipes thérapeutiques apparaissent
alors en opposition de phase : là où les thérapeutes
perçoivent un progrès, les membres de la famille
décrivent une régression. Loin d’être fiables, les résonances émotionnelles peuvent conduire à des erreurs
d’appréciation graves. Les troubles de l’attribution
d’intentions à autrui et les défaillances de l’empathie
rendent conjecturale la capacité à se mettre à la
place d’autrui et à développer un insight. L’expression
dramatique d’une situation perçue comme catastrophique est susceptible de symboliser le danger. À
l’inverse, le sentiment partagé d’une amélioration,
voire d’une guérison spectaculaire, peut précéder la
survenue d’un accident grave ou d’une issue fatale.
L’apport majeur de l’œuvre de G. Bateson (1) et de
celles de ses successeurs a consisté à repérer ces
mouvements respectifs de compétition et d’hostilité
comme relevant d’une schismogenèse symétrique
dont l’issue habituelle est la rupture des liens entre
la famille et l’équipe de soins. L’intérêt d’une telle
conception est d’envisager des formes complémentaires de relation, permettant de rééquilibrer les
escalades symétriques, en rétablissant des liens
marqués par la réciprocité, la solidarité et le partenariat.
Les membres de l’équipe de soins et des thérapeutes
adressent une demande d’aide à la famille, à partir
des difficultés qu’ils rencontrent dans la prise de
décisions (permissions, sorties lors d’une hospitalisation) et dans les prescriptions (de psychotropes,
d’orientation vers telle ou telle structure de soins,
d’accompagnement et d’apprentissage). Dans un
grand nombre de cas, les familles répondent favorablement à cette demande d’aide. Les processus
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de concertation, d’échange d’informations et de
délibération font des consultations familiales un
apport majeur aux processus thérapeutiques, en
permettant de faire connaissance, d’établir un climat
de confiance, d’atténuer les tensions qui sont sources
de violence et de diminuer les risques de passage
à l’acte.
Dans ce contexte de rencontres, la question du
diagnostic se pose bien souvent.
Diagnostic
La manière dont on envisage le diagnostic de schizophrénie interfère avec le cours de son évolution :
si l’on considère que la maladie se caractérise par
une aggravation inexorable, il devient périlleux
d’énoncer le diagnostic sans faire passer comme
message que les traitements ne seront que des pisaller ; si, à l’inverse, on envisage que des améliorations mesurées sont envisageables, les hypothèses
qui relèvent du diagnostic deviennent relatives aux
modifications de l’expression des troubles en fonction des traitements pharmacologiques et psychothérapiques proposés, et le projet thérapeutique
devient source d’espoir. Alors que les signes d’appel
varient beaucoup selon les écoles de psychiatrie
(syndrome de discordance, trouble des associations,
dissociation de la personnalité, éparpillement de
l’esprit, hallucinations et syndrome d’influence,
atteintes cognitives, etc.), l’annonce du diagnostic
est très diversement reçue selon les personnes et les
familles concernées : entre le déni du diagnostic et
son appropriation stigmatisante, on peut observer
toute une gamme de réactions allant d’une résignation plus ou moins délétère à une acceptation
constructive d’un système de référence susceptible
de se modifier avec le temps.
Chez les thérapeutes familiaux, deux courants philosophiques se sont démarqués de ce qui précède : le
constructivisme et la théorie du “patient désigné”
conduisent à penser que la description des symptômes est une construction de l’esprit relative aux
interactions familiales et sociales ; le constructionnisme social en vient à renoncer à la reconnaissance
d’un savoir spécialisé, la connaissance ne relevant
que de narrations et d’échanges sociaux entre les
patients, les familles et les professionnels consultés.
La voie ici proposée consiste à envisager que l’impact du partage des conceptions des cliniciens, des
thérapeutes, des patients et des familles peut déboucher sur une revalorisation des compétences et des
performances de chacun.
Embûches
Les embûches sont nombreuses : recourir à des “noms
d’oiseaux” qui stigmatisent les patients et les familles,
aux associations libres là où le flux des pensées et des
affects est sous l’emprise des processus primaires, aux
explorations transgénérationnelles des traumatismes
qui risquent d’amplifier les sentiments de culpabilité
et de honte et les accusations réciproques. De même,
les résonances sont souvent trompeuses : le patient
peut donner l’impression d’une amélioration à sa
famille, à l’équipe de soins et aux thérapeutes familiaux tandis qu’il donne le change et qu’il programme
son suicide. Les capacités de résilience sont habituellement très réduites, rendant toute velléité de
changement contre-performante.
Éco-étho-anthropologie
de la clinique familiale
Si les souffrances schizophréniques affectent à des
titres divers les personnes d’une même famille, voire
les professionnels qui cherchent à les soulager, ces
derniers peuvent être aidés dans leurs démarches
en tentant de compenser les défaillances constatées
sur plusieurs registres interdépendants (3).
Registre des expériences
et des rituels familiaux
Ce registre des expériences et des rituels familiaux
conduit à poser la question suivante : “Quoi ? Quels
sont les événements qui surgissent dans la banalité apparente de l’échange et devant les multiples
tendances à la déritualisation lors des séances ?”
La rencontre clinique permet de circonscrire le
domaine du constat partagé d’échec et d’impuissance
entre famille, soignants et thérapeutes ; elle cherche
à canaliser la tension émotionnelle et à réduire les
angoisses face à l’incertitude ; elle repose sur la liberté
de participation, et relève d’un voyage thérapeutique
où les pilotes que sont les thérapeutes familiaux sont
sous le contrôle des aiguilleurs du ciel que sont les
psychiatres référents et les équipes de soins.
Registre des croyances
et des mythes familiaux
Dans ce registre, c’est cette interrogation qui a cours :
“Pourquoi ? Pourquoi les liens se délitent-ils, les
discordes l’emportent-elles sur la consolidation de
valeurs partagées, pourquoi la vie semble-t-elle ne
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DOSSIER THÉMATIQUE
La schizophrénie :
penser le soin
Familles et schizophrénies
plus avoir aucun sens ?” Il ne s’agit ni d’expliciter les
carences de carences qui ont fini par se cristalliser sur
plusieurs générations, ni de se nourrir de secrets de
famille éventés ou de relever des malentendus inextricables, des mystifications, des désinformations, des
embrouillaminis, des médisances voire des calomnies.
Il s’agit plutôt de créer avec la famille les conditions
d’une micro-histoire partagée en temps réel lors
des séances, dans une démarche prospective, lors
de laquelle de nouveaux systèmes de croyance et
de valeurs permettent de soutenir la différenciation
des personnes, lorsqu’elle est possible, et le respect
des unités de survie à deux ou à plusieurs lorsqu’elle
est indispensable.
Registre des connaissances
et de l’épistémè familiale
Références
bibliographiques
1. Bateson G. Vers une écologie
de l’esprit, tomes 1 et 2. Paris :
Seuil, 1995 et 2008.
2. Pinel P. Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale.
Paris : Les empêcheurs de penser
en rond/Seuil, 2005.
3. Miermont J. Écologie des liens.
Entre expériences, croyances,
connaissances (2e édition). Paris :
L’Harmattan, 2005.
4. Miermont J. Psychoses et
thérapies familiales. Paris :
éditions ESF, 1997.
5. Lorenz K. L’agression. Une
histoire naturelle du mal. Paris :
Flammarion, 1969.
6. Godelier M. Métamorphoses
de la parenté. Paris : Fayard 2004.
7. Todd E. La diversité du monde.
Famille et modernité. Paris : Seuil,
1999.
8. Miermont J. (ed.) : Ruses de
l’humain dans un monde rusé.
Paris : L’Harmattan, 2007.
Les connaissances et l’épistémè familiales concernent le “Comment ?” : “Comment éviter les causalités fallacieuses, culpabilisantes et accusatrices,
comment retrouver un début de sens à l’existence,
comment apprendre à faire connaissance et à se
reconnaître, à qualifier les efforts de chacun malgré
les difficultés, les limitations et l’adversité ?”
Les consultations familiales cherchent à développer
les compétences et les performances des familles
et des équipes de soins, l’acceptation d’échelles
d’évaluation du négatif de manière à envisager une
solution qui est “moins pire” que toutes les autres.
Elles permettent également un apprentissage réciproque des familles et des thérapeutes (où la psychoéducation familiale par les soignants se complète par
la psycho-éducation psychiatrique par les familles),
la compensation des taches aveugles et de la scotomisation de tout un chacun par la lumière d’autrui,
le dégagement des points de vue stigmatisants et
culpabilisants.
Elles conduisent à la prescription au patient de
restrictions d’activité par le repos de l’esprit en
présence de ses proches et le deutéro-apprentissage
(“apprendre à apprendre”) en temps réel, qui permet
d’éviter les réactions en chaîne vers les situations
les plus catastrophiques. Certaines métaphores sont
utiles : celle de la fracture permet d’envisager une
contention relationnelle suffisamment longue pour
le rassemblement et la consolidation des parties
éparpillées de l’esprit circulant entre le patient, sa
famille et ses soignants ; la métaphore de l’entorse
conduit à renforcer les contextes relationnels à la
périphérie de la zone où les liens sont distendus :
devant les zones d’impuissance reconnues de part
et d’autre, de telles rencontres avec la famille en
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viennent à explorer et à sécuriser les domaines
préservés contre l’envahissement de la pathologie.
Ces consultations familiales débouchent sur l’acceptation des désaccords dans le maintien des liens
et sur la reconnaissance des défaillances comme
chemin souvent nécessaire pour rebondir autrement. La mise en œuvre de cothérapies élargies à
l’ensemble des intervenants permet l’articulation des
thérapies institutionnelles, des chimiothérapies, des
thérapies familiales et de la réhabilitation sociale, et
elle débouche sur la création de hiérarchies enchevêtrées entre ces divers champs thérapeutiques.
Si, par exemple, les synthèses institutionnelles à
propos d’un patient relèvent d’une familiarisation
sociale de sa personne au travers des échanges de
l’équipe de soins, les consultations familiales font
émerger une socialisation familiale de cette même
personne. La coordination de ces deux processus
permet à la fois la réorganisation des contextes de
soins, respectant la continuité de l’accompagnement
et la différenciation des personnes, et la création
des systèmes organisationnels les plus à même de
répondre à la singularité de chaque cas (4).
Conclusion
Une nouvelle conception éco-systémique de la
personne et de la famille surgit des démarches
thérapeutiques citées ci-dessus. Il s’avère que la
famille n’est pas le fondement de la société, ni d’un
point de vue éthologique (5), ni d’un point de vue
anthropologique (6). Les dynamiques personnelles
et familiales émergent des dynamiques sociales, et
contribuent à leur évolution et à leurs transformations (7). Sur le plan clinique, il devient envisageable
de concevoir des psychothérapies personnelles en
présence des proches, voire des psychothérapies
de la personne la plus souffrante en leur absence.
L’esprit n’est pas séparable de ses circuits nerveux,
dont les effets circulent de corps à corps. Les traces
mnésiques laissées par une personne chez les autres
constituent une partie importante de son esprit.
Réunir les proches d’un patient schizophrène
contribue à reconstituer l’unité de son esprit.
Les thérapies familiales relèvent dès lors de la
recréation d’une histoire partagée, tenant compte
de la valeur dynamique des symptômes, soutenant
la prise de nouvelles initiatives, participant à une
psycho-réorganisation de la personne malade et
s’inscrivant dans une démarche où la ruse des ruses
dont dispose l’humain doit faire face à un monde
non moins rusé (8).
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