Le Courrier de la Transplantation - Volume VIII - n
o 3 - juillet-août-septembre 2008
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singularité
sont à prendre en compte. En effet, s’agis-
sant d’immunosuppresseurs, l’augmenta-
tion des concentrations lors d’un surdosage
entraîne, outre un risque d’exacerbation
des toxicités, une exagération de l’effet
thérapeutique et de ses conséquences, en
l’occurrence des risques néoplasiques mais
surtout infectieux. De tels surdosages sont
très fréquemment consécutifs à une inte-
raction d’inhibition métabolique, singuliè-
rement en présence d’anti-infectieux.
Le risque de sous-dosage est générale-
ment plus délicat à détecter et à évaluer,
en l’absence d’un marqueur d’efcacité
spécique facile à mettre en œuvre. En
outre, il est moins aisé de détecter un signal
plus faible. Ce risque, en partie maîtrisé
par la polythérapie dans l’indi cation immu-
nosuppressive, reste un enjeu important
dans la mucoviscidose.
Dans la pratique courante, c’est la concen-
tration résiduelle minimale avant la prise
suivante (C0) qui reste le paramètre de
choix du STP. D’autres mesures des
concentrations (autour du pic le plus
souvent), voire une aire sous la courbe
(ASC) simpliée, peuvent être utilisées
dans les phases difficiles d’adaptation
pour évaluer la réalité de l’exposition
au médicament au cours d’une prise. On
dispose à présent de valeurs de référence
pour certains médicaments clés, y compris
dans la transplantation pulmonaire pour
mucoviscidose.
Il est aujourd’hui assez facile de réaliser
des dosages sanguins ou plasmatiques de la
plupart des médicaments soit par immuno-
analyse, soit par chromatographie ; il
sera possible à l’avenir de les effectuer
de manière généralisée, en couplant ces
techniques à la détection par spectrométrie
de masse en tandem, qui confère spécicité
et précision pourvu que les calibrations
soient standardisées. La plage analytique
de ces techniques est souple et étendue, et
permet une bonne adaptation aux concen-
trations cibles variables de ces nouvelles
associations.
En présence d’une mucoviscidose, les
concentrations cibles des médicaments
d’enjeu vital peuvent être plus élevées
que dans les autres terrains et indications,
comme le cœur et le rein dans le cas des
immunosuppresseurs.
On observe naturellement une diminution
des concentrations cibles au cours du temps
en post-transplantation, mais aussi dans les
années qui suivent, en partie du fait de
l’augmentation du nombre des associations
prescrites et de leur nature.
Les cibles de FK et de CsA sont fonction
de l’association immunosuppressive et
suivent les contraintes de l’organe trans-
planté le plus exigeant (poumon).
La mise en œuvre d’un relais entre le CsA
i.v. et le FK oral doit ménager une fenêtre
thérapeutique de 12 à 24 h pour éviter le
recouvrement entre CsA et FK, à l’origine
d’un risque de surdosage pharmacociné-
tique et pharmacodynamique.
Lors d’un changement de voie, il est
particulièrement important de prendre en
compte la différence de biodisponibilité de
la voie orale, biodisponibilité qui peut être
particulièrement faible dans le cas de la
mucoviscidose, et aussi, lorsque c’est perti-
nent, la mise en œuvre de la composante
intestinale d’une interaction métabolique
médiée par le CYP3A4 ou la Pgp, qui ne
s’exprime que peu ou pas par voie i.v.
Le MMF ne dispose pas d’une recomman-
dation de STP de même niveau de justi-
cation. Y recourir peut être nécessaire
ponctuellement, notamment pour écarter
l’implication d’un surdosage en cas de
neutropénie ou d’une autre modication
hématologique. Cette surveillance devient
importante quand l’accès aux autres traite-
ments immunosuppresseurs est restreint.
Les cibles de MMF sont nalement peu
différentes, l’augmentation de sa posologie
étant compensée par le plus faible poids
(50 mg/kg/j versus 35 mg/ kg/j). Comme
dans le cadre des autres transplantations,
la coprescription avec le FK doit prendre
en compte les aspects pharmacocinéti-
ques (pas d’interaction avec la CsA) et
pharmaco dynamiques (puissance immu-
nosuppressive de l’association).
On dispose de peu de données dans le cadre
des ISP, lesquels n’ont pas d’indication en
transplantation pulmonaire.
Cependant, leur utilité potentielle est la
même que dans les autres transplanta-
tions d’organe solide et ils se trouvent
donc évalués et/ou prescrits en recours.
Le SRL est peu utilisé, à court terme en
raison du risque chirurgical (lymphocèle,
suture, déhiscence), secondairement parce
qu’il est difcile à manier (longue demi-
vie, IAM, effets indésirables nombreux,
notamment cutanéo-muqueux).
Le RAD est a priori plus accessible. Sa
biodisponibilité orale est plus faible que
dans les autres utilisations, ce phéno-
mène étant en outre majoré par l’absence
d’inhi bition métabolique exercée par la
CsA. Dans notre expérience, les posologies
doivent donc être majorées de l’ordre de
2,5 mg/ j, soit 0,05 à 0,06 mg/ kg/ j, pour
atteindre la partie basse de la zone thérapeu-
tique (3-8 ng/ ml). Le RAD s’avère facile à
manipuler et à adapter, notamment en cas
d’interaction pharmacocinétique. Les IAM
avec le RAD ont un prol superposable à
celui qui est expérimenté et décrit avec le
SRL, mais leur intensité est moins sévère
et elles sont plus faciles à corriger. Cela
autorise le maintien, dans l’arsenal théra-
peutique, de coprescriptions qui pourraient
relever de la contre-indication, comme celle
de voriconazole et de SRL.
Le léunomide a reçu une AMM dans le
cadre de la polyarthrite rhumatoïde, maladie
auto-immune, mais il peut être prescrit –
et l’est de plus en plus souvent –, comme
alternative aux ICN, qui peuvent induire
une néphrotoxicité importante, ou être
discuté devant une infection à virus BK.
Le STP doit intervenir devant tout problème
clinique ou biologique touchant le foie,
organe d’élimination, et le rein, cible de
toxicité, en particulier dans le cadre d’une
hospitalisation en soins intensifs ou en
réanimation, ou encore en cas de geste
chirurgical, digestif notamment. Il doit
porter de préférence conjointement sur
l’inhibiteur et l’inducteur du CYP3A4 qui
sont coprescrits. Il doit enn être réinitié
lors de tout changement : changement de
voie, de cotraitement, y compris immuno-
suppresseur, ou modication de dose.
Le coût du STP (prix de revient de
5 à 15 euros et facturation moyenne entre
B70 et B120, soit 25 à 35 euros par prélè-
vement) est très faible comparativement à
celui d’une journée d’hospitalisation pour
aggravation de l’état du patient ou à celui
des doses journalières de la plupart de ces
traitements.
Le risque le plus important à éviter est de
laisser s’installer un surdosage prolongé,