La Lettre du Sénologue • No 60 - avril-mai-juin 2013 | 15
Points forts
»La méthode de prévention primaire la plus efficace est la chirurgie prophylactique.
»
La réduction maximale du risque est obtenue par la combinaison d’une mastectomie bilatérale prophy-
lactique et d’une annexectomie bilatérale prophylactique. L’annexectomie est la seule chirurgie prophy-
lactique qui ait un bénéfice en survie démontré.
»
En cas de diagnostic de cancer du sein chez une femme mutée, le traitement conservateur est une option
valide. Après le traitement d’un cancer du sein, une mastectomie prophylactique controlatérale réduit le
risque de cancer controlatéral mais n’améliore pas la survie.
»
En cas d’antécédent de cancer du sein traité, seule l’annexectomie bilatérale prophylactique semble
apporter un bénéfice en survie.
Mots-clés
BRCA1/2
Cancer du sein
Cancer de l’ovaire
Prévention
Traitement chirurgical
Highlights
»
Patients with BRCA1/2 muta-
tion are at high risk of devel-
oping breast and ovarian
cancer.
»
The best cancer prevention, in
BRCA patients with no personal
history of cancer, relies on
bilateral mastectomy and/or
bilateral salpingo-oophorec-
tomy. Several techniques of
prophylactic mastectomy are
available: total mastectomy,
skin-sparing mastectomy and
nipple-sparing mastectomy.
»
After bilateral mastectomy,
immediate breast reconstruc-
tion with implants is often
performed.
»
In BRCA patients diagnosed
with breast cancer, breast
conservation is a valid option,
as it is equivalent to mastec-
tomy in terms of overall
survival. Contralateral prophy-
lactic mastectomy reduces
contralateral breast cancer risk
but does not improve survival.
In patients with a personal
history of breast cancer, only
bilateral salpingo-oophorec-
tomy seems to enhance overall
survival.
Keywords
BRCA1/2
Breast cancer
Ovarian cancer
Prevention
Surgical treatment
La chirurgie prophylactique repose sur la réalisa-
tion d’une annexectomie bilatérale prophylac-
tique (ABP), associée ou non à une mastectomie
bilatérale prophylactique (MBP). En théorie, cette
chirurgie devrait, pour permettre un gain en survie,
être réalisée précocement dans la vie d’une femme
mutée, le risque de décès par cancer du sein étant
plus élevé chez les femmes jeunes. Le bénéfi ce de la
chirurgie prophylactique, en termes d’espérance de
vie, dépend du type de mutation, des antécédents
cancérologiques personnels et de l’âge auquel est
réalisée cette chirurgie.
◆Mastectomie bilatérale prophylactique
La MBP permettrait de réduire de 85 à 100 % le
risque de survenue d’un cancer du sein (4, 5). Bien
que cela s’associe probablement à une réduction
de la mortalité globale (1), nous ne disposons à ce
jour d’aucune étude qui ait démontré un bénéfi ce
en survie de la MBP par rapport à la surveillance et
au dépistage du cancer à un stade précoce.
Différentes techniques de MBP ont été décrites :
mastectomie totale, mastectomie conservant l’étui
cutané (skin-sparing mastectomy) et mastectomie
conservant l’étui cutané (fi gure 1) et la plaque aréo-
lomamelonnaire (PAM) [nipple-sparing mastectomy]
(fi gures 2, 3, p. 16), qui est aujourd’hui la technique
la plus souvent proposée. Ces techniques semblent
équivalentes sur le plan de la réduction du risque
de survenue d’un cancer. Les techniques conserva-
trices de l’étui cutané et éventuellement de la PAM
facilitent la reconstruction mammaire et donnent
généralement de meilleurs résultats cosmétiques.
Le choix d’une technique de MBP repose essentiel-
lement sur le souhait de la patiente à qui ont été
expliquées, de manière exhaustive, les différentes
options chirurgicales (6). Avant une MBP, un bilan
d’imagerie avec IRM est recommandé afi n de limiter
le risque de découverte, lors de l’examen histologique
défi nitif, d’un cancer occulte. Après la MBP, la sur-
veillance repose sur un examen clinique annuel (7).
La MBP est le plus souvent associée à une reconstruc-
tion mammaire immédiate. Cette dernière repose sur
la mise en place de prothèses rétromusculaires dans
70 à 95 % des cas (8). L’utilisation de matrices der-
miques acellulaires est de plus en plus répandue, car
celles-ci facilitent la création de la loge prothétique et
limitent le risque de déplacement de l’implant (9). Par
ailleurs, si la patiente le souhaite et que sa morpho-
logie s'y prête et si ses comorbidités ne constituent
pas un obstacle, une reconstruction par 2 lambeaux
de type DIEP (Deep Inferior Epigastric Perforator), voire
2 lambeaux de grand dorsal, peut être envisagée (10).
Le recours au lipofi lling (autogreffe de tissu graisseux)
en complément de la reconstruction est très large-
ment pratiqué, comme chez les patientes non mutées.
Le taux de complications (précoces et tardives) après
une mastectomie et une reconstruction immédiate
varie entre 30 et 50 %. Le taux de reprise chirurgi-
cale, après une complication, varie entre 35 et 70 %.
Ce taux est plus important en cas de reconstruction
par implant (11). Ces chiffres doivent néanmoins
être relativisés, car plus de 1/3 de ces complica-
tions correspondent à des coques périprothétiques
qui peuvent être traitées par capsulotomie simple
(fi gure 4, p. 16).
◆Annexectomie bilatérale prophylactique
Le National Comprehensive Cancer Network amé-
ricain, de même que l’Institut national du cancer
(INCa), recommandent la réalisation, chez les
patientes porteuses d’une mutation prédisposante,
d’une ABP vers l’âge de 40 ans, sous réserve qu’il n’y
ait pas de projet de grossesse (7). En effet, l’ABP est
la seule intervention dont le bénéfi ce sur la survie a
été démontré. Par ailleurs, l’ABP réduit de 80 à 90 %
le risque de cancer de l’ovaire et de 50 % le risque
de cancer du sein (12).
Le geste chirurgical correspond à la réalisation d’une
annexectomie bilatérale (ovaires et trompes) avec
cytologie et biopsies péritonéales. Cette intervention
est réalisée par laparoscopie ; les suites opératoires sont
simples (13). La prescription d’une hormonothérapie
de substitution est le plus souvent associée à l’ABP.
Patientes mutées présentant
un cancer du sein
Traitement conservateur
La prise en charge chirurgicale doit être discutée
avec la patiente. Il est possible de réaliser un traite-
ment conservateur si le rapport du volume tumoral