44 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XII - n° 3 - mai-juin 2009
EN UNE RÉFÉRENCE
est inconnue. Pour preuve, la grande variation des complications
rapportées dans la littérature gastroentérologique (2 à 30 %).
À notre avis, ces complications sont sous-estimées, car elles ne
sont pas systématiquement recherchées. Comme le souligne
Hervé Dutau, de nombreux patients ne bénéficient pas d’une
évaluation bronchoscopique initiale avant la pose de la prothèse
œsophagienne. Nous pensons que, en cas de complications
respiratoires non asphyxiques, beaucoup de patients sont consi-
dérés comme ayant une évolution péjorative de la maladie, le
traitement endoscopique étant considéré comme palliatif.
Les deux groupes de malades de notre étude sont parfaitement
comparables à la phase initiale, c’est-à-dire avant l’intervention
œsophagienne
(cf. PLoS ONE 2008;3[8]:2, tableau II)
, l’impact
de la prothèse œsophagienne ayant un retentissement majeur
sur la survie.
Nous comprenons l’interrogation d’Hervé Dutau sur les
méthodes. Tous ces patients ont eu une évaluation préalable
(ce qui, déjà, est un progrès). Cependant, ce n’est pas parce
que le pneumologue émet des recommandations, des réserves
ou des conseils que ceux-ci sont suivis ! La réalité quotidienne
est différente. Comme le souligne Hervé Dutau, la pneumologie
interventionnelle est une discipline confidentielle et balbutiante.
Beaucoup de nos collègues pneumologues n’ont pas d’expé-
rience en la matière. Devant une fistule trachéale ou bronchique
avérée, on peut facilement estimer que la mise en place d’une
prothèse œsophagienne permettra d’occlure la fistule, sans
penser que le retentissement sur l’arbre bronchique peut être
majeur. Cette attitude est d’ailleurs revendiquée par beaucoup
de gastro-entérologues. L’idée d’un appareillage préalable de
l’arbre bronchique est assez audacieuse, car la logique veut
que l’on commence par l’organe initialement atteint.
Nous avons eu beaucoup d’échecs dans le groupe des patients
admis en urgence, ce qui a étonné Hervé Dutau. Tous les échecs
ne sont pas dus uniquement à un problème technique. L’état
général de ces patients est précaire, et l’anesthésie est parfois
difficile (ou infaisable). En cas de protrusion de la prothèse
œsophagienne dans la trachée ou la bronche souche gauche,
il est relativement facile de mettre en place une prothèse
endobronchique après une dilatation au ballon qui repousse
la prothèse vers l’œsophage. En revanche, la mise en place
d’une prothèse de Dumon en Y est beaucoup plus complexe
(indication dans le cas de la figure 1 de l’article initial, PLoS ONE
2008;3[8]:2)
. Une petite prothèse ne répond pas forcément à
la situation et risque d’être écrasée par la force d’expansion
de la prothèse œsophagienne. Une grosse prothèse en Y est
difficile à positionner quand la lumière trachéobronchique
est encombrée par la prothèse œsophagienne et par du tissu
tumoral. Ces situations complexes sont exacerbées pour des
praticiens polyvalents qui n’ont pas le niveau d’expertise des
centres de référence. Les nouvelles prothèses métalliques en Y
montées sur fil guide permettront certainement de simplifier ces
procédures techniques. Au bout du compte, les résultats sont
malheureusement identiques, ce qui justifie l’adage employé
par Hervé Dutau : “Mieux vaut prévenir que guérir”. Nous
adhérons totalement à cette idée (même si, dans le contexte,
le mot “guérir” n’est guère adéquat), et c’est bien l’esprit de
l’article publié dans
PLoS ONE
. La concertation est également
devenue la règle en cancérologie au travers des unités de
concertation pluridisciplinaire (UCP). Le caractère insulaire de
l’Île de la Réunion et le petit nombre d’endoscopistes inter-
ventionnels (gastro-entérologues et pneumologues) a permis
de mettre en place une procédure d’évaluation. Nous pensons
que cette attitude a amélioré la prise en charge de ces patients
et limité les hospitalisations non programmées, sources d’une
mauvaise qualité de vie pour les malades et d’une inflation
des coûts de santé pour la société.
Le concept de prothèse préventive que nous avons employé
dans l’article peut surprendre ou irriter le lecteur. Dans notre
expérience, la mise en évidence d’une compression extrinsèque,
même mineure, associée à une rigidité de l’arbre bronchique
sur la zone concernée lors d’une manœuvre de toux suggère
un risque d’atteinte de la paroi bronchique en cas d’insertion
d’une prothèse œsophagienne. C’est dans ces conditions que
nous avons préconisé de mettre en place une prothèse endo-
bronchique de contre-pression. Ces compressions extrinsèques
sans infiltrations de la muqueuse bronchique et, a fortiori, sans
signes de fistule ne sont pas forcément reconnues comme une
lésion significative. L’un des quatre relecteurs de notre article
considérait aussi que la compression extrinsèque endobronchique
était un élément pathologique majeur, mais il ne précisait pas
le pourcentage d’obstruction de la lumière bronchique.
Comme le souligne Hervé Dutau, bien des interrogations demeu-
rent, et encore une fois notre article n’a jamais eu la prétention
d’y répondre. Le choix de présenter notre travail dans une
revue en accès libre (téléchargement gratuit) et généraliste
était délibéré, afin de permettre une diffusion pluridiscipli-
naire. Les pistes de travail proposées par Hervé Dutau sont
incontournables, et nous en mesurons la difficulté. Une étude
française ou européenne serait intéressante pour répondre
à ces questions. Nous serions bien sûr heureux de pouvoir y
participer et d’apporter notre modeste expérience.
En attendant des recommandations fondées sur des niveaux de
preuve élevés, nous espérons que notre travail pourra contri-
buer à une meilleure coopération entre gastroentérologues et
pneumologues, afin de parvenir à prendre en compte ensemble
les différents organes concernés. ■
L’article est téléchargeable sur le site de PLoS ONE et de PubMed.