La Lettre du Sénologue • n° 47 - janvier-février-mars 2010 | 17
DOSSIER THÉMATIQUE
adapté à la cavité utérine, toujours après concertation
multidisciplinaire et avis éclairé de la patiente.
L’utilisation de progestatifs par voie orale à dose anti-
gonadotrope en contraception est une spécialité bien
française. Cette contraception, souvent bien mieux
tolérée que les microprogestatifs, en fait une alterna-
tive intéressante dans la population générale lors des
contre-indications, en particulier métaboliques, des
estroprogestatifs. De plus, s’il existe une mastopathie
bénigne, la correction d’un déséquilibre hormonal –
insuffisance en progestérone et hyperestrogénie relative
– impliqué dans la genèse de cette pathologie du sein
peut également avoir un intérêt certain.
Dans les années 1970, il était fréquent d’utiliser les
progestatifs, en particulier les dérivés de la nortestos-
térone en prévention du risque de cancer du sein.
Une étude de cohorte, initiée à la fin des années 1970
à partir des consultations de sénologie de deux centres
(hôpital Necker et institut Gustave-Roussy), a inclus
1 150 femmes présentant des mastopathies bénignes
ou des mastodynies essentielles (8). Dix ans plus tard,
les premiers résultats montraient que l’utilisation de
dérivés de la nortestostérone à doses antigonadotropes
était associée à une diminution du risque de cancer du
sein. L’emploi d’autres progestatifs dans les mêmes
conditions n’entraîne pas de modification du risque.
Ce suivi se poursuit à 20 ans et l’analyse des premiers
résultats confirme cette tendance.
Il s’agit bien entendu d’une étude épidémiologique d’ob-
servation dont les résultats gagneraient à être confirmés
par des essais randomisés, extrêmement difficiles à
réaliser sur d’aussi longues périodes, pourtant néces-
saires du fait du délai de la carcinogenèse mammaire.
Les résultats de l’étude E3N (9) sont en apparente
contradiction avec les résultats précédents. Pendant
9 ans, 73 664 femmes âgées de 40 à 50 ans ont répondu
à des autoquestionnaires sur l’utilisation des théra-
peutiques hormonales et les pathologies associées.
Globalement, l’usage de progestatifs n’est pas associé au
risque de cancer du sein, mais plus la durée d’utilisation
est longue, plus le risque augmente pour atteindre 1,13
pour une durée d’utilisation supérieure à 4,5 ans (p =
tendance 0,012).
Pour les femmes déjà sous progestatif au moment
du diagnostic, le risque de cancer du sein est de 1,44
(IC
95
: 1,03-2,00) pour le sous-groupe dont le traitement
progestatif dure plus de 4,5 ans.
Ces deux études sont difficilement comparables, car
les doses et les durées d’utilisation de progestatifs par
cycles ne sont pas connues dans l’essai E3N (pas de
notion d’effet antigonadotrope ou non). De plus, le
niveau de risque de base des deux populations n’est
pas identique et l’histoire antérieure des patientes de
l’étude E3N n’est pas connue, pas plus que l’indication
du traitement progestatif, ce qui peut induire un biais
de sélection.
Les hypothèses actuellement discutées pour expliquer
ces différences portent sur les susceptibilités indivi-
duelles au cancer du sein (polymorphismes) ou la déter-
mination génétique de la structure des récepteurs aux
androgènes.
En l’absence d’études randomisées, les progestatifs per
os à dose antigonadotrope ne peuvent cependant pas
être acceptés comme contraception en cas d’antécédent
de cancer du sein.
Paradoxalement, le produit le plus étudié est le MPA
retard, un acétate de médroxyprogestérone administré
à dose antigonadotrope par voie intramusculaire, le
produit le moins prescrit.
Sur quatre études réalisées, trois études (méta-analyse
d’Oxford, étude de Shapiro portant sur des femmes
sud-africaines, importantes utilisatrices de ce type de
contraception mais à faible risque de cancer du sein, et
étude Care, portant sur des femmes américaines), n’ont
montré aucune augmentation du risque de cancer du
sein avec ce type de contraception, cependant assez
peu utilisée et indiquée surtout chez des femmes ne
pouvant pas s’astreindre à la prise quotidienne d’un
comprimé, du fait d’une tolérance plutôt médiocre.
Seule la 4 Corners Study, une étude cas-témoins
récente, a montré une discrète augmentation du risque
dans un seul sous-groupe de femmes utilisant ce type
de contraception pour la première fois après l’âge de
35 ans (OR : 1,98 ; IC
95
: 1,12-3,52), ce risque disparais-
sant 5 ans après la dernière prise.
Par ailleurs, il semble que le MPA retard entraîne une
diminution de la densité mammographique ; cela peut
être intéressant, car la hausse de densité mammogra-
phique complique le dépistage en augmentant le taux
de faux négatifs mais est aussi associée à une prolifé-
ration mammaire accrue qui peut refléter une hausse
du risque de cancer du sein.
Dans certains cas, les effets du MPA retard pourraient
peut-être lui conférer des avantages qui l’emporteraient
sur les risques potentiels.
En résumé, dans la mesure du possible, une contracep-
tion non hormonale doit être préférée chez la femme
qui a été traitée pour un cancer du sein, le stérilet au
cuivre restant la méthode de choix.
Si cette solution est vraiment mal tolérée, un contra-
ceptif hormonal peut être envisagé, avec une grande
prudence. Les estroprogestatifs restent totalement
contre-indiqués.
En ce qui concerne les progestatifs, les formes orales
ne paraissent pas très intéressantes, encore qu’il faille
distinguer les microprogestatifs, mal tolérés et sans