économiques Bilan de l’économie mondiale 2012

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problèmes économiques
Le meilleur de la presse et des revues pour suivre l’actualité
N°
PREMIÈRE
QUINZAINE
12.2
12.
2012
DOM : 5 € - LUX : 4,90 € - MAROC : 54 MAD - TUN 7,500 TNM CFA 3500 - NC 810 XPF - POLYN 890 XPF
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2012
3056
HORS-SÉRIES 2012
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Problèmes économiques invite les spécialistes à faire le point
comprendre
NOVEMBRE
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VEMBRE 20
2012
12 NUMÉRO 2
HORS-SÉRIE
HORS-SÉRIE
comprendre
LES CRISES ÉCONOMIQUES
L’ÉCONOMIE FRANÇAISE
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SEPTEMBRE 20
2012
12 NUMÉRO 1
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de l’économie française
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23 rue d’Estrées - 75345 Paris cedex 07
problèmes économiques
Le meilleur de la presse et des revues pour suivre l’actualité
N°
3056
PREMIÈRE
QUINZAINE
12.2
12.
2012
> LA CRISE ALIMENTTAIRE EN MÉÉDITERRAN
DITERRANÉ
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NOUVELLE G
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Bilan de l’l’écconomie
mondiale 2012
Direction de l’information
légale et administrative
26, rue Desaix
75015 Paris
Rédaction
Patrice Merlot
(Rédacteur en chef)
Markus Gabel
(Analyste-rédacteur)
Stéphanie Gaudron
(Analyste-rédacteur)
Olivia Montel-Dumont
(Chef de projet éditorial, Horssérie)
A également collaboré à ce
numéro : Isabelle Dautresme
Traduction
François Boisivon, Rachel
Bouyssou, Diana Hochraich,
Fabienne Malfait-Duvillier,
Julie Marcot, Danielle Renon,
Marie-Agnès Schmitt,
Catherine Weinzorn
Édition
Julie Wargon
Promotion
Isabelle Parveaux
Secrétariat
Marie-France Raffiani
29, quai Voltaire
75344 Paris cedex 07
Tél. : 01 40 15 70 00
[email protected]
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/revues-collections/
problemes-economiques/
index.shtml
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Avertissement
Les opinions exprimées
dans les articles reproduits
n’engagent que les auteurs
Crédit photo : Corbis
© Direction de l’information légale
et administrative. Paris, 2012
Conception graphique
et infographie
Célia Petry
Nicolas Bessemoulin
En vente en kiosque et en librairie
(Adresses accessibles en ligne)
‘‘ L’édito
La situation économique reste fragile
En 2011, la reprise de l’activité économique a marqué le pas par rapport à
l’année précédente. Toutefois, les risques de détérioration dans la zone euro,
liés à la défaillance de certains États ou à la faillite de banques d’importance
systémique ont été jusqu’à présent écartés. Si des fragilités demeurent, la
confiance et les conditions financières se sont néanmoins améliorées au
cours de l’année 2012. Aux États-Unis comme dans plusieurs autres pays de
l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE),
la sortie de crise, même si elle reste fragile, est plus franche qu’en Europe.
Enfin, dans les économies émergentes, la reprise conjoncturelle est en
bonne voie. Quoi qu’il en soit, dans de nombreux pays, une longue période
d’ajustement marquée par un chômage élevé, une faible production et
d’importants déséquilibres budgétaires apparaît inévitable.
Sous-emploi et chômage persistants
L’absence de reprise vigoureuse est lourde de conséquences en termes
de réduction du sous-emploi et de chômage. Celui-ci n’a pour les pays de
l’OCDE que très peu baissé par rapport à son point haut atteint en octobre
2009 (8,5 %), s’établissant à 7,9 % en mai 2012, ce qui équivaut à 48 millions de chômeurs, soit environ 15 millions de plus qu’au début de la crise.
Compte tenu des perspectives de croissance, le taux de chômage – même
si on relève d’importantes différences selon les pays – devrait rester dans la
zone OCDE élevé durant encore assez longtemps.
Contraction du commerce mondial
et forte progression des IDE
Le ralentissement des échanges commerciaux a été très net en 2011, après
une année 2010 marquée par une croissance sans précédent du commerce
mondial. Les conséquences du tsunami qui a frappé le Japon, les inondations en Thaïlande, le Printemps arabe, l’atonie de la croissance dans les
pays de l’Union européenne ont pesé de façon importante sur les échanges.
L’année 2011 a également connu de fortes fluctuations de change qui ont
affecté la compétitivité de certaines grandes puissances commerciales
comme le Brésil. Au final, les exportations des pays en développement
(PED), hors Chine, ont augmenté un peu plus lentement que celles des pays
développés tirées par l’augmentation des ventes américaines. Quant aux flux
mondiaux d’investissements directs étrangers (IDE), ils ont fortement progressé en 2011 atteignant 2 500 milliards de dollars, soit leur niveau d’avant
la crise financière.
2
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
Sommaire
Bilan de l’économie mondiale
2012
P. 05
La croissance mondiale reste fragile
Perspectives économiques de l’OCDE | OCDE
P. 12 L’emploi souffre de la faiblesse de la reprise
Perspectives de l’emploi de l’OCDE | JOHN P. MARTIN
P. 18 La crise de la zone euro pèse sur les marchés
Rapport annuel | BANQUE DES RÈGLEMENTS INTERNATIONAUX
P. 23 L’inflation poursuit sa hausse
Rapport annuel de la Banque de France | CHRISTIAN NOYER
P. 30 Le commerce mondial s’est contracté
Rapport sur le commerce mondial 2012 | OMC
SOMMAIRE
P. 38 Les IDE retrouvent leur niveau d’avant la crise
Rapport sur l’investissement dans le monde 2012 | CNUCED
P. 45
pour en savoir plus
P. 46
La crise alimentaire en Méditerranée
Revue Tiers Monde | EUGINIA FERRAGINA ET DÉSIRÉE A. L. QUAGLIAROTTI
P. 54
La gouvernance financière et budgétaire européenne
Chronique internationale
inter nationale de l’IRES | ANNIE JOLIVET ET CATHERINE SAUVIAT
3
4
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
©
Sources
Banque de France – rapport annuel
La Banque de France publie chaque été
son rapport qui fournit des informations de
synthèse sur l’évolution de l’économie française
dans le contexte international, la monnaie et
le financement de l’économie, la balance des
paiements, l’activité des marchés de capitaux et
de change et le système bancaire et financier de
l’année écoulée.
Banque des règlements
internationaux – rapport annuel
La Banque des règlements internationaux, la
plus ancienne institution financière internationale,
créée en 1930, établit chaque année un rapport
qui dresse – sur fond de la situation économique
mondiale – un bilan de l’activité des marchés
de capitaux internationaux et de la situation des
banques de l’année écoulée.
Chronique internationale de l’IRES
Publication bimestrielle, publiée par l’Institut
de recherches économiques et sociales (IRES).
L’institut a été créé en 1982 par l’ensemble
des organisations syndicales représentatives
françaises, avec le concours du gouvernement.
Sa vocation est d’apporter aux organisations
syndicales des éléments d’appréciation et
d’analyse sur les questions économiques et
sociales.
Perspectives économiques l’OCDE
L’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) publie
chaque semestre une analyse des grandes
tendances économiques qui marqueront les deux
années à venir. Les Perspectives économiques
présentent un ensemble cohérent de projections
concernant la production, l’emploi, les prix et les
balances courantes, après avoir examiné chaque
pays membre et l’effet induit des évolutions
internationales sur ces derniers. Tous les pays
membres sont examinés ainsi que certains pays
non membres.
Rapport sur le commerce mondial
L’Organisation mondiale du commerce
(OMC) publie chaque année un rapport
qui vise à permettre de mieux comprendre
les tendances du commerce international, les
questions de politique commerciale et le système
commercial multilatéral.
Rapport sur l’investissement
dans le monde
La Conférence des Nations unies sur le
commerce et le développement (CNUCED)
publie chaque année un rapport sur
l’investissement direct étranger (IDE) à l’échelle
mondiale, régionale et nationale, ainsi que sur les
nouvelles mesures visant à accroître le rôle de
l’IDE en tant que vecteur de développement.
Revue Tiers Monde
Revue trimestrielle qui publie les résultats des
recherches sur le développement. Elle présente
des approches théoriques et études de cas dans
des dossiers thématiques ou sous forme d’articles.
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
LA CROISSANCE
MONDIALE
RESTE FRAGILE
Perspectives économiques de l’OCDE | OCDE
Problèmes économiques
Vue d’ensemble
> La reprise de la croissance mondiale
amorcée en 2010 a marqué le pas en 2011.
En 2012, en revanche, les perspectives
d’évolution sont moins pessimistes. Ainsi,
à l’instar des pays émergents, les ÉtatsUnis devraient renouer progressivement
avec la croissance. En Europe, les mesures
prises par les pouvoirs publics pour
renforcer les liquidités et le financement
du secteur bancaire ont permis d’endiguer
à court terme une détérioration dans la
zone euro. Pour autant, la situation reste
fragile, les turbulences sur les marchés et
les inquiétudes quant à la dette souveraine
sont toujours vives. Dans ce contexte,
à défaut de changements importants de
politique économique, l’Organisation
de coopération et de développement
économiques (OCDE) prévoit une longue
période d’ajustement marquée par un
chômage encore élevé, une faible production
et d’importants déséquilibres budgétaires
dans de nombreux pays.
Les risques immédiats
de détérioration
ont été écartés jusqu’ici…
L
es perspectives d’évolution de l’économie mondiale sont un peu plus favorables qu’il y a six mois, car les initiatives
des pouvoirs publics ont permis d’endiguer
jusqu’ici les risques immédiats de détérioration dans la zone euro liés aux défaillances
des emprunteurs souverains et aux faillites
de banques d’importance systémique. La
confiance et les conditions financières se sont
de ce fait améliorées, mais des fragilités évidentes demeurent. La période de répit ainsi
créée doit être mise à profit pour convaincre
que les ajustements économiques nécessaires
pour remédier durablement aux problèmes de
solvabilité et aux déséquilibres à l’origine de
la crise de la zone euro interviendront prochainement. Dans plusieurs autres pays de l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE), l’activité économique
se rétablit progressivement au sortir de la
crise. C’est le cas notamment des États Unis,
où le redressement est favorisé par le choix
du gouvernement de ne pas engager un assainissement budgétaire excessif en 2012, ni, on
peut l’espérer, l’année suivante. Les économies
5
6
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
émergentes sont sur la voie d’une reprise
conjoncturelle progressive, soutenue par des
mesures d’assouplissement des conditions
monétaires intérieures, désormais permises
par le ralentissement de l’inflation.
budgétaire particulièrement défavorable dans
les pays soumis à des pressions des marchés
(voir tableau). Avec le redressement prévu
dans les économies émergentes, la croissance
mondiale devrait progressivement retrouver
son rythme moyen de longue période. Le chômage devrait rester très élevé dans l’ensemble
des pays de l’OCDE, alors que l’inflation
s’orienterait à la baisse, notamment dans la
zone euro, où un écart de production négatif
déjà marqué continue de se creuser, ce qui
plaide pour un assouplissement supplémentaire de la politique monétaire. (…)
… mais la croissance devrait rester
faible
Les prévisions reposent sur la triple hypothèse que les interventions des pouvoirs
publics seront suffisantes pour empêcher des
événements déstabilisants dans la zone euro,
que les cours du pétrole ne subiront pas de
dérèglements majeurs et que l’on échappera à
un assainissement par trop rapide des finances
publiques. Dans ces conditions, une reprise
atone, et sans doute irrégulière, est envisagée
dans les économies de l’OCDE, soutenue par
des politiques monétaires accommodantes et
un raffermissement progressif de la confiance.
La croissance s’annonce plus franche aux ÉtatsUnis et au Japon que dans la zone euro, où
elle est pénalisée à la fois par le contrecoup
des perturbations passées et par une situation
Perspectives de croissance
Perspectives et risques à long terme
pour l’économie mondiale
De nombreux pays vont connaître une longue
période d’ajustement destinée à liquider l’héritage du passé, notamment un chômage
élevé, des capacités excédentaires et d’importants déséquilibres budgétaires. À l’avenir,
les transformations démographiques, dont le
La reprise mondiale regagne lentement du terrain
Total OCDE (sauf indication contraire)
Moyenne
19992008
Croissance du PIB
en volume(1)
États-Unis
Zone euro
Japon
Écart de production(2)
Taux de chômage(3)
lnflation(4)
Solde des administrations
publiques(5)
Pour mémoire
Croissance du commerce
mondial
Croissance du PlB
mondial(6) en volume
2011
2009
2010
2011
2,4
– 3,8
3,2
2,5
2,1
1,1
1,3
6,4
2,7
– 2,1
– 3,5
– 4,4
– 5,5
– 4,1
8,2
0,5
– 8,1
3,0
1 ,9
4,5
– 2,6
8,3
1,9
– 7,5
1,7
1,5
– 0,7
– 2,5
8,0
2,5
– 6,3
6,7
– 10,7
12,8
3,8
– 1,2
5,1
2012
Pourcentage
1,8
1,6
2013
2012
2013
T4/T4
2,2
1,4
1,8
2,4
2,4
– 0,1
2,0
– 2,7
8,0
2,2
– 5,3
2,6
0,9
1 ,5
– 2,5
7,9
1 ,9
– 4,2
1,6
0,7
– 0,6
2,4
0,2
1,9
2,7
1,3
1 ,6
7,9
2,7
8,0
2,1
7,7
1,9
6,0
4,0
7,0
3,4
5,7
7,5
3,6
3,4
4,2
3,1
3,8
4,4
1. En moyenne annuelle ; dans les trois dernières colonnes figure la variation en glissement annuel.
2. Pourcentage du PIB potentiel.
3. Pourcentage de la population active
4. Déflateur de la consommation privée. Variation en glissement pour les trois dernières colonnes.
5. Pourcentage du PIB.
6. Moyenne mobile pondérée par le PIB, en parités de pouvoir d’achat.
Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 91.
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
nouveau cadre de modélisation
¶ ‘‘ Le nouveau
pour les prévisions
prévisions économiques à long terme ’’
7
8
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
¶
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
vieillissement, et les facteurs fondamentaux
de convergence économique entraîneront des
bouleversements dans la composition du produit intérieur brut (PIB) mondial. Pour illustrer
la nature et l’ampleur de certains défis posés
par ces évolutions, l’OCDE a utilisé un nouveau cadre de modélisation qui étend les prévisions à court terme (voir encadré).
Ce cadre accorde une attention particulière aux interactions entre le progrès technologique, les évolutions démographiques,
l’ajustement budgétaire, les déséquilibres des
balances courantes et les politiques structurelles. Les scénarios suggèrent que des
mesures progressives mais ambitieuses d’assainissement budgétaire et des réformes structurelles peuvent renforcer considérablement
la croissance et réduire toute une série de
risques, notamment en résorbant les importants déficits budgétaires et les déséquilibres
des comptes courants.
La taille relative des économies
évoluera considérablement…
Les actuelles économies non membres de
l’OCDE continueront de connaître une croissance plus forte que les actuels pays membres,
principalement à la faveur du rattrapage de
la productivité multifactorielle, mais l’écart
devrait se réduire sensiblement au cours des
prochaines décennies. Le taux de croissance
en dehors de la zone OCDE, qui dépassait
7 % par an en moyenne pendant la dernière
décennie, pourrait revenir à 5 % environ dans
les années 2020 et à environ la moitié de ce
taux dans les années 2040. Jusqu’en 2020,
la Chine enregistrera le taux de croissance le
plus élevé parmi les grands pays, mais pourrait
ensuite être dépassée tant par l’Inde que par
l’Indonésie. Du fait de la croissance rapide de
la Chine et de l’Inde, leur PIB combiné, mesuré
en parités de pouvoir d’achat (PPA) de 2005,
qui en 2010 représentait moins de la moitié de
la production totale des sept grandes économies de l’OCDE, la dépassera à l’horizon 2025.
Le PIB de la Chine devrait devancer celui des
États-Unis en 2017.
… mais d’importants écarts de
niveau de vie persisteront en 2050
D’importants écarts de PIB par habitant subsisteront en dépit d’une croissance plus rapide
dans les pays plus pauvres ; par exemple, le
PIB par habitant de la Chine et de la Russie en
2050 sera environ la moitié de celui des pays
les plus riches, contre 40 % environ au Brésil et
25 % en Inde et en Indonésie. Parmi les pays
de l’OCDE, le rattrapage le plus rapide se produira probablement dans les pays à revenu initial plus faible (Mexique, Turquie, Chili et pays
d’Europe de l’Est), tandis que la dispersion du
revenu par habitant entre les pays à revenu
initial élevé variera très peu.
Les déséquilibres budgétaires
et des comptes courants
devraient s’aggraver
Faute de changements plus ambitieux des
politiques, notamment si les pouvoirs publics
se contentent de prendre des mesures de
stabilisation de la dette souveraine, des déséquilibres réapparaîtront et pourraient compromettre la croissance. En premier lieu, avec la fin
du cycle en cours, les déséquilibres mondiaux
des comptes courants pourraient s’amplifier et
atteindre à la fin des années 2020 les sommets
d’avant la crise. En outre, la dette publique
dans de nombreux pays de l’OCDE dépassera
des seuils à partir desquels elle a des effets
négatifs avérés sur les taux d’intérêt, la croissance et la capacité de stabiliser l’économie.
D’importants efforts
d’assainissement de la dette
devront être déployés
Les besoins d’assainissement des finances
publiques sont considérables dans de nombreux pays, surtout les deux plus grands. Au
Japon, la stabilisation du ratio dette/PIB exigerait à terme d’améliorer le solde primaire sousjacent de 13 points de PIB par rapport à la
situation de 2011, alors qu’on n’attend guère
de progrès au cours des deux prochaines
années[1]. Concernant les États-Unis, les efforts
1 Pour le Japon comme pour les États-Unis, les besoins
d’assainissement indiqués ici sont supérieurs au rééquilibrage
moyen, parce qu’une période prolongée d’ajustement a pour effet
que l’augmentation totale du solde primaire sous-jacent d’ici la
dernière année (2030 pour les États-Unis et 2040 pour le Japon)
9
10
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
de réduction des déficits requis pour stabiliser
la dette représentent environ 6,5 points de PIB,
et une amélioration de l’ordre de 2,5 points est
attendue d’ici à 2013. Parmi les autres pays qui
devront mener d’importants programmes de
rééquilibrage figurent les membres de la zone
euro qui subissent les pressions des marchés :
Espagne, Irlande, Grèce et Portugal. Pour
stabiliser la dette, ils devront améliorer de 4 à
7 points de PIB leur solde primaire sous-jacent
d’ici à 2030, mais l’essentiel de cet ajustement
sera sans doute accompli au cours des deux
prochaines années. Les autres pays de l’OCDE
pour qui l’effort d’assainissement représente
plus de 4 points de PIB à compter de 2011
comprennent la Pologne, la République slovaque, la Slovénie et le Royaume-Uni. En
outre, pour un pays type de l’OCDE, des ressources supplémentaires de l’ordre de 3 à 4 %
du PIB devront être dégagées au cours des
vingt prochaines années afin de faire face aux
dépenses liées à l’augmentation des coûts des
retraites et des soins de santé.
Les plans officiels ne sont pas
tous à la hauteur de l’enjeu
Les États-Unis et le Japon se distinguent
également par l’absence à ce jour de plan
budgétaire à moyen terme officiel et détaillé
en vue de stabiliser la dette. Le Japon a élaboré un plan à moyen terme, mais qui n’est
pas assez ambitieux. Les États-Unis ont établi
plusieurs plans budgétaires, mais en raison de
désaccords politiques, la portée, le rythme et
les instruments de l’effort d’assainissement
futur sont très incertains. Un assainissement
très important en début de période est prévu
dans les pays de la zone euro – Grèce, Irlande
et Portugal – qui ont demandé une aide de
l’Union européenne et du Fonds monétaire
international (FMI). Pour ces pays et pour la
plupart de ceux où les besoins d’assainissement sont les plus marqués, les plans officiels à
moyen terme vont au-delà des mesures nécessaires pour stabiliser la dette, de sorte que leur
est beaucoup plus importante que l’augmentation moyenne sur
la période allant de 2011 à la dernière année. Pour d’autres pays
où les besoins sont moins importants et/ou l’essentiel de l’effort
d’ajustement devrait être fait avant 2013, la différence entre la
mesure moyenne et celle en dernière année est généralement
faible.
mise en œuvre inscrirait le ratio d’endettement
sur une trajectoire de baisse.
Il faudrait prendre des mesures de réduction
des déficits beaucoup plus drastiques pour
atteindre l’objectif de ramener le ratio dette/
PIB à 60 %, ce que la plupart des pays pourraient accomplir avant 2030. Pour l’ensemble
de la zone OCDE, en se fondant sur la situation
de 2011, il faudrait procéder à un resserrement
budgétaire équivalant à une amélioration de
6 points de PIB du solde primaire sous-jacent
en moyenne jusqu’en 2030, bien que ce calcul
soit dominé par les besoins des deux plus
grands pays de l’OCDE. Parmi les économies
de l’OCDE dont la dette dépasse 100 % du
PIB, ramener le ratio d’endettement à 60 %
d’ici 2030 exige un effort d’assainissement
supérieur de 2 à 3 points de PIB à ce qu’il
faudrait pour uniquement stabiliser la dette.
Le Japon fait exception, dans la mesure où
même s’il prenait des mesures de rééquilibrage beaucoup plus ambitieuses, il n’aurait
guère de chances d’atteindre l’objectif d’un
ratio d’endettement de 60 % au cours des
vingt prochaines années.
Étant donné que les besoins d’assainissement
sont plus importants dans les pays affichant un
déficit de leurs balances des opérations courantes, des politiques d’assainissement budgétaire à long terme plus ambitieuses dans
les pays de l’OCDE contribueraient à réduire
les déséquilibres mondiaux des balances courantes. La réduction de l’endettement des
États à des niveaux où il ne menacerait pas les
taux d’intérêt et ne pénaliserait pas la croissance tendancielle permettrait de dégager
des ressources budgétaires pour faire face
aux chocs futurs, tout en réduisant leur vulnérabilité à toute baisse future de l’épargne
mondiale, qu’elle soit due au vieillissement ou
à d’autres facteurs.
Des réformes ambitieuses
pourraient stimuler la croissance
et réduire les déséquilibres
Des efforts ambitieux d’assainissement budgétaire et de profondes réformes structurelles
peuvent, s’ils sont conjugués, relever le niveau
de vie à long terme mais aussi réduire les
risques de graves dérèglements de la croissance en atténuant les déséquilibres au niveau
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
mondial ; ces efforts accroîtraient de 10 % le
PIB global de la zone OCDE et de 14 % celui
de la zone non OCDE en 2050, les effets étant
beaucoup plus importants dans les pays qui
ont le plus tardé à s’orienter vers les meilleures
pratiques.
Un nouveau cadre
de modélisation fondé sur
la convergence conditionnelle
Des prévisions de croissance à long terme
sont nécessaires pour faciliter l’analyse des
questions macroéconomiques liées aux déséquilibres budgétaires et internationaux et
aux transformations démographiques, qui
surviennent progressivement sur une longue
période, ainsi que des effets des réformes
structurelles sur la croissance tendancielle à
longue échéance. S’il n’existe pas de théorie
unique de la croissance économique, une
vision de la croissance selon laquelle chaque
pays est supposé converger vers sa trajectoire
spécifique d’évolution du PIB par habitant,
déterminée par l’interface entre le progrès
technologique à l’échelle mondiale et les
conditions et politiques structurelles qui lui
sont propres (autrement dit, la convergence
conditionnelle), recueille néanmoins une large
adhésion. Pour élaborer les différents scénarios, l’OCDE s’est appuyée sur un nouveau
modèle utilisé pour étendre d’environ quarante ans les prévisions à court terme, à l’intérieur d’un cadre de croissance économique
fondé sur la convergence conditionnelle (voir
encadré).
Les scénarios à long terme sont ancrés dans
les prévisions à court terme pour 2013[2].
2 Il existe toutefois une petite divergence entre les prévisions à
court terme et celles à long terme pour le Japon, celles à court terme
incluant la dernière actualisation trimestrielle du PIB.
Au-delà de cette date, on suppose que les
écarts de production se resserreront progressivement sur une période de quatre à cinq ans
(selon l’une ou l’autre des règles budgétaires
considérées), en fonction de leur importance
initiale, et qu’ils seront presque entièrement
résorbés en 2018. Cette hypothèse implique
que la croissance au cours des premières
années des prévisions sera supérieure à la
tendance dans les pays affichant des écarts de
production négatifs en 2013, notamment là où
cet écart est exceptionnellement important,
comme en Espagne, en Grèce, en Irlande et
au Portugal. De même, malgré des écarts de
production négatifs persistants et très souvent
substantiels sur cette période, aucun pays ne
connaîtra une déflation prolongée. Une fois
l’écart de production comblé, la croissance de
la production est conforme à son potentiel, et
la politique monétaire veille à ce que l’inflation
rejoigne son objectif fixé pour un pays ou une
région[3].
3 Ce scénario est conforme à la perspective d’un ancrage solide
des anticipations d’inflation (à la hausse comme à la baisse) et
d’effets de freinage.
Persp
rspect
ectives
ives économiques de l’OCDE
l’OCDE
L’article est extrait du premier chapitre « Évaluation
générale de la politique macroéconomique »
volume 2012/2, mai 2012
Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE)
2, rue André Pascal
75775 Paris cedex 16
Tél. : + 33 (0)1 45 24 81 67
http://oecd.or
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tp://oecd.org
g
11
12
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
L’EMPLOI SOUFFRE
DE LA FAIBLESSE
DE LA REPRISE
Perspectives de l’emploi de l’OCDE | JOHN P. MARTIN
Problèmes économiques
> Plus de deux ans après le début de la
reprise, le taux de chômage ne s’est réduit
que faiblement par rapport à son point
haut de l’Après-guerre, ressortant à 7,9 %
en mai 2012 dans l’ensemble de la zone
de l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE).
Le déficit d’emplois par rapport au
niveau d’avant-crise reste ainsi élevé.
Suite à l’absence de reprise vigoureuse, la
marginalisation croissante des personnes
sans emploi devient inquiétante dans de
nombreux pays, car le nombre de chômeurs
de longue durée augmente et de plus en
plus de demandeurs d’emploi découragés
se retirent de la vie active. Néanmoins,
la diversité des performances du marché
du travail selon les pays de l’OCDE
demeure frappante. Si, dans certains
pays, le chômage est resté faible ou a même
beaucoup diminué (comme au Japon, en
Suisse ou en Allemagne), dans la plupart,
il a nettement augmenté ; neuf d’entre eux
enregistrent même des taux de chômage à
deux chiffres (comme l’Espagne, la France
ou l’Italie).
L
a reprise économique a été faible ou inégale et certains pays sont retombés dans
la récession. Pour l’Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE) dans son ensemble, le redressement
de l’activité a été, dans un premier temps,
d’ampleur comparable à celle observée lors
des deux précédentes périodes de reprise, au
début des années 1990 et au début des années
2000. Cependant, du fait de son net ralentissement au second semestre de 2011, cette
reprise est désormais, de loin, la plus lente
enregistrée durant la période d’Après-guerre,
ce qui est lourd de conséquences en termes
de réduction du sous-emploi et de perspectives d’emploi pour les chômeurs. En particulier, il est de plus en plus à craindre qu’une
partie des chômeurs ne devienne de plus en
plus déconnectée du marché du travail et, par
suite, plus difficile à réinsérer, même lorsque la
situation de l’emploi s’améliorera. Autrement
dit, le risque que l’augmentation conjoncturelle du chômage ne devienne structurelle est
de plus en plus grand.
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
La reprise économique
a été particulièrement faible
et inégale
La reprise amorcée au lendemain de la
crise financière et économique qui a frappé
les marchés mondiaux en 2008 et 2009 a été
faible dans la plupart des pays de l’OCDE et
le mouvement de redressement s’est même
inversé dans un petit nombre d’entre eux.
Après une chute du produit intérieur brut (PIB)
d’environ 4 % durant la phase de ralentissement de l’activité, la croissance économique
dans l’ensemble de la zone de l’OCDE a
rebondi en 2010, atteignant 3,2 %, mais elle
a ralenti depuis. Elle est revenue à 1,8 % en
2011 et devrait tomber à 1,6 % en 2012 avant
de rebondir à 2,2 % en 2013. Le graphique 1
compare l’évolution du PIB depuis le début de
la reprise et les situations qui ont caractérisé
les précédentes reprises. La partie A du graphique montre que, durant la première année
et une bonne partie de la deuxième année
de la reprise, la croissance économique dans
la zone de l’OCDE a été comparable à ce qui
avait été observé durant les reprises ayant
suivi les récessions du début des années 1990
et du début des années 2000, mais qu‘elle a
été beaucoup plus faible que celle enregistrée
après les chocs pétroliers des années 1970.
Mais on voit aussi que le redressement de
l’activité s’est essoufflé par rapport aux précédents épisodes dès la deuxième année, ce qui
en fait, de loin, le plus lent enregistré durant la
période d’Après-guerre. La configuration est à
peu près similaire pour la zone euro (voir partie B du graphique 1), ainsi que pour le Japon
et les États-Unis, même si des différences
existent dans la vigueur de la reprise initiale et
l’ampleur du ralentissement récent. (…)
Le taux de chômage demeure
irréductiblement élevé
Du fait de la faiblesse de la reprise de
l’activité, le taux de chômage n‘a décru que
faiblement au cours des deux années après
qu‘il eut atteint son pic conjoncturel à la fin de
2009. Le taux de chômage pour l’ensemble
de la zone de l’OCDE ne s’est réduit que de
0,6 point de pourcentage par rapport à son
point haut de l’Après-guerre (8,5 %) enregistré en octobre 2009, s’établissant à 7,9 % en
mai 2012, ce qui correspond à 48 millions de
1. Une reprise économique faible et inégale
Base 100 = PIB réel au creux du cycle conjoncturel en termes d’écart de production, données trimestrielles
A. Zone OCDE(1)
1975 T2
1993 T3
2009 T2
B. Zone euro 15(1)
1982 T4
2003 T1
Projection
1983 T2
2003 T2
Projection
120
120
115
115
110
110
105
105
1993 T4
2009 T2
100
100
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16
Trimestres écoulés depuis la fin de la récession
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16
Trimestres écoulés depuis la fin de la récession
1. PIB réel agrégé à l’exclusion de Chypre et de Malte pour la zone euro à 15.
Source : Calcul de l’OCDE sur la base des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 91. StatLink, http:/ldx.doi.org/10.1787/888932659958.
13
14
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
chômeurs pour la zone de l’OCDE, soit environ 15 millions de plus qu’au début de la crise
de l’emploi, en décembre 2007. D‘après les
dernières prévisions de l’OCDE de mai 2012,
le taux de chômage devrait se maintenir à un
niveau durablement élevé pendant assez longtemps, comme il ressort clairement de la partie
A du graphique 2 qui retrace l’évolution du
taux de chômage depuis le début de la crise.
Ce graphique montre qu’au milieu de 2009, le
taux de chômage avait rapidement augmenté,
de plus de 3 points de pourcentage, du fait
de la crise, dans la zone de l’OCDE. Il n’a que
très légèrement baissé depuis et devrait rester
globalement stable jusqu‘à la fin de 2013,
s’établissant à 7,7 % pour l’ensemble de la
zone de l’OCDE à la fin de l’année. La persistance d’un haut niveau de chômage suscite de
réelles inquiétudes quant à la possibilité pour
les chômeurs de trouver rapidement un emploi
si, et quand, la reprise économique prend de
la vigueur.
‘‘ Le taux de chômage devrait se
maintenir à un niveau durablement
élevé pendant assez longtemps ’’
L’évolution du taux de chômage dans l’ensemble de la zone de l’OCDE masque d’importantes différences selon les pays, pour ce
qui est de l’impact initial de la crise comme
des perspectives de reprise. L’impact initial
a été particulièrement fort en Espagne, en
Estonie, aux États-Unis, en Irlande et en
Islande (partie B du graphique 2). Parmi ces
pays, il n’y a qu‘en Estonie, où le chômage
avait connu une aggravation relative particulièrement prononcée, qu’il a sensiblement
reculé par rapport à son pic. Aux États-Unis,
le taux de chômage a diminué passant de
10 % en octobre 2009 à 8,2 % en mai 2012.
Au Japon, sa hausse initiale a été limitée et il
a décru assez rapidement après avoir atteint
son sommet conjoncturel. En Allemagne, où
il n’a augmenté que faiblement au premier
trimestre de 2009, le chômage est maintenant de 30 % environ inférieur à ce qu’il était
au début de la crise, poursuivant le mouvement de baisse tendancielle observé depuis
le milieu des années 2000. Dans plusieurs
autres pays de l’Union européenne, comme
l’Autriche, la Belgique, la France, l’Italie et les
Pays-Bas, l’impact initial de la crise sur le taux
de chômage a également été limité, mais il n’y
a guère de signes de reprise. De fait, en raison
de la crise de la dette souveraine dans la zone
euro, on s’attend à ce que le taux de chômage
continue d‘augmenter jusqu’à la fin de 2013
dans la majorité des pays de l’Union européenne, en particulier dans la zone euro. (…)
Le déficit d’emplois
reste important
La reprise économique n’a pas été suffisamment forte pour éviter une nouvelle aggravation du déficit d’emplois, qui correspond au
nombre d’emplois qu’il faudrait créer pour
retrouver le ratio emploi/population d‘âge
actif d’avant la crise. Le graphique 3 présente
le déficit d’emplois au début de la reprise,
pour la dernière période pour laquelle les
données sont disponibles (T4 2011) et pour le
T4 2013, sur la base des prévisions de l’OCDE
de mai 2012. Le déficit d‘emplois dans la zone
de l’OCDE a continué de s’aggraver pendant
tout le début de la période de reprise, dans la
plupart des pays : il y est ainsi passé de 1,9 %
au début de la reprise économique, au T2
2009, à 2,4 % au dernier trimestre de 2011.
Compte tenu du niveau actuel de l’emploi, cela
implique la création dans la zone de l’OCDE
de 14 millions d’emplois pour retrouver les
taux d’emploi d’avant la crise. Les projections
de l’OCDE tendent à indiquer que l’ampleur
du sous-emploi devrait rester inchangée en
2012 avant de se réduire, s’établissant à 1,8 %
d’ici la fin de 2013, son niveau au début de
la reprise de l’activité. Par conséquent, la
création d’emplois devrait continuer à ne pas
être suffisante pour absorber l’important sousemploi qui est apparu du fait de la crise.
L’ampleur estimée du déficit d‘emplois varie
largement selon les pays. La configuration
est analogue à celle concernant le chômage
décrite dans la partie B du graphique 2, avec
cependant quelques légères différences dues
au rôle de la participation à la vie active et au
fait qu’on observe les variations en proportions plutôt qu’en points de pourcentage. Le
déficit d’emplois est particulièrement élevé en
Espagne, en Grèce et en Irlande, où il excède
15 %. Il est également important (entre 5 %
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
2. Le chômage devrait rester élevé dans les pays de l’OCDE
A. Taux de chômage (base 100 au T4 2007, variation en points de pourcentage entre le T4 2007 et le T4 2013)
OCDE
UE21 sans l’Allemagne
Allemagne
Japon
États-Unis
106
105
104
103
102
101
100
99
98
T4
T3
T2
20 T4
13
T1
T3
T2
20 T4
12
T1
T3
T2
20 T4
11
T1
T3
T2
20 T4
10
T1
T2
T3
20 T4
09
T1
T2
20
T3
07
20 T4
08
T1
97
B. Variation en points de pourcentage du taux de chômage (depuis le T4 2007)
Valeur actuelle (T4 2011)
20
Pic
Projection
15
10
5
0
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RC
IR
L
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P
)
–5
Note : La zone ombrée en gris correspond aux prévisions de l’OC DE.
1) Les agrégats sont des moyennes pondérées.
2) Les informations sur les données concernant Israël sont disponibles sur http:!/dx.doi.org/10.1787/888932315602.
Source : Calculs de l’OCDE sur la base des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 91. StatLink http:!/dx.doi.org/10.1787/888932659977
et 10 %) au Danemark, en Estonie, aux ÉtatsUnis, en Islande, au Portugal et en Slovénie. En
Estonie et en Islande, on anticipe une baisse
de cet indicateur qui devrait passer en dessous
de 5 % d’ici à la fin 2013, alors qu’une nouvelle
augmentation sensible est prévue en Espagne,
en Grèce, au Portugal et en Slovénie. Le déficit
d’emplois a été entièrement résorbé dans dix
pays de l’OCDE et il devrait l’être dans deux
autres pays d’ici à la fin de 2013.
15
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
3. La reprise n’est pas suffisamment forte pour réduire le déficit d’emplois
Déficit d’emplois en pourcentage de l’emploi effectif
Creux du PIB réel
Valeur actuelle (T4 2011)
Projection (T4 2013)
20
15
10
5
0
–5
– 10
Zo
O
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ne
E
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l’A e (1 7
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– 15
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SV
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T
G (4)
RC
16
Note : Les pays sont classés par ordre croissant du déficit d’emplois au T4 2011.
1) Le déficit d‘emplois à une certaine date correspond à l’augmentation de l’emploi nécessaire pour rétablir le ratio emploi/population d‘âge actif à son niveau du
T4 2007. Le point creux du PIB est fixé au point de départ de l’épisode le plus long de hausses consécutives du PIB observé depuis le T4 2007.
2) L’OCDE, le G7, la zone euro (15) et la zone euro (15) sans l’Allemagne sont des moyennes pondérées des pays représentés.
3) Les informations sur les données concernant Israël sont disponibles sur http:l/dx.doi.org/10.1787/888932315602.
4) Les séries sont ajustées pour tenir compte de ruptures dans les séries suite, respectivement, à l’introduction des données du recensement 2010 pour le Mexique
et au changement dans l’Enquête de population active pour le Portugal en 2011.
5) Le point bas du PIB réel correspond au T4 2011 pour la Grèce.
Source : Calculs de l’OCDE sur la base des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 91. StatLink, http:!/dx.doi.org/10.1787/888932659996
Les différentes catégories
de main-d’œuvre connaissent
des situations divergentes
Les précédentes éditions des Perspectives
de l’emploi de l’OCDE ont montré que l’impact initial de la crise sur l’emploi diffère largement selon les catégories socio-économiques
(OCDE, 2009, 2010 et 2011a). En particulier,
on a constaté que les jeunes, les travailleurs
peu qualifiés et les travailleurs temporaires
étaient les catégories pour lesquelles le recul
de la demande globale de main-d’œuvre avait
été le plus marqué, comme il en ressort du graphique 4. Ce dernier montre aussi que la progression de l’emploi a été très différente selon
les groupes durant la reprise économique.
D’un côté, l’emploi temporaire a augmenté par
rapport à l’emploi global depuis le début de la
reprise. D’après les dernières données disponibles, l’incidence de l’emploi temporaire est
aujourd’hui plus élevée, en moyenne, dans la
zone de l’OCDE (dans les pays pour lesquels
on dispose de données comparables), qu’au
début de la crise. La réticence apparente des
employeurs à réembaucher des travailleurs
sous contrat de durée indéterminée reflète
sans doute l’impact des faibles perspectives de
croissance et des incertitudes économiques.
D’un autre côté, la situation des jeunes et des
travailleurs peu qualifiés au regard de l’emploi
a continué de se dégrader durant la reprise.
(…) Le recul de l’emploi des jeunes a pour
contrepartie une hausse du taux de chômage
de ce groupe et, dans les pays particulièrement touchés par la crise, une progression
des taux d’inscription dans des programmes
d’enseignement et des activités de formation.
Une marginalisation croissante
des personnes sans emploi ?
La faiblesse de la reprise économique dans
nombre de pays de l’OCDE a aussi accru le
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
4. La reprise diffère selon les catégories socio-économiques
Ratio de l’emploi de chaque catégorie considérée à l’emploi(1) moyen(2) global des pays de l’OCDE (T1 2008 à T4 2011,
indice = 100 au début de la crise)
Travailleurs peu qualifiés (25 à 64 ans)
Jeunes (15 à 24 ans)
Travailleurs âgés (55 à 64 ans)
Travailleurs hautement qualifiés (25 à 64 ans)
Travailleurs temporaire (15 ans et plus)
115
110
105
100
95
T4
T3
T2
T1
11
T4
T3
T2
T1
20
20
10
T4
T3
T2
T1
09
T3
T2
T4
20
20
08
T1
90
Note : La zone ombrée en gris couvre la période de reprise qui a fait suite au point bas du PIB pour l’ensemble de la zone de l’OCDE.
1) Les séries sont lissées à l’aide de moyennes mobiles centrées sur trois trimestres.
2) La moyenne de l’OCDE est une moyenne pondérée pour 33 pays en ce qui concerne les données par âge (à l’exclusion du Chili) ; pour 30 pays en ce qui concerne
les données sur l’éducation (à l’exclusion de l’Australie, du Chili, du Japon et de la Nouvelle- Zélande) ; et pour 28 pays en ce qui concerne les données sur les
travailleurs temporaires (à l’exclusion des pays signalés précédemment, plus les États-Unis et Israël).
Source : Calculs de l‘OCDE à partir des bases de données des Principaux indicateurs économiques de l’OCDE, des Statistiques de population active de l’OCDE et
des enquêtes nationales de population active. StatLink, http:/ldx.doi.org/10.1787/888932660015.
risque qu’un nombre croissant de chômeurs
perdent le contact avec le marché du travail.
Diverses évolutions permettent d’apprécier
cette relation de cause à effet : taux de sortie
du chômage ; durée du chômage ; et ampleur
des flux d’entrées et de sortie de la vie active.
La contraction de la demande globale durant
la crise et l’absence de reprise vigoureuse ont
conduit à une réduction des embauches par
les employeurs, d’où une moindre probabilité
de sortir du chômage et un allongement de
la durée attendue des épisodes de chômage.
Cette probabilité est assimilée aux chances
qu’ont les demandeurs d’emploi de sortir du
chômage sur une période de douze mois.
Cette probabilité est calculée séparément pour
l’ensemble des chômeurs, pour ceux qui sont
au chômage depuis moins et pour ceux qui sont
au chômage depuis douze mois ou plus. (…)
La probabilité de sortir du chômage diminue
à mesure que le temps passé au chômage s’allonge. On parle classiquement de dépendance
négative à la durée. Cela reflète, en partie,
des effets de composition car les demandeurs d’emploi qui présentent un haut niveau
d’employabilité tendent à trouver un emploi
plus rapidement. Mais cela peut aussi refléter
l’impact de l’allongement des épisodes de
chômage sur l’employabilité des travailleurs.
Persp
rspect
ectives
ives de l’l’emploi
emploi de l’OCDE
l’OCDE
L’article est extrait du premier chapitre intitulé
« EN ATTENDANT LA REPRISE : LES
MARCHÉS DU TRAVAIL DES PAYS DE
L’OCDE AU LENDEMAIN DE LA CRISE ».
2012
Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE)
2, rue André-Pascal
75775 Paris cedex 16
Tél. : +33 (0)1 45 24 81 67
Fax : +33 (0)1 45 24 19 50
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www
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g
John P. Martin est directeur de l’Emploi, du Travail et des
Affaires sociales à l’OCDE
17
18
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
LA CRISE DE LA
ZONE EURO PÈSE
SUR LES MARCHÉS
Rapport annuel | BANQUE DES RÈGLEMENTS INTERNATIONAUX
Problèmes économiques
> Affectée par l’intensification de la crise de
la dette souveraine dans la zone euro, mais
également par l’augmentation des prix
des produits de base et les tensions dans le
secteur bancaire, la reprise de l’économie
mondiale a marqué le pas en 2011. Si les
pays émergents, confrontés à des tensions
inflationnistes, ont durci leur orientation
monétaire, les économies avancées ont dû
réduire leurs dépenses discrétionnaires,
qui se trouvaient déjà freinées par le
désendettement des ménages. Mais c’est
surtout la crise de la zone euro qui a pesé
sur l’activité mondiale : elle a engendré
une aversion généralisée au risque et a
nettement accentué les préoccupations
concernant l’exposition aux risques
souverain et bancaire, en particulier en
Europe.
Une expansion mondiale
à deux vitesses
G
lobalement, la dynamique dans les
économies avancées a été en 2011
trop faible pour générer une reprise
robuste et autonome. Les freins à la consommation privée ont persisté. Le chômage est
resté important et s’est même parfois encore
accru. La chute des prix de l’immobilier et les
niveaux élevés d’endettement ont continué de
peser sur la situation financière des ménages
dans les économies avancées les plus durement
touchées par la crise. La faiblesse du secteur
des ménages a, en outre, comprimé la dépense
des entreprises. Enfin, la détérioration générale
des finances publiques n’a pas permis de poursuivre les mesures de soutien budgétaire.
Les économies émergentes (ÉcÉm) ont, elles,
connu une croissance proche de 6 % en 2011,
rythme guère inférieur à celui de 2010. L’Asie
émergente a enregistré un taux de 7,8 %,
grâce à la Chine (9,2 %) et à l’Inde (7,2 %), et
l’Amérique latine, de 4,5 %. La croissance en
Europe centrale et orientale est restée globalement inchangée à 5,3 % sur l’ensemble de
l’année.
Durant la période examinée, le rapide essor
des ÉcÉm a souvent été associé à des signes
de surchauffe : hausse de l’inflation, forte
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
1. Activité économique et cours des actions
Indices d’activité(1)
Indices boursiers larges(2)
Indices boursiers sectoriels(2)
Secteurs non cycliques(3)
Secteurs cycliques(4)
Zone euro (g)
115
55
125
100
50
100
100
85
45
75
75
70
États-Unis (d)
ÉcÉm (d)
40
50
50
55
Économies
avancées
ÉcÉm
35
2007 2008 2009 2010 2011 2012
25
2007
2008
2009
2010
2011
2012
125
25
2007
2008
2009
2010
2011
2012
1) Zone euro : indicateur du climat économique (Commission européenne) ; ÉcÉm (Afrique du Sud, Chine, Hongrie, Inde, Mexique, Russie, Singapour et Turquie) :
moyenne pondérée des indices des directeurs d’achats (Purchasing Managers Index – PMI) dans le secteur manufacturier, sur la base des PIB et PPA de 2005 ;
États-Unis : moyenne arithmétique des PMI de l’Institute for Supply Management dans les secteurs manufacturier et non manufacturier – 2) 1er janvier 2007 = 100
– 3) Biens de consommation ; services au consommateur ; télécommunications ; services collectifs – 4) Matériaux de base ; finance ; produits industriels ; pétrole
et gaz.
Sources : Bloomberg ; Datastream ; données nationales ; calculs BRI.
expansion du crédit et renchérissement des
actifs. En termes réels, le crédit a poursuivi sa
rapide progression dans les ÉcÉm d’Asie et
d’Amérique latine, et les prix de l’immobilier
résidentiel ont atteint ou dépassé leurs sommets historiques dans les grandes villes de
Chine et d’Amérique latine. La hausse des prix
du logement semble cependant s’être ralentie
plus récemment, et elle s’est même inversée
dans certains cas.
aux États-Unis, puis dans les ÉcÉm, et ont nettement reculé en Europe au second semestre.
Les prix de nombreux actifs financiers sensibles
à l’évolution de la croissance ont diminué. Les
grands indices boursiers ont régressé partout
dans le monde, les cours des valeurs cycliques
enregistrant une baisse relativement forte.
Les primes ont généralement augmenté sur
les obligations d’entreprise, surtout celles de
moindre qualité ou de catégorie spéculative.
Sous l’effet de cette expansion mondiale à
deux vitesses, les déséquilibres extérieurs sont
restés importants. Bien que légèrement inférieurs à leur niveau de 2010, les déséquilibres
des balances de paiements courants ont continué d’avoisiner, en 2011, 4 % du PIB mondial,
taux historiquement élevé. Les grandes économies avancées ont encore accusé de lourds
déficits, l’Allemagne et le Japon constituant
des exceptions notables. Les excédents en
Asie émergente, bien qu’en recul, sont restés
élevés tandis que l’Amérique latine et l’Europe
centrale et orientale affichaient un déficit. Les
flux nets de capitaux privés vers les ÉcÉm ont
été parmi les plus importants jamais enregistrés. Nonobstant, rares ont été les devises
des ÉcÉm à s’être sensiblement appréciées
vis-à-vis des principales monnaies, et un grand
nombre d’entre elles se sont dépréciées.
Ces évolutions découlaient de deux facteurs
qui ont mis au jour des vulnérabilités fondamentales de l’économie mondiale associées
aux déséquilibres intérieurs et extérieurs. Premièrement, les cours des produits de base,
qui avaient déjà sensiblement augmenté, sont
restés élevés dans le contexte d’une forte
demande des ÉcÉm. Il en est résulté une érosion du revenu des ménages aux États-Unis
et dans d’autres économies avancées, dans
un contexte de chômage élevé et d’assainissement des bilans. Dans plusieurs ÉcÉm, en
revanche, la principale conséquence en a été
une accélération de l’inflation, qui a conduit à
un resserrement de leur politique monétaire.
Deuxièmement, la qualité de crédit de plusieurs États de la zone euro et l’exposition des
banques européennes au risque souverain ont
inspiré aux investisseurs une défiance grandissante. Au second semestre de 2011, une forte
montée de l’aversion au risque dans le monde
entier, les politiques de discipline budgétaire et
La reprise mondiale a commencé à s’essouffler au deuxième trimestre de 2011. Les indicateurs d’activité ont alors sensiblement fléchi
19
20
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
les pressions croissantes incitant les banques à
se désendetter ont fait chuter la demande.
Accentuation de la crise
de la dette souveraine
dans la zone euro
Vers le milieu de 2011, la crise de la dette
souveraine s’est accentuée dans la zone euro.
Les mois précédents, les rendements des obligations émises par les États bénéficiant de programmes de soutien officiels (Grèce, Irlande et
Portugal) avaient beaucoup augmenté, alors
qu’ils étaient bien plus stables ailleurs. En
milieu d’année, pourtant, les rendements se
sont vivement accrus pour l’Espagne et l’Italie,
deux débiteurs nettement plus importants,
et ils ont poursuivi leur hausse pendant la
majeure partie du second semestre. De plus,
en fin d’année, les rendements obligataires
d’États parmi les mieux notés de la zone euro,
dont l’Autriche, la Belgique et la France, se
sont tendus, eux aussi, avec une prime grandissante par rapport à ceux de l’Allemagne.
Plusieurs facteurs ont contribué à cette accentuation de la crise. Premièrement, les prêteurs
officiels, qui envisageaient un deuxième plan
de soutien pour la Grèce, ont décidé de subordonner l’octroi de prêts supplémentaires à une
participation du secteur privé à une réduction
de la dette. Cela a laissé les porteurs d’obligations dans l’incertitude quant au traitement
qui leur serait réservé dans d’éventuels futurs
programmes de soutien. Deuxièmement, la
croissance a commencé à s’essouffler dans la
zone euro, de sorte qu’il devenait plus difficile
pour les États membres de consolider rapidement leur situation financière. Troisièmement,
le déclassement des États-Unis par une agence
de notation a conduit les investisseurs à accorder une plus grande attention à la viabilité des
situations budgétaires.
Au second semestre de 2011, les autorités
ont lancé une série d’initiatives pour faire face
à la crise. La Banque centrale européenne
(BCE) a repris ses achats d’obligations d’État
de la zone euro en août. Les rendements des
émissions souveraines espagnoles et italiennes
ont d’abord nettement diminué, mais ils sont
remontés au bout de quelques semaines seulement, sous l’effet de préoccupations sur les
marchés quant à la capacité des gouvernements à mettre en œuvre les mesures d’assainissement des finances publiques convenues
avec les partenaires européens. L’élargissement des affectations possibles du Fonds
de stabilisation de la zone euro, en juillet, et
le renforcement de sa capacité de prêt, en
octobre, ont produit des effets encore moins
durables sur les rendements. Vers la fin de
2011, cependant, le pacte budgétaire visant
à limiter le déficit structurel a entraîné une
détente plus importante et prolongée.
Sous l’effet de la crise de la dette souveraine, l’aversion au risque s’est amplifiée et
généralisée. Les investisseurs ont ajusté leur
portefeuille pour tenir compte de la montée du
risque souverain. Ainsi, quand la volatilité des
portefeuilles s’est accrue, en août, les investisseurs internationaux ont commencé à vendre
des obligations et des actions des économies
‘‘ Sous l’effet de la crise de la dette
souveraine, l’aversion au risque
s’est amplifiée et généralisée ’’
émergentes, et le dégagement s’est poursuivi
au second semestre de 2011. La demande
d’actions et d’obligations d’entreprises dans
les économies avancées a diminué, elle aussi,
entraînant une baisse des cours et une hausse
des primes, surtout pour les signatures moins
bien notées.
Certains actifs financiers ont bénéficié d’un
report vers les valeurs refuges, notamment les
obligations d’État de l’Allemagne, de l’Australie, du Canada, des États-Unis, des pays nordiques, du Royaume-Uni et de la Suisse, dont
les rendements sont tombés à des niveaux historiquement bas au second semestre de 2011.
La demande était telle que les rendements de
certaines valeurs à plus court terme sont devenus négatifs pendant quelque temps. Le yen
et le franc suisse se sont vivement appréciés
sous l’effet de ces réallocations de portefeuille.
Pour contrer l’appréciation de leur monnaie,
les autorités japonaises sont intervenues sur les
changes en vendant des yens – atteignant un
volume record pour une seule journée –, tandis que la Banque nationale suisse a plafonné
la valeur du franc contre euro.
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
Contraction du financement
des banques européennes
et de l’offre de crédit
2. Finances publiques : réorientation
de la politique budgétaire(1)
2011
2012
Zone euro
9
Autres écon.
avancées
ÉcÉm
6
3
0
–3
PT GR IE ES IT FR BE AT GB US JP CN MX BR IN TR
AT = Autriche ; BE = Belgique ; BR = Brésil ; CN = Chine ; ES = Espagne ;
FR = France ; GB = Royaume-Uni ; GR = Grèce ; IE = Irlande ; IN = Inde ;
IT = Italie ; JP = Japon ; MX = Mexique ; PT = Portugal ; TR = Turquie ;
US = États-Unis.
1) Orientation de la politique budgétaire mesurée par le solde primaire
structurel des administrations publiques en % du PIB.
Sources : FMI, Moniteur des finances publiques et Perspectives de l’économie mondiale ; calculs BRI.
Les économies avancées et les ÉcÉm ont été
nombreuses à durcir leur politique budgétaire.
Si les premières réagissaient aux préoccupations liées à la viabilité des finances publiques,
les secondes visaient plutôt à contenir la
demande intérieure. En Grèce, en Irlande et
au Portugal, une telle orientation était prescrite
par les programmes de soutien officiels, qui
exigeaient de réduire les déficits de plusieurs
points de PIB. De grandes économies de la
zone euro, telles l’Espagne, la France et l’Italie,
ont, elles aussi, fortement durci leur politique.
Hors de la zone euro, le Royaume-Uni, dont
la note a été assortie d’une perspective négative par deux grandes agences de notation, a
continué de réduire son déficit budgétaire. Les
États-Unis ont également quelque peu durci
leur orientation budgétaire, malgré le maintien des allègements fiscaux sur les salaires et
des allocations chômage supplémentaires en
2011 et 2012. Le Japon a été la seule grande
économie avancée à assouplir son orientation
budgétaire, pour financer les dépenses de
reconstruction après le séisme. Plusieurs ÉcÉm
ont, elles, légèrement resserré leur politique
budgétaire dans le but de contenir la demande
intérieure. Les ajustements budgétaires ne
semblent toutefois pas avoir été systématiquement associés à un affaiblissement de la
croissance en 2011.
La crise de la dette souveraine de la zone
euro a soumis les banques européennes à des
tensions croissantes au second semestre de
2011, en raison de l’incertitude quant à leur
exposition au risque souverain et à la capacité des pouvoirs publics à soutenir les établissements fragiles. Les primes des contrats
dérivés sur défaut (Credit Defaut Swap – CDS)
des banques européennes ont vivement augmenté, à mesure que la perception de leur
qualité de crédit se détériorait. Les actions
bancaires se sont effondrées dans les pays où
la dette souveraine s’était le plus dépréciée, et
elles ont nettement baissé ailleurs. Mais la crise
a également frappé les banques hors zone
euro, comme en atteste le comportement du
cours des actions et des primes CDS.
Les conditions de financement des banques
de la zone euro se sont rapidement dégradées
en automne. Les déposants ont commencé à
retirer leur argent des banques en Espagne et,
‘‘ La crise de la dette souveraine
de la zone euro a soumis
les banques européennes
à des tensions croissantes ’’
dans une moindre mesure, en Italie, ajoutant
aux sorties continues de fonds des banques en
Grèce et en Irlande. Les marchés de la dette
non garantie se sont, pour l’essentiel, fermés à
de nombreuses banques de la zone euro. Et le
coût d’emprunt sur l’interbancaire a augmenté,
de façon sensible, dans le compartiment de
l’euro, mais aussi dans ceux du dollar et de la
livre sterling. Si les financements en dollar se
sont contractés pour les banques de la zone
euro, c’est en partie parce que les fonds monétaires américains ont réduit leur exposition.
La montée des pressions en faveur d’un
désendettement a entraîné une préférence
locale dans l’octroi de prêts pour les banques
de la zone euro ; ces banques ont généralement
resserré leurs conditions aux entreprises au dernier trimestre de 2011 plus fortement qu’aux
États-Unis. Le rythme d’expansion du crédit des
21
22
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
3. Banques : indicateurs de solidité financière
Prime CDS, en points de base
Banques :
UE
Amérique
du Nord
Asie
Banques de la zone euro : cours
des actions, 1er janvier 2010 = 100
400
Portugal
Irlande 125
Italie
Espagne
100
300
75
France
Allemagne
Grèce
500
200
50
100
25
0
2008
2009
2010
2011
2012
Autres banques : cours des
actions, 1er janvier 2010 = 100
125
100
75
ÉcÉm
Japon
Suisse
Royaume-Uni
États-Unis
50
25
0
0
2010
2011
2012
2010
2011
2012
Sources : Datastream ; calculs BRI.
banques de la zone euro aux emprunteurs non
financiers résidents est tombé à zéro, cependant que leur offre de crédit aux autres régions
s’est contractée. Entre juin et décembre 2011,
les créances étrangères des banques de la zone
euro sur les emprunteurs des ÉcÉm ont baissé
de 12 % : 4 % en Afrique et Moyen-Orient,
20 % en Asie-Pacifique, 13 % en Europe émergente et 9 % en Amérique latine-Caraïbes. La
réduction a été particulièrement importante
pour les prêts les plus risqués – comme les
prêts à effet de levier ou les financements sur
projet – et pour les prêts exigeant souvent un
financement en dollar, comme le crédit-bail sur
matériel aéronautique et naval, ou le financement de transactions commerciales.
Cela étant, d’autres formes de financement
se sont en grande partie substituées aux prêts
des banques de la zone euro. Dans certains
cas, il s’est agi de banques : certains grands
groupes australiens, britanniques et japonais,
déjà tournés vers l’Asie émergente, ont accru
leurs concours dans la région. Les banques
nationales ont également pris le relais, surtout
en Amérique latine – moins en Europe émergente, où les banques d’Europe occidentale
détenaient une large part de marché. En outre,
de grandes entreprises ont fait appel à l’obligataire, où les émissions brutes se sont accrues
de près de 30 % au dernier trimestre 2011.
La faiblesse de l’économie et les tensions
croissantes sur les marchés financiers vers la
fin de 2011 ont conduit les banques centrales
à prendre une nouvelle série de mesures de
soutien. La Réserve fédérale (Fed) des ÉtatsUnis s’est engagée à acheter 400 milliards
de dollars supplémentaires de titres du Trésor américain à long terme, financés par des
ventes d’effets à plus court terme. Elle a, en
outre, annoncé qu’elle comptait maintenir son
taux directeur à des niveaux exceptionnellement bas au moins jusqu’à fin 2014. La Banque
du Japon et la Banque d’Angleterre ont encore
accru la taille de leur programme d’achat d’actifs. Les banques centrales du Brésil, de Chine,
d’Inde, d’Indonésie, des Philippines et de
Turquie ont, elles aussi, assoupli leur politique
monétaire. La BCE, pour sa part, a annoncé, en
décembre 2011, des opérations de refinancement à trois ans, contre une gamme élargie de
sûretés. Les grandes banques centrales étaient
déjà convenues de réduire la tarification de
leurs lignes de swap bilatérales, ce qui leur a
permis d’alimenter en dollar, à moindre coût,
les banques commerciales, notamment celles
de la zone euro.
Banque des règlements inter
internat
nationaux
ionaux
« RAPPORT ANNUEL »
Le texte reproduit est extrait du chapitre II du 82e rapport annuel de la Banque des règlements internationaux.
Il couvre la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2012.
30 juin 2012
Centralbahnplatz 2
4002 Bâle
Suisse
Tél. : (+41 61) 280 8080,
Fax : (+41 61) 280 9100
www.bis.or
www
.bis.org
g
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
L’INFLATION
POURSUIT
SA HAUSSE
Rapport annuel de la Banque de France | CHRISTIAN NOYER
Problèmes économiques
Les marchés de capitaux
> Sur les marchés financiers, les incertitudes
se sont exacerbées en 2011. Face à la crise,
les politiques monétaires sont devenues
davantage non conventionnelles, aux
États-Unis et au Royaume-Uni comme
dans la zone euro, très affectée par la crise
de la dette souveraine. Si les cours de l’or se
sont appréciés de façon considérable, ceux
des matières premières se sont légèrement
détendus, tout en restant à des niveaux
historiquement élevés. L’inflation a
poursuivi sa hausse entamée en 2010 :
l’indice des prix à la consommation
harmonisé a en effet augmenté de 2,7 %
en 2011, après 1,6 % et 0,3 % les années
précédentes. La masse monétaire, quant
à elle, n’a crû que modérément dans la
zone euro en 2011 et les taux directeurs
demeurent toujours extrêmement bas.
’intensification de la crise des dettes souveraines dans la zone euro a marqué l’année 2011. Les tensions et les incertitudes
sur les marchés financiers se sont exacerbées,
particulièrement au deuxième trimestre, alors
que la croissance mondiale a fortement ralenti.
L
Dans les principales zones économiques, le
renforcement des politiques monétaires non
conventionnelles a accentué les excédents
de liquidité. Aux États-Unis, au Japon et au
Royaume-Uni les taux d’intérêt à court terme
sont restés à un faible niveau tout au long
de l’année 2011. En zone euro, l’Eurosystème a ajusté sa politique de taux d’intérêt
et ses opérations de fourniture de liquidité
(accroissement de la durée des opérations
de refinancement notamment) aux évolutions
du contexte macroéconomique et à l’impact
des tensions croissantes sur les marchés de la
dette souveraine sur le système bancaire de la
zone. Dans ce contexte, la segmentation du
marché monétaire en euros a perduré, avec
une dispersion accrue des taux de prêts selon
les contreparties. Les conditions de financement en dollars des banques de la zone euro
se sont également durcies très sensiblement.
Les opérations de fourniture de liquidité en
dollars de l’Eurosystème, adossées à un accord
de swap de change avec le Système fédéral
23
24
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
de réserve (la Fed), ont néanmoins favorisé
en fin d’année une réduction de ces tensions,
comme l’atteste la détente significative des
basis swaps euro-dollar[1] : ainsi le basis swap
euro-dollar 3 mois est passé de – 157 points
de base le 29 novembre, veille de l’annonce
par l’Eurosystème de la baisse du taux de ses
prêts en dollars, à – 114 points de base le
30 décembre.
Dans la zone euro, la crise des dettes souveraines a connu de nouveaux épisodes avec des
tensions exacerbées sur les marchés « périphériques » illustrant la défiance des investisseurs
vis-à-vis de faiblesses macroéconomiques et
leurs doutes sur le caractère soutenable des
finances publiques de certains pays. Ces pressions ont conduit en mai 2011 à l’octroi au
Portugal d’un programme d’aide d’un montant
‘‘ Dans la zone euro, la crise des
dettes souveraines a connu de
nouveaux épisodes avec des
tensions exacerbées sur les
marchés « périphériques » illustrant
la défiance des investisseurs ’’
de 78 milliards d’euros financé par l’Union
européenne et le Fonds monétaire international (FMI) et à la participation du secteur privé
à un plan de réduction de la dette grecque,
annoncé en juillet. L’abaissement par l’agence
Standard & Poor’s de la notation de la dette
de long terme grecque au niveau le plus faible
possible avant le constat de défaut (CCC)
a accru les inquiétudes des investisseurs et
la défiance vis-à-vis des dettes souveraines
périphériques de la zone euro. Les tensions
ont également touché l’Irlande, puis l’Italie et
l’Espagne à partir de juillet. Dans un contexte
de fort assèchement de la liquidité sur les
marchés obligataires, le niveau des taux des
titres d’État de ces pays et les écarts de taux,
notamment par rapport aux taux allemands
comparables, ont atteint des niveaux jamais
enregistrés depuis la création de l’euro.
1 Pour une échéance donnée (exemple 3 mois) le basis swap
euro-dollar représente la différence de coût entre un emprunt sur
le marché monétaire américain (à taux Libor) et une opération
synthétique d’emprunt sur le marché monétaire zone euro (à taux
Euribor) suivi d’un swap de change entre euro et dollar.
Signe révélateur d’inquiétude, les courbes
de rendement des titres d’État du Portugal, de
l’Italie et de l’Espagne se sont sensiblement
aplaties avec une hausse très marquée des
taux des titres d’échéance courte. Au second
semestre, des tensions ont également affecté
les pays du « centre » de la zone euro. Ainsi, le
spread contre Allemagne sur une échéance de
dix ans a atteint un plus haut historique depuis
la création de l’euro sur les titres français
(190 points de base), autrichiens (184 points
de base), finlandais (77 points de base) et
néerlandais (63 points de base), même si les
titres de ces quatre pays ont continué d’être
relativement recherchés par les investisseurs
dans un environnement de fuite vers la qualité
et la liquidité. Suite à l’accord issu du sommet
européen sur un pacte budgétaire (fiscal compact) et le renforcement de la coordination
des politiques économiques, le 9 décembre
2011, et aux annonces de la Banque centrale
européenne (BCE) en matière de gestion de
la liquidité (notamment opérations de refinancement à trois ans), le 8 décembre, un
apaisement a été enregistré sur les marchés
obligataires de la zone euro, particulièrement
marqué sur les parties courtes des courbes de
taux des pays périphériques.
Aux États-Unis, le maintien d’une politique monétaire accommodante, les données
macroéconomiques décevantes et l’intensification des tensions en zone euro ont conduit
les taux obligataires américains à des plus bas
historiques : 0,15 % sur l’échéance 2 ans et
1,72 % sur l’échéance 10 ans en septembre
(contre des points hauts de 0,85 % et 3,74 %
atteints en février). Ces niveaux de taux très
bas sont intervenus en dépit de la dégradation de la note de la dette souveraine américaine par Standard & Poor’s (de AAA à AA+
avec maintien d’une perspective négative) le
5 août, décision qui a fait suite aux difficultés
rencontrées par la Chambre des représentants,
à majorité républicaine, et l’administration
Obama à s’entendre sur un relèvement du plafond de la dette fédérale.
Bénéficiant également d’achats d’investisseurs à la recherche de valeurs refuges, les
taux obligataires souverains au Royaume-Uni
ont évolué de manière analogue aux taux
américains. Les non-résidents ont été, au
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
Royaume-Uni comme aux États-Unis, acheteurs nets de titres souverains. La Banque
d’Angleterre ayant par ailleurs accru son programme d’achats de titres de 75 milliards de
livres sterling (la cible d’achat est ainsi passée
de 200 à 275 milliards de livres sterling), les
taux britanniques ont atteint des points bas
historiques.
Le mouvement des taux obligataires japonais
a été sensiblement le même qu’aux États-Unis
et au Royaume-Uni : le taux 2 ans s’est établi à
0,136 % le 30 décembre 2011 (contre un point
haut sur l’année de 0,254 % atteint en février)
et le taux 10 ans à 0,998 % (point haut sur
l’année à 1,355 %, en février).
Sur les marchés de change, l’aggravation
de la crise souveraine européenne a renforcé
le rôle de valeur refuge du franc suisse et du
yen japonais (voir graphique 1). Face à la très
forte appréciation de sa devise pendant l’été,
la Banque nationale suisse a décidé d’instaurer
‘‘ Le cours de l’or s’est apprécié
de façon considérable en 2011,
soutenu par l’aversion au risque et
par la demande de banques centrales
des pays émergents ’’
un taux plancher à 1,20 sur la parité euro-franc
suisse, avec succès puisque le taux de change
effectif du franc suisse s’est apprécié de moins
de 2 % entre janvier et décembre. Le taux de
change effectif de la devise japonaise s’est
apprécié de plus de 7 % sur l’année en dépit
de l’intervention coordonnée du G7 de mars
pour contrer l’appréciation du yen suite au
séisme et à la catastrophe nucléaire et des
interventions unilatérales de la Banque du
Japon d’août et d’octobre. Le dollar américain
a également joué le rôle de valeur refuge, profitant de son statut de devise la plus liquide au
monde, alors que l’euro a fait preuve de résistance tout au long de l’année malgré l’intensification de la crise des dettes souveraines (– 1 %
en taux de change effectif nominal).
Le cours de l’or s’est apprécié de façon
considérable en 2011, soutenu par l’aversion
au risque et par la demande de banques
centrales des pays émergents. Il a atteint un
plus haut historique de 1 920 dollars l’once en
1. Taux de change nominal effectif
(base 100 = 3 janvier 2011)
125
120
115
110
105
100
95
90
85
Janv.
2011
Mars
Mai
Franc suisse
Yen
Juil.
Sept.
Nov.
Dollar
Euro
Janv.
2012
Livre sterling
Source : Bloomberg.
septembre et a progressé de plus de 11 % sur
l’année.
Dans les pays émergents, le ralentissement
de la croissance et l’atténuation des tensions
inflationnistes au second semestre ont incité
les banques centrales à entamer un cycle de
desserrement monétaire. Les marchés émergents ont été pénalisés par les réallocations
de portefeuilles vers les pays développés et les
actifs refuges, dans un climat de montée des
incertitudes. Ainsi, les devises émergentes se
sont dépréciées face au dollar américain alors
que l’indice EMBI global calculé par JP Morgan,
qui mesure les écarts de rendement obligataire
des titres souverains des pays émergents vis-àvis des titres d’État américains, s’est nettement
tendu, passant de 288 points à 426 points de
base sur l’année.
Les marchés
de matières premières
Les prix des matières premières ont commencé l’année 2011 à des niveaux élevés
et poursuivi leur hausse pendant le premier
trimestre avant de se détendre à partir du
printemps, tout en restant à des niveaux historiquement élevés.
Le prix du Brent a dépassé pour la première
fois 100 dollars en moyenne annuelle (111 dollars en 2011). Ce niveau élevé s’explique par
de nombreuses tensions sur la production au
Moyen-Orient et en Afrique du Nord, avec en
25
26
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
particulier les ruptures d’approvisionnement
du pétrole libyen : la baisse de production
totale en Libye, en Syrie et au Yémen a atteint
450 millions de barils en 2011, ce qui représente environ 1,5 % de la production mondiale. Ces tensions ont amené les membres
de l’Agence internationale de l’énergie à utiliser leurs réserves stratégiques et l’Arabie
Saoudite à augmenter sa production, sans
toutefois compenser entièrement les baisses
de production. Ces tensions sont apparues
dans un contexte de baisse tendancielle de la
production hors OPEP (Organisation des pays
exportateurs de pétrole), notamment en mer
du Nord (Norvège et Royaume-Uni), où elle
a été inférieure de 3 millions barils/jour à son
niveau d’il y a dix ans.
3. Indices HWWA du prix
des matières premières
(base 100 = janvier 1999)
1 400
1 200
1 000
800
600
400
200
0
1999
2001
2003
2005
2007
2009
2011
Énergie
Produits alimentaires
Produits industriels
Source : Intitut de recherche économique de Hambourg.
La baisse du prix du pétrole à partir du mois
d’avril a été le reflet d’une succession de chocs
baissiers qui ont pesé sur l’activité économique
mondiale, tels que la détérioration de l’économie dans les pays de l’Union européenne en
fin d’année ou le ralentissement dans les pays
émergents.
L’importance de la production de pétrole dans
le Midwest américain et le manque d’infrastructures de transport pour acheminer ce pétrole
vers le golfe du Mexique se sont traduits par
des fortes pressions à l’augmentation de la
décote de l’indice WTI.
À la toute fin de l’année, les tensions géopolitiques liées à l’Iran ont accru l’incertitude
sur le marché du pétrole, menant à de fortes
hausses de prix début 2012.
Les prix des produits agricoles ont baissé
pendant l’année en raison de bonnes récoltes,
en particulier de blé, mais aussi de sucre (en
Inde) et de soja (en Amérique latine).
L’année 2011 a également été caractérisée
par un écart de prix très élevé entre les deux
principaux indices pétroliers, le Brent de la mer
du Nord et le West Texas Intermediate (WTI)
échangé à Cushing (Oklahoma) aux États-Unis,
jusqu’à atteindre 29 dollars en septembre.
Enfin, les prix des métaux non précieux ont
également diminué au cours de l’année en
raison du ralentissement de l’activité économique mondiale.
2. Prix du pétrole (Brent)
L’inflation dans la zone euro a poursuivi
la hausse entamée en 2010 : en variation
annuelle, l’indice des prix à la consommation
harmonisé (IPCH) a augmenté de 2,7 % en
2011, après 1,6 % en 2010 et 0,3 % en 2009.
Cette variation moyenne recouvre une trajectoire ascendante au long de l’année, le glissement annuel passant de 2,3 % en janvier 2011
à 2,7 % en décembre, après une poussée à
3,0 % en septembre, octobre et novembre.
L’inflation sous-jacente de la zone euro (hors
prix de l’énergie et des produits alimentaires
non transformés) a connu elle aussi un profil
ascendant au cours de l’année 2011, passant
de 1,2 % en janvier à 2,0 % de septembre à
décembre.
140
120
100
80
60
40
20
0
2000
2002
2004
2006
Cours du Brent en dollars
Cours du Brent en euros
Source : Bloomberg.
2008
2010
2012
Progression de l’inflation
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
Évolution des agrégats monétaires dans la zone euro et en France
(encours en milliards d’euros ; taux de croissance en %)
Zone euro(1)
France
Taux de croissance annuel(2)
Encours Taux de croissance annuel brut(2) Encours non
cvs à fin
cvs à fin
Décembre Décembre Décembre
Décembre Décembre Décembre
décembre
décembre
2009
2010
2011
2009
2010
2011
2011
2011
Agrégats monétaires ou
principaux actifs monétaires
(en données cvs)(3)
Billets et pièces en circulation
+ Dépôts à vue
= M1
+ Autres dépôts monétaires
dont : dépôts à préavis ≤ 3 mois
dépôts à terme ≤ 2 ans
= M2
+ Instruments négociables
dont : titres d’OPCVM monétaires
titres de créances ≤ 2 ans
= M3
Contribution française à M3(4)
843,0
3 943,0
4 786,0
3 805,0
1 958,0
1 846,0
8 591,0
1 150,0
535,0
207,0
9 740,0
6,3
13,5
12,2
– 8,9
15,1
– 24,0
1,6
– 11,7
– 2,0
– 50,0
– 0,4
4,8
4,3
4,4
– 0,3
6,2
– 6,4
2,3
– 2,1
– 15,2
– 13,6
1,7
6,2
0,7
1,6
2,1
1,9
2,2
1,8
– 0,7
– 5,2
24,0
1,5
580,0
6,8
7,6
4,4
715,0
559,0
156,0
– 5,3
3,1
– 27,4
2,9
3,5
0,5
8,8
7,3
14,7
437,0
290,0
112,0
– 14,5
– 0,2
– 56,6
4,1
– 11,7
98,7
– 7,5
– 9,5
– 4,2
1 811,0
– 4,8
6,6
3,1
1) Opérations des institutions financières et monétaires (IFM) de la zone euro avec les autres résidents de la zone euro.
2) Évolutions corrigées de l’incidence des reclassements et des effets de valorisation.
3) Opérations des IFM françaises avec les autres résidents français.
4) Engagements à moins de deux ans des IFM résidant en France, hors billets et pièces en circulation, vis-à-vis du secteur détenteur de monnaie de la zone euro
(résidents de la zone euro, hors IFM et administrations centrales), ainsi que, par assimilation, les dépôts de ce secteur auprès des administrations centrales.
Source : Banque de France.
Les caractéristiques de l’inflation française
en 2011 ont été comparables à celles de
l’inflation de la zone euro, quoiqu’elle ait
été plus contenue. L’IPCH de la France a
augmenté de 2,3 % en 2011, après 1,7 %
en 2010 et 0,1 % en 2009. Le profil a également été ascendant sur 2011, de 2,0 % en
janvier à 2,7 % en décembre. Enfin, l’inflation
sous-jacente française s’est accrue elle aussi :
alors qu’elle demeurait contenue à 1,0 % en
janvier 2011, valeur historiquement faible sur
la dernière décennie, elle a atteint 2,0 % en
décembre.
Comme ce fut le cas en 2010, l’évolution
des prix internationaux des produits pétroliers
explique largement la poussée que l’inflation
totale a connue en 2011. Le prix du baril
de Brent en euros a poursuivi une appréciation régulière entamée depuis trois ans. En
moyenne annuelle, il a atteint un record historique à 80 euros en 2011, contre 60 euros
en 2010, et 44 euros en 2009. De plus, la
dépréciation de la monnaie européenne vis-àvis du dollar au cours du second semestre de
2011 a renchéri la facture pétrolière, annulant
les effets de la légère modération des prix
pétroliers en dollars sur la même période.
Ces évolutions se sont transmises aux prix à la
pompe : l’indice IPCH énergie a crû, en France
‘‘ L’évolution des prix internationaux
des produits pétroliers explique
largement la poussée que l’inflation
totale a connue l’année dernière ’’
comme en zone euro, de 12 % en moyenne sur
2011, contribuant à hauteur de + 1,2 point de
pourcentage à l’inflation totale.
Par ailleurs, la hausse des prix internationaux
des produits alimentaires en 2010 s’est diffusée en 2011 aux prix des produits alimentaires
transformés qui ont accéléré de 1,8 % en janvier à 4,1 % en décembre. En France, l’inflation
27
28
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
de ce poste est passée de 0,8 % à 4,3 % sur la
même période. Cette évolution rend compte
de l’accroissement en 2011 de l’inflation sousjacente, par ailleurs soutenue par une inflation
salariale plus élevée.
4. Indice des prix à la consommation
harmonisé
(Glissement annuel, en %)
5
4
3
2
1
0
–1
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
IPCH total, France
IPCH sous-jacent (hors énergie
et alimentaire non transformé), France
IPCH sous-jacent (hors énergie
et alimentaire non transformé), zone euro
IPCH total, zone euro
Sources : INSEE, Eurostat.
Une croissance modérée
de la masse monétaire
Après avoir connu une phase de redressement durant la seconde moitié de l’année 2010
et au premier semestre de 2011, le taux de
croissance annuel de l’agrégat monétaire M3
de la zone euro a fléchi pour revenir à 1,5 %
fin 2011, retrouvant quasiment son niveau de
2010 (1,7 %). La contribution française à l’agrégat européen a crû de 3,1 % en 2011, ralentissant nettement par rapport à sa forte reprise
de l’année précédente (6,6 % en 2010). Après
déduction des avoirs des « Autres intermédiaires financiers », le ralentissement est moins
marqué, la contribution française à l’agrégat
M3 progressant de 4,6 % en décembre 2011,
au lieu de 5,6 % en 2010.
Les modifications intervenues dans les rémunérations relatives des principaux types de
placements ont influencé les évolutions respectives des différentes composantes de M3,
dans la zone euro comme en France. Par
rapport au point bas atteint en 2010, la légère
remontée des taux d’intérêt à court terme a
accru le coût d’opportunité de la détention des
actifs les plus liquides peu ou pas rémunérés,
dépôts à vue et numéraire. Elle a engendré un
net ralentissement de la croissance de M1 dans
5. Taux directeurs de l’Eurosystème
7
6
5
4
3
2
1
0
Fév.
1999
Fév.
2000
Fév.
2001
Eonia(1)
Facilité de dépôt
(1) Euro OverNight Index Average.
Source : Banque centrale européenne.
Fév.
2002
Fév.
2003
Fév.
2004
Fév.
2005
Fév.
2006
Fév.
2007
Facilité de prêt marginal
Opérations principales de refinancement
Fév.
2008
Fév.
2009
Fév.
2010
Fév.
2011
Fév.
2012
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
la zone euro (1,6 % en 2011, après 4,3 % en
2010) et une sensible décélération des dépôts
à vue en France, qui ont crû de 4,4 % en 2011,
après 7,6 % en 2010.
Dans la zone euro, les sociétés non financières (SNF) ont réduit leurs encours de dépôts
à vue tandis que les ménages ont privilégié les
placements liquides, plus rémunérateurs. La
hausse de la rémunération des dépôts à court
terme inclus dans M2 – M1 a relancé leur croissance (1,9 % en 2011 après – 0,4 % en 2010).
En France, les encours de livrets ont progressé
vigoureusement à la suite des deux hausses
du taux du livret A intervenues en février et en
août qui ont été répercutées également sur les
conditions offertes sur les livrets ordinaires.
Dans la zone euro, l’encours des dépôts
constitutifs de M3 – M2, après avoir connu de
larges fluctuations en cours d’année, a légèrement fléchi fin 2011 par rapport à son niveau
de fin 2010 (– 0,7 %). Au second semestre
de 2011, la croissance des instruments négociables a été affectée par les turbulences
financières. Les avoirs des « Autres intermédiaires financiers » ont été gonflés jusqu’en
novembre par le large recours des banques de
la zone euro aux pensions. Confrontées à des
difficultés à se financer en blanc, celles-ci ont
notamment contracté des prêts garantis par
l’intermédiaire des chambres de compensation, s’assurant ainsi contre le risque de contrepartie. Les OPCVM (organismes de placement
collectif en valeurs mobilières) monétaires ont
continué de faire l’objet de retraits nets, dans
la zone euro comme en France, du fait de leur
faible rendement.
Banque de Fr
France
« RAPPORT ANNUEL DE LA BANQUE DE
FRANCE »
Le texte reproduit est extrait du premier chapitre du
rapport, intitulé : « Politique monétaire, action pour la
stabilité et reprise économique ».
2011
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ance.fr
29
30
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
LE COMMERCE
MONDIAL S’EST
CONTRACTÉ
Rapport sur le commerce mondial 2012 | OMC
Problèmes économiques
> La faible croissance de la production
mondiale, mesurée par le produit
intérieur brut – PIB – (+ 2,4 %) s’est
accompagnée d’un ralentissement des
échanges commerciaux (+ 5 %), en 2011.
Ces chiffres font suite à une année 2010
au cours de laquelle le commerce mondial
a connu une croissance sans précédent. Les
conséquences du séisme dont le Japon a été
victime en mars 2011, les inondations
en Thaïlande, le Printemps arabe, la
croissance atone dans les pays de l’Union
européenne ont pesé sur les échanges.
Au point, qu’en 2011, les exportations des
pays en développement, hors Chine, ont
augmenté plus lentement que celles des pays
développés tirées par les ventes américaines
(+ 7,2 % en 2011).
E
n 2011, le commerce mondial des marchandises a augmenté de 5,0 % en
volume, tandis que la croissance de
la production mondiale a été de 2,4 %. Ces
chiffres traduisent un net ralentissement par
rapport à l’année 2010, au cours de laquelle
le commerce avait augmenté de 13,8 % et la
production de 3,8 % (voir graphique 1)[1].
On s’attendait certes à un ralentissement
de la croissance du commerce et de la production en 2011, mais de multiples chocs
économiques sont venus freiner l’activité et les
échanges pendant l’année. Le tremblement
de terre, le tsunami et l’incident nucléaire qui
ont frappé le Japon en mars ont entraîné une
forte diminution des exportations du pays au
deuxième trimestre, tandis que les inondations
en Thaïlande ont réduit l’offre de pièces et de
composants essentiels au quatrième trimestre,
perturbant encore plus les réseaux de production mondiaux. Les troubles dans les pays
d’Afrique du Nord ont eu des répercussions sur
les exportations de la région, en particulier en
Libye, où la production et les exportations de
pétrole se sont effondrées. Enfin, dans l’Union
européenne (UE), la croissance négative du
1 Il faut noter que les chiffres du commerce des marchandises en
volume font référence à la croissance en termes réels, c’est-à-dire
ajustée pour tenir compte des variations des prix des exportations
et des importations..
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
produit intérieur brut (PIB) a réduit la demande
de produits importés au quatrième trimestre,
alors que la crise de la dette souveraine
s’aggravait.
Du fait de l’atonie de la croissance économique en 2011, la demande d’importations
a diminué dans les plus grandes économies
et la croissance des exportations mondiales a
été inférieure à la prévision de l’Organisation
mondiale du commerce (OMC) qui tablait sur
un taux de 5,8 %. La production du Japon a
diminué au quatrième trimestre après avoir
enregistré sa seule augmentation de l’année
au troisième trimestre. Même le dynamisme
économique de la Chine a semblé s’essouffler vers la fin de l’année, la croissance du
PIB au quatrième trimestre tombant à 7,8 %
en taux annualisé, contre 9,5 % en moyenne
pendant les trois premiers trimestres, selon
des données provenant du Bureau national
de statistique de la Chine. Aux États-Unis, les
indicateurs économiques se sont améliorés
dans les derniers mois de 2011, la croissance
de la production ayant atteint 3,0 % en rythme
annuel au quatrième trimestre et le chômage
ayant reculé à 8,3 % en décembre, d’après
les données de l’Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE),
mais ces améliorations n’ont compensé qu’en
partie les baisses antérieures.
Les résultats des économies développées
ont dépassé les attentes, avec une croissance
des exportations de 4,7 % en 2011, alors que
ceux des économies en développement (comprenant, aux fins de l’analyse, la Communauté
des États indépendants – CEI) ont été moins
bons que prévu, avec une croissance de seulement 5,4 %. En fait, les expéditions en provenance des économies en développement
autres que la Chine ont augmenté un peu plus
lentement que les exportations des économies
développées (y compris celles du Japon sinistré). Les assez bons résultats des économies
développées s’expliquent par une augmentation robuste de 7,2 % des exportations des
États-Unis et par une progression de 5,0 % de
celles de l’Union européenne. En revanche, la
baisse de 0,5 % des exportations du Japon a
réduit la moyenne de l’ensemble des économies développées.
Plusieurs événements défavorables ont pesé
de façon disproportionnée sur les économies
en développement, notamment l’interruption
des livraisons de pétrole de la Libye, qui a fait
chuter les exportations africaines de 8 % en
2011, et les graves inondations qui ont frappé
la Thaïlande au quatrième trimestre. Au Japon,
le tremblement de terre et le tsunami ont perturbé les chaînes d’approvisionnement mondiales, ce qui a pénalisé les exportations de
1. Croissance du commerce mondial des marchandises, en volume, et du PIB, 2000-2011
(Variation annuelle en pourcentage)
15
Croissance moyenne des exportations
1991-2011
10
5
0
Croissance moyenne
du PIB 1991-2011
–5
– 10
– 15
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
Exportations
Source : Secrétariat de l’OMC.
2007
PIB
2008
2009
2010
2011
31
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
En 2011, la valeur en dollars du commerce
mondial de marchandises a augmenté de 19 %
pour s’établir à 18 200 milliards de dollars,
dépassant le record de 16 100 milliards de
dollars enregistré en 2008. Cette augmentation était due en grande partie à la hausse des
prix des produits de base, les flux commerciaux mensuels ayant généralement stagné ou
diminué pendant l’année dans de nombreux
grands pays commerçants (voir graphique 2).
La part des économies en développement et
de la CEI dans le total mondial a atteint 47 %
pour les exportations et 42 % pour les importations. Ce sont les niveaux les plus élevés
jamais enregistrés dans une série de données
remontant à 1948. (…)
pays en développement comme la Chine, où la
production de biens destinés à l’exportation a
été entravée par la diminution des expéditions
de composants.
L’année 2011 a été marquée par de fortes
fluctuations de change, qui ont modifié les
positions compétitives de certaines grandes
puissances commerciales et ont induit une
intervention des pouvoirs publics (par exemple
en Suisse ou au Brésil). Ces fluctuations étaient
dues, dans une large mesure, aux comportements adoptés face au risque lié à la crise
de la dette souveraine européenne. Le dollar
s’est déprécié de 4,6 % en valeur nominale
par rapport à un large panier de monnaies,
d’après les données de la Réserve fédérale, et
de 4,9 % en valeur réelle, selon les données
du Fonds monétaire international, ce qui a eu
pour effet de réduire généralement le coût des
exportations des États-Unis. La dépréciation
nominale du dollar aurait aussi entraîné une
augmentation de la valeur en dollars de certaines transactions internationales.
État de l’économie mondiale
et du commerce international
en 2011
Croissance économique
Le taux de croissance de la production mondiale est tombé à 2,4 % en 2011, contre 3,8 %
l’année précédente, sous l’effet de la crise
de la dette souveraine en Europe, des perturbations des chaînes d’approvisionnement
dues aux catastrophes naturelles au Japon et
en Thaïlande, et des troubles dans les pays
L’évolution décrite ci-dessus concerne le
commerce en termes réels (c’est-à-dire en
volume), mais les flux nominaux (en devises)
de marchandises et de services commerciaux
ont également été affectés par les chocs économiques récents.
2.Volume des exportations mondiales de marchandises, 1990-2011
(Indices, 1990 = 100)
400
350
300
250
200
150
100
Volume des exportations
Source : Secrétariat de l’OMC.
Tendance (1990-2008)
2011
2010
2009
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
2000
1999
1998
1997
1996
1995
1994
1993
1992
1991
50
1990
32
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
arabes. Ce taux de croissance est bien inférieur
à la moyenne de 3,2 % enregistrée au cours
des vingt années qui ont précédé la crise financière de 2008 (voir tableau 1).
La contraction de 0,5 % de la production
au Japon, provoquée par le séisme catastrophique survenu en mars 2011, explique
en partie la croissance atone des économies
développées en 2011 (1,5 %). La croissance du
PIB des États-Unis (production totale du pays)
a été légèrement supérieure à la moyenne de
l’ensemble des économies développées, s’établissant à 1,7 %, tandis que dans l’UE la croissance a été conforme à la moyenne, à 1,5 %.
Les régions où la croissance a été la plus
rapide sont le Moyen-Orient (4,9 %), suivi par
la Communauté des États indépendants (4,6 %)
et l’Amérique du Sud et centrale (4,5 %).
L’Afrique, dont le PIB a augmenté de 2,3 %,
aurait pu connaître une croissance plus rapide
sans les soulèvements en Libye, en Tunisie, en
Égypte et dans d’autres pays.
Une fois encore, la croissance du PIB a été
plus rapide en Chine que dans le reste du
monde, à 9,2 %, ce qui n’était pas plus que
le taux enregistré par le pays au plus fort
de la crise financière mondiale en 2009. Par
contre, les nouvelles économies industrialisées
(Hong Kong, Chine ; République de Corée ;
Singapour ; et Taipei chinois) ont enregistré
ensemble une croissance inférieure de plus de
moitié à celle de la Chine (4,2 %). La croissance
des économies en développement et de la CEI
prises ensemble a été de 5,7 % en 2011.
Bien qu’il soit difficile d’obtenir des données
trimestrielles agrégées sur la croissance du PIB
mondial, on pense que celle-ci s’est ralentie
vers la fin de 2011 sous l’effet de la crise de
1. PIB et commerce des marchandises par région, 2009-2011
(Variation annuelle en pourcentage)
PIB
Exportations
Importations
2009
2010
2011
2009
2010
2011
2009
2010
2011
Monde
– 2,6
3,8
2,4
– 12,0
13,8
5,0
– 12,9
13,7
4,9
Amérique du Nord
– 3,6
3,2
1,9
– 14,8
14,9
6,2
– 16,6
15,7
4,7
– 3,5
3,0
1,7
– 14,0
15,4
7,2
– 16,4
14,8
3,7
– 0,3
6,1
4,5
– 8,1
5,6
5,3
– 16,5
22,9
10,4
États-Unis
Amérique du Sud
et centrale(1)
Europe
– 4,1
2,2
1,7
– 14,1
10,9
5,0
– 14,1
9,7
2,4
– 4,3
2,1
1,5
– 14,5
11,5
5,2
– 14,1
9,5
2,0
– 6,9
4,7
4,6
– 4,8
6,0
1,8
– 28,0
18,6
16,7
Afrique
2,2
4,6
2,3
– 3,7
3,0
– 8,3
– 5,1
7,3
5,0
Moyen-Orient
1,0
4,5
4,9
– 4,6
6,5
5,4
– 7,7
7,5
5,3
Union européenne (27)
Communauté des États
indépendants (CEI)
Asie
– 0,1
6,4
3,5
– 11,4
22,7
6,6
– 7,7
18,2
6,4
Chine
9,2
10,4
9,2
– 10,5
28,4
9,3
2,9
22,1
9,7
Japon
– 6,3
4,0
– 0,5
– 24,9
27,5
– 0,5
– 12,2
10,1
1,9
6,8
10,1
7,8
– 6,0
22,0
16,1
3,6
22,7
6,6
Nouvelles économies
industrialisées (4)(2)
– 0,6
8,0
4,2
– 5,7
20,9
6,0
– 11,4
17,9
2,0
Pour mémoire :
économies développées
– 4,1
2,9
1,5
– 15,1
13,0
4,7
– 14,4
10,9
2,8
2,2
7,2
5,7
– 7,4
14,9
5,4
– 10,5
18,1
7,9
Inde
Pour mémoire :
économies en
développement et CEI
1) Y compris les Caraïbes.
2) Hong Kong, Chine ; République de Corée ; Singapour ; et Taipei chinois.
Source : Secrétariat de l’OMC.
33
34
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
la dette souveraine en Europe. La production
de la zone euro s’est contractée de 1,3 % en
taux annualisé au quatrième trimestre, premier
trimestre de croissance négative depuis que
le bloc monétaire est sorti de la récession en
2009 (voir tableau 1). Dans le même temps,
l’économie chinoise s’est ralentie et le Japon
est resté enlisé dans la récession. Au quatrième
trimestre, la croissance a repris aux États-Unis
où le chômage a reculé, mais cela a probablement été contrebalancé par les évolutions
observées ailleurs.
le même temps, en 2011, la croissance des
importations du Japon (1,9 %) a été la plus
faible de toutes les grandes économies ou
régions.
Parmi les grands pays commerçants, c’est
l’Inde qui a enregistré la plus forte croissance de ses exportations en 2011, avec une
augmentation de 16,1 % des expéditions. La
Chine venait en deuxième position parmi les
grandes économies, avec un taux de croissance des exportations de 9,3 %.
Dans la Communauté des États indépendants, la faible croissance du volume des
exportations coïncidant avec une forte augmentation du volume des importations en
2011 peut s’expliquer par la hausse de 32 %
des prix de l’énergie pendant l’année (voir
tableau 2), qui a dopé les recettes d’exportation et permis d’importer davantage de produits étrangers.
Commerce des marchandises
en volume (en termes réels)
Le volume du commerce mondial des marchandises a augmenté de 5,0 % en 2011, l’Asie
venant en tête de toutes les régions avec une
croissance de 6,6 % (voir tableau 1). L’une des
évolutions les plus marquantes en 2011 a été la
contraction de 8,3 % du volume des exportations de l’Afrique. Cette contraction s’explique
en grande partie par la guerre civile en Libye,
qui a entraîné une réduction d’environ 75 %
des livraisons de pétrole du pays. Les exportations du Japon ont diminué de 0,5 %, comme
son PIB, alors que les expéditions de la CEI ont
progressé d’à peine 1,8 %.
Les importations extra-UE (importations provenant de l’extérieur de l’Union européenne)
ont diminué de 3,8 % au quatrième trimestre,
ce qui équivaut à une baisse de 14,4 % en
taux annualisé. Il est peu probable que cette
diminution se poursuive à ce rythme pendant
très longtemps, mais elle permet d’expliquer la
faiblesse des exportations d’autres économies
pendant cette période. Au lieu de reculer,
les importations des États-Unis sont restées
stables en 2011, mais les États-Unis et l’Union
européenne ont vu leurs exportations augmenter pendant l’année.
Les importations de l’Afrique ont enregistré
une augmentation respectable de 5,0 %, mais
d’autres régions exportatrices de ressources
ont fait mieux. Les importations de la CEI ont
augmenté plus rapidement (16,7 %) que celles
de toute autre région, suivies par celles de
l’Amérique du Sud et centrale (10,4 %). Dans
L’autre fait marquant a été la forte contraction des importations de la Chine à l’époque
2. Prix mondiaux de certains produits primaires, 2000-2011
(Variation annuelle en pourcentage et dollars par baril)
2009
Tous les produits
2010
2011
2000-2011 2005-2011
– 30
26
26
12
14
Métaux
– 19
48
14
15
18
Boissons(1)
– 15
11
20
8
11
Produits alimentaires
2
14
17
10
13
Matières premières agricoles
– 17
33
23
5
9
Énergie
– 37
26
32
15
15
62
79
104
56
76
Pour mémoire : prix du pétrole brut
en dollars par baril(2)
1) Y compris le café, les fèves de cacao et le thé.
2) Moyenne de Brent, Dubai et West Texas Intermediate.
Source : Statistiques financières internationales du FMI.
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
du tremblement de terre qui a frappé le Japon
au deuxième trimestre de 2011. Entre le premier et le deuxième trimestre, les importations
chinoises ont chuté de 6,1 %, ce qui équivaut
à 27 % en rythme annuel, mais au cours des
trimestres suivants le commerce a augmenté
de 4,2 % (18 % en rythme annuel) et de 7,3 %
(32 % en rythme annuel). Cela indique que
l’impact direct de la catastrophe a été fort
mais d’assez courte durée, bien que d’autres
facteurs indirects aient pu jouer un rôle tout
aussi important. Cela témoigne aussi de l’intégration étroite de la Chine dans les chaînes de
valeur asiatiques.
Le volume des exportations de la Thaïlande
a chuté de 8,5 % au quatrième trimestre en
raison des inondations qui ont considérablement affecté les exportations de biens intermédiaires, ce qui a perturbé encore plus les
réseaux de production mondiaux.
Commerce des marchandises
et des services commerciaux
en valeur (en dollars)
La valeur totale en dollars des exportations
mondiales de marchandises a augmenté de
19 %, passant à 18 200 milliards de dollars en
2011 (voir tableau 3)[2]. Cette augmentation,
presque aussi importante que celle de 22 %
enregistrée en 2010, s’explique en grande partie par la hausse des prix des produits primaires.
Les exportations de services commerciaux
ont quant à elles progressé de 11 % en 2011,
passant à 4 100 milliards de dollars. La part des
services commerciaux dans le commerce total
des marchandises et des services commerciaux
(sur la base de la balance des paiements) était
de 18,6 %, soit le chiffre le plus bas depuis
1990.
Les services de transport ont enregistré
la croissance la plus faible de toutes les
sous-catégories de services (8 %), suivis par
les autres services commerciaux (11 %) et les
voyages (12 %).
La faible croissance des services de transport
n’a peut-être rien d’étonnant vu le lien étroit
existant entre cette catégorie de services et
le commerce des marchandises, qui a stagné
2 Les exportations mondiales de marchandises mersurées sur la
base de la balance des paiements ont augmenté de 20 % en 2011.
au second semestre de 2011. Il se peut en
outre que le trop grand nombre de nouveaux
porte-conteneurs ait entraîné une baisse des
recettes dans le secteur du transport maritime.
(…)
Commerce des marchandises
En 2011, la valeur en dollars des exportations de marchandises de l’Amérique du Nord
a augmenté de 16 %, atteignant 2 280 milliards de dollars (soit 12,8 % du total mondial),
tandis que les importations ont augmenté de
15 % pour atteindre 3 090 milliards de dollars
(17,2 %).
Les exportations de l’Amérique du Sud et
centrale ont progressé de 27 %, atteignant
749 milliards de dollars (soit 4,2 % du total
mondial), à la faveur de la hausse des prix des
produits primaires. Dans le même temps, les
importations de la région ont augmenté de
24 % pour atteindre 727 milliards de dollars
(4,0 %).
Les exportations de l’Europe ont augmenté
de 17 % en valeur nominale, atteignant
6 600 milliards de dollars, soit 37,1 % du total
mondial. Les importations de la région ont
également augmenté de 17 %, pour s’élever à
6 850 milliards de dollars (38,1 %).
Les exportations de la Communauté des
États indépendants ont bondi de 34 % pour
s’établir à 788 milliards de dollars, à la faveur
de la hausse des prix de l’énergie.
Les importations ont, quant à elles, augmenté de 30 %, atteignant 540 milliards de
dollars. La part de la CEI dans le commerce
mondial était de 4,4 % pour les exportations
et de 3,0 % pour les importations.
Les exportations de l’Afrique ont augmenté
de 17 % pour atteindre 597 milliards de dollars
(soit 3,4 % du total mondial), et ses importations ont progressé de 18 %, atteignant
555 milliards de dollars (3,1 %).
La valeur en dollars des exportations du
Moyen-Orient a augmenté de 37 % pour
atteindre 1 230 milliards de dollars (soit 6,9 %
du total mondial), par suite de la hausse des
prix du pétrole. Par contre, les importations
n’ont progressé que de 16 % pour s’établir à
6 650 milliards de dollars (3,7 %).
Enfin, l’Asie a enregistré en 2011 une augmentation de 18 % de ses exportations, qui
35
36
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
3. Exportations mondiales de marchandises et de services commerciaux, 2005-2011
(Milliards de dollars et variation annuelle en pourcentage)
Valeur
Marchandises
Services commerciaux
Transports
Variation annuelle en %
2011
2009
2010
2011
2005-2011
18 217
– 22
22
19
10
4 149
– 11
10
11
9
855
– 23
15
8
7
Voyages
1 063
–9
9
12
7
Autres services commerciaux
2 228
–7
8
11
10
Sources : Secrétariat de l’OMC pour les marchandises et Secrétariats de l’OMC et de la CNUCED pour les services commerciaux.
ont atteint 5 530 milliards de dollars (soit
31,1 % du total mondial), et une augmentation
de 23 % de ses importations, qui ont atteint
5 570 milliards de dollars (30,9 %).
En 2011, les cinq principaux exportateurs
de marchandises étaient la Chine (1 900 milliards de dollars, soit 10,4 % des exportations
mondiales), les États-Unis (1 480 milliards de
dollars, 8,1 %), l’Allemagne (1 470 milliards
de dollars, 8,1 %), le Japon (823 milliards de
dollars, 4,5 %) et les Pays-Bas (660 milliards
de dollars EU, 3,6 %). Les principaux importateurs étaient les États-Unis (2 270 milliards de
dollars, 12,3 % des importations mondiales),
la Chine (1 740 milliards de dollars, 9,5 %),
l’Allemagne (1 250 milliards de dollars, 6,8 %),
le Japon (854 milliards de dollars, 4,6 %) et la
France (715 milliards de dollars, 4 %).
Si l’on fait abstraction des échanges entre
les pays membres de l’Union européenne et si
l’on considère l’UE comme une entité unique,
les principaux exportateurs étaient l’Union
européenne (2 130 milliards de dollars, soit
14,9 % du total mondial), la Chine (13,3 %),
les États-Unis (10,3 %), le Japon (5,7 %) et
la République de Corée (555 milliards de
dollars, soit 3,9 %). En excluant les échanges
intra-UE, les principaux importateurs étaient
l’Union européenne (2 340 milliards de dollars
ou 16,2 % des importations mondiales), les
États-Unis (15,6 %), la Chine (12,0 %), le Japon
(5,9 %) et la République de Corée (425 milliards de dollars, 3,6 %).
En 2011, il y a eu peu de changements
importants, vers le haut ou vers le bas, dans
les classements mondiaux. La Fédération de
Russie est devenue le neuvième exportateur de marchandises, alors qu’elle était le
douzième en 2010 (y compris les membres
de l’UE).
Commerce des services commerciaux
La CEI est la région dont les exportations
de services commerciaux ont augmenté le
plus rapidement en 2011, avec une hausse
de 20 % de la valeur de ses exportations en
dollars. L’Afrique est la région qui a enregistré la plus faible croissance des exportations
(zéro pour cent). Toutes les autres régions ont
affiché une croissance à deux chiffres comprise
entre 10 et 14 %. La faible progression des
exportations africaines a été due en grande
partie aux troubles dans les pays d’Afrique
du Nord. L’Égypte et la Tunisie ont été particulièrement touchées, leurs exportations de
services commerciaux ayant chuté de 20 %
et 19 %, respectivement. En revanche, les
exportations de l’Afrique subsaharienne ont
augmenté de 11 %, ce qui correspond à la
moyenne mondiale.
Dans le même temps, les importations de
services de l’Afrique ont augmenté de 9 %,
soit un peu moins que la moyenne mondiale de 10 %. Par rapport aux exportations,
les importations de l’Afrique du Nord et de
l’Afrique subsaharienne ont évolué de façon
moins divergente, enregistrant une augmentation de 7,0 % et 9,5 % respectivement. La CEI
est la région dont les importations de services
ont augmenté le plus rapidement (21 %), suivie de près par l’Amérique du Sud et centrale
(18 %). Dans les autres régions, la croissance
des importations de services commerciaux a
été comprise entre 8 et 14 %.
En 2011, les cinq principaux exportateurs de
services commerciaux étaient les États-Unis
(578 milliards de dollars, soit 14 % du total
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
mondial), le Royaume-Uni (274 milliards de dollars, 7 %), l’Allemagne (253 milliards de dollars,
6 %), la Chine (182 milliards de dollars, 4 %) et
la France (161 milliards de dollars, 4 %). Par
rapport aux chiffres de 2010, le Royaume-Uni
a supplanté l’Allemagne en tant que deuxième exportateur mondial de services, mais
cela s’explique principalement par une importante révision à la hausse des statistiques
officielles sur les exportations d’autres services
aux entreprises et de services financiers du
Royaume-Uni, qui représentent ensemble à
peu près la moitié de ses exportations totales
de services commerciaux.
Les cinq principaux importateurs de services
commerciaux ont été les États-Unis (391 milliards de dollars, soit 10 % du total mondial),
l’Allemagne (284 milliards de dollars, 7 %),
la Chine (236 milliards de dollars, 6,1 %), le
Royaume-Uni (171 milliards de dollars, 4 %)
et le Japon (165 milliards de dollars, 4,3 %).
Le classement des principaux importateurs est
resté inchangé.
Les chiffres ci-dessus tiennent compte du
commerce des services commerciaux intra-UE,
c’est-à-dire du commerce des services entre
les pays membres de l’Union européenne. Si
l’on exclut ce commerce du total mondial et
si l’on considère l’Union européenne comme
une entité unique, l’UE est le premier exportateur de services commerciaux (789 milliards de
dollars, 24,8 % du total mondial), suivie par les
États-Unis (578 milliards de dollars, 18,2 %), la
Chine (182 milliards de dollars, 5,7 %), l’Inde
(148 milliards de dollars, 4,7 %) et le Japon
(143 milliards de dollars, 4,5 %). L’Union européenne devient aussi le premier importateur
(639 milliards de dollars, 21,1 % du total mondial), suivie par les États-Unis (391 milliards
de dollars, 12,9 %), la Chine (236 milliards de
dollars, 7,8 %), le Japon (165 milliards de dollars, 5,4 %) et l’Inde (130 milliards de dollars,
4,3 %).
Rapp
ppor
ortt sur le commerce mondial
2012
« COMMERCE ET POLITIQUE PUBLIQUE :
GROS PLAN SUR LES MESURES NON
TARIFAIRES AU XXIe SIÈCLE.
L’article n’est pas reproduit dans son intégralité
Organisation mondiale du commerce (OMC)
Centre William Rappard,
154, rue de Lausanne
CH-1211 Genève 21,
Suisse.
Tél. : + 41 (0) 22 739 51 11
[email protected]
www.wt
www
.wto
o.or
.org
g
37
38
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
LES IDE RETROUVENT
LEUR NIVEAU
D’AVANT LA CRISE
Rapport sur l’investissement dans le monde 2012 | CNUCED
Problèmes économiques
> Les flux d’investissements directs
étrangers (IDE) ont fortement augmenté
en 2011 pour atteindre 2 500 milliards
de dollars, leur niveau d’avant la crise
financière et économique mondial grâce
notamment aux fusions – acquisitions
internationales, en pleine expansion –.
L’imprévisibilité de la gouvernance
économique mondiale, une possible
crise généralisée de la dette souveraine
et l’éventualité d’un recul des taux de
croissance des pays émergents menacent
cependant la poursuite de cette tendance
favorable. Si les pays en développement
(PED) et en transition ont, en 2011
encore, représenté plus de la moitié des flux
mondiaux, le niveau des entrées dans ces
pays est toutefois en léger recul. À l’avenir
les fonds souverains apparaissent bien
placés pour investir dans les systèmes
productifs des PED, plus particulièrement
les moins avancés d’entre eux tandis
que, les firmes transnationales, hésitent
à investir malgré une hausse de leur
production et des niveaux records de
liquidité.
Essoufflement de l’IDE mondial
en 2012
L
es flux mondiaux d’investissements directs
étrangers (IDE) ont augmenté de 16 % en
2011, dépassant, pour la première fois,
le niveau atteint sur la période 2005-2007, en
dépit des effets persistants de la crise financière et économique mondiale (2008-2009)
et de l’actuelle crise des dettes souveraines.
Cette progression est intervenue sur fond
d’une hausse des profits des sociétés transnationales (STN) et d’une croissance économique
relativement élevée dans les pays en développement au cours de l’année. Une résurgence
des incertitudes économiques et l’éventualité
d’un recul des taux de croissance des principaux pays émergents pourraient remettre en
cause cette tendance favorable en 2012. La
Conférence des Nations unies sur le commerce
et le développement (CNUCED) s’attend à un
ralentissement du rythme de croissance de
l’IDE en 2012, les flux se stabilisant à environ
1 600 milliards de dollars dans une hypothèse
intermédiaire (voir graphique 1).
Les principaux indicateurs laissent anticiper
une telle évolution, la valeur des fusions-acquisitions internationales aussi bien que celle des
investissements de création ayant accusé un
certain repli au cours des cinq premiers mois
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
1. Flux mondiaux d’IDE pour 2002-2011,
et projections pour 2012-2014
2. Sentiment des STN concernant le climat
d’investissement mondial pour 2012-2014
(En milliards de dollars)
(En pourcentage des réponses)
2 500
29,4
2 000
46,9
Hypothèse intermédiaire
6,2
40,4
50,9
1 500
Hypothèse en cas
de crise économique
1 000
500
11,7
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
41,4
53,4
19,6
2012
2013
Optimistes et très optimistes
Pessimistes et très pessimistes
2014
Neutre
Source : CNUCED, World Investment Report 2012.
Source : CNUCED, World Investment Report 2012.
de 2012. Le recul des annonces de fusionsacquisitions laisse prévoir lui aussi une évolution timide des flux d’IDE pendant la deuxième
partie de l’année.
une hausse entre 2012 et 2014 par rapport aux
niveaux de 2011.
Optimisme mesuré
en ce qui concerne
l’évolution à moyen terme
Les projections à moyen terme établies par la
CNUCED sur la base des fondamentaux macroéconomiques continuent d’indiquer que les
flux d’IDE augmenteront à un rythme modéré
mais stable, passant à 1 800 milliards de dollars en 2013 et 1 900 milliards en 2014, sauf
crise économique. Les investisseurs restent très
incertains quant à l’évolution de la conjoncture
économique pendant cette période. D’après
l’enquête de la CNUCED sur les perspectives
de l’investissement dans le monde (World
Investment Prospects Survey − WIPS), effectuée auprès de cadres dirigeants de STN
concernant leurs projets d’investissement, si
le nombre de sondés se disant pessimistes au
sujet du climat de l’investissement au niveau
mondial pour 2012 dépasse de 10 % celui
des optimistes, le groupe le plus important −
environ la moitié des réponses − est formé par
ceux qui soit expriment un sentiment neutre,
soit ne se prononcent pas (voir graphique 2).
Les réponses pour le moyen terme − après
2012 − témoignent d’un optimisme croissant.
Interrogés sur leurs projets de dépenses d’IDE
futures, plus de la moitié des sondés anticipent
Augmentation des entrées
d’IDE pour toutes les grandes
catégories d’économies
Si les flux d’IDE vers les pays développés ont
été dynamiques en 2011, passant à 748 milliards de dollars, soit 21 % de plus qu’en 2010,
le niveau des entrées dans ces pays est cependant resté inférieur de 25 % à leur moyenne des
trois années antérieures à la crise. En dépit de
cet accroissement, les pays en développement
et en transition ont continué de représenter
ensemble plus de la moitié de l’IDE mondial
(45 % et 6 %, respectivement) en 2011, leurs
entrées cumulées atteignant un nouveau montant record, avec une progression de 12 % à
777 milliards de dollars (voir tableau 1). La part
élevée des flux d’IDE obtenue par ces pays
en période de crise économique et financière,
sans perdre de terrain, et vu le rebond enregistré par les pays développés en 2011, témoigne
de leur dynamisme économique et du rôle
solide qu’ils devraient jouer dans les flux futurs.
La progression de l’IDE à destination des
pays en développement a été tirée par une
hausse de 10 % en Asie, et de 16 % en Amérique latine et dans les Caraïbes. L’IDE vers
les pays en transition est passé à 92 milliards
de dollars (+ 25 %). Les flux vers l’Afrique, en
revanche, se sont inscrits à la baisse pour la
troisième année consécutive, mais dans des
39
40
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
1. Flux d’IDE par région, 2009-2011
(En milliards de dollars et en pourcentage)
Région
Ensemble du monde
Pays développés
Pays en développement
Afrique
Asie de l’Est et du Sud-Est
Asie du Sud
Asie occidentale
Amérique latine et Caraïbes
Pays en transition
Petits pays économiquement et
structurellement faibles et vulnérables(1)
Pays les moins avancés
Pays en développement sans littoral
Petits États insulaires en développement
Pour mémoire : part des flux d’IDE
mondiaux en pourcentage
Pays développés
Pays en développement
Afrique
Asie de l’Est et du Sud-Est
Asie du Sud
Asie occidentale
Amérique latine et Caraïbes
Pays en transition
Petits pays économiquement et
structurellement faibles et vulnérables
Pays les moins avancés
Pays en développement sans littoral
Petits États insulaires en développement
Entrées d’IDE
2009
2010
2011
1 197,8 1 309,0 1 524,4
606,2
618,6
747,9
519,2
616,7
684,4
52,6
43,1
42,7
206,6
294,1
335,5
42,4
31,7
38,9
66,3
58,2
48,7
149,4
187,4
217,0
72,4
73,8
92,2
Sorties d’IDE
2009
2010
2011
1 175,1 1 451,4 1 694,4
857,8
989,6 1 237,5
268,5
400,1
383,8
3,2
7,0
3,5
176,6
243,0
239,9
16,4
13,6
15,2
17,9
16,4
25,4
54,3
119,9
99,7
48,8
61,6
73,1
45,2
42,2
46,7
5,0
11,5
9,2
18,3
28,0
4,4
16,9
28,2
4,2
15,0
34,8
4,1
1,1
4,0
0,3
3,1
9,3
0,3
3,3
6,5
0,6
50,6
43,3
4,4
17,2
3,5
5,5
12,5
6,0
47,3
47,1
3,3
22,5
2,4
4,4
14,3
5,6
49,1
44,9
2,8
22,0
2,6
3,2
14,2
6,0
73,0
22,8
0,3
15,0
1,4
1,5
4,6
4,2
68,2
27,6
0,5
16,7
0,9
1,1
8,3
4,2
73,0
22,6
0,2
14,2
0,9
1,5
5,9
4,3
3,8
3,2
3,1
0,4
0,8
0,5
1,5
2,3
0,4
1,3
2,2
0,3
1,0
2,3
0,3
0,1
0,3
0,0
0,2
0,6
0,0
0,2
0,4
0,0
1) Sans double comptage.
Source : CNUCED, World Investment Report 2012.
proportions limitées. Les pays les plus pauvres
continuent à voir régresser les IDE, les flux
vers les pays les moins avancés (PMA) reculant
de 11 % à 15 milliards de dollars. Tout semble
indiquer que les pays en développement et
en transition continueront de suivre le rythme
de croissance de l’IDE mondial à moyen
terme. Les cadres dirigeants de STN ayant
répondu à l’enquête WIPS de cette année ont
inscrit six pays en développement et en transition parmi leurs dix premières destinations
prospectives pour la période s’achevant en
2014, l’Indonésie gagnant deux rangs pour
entrer pour la première fois parmi les cinq
premières destinations (voir graphique 3).
Les entrées d’IDE devraient croître à un
rythme modéré en 2012 dans les trois catégories d’économies − développées, en développement et en transition (voir tableau 2).
Parmi les régions en développement, l’Afrique
se démarque compte tenu du redressement
attendu des entrées. La croissance de l’IDE
devrait être modérée en Asie (dont l’Asie de
l’Est et du Sud-Est, l’Asie du Sud et l’Asie occidentale) et en Amérique latine. Les flux d’IDE
vers les pays en transition devraient continuer
leur progression en 2012 et dépasser le record
de 2007 en 2014.
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
2. Résumé des résultats économétriques des scénarios de référence à moyen terme
pour les flux d’IDE, par région
(En milliards de dollars)
Région d’accueil
Moyennes
2005- 20092007 2011
Flux d’IDE
1 473
mondiaux
Pays développés
972
Union européenne
646
Amérique du Nord
253
Pays en
443
développement
Afrique
40
Amérique latine
116
et Caraïbes
Asie
286
Pays en transition
59
Projections
2009
2010
2011
2012
2013
2014
1 344
1 198
1 309
1 524
1 495–1 695
1 630–1 925
1 700–2 110
658
365
218
606
357
165
619
318
221
748
421
268
735–825
410–450
255–285
810–940
430–510
280–310
840–1 020
440–550
290–340
607
519
617
684
670–760
720–855
755–930
46
53
43
43
55–65
70–85
75–100
185
149
187
217
195–225
215–265
200–250
374
79
315
72
384
74
423
92
420–470
90–110
440–520
100–130
460–570
110–150
Source : CNUCED, World Investment Report 2012.
Les pays développés à l’origine
d’une progression des sorties
d’IDE au niveau mondial
L’IDE en provenance des pays développés
a augmenté fortement en 2011 (+25 %) pour
atteindre 1 240 milliards de dollars. Si les trois
grands blocs de pays développés − Union européenne (UE), Amérique du Nord et Japon − ont
contribué à cet accroissement, les facteurs
dominants ont été différents pour chacun. L’IDE
en provenance des États-Unis a été alimenté
par un niveau record de bénéfices réinvestis
(82 % du total des sorties totales d’IDE), du
fait notamment que les STN ont cherché à tirer
parti de leurs liquidités en devises. La hausse
des flux d’IDE en provenance de l’UE a été tirée
par les fusions-acquisitions internationales.
L’appréciation du yen a amélioré le pouvoir
d’achat des STN japonaises, entraînant un doublement de leurs sorties d’IDE, les achats nets
par fusion-acquisition en Amérique du Nord et
en Europe progressant de 132 %.
3. Les dix premières destinations économiques prospectives des STN pour 2012-2014
(En pourcentage des sondés choisissant le pays comme destination privilégiée)
1 Chine (1)
2 États-Unis (2)
Pays développés
3 Inde (3)
Pays en développement
et en transition
4 Indonésie (6)
5 Brésil (4)
6 Australie (8)
6 Royaume-Uni (13)
8 Allemagne (8)
8 Fédération de Russie (5)
8 Thaïlande (12)
0
Note – Est indiqué entre parenthèses le classement de 2011.
Source : CNUCED, World Investment Report 2012.
20
40
60
41
42
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
L’investissement direct à l’étranger des pays
en développement a reculé à 384 milliards de
dollars (-4 %) en 2011, même si leur part dans
les sorties d’IDE est restée élevée au niveau
mondial (23 %). Les flux en provenance d’Amérique latine et des Caraïbes ont diminué de
17 %, principalement du fait de rapatriements
de capitaux dans la région (comptant comme
sorties négatives), motivés en partie par des
considérations financières (taux de change,
différentiels de taux d’intérêts). Les flux en provenance d’Asie de l’Est et d’Asie du Sud-Est
ont peu évolué dans l’ensemble (avec un recul
de 9 % des flux en provenance d’Asie de l’Est),
tandis que l’investissement direct à l’étranger
en provenance d’Asie occidentale a sensiblement augmenté pour atteindre 25 milliards de
dollars.
Les fusions-acquisitions
reprennent mais l’investissement
de création domine
Les fusions-acquisitions internationales ont
progressé en 2011 de 53 % pour atteindre
526 milliards de dollars, sous l’effet d’un
accroissement des mégatransactions − transactions d’une valeur supérieure à 3 milliards
de dollars − dont le nombre est passé de
44 en 2010 à 62 en 2011. Cela s’explique à
la fois par la valorisation des actifs boursiers
et par la capacité financière accrue, chez les
acheteurs, de mener ce type d’opérations. Les
projets d’investissement de création, dont la
valeur avait diminué deux années de suite, ont
résisté en 2011 à 904 milliards de dollars. Les
pays en développement et en transition ont
continué d’accueillir plus des deux tiers de la
valeur totale des investissements de création
en 2011. Si l’accroissement des flux mondiaux
d’IDE en 2011 a été alimenté en grande partie
par les fusions-acquisitions internationales, la
valeur totale des projets d’investissement de
création reste sensiblement plus élevée que
celle de ces dernières, comme c’est le cas
depuis le début de la crise financière.
Redressement de l’IDE
dans les secteurs primaires
et des services
Les flux d’IDE ont augmenté dans les trois
grands secteurs économiques (primaire,
secondaire et tertiaire), d’après les données
concernant les projets d’IDE (qui comprennent
les fusions-acquisitions internationales et les
investissements de création) (voir tableau 3).
L’IDE dans le secteur des services a rebondi en
2011 après une forte chute en 2009 et 2010
pour s’établir à environ 570 milliards de dollars.
L’investissement dans le secteur primaire a aussi
inversé la tendance négative des deux années
précédentes en atteignant 200 milliards de
dollars. La part des deux secteurs a légèrement
augmenté au détriment du secteur secondaire.
Les cinq branches d’activité principales qui
ont contribué à l’augmentation des projets
d’IDE sont les industries extractives (secteur
minier et pétrole), les produits chimiques, les
services de distribution (électricité, gaz et eau),
les transports et les communications, et divers
services (en grande partie les services liés à
l’exploitation pétrolière et gazière).
3. Répartition sectorielle des projets d’IDE
(En milliards de dollars et en pourcentage)
Valeur
Année
Part
Secteur
primaire
Secteur
secondaire
Secteur
tertiaire
Secteur
primaire
Secteur
secondaire
Secteur
tertiaire
Moyenne 2005-2007
130
670
820
8
41
50
2008
230
980
1 130
10
42
48
2009
170
510
630
13
39
49
2010
140
620
490
11
50
39
2011
200
660
570
14
46
40
Source : CNUCED, World Investment Report 2012.
BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER
Les fonds souverains montrent
leur potentiel en matière
d’investissement au service
du développement
Par rapport au montant des fonds gérés par
ces institutions, soit près de 5 000 milliards de
dollars, l’IDE réalisé par les fonds souverains
reste assez limité. En 2011, leur IDE cumulé a
atteint un montant estimé à 125 milliards de
dollars, dont plus du quart réalisé dans des pays
en développement. Toutefois, compte tenu de
leur conception de l’investissement, fondée
sur le long terme et des considérations stratégiques, les fonds souverains apparaissent bien
placés pour investir dans les secteurs productifs
des pays en développement, en particulier des
PMA. Ils ont la dimension voulue pour pouvoir
investir dans le développement des infrastructures et l’amélioration de la productivité
agricole – ce qui est indispensable au développement économique de bon nombre de PMA −
ainsi que dans le développement industriel,
notamment la création d’industries de croissance verte. Pour développer leurs investissements dans ces domaines, les fonds souverains
peuvent œuvrer en partenariat avec les gouvernements des pays d’accueil, les institutions
de financement du développement et d’autres
investisseurs du secteur privé susceptibles d’apporter aux projets des compétences techniques
et de gestion.
Les STN hésitent encore
à investir leurs liquidités,
qui atteignent un niveau record
L’activité économique des filiales étrangères
a augmenté en 2011 pour tous les grands
indicateurs de la production internationale
4. Choix d’indicateurs de l’IDE et de la production internationale, 1990-2011
Valeur aux prix courants (en milliards de dollars)
Indicateur
Entrées d’IDE
Sorties d’IDE
Stock d’investissement direct
en provenance de l’étranger
Stock d’investissement direct
à l’étranger
Revenus des IDE entrants
Taux de rentabilité
Revenus des IDE sortants
Taux de rentabilité
Fusions-acquisitions internationales
Chiffre d’affaires des filiales étrangères
Valeur ajoutée (produit) des filiales
étrangères
Montant total des actifs des filiales
étrangères
Exportations des filiales étrangères
Emploi des filiales étrangères
(en milliers)
Pour mémoire :
PIB
Formation brute de capital fixe
Redevances et droits de licence perçus
Exportations de biens et services
Source : CNUCED.
1990
207
241
Valeur moyenne
avant la crise
(2005-2007)
1 473
1 501
2009
2010
2011
1 198
1 175
1 309
1 451
1 524
1 694
2 081
14 588
18 041
19 907
20 438
2 093
15 812
19 326
20 865
21 168
75
4,2
122
6,1
99
5 102
1 020
7,3
1 100
7,2
703
20 656
960
5,6
1 049
5,6
250
23 866
1 178
6,3
1 278
6,4
344
25 622
1 359
7,1
1 470
7,3
526
27 877
1 018
4 949
6 392
6 560
7 183
4 599
43 623
74 910
75 609
82 131
1 498
5 003
5 060
6 267
7 358
21 458
51 593
59 877
63 903
69 065
22 206
5 109
29
4 382
50 411
11 208
156
15 008
57 920
12 735
200
15 196
63 075
13 940
218
18 821
69 660
15 770
242
22 095
43
44
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
(voir tableau 4). Pendant l’année, les filiales
étrangères ont employé, d’après les estimations, 69 millions de salariés, qui ont créé
28 000 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 7 000 milliards de valeur ajoutée.
Les données issues de l’enquête annuelle
de la CNUCED auprès des cent plus importantes STN confirment la tendance générale
à la hausse de la production internationale, le
chiffre d’affaires et le nombre de salariés de
ces entreprises affichant une croissance sensiblement plus dynamique à l’étranger que dans
leur pays d’origine.
En dépit de la progression de la production
internationale des STN, leurs niveaux records
de liquidités ne se sont pas traduits pour
l’instant par une augmentation durable de
leurs investissements. D’après les estimations
de la CNUCED, les liquidités ont atteint plus
de 5 000 milliards de dollars, y compris les
bénéfices conservés à l’étranger. Les données concernant les cent plus importantes
STN montrent que celles-ci, pendant la crise
financière, ont réduit leurs investissements
dans des actifs productifs et des acquisitions
(en particulier à l’étranger) pour privilégier la
détention de liquidités. Le niveau des liquidités pour ces seules cent sociétés a atteint
en 2010 le montant record de 1 030 milliards de dollars, comprenant, d’après les
estimations, 166 milliards de dollars supplémentaires par rapport au montant moyen des
liquidités avant la crise. Bien que, d’après
les chiffres récents, l’investissement des STN
dans des actifs productifs se redresse (12 %
d’augmentation en 2011), les liquidités supplémentaires qu’elles détiennent − estimées
à 105 milliards de dollars en 2011 − ne sont
pas encore pleinement déployées. Un regain
d’instabilité sur les marchés financiers internationaux continuerait de favoriser la détention
de liquidités et d’autres emplois de celles-ci
comme le versement de dividendes ou la
réduction de l’endettement. Néanmoins, si la
situation s’améliore, la « surabondance » actuelle de liquidités pourrait alimenter une poussée future importante de l’IDE. En rapportant
les données concernant les cent principales
STN au montant total, estimé à 5 000 milliards
de dollars, des liquidités détenues par ces
sociétés, on observe que plus de 500 milliards
de dollars seraient susceptibles d’être investis,
soit environ un tiers des flux d’IDE mondiaux.
Rapp
ppor
ortt sur l’invest
l’investissement
issement
dans le monde 2012
Le texte est extrait de la synthèse du rapport (Vue d’ensemble)
Conférence des Nations unies sur le commerce et le
développement (CNUCED)
Palais des Nations
CH-1211 Genève
Suisse
Tél. : + (41) 22 917 12 34
www.unctad.or
www
.unctad.org/wir
g/wir
‘‘ pour en savoir plus
Ouvrages, Rapports,
Conférences et articles
Sur le Web une sélection
de quelques sites
> Badie B. et al. (2012), La cassure :
L’état du monde 2013, Éditions
La Découverte, 20 septembre.
> Boniface B. (2012), L’Année
stratégique 2013 : Analyse des enjeux
internationaux, Armand Colin.
> Bourguignon F. (2012), La
mondialisation de l’inégalité, Seuil,
30 août.
> Bost F. et al. (2012), Images
économiques du monde 2013,
Armand Colin, 21 septembre.
> CEPII (2012), L’économie mondiale
2013, Repères, La Découverte,
8 septembre.
> Chalmin P., sous la dir. de (2012),
Les marchés mondiaux 2012, Cyclope,
Économica, mai.
> IFRI (2012), Ramses 2013. Gouverner
aujourd’hui, Dunod.
> Krugman P. (2012), Sortez-nous de
cette crise…maintenant !, Flammarion,
5 septembre.
www.imf.org
Le site du Fonds monétaire international
(FMI).
www.banquemondiale.org
Le site de la Banque mondiale.
www.oecd.org
Le site de l’Organisation de coopération
et de développement économiques
(OCDE).
www.wto.org
Le site de l’Organisation mondiale du
commerce (OMC).
www.bis.org
Le site de la Banque des règlements
internationaux (BRI).
www.unctad.org
Le site de la Conférence des
Nations unies sur le commerce et le
développement (CNUCED).
www.undp.org
Le site du Programme des Nations unies
pour le développement (PNUD).
www.un.org/fr/millenniumgoals/
Le site de l’Organisation des nations unies
(ONU) pour promouvoir les objectifs du
Millénaire pour le développement.
Ce que Problèmes
économiques a publié
récemment sur le sujet
> N° 3046 (2012), – « Sept milliards
d’hommes », dossier.
> N° 3044 (2012), – « Vingt ans de
développement durable », dossier.
> N° 3038 (2012), – « Mondialisation, un
mythe ? », dossier.
> N° 3032 (2011), – « Libre-échange ou
protectionnisme », dossier.
46
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
LA CRISE
ALIMENTAIRE EN
MÉDITERRANÉE
Revue Tiers Monde | EUGINIA FERRAGINA ET DÉSIRÉE A. L. QUAGLIAROTTI
Problèmes économiques
> Les systèmes agraires des pays du sud
et de l’est de la Méditerranée (PSEM)
souffrent de faiblesses structurelles, surtout
face au voisin européen dont l’agriculture
est très moderne. Le changement climatique
accentue les difficultés des PSEM car la
baisse des ressources hydriques pénalise la
production agricole. La crise alimentaire
qui frappe ces derniers s’explique par
plusieurs facteurs : les dynamiques
démographiques générant une importante
demande en produits alimentaires, les
modes de consommation qui connaissent
une forte mutation et, enfin, la dépendance
de la sécurité alimentaire à l’égard des
importations de produits de base.
L
a crise alimentaire en Méditerranée est
devenue un problème prioritaire au cours
des dernières années suite à la flambée
des prix des denrées alimentaires qui sévit
depuis 2006. Les premiers signes de cette crise
étaient pourtant déjà visibles dans cette région
en raison des différentes trajectoires de développement adoptées par le secteur agricole
sur les deux rives du bassin. Après la Seconde
Guerre mondiale, l’agriculture du versant européen a subi une série de transformations du
fait, entre autres, de la Politique agricole commune (PAC), lesquelles ont permis aux pays
européens de réaliser des excédents agricoles
et d’accroître leurs exportations sur les marchés
internationaux. En revanche, sur le versant africain et asiatique de la Méditerranée, les systèmes agraires conservent une faiblesse structurelle, en grande partie liée à des contraintes
naturelles, telles que la rareté des précipitations et la nature des sols. La croissance
démographique durant les dernières décennies a renforcé le déséquilibre entre la population et les ressources disponibles, amplifiant
ainsi l’impact humain sur l’environnement :
la baisse des rendements agricoles, à cause
de la mise en culture de zones marginales,
la perte de terres cultivables et l’épuisement
des ressources en eau ont contribué à la diminution de la production agricole, ce qui a eu
pour conséquence d’accroître la dépendance à
LA CRISE ALIMENTAIRE EN MÉDITERRANÉE
l’égard du marché international. Parallèlement,
les effets du réchauffement global ont accentué les aléas climatiques typiques des régions
arides ou semi-arides qui, eux-mêmes, ont
aggravé les crises alimentaires.
L’augmentation des prix des denrées alimentaires de base enregistrée ces dernières années
sur les marchés internationaux a donc particulièrement touché les pays des rives sud et est
de la Méditerranée (PSEM), mettant ainsi en
péril les équilibres économiques et politiques
de cette région. On constate aujourd’hui la
nécessité de réformer l’agriculture des PSEM
à travers une plus grande coopération euroméditerranéenne, afin que ce secteur devienne
un moteur de développement, un élément de
rééquilibrage territorial et d’intégration entre
les deux rives du bassin[1].
La crise alimentaire
en Méditerranée
Quand on analyse les causes de l’actuelle
crise alimentaire mondiale et ses effets dans la
zone méditerranéenne, on ne peut pas ignorer les changements climatiques, qui ont une
influence déterminante, tant sur les ressources
en eau que sur les rendements agricoles (Mombiela, 2010). La Méditerranée, tout comme le
reste de la planète, a depuis toujours subi
des changements de grande ampleur et le
processus de hausse de la température atmosphérique a débuté il y a environ 20 000 ans.
Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, on
assiste à une accélération liée à la combustion
générée par les systèmes de transport et par
la production industrielle. Les processus de
combustion ont entraîné une accumulation
d’émissions de gaz à effet de serre dans la troposphère, empêchant la chaleur réfléchie par
la surface de la terre de se dissiper dans l’atmosphère (Società Geografica Italiana, 2005,
p. 29). La rapidité avec laquelle les conditions
climatiques ont changé au siècle dernier et
l’absence de stratégie pour faire face aux changements en cours, ont aggravé l’impact sur
l’homme et sur l’environnement (Osservatorio
1 Les pays des rives sud et est de la Méditerranée seront aussi
qualifiés dans cet article de « versant africain et asiatique de la
Méditerranée » ou encore d’« Afrique du Nord et Moyen-Orient ».
permanente sul sistema agroalimentare dei
paesi del Mediterraneo, 2009).
Aspects environnementaux
Au XXe siècle, la température de la Méditerranée a subi une hausse comprise entre
1,5 °C et 4 °C avec des pointes qui ont principalement concerné le sud-ouest de l’Europe
(Péninsule ibérique et France méridionale) et
l’Afrique du Nord à partir des années 1970.
Cette hausse des températures a eu des effets
divers sur le climat du bassin. Tandis qu’une
partie des zones côtières et des territoires
insulaires était exposée à un excès de précipitations entraînant de graves inondations et
un déséquilibre hydrogéologique, le versant
africain et asiatique et de larges zones du
versant septentrional du bassin – depuis le
Mezzogiorno italien jusqu’à une grande partie du littoral ibérique – enregistraient une
“ Au XXe siècle, la température
de la Méditerranée a subi une
hausse comprise entre 1,5 °C
et 4 °C ”
baisse des précipitations et des phénomènes
de sécheresse et de désertification. Ces différences entre les deux rives sont dues au
changement climatique qui provoque des
variations saisonnières dans les zones de
haute et de basse pressions, et modifie ainsi
les trajectoires des cyclones importants. Il
s’en est suivi une augmentation des précipitations dans certaines régions en raison de la
présence d’une grande masse d’air humide
alors que, dans d’autres, des périodes de
haute pression, c’est-à-dire anticycloniques,
conduisent à une raréfaction des pluies. L’analyse des données révèle une forte baisse des
précipitations dans tous les pays du bassin
entre la première moitié des années 1960 et
la fin du siècle.
En ce qui concerne les prévisions relatives
au changement climatique pour le siècle prochain, de nombreux éléments d’incertitude
demeurent en raison de la difficulté à mesurer
les interactions et les influences réciproques
entre la surface terrestre et la biosphère bien
que de nombreuses études – parmi lesquelles
celles de l’International Panel on Climatic
47
48
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
Change (IPCC) – semblent concorder sur certains points fondamentaux :
– au cours des prochaines décennies la
température en Méditerranée est destinée
à augmenter de plus de 2 °C. Étant donné
les conditions agro-climatiques et socioéconomiques de la région, cette hausse y
renforcera les effets du changement climatique
plus que dans d’autres régions ;
– l’augmentation de la température entraînera
une baisse des précipitations dans le bassin
méditerranéen ;
– les zones les plus touchées par ces
phénomènes seront les régions d’Afrique du
Nord situées à la limite des déserts, les deltas
des grands fleuves (Nil, Pô, Rhône), les zones
littorales de la Méditerranée et les zones
urbaines à forte densité de population sur
les rives sud et est du bassin (Ferragina,
Quagliarotti, 2006).
Le changement climatique en cours affecte
l’état des ressources naturelles et les activités
économiques qui en dépendent. La diminution des précipitations et l’augmentation de
l’évapotranspiration liée à la hausse de la température ont provoqué de 1988 à 1992, mais
également de 2003 à 2007, une baisse des
ressources en eau renouvelables par habitant
dans tous les pays méditerranéens, excepté
en Albanie. La réduction de la disponibilité
en eau a particulièrement compromis l’agriculture dans les pays arabes méditerranéens,
qui absorbe 70 % des ressources en eau.
Cet important volume d’eau utilisé à des fins
agricoles est en partie dicté par les contextes
agro-climatiques de la région, mais avant tout
par l’incapacité à rendre plus efficaces les systèmes d’irrigation et à agir sur la demande à
travers une tarification de l’eau utilisée dans
l’agriculture.
Dans les pays situés sur les versants africain
et asiatique de la Méditerranée, on enregistre
un taux élevé de superficies irriguées par
rapport à la superficie totale cultivée : il est
de 100 % en Égypte, 40 % en Israël, 32 %
au Liban et 27 % en Jordanie, alors qu’il est
beaucoup plus faible en Afrique du Nord.
L’importance de l’irrigation est liée aux transformations du secteur agricole au cours des
dernières décennies. Dans de nombreux pays,
la mise en œuvre de grands projets a entraîné
la création d’exploitations agricoles de type
capitaliste concentrées à l’intérieur des nouveaux périmètres irrigués et principalement
tournées vers l’exportation. Le renforcement
de l’agriculture intensive s’est accompagné
d’une réduction des terres cultivées en sec à
cause de l’absence de politiques de soutien
de la part de l’État (Ferragina, Quagliarotti,
2008b).
En Afrique du Nord et au Moyen-Orient,
les niveaux élevés de consommation d’eau à
usage agricole associés à une forte croissance
démographique ont intensifié la pression
humaine sur les ressources (Margat, 2009). En
Europe méditerranéenne et dans les Balkans,
l’indice d’exploitation des ressources en eau
apparaît encore globalement modéré malgré
quelques pointes plus élevées en Espagne
(33 %), en Macédoine (25 %) et en Italie (22 %)
[2]. En Espagne comme en Italie, les taux d’exploitation plus élevés s’accompagnent d’une
“ L’eau est le lien majeur entre
réchauffement progressif de la
planète et insécurité alimentaire ”
forte allocation en eau au secteur agricole –
respectivement 68 % et 45 % – et d’un plus
grand pourcentage de superficies irriguées –
20,6 % pour l’Espagne et 25,8 % pour l’Italie.
En revanche, on enregistre en Méditerranée
méridionale et orientale des taux d’exploitation avoisinant, voire dépassant, les 100 % :
161 % sur le territoire palestinien de Gaza,
100 % en Jordanie, 95 % en Égypte, 95 % en
Syrie, 80 % en Israël et 77 % en Libye.
L’eau est le lien majeur entre réchauffement progressif de la planète et insécurité
alimentaire[3]. Concernant les rives sud et est
de la Méditerranée, il est donc possible d’envisager une corrélation entre le niveau des
précipitations, les ressources en eau et les
rendements agricoles (Plan Bleu, 2009). Outre
2 L’indice d’exploitation est le rapport entre les prélèvements et les
ressources en eau renouvelables. Un indice supérieur à 100 indique
une exploitation de toutes les ressources en eau renouvelables
du pays mais aussi l’utilisation des ressources non renouvelables
(prélèvement d’eau des nappes souterraines dépassant leur taux de
recharge mais également des nappes fossiles).
3 Le changement climatique a pour effet de réduire progressivement
les capacités de stockage en eau des sols agricoles car l’augmentation
des températures les rend plus poreux et plus arides, avec pour
conséquence un risque accru de désertification.
LA CRISE ALIMENTAIRE EN MÉDITERRANÉE
les aspects environnementaux, la crise alimentaire sur le versant africain et asiatique de la
Méditerranée est également le résultat des
échanges commerciaux qui se sont développés avec l’Europe pendant la période postcoloniale, donnant aux produits agricoles une
place prépondérante dans les échanges entre
les deux rives du bassin.
Dynamiques commerciales
L’Europe s’est toujours intéressée aux marchés des rives sud et est du bassin tout en
veillant à protéger les agriculteurs européens
contre la concurrence de ces régions. La
Politique agricole commune menée dans les
années 1970 a créé un système de soutien des
prix agricoles qui a permis à la production européenne de devenir extrêmement compétitive.
Il s’en est suivi une hausse des exportations
européennes de céréales, de viande et de produits laitiers vers les pays situés sur le versant
africain et asiatique de la Méditerranée, ce qui
a pénalisé les productions locales. En Turquie,
en Égypte ou au Maroc, ce changement se
traduit par une très faible augmentation de la
superficie des terres destinées à la culture de
céréales et, dans d’autres pays (Syrie, Tunisie,
Algérie), on assiste même à une baisse des
surfaces cultivées malgré le fort accroissement
de la population dans ces régions.
La présence de céréales sur le marché international à des tarifs compétitifs par rapport à la
production locale a favorisé une modification
de la demande intérieure qui s’est de plus en
plus tournée vers le blé au détriment d’autres
cultures, mieux adaptées aux conditions agroclimatiques des zones arides et moins exigeantes en eau, comme le mil, l’avoine ou le
sorgho. Il en a résulté une hausse des importations de céréales et une aggravation du déficit
agroalimentaire qui a notamment touché les
pays connaissant une forte croissance démographique, comme l’Égypte et l’Algérie.
Les politiques néo-libérales mises en œuvre
à partir des années 1980 ont contribué au
déclenchement de la crise alimentaire qui
touche actuellement la Méditerranée. Dans
les pays d’Afrique du Nord et du MoyenOrient, les mesures prises en faveur d’une
libéralisation progressive des échanges commerciaux ont été adoptées dans le cadre des
Plans d‘ajustement structurel imposés par la
Banque mondiale et par le Fonds monétaire
international suite à l’explosion de la crise de
la dette. Au cours de la seconde moitié des
années 1990, une impulsion supplémentaire
a été donnée à la libéralisation des échanges
avec le lancement à Barcelone d’une politique
de partenariat visant la création en 2010 d’une
zone de libre-échange en Méditerranée.
Les stratégies de développement proposées aux pays partenaires méditerranéens en
matière agricole consistaient à libéraliser les
échanges et à accroître la production destinée
à l’exportation. Ces politiques ont encouragé
une agriculture de type intensif et privilégié
les grandes exploitations capitalistes au détriment des petites et moyennes consacrées à
répondre à la demande intérieure[4]. La libéralisation des échanges a surtout avantagé les
exportations agricoles des pays industrialisés
et, dans une moindre mesure, celles des pays
des rives sud et est du bassin (Gallina, 2005).
C’est pourquoi, dans certains pays du versant
africain et asiatique de la Méditerranée, la
capacité des populations à subvenir à leurs
propres besoins alimentaires a été fortement
compromise par l’augmentation des prix mondiaux des céréales.
Les conséquences
socio-économiques
de la crise alimentaire
Le lien existant entre les prix et la sécurité
alimentaire dans les pays de la rive africaine
et asiatique de la Méditerranée est très complexe car, dans cette région, l’augmentation
des prix n’est pas la seule cause de l’insécurité
alimentaire. La crise alimentaire est le résultat de différents facteurs locaux tels que les
dynamiques démographiques qui génèrent
une forte demande de denrées alimentaires,
les contraintes agro-climatiques qui limitent la
production agricole et font dépendre la sécurité alimentaire des importations de produits
de base, les dépenses en denrées alimentaires
qui pèsent plus lourdement sur les bas revenus,
4 Ces politiques ont eu de graves conséquences environnementales
car elles ont favorisé une agriculture irriguée destinée à la production
de cultures très gourmandes en eau. Il en a résulté une exportation
d’eau virtuelle, à savoir une exportation de produits agricoles dont
la culture demande de très gros volumes d’une ressource de plus
en plus rare (Allan, 2003, p. 4 à 11).
49
50
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
les modes de consommation qui connaissent
une forte mutation, les choix économiques des
gouvernements qui s’inspirent plus du principe
d’efficacité économique que de celui d’équité
sociale. Face à une croissance démographique
encore forte, la production céréalière s’est
maintenue en dessous de la moyenne mondiale, ce qui a eu pour effet de créer un écart
grandissant entre l’offre et la demande.
La crise alimentaire a redonné à l’agriculture
son rôle stratégique sur le plan tant économique que politique au sein de la région,
rôle qu’elle n’a par ailleurs jamais totalement
perdu. En effet, l’agriculture représente un
poids important dans la structure productive
de nombreux pays arabes, à la fois en termes
de contribution au PIB et d’emplois, notamment en Syrie (18 % et 26 %), en Égypte (14 %
et 31 %) et au Maroc (16 % et 33 %). Le rôle
de l’agriculture est également fondamental
comme frein à l’exode rural et à l’urbanisation
mais aussi comme instrument de rééquilibrage
territorial (CIHEAM, 2009). Environ un tiers de
la population du bassin vit encore en zone
rurale et si cette population rurale reste stable
en Afrique du Nord, elle continue de croître au
Moyen-Orient (Ferragina, Quagliarotti, 2009).
La production agricole représente une part
importante des échanges commerciaux euroméditerranéens. La libéralisation du commerce
à laquelle l’Europe a donné l’impulsion avec
la Politique de partenariat a conduit à un
système d’échanges asymétrique entre les
deux rives du bassin. En choisissant une ouverture progressive de son propre marché aux
1. Demande et offre de céréales dans les pays
arabes 2000-2030 en millions de tonnes
160
Demande
produits agricoles provenant des PSEM, l’Europe a maintenu un système de quotas et de
calendriers d’exportation qui ont protégé les
secteurs de l’agriculture européenne les plus
sensibles à la concurrence des pays partenaires. En revanche, suite à la réduction des
barrières tarifaires, les PSEM ont vu augmenter
leur dépendance vis-à-vis des importations
européennes de produits céréaliers, laitiers et
d’élevage. L’Europe fournit une part considérable des importations agroalimentaires des
pays des rives sud et est du bassin, même si
les importations en provenance des États-Unis,
du Canada, de la Chine et du Brésil se sont
accrues ces dernières années.
“ La crise alimentaire a redonné
à l’agriculture son rôle stratégique
sur le plan tant économique que
politique au sein de la région ”
Ainsi, depuis les années 1960, on assiste à
une dégradation de la balance agroalimentaire
des pays du versant africain et asiatique de la
Méditerranée, surtout en ce qui concerne les
céréales. Une série chronologique relative à la
balance agricole laisse apparaître le passage
d’un léger excédent, en 1962 et 1970, à un fort
déficit en 1980, lequel a continué de s’accentuer au cours de la période suivante.
Depuis les années 1980, les pays d’Afrique
du Nord voient leurs importations de céréales
considérablement augmenter. Le Maroc,
2. Balance agricole des pays arabes
de la Méditerranée, 1962-2004
(millions de dollars à prix courants)
2000
0
120
223
223
– 2 000
80
Production
– 4 000
– 5 645
– 6 000
40
0
2000
– 6 532
– 7 537
– 8 000
– 10 000
2010
Source : World Bank, 2009.
2020
2030
– 8 552
1962
1970
1980
1991
2001
Source : Élaboré à partir des données CIHEAM, 2008.
– 9 116
2003 2004
LA CRISE ALIMENTAIRE EN MÉDITERRANÉE
3. Le commerce mondial des céréales en millions de tonnes (MT)
+ 21
Ex-Union
soviétique
+ 105,4
Amérique
du Nord
– 46,9
Asie
Europe – 11,6
– 58,2
– 26,9
Amérique latine + 8
et Caraïbes
Pays
Arabes
Afrique
subsaharienne
+ 9,1
–
Exportations nettes
+
Importations nettes
Océanie
Source : World Bank, 2009.
l’Algérie et la Tunisie absorbent à eux seuls
8 % des importations mondiales de céréales
bien qu’ils ne représentent que 1 % de la
population mondiale. Les pays arabes de la
Méditerranée sont les plus gros importateurs
nets de céréales au niveau mondial.
La hausse du prix des matières premières
agricoles a contribué à accroître l’inflation,
amplifiant dans le même temps les conflits
sociaux et provoquant des déstabilisations
politiques, comme en témoignent les récents
événements politiques en Tunisie et en Égypte.
Un autre aspect fondamental de la crise alimentaire est le changement des habitudes alimentaires et des modes de vie de la population
mondiale.
Ces dernières années, les pays dont le poids
démographique est énorme, comme la Chine
et l’Inde, ont modifié leur régime alimentaire
traditionnel basé principalement sur les protéines végétales en s’orientant vers un modèle
occidental dans lequel les protéines animales
occupent une place prépondérante. La production d’aliments d’origine animale requiert
une étendue de terres cultivables dix fois
supérieure à la superficie destinée à la production d’aliments d’origine végétale[5].
Un processus de changement des habitudes
alimentaires est également en cours dans
les pays du versant africain et asiatique de la
Méditerranée où on assiste depuis quelques
années à une baisse de la vente au détail d’aliments frais traditionnels et à une augmentation
du chiffre d’affaires des grands centres commerciaux – souvent étrangers – qui vendent
les produits de l’industrie agroalimentaire.
Dans les centres urbains, non seulement de
nouvelles formes de distribution s’affirment de
plus en plus, mais elles s’accompagnent aussi
de nouveaux modes de consommation.
D’un point de vue macroéconomique, la
hausse des prix des produits alimentaires
de base (céréales, maïs et riz), intervenue
entre 2007 et 2008, a engendré une inflation
dans les PSEM, comme en témoigne une
augmentation des prix à la consommation des
5 Au niveau mondial, 38 % de la production céréalière et 90 % de
celle de soja sont consacrés à l’alimentation animale.
51
52
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
denrées alimentaires bien supérieure à celle
d’autres types de produits.
Les révoltes du pain dans certains pays
arabes et le risque de déstabilisation politique que cela représentait ont entraîné une
augmentation du montant des subventions
alimentaires de la part de l’État. Celle-ci grève
le budget de l’État et réduit ses moyens d’intervention dans d’autres domaines fondamentaux, tels que la santé et l’éducation.
En ce qui concerne l’impact de la hausse des
prix agricoles sur les conditions de vie de la
population, il est évident que les pays les plus
touchés par la crise alimentaire sont ceux qui
sont les plus pauvres. L’Égypte, l’Algérie et le
Maroc, où la proportion de la population vivant
avec moins de deux dollars par jour est la plus
élevée, sont également les pays qui présentent
les pourcentages les plus forts de population
sous-alimentée[6]. Si l’on compare les périodes
1990-1992 et 2002-2004, on remarque que la
proportion de population souffrant de sousalimentation s’est accrue dans tous les pays
considérés, excepté en Syrie et au Koweït.
Les statistiques nationales ne permettent
pas d’identifier des groupes sociaux plus particulièrement exposés à la faim. D’après le
Programme alimentaire mondial (PAM), la
sous-alimentation touche surtout la population
vivant en zone rurale, notamment les employés
agricoles ou les propriétaires de petites parcelles qui ne peuvent pas subvenir aux besoins
alimentaires de leur foyer. Il existe une corrélation évidente entre sous-nutrition et niveau
d‘instruction. La proportion la plus importante
de familles ne pouvant pas subvenir à leurs
besoins alimentaires est majoritairement composée d’analphabètes ou de personnes dont
le niveau d’instruction est extrêmement bas
(Arab Human Development Report, 2009).
La forte exposition de la population pauvre
à la crise alimentaire est liée au fait que plus
le revenu est faible, plus la part de budget
consacrée à l’achat de denrées alimentaires
est importante. Dans les pays arabes, entre
35 % et 65 % du revenu familial est consacré
à l’alimentation. C’est pourquoi la hausse des
prix des denrées alimentaires de base touche
6 Autour de 25 millions de personnes vivant dans les pays arabes, à
savoir 10 % de la population totale, souffrent de malnutrition.
4. Indice des prix à la consommation (IPC)
(Variation annuelle en pourcentage 2006-2007)
Yémen
Syrie
Égypte
Djibouti
Jordanie
Liban
Algérie
Koweït
Maroc
Irak
0
Indice des
produits
alimentaires
Indice global
5
10
15
20
25
Source : World Bank, 2008.
surtout la couche de la population la plus
démunie et aggrave les niveaux de pauvreté et
de malnutrition (World Bank, 2009).
Un quart de la population des pays arabes
est pauvre, 76 % de celle-ci étant en zone
“ Il existe une corrélation
évidente entre sous-nutrition
et niveau d‘instruction ”
rurale. La hausse des prix des produits agricoles touche plus durement les populations
pauvres vivant en zone urbaine, car en zone
rurale les taux d’autoconsommation de produits agricoles[7] sont plus élevés. En théorie,
la hausse des prix des produits agricoles
devrait contribuer à améliorer les conditions
de vie des agriculteurs, mais les bienfaits sont
inégalement distribués au sein du monde
rural. Ce sont surtout les grandes exploitations
qui en tirent avantage en produisant à la fois
pour le marché intérieur et pour le marché
international. La hausse des prix n’avantage
pas les propriétaires de petites parcelles qui
ne réussissent parfois pas à subvenir à leurs
propres besoins en nourriture et sont partiellement dépendants du marché, tandis que les
employés agricoles sont consommateurs nets
de denrées alimentaires.
7 En zone rurale, les familles pauvres sont souvent des familles
d’agriculteurs qui pourraient bénéficier de la hausse des prix des
produits agricoles. En réalité, le faible pouvoir de négociation des
petits propriétaires limite les retombées positives sur leur revenu.
LA CRISE ALIMENTAIRE EN MÉDITERRANÉE
Pauvreté en zones urbaines et rurales
Pays
Égypte
Cisjordanie et Gaza
Jordanie
Syrie
Algérie
Maroc
Tunisie
Pauvreté en zone
urbaine (%)
Pauvreté en zone rurale
(%)
10
21
12
8
10
5
2
27
55
19
15
15
15
8
Population pauvre
vivant en zone rurale
(%)
78
67
29
62
52
58
75
Source : World Bank, 2009.
Compte tenu du développement humain
global, la hausse des prix agricoles a incontestablement une incidence sur les niveaux
nutritionnels, sur la composition des consommations, sur les niveaux d’instruction et sur la
santé des familles. En effet, l’augmentation des
prix des denrées alimentaires peut entraîner
une modification du régime alimentaire en
faveur d’aliments moins coûteux, moins nutritifs et moins variés, mais peut aussi conduire
à réduire les dépenses familiales pour la santé
et pour l’éducation des enfants, ce qui peut
avoir à long terme des conséquences négatives sur le capital humain, lequel représente
une des ressources fondamentales pour le
développement.
L’incidence des consommations alimentaires
sur le budget familial nous amène à tirer
des conclusions à propos des conséquences
dramatiques de la crise alimentaire sur le
développement économique des pays méditerranéens. Les dynamiques salariales sont
fortement influencées par la situation des
prix des denrées alimentaires de base. En
effet, l’augmentation des prix des produits
de première nécessité se traduit par une
hausse des salaires et aboutit par conséquent
à une réduction de la compétitivité en matière
de production manufacturière des PSEM sur
les marchés internationaux, précisément au
moment où cette compétitivité est exposée à
la concurrence croissante des pays émergents
d’Asie du Sud-Est.
À long terme, l’augmentation des prix des
produits agricoles peut représenter une opportunité pour l’agriculture méditerranéenne dans
la mesure où elle peut contribuer à sa relance
et jouer un rôle clé dans la réduction de la
pauvreté et dans la défense de l’environnement. Tout cela nécessite cependant une série
d’interventions structurelles dans le secteur
agricole pour renforcer le pouvoir économique et décisionnel des petits propriétaires
terriens. Ces interventions pourraient aller de
l’amélioration des systèmes d’irrigation à la
distribution de fertilisants et de pesticides aux
agriculteurs à des tarifs subventionnés, en passant par le renforcement du système de crédit
pour aboutir à la création de structures efficaces en matière de stockage, de conservation
et de conditionnement des produits agricoles.
Revue Tiers
Tiers Monde
« LA FAIM À L’ÈRE DE L’ABONDANCE »
L’article n’est pas reproduit dans son intégralité.
N° 210, avril-juin 2012
45 bis, avenue de Belle Gabrielle
94736 Nogent sur Marne cedex
Tél. : + 33 (0)1 43 94 72 26
[email protected]
[email protected]
www.ar
www
.armand-colin..com/r
mand-colin..com/revues.php
evues.php
Euginia Ferragina et Désirée A. L. Quagliarotti sont
chercheuses à l’Institut d’études sur les sociétés de la
Méditerranée (ISSM), à Naples (Italie).
53
54
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
LA GOUVERNANCE
FINANCIÈRE ET
BUDGÉTAIRE EUROPÉENNE
Chronique internationale de l’IRES | ANNIE JOLIVET ET CATHERINE SAUVIAT
Problèmes économiques
> La crise de la dette souveraine a révélé
les insuffisances de l’Union économique et
monétaire (UEM), en particulier l’absence
d’un dispositif de gestion des crises et la
défaillance des mécanismes de surveillance
budgétaire en vigueur. Deux traités
récents visent à répondre à ces défauts.
Le premier porte création du Mécanisme
européen de stabilité (MES) qui prendra,
en 2013, le relais du Fonds européen de
stabilité financière (FESF). Le second est
le Traité sur la stabilité, la coordination
et la gouvernance (TSCG) dont l’objectif
est de renforcer les règles et les contrôles des
politiques budgétaires des pays de la zone
euro. Ces deux traités s’inscrivent dans
une logique précise : la solidarité financière
établie de fait par le MES entre les pays
membres de la zone euro repose sur le
durcissement en parallèle de la discipline
budgétaire auxquelles se soumettent
désormais ces derniers.
L
e principe de solidarité financière que la
création du Mécanisme européen de stabilité (MES) établit de fait entre les pays
membres de la zone euro n’a pu être obtenu
(et accepté par l’Allemagne) qu’à condition
que la discipline économique et budgétaire
des pays membres de l’Union européenne
(UE) soit parallèlement durcie. Celle-ci l’a été
en trois temps : d’abord avec la mise en place
au 1er janvier 2011 du « semestre européen »
qui autorise la Commission européenne à examiner les projets de budget nationaux, avant
qu’ils ne soient débattus devant les parlements
nationaux ; ensuite à travers le renforcement
du Pacte de stabilité et de croissance (par un
groupe de cinq règlements et une directive,
dit « Six Pack ») décidé en octobre 2011 ; enfin
avec la signature de ce Pacte budgétaire à 25
obtenue cinq mois plus tard. Ce durcissement
modifie-t-il substantiellement la gouvernance
européenne en matière de surveillance des
finances publiques ? Quels peuvent en être les
effets ? De quelle solidarité financière s’agitil ? Est-elle suffisante en cas de défaut de paiement d’un pays ou de contagion de la crise des
dettes souveraines ?
La première partie de l’article s’attache à
décrire les caractéristiques et principes de
fonctionnement du nouveau dispositif de solidarité financière mis en place (Fonds européen
de stabilité financière – FESF puis MES), à
LA GOUVERNANCE FINANCIÈRE ET BUDGÉTAIRE EUROPÉENNE
montrer en quoi il complète le Pacte budgétaire à 25 et à s’interroger sur le degré de
solidarité financière qu’il implique. La seconde
partie retrace l’évolution des règles de surveillance économique et budgétaire adoptées
au fil des ans par les pays membres de l’Union
économique et financière (UEM). Elle met
en évidence les nouveautés introduites par
le Traité sur la stabilité, la coordination et la
gouvernance (TSCG), notamment la « règle
d’or », ainsi que ses zones d’ombre ou d’incertitude, pour mieux en saisir les effets induits et
les interrogations ou critiques qu’il suscite.
La création d’une nouvelle
institution financière européenne
Lors de la construction de l’UEM, deux
clauses ont été incluses dans le traité de
Maastricht : une clause de non-monétisation
directe de la dette publique par la Banque
centrale européenne (BCE) et une clause de
non-renflouement (dite aussi clause de nonsauvetage). La première interdit à la BCE (et
aux banques centrales nationales) de financer directement les déficits budgétaires des
États par l’octroi de crédits ou l’achat de
titres publics. Le rôle de la BCE, voulu par
l’Allemagne sur le modèle d’une Bundesbank
indépendante de l’exécutif, s’est confiné à la
surveillance de la stabilité des prix (inflation)
principalement par le pilotage des taux d’intérêt directeurs. La seconde clause interdit à l’UE
ou à tout État membre de prendre en charge
les engagements budgétaires d’un autre État
membre. Elle exclut donc la solidarité financière entre États, aucun n’étant garant de la
dette des autres. La combinaison de ces deux
clauses vise à répondre au risque qu’un pays
laisse dériver sa dette et son déficit publics
sans avoir à en assumer individuellement le
coût (« aléa moral »)[1].
Fin 2009, le creusement des dettes publiques
dans la zone euro survenu sous le double
effet de la diminution des recettes fiscales et
sociales et de la recapitalisation du secteur
bancaire pour certains pays (conséquence de
1 Cette même crainte de faire payer le laxisme de certains pays de
la zone euro par d’autres, plus rigoureux dans la gestion de leurs
finances publiques, se retrouve à propos de la controverse existante
sur la création d’un marché des euro-obligations (ou eurobonds).
la crise des subprimes américaines) a provoqué
une crise de confiance des investisseurs institutionnels. La crainte que certains pays fassent
défaut (ou que leur dette soit restructurée),
qu’elle soit fondée ou non, s’est traduite par
une augmentation de la prime de risque (i.e.
des taux d’intérêt) exigée par ces investisseurs
à l’occasion des nouvelles émissions obligataires effectuées par les pays en question.
Cette crise des dettes souveraines a immédiatement touché les banques qui détiennent
beaucoup de titres publics, notamment de
leur propre État, réduisant leur solvabilité,
renchérissant leurs coûts de (re)financement et
nécessitant dans certains cas leur recapitalisation pour compenser la baisse de la valeur de
ces titres portée au passif de leur bilan. La BCE
a alors été amenée à sortir, de manière pragmatique, de son rôle conventionnel. À partir
du 14 mai 2010, à travers la mise en place
d’un programme ad hoc (programme d’intervention sur les marchés obligataires européens
ou Securities Market Programme), elle s’est
mise à acheter des titres de la dette publique
déjà émis par des pays que les marchés financiers ont pris pour cible (Grèce d’abord, puis
Irlande, Espagne et Italie), dans le but d’enrayer la hausse des primes de risque qui leur
sont appliquées[2]. Elle a également assoupli
les conditions d’éligibilité des titres d’État
détenus par les banques dans le cadre de leurs
opérations de refinancement. La BCE n’ayant
pas le mandat d’assurer la stabilité financière
de la zone euro, le compromis trouvé dans
l’urgence par les États membres de l’UEM a
consisté à créer un mécanisme instituant une
relative solidarité financière entre eux, sans
aller toutefois jusqu’à la création d’un marché
des euro-obligations qui aurait représenté une
mutualisation plus forte des dettes publiques
européennes.
Du Fonds européen
de stabilité financière…
Le 9 mai 2010, c’est pour enrayer le risque de
contagion de la crise des dettes souveraines à
d’autres pays de la zone euro et pour aider à
la recapitalisation des banques que le Conseil
2 Au 13 juillet 2012, la valeur cumulée des achats réalisés dans le
cadre de ce programme s’élevait à 211,3 milliards d’euros : http://
www.ecb.int/mopo/implement/omo/html/index.en.html.
55
56
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
Ecofin[3] a décidé en urgence et à la suite du
premier plan d’aide à la Grèce (110 milliards
d’euros) de la création d’un mécanisme temporaire de soutien aux États membres de l’UEM
se trouvant dans l’incapacité de se financer à
moindre coût sur les marchés de capitaux : le
Fonds européen de stabilité financière (FESF).
Il s’agit alors de financer avec l’aide du Fonds
monétaire international (FMI) le plan d’aide à
l’Irlande (novembre 2010). Ce dispositif, prévu
initialement pour une durée de trois ans, a été
doté d’une capacité financière de 440 milliards
d’euros. Cette somme correspond au montant des capitaux qui peuvent être empruntés
par le FESF sur les marchés financiers avec
la garantie des dix-sept États membres de
la zone euro (à l’exception de la garantie du
pays assisté)[4]. Chaque pays y apporte une
garantie proportionnelle à sa contribution au
capital de la BCE ; il ne s’agit donc pas d’une
garantie solidaire[5]. À cette capacité de prêt
vient s’ajouter celle de l’UE pour 60 milliards
d’euros via le Mécanisme européen de stabilité financière[6] (MESF), ce qui porte la capacité d’intervention de l’ensemble du dispositif
européen à 500 milliards d’euros. Ces interventions peuvent se combiner avec celle du FMI
(jusqu’à 250 milliards d’euros) et atteindre ainsi
un total de 750 milliards d’euros.
Dès janvier 2011, le FESF a mis en place un
programme d’émissions d’obligations, dont la
première tranche était destinée à l’Irlande.
Avec le capital ainsi levé sur les marchés financiers auprès des investisseurs institutionnels,
il a pu prêter aux États en difficulté à des
taux en dessous du marché, sous réserve que
ceux-ci acceptent des programmes d’ajustement macroéconomiques négociés avec la
3 Le Conseil pour les Affaires économiques et financières,
communément appelé « Conseil Ecofin », rassemble les ministres
de l’Économie et des Finances des 27 États membres, ainsi que les
ministres compétents en matière de budget lorsque des questions
budgétaires sont à l’ordre du jour.
4 Elle a été portée par amendement à 780 milliards d’euros le
18 octobre 2011.
5 L’Allemagne offre la garantie la plus importante (29,07 %), puis
viennent la France (21,83 %), l’Italie (19,18 %), l’Espagne (12,75 %),
les Pays-Bas (6,12 %), la Belgique (3,72 %)… et Malte pour finir
(0,10 %). Ces garanties ne seront appelées que si l’un des pays
assistés fait défaut sur sa dette.
6 Créé en même temps que le FESF le 9 mai 2010, le MESF est un
programme de financement géré par la Commission européenne,
qui lui permet d’emprunter sur les marchés avec la garantie du
budget de l’UE pour venir en aide aux États membres de l’UE, sur
autorisation du Conseil Ecofin.
Commission européenne, la BCE et le FMI[7]. Le
9 juin 2012, l’Eurogroupe a proposé d’accorder
en urgence un prêt jusqu’à 100 milliards d’euros
à l’Espagne pour recapitaliser ses banques, une
décision qui a été confirmée après la tenue fin
juin du Conseil européen. Le FESF a donc dû
assurer le déblocage d’une première tranche de
30 milliards d’euros fin juillet. Cette somme sera
injectée par l’État espagnol dans les banques
les plus fragiles, lequel devra se conformer
aux recommandations de la Commission européenne, de la BCE et de l’Autorité bancaire
européenne ainsi que du FMI, en matière
de restructuration bancaire et autres réformes
structurelles (taxe sur la valeur ajoutée – TVA,
système de retraite, etc.). Au total, sur l’année
2011 et jusqu’à fin juillet 2012, 222 milliards
d’euros ont d’ores et déjà été engagés par
le FESF pour venir en aide à l’Irlande, au Portugal, à la Grèce et à l’Espagne (voir tableau 1).
Ce fonds dispose donc encore d’une capacité
financière autonome de 218 milliards d’euros
pour continuer à financer les plans d’aide en
cours de ces quatre États membres pour le
reste de l’année 2012 jusqu’à mi-2013 et pour
s’engager si nécessaire dans de nouvelles opérations de prêt jusqu’à ce terme. Par la suite,
le nouveau MES, dont l’entrée en vigueur a
été retardée, devrait procurer l’essentiel des
besoins de financement des nouveaux programmes de prêts. Ensemble, ces dispositifs
européens disposeront d’une force de frappe
financière de 700 milliards d’euros pour faire
face à la crise de la zone euro, combinée à une
contribution additionnelle du Fonds monétaire
international (FMI) de 182 milliards d’euros.
Mais dès que le MES deviendra opérationnel,
il devrait pourvoir à l’essentiel des aides.
… au Mécanisme européen
de stabilité
Compte tenu de la gravité de la crise des
dettes souveraines de la zone euro, le Conseil
7 Le Portugal, en contrepartie de son prêt, a dû accepter un
gel des salaires dans le secteur public, une réforme du système
d’indemnisation du chômage, et un programme ambitieux de
privatisations (Pernot, 2011). Il en va de même pour l’Irlande, qui
a dû accepter une restructuration de son système bancaire, et une
réduction des salaires des employés du secteur public ainsi que du
salaire minimum (cette dernière mesure ayant été annulée par le
nouveau gouvernement après quatre mois d’application), engager
une réforme du système des retraites, et réduire ses dépenses de
santé et d’éducation, etc. (Delahaie, 2010 et 2012).
LA GOUVERNANCE FINANCIÈRE ET BUDGÉTAIRE EUROPÉENNE
1. Prêts accordés aux États membres de la zone euro à fin juillet 2012
(en milliards d’euros)
Prêts
bilatéraux,
zone euro
Grèce 1er plan
(2010-2013)
FESF
MESF
52,9
FMI
Prêts bilatéraux, hors zone
euro (R.-U.,
Danemark,
Suède)
20
Total
72,9(1)
Irlande (2010-2013)
17,7 (dont 12
déjà prêtés)
22,5
22,5
Portugal (2011-2014)
26 (dont 17,4
déjà prêtés)
26
26
78
Grèce 2e plan
(2012-2015)
144,6(2) (dont
107,9 déjà
prêtés)
28
172,6
Espagne (2012)
Total
4,8
30 déjà prêtés
52,9
218,3 + 3,7
= 222
(3)
67,5
Jusqu’à 100
48,5
96,5
4,8
491 + 3,7(3)
= 494,7
1) Le montant du premier plan d’aide à la Grèce était de 110 milliards d’euros ; le deuxième plan d’aide entré en vigueur en mars 2012 a remplacé ce premier plan
d’aide et à fin juillet, 72,9 milliards d’euros avaient été déboursés.
2) En plus des 144,6 milliards d’euros, le FESF a apporté 35 milliards d’euros à un dispositif permettant à la BCE d’accepter des obligations grecques en collatéral.
3) Le FESF initial était doté d’une réserve de liquidités de 3,7 milliards d’euros, obtenue à partir de l’émission d’emprunts à court terme (3 et 6 mois).
Source : D’après Fernandes et Rubio (2012), EFSF Newsletter n° 5, June 2012 et http://www.efsf.europa.eu/about/operations/index.htm.
Ecofin a décidé le 9 mai 2010 de remplacer
le dispositif provisoire qu’est le FESF par un
mécanisme permanent. Lors du Conseil européen de décembre 2010, l’accord se fait sur
l’ajout d’un amendement de deux lignes à
l’article 136 du Traité de fonctionnement de
l’Union européenne (TFUE), plutôt que de
soumettre ce traité à référendum et s’exposer
ainsi au risque d’un refus par les citoyens des
“ En tant que mécanisme permanent,
le MES se distingue du FESF par sa
structure institutionnelle : il s’agit
d’une structure intergouvernementale
relevant du droit public international ”
États membres. L’amendement est voté au
Parlement européen le 23 mars 2011, après
son examen selon la procédure de révision
simplifiée créée par le traité de Lisbonne.
Celle-ci ne permettant pas d’accroître les pouvoirs de l’Union européenne, il est décidé lors
du sommet européen de mars 2011 de signer
un traité intergouvernemental séparé. Une première version est signée par les États membres
de l’UEM le 11 juillet 2011, puis une deuxième
le 2 février 2012.
La mise en place du MES, prévue initialement le 1er juillet 2013 à l’expiration du FESF,
a finalement été avancée au 1er juillet 2012,
pour autant que des États membres représentant 90 % de son capital l’aient alors ratifié. Le
Parlement français a été le premier à le faire fin
février 2012, suivi par la Grèce, la Slovénie et la
Pologne. À fin juillet 2012, douze pays auraient
donc complètement ratifié le traité du MES.
Pour d’autres, le processus de ratification est
en cours, mais n’est pas totalement achevé.
En tant que mécanisme permanent, le MES se
distingue du FESF par sa structure institutionnelle : il s’agit d’une structure intergouvernementale relevant du droit public international,
contrairement au FESF qui était régi par le
droit luxembourgeois des sociétés. Cette institution financière européenne aura son siège
au Luxembourg, comme le FESF. Elle sera dirigée par un conseil des gouverneurs, composé
des ministres des Finances de chaque pays.
Ceux-ci disposeront d’autant de voix que d’actions au capital de l’institution. Elle remplira le
même rôle d’assistance financière aux États en
57
58
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
difficulté que le FESF, en instaurant une solidarité financière entre les États membres dont la
monnaie est l’euro, quand l’un d’entre eux ne
pourra plus emprunter sur les marchés, sauf à
des taux prohibitifs, et mettra la stabilité financière de la zone euro en danger. L’exercice de
cette solidarité sera néanmoins conditionné à
partir du 1er mars 2013 à la ratification du TSCG
par l’État membre concerné, au respect de ses
règles et à la mise en œuvre des programmes
de réformes.
Contrairement au FESF qui doit lever tous
les capitaux sur les marchés financiers avec la
garantie des États pour pouvoir leur prêter,
le MES disposera d’un capital propre initial
de 80 milliards d’euros apporté par les États
membres de l’UEM en cinq tranches de taille
égale d’ici 2014[8], et de 620 milliards de garanties de leur part. Sa capacité financière totale
‘‘ Le MES disposera d’un capital
propre initial de 80 milliards d’euros
apporté par les États membres
de l’UEM en cinq tranches de taille
égale d’ici 2014, et de 620 milliards
de garanties de leur part ’’
sera de 700 milliards d’euros et sa capacité initiale maximale de prêts est fixée à 500 milliards
d’euros, montant appelé à être réévalué au
moment de l’entrée en vigueur du traité. Fort
de ces moyens, le MES pourra emprunter sur
les marchés pour acheter soit des obligations
d’État directement à un pays émetteur sur le
marché primaire, soit des titres déjà émis sur le
marché secondaire, ou bien encore pour prêter
directement aux États demandeurs, mais en
les assujettissant à un programme de redressement macroéconomique ou d’ajustement
structurel négocié par la Commission, en lien
avec la BCE.
L’intervention du MES sera décidée en
général à l’unanimité de ses membres. Il est
cependant prévu une procédure d’urgence
8 Ce capital sera versé par chacun des dix-sept pays au prorata de
leur souscription au capital de la BCE, corrigée pour tenir davantage
compte du PIB par habitant de chacun par rapport à la moyenne de
l’UE (27,15 % pour l’Allemagne, 20,39 % pour la France, 17,91 %
pour l’Italie, 11,90 % pour l’Espagne, etc.).
qui permet à une majorité qualifiée (les États
représentant 85 % des parts détenues dans
le capital du MES)[9] d’accorder une assistance financière. Le Parlement européen ne
disposera d’aucun pouvoir de contrôle sur
le MES, qu’il s’agisse de ses interventions qui
relèvent de la décision des seuls ministres des
Finances responsables devant leurs Parlements
nationaux respectifs, ou des plans d’ajustement proposés par la troïka (BCE, Commission
européenne et FMI).
Ce dispositif, s’il constitue une avancée indéniable du point de vue de la solidarité financière entre États membres de la zone euro,
voire au-delà, présente cependant plusieurs
limites. D’une part, il n’engage la responsabilité des États membres qu’à hauteur de leur
participation au capital autorisé du MES, c’està-dire à celle de leurs banques centrales respectives au capital de la BCE[10]. Il s’agit donc
là d’une solidarité financière bien différente de
celle qu’entraînerait la création d’un marché
des euro-obligations, qui implique une garantie de l’ensemble des pays de la zone euro et
qui leur permettrait de bénéficier du même
taux d’intérêt lors de l’émission d’un emprunt.
D’autre part, la capacité de prêt du MES est
actuellement limitée à 500 milliards d’euros.
Si la crise des dettes souveraines ou les difficultés bancaires devaient s’étendre à d’autres
grands pays de la zone euro, ce montant ne
suffirait sans doute pas à éteindre l’incendie.
Or il est interdit au MES de se refinancer
auprès de la BCE. Il emprunte donc sur les
marchés financiers. Pour pouvoir prêter jusqu’à
500 milliards d’euros, il doit jouer sur un effet
de levier en empruntant à un taux faible,
ce qui suppose qu’il soit bien noté par les
agences de notation financière. Enfin, le MES,
de même que le FESF, ne sont jusqu’à présent
autorisés à prêter qu’aux États qui, avec cette
aide, peuvent alors recapitaliser leurs banques.
Mais ces mécanismes ont pour conséquence
d’alourdir la dette des États, ce qui en retour
affecte les bilans des banques qui détiennent
de nombreuses obligations de leur propre
État. Ils traduisent de fait les phénomènes de
9 L’Allemagne, la France et l’Italie étant les seuls pays à avoir une
participation au capital du MES supérieure à 15 %, ils seront les
seuls à disposer de fait d’un droit de veto.
10 Voir note 5.
LA GOUVERNANCE FINANCIÈRE ET BUDGÉTAIRE EUROPÉENNE
contamination réciproque entre les États et
leur système bancaire, entre la crise des dettes
souveraines et les crises bancaires (Pisani-Ferry,
2011). Cette question s’est posée notamment
à l’occasion de la décision prise en urgence
par l’Eurogroupe début juin 2012 d’accorder
un prêt jusqu’à 100 milliards d’euros destiné
à la recapitalisation des banques espagnoles.
C’est pourquoi le Conseil européen des 28 et
29 juin a proposé de mettre un terme à cet
effet pervers en permettant au futur MES de
pouvoir directement recapitaliser les banques,
proposition conditionnée à la mise en place
d’un mécanisme unique de supervision bancaire associant la BCE et la nouvelle autorité
bancaire européenne créée il y a deux ans (Lefresne, Sauviat, 2010). Ce dispositif ne devrait
toutefois pas être opérationnel avant début
2013 au plus tôt.
Le durcissement
de la surveillance budgétaire
au sein de l’UEM
Depuis la mise en place de l’euro se pose
un problème de coordination entre une politique monétaire, désormais unique pour les
pays membres de l’UEM, qui relève de la BCE,
et des politiques budgétaires qui restent en
“ Depuis la mise en place de l’euro se
pose un problème de coordination
entre une politique monétaire,
désormais unique et des politiques
budgétaires qui restent en principe
du ressort de chaque État membre ”
principe du ressort de chaque État membre.
Le traité de Maastricht puis le Pacte de stabilité et de croissance mis en place par le traité
d’Amsterdam (1997) et réformé en 2005 sont
censés encadrer ces politiques budgétaires par
des règles communes qui visent précisément
à contenir les déficits et dettes publics dans
certaines limites (respectivement 3 % et 60 %
du PIB).
Les onze premiers pays à rejoindre l’UEM
ont fait des efforts d’ajustement budgétaire
dans la période ayant précédé la mise en
place de la monnaie unique. Du début des
années 2000 jusqu’au début de la crise économique en 2007-2008, la plupart d’entre eux
sont parvenus à réduire leurs déficits publics.
Mais l’ampleur de la crise économique a
anéanti ces efforts en rendant impossible le
respect de ces critères dans la plupart des
États de la zone euro. En 2011, onze pays de
l’UEM affichaient des déficits publics supérieurs au seuil de 3 % du PIB et douze pays des
dettes publiques supérieures au seuil de 60 %
du PIB (voir tableau 2).
Malgré cela et pour convaincre les États
membres du nord de l’Union européenne
de se montrer solidaires avec les pays en
difficulté, les règles de surveillance et de
limitation des déficits et des dettes publics,
jugées insuffisantes pour exercer l’effet de
discipline attendu sur les finances publiques
des États membres, ont encore été renforcées, notamment sous la forte pression de la
chancelière allemande Angela Merkel. Une
nouvelle approche et un nouveau calendrier
de surveillance ont été proposés par la Commission européenne le 30 juin 2010, adoptés
par le Conseil européen le 7 septembre et
finalement mis en place au cours des premiers mois de 2011 : le « semestre européen »
est censé intégrer tout le processus de surveillance (politiques budgétaires et réformes
structurelles) dans un cadre global et au cours
des sept premiers mois d’un cycle annuel[11]. En
septembre 2010, la Commission européenne
propose le « Six Pack », qui vise à encadrer
davantage les politiques budgétaires et à
mieux surveiller les déséquilibres macroéconomiques des États membres de la zone euro.
Le Conseil européen le valide en mars 2011
et il entre en vigueur le 13 décembre. En
novembre 2011, la Commission européenne
propose deux règlements spécifiques à la zone
euro (dits « Two Pack »), qui visent à renforcer
11 Sont depuis 2011 passés en revue et discutés par les
institutions européennes (Commission européenne, Conseil de
l’UE et Parlement européen), avant même que les gouvernements
n’établissent leurs propres projets de budgets destinés à leurs
Parlements respectifs et pour tous les pays simultanément, la
politique fiscale, les déséquilibres économiques, les questions liées
au secteur financier, les réformes structurelles supposées favoriser
la croissance de chaque État membre. Cette discussion a lieu sur
la base des projets de budget présentés par leurs gouvernements
respectifs au premier semestre, donc avant que ces projets ne soient
soumis à discussion au sein de leurs Parlements nationaux.
59
60
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
2. Solde budgétaire, dette publique et charge d’intérêts dans la zone euro (1998-2011)
Solde budgétaire/PIB
1998
Variation
19982007
20072010
Dette publique/PIB
2011
1998
Charge d’intérêts/PIB
2011
19982007
20072010
4,7
17,9
81,2
1998
Variation
2011
19982007
20072010
3,4
– 0,6
– 0,3
2,7
Allemagne
– 2,3
2,6
– 4,5
– 1,0
Autriche
– 2,4
1,5
– 3,6
– 2,6
64,4
– 4,2
11,7
72,2
3,6
– 0,8
– 0,1
2,6
Belgique
– 0,9
0,9
– 3,8
– 3,7
117,2
– 33,2
12,0
98,0
7,3
– 3,4
– 0,5
3,3
Chypre
– 4,2
7,7
– 8,8
– 6,3
59,2
– 0,4
2,7
71,6
3,1
0
– 0,8
2,5
Espagne
– 3,0
4,9
– 11,3
– 8,5
64,2
– 27,9
25,0
68,5
4,2
– 2,6
0,3
2,4
Estonie
– 0,7
3,1
– 2,1
1,0
6,0
– 2,3
3,0
6,0
0,5
– 0,4
0
0,1
Finlande
60,5
Variation
1,6
3,7
– 7,8
– 0,5
48,4
– 13,2
13,2
48,6
3,5
– 2,1
– 0,4
1,1
France
– 2,6
– 0,1
– 4,3
– 5,2
59,5
4,7
18,1
85,8
3,3
– 0,6
– 0,3
2,6
Grèce
– 3,9
– 2,6
– 3,9
– 9,1
95,4
12,0
37,5
165,3
8,2
– 3,7
1,2
6,9
2,4
– 2,3
– 31,2
– 13,1
53,0
– 28,2
67,6
108,2
3,3
– 2,3
2,1
3,4
– 2,7
1,0
– 3,0
– 3,9
114,2
– 11,2
15,5
120,1
7,9
– 2,9
– 0,4
4,9
3,4
0,3
– 4,5
– 0,6
7,1
– 0,4
12,4
18,2
0,4
– 0,2
0,2
0,5
Malte
– 9,9
7,6
– 1,4
– 2,7
53,4
8,8
7,2
72,0
3,2
0,1
– 0,3
3,1
Pays-Bas
– 0,9
1,1
– 5,3
– 4,7
65,7
– 20,4
17,6
65,2
4,7
– 2,5
– 0,2
2,0
Portugal
– 3,9
0,7
– 6,7
– 4,2
50,3
18,0
25,1
107,8
3,1
– 0,2
– 0,1
3,9
Irlande
Italie
Luxembourg
Slovaquie
– 5,3
3,5
– 5,9
– 4,8
34,5
– 4,9
11,5
43,3
2,5
– 1,1
0
1,6
Slovénie
– 2,4
2,3
– 6,0
– 6,4
23,1
– 0,1
15,7
47,6
2,2
– 0,9
0,4
2,0
Zone euro
– 2,3
1,6
– 5,6
– 4,1
72,8
– 6,5
19,2
88,0
4,5
– 1,6
– 0,2
3,1
Les niveaux pour 1998 et 2011 sont exprimés en pourcentage du PIB. Les variations sont exprimées en points de pourcentage. Une variation positive (négative)
d’un ratio reflète une amélioration (dégradation) de ce ratio.
Note : Pour le Portugal, le déficit budgétaire rapporté au PIB a été réduit entre 1998 et 2007 (variation positive du ratio solde budgétaire/PIB) puis s’est dégradé
entre 2007 et 2011 (variation négative du ratio).
Sources : Banque centrale européenne (2012) ; Commission européenne et projections économiques de la Commission européenne du printemps 2012.
son pouvoir de contrôle sur les budgets nationaux[12]. Les 8 et 9 décembre 2011, il propose
d’étendre les traités par un « Pacte budgétaire », sous la forme d’un accord international
entre États membres de la zone euro. Les
autres pays de l’UE pourront y participer sous
réserve d’obtenir l’accord de leurs Parlements
respectifs.
L’introduction de la « règle d’or »
et de la nouvelle procédure
de déficit excessif
Le TSCG ne fait que reprendre l’ensemble
des dispositions proposées par la Commission
en 2010 et 2011, pour la plupart déjà adoptées
12 Mi-juillet, ce paquet fait encore l’objet de discussions entre la
Commission européenne, le Conseil des ministres et le Parlement
européen (qui a apporté aux textes de nombreux amendements
tendant à limiter les pouvoirs supplémentaires de la Commission).
L’opportunité de ce nouveau paquet suscite des critiques alors que
le TSCG est en cours de ratification.
par le Conseil et par le Parlement européens
sous la forme du « Pacte pour l’euro » et du
« Six Pack »[13].
En premier lieu, les seuils définis dans le
Pacte de stabilité et de croissance (PSC) sont
complétés. Une limite est désormais fixée pour
le déficit structurel : celui-ci ne doit pas dépasser 0,5 % du PIB nominal. Les États membres
de la zone euro doivent incorporer dans leur
Constitution une règle de budget équilibrée
à moyen terme (dite règle d’or) et des mécanismes automatiques de retour à l’équilibre
budgétaire.
En second lieu, une nouvelle procédure dite
de déséquilibre excessif peut désormais être
engagée contre un État du fait de l’évolution
de son endettement public (et plus seulement
de son déficit public). Une règle de réduction
13 Pour une analyse des versions successives du TSCG, voir
Kreilinger (2012).
LA GOUVERNANCE FINANCIÈRE ET BUDGÉTAIRE EUROPÉENNE
de la dette est fixée pour les pays fortement
endettés (ceux dont la dette publique dépasse
60 %) : ils ont obligation de réduire chaque
année leur taux d’endettement d’un vingtième
de l’écart à ce taux de référence[14]. Un dépôt
rémunéré de 0,2 % du produit intérieur brut
(PIB) sera imposé aux pays de la zone euro
qui ne respecteraient pas cette obligation et
versé au MES. Ce dépôt peut se transformer
en une amende qui pourra atteindre jusqu’à
0,5 % du PIB. Les pays fortement endettés
ont également l’obligation de soumettre à la
Commission et au Conseil un « programme
de partenariat économique » sur les mesures
à mettre en œuvre pour surmonter leurs difficultés. L’application de ces mesures fera
l’objet d’une surveillance par la Commission
et par le Conseil. Dans ce domaine s’applique
désormais la règle de majorité qualifiée inversée : une recommandation ou une proposition
de la Commission au Conseil est considérée
comme adoptée sauf si une majorité qualifiée
des États membres vote contre (sans le vote
du pays concerné). Cette inversion de la règle
de la majorité qualifiée renforce le caractère
contraignant de la surveillance. Des sanctions
financières automatiques et immédiates sont
prévues, intervenant désormais à un stade plus
précoce de la procédure.
Le TSCG entrera en vigueur le 1er janvier
2013, à condition que douze des dix-sept États
membres de la zone euro le ratifient d’ici là. À
mi-juillet 2012, onze États membres l’avaient
déjà soumis au vote de leurs Parlements respectifs : la Grèce en mars, le Portugal et la
Slovénie en avril, la Roumanie, la Lettonie,
le Danemark, la Suède et l’Irlande en mai,
la Lituanie et l’Allemagne en juin, l’Autriche
début juillet. La Grèce, la Slovénie, et l’Irlande
ont d’ores et déjà ratifié le texte[15]. En Italie,
le TSCG a été adopté par le Sénat le 12 juillet
mais les députés ne se sont pas encore prononcés. La ratification devrait intervenir dans
les autres pays à des dates qui dépendent des
procédures institutionnelles et de l’examen
14 Pour un pays dont la dette atteint 100 % du PIB, soit 40 points de
plus que la valeur de référence, la réduction d’un vingtième de cet
écart correspondrait à une baisse de 8 points du taux d’endettement
public la première année.
15 Seule l’Irlande a procédé à un vote par référendum, imposé de
fait par sa Constitution, voir Delahaie (2012).
d’éventuelles contestations, comme c’est le
cas en Allemagne.
Des règles très controversées
L’adoption du TSCG par le Conseil européen a suscité de nombreuses critiques.
Le Parlement européen estimait le 18 janvier 2012 que les dispositions de surveillance
budgétaire étaient déjà largement présentes
dans les textes précédemment adoptés (Six
Pack). Jacques Delors, l’ancien président de la
Commission européenne, l’a qualifié « d’usine
à gaz » et la CES, pour la première fois de son
histoire, déclarait son opposition à ce nouveau traité, alors même qu’elle a par le passé
approuvé tous les traités européens.
La nature du texte soulève d’abord des
questions liées au mode de contrôle démocratique sur les décisions qui seraient prises
en vertu du TSCG. Puisqu’il s’agit d’un traité
intergouvernemental et non pas européen, les
Parlements nationaux sont en principe les seuls
“ L’essentiel des critiques
au TSCG porte sur la pertinence
même des nouvelles règles
instaurées, sur leur contenu
aussi bien que sur leur impact ”
à pouvoir se prononcer légalement sur les
décisions des gouvernements. Ces critiques
de nature juridique ne disqualifient cependant
pas le TSCG en tant que texte avant tout
politique, matérialisant le compromis entre un
embryon de solidarité financière entre États et
un contrôle plus strict de leurs dettes et déficits
publics.
L’essentiel des critiques adressées au TSCG
porte sur la pertinence même des nouvelles
règles instaurées, sur leur contenu aussi bien
que sur leur impact. Les seuils fixés à l’origine
par le PSC n’ont pas a priori de justification
économique ni ne garantissent qu’ils satisfassent les marchés financiers. Ils sont plus ou
moins pertinents selon la situation de chaque
pays. Ils ne sont pas toujours réalisables et
n’ont de fait pas été respectés depuis le
début des années 2000, au moment du ralentissement de la croissance. Une récession économique rend en effet la réduction des déficits
61
62
Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012
et des dettes plus difficile et même risquée en
raison des effets négatifs d’une contraction de
la demande publique, en particulier lorsqu’elle
a lieu dans tous les pays en même temps. De
même, la norme d’un équilibre à moyen terme
des finances publiques n’a aucune justification économique. Considérer que « la situation budgétaire des administrations publiques
est en équilibre ou en excédent » (article 3.1
du TSCG), c’est implicitement admettre que
l’État n’a pas de rôle à jouer dans la stimulation
de la demande ou dans le financement de l’investissement, et interdire de fait toute relance
keynésienne (Aglietta, 2012). La notion de
déficit structurel, qui figure dans le TSCG et
sur laquelle repose le diagnostic d’un déficit
excessif par la Commission, est de surcroît très
contestable.
Ces nouvelles règles conduisent à la perte de
l’autonomie budgétaire, moins parce qu’elles
limitent le déficit et la dette que parce qu’est
désormais imposé aux États « trop endettés »
un retour rapide à l’équilibre, d’une ampleur
quasi mécanique. Pour un pays en situation
de ralentissement ou de récession, la réduction du déficit et/ou de la dette accentue les
effets récessifs. D’une part, cela dégrade le
taux d’endettement public (puisque le PIB se
contracte). D’autre part, cela rend plus difficile l’atteinte des objectifs budgétaires, et,
paradoxalement, renforce les craintes sur la
soutenabilité des finances publiques. En effet,
si les taux d’intérêt appliqués à ces pays augmentent, les charges d’intérêt s’alourdissent[16],
contribuant ainsi au creusement du déficit et à
l’accroissement de la dette. Le taux d’endettement public se dégrade encore si la dette augmente. Enfin, ces règles ne garantissent pas
des déficits publics moins élevés : une baisse
des dépenses publiques simultanée dans plusieurs pays peut très bien aggraver les déficits
initiaux, les effets récessifs se transmettant via
la contraction des échanges intracommunautaires. En décembre 2011, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)
estimait ainsi que, si tous les pays européens
mettaient en œuvre en même temps une politique d’austérité, le choc récessif serait très violent en 2012 (Timbeau, 2011) : la baisse du PIB
16 Le niveau de ces charges était déjà élevé en 2011 pour certains
pays comme la Grèce, l’Italie et le Portugal (voir tableau 2).
serait de 3,7 % en Italie et au Royaume-Uni, de
3 % en France, de 3,2 % en Espagne, et même
de 1,4 % en Allemagne (affectée par la situation de ses partenaires commerciaux de l’UE).
Les effets récessifs d’une telle politique et
le contenu prévisible des réformes structurelles qui pourraient être imposées expliquent
largement la position sans précédent prise
par la Confédération européenne des syndicats contre le nouveau traité, le 25 janvier
2012. Pour la centrale syndicale européenne,
le TSCG « obligera les États membres à mener
des politiques fiscales pro-cycliques préjudiciables, qui donnent la priorité absolue aux
règles économiques rigides à une époque où
la plupart des économies sont toujours faibles
et où le taux de chômage atteint des niveaux
intolérablement élevés. Cela engendrera une
pression à la baisse sur les salaires et sur
les conditions de travail, un contrôle et des
sanctions ».
Une avancée
Signés à des dates très proches, l’accord
international sur le Mécanisme européen de
stabilité et le Traité intergouvernemental sur la
stabilité, la croissance et la gouvernance sont
“ Cette « avancée » à marche forcée
intergouvernementale s’est faite en
dotant la Commission européenne de
pouvoirs budgétaires et économiques
accrus, sans le contrepoids
du Parlement européen ”
intimement liés au plan politique, même si les
liens juridiques entre eux sont plutôt faibles.
Le MES n’a été accepté qu’au prix d’un
renforcement de la discipline budgétaire via
le TSCG. Il peut certes être considéré comme
un début de solidarité financière entre les États
membres de la zone euro, ce qui constitue
a priori une avancée. Cependant, c’est une
solidarité restreinte, par le montant des prêts
qu’il peut accorder et par la limitation de la
garantie de chaque pays membre à hauteur
de son engagement financier dans le MES. De
plus, cet organisme n’inclut pas les dix pays
membres de l’UE qui n’ont pas adopté l’euro.
LA GOUVERNANCE FINANCIÈRE ET BUDGÉTAIRE EUROPÉENNE
On est donc loin d’un mécanisme de refinancement des dettes publiques ou d’un fonds
monétaire européen.
Le TSCG, de son côté, renforce et rigidifie
les normes de surveillance de la dette et des
déficits publics, réduisant notablement l’autonomie des politiques budgétaires nationales
et plus largement les choix des gouvernements en matière de réformes structurelles. Ce
contrôle purement numérique et mécanique
ne peut être considéré comme un progrès de
la coordination des politiques économiques
dans l’Union européenne, excluant de fait
toute réflexion en termes de croissance, d’emploi et de cohésion sociale.
Cette « avancée » à marche forcée intergouvernementale s’est faite en dotant la Commission européenne de pouvoirs budgétaires et
économiques accrus, sans le contrepoids du
Parlement européen, sans modification ni du
budget de l’UE ni du mandat donné à la BCE.
Elle s’est opérée surtout dans un contexte
d’aggravation de la crise des dettes souveraines au risque de sa contagion à d’autres
pays de la zone euro et d’une sévère récession (sinon de croissance molle) pour nombre
d’entre eux. Dans ces conditions, le seul recours
à davantage d’austérité et de réformes structurelles auquel ces traités appellent ne risque-t-il
pas de transformer cette situation de récession
en spirale déflationniste généralisée au sein
de la zone euro ? Le débat sur la nécessité de
relancer la croissance, que l’élection présidentielle française, ainsi que la dégradation accélérée de la situation économique en Espagne
et en Italie, ont contribué à réactiver, semble
s’être imposé aux dirigeants de la zone euro.
Ceux-ci sont parvenus à se mettre d’accord
sur un « Pacte pour la croissance et l’emploi »,
annoncé à l’issue du Conseil européen des 28
et 29 juin 2012. Cependant, son montant de
120 milliards d’euros sur cinq ans est modeste
à l’échelle de l’Union européenne (1 % du PIB
de l’UE), d’autant qu’environ la moitié correspond à une réaffectation de fonds existants
mais non consommés (55 milliards d’euros pris
sur la dotation en fonds structurels) ; de surcroît, son affectation reste floue et son impact
sur la croissance risque d’être limité, de même
que l’effet attendu vis-à-vis des marchés financiers. Enfin, la discipline des finances publiques
et la politique d’austérité ainsi réaffirmées, de
même que les réformes structurelles qui les
sous-tendent, laissent peser des risques sur
les budgets sociaux et sur la croissance future
des États membres de la zone euro, et plus
largement de l’UE. Comment un pays comme
l’Espagne pourra-t-il atteindre les objectifs de
réduction des déficits et des dettes publics
définis par le TSCG alors que son taux de chômage atteint près du quart de la population
active et son déficit public près de 9 % du
PIB ? Sauf à penser que ces nouvelles règles,
comme les anciennes, ne seront probablement
pas respectées et qu’elles risquent de surcroît
de provoquer de nouvelles explosions sociales.
Chronique inter
internat
nationale
ionale de l’IR
l’IRE
ES
« UNION EUROPÉENNE : MÉCANISME
EUROPÉEN DE STABILITÉ ET PACTE
BUDGÉTAIRE À 25 : QUELLES LOGIQUES ? »
L’article n’est pas reproduit dans son intégralité.
N° 137, Septembre 2012
Institut de recherches économiques et sociales (IRES)
16, bd du Mont-d’Est
93192 Noisy-le-Grand cedex
Tél. : + 33 (0) 1 48 15 18 90
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Annie Jolivet et Catherine Sauviat sont chercheuses à l’IRES.
63
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