problèmes économiques Le meilleur de la presse et des revues pour suivre l’actualité N° PREMIÈRE QUINZAINE 12.2 12. 2012 DOM : 5 € - LUX : 4,90 € - MAROC : 54 MAD - TUN 7,500 TNM CFA 3500 - NC 810 XPF - POLYN 890 XPF > LA CRIS CRISE EA AL LIME IMEN NTAIRE E EN N MÉDI DITE TERR RRANÉE E > UE : NOUVE VELL LLE EG GO OUVERN RNANCE FIN FINANCIÈRE RE ET ET BU BUD DGÉ GÉT TAIRE M 02299 - 3056 - F: 4,70 E 3:HIKMMJ=^UY\UZ:?d@k@f@g@k; 2012 3056 HORS-SÉRIES 2012 problèmes économiques problèmes économiques Problèmes économiques invite les spécialistes à faire le point comprendre NOVEMBRE NO VEMBRE 20 2012 12 NUMÉRO 2 HORS-SÉRIE HORS-SÉRIE comprendre LES CRISES ÉCONOMIQUES L’ÉCONOMIE FRANÇAISE M 01975 - 1 H - F: 6,80 E - RD 3:HIKLTH=ZU[]UW:?a@k@k@b@f; SEPTEMBRE 20 2012 12 NUMÉRO 1 DOM : 5 € - LUX : 4,90 € - MAROC : 54 MAD - TUN 7,500 TNM CFA 3500 - NC 810 XPF - POLYN 890 XPF Problèmes économiques invite les spécialistes à faire le point 6,80 € Les atouts et les faiblesses de l’économie française Les grandes crises du XXe et du XXIe siècles LES MEILLEURS SPÉCIALISTES SE MOBILISENT POUR FAIRE LE POINT Abonnement à Problèmes économiques 22 numéros et 2 hors-séries : 73 € Tarif spécial étudiants, enseignants : 49 € Tarif spécial bibliothèques : 65,70 € En vente chez votre libraire, en kiosque, sur www.ladocumentationfrancaise.fr et par correspondance : DILA - CS 10733 23 rue d’Estrées - 75345 Paris cedex 07 problèmes économiques Le meilleur de la presse et des revues pour suivre l’actualité N° 3056 PREMIÈRE QUINZAINE 12.2 12. 2012 > LA CRISE ALIMENTTAIRE EN MÉÉDITERRAN DITERRANÉ ÉE > UE : NOUV NOUVELLE G GOUV OUVERNANCE FINANCIÈRE FIN E ET T BUD BUDG GÉTAIRE M 02299 - 3056 - F: 4,70 E 3:HIKMMJ=^UY\UZ:?d@k@f@g@k; DOM : 5 € - LUX : 4,90 € - MAROC : 54 MAD - TUN 7,500 TNM CFA 3500 - NC 810 XPF - POLYN 890 XPF Bilan de l’l’écconomie mondiale 2012 Direction de l’information légale et administrative 26, rue Desaix 75015 Paris Rédaction Patrice Merlot (Rédacteur en chef) Markus Gabel (Analyste-rédacteur) Stéphanie Gaudron (Analyste-rédacteur) Olivia Montel-Dumont (Chef de projet éditorial, Horssérie) A également collaboré à ce numéro : Isabelle Dautresme Traduction François Boisivon, Rachel Bouyssou, Diana Hochraich, Fabienne Malfait-Duvillier, Julie Marcot, Danielle Renon, Marie-Agnès Schmitt, Catherine Weinzorn Édition Julie Wargon Promotion Isabelle Parveaux Secrétariat Marie-France Raffiani 29, quai Voltaire 75344 Paris cedex 07 Tél. : 01 40 15 70 00 [email protected] http://www.ladocumentationfrancaise.fr/revues-collections/ problemes-economiques/ index.shtml Abonnez-vous à la newsletter Avertissement Les opinions exprimées dans les articles reproduits n’engagent que les auteurs Crédit photo : Corbis © Direction de l’information légale et administrative. Paris, 2012 Conception graphique et infographie Célia Petry Nicolas Bessemoulin En vente en kiosque et en librairie (Adresses accessibles en ligne) ‘‘ L’édito La situation économique reste fragile En 2011, la reprise de l’activité économique a marqué le pas par rapport à l’année précédente. Toutefois, les risques de détérioration dans la zone euro, liés à la défaillance de certains États ou à la faillite de banques d’importance systémique ont été jusqu’à présent écartés. Si des fragilités demeurent, la confiance et les conditions financières se sont néanmoins améliorées au cours de l’année 2012. Aux États-Unis comme dans plusieurs autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la sortie de crise, même si elle reste fragile, est plus franche qu’en Europe. Enfin, dans les économies émergentes, la reprise conjoncturelle est en bonne voie. Quoi qu’il en soit, dans de nombreux pays, une longue période d’ajustement marquée par un chômage élevé, une faible production et d’importants déséquilibres budgétaires apparaît inévitable. Sous-emploi et chômage persistants L’absence de reprise vigoureuse est lourde de conséquences en termes de réduction du sous-emploi et de chômage. Celui-ci n’a pour les pays de l’OCDE que très peu baissé par rapport à son point haut atteint en octobre 2009 (8,5 %), s’établissant à 7,9 % en mai 2012, ce qui équivaut à 48 millions de chômeurs, soit environ 15 millions de plus qu’au début de la crise. Compte tenu des perspectives de croissance, le taux de chômage – même si on relève d’importantes différences selon les pays – devrait rester dans la zone OCDE élevé durant encore assez longtemps. Contraction du commerce mondial et forte progression des IDE Le ralentissement des échanges commerciaux a été très net en 2011, après une année 2010 marquée par une croissance sans précédent du commerce mondial. Les conséquences du tsunami qui a frappé le Japon, les inondations en Thaïlande, le Printemps arabe, l’atonie de la croissance dans les pays de l’Union européenne ont pesé de façon importante sur les échanges. L’année 2011 a également connu de fortes fluctuations de change qui ont affecté la compétitivité de certaines grandes puissances commerciales comme le Brésil. Au final, les exportations des pays en développement (PED), hors Chine, ont augmenté un peu plus lentement que celles des pays développés tirées par l’augmentation des ventes américaines. Quant aux flux mondiaux d’investissements directs étrangers (IDE), ils ont fortement progressé en 2011 atteignant 2 500 milliards de dollars, soit leur niveau d’avant la crise financière. 2 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 Sommaire Bilan de l’économie mondiale 2012 P. 05 La croissance mondiale reste fragile Perspectives économiques de l’OCDE | OCDE P. 12 L’emploi souffre de la faiblesse de la reprise Perspectives de l’emploi de l’OCDE | JOHN P. MARTIN P. 18 La crise de la zone euro pèse sur les marchés Rapport annuel | BANQUE DES RÈGLEMENTS INTERNATIONAUX P. 23 L’inflation poursuit sa hausse Rapport annuel de la Banque de France | CHRISTIAN NOYER P. 30 Le commerce mondial s’est contracté Rapport sur le commerce mondial 2012 | OMC SOMMAIRE P. 38 Les IDE retrouvent leur niveau d’avant la crise Rapport sur l’investissement dans le monde 2012 | CNUCED P. 45 pour en savoir plus P. 46 La crise alimentaire en Méditerranée Revue Tiers Monde | EUGINIA FERRAGINA ET DÉSIRÉE A. L. QUAGLIAROTTI P. 54 La gouvernance financière et budgétaire européenne Chronique internationale inter nationale de l’IRES | ANNIE JOLIVET ET CATHERINE SAUVIAT 3 4 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 © Sources Banque de France – rapport annuel La Banque de France publie chaque été son rapport qui fournit des informations de synthèse sur l’évolution de l’économie française dans le contexte international, la monnaie et le financement de l’économie, la balance des paiements, l’activité des marchés de capitaux et de change et le système bancaire et financier de l’année écoulée. Banque des règlements internationaux – rapport annuel La Banque des règlements internationaux, la plus ancienne institution financière internationale, créée en 1930, établit chaque année un rapport qui dresse – sur fond de la situation économique mondiale – un bilan de l’activité des marchés de capitaux internationaux et de la situation des banques de l’année écoulée. Chronique internationale de l’IRES Publication bimestrielle, publiée par l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES). L’institut a été créé en 1982 par l’ensemble des organisations syndicales représentatives françaises, avec le concours du gouvernement. Sa vocation est d’apporter aux organisations syndicales des éléments d’appréciation et d’analyse sur les questions économiques et sociales. Perspectives économiques l’OCDE L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publie chaque semestre une analyse des grandes tendances économiques qui marqueront les deux années à venir. Les Perspectives économiques présentent un ensemble cohérent de projections concernant la production, l’emploi, les prix et les balances courantes, après avoir examiné chaque pays membre et l’effet induit des évolutions internationales sur ces derniers. Tous les pays membres sont examinés ainsi que certains pays non membres. Rapport sur le commerce mondial L’Organisation mondiale du commerce (OMC) publie chaque année un rapport qui vise à permettre de mieux comprendre les tendances du commerce international, les questions de politique commerciale et le système commercial multilatéral. Rapport sur l’investissement dans le monde La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) publie chaque année un rapport sur l’investissement direct étranger (IDE) à l’échelle mondiale, régionale et nationale, ainsi que sur les nouvelles mesures visant à accroître le rôle de l’IDE en tant que vecteur de développement. Revue Tiers Monde Revue trimestrielle qui publie les résultats des recherches sur le développement. Elle présente des approches théoriques et études de cas dans des dossiers thématiques ou sous forme d’articles. BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER LA CROISSANCE MONDIALE RESTE FRAGILE Perspectives économiques de l’OCDE | OCDE Problèmes économiques Vue d’ensemble > La reprise de la croissance mondiale amorcée en 2010 a marqué le pas en 2011. En 2012, en revanche, les perspectives d’évolution sont moins pessimistes. Ainsi, à l’instar des pays émergents, les ÉtatsUnis devraient renouer progressivement avec la croissance. En Europe, les mesures prises par les pouvoirs publics pour renforcer les liquidités et le financement du secteur bancaire ont permis d’endiguer à court terme une détérioration dans la zone euro. Pour autant, la situation reste fragile, les turbulences sur les marchés et les inquiétudes quant à la dette souveraine sont toujours vives. Dans ce contexte, à défaut de changements importants de politique économique, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévoit une longue période d’ajustement marquée par un chômage encore élevé, une faible production et d’importants déséquilibres budgétaires dans de nombreux pays. Les risques immédiats de détérioration ont été écartés jusqu’ici… L es perspectives d’évolution de l’économie mondiale sont un peu plus favorables qu’il y a six mois, car les initiatives des pouvoirs publics ont permis d’endiguer jusqu’ici les risques immédiats de détérioration dans la zone euro liés aux défaillances des emprunteurs souverains et aux faillites de banques d’importance systémique. La confiance et les conditions financières se sont de ce fait améliorées, mais des fragilités évidentes demeurent. La période de répit ainsi créée doit être mise à profit pour convaincre que les ajustements économiques nécessaires pour remédier durablement aux problèmes de solvabilité et aux déséquilibres à l’origine de la crise de la zone euro interviendront prochainement. Dans plusieurs autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’activité économique se rétablit progressivement au sortir de la crise. C’est le cas notamment des États Unis, où le redressement est favorisé par le choix du gouvernement de ne pas engager un assainissement budgétaire excessif en 2012, ni, on peut l’espérer, l’année suivante. Les économies 5 6 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 émergentes sont sur la voie d’une reprise conjoncturelle progressive, soutenue par des mesures d’assouplissement des conditions monétaires intérieures, désormais permises par le ralentissement de l’inflation. budgétaire particulièrement défavorable dans les pays soumis à des pressions des marchés (voir tableau). Avec le redressement prévu dans les économies émergentes, la croissance mondiale devrait progressivement retrouver son rythme moyen de longue période. Le chômage devrait rester très élevé dans l’ensemble des pays de l’OCDE, alors que l’inflation s’orienterait à la baisse, notamment dans la zone euro, où un écart de production négatif déjà marqué continue de se creuser, ce qui plaide pour un assouplissement supplémentaire de la politique monétaire. (…) … mais la croissance devrait rester faible Les prévisions reposent sur la triple hypothèse que les interventions des pouvoirs publics seront suffisantes pour empêcher des événements déstabilisants dans la zone euro, que les cours du pétrole ne subiront pas de dérèglements majeurs et que l’on échappera à un assainissement par trop rapide des finances publiques. Dans ces conditions, une reprise atone, et sans doute irrégulière, est envisagée dans les économies de l’OCDE, soutenue par des politiques monétaires accommodantes et un raffermissement progressif de la confiance. La croissance s’annonce plus franche aux ÉtatsUnis et au Japon que dans la zone euro, où elle est pénalisée à la fois par le contrecoup des perturbations passées et par une situation Perspectives de croissance Perspectives et risques à long terme pour l’économie mondiale De nombreux pays vont connaître une longue période d’ajustement destinée à liquider l’héritage du passé, notamment un chômage élevé, des capacités excédentaires et d’importants déséquilibres budgétaires. À l’avenir, les transformations démographiques, dont le La reprise mondiale regagne lentement du terrain Total OCDE (sauf indication contraire) Moyenne 19992008 Croissance du PIB en volume(1) États-Unis Zone euro Japon Écart de production(2) Taux de chômage(3) lnflation(4) Solde des administrations publiques(5) Pour mémoire Croissance du commerce mondial Croissance du PlB mondial(6) en volume 2011 2009 2010 2011 2,4 – 3,8 3,2 2,5 2,1 1,1 1,3 6,4 2,7 – 2,1 – 3,5 – 4,4 – 5,5 – 4,1 8,2 0,5 – 8,1 3,0 1 ,9 4,5 – 2,6 8,3 1,9 – 7,5 1,7 1,5 – 0,7 – 2,5 8,0 2,5 – 6,3 6,7 – 10,7 12,8 3,8 – 1,2 5,1 2012 Pourcentage 1,8 1,6 2013 2012 2013 T4/T4 2,2 1,4 1,8 2,4 2,4 – 0,1 2,0 – 2,7 8,0 2,2 – 5,3 2,6 0,9 1 ,5 – 2,5 7,9 1 ,9 – 4,2 1,6 0,7 – 0,6 2,4 0,2 1,9 2,7 1,3 1 ,6 7,9 2,7 8,0 2,1 7,7 1,9 6,0 4,0 7,0 3,4 5,7 7,5 3,6 3,4 4,2 3,1 3,8 4,4 1. En moyenne annuelle ; dans les trois dernières colonnes figure la variation en glissement annuel. 2. Pourcentage du PIB potentiel. 3. Pourcentage de la population active 4. Déflateur de la consommation privée. Variation en glissement pour les trois dernières colonnes. 5. Pourcentage du PIB. 6. Moyenne mobile pondérée par le PIB, en parités de pouvoir d’achat. Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 91. BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER nouveau cadre de modélisation ¶ ‘‘ Le nouveau pour les prévisions prévisions économiques à long terme ’’ 7 8 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 ¶ BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER vieillissement, et les facteurs fondamentaux de convergence économique entraîneront des bouleversements dans la composition du produit intérieur brut (PIB) mondial. Pour illustrer la nature et l’ampleur de certains défis posés par ces évolutions, l’OCDE a utilisé un nouveau cadre de modélisation qui étend les prévisions à court terme (voir encadré). Ce cadre accorde une attention particulière aux interactions entre le progrès technologique, les évolutions démographiques, l’ajustement budgétaire, les déséquilibres des balances courantes et les politiques structurelles. Les scénarios suggèrent que des mesures progressives mais ambitieuses d’assainissement budgétaire et des réformes structurelles peuvent renforcer considérablement la croissance et réduire toute une série de risques, notamment en résorbant les importants déficits budgétaires et les déséquilibres des comptes courants. La taille relative des économies évoluera considérablement… Les actuelles économies non membres de l’OCDE continueront de connaître une croissance plus forte que les actuels pays membres, principalement à la faveur du rattrapage de la productivité multifactorielle, mais l’écart devrait se réduire sensiblement au cours des prochaines décennies. Le taux de croissance en dehors de la zone OCDE, qui dépassait 7 % par an en moyenne pendant la dernière décennie, pourrait revenir à 5 % environ dans les années 2020 et à environ la moitié de ce taux dans les années 2040. Jusqu’en 2020, la Chine enregistrera le taux de croissance le plus élevé parmi les grands pays, mais pourrait ensuite être dépassée tant par l’Inde que par l’Indonésie. Du fait de la croissance rapide de la Chine et de l’Inde, leur PIB combiné, mesuré en parités de pouvoir d’achat (PPA) de 2005, qui en 2010 représentait moins de la moitié de la production totale des sept grandes économies de l’OCDE, la dépassera à l’horizon 2025. Le PIB de la Chine devrait devancer celui des États-Unis en 2017. … mais d’importants écarts de niveau de vie persisteront en 2050 D’importants écarts de PIB par habitant subsisteront en dépit d’une croissance plus rapide dans les pays plus pauvres ; par exemple, le PIB par habitant de la Chine et de la Russie en 2050 sera environ la moitié de celui des pays les plus riches, contre 40 % environ au Brésil et 25 % en Inde et en Indonésie. Parmi les pays de l’OCDE, le rattrapage le plus rapide se produira probablement dans les pays à revenu initial plus faible (Mexique, Turquie, Chili et pays d’Europe de l’Est), tandis que la dispersion du revenu par habitant entre les pays à revenu initial élevé variera très peu. Les déséquilibres budgétaires et des comptes courants devraient s’aggraver Faute de changements plus ambitieux des politiques, notamment si les pouvoirs publics se contentent de prendre des mesures de stabilisation de la dette souveraine, des déséquilibres réapparaîtront et pourraient compromettre la croissance. En premier lieu, avec la fin du cycle en cours, les déséquilibres mondiaux des comptes courants pourraient s’amplifier et atteindre à la fin des années 2020 les sommets d’avant la crise. En outre, la dette publique dans de nombreux pays de l’OCDE dépassera des seuils à partir desquels elle a des effets négatifs avérés sur les taux d’intérêt, la croissance et la capacité de stabiliser l’économie. D’importants efforts d’assainissement de la dette devront être déployés Les besoins d’assainissement des finances publiques sont considérables dans de nombreux pays, surtout les deux plus grands. Au Japon, la stabilisation du ratio dette/PIB exigerait à terme d’améliorer le solde primaire sousjacent de 13 points de PIB par rapport à la situation de 2011, alors qu’on n’attend guère de progrès au cours des deux prochaines années[1]. Concernant les États-Unis, les efforts 1 Pour le Japon comme pour les États-Unis, les besoins d’assainissement indiqués ici sont supérieurs au rééquilibrage moyen, parce qu’une période prolongée d’ajustement a pour effet que l’augmentation totale du solde primaire sous-jacent d’ici la dernière année (2030 pour les États-Unis et 2040 pour le Japon) 9 10 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 de réduction des déficits requis pour stabiliser la dette représentent environ 6,5 points de PIB, et une amélioration de l’ordre de 2,5 points est attendue d’ici à 2013. Parmi les autres pays qui devront mener d’importants programmes de rééquilibrage figurent les membres de la zone euro qui subissent les pressions des marchés : Espagne, Irlande, Grèce et Portugal. Pour stabiliser la dette, ils devront améliorer de 4 à 7 points de PIB leur solde primaire sous-jacent d’ici à 2030, mais l’essentiel de cet ajustement sera sans doute accompli au cours des deux prochaines années. Les autres pays de l’OCDE pour qui l’effort d’assainissement représente plus de 4 points de PIB à compter de 2011 comprennent la Pologne, la République slovaque, la Slovénie et le Royaume-Uni. En outre, pour un pays type de l’OCDE, des ressources supplémentaires de l’ordre de 3 à 4 % du PIB devront être dégagées au cours des vingt prochaines années afin de faire face aux dépenses liées à l’augmentation des coûts des retraites et des soins de santé. Les plans officiels ne sont pas tous à la hauteur de l’enjeu Les États-Unis et le Japon se distinguent également par l’absence à ce jour de plan budgétaire à moyen terme officiel et détaillé en vue de stabiliser la dette. Le Japon a élaboré un plan à moyen terme, mais qui n’est pas assez ambitieux. Les États-Unis ont établi plusieurs plans budgétaires, mais en raison de désaccords politiques, la portée, le rythme et les instruments de l’effort d’assainissement futur sont très incertains. Un assainissement très important en début de période est prévu dans les pays de la zone euro – Grèce, Irlande et Portugal – qui ont demandé une aide de l’Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI). Pour ces pays et pour la plupart de ceux où les besoins d’assainissement sont les plus marqués, les plans officiels à moyen terme vont au-delà des mesures nécessaires pour stabiliser la dette, de sorte que leur est beaucoup plus importante que l’augmentation moyenne sur la période allant de 2011 à la dernière année. Pour d’autres pays où les besoins sont moins importants et/ou l’essentiel de l’effort d’ajustement devrait être fait avant 2013, la différence entre la mesure moyenne et celle en dernière année est généralement faible. mise en œuvre inscrirait le ratio d’endettement sur une trajectoire de baisse. Il faudrait prendre des mesures de réduction des déficits beaucoup plus drastiques pour atteindre l’objectif de ramener le ratio dette/ PIB à 60 %, ce que la plupart des pays pourraient accomplir avant 2030. Pour l’ensemble de la zone OCDE, en se fondant sur la situation de 2011, il faudrait procéder à un resserrement budgétaire équivalant à une amélioration de 6 points de PIB du solde primaire sous-jacent en moyenne jusqu’en 2030, bien que ce calcul soit dominé par les besoins des deux plus grands pays de l’OCDE. Parmi les économies de l’OCDE dont la dette dépasse 100 % du PIB, ramener le ratio d’endettement à 60 % d’ici 2030 exige un effort d’assainissement supérieur de 2 à 3 points de PIB à ce qu’il faudrait pour uniquement stabiliser la dette. Le Japon fait exception, dans la mesure où même s’il prenait des mesures de rééquilibrage beaucoup plus ambitieuses, il n’aurait guère de chances d’atteindre l’objectif d’un ratio d’endettement de 60 % au cours des vingt prochaines années. Étant donné que les besoins d’assainissement sont plus importants dans les pays affichant un déficit de leurs balances des opérations courantes, des politiques d’assainissement budgétaire à long terme plus ambitieuses dans les pays de l’OCDE contribueraient à réduire les déséquilibres mondiaux des balances courantes. La réduction de l’endettement des États à des niveaux où il ne menacerait pas les taux d’intérêt et ne pénaliserait pas la croissance tendancielle permettrait de dégager des ressources budgétaires pour faire face aux chocs futurs, tout en réduisant leur vulnérabilité à toute baisse future de l’épargne mondiale, qu’elle soit due au vieillissement ou à d’autres facteurs. Des réformes ambitieuses pourraient stimuler la croissance et réduire les déséquilibres Des efforts ambitieux d’assainissement budgétaire et de profondes réformes structurelles peuvent, s’ils sont conjugués, relever le niveau de vie à long terme mais aussi réduire les risques de graves dérèglements de la croissance en atténuant les déséquilibres au niveau BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER mondial ; ces efforts accroîtraient de 10 % le PIB global de la zone OCDE et de 14 % celui de la zone non OCDE en 2050, les effets étant beaucoup plus importants dans les pays qui ont le plus tardé à s’orienter vers les meilleures pratiques. Un nouveau cadre de modélisation fondé sur la convergence conditionnelle Des prévisions de croissance à long terme sont nécessaires pour faciliter l’analyse des questions macroéconomiques liées aux déséquilibres budgétaires et internationaux et aux transformations démographiques, qui surviennent progressivement sur une longue période, ainsi que des effets des réformes structurelles sur la croissance tendancielle à longue échéance. S’il n’existe pas de théorie unique de la croissance économique, une vision de la croissance selon laquelle chaque pays est supposé converger vers sa trajectoire spécifique d’évolution du PIB par habitant, déterminée par l’interface entre le progrès technologique à l’échelle mondiale et les conditions et politiques structurelles qui lui sont propres (autrement dit, la convergence conditionnelle), recueille néanmoins une large adhésion. Pour élaborer les différents scénarios, l’OCDE s’est appuyée sur un nouveau modèle utilisé pour étendre d’environ quarante ans les prévisions à court terme, à l’intérieur d’un cadre de croissance économique fondé sur la convergence conditionnelle (voir encadré). Les scénarios à long terme sont ancrés dans les prévisions à court terme pour 2013[2]. 2 Il existe toutefois une petite divergence entre les prévisions à court terme et celles à long terme pour le Japon, celles à court terme incluant la dernière actualisation trimestrielle du PIB. Au-delà de cette date, on suppose que les écarts de production se resserreront progressivement sur une période de quatre à cinq ans (selon l’une ou l’autre des règles budgétaires considérées), en fonction de leur importance initiale, et qu’ils seront presque entièrement résorbés en 2018. Cette hypothèse implique que la croissance au cours des premières années des prévisions sera supérieure à la tendance dans les pays affichant des écarts de production négatifs en 2013, notamment là où cet écart est exceptionnellement important, comme en Espagne, en Grèce, en Irlande et au Portugal. De même, malgré des écarts de production négatifs persistants et très souvent substantiels sur cette période, aucun pays ne connaîtra une déflation prolongée. Une fois l’écart de production comblé, la croissance de la production est conforme à son potentiel, et la politique monétaire veille à ce que l’inflation rejoigne son objectif fixé pour un pays ou une région[3]. 3 Ce scénario est conforme à la perspective d’un ancrage solide des anticipations d’inflation (à la hausse comme à la baisse) et d’effets de freinage. Persp rspect ectives ives économiques de l’OCDE l’OCDE L’article est extrait du premier chapitre « Évaluation générale de la politique macroéconomique » volume 2012/2, mai 2012 Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) 2, rue André Pascal 75775 Paris cedex 16 Tél. : + 33 (0)1 45 24 81 67 http://oecd.or ht tp://oecd.org g 11 12 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 L’EMPLOI SOUFFRE DE LA FAIBLESSE DE LA REPRISE Perspectives de l’emploi de l’OCDE | JOHN P. MARTIN Problèmes économiques > Plus de deux ans après le début de la reprise, le taux de chômage ne s’est réduit que faiblement par rapport à son point haut de l’Après-guerre, ressortant à 7,9 % en mai 2012 dans l’ensemble de la zone de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le déficit d’emplois par rapport au niveau d’avant-crise reste ainsi élevé. Suite à l’absence de reprise vigoureuse, la marginalisation croissante des personnes sans emploi devient inquiétante dans de nombreux pays, car le nombre de chômeurs de longue durée augmente et de plus en plus de demandeurs d’emploi découragés se retirent de la vie active. Néanmoins, la diversité des performances du marché du travail selon les pays de l’OCDE demeure frappante. Si, dans certains pays, le chômage est resté faible ou a même beaucoup diminué (comme au Japon, en Suisse ou en Allemagne), dans la plupart, il a nettement augmenté ; neuf d’entre eux enregistrent même des taux de chômage à deux chiffres (comme l’Espagne, la France ou l’Italie). L a reprise économique a été faible ou inégale et certains pays sont retombés dans la récession. Pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans son ensemble, le redressement de l’activité a été, dans un premier temps, d’ampleur comparable à celle observée lors des deux précédentes périodes de reprise, au début des années 1990 et au début des années 2000. Cependant, du fait de son net ralentissement au second semestre de 2011, cette reprise est désormais, de loin, la plus lente enregistrée durant la période d’Après-guerre, ce qui est lourd de conséquences en termes de réduction du sous-emploi et de perspectives d’emploi pour les chômeurs. En particulier, il est de plus en plus à craindre qu’une partie des chômeurs ne devienne de plus en plus déconnectée du marché du travail et, par suite, plus difficile à réinsérer, même lorsque la situation de l’emploi s’améliorera. Autrement dit, le risque que l’augmentation conjoncturelle du chômage ne devienne structurelle est de plus en plus grand. BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER La reprise économique a été particulièrement faible et inégale La reprise amorcée au lendemain de la crise financière et économique qui a frappé les marchés mondiaux en 2008 et 2009 a été faible dans la plupart des pays de l’OCDE et le mouvement de redressement s’est même inversé dans un petit nombre d’entre eux. Après une chute du produit intérieur brut (PIB) d’environ 4 % durant la phase de ralentissement de l’activité, la croissance économique dans l’ensemble de la zone de l’OCDE a rebondi en 2010, atteignant 3,2 %, mais elle a ralenti depuis. Elle est revenue à 1,8 % en 2011 et devrait tomber à 1,6 % en 2012 avant de rebondir à 2,2 % en 2013. Le graphique 1 compare l’évolution du PIB depuis le début de la reprise et les situations qui ont caractérisé les précédentes reprises. La partie A du graphique montre que, durant la première année et une bonne partie de la deuxième année de la reprise, la croissance économique dans la zone de l’OCDE a été comparable à ce qui avait été observé durant les reprises ayant suivi les récessions du début des années 1990 et du début des années 2000, mais qu‘elle a été beaucoup plus faible que celle enregistrée après les chocs pétroliers des années 1970. Mais on voit aussi que le redressement de l’activité s’est essoufflé par rapport aux précédents épisodes dès la deuxième année, ce qui en fait, de loin, le plus lent enregistré durant la période d’Après-guerre. La configuration est à peu près similaire pour la zone euro (voir partie B du graphique 1), ainsi que pour le Japon et les États-Unis, même si des différences existent dans la vigueur de la reprise initiale et l’ampleur du ralentissement récent. (…) Le taux de chômage demeure irréductiblement élevé Du fait de la faiblesse de la reprise de l’activité, le taux de chômage n‘a décru que faiblement au cours des deux années après qu‘il eut atteint son pic conjoncturel à la fin de 2009. Le taux de chômage pour l’ensemble de la zone de l’OCDE ne s’est réduit que de 0,6 point de pourcentage par rapport à son point haut de l’Après-guerre (8,5 %) enregistré en octobre 2009, s’établissant à 7,9 % en mai 2012, ce qui correspond à 48 millions de 1. Une reprise économique faible et inégale Base 100 = PIB réel au creux du cycle conjoncturel en termes d’écart de production, données trimestrielles A. Zone OCDE(1) 1975 T2 1993 T3 2009 T2 B. Zone euro 15(1) 1982 T4 2003 T1 Projection 1983 T2 2003 T2 Projection 120 120 115 115 110 110 105 105 1993 T4 2009 T2 100 100 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 Trimestres écoulés depuis la fin de la récession 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 Trimestres écoulés depuis la fin de la récession 1. PIB réel agrégé à l’exclusion de Chypre et de Malte pour la zone euro à 15. Source : Calcul de l’OCDE sur la base des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 91. StatLink, http:/ldx.doi.org/10.1787/888932659958. 13 14 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 chômeurs pour la zone de l’OCDE, soit environ 15 millions de plus qu’au début de la crise de l’emploi, en décembre 2007. D‘après les dernières prévisions de l’OCDE de mai 2012, le taux de chômage devrait se maintenir à un niveau durablement élevé pendant assez longtemps, comme il ressort clairement de la partie A du graphique 2 qui retrace l’évolution du taux de chômage depuis le début de la crise. Ce graphique montre qu’au milieu de 2009, le taux de chômage avait rapidement augmenté, de plus de 3 points de pourcentage, du fait de la crise, dans la zone de l’OCDE. Il n’a que très légèrement baissé depuis et devrait rester globalement stable jusqu‘à la fin de 2013, s’établissant à 7,7 % pour l’ensemble de la zone de l’OCDE à la fin de l’année. La persistance d’un haut niveau de chômage suscite de réelles inquiétudes quant à la possibilité pour les chômeurs de trouver rapidement un emploi si, et quand, la reprise économique prend de la vigueur. ‘‘ Le taux de chômage devrait se maintenir à un niveau durablement élevé pendant assez longtemps ’’ L’évolution du taux de chômage dans l’ensemble de la zone de l’OCDE masque d’importantes différences selon les pays, pour ce qui est de l’impact initial de la crise comme des perspectives de reprise. L’impact initial a été particulièrement fort en Espagne, en Estonie, aux États-Unis, en Irlande et en Islande (partie B du graphique 2). Parmi ces pays, il n’y a qu‘en Estonie, où le chômage avait connu une aggravation relative particulièrement prononcée, qu’il a sensiblement reculé par rapport à son pic. Aux États-Unis, le taux de chômage a diminué passant de 10 % en octobre 2009 à 8,2 % en mai 2012. Au Japon, sa hausse initiale a été limitée et il a décru assez rapidement après avoir atteint son sommet conjoncturel. En Allemagne, où il n’a augmenté que faiblement au premier trimestre de 2009, le chômage est maintenant de 30 % environ inférieur à ce qu’il était au début de la crise, poursuivant le mouvement de baisse tendancielle observé depuis le milieu des années 2000. Dans plusieurs autres pays de l’Union européenne, comme l’Autriche, la Belgique, la France, l’Italie et les Pays-Bas, l’impact initial de la crise sur le taux de chômage a également été limité, mais il n’y a guère de signes de reprise. De fait, en raison de la crise de la dette souveraine dans la zone euro, on s’attend à ce que le taux de chômage continue d‘augmenter jusqu’à la fin de 2013 dans la majorité des pays de l’Union européenne, en particulier dans la zone euro. (…) Le déficit d’emplois reste important La reprise économique n’a pas été suffisamment forte pour éviter une nouvelle aggravation du déficit d’emplois, qui correspond au nombre d’emplois qu’il faudrait créer pour retrouver le ratio emploi/population d‘âge actif d’avant la crise. Le graphique 3 présente le déficit d’emplois au début de la reprise, pour la dernière période pour laquelle les données sont disponibles (T4 2011) et pour le T4 2013, sur la base des prévisions de l’OCDE de mai 2012. Le déficit d‘emplois dans la zone de l’OCDE a continué de s’aggraver pendant tout le début de la période de reprise, dans la plupart des pays : il y est ainsi passé de 1,9 % au début de la reprise économique, au T2 2009, à 2,4 % au dernier trimestre de 2011. Compte tenu du niveau actuel de l’emploi, cela implique la création dans la zone de l’OCDE de 14 millions d’emplois pour retrouver les taux d’emploi d’avant la crise. Les projections de l’OCDE tendent à indiquer que l’ampleur du sous-emploi devrait rester inchangée en 2012 avant de se réduire, s’établissant à 1,8 % d’ici la fin de 2013, son niveau au début de la reprise de l’activité. Par conséquent, la création d’emplois devrait continuer à ne pas être suffisante pour absorber l’important sousemploi qui est apparu du fait de la crise. L’ampleur estimée du déficit d‘emplois varie largement selon les pays. La configuration est analogue à celle concernant le chômage décrite dans la partie B du graphique 2, avec cependant quelques légères différences dues au rôle de la participation à la vie active et au fait qu’on observe les variations en proportions plutôt qu’en points de pourcentage. Le déficit d’emplois est particulièrement élevé en Espagne, en Grèce et en Irlande, où il excède 15 %. Il est également important (entre 5 % BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER 2. Le chômage devrait rester élevé dans les pays de l’OCDE A. Taux de chômage (base 100 au T4 2007, variation en points de pourcentage entre le T4 2007 et le T4 2013) OCDE UE21 sans l’Allemagne Allemagne Japon États-Unis 106 105 104 103 102 101 100 99 98 T4 T3 T2 20 T4 13 T1 T3 T2 20 T4 12 T1 T3 T2 20 T4 11 T1 T3 T2 20 T4 10 T1 T2 T3 20 T4 09 T1 T2 20 T3 07 20 T4 08 T1 97 B. Variation en points de pourcentage du taux de chômage (depuis le T4 2007) Valeur actuelle (T4 2011) 20 Pic Projection 15 10 5 0 E (1 Zo ) ne G 7 sa Zo eu UE (1) ns ne ro 21 ( l’A eu (15 1) lle ro ) (1) m (1 ag 5) ne O CD (2 CH D E IS U R L BE L TU R AU CH T KO E AUR JP S N PO N L L N D O R FI N SW CA E N LU X FR MA EX IT A CZ E SV G K BR H UN N Z SV L D N N K US A PR T IS L ES G T RC IR L ES P ) –5 Note : La zone ombrée en gris correspond aux prévisions de l’OC DE. 1) Les agrégats sont des moyennes pondérées. 2) Les informations sur les données concernant Israël sont disponibles sur http:!/dx.doi.org/10.1787/888932315602. Source : Calculs de l’OCDE sur la base des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 91. StatLink http:!/dx.doi.org/10.1787/888932659977 et 10 %) au Danemark, en Estonie, aux ÉtatsUnis, en Islande, au Portugal et en Slovénie. En Estonie et en Islande, on anticipe une baisse de cet indicateur qui devrait passer en dessous de 5 % d’ici à la fin 2013, alors qu’une nouvelle augmentation sensible est prévue en Espagne, en Grèce, au Portugal et en Slovénie. Le déficit d’emplois a été entièrement résorbé dans dix pays de l’OCDE et il devrait l’être dans deux autres pays d’ici à la fin de 2013. 15 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 3. La reprise n’est pas suffisamment forte pour réduire le déficit d’emplois Déficit d’emplois en pourcentage de l’emploi effectif Creux du PIB réel Valeur actuelle (T4 2011) Projection (T4 2013) 20 15 10 5 0 –5 – 10 Zo O CD ne E sa Zo eu ns ne ro G l’A e (1 7 u lle ro 5) m (1 ag 5 ne ) (5 ES P IR L ) – 15 TU R CH D L EU PO L IS R (2 CH ) E LU X AU KO T R BE H L UN AU S JP N CZ E N L M D EX FR (4) A FI N CA N SW N E O R SV K G BR IT A N ZL D N K ES T IS L SV N US PR A T G (4) RC 16 Note : Les pays sont classés par ordre croissant du déficit d’emplois au T4 2011. 1) Le déficit d‘emplois à une certaine date correspond à l’augmentation de l’emploi nécessaire pour rétablir le ratio emploi/population d‘âge actif à son niveau du T4 2007. Le point creux du PIB est fixé au point de départ de l’épisode le plus long de hausses consécutives du PIB observé depuis le T4 2007. 2) L’OCDE, le G7, la zone euro (15) et la zone euro (15) sans l’Allemagne sont des moyennes pondérées des pays représentés. 3) Les informations sur les données concernant Israël sont disponibles sur http:l/dx.doi.org/10.1787/888932315602. 4) Les séries sont ajustées pour tenir compte de ruptures dans les séries suite, respectivement, à l’introduction des données du recensement 2010 pour le Mexique et au changement dans l’Enquête de population active pour le Portugal en 2011. 5) Le point bas du PIB réel correspond au T4 2011 pour la Grèce. Source : Calculs de l’OCDE sur la base des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 91. StatLink, http:!/dx.doi.org/10.1787/888932659996 Les différentes catégories de main-d’œuvre connaissent des situations divergentes Les précédentes éditions des Perspectives de l’emploi de l’OCDE ont montré que l’impact initial de la crise sur l’emploi diffère largement selon les catégories socio-économiques (OCDE, 2009, 2010 et 2011a). En particulier, on a constaté que les jeunes, les travailleurs peu qualifiés et les travailleurs temporaires étaient les catégories pour lesquelles le recul de la demande globale de main-d’œuvre avait été le plus marqué, comme il en ressort du graphique 4. Ce dernier montre aussi que la progression de l’emploi a été très différente selon les groupes durant la reprise économique. D’un côté, l’emploi temporaire a augmenté par rapport à l’emploi global depuis le début de la reprise. D’après les dernières données disponibles, l’incidence de l’emploi temporaire est aujourd’hui plus élevée, en moyenne, dans la zone de l’OCDE (dans les pays pour lesquels on dispose de données comparables), qu’au début de la crise. La réticence apparente des employeurs à réembaucher des travailleurs sous contrat de durée indéterminée reflète sans doute l’impact des faibles perspectives de croissance et des incertitudes économiques. D’un autre côté, la situation des jeunes et des travailleurs peu qualifiés au regard de l’emploi a continué de se dégrader durant la reprise. (…) Le recul de l’emploi des jeunes a pour contrepartie une hausse du taux de chômage de ce groupe et, dans les pays particulièrement touchés par la crise, une progression des taux d’inscription dans des programmes d’enseignement et des activités de formation. Une marginalisation croissante des personnes sans emploi ? La faiblesse de la reprise économique dans nombre de pays de l’OCDE a aussi accru le BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER 4. La reprise diffère selon les catégories socio-économiques Ratio de l’emploi de chaque catégorie considérée à l’emploi(1) moyen(2) global des pays de l’OCDE (T1 2008 à T4 2011, indice = 100 au début de la crise) Travailleurs peu qualifiés (25 à 64 ans) Jeunes (15 à 24 ans) Travailleurs âgés (55 à 64 ans) Travailleurs hautement qualifiés (25 à 64 ans) Travailleurs temporaire (15 ans et plus) 115 110 105 100 95 T4 T3 T2 T1 11 T4 T3 T2 T1 20 20 10 T4 T3 T2 T1 09 T3 T2 T4 20 20 08 T1 90 Note : La zone ombrée en gris couvre la période de reprise qui a fait suite au point bas du PIB pour l’ensemble de la zone de l’OCDE. 1) Les séries sont lissées à l’aide de moyennes mobiles centrées sur trois trimestres. 2) La moyenne de l’OCDE est une moyenne pondérée pour 33 pays en ce qui concerne les données par âge (à l’exclusion du Chili) ; pour 30 pays en ce qui concerne les données sur l’éducation (à l’exclusion de l’Australie, du Chili, du Japon et de la Nouvelle- Zélande) ; et pour 28 pays en ce qui concerne les données sur les travailleurs temporaires (à l’exclusion des pays signalés précédemment, plus les États-Unis et Israël). Source : Calculs de l‘OCDE à partir des bases de données des Principaux indicateurs économiques de l’OCDE, des Statistiques de population active de l’OCDE et des enquêtes nationales de population active. StatLink, http:/ldx.doi.org/10.1787/888932660015. risque qu’un nombre croissant de chômeurs perdent le contact avec le marché du travail. Diverses évolutions permettent d’apprécier cette relation de cause à effet : taux de sortie du chômage ; durée du chômage ; et ampleur des flux d’entrées et de sortie de la vie active. La contraction de la demande globale durant la crise et l’absence de reprise vigoureuse ont conduit à une réduction des embauches par les employeurs, d’où une moindre probabilité de sortir du chômage et un allongement de la durée attendue des épisodes de chômage. Cette probabilité est assimilée aux chances qu’ont les demandeurs d’emploi de sortir du chômage sur une période de douze mois. Cette probabilité est calculée séparément pour l’ensemble des chômeurs, pour ceux qui sont au chômage depuis moins et pour ceux qui sont au chômage depuis douze mois ou plus. (…) La probabilité de sortir du chômage diminue à mesure que le temps passé au chômage s’allonge. On parle classiquement de dépendance négative à la durée. Cela reflète, en partie, des effets de composition car les demandeurs d’emploi qui présentent un haut niveau d’employabilité tendent à trouver un emploi plus rapidement. Mais cela peut aussi refléter l’impact de l’allongement des épisodes de chômage sur l’employabilité des travailleurs. Persp rspect ectives ives de l’l’emploi emploi de l’OCDE l’OCDE L’article est extrait du premier chapitre intitulé « EN ATTENDANT LA REPRISE : LES MARCHÉS DU TRAVAIL DES PAYS DE L’OCDE AU LENDEMAIN DE LA CRISE ». 2012 Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) 2, rue André-Pascal 75775 Paris cedex 16 Tél. : +33 (0)1 45 24 81 67 Fax : +33 (0)1 45 24 19 50 www.oecd.or www .oecd.org g John P. Martin est directeur de l’Emploi, du Travail et des Affaires sociales à l’OCDE 17 18 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 LA CRISE DE LA ZONE EURO PÈSE SUR LES MARCHÉS Rapport annuel | BANQUE DES RÈGLEMENTS INTERNATIONAUX Problèmes économiques > Affectée par l’intensification de la crise de la dette souveraine dans la zone euro, mais également par l’augmentation des prix des produits de base et les tensions dans le secteur bancaire, la reprise de l’économie mondiale a marqué le pas en 2011. Si les pays émergents, confrontés à des tensions inflationnistes, ont durci leur orientation monétaire, les économies avancées ont dû réduire leurs dépenses discrétionnaires, qui se trouvaient déjà freinées par le désendettement des ménages. Mais c’est surtout la crise de la zone euro qui a pesé sur l’activité mondiale : elle a engendré une aversion généralisée au risque et a nettement accentué les préoccupations concernant l’exposition aux risques souverain et bancaire, en particulier en Europe. Une expansion mondiale à deux vitesses G lobalement, la dynamique dans les économies avancées a été en 2011 trop faible pour générer une reprise robuste et autonome. Les freins à la consommation privée ont persisté. Le chômage est resté important et s’est même parfois encore accru. La chute des prix de l’immobilier et les niveaux élevés d’endettement ont continué de peser sur la situation financière des ménages dans les économies avancées les plus durement touchées par la crise. La faiblesse du secteur des ménages a, en outre, comprimé la dépense des entreprises. Enfin, la détérioration générale des finances publiques n’a pas permis de poursuivre les mesures de soutien budgétaire. Les économies émergentes (ÉcÉm) ont, elles, connu une croissance proche de 6 % en 2011, rythme guère inférieur à celui de 2010. L’Asie émergente a enregistré un taux de 7,8 %, grâce à la Chine (9,2 %) et à l’Inde (7,2 %), et l’Amérique latine, de 4,5 %. La croissance en Europe centrale et orientale est restée globalement inchangée à 5,3 % sur l’ensemble de l’année. Durant la période examinée, le rapide essor des ÉcÉm a souvent été associé à des signes de surchauffe : hausse de l’inflation, forte BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER 1. Activité économique et cours des actions Indices d’activité(1) Indices boursiers larges(2) Indices boursiers sectoriels(2) Secteurs non cycliques(3) Secteurs cycliques(4) Zone euro (g) 115 55 125 100 50 100 100 85 45 75 75 70 États-Unis (d) ÉcÉm (d) 40 50 50 55 Économies avancées ÉcÉm 35 2007 2008 2009 2010 2011 2012 25 2007 2008 2009 2010 2011 2012 125 25 2007 2008 2009 2010 2011 2012 1) Zone euro : indicateur du climat économique (Commission européenne) ; ÉcÉm (Afrique du Sud, Chine, Hongrie, Inde, Mexique, Russie, Singapour et Turquie) : moyenne pondérée des indices des directeurs d’achats (Purchasing Managers Index – PMI) dans le secteur manufacturier, sur la base des PIB et PPA de 2005 ; États-Unis : moyenne arithmétique des PMI de l’Institute for Supply Management dans les secteurs manufacturier et non manufacturier – 2) 1er janvier 2007 = 100 – 3) Biens de consommation ; services au consommateur ; télécommunications ; services collectifs – 4) Matériaux de base ; finance ; produits industriels ; pétrole et gaz. Sources : Bloomberg ; Datastream ; données nationales ; calculs BRI. expansion du crédit et renchérissement des actifs. En termes réels, le crédit a poursuivi sa rapide progression dans les ÉcÉm d’Asie et d’Amérique latine, et les prix de l’immobilier résidentiel ont atteint ou dépassé leurs sommets historiques dans les grandes villes de Chine et d’Amérique latine. La hausse des prix du logement semble cependant s’être ralentie plus récemment, et elle s’est même inversée dans certains cas. aux États-Unis, puis dans les ÉcÉm, et ont nettement reculé en Europe au second semestre. Les prix de nombreux actifs financiers sensibles à l’évolution de la croissance ont diminué. Les grands indices boursiers ont régressé partout dans le monde, les cours des valeurs cycliques enregistrant une baisse relativement forte. Les primes ont généralement augmenté sur les obligations d’entreprise, surtout celles de moindre qualité ou de catégorie spéculative. Sous l’effet de cette expansion mondiale à deux vitesses, les déséquilibres extérieurs sont restés importants. Bien que légèrement inférieurs à leur niveau de 2010, les déséquilibres des balances de paiements courants ont continué d’avoisiner, en 2011, 4 % du PIB mondial, taux historiquement élevé. Les grandes économies avancées ont encore accusé de lourds déficits, l’Allemagne et le Japon constituant des exceptions notables. Les excédents en Asie émergente, bien qu’en recul, sont restés élevés tandis que l’Amérique latine et l’Europe centrale et orientale affichaient un déficit. Les flux nets de capitaux privés vers les ÉcÉm ont été parmi les plus importants jamais enregistrés. Nonobstant, rares ont été les devises des ÉcÉm à s’être sensiblement appréciées vis-à-vis des principales monnaies, et un grand nombre d’entre elles se sont dépréciées. Ces évolutions découlaient de deux facteurs qui ont mis au jour des vulnérabilités fondamentales de l’économie mondiale associées aux déséquilibres intérieurs et extérieurs. Premièrement, les cours des produits de base, qui avaient déjà sensiblement augmenté, sont restés élevés dans le contexte d’une forte demande des ÉcÉm. Il en est résulté une érosion du revenu des ménages aux États-Unis et dans d’autres économies avancées, dans un contexte de chômage élevé et d’assainissement des bilans. Dans plusieurs ÉcÉm, en revanche, la principale conséquence en a été une accélération de l’inflation, qui a conduit à un resserrement de leur politique monétaire. Deuxièmement, la qualité de crédit de plusieurs États de la zone euro et l’exposition des banques européennes au risque souverain ont inspiré aux investisseurs une défiance grandissante. Au second semestre de 2011, une forte montée de l’aversion au risque dans le monde entier, les politiques de discipline budgétaire et La reprise mondiale a commencé à s’essouffler au deuxième trimestre de 2011. Les indicateurs d’activité ont alors sensiblement fléchi 19 20 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 les pressions croissantes incitant les banques à se désendetter ont fait chuter la demande. Accentuation de la crise de la dette souveraine dans la zone euro Vers le milieu de 2011, la crise de la dette souveraine s’est accentuée dans la zone euro. Les mois précédents, les rendements des obligations émises par les États bénéficiant de programmes de soutien officiels (Grèce, Irlande et Portugal) avaient beaucoup augmenté, alors qu’ils étaient bien plus stables ailleurs. En milieu d’année, pourtant, les rendements se sont vivement accrus pour l’Espagne et l’Italie, deux débiteurs nettement plus importants, et ils ont poursuivi leur hausse pendant la majeure partie du second semestre. De plus, en fin d’année, les rendements obligataires d’États parmi les mieux notés de la zone euro, dont l’Autriche, la Belgique et la France, se sont tendus, eux aussi, avec une prime grandissante par rapport à ceux de l’Allemagne. Plusieurs facteurs ont contribué à cette accentuation de la crise. Premièrement, les prêteurs officiels, qui envisageaient un deuxième plan de soutien pour la Grèce, ont décidé de subordonner l’octroi de prêts supplémentaires à une participation du secteur privé à une réduction de la dette. Cela a laissé les porteurs d’obligations dans l’incertitude quant au traitement qui leur serait réservé dans d’éventuels futurs programmes de soutien. Deuxièmement, la croissance a commencé à s’essouffler dans la zone euro, de sorte qu’il devenait plus difficile pour les États membres de consolider rapidement leur situation financière. Troisièmement, le déclassement des États-Unis par une agence de notation a conduit les investisseurs à accorder une plus grande attention à la viabilité des situations budgétaires. Au second semestre de 2011, les autorités ont lancé une série d’initiatives pour faire face à la crise. La Banque centrale européenne (BCE) a repris ses achats d’obligations d’État de la zone euro en août. Les rendements des émissions souveraines espagnoles et italiennes ont d’abord nettement diminué, mais ils sont remontés au bout de quelques semaines seulement, sous l’effet de préoccupations sur les marchés quant à la capacité des gouvernements à mettre en œuvre les mesures d’assainissement des finances publiques convenues avec les partenaires européens. L’élargissement des affectations possibles du Fonds de stabilisation de la zone euro, en juillet, et le renforcement de sa capacité de prêt, en octobre, ont produit des effets encore moins durables sur les rendements. Vers la fin de 2011, cependant, le pacte budgétaire visant à limiter le déficit structurel a entraîné une détente plus importante et prolongée. Sous l’effet de la crise de la dette souveraine, l’aversion au risque s’est amplifiée et généralisée. Les investisseurs ont ajusté leur portefeuille pour tenir compte de la montée du risque souverain. Ainsi, quand la volatilité des portefeuilles s’est accrue, en août, les investisseurs internationaux ont commencé à vendre des obligations et des actions des économies ‘‘ Sous l’effet de la crise de la dette souveraine, l’aversion au risque s’est amplifiée et généralisée ’’ émergentes, et le dégagement s’est poursuivi au second semestre de 2011. La demande d’actions et d’obligations d’entreprises dans les économies avancées a diminué, elle aussi, entraînant une baisse des cours et une hausse des primes, surtout pour les signatures moins bien notées. Certains actifs financiers ont bénéficié d’un report vers les valeurs refuges, notamment les obligations d’État de l’Allemagne, de l’Australie, du Canada, des États-Unis, des pays nordiques, du Royaume-Uni et de la Suisse, dont les rendements sont tombés à des niveaux historiquement bas au second semestre de 2011. La demande était telle que les rendements de certaines valeurs à plus court terme sont devenus négatifs pendant quelque temps. Le yen et le franc suisse se sont vivement appréciés sous l’effet de ces réallocations de portefeuille. Pour contrer l’appréciation de leur monnaie, les autorités japonaises sont intervenues sur les changes en vendant des yens – atteignant un volume record pour une seule journée –, tandis que la Banque nationale suisse a plafonné la valeur du franc contre euro. BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER Contraction du financement des banques européennes et de l’offre de crédit 2. Finances publiques : réorientation de la politique budgétaire(1) 2011 2012 Zone euro 9 Autres écon. avancées ÉcÉm 6 3 0 –3 PT GR IE ES IT FR BE AT GB US JP CN MX BR IN TR AT = Autriche ; BE = Belgique ; BR = Brésil ; CN = Chine ; ES = Espagne ; FR = France ; GB = Royaume-Uni ; GR = Grèce ; IE = Irlande ; IN = Inde ; IT = Italie ; JP = Japon ; MX = Mexique ; PT = Portugal ; TR = Turquie ; US = États-Unis. 1) Orientation de la politique budgétaire mesurée par le solde primaire structurel des administrations publiques en % du PIB. Sources : FMI, Moniteur des finances publiques et Perspectives de l’économie mondiale ; calculs BRI. Les économies avancées et les ÉcÉm ont été nombreuses à durcir leur politique budgétaire. Si les premières réagissaient aux préoccupations liées à la viabilité des finances publiques, les secondes visaient plutôt à contenir la demande intérieure. En Grèce, en Irlande et au Portugal, une telle orientation était prescrite par les programmes de soutien officiels, qui exigeaient de réduire les déficits de plusieurs points de PIB. De grandes économies de la zone euro, telles l’Espagne, la France et l’Italie, ont, elles aussi, fortement durci leur politique. Hors de la zone euro, le Royaume-Uni, dont la note a été assortie d’une perspective négative par deux grandes agences de notation, a continué de réduire son déficit budgétaire. Les États-Unis ont également quelque peu durci leur orientation budgétaire, malgré le maintien des allègements fiscaux sur les salaires et des allocations chômage supplémentaires en 2011 et 2012. Le Japon a été la seule grande économie avancée à assouplir son orientation budgétaire, pour financer les dépenses de reconstruction après le séisme. Plusieurs ÉcÉm ont, elles, légèrement resserré leur politique budgétaire dans le but de contenir la demande intérieure. Les ajustements budgétaires ne semblent toutefois pas avoir été systématiquement associés à un affaiblissement de la croissance en 2011. La crise de la dette souveraine de la zone euro a soumis les banques européennes à des tensions croissantes au second semestre de 2011, en raison de l’incertitude quant à leur exposition au risque souverain et à la capacité des pouvoirs publics à soutenir les établissements fragiles. Les primes des contrats dérivés sur défaut (Credit Defaut Swap – CDS) des banques européennes ont vivement augmenté, à mesure que la perception de leur qualité de crédit se détériorait. Les actions bancaires se sont effondrées dans les pays où la dette souveraine s’était le plus dépréciée, et elles ont nettement baissé ailleurs. Mais la crise a également frappé les banques hors zone euro, comme en atteste le comportement du cours des actions et des primes CDS. Les conditions de financement des banques de la zone euro se sont rapidement dégradées en automne. Les déposants ont commencé à retirer leur argent des banques en Espagne et, ‘‘ La crise de la dette souveraine de la zone euro a soumis les banques européennes à des tensions croissantes ’’ dans une moindre mesure, en Italie, ajoutant aux sorties continues de fonds des banques en Grèce et en Irlande. Les marchés de la dette non garantie se sont, pour l’essentiel, fermés à de nombreuses banques de la zone euro. Et le coût d’emprunt sur l’interbancaire a augmenté, de façon sensible, dans le compartiment de l’euro, mais aussi dans ceux du dollar et de la livre sterling. Si les financements en dollar se sont contractés pour les banques de la zone euro, c’est en partie parce que les fonds monétaires américains ont réduit leur exposition. La montée des pressions en faveur d’un désendettement a entraîné une préférence locale dans l’octroi de prêts pour les banques de la zone euro ; ces banques ont généralement resserré leurs conditions aux entreprises au dernier trimestre de 2011 plus fortement qu’aux États-Unis. Le rythme d’expansion du crédit des 21 22 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 3. Banques : indicateurs de solidité financière Prime CDS, en points de base Banques : UE Amérique du Nord Asie Banques de la zone euro : cours des actions, 1er janvier 2010 = 100 400 Portugal Irlande 125 Italie Espagne 100 300 75 France Allemagne Grèce 500 200 50 100 25 0 2008 2009 2010 2011 2012 Autres banques : cours des actions, 1er janvier 2010 = 100 125 100 75 ÉcÉm Japon Suisse Royaume-Uni États-Unis 50 25 0 0 2010 2011 2012 2010 2011 2012 Sources : Datastream ; calculs BRI. banques de la zone euro aux emprunteurs non financiers résidents est tombé à zéro, cependant que leur offre de crédit aux autres régions s’est contractée. Entre juin et décembre 2011, les créances étrangères des banques de la zone euro sur les emprunteurs des ÉcÉm ont baissé de 12 % : 4 % en Afrique et Moyen-Orient, 20 % en Asie-Pacifique, 13 % en Europe émergente et 9 % en Amérique latine-Caraïbes. La réduction a été particulièrement importante pour les prêts les plus risqués – comme les prêts à effet de levier ou les financements sur projet – et pour les prêts exigeant souvent un financement en dollar, comme le crédit-bail sur matériel aéronautique et naval, ou le financement de transactions commerciales. Cela étant, d’autres formes de financement se sont en grande partie substituées aux prêts des banques de la zone euro. Dans certains cas, il s’est agi de banques : certains grands groupes australiens, britanniques et japonais, déjà tournés vers l’Asie émergente, ont accru leurs concours dans la région. Les banques nationales ont également pris le relais, surtout en Amérique latine – moins en Europe émergente, où les banques d’Europe occidentale détenaient une large part de marché. En outre, de grandes entreprises ont fait appel à l’obligataire, où les émissions brutes se sont accrues de près de 30 % au dernier trimestre 2011. La faiblesse de l’économie et les tensions croissantes sur les marchés financiers vers la fin de 2011 ont conduit les banques centrales à prendre une nouvelle série de mesures de soutien. La Réserve fédérale (Fed) des ÉtatsUnis s’est engagée à acheter 400 milliards de dollars supplémentaires de titres du Trésor américain à long terme, financés par des ventes d’effets à plus court terme. Elle a, en outre, annoncé qu’elle comptait maintenir son taux directeur à des niveaux exceptionnellement bas au moins jusqu’à fin 2014. La Banque du Japon et la Banque d’Angleterre ont encore accru la taille de leur programme d’achat d’actifs. Les banques centrales du Brésil, de Chine, d’Inde, d’Indonésie, des Philippines et de Turquie ont, elles aussi, assoupli leur politique monétaire. La BCE, pour sa part, a annoncé, en décembre 2011, des opérations de refinancement à trois ans, contre une gamme élargie de sûretés. Les grandes banques centrales étaient déjà convenues de réduire la tarification de leurs lignes de swap bilatérales, ce qui leur a permis d’alimenter en dollar, à moindre coût, les banques commerciales, notamment celles de la zone euro. Banque des règlements inter internat nationaux ionaux « RAPPORT ANNUEL » Le texte reproduit est extrait du chapitre II du 82e rapport annuel de la Banque des règlements internationaux. Il couvre la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2012. 30 juin 2012 Centralbahnplatz 2 4002 Bâle Suisse Tél. : (+41 61) 280 8080, Fax : (+41 61) 280 9100 www.bis.or www .bis.org g BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER L’INFLATION POURSUIT SA HAUSSE Rapport annuel de la Banque de France | CHRISTIAN NOYER Problèmes économiques Les marchés de capitaux > Sur les marchés financiers, les incertitudes se sont exacerbées en 2011. Face à la crise, les politiques monétaires sont devenues davantage non conventionnelles, aux États-Unis et au Royaume-Uni comme dans la zone euro, très affectée par la crise de la dette souveraine. Si les cours de l’or se sont appréciés de façon considérable, ceux des matières premières se sont légèrement détendus, tout en restant à des niveaux historiquement élevés. L’inflation a poursuivi sa hausse entamée en 2010 : l’indice des prix à la consommation harmonisé a en effet augmenté de 2,7 % en 2011, après 1,6 % et 0,3 % les années précédentes. La masse monétaire, quant à elle, n’a crû que modérément dans la zone euro en 2011 et les taux directeurs demeurent toujours extrêmement bas. ’intensification de la crise des dettes souveraines dans la zone euro a marqué l’année 2011. Les tensions et les incertitudes sur les marchés financiers se sont exacerbées, particulièrement au deuxième trimestre, alors que la croissance mondiale a fortement ralenti. L Dans les principales zones économiques, le renforcement des politiques monétaires non conventionnelles a accentué les excédents de liquidité. Aux États-Unis, au Japon et au Royaume-Uni les taux d’intérêt à court terme sont restés à un faible niveau tout au long de l’année 2011. En zone euro, l’Eurosystème a ajusté sa politique de taux d’intérêt et ses opérations de fourniture de liquidité (accroissement de la durée des opérations de refinancement notamment) aux évolutions du contexte macroéconomique et à l’impact des tensions croissantes sur les marchés de la dette souveraine sur le système bancaire de la zone. Dans ce contexte, la segmentation du marché monétaire en euros a perduré, avec une dispersion accrue des taux de prêts selon les contreparties. Les conditions de financement en dollars des banques de la zone euro se sont également durcies très sensiblement. Les opérations de fourniture de liquidité en dollars de l’Eurosystème, adossées à un accord de swap de change avec le Système fédéral 23 24 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 de réserve (la Fed), ont néanmoins favorisé en fin d’année une réduction de ces tensions, comme l’atteste la détente significative des basis swaps euro-dollar[1] : ainsi le basis swap euro-dollar 3 mois est passé de – 157 points de base le 29 novembre, veille de l’annonce par l’Eurosystème de la baisse du taux de ses prêts en dollars, à – 114 points de base le 30 décembre. Dans la zone euro, la crise des dettes souveraines a connu de nouveaux épisodes avec des tensions exacerbées sur les marchés « périphériques » illustrant la défiance des investisseurs vis-à-vis de faiblesses macroéconomiques et leurs doutes sur le caractère soutenable des finances publiques de certains pays. Ces pressions ont conduit en mai 2011 à l’octroi au Portugal d’un programme d’aide d’un montant ‘‘ Dans la zone euro, la crise des dettes souveraines a connu de nouveaux épisodes avec des tensions exacerbées sur les marchés « périphériques » illustrant la défiance des investisseurs ’’ de 78 milliards d’euros financé par l’Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI) et à la participation du secteur privé à un plan de réduction de la dette grecque, annoncé en juillet. L’abaissement par l’agence Standard & Poor’s de la notation de la dette de long terme grecque au niveau le plus faible possible avant le constat de défaut (CCC) a accru les inquiétudes des investisseurs et la défiance vis-à-vis des dettes souveraines périphériques de la zone euro. Les tensions ont également touché l’Irlande, puis l’Italie et l’Espagne à partir de juillet. Dans un contexte de fort assèchement de la liquidité sur les marchés obligataires, le niveau des taux des titres d’État de ces pays et les écarts de taux, notamment par rapport aux taux allemands comparables, ont atteint des niveaux jamais enregistrés depuis la création de l’euro. 1 Pour une échéance donnée (exemple 3 mois) le basis swap euro-dollar représente la différence de coût entre un emprunt sur le marché monétaire américain (à taux Libor) et une opération synthétique d’emprunt sur le marché monétaire zone euro (à taux Euribor) suivi d’un swap de change entre euro et dollar. Signe révélateur d’inquiétude, les courbes de rendement des titres d’État du Portugal, de l’Italie et de l’Espagne se sont sensiblement aplaties avec une hausse très marquée des taux des titres d’échéance courte. Au second semestre, des tensions ont également affecté les pays du « centre » de la zone euro. Ainsi, le spread contre Allemagne sur une échéance de dix ans a atteint un plus haut historique depuis la création de l’euro sur les titres français (190 points de base), autrichiens (184 points de base), finlandais (77 points de base) et néerlandais (63 points de base), même si les titres de ces quatre pays ont continué d’être relativement recherchés par les investisseurs dans un environnement de fuite vers la qualité et la liquidité. Suite à l’accord issu du sommet européen sur un pacte budgétaire (fiscal compact) et le renforcement de la coordination des politiques économiques, le 9 décembre 2011, et aux annonces de la Banque centrale européenne (BCE) en matière de gestion de la liquidité (notamment opérations de refinancement à trois ans), le 8 décembre, un apaisement a été enregistré sur les marchés obligataires de la zone euro, particulièrement marqué sur les parties courtes des courbes de taux des pays périphériques. Aux États-Unis, le maintien d’une politique monétaire accommodante, les données macroéconomiques décevantes et l’intensification des tensions en zone euro ont conduit les taux obligataires américains à des plus bas historiques : 0,15 % sur l’échéance 2 ans et 1,72 % sur l’échéance 10 ans en septembre (contre des points hauts de 0,85 % et 3,74 % atteints en février). Ces niveaux de taux très bas sont intervenus en dépit de la dégradation de la note de la dette souveraine américaine par Standard & Poor’s (de AAA à AA+ avec maintien d’une perspective négative) le 5 août, décision qui a fait suite aux difficultés rencontrées par la Chambre des représentants, à majorité républicaine, et l’administration Obama à s’entendre sur un relèvement du plafond de la dette fédérale. Bénéficiant également d’achats d’investisseurs à la recherche de valeurs refuges, les taux obligataires souverains au Royaume-Uni ont évolué de manière analogue aux taux américains. Les non-résidents ont été, au BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER Royaume-Uni comme aux États-Unis, acheteurs nets de titres souverains. La Banque d’Angleterre ayant par ailleurs accru son programme d’achats de titres de 75 milliards de livres sterling (la cible d’achat est ainsi passée de 200 à 275 milliards de livres sterling), les taux britanniques ont atteint des points bas historiques. Le mouvement des taux obligataires japonais a été sensiblement le même qu’aux États-Unis et au Royaume-Uni : le taux 2 ans s’est établi à 0,136 % le 30 décembre 2011 (contre un point haut sur l’année de 0,254 % atteint en février) et le taux 10 ans à 0,998 % (point haut sur l’année à 1,355 %, en février). Sur les marchés de change, l’aggravation de la crise souveraine européenne a renforcé le rôle de valeur refuge du franc suisse et du yen japonais (voir graphique 1). Face à la très forte appréciation de sa devise pendant l’été, la Banque nationale suisse a décidé d’instaurer ‘‘ Le cours de l’or s’est apprécié de façon considérable en 2011, soutenu par l’aversion au risque et par la demande de banques centrales des pays émergents ’’ un taux plancher à 1,20 sur la parité euro-franc suisse, avec succès puisque le taux de change effectif du franc suisse s’est apprécié de moins de 2 % entre janvier et décembre. Le taux de change effectif de la devise japonaise s’est apprécié de plus de 7 % sur l’année en dépit de l’intervention coordonnée du G7 de mars pour contrer l’appréciation du yen suite au séisme et à la catastrophe nucléaire et des interventions unilatérales de la Banque du Japon d’août et d’octobre. Le dollar américain a également joué le rôle de valeur refuge, profitant de son statut de devise la plus liquide au monde, alors que l’euro a fait preuve de résistance tout au long de l’année malgré l’intensification de la crise des dettes souveraines (– 1 % en taux de change effectif nominal). Le cours de l’or s’est apprécié de façon considérable en 2011, soutenu par l’aversion au risque et par la demande de banques centrales des pays émergents. Il a atteint un plus haut historique de 1 920 dollars l’once en 1. Taux de change nominal effectif (base 100 = 3 janvier 2011) 125 120 115 110 105 100 95 90 85 Janv. 2011 Mars Mai Franc suisse Yen Juil. Sept. Nov. Dollar Euro Janv. 2012 Livre sterling Source : Bloomberg. septembre et a progressé de plus de 11 % sur l’année. Dans les pays émergents, le ralentissement de la croissance et l’atténuation des tensions inflationnistes au second semestre ont incité les banques centrales à entamer un cycle de desserrement monétaire. Les marchés émergents ont été pénalisés par les réallocations de portefeuilles vers les pays développés et les actifs refuges, dans un climat de montée des incertitudes. Ainsi, les devises émergentes se sont dépréciées face au dollar américain alors que l’indice EMBI global calculé par JP Morgan, qui mesure les écarts de rendement obligataire des titres souverains des pays émergents vis-àvis des titres d’État américains, s’est nettement tendu, passant de 288 points à 426 points de base sur l’année. Les marchés de matières premières Les prix des matières premières ont commencé l’année 2011 à des niveaux élevés et poursuivi leur hausse pendant le premier trimestre avant de se détendre à partir du printemps, tout en restant à des niveaux historiquement élevés. Le prix du Brent a dépassé pour la première fois 100 dollars en moyenne annuelle (111 dollars en 2011). Ce niveau élevé s’explique par de nombreuses tensions sur la production au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, avec en 25 26 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 particulier les ruptures d’approvisionnement du pétrole libyen : la baisse de production totale en Libye, en Syrie et au Yémen a atteint 450 millions de barils en 2011, ce qui représente environ 1,5 % de la production mondiale. Ces tensions ont amené les membres de l’Agence internationale de l’énergie à utiliser leurs réserves stratégiques et l’Arabie Saoudite à augmenter sa production, sans toutefois compenser entièrement les baisses de production. Ces tensions sont apparues dans un contexte de baisse tendancielle de la production hors OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), notamment en mer du Nord (Norvège et Royaume-Uni), où elle a été inférieure de 3 millions barils/jour à son niveau d’il y a dix ans. 3. Indices HWWA du prix des matières premières (base 100 = janvier 1999) 1 400 1 200 1 000 800 600 400 200 0 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 Énergie Produits alimentaires Produits industriels Source : Intitut de recherche économique de Hambourg. La baisse du prix du pétrole à partir du mois d’avril a été le reflet d’une succession de chocs baissiers qui ont pesé sur l’activité économique mondiale, tels que la détérioration de l’économie dans les pays de l’Union européenne en fin d’année ou le ralentissement dans les pays émergents. L’importance de la production de pétrole dans le Midwest américain et le manque d’infrastructures de transport pour acheminer ce pétrole vers le golfe du Mexique se sont traduits par des fortes pressions à l’augmentation de la décote de l’indice WTI. À la toute fin de l’année, les tensions géopolitiques liées à l’Iran ont accru l’incertitude sur le marché du pétrole, menant à de fortes hausses de prix début 2012. Les prix des produits agricoles ont baissé pendant l’année en raison de bonnes récoltes, en particulier de blé, mais aussi de sucre (en Inde) et de soja (en Amérique latine). L’année 2011 a également été caractérisée par un écart de prix très élevé entre les deux principaux indices pétroliers, le Brent de la mer du Nord et le West Texas Intermediate (WTI) échangé à Cushing (Oklahoma) aux États-Unis, jusqu’à atteindre 29 dollars en septembre. Enfin, les prix des métaux non précieux ont également diminué au cours de l’année en raison du ralentissement de l’activité économique mondiale. 2. Prix du pétrole (Brent) L’inflation dans la zone euro a poursuivi la hausse entamée en 2010 : en variation annuelle, l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) a augmenté de 2,7 % en 2011, après 1,6 % en 2010 et 0,3 % en 2009. Cette variation moyenne recouvre une trajectoire ascendante au long de l’année, le glissement annuel passant de 2,3 % en janvier 2011 à 2,7 % en décembre, après une poussée à 3,0 % en septembre, octobre et novembre. L’inflation sous-jacente de la zone euro (hors prix de l’énergie et des produits alimentaires non transformés) a connu elle aussi un profil ascendant au cours de l’année 2011, passant de 1,2 % en janvier à 2,0 % de septembre à décembre. 140 120 100 80 60 40 20 0 2000 2002 2004 2006 Cours du Brent en dollars Cours du Brent en euros Source : Bloomberg. 2008 2010 2012 Progression de l’inflation BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER Évolution des agrégats monétaires dans la zone euro et en France (encours en milliards d’euros ; taux de croissance en %) Zone euro(1) France Taux de croissance annuel(2) Encours Taux de croissance annuel brut(2) Encours non cvs à fin cvs à fin Décembre Décembre Décembre Décembre Décembre Décembre décembre décembre 2009 2010 2011 2009 2010 2011 2011 2011 Agrégats monétaires ou principaux actifs monétaires (en données cvs)(3) Billets et pièces en circulation + Dépôts à vue = M1 + Autres dépôts monétaires dont : dépôts à préavis ≤ 3 mois dépôts à terme ≤ 2 ans = M2 + Instruments négociables dont : titres d’OPCVM monétaires titres de créances ≤ 2 ans = M3 Contribution française à M3(4) 843,0 3 943,0 4 786,0 3 805,0 1 958,0 1 846,0 8 591,0 1 150,0 535,0 207,0 9 740,0 6,3 13,5 12,2 – 8,9 15,1 – 24,0 1,6 – 11,7 – 2,0 – 50,0 – 0,4 4,8 4,3 4,4 – 0,3 6,2 – 6,4 2,3 – 2,1 – 15,2 – 13,6 1,7 6,2 0,7 1,6 2,1 1,9 2,2 1,8 – 0,7 – 5,2 24,0 1,5 580,0 6,8 7,6 4,4 715,0 559,0 156,0 – 5,3 3,1 – 27,4 2,9 3,5 0,5 8,8 7,3 14,7 437,0 290,0 112,0 – 14,5 – 0,2 – 56,6 4,1 – 11,7 98,7 – 7,5 – 9,5 – 4,2 1 811,0 – 4,8 6,6 3,1 1) Opérations des institutions financières et monétaires (IFM) de la zone euro avec les autres résidents de la zone euro. 2) Évolutions corrigées de l’incidence des reclassements et des effets de valorisation. 3) Opérations des IFM françaises avec les autres résidents français. 4) Engagements à moins de deux ans des IFM résidant en France, hors billets et pièces en circulation, vis-à-vis du secteur détenteur de monnaie de la zone euro (résidents de la zone euro, hors IFM et administrations centrales), ainsi que, par assimilation, les dépôts de ce secteur auprès des administrations centrales. Source : Banque de France. Les caractéristiques de l’inflation française en 2011 ont été comparables à celles de l’inflation de la zone euro, quoiqu’elle ait été plus contenue. L’IPCH de la France a augmenté de 2,3 % en 2011, après 1,7 % en 2010 et 0,1 % en 2009. Le profil a également été ascendant sur 2011, de 2,0 % en janvier à 2,7 % en décembre. Enfin, l’inflation sous-jacente française s’est accrue elle aussi : alors qu’elle demeurait contenue à 1,0 % en janvier 2011, valeur historiquement faible sur la dernière décennie, elle a atteint 2,0 % en décembre. Comme ce fut le cas en 2010, l’évolution des prix internationaux des produits pétroliers explique largement la poussée que l’inflation totale a connue en 2011. Le prix du baril de Brent en euros a poursuivi une appréciation régulière entamée depuis trois ans. En moyenne annuelle, il a atteint un record historique à 80 euros en 2011, contre 60 euros en 2010, et 44 euros en 2009. De plus, la dépréciation de la monnaie européenne vis-àvis du dollar au cours du second semestre de 2011 a renchéri la facture pétrolière, annulant les effets de la légère modération des prix pétroliers en dollars sur la même période. Ces évolutions se sont transmises aux prix à la pompe : l’indice IPCH énergie a crû, en France ‘‘ L’évolution des prix internationaux des produits pétroliers explique largement la poussée que l’inflation totale a connue l’année dernière ’’ comme en zone euro, de 12 % en moyenne sur 2011, contribuant à hauteur de + 1,2 point de pourcentage à l’inflation totale. Par ailleurs, la hausse des prix internationaux des produits alimentaires en 2010 s’est diffusée en 2011 aux prix des produits alimentaires transformés qui ont accéléré de 1,8 % en janvier à 4,1 % en décembre. En France, l’inflation 27 28 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 de ce poste est passée de 0,8 % à 4,3 % sur la même période. Cette évolution rend compte de l’accroissement en 2011 de l’inflation sousjacente, par ailleurs soutenue par une inflation salariale plus élevée. 4. Indice des prix à la consommation harmonisé (Glissement annuel, en %) 5 4 3 2 1 0 –1 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 IPCH total, France IPCH sous-jacent (hors énergie et alimentaire non transformé), France IPCH sous-jacent (hors énergie et alimentaire non transformé), zone euro IPCH total, zone euro Sources : INSEE, Eurostat. Une croissance modérée de la masse monétaire Après avoir connu une phase de redressement durant la seconde moitié de l’année 2010 et au premier semestre de 2011, le taux de croissance annuel de l’agrégat monétaire M3 de la zone euro a fléchi pour revenir à 1,5 % fin 2011, retrouvant quasiment son niveau de 2010 (1,7 %). La contribution française à l’agrégat européen a crû de 3,1 % en 2011, ralentissant nettement par rapport à sa forte reprise de l’année précédente (6,6 % en 2010). Après déduction des avoirs des « Autres intermédiaires financiers », le ralentissement est moins marqué, la contribution française à l’agrégat M3 progressant de 4,6 % en décembre 2011, au lieu de 5,6 % en 2010. Les modifications intervenues dans les rémunérations relatives des principaux types de placements ont influencé les évolutions respectives des différentes composantes de M3, dans la zone euro comme en France. Par rapport au point bas atteint en 2010, la légère remontée des taux d’intérêt à court terme a accru le coût d’opportunité de la détention des actifs les plus liquides peu ou pas rémunérés, dépôts à vue et numéraire. Elle a engendré un net ralentissement de la croissance de M1 dans 5. Taux directeurs de l’Eurosystème 7 6 5 4 3 2 1 0 Fév. 1999 Fév. 2000 Fév. 2001 Eonia(1) Facilité de dépôt (1) Euro OverNight Index Average. Source : Banque centrale européenne. Fév. 2002 Fév. 2003 Fév. 2004 Fév. 2005 Fév. 2006 Fév. 2007 Facilité de prêt marginal Opérations principales de refinancement Fév. 2008 Fév. 2009 Fév. 2010 Fév. 2011 Fév. 2012 BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER la zone euro (1,6 % en 2011, après 4,3 % en 2010) et une sensible décélération des dépôts à vue en France, qui ont crû de 4,4 % en 2011, après 7,6 % en 2010. Dans la zone euro, les sociétés non financières (SNF) ont réduit leurs encours de dépôts à vue tandis que les ménages ont privilégié les placements liquides, plus rémunérateurs. La hausse de la rémunération des dépôts à court terme inclus dans M2 – M1 a relancé leur croissance (1,9 % en 2011 après – 0,4 % en 2010). En France, les encours de livrets ont progressé vigoureusement à la suite des deux hausses du taux du livret A intervenues en février et en août qui ont été répercutées également sur les conditions offertes sur les livrets ordinaires. Dans la zone euro, l’encours des dépôts constitutifs de M3 – M2, après avoir connu de larges fluctuations en cours d’année, a légèrement fléchi fin 2011 par rapport à son niveau de fin 2010 (– 0,7 %). Au second semestre de 2011, la croissance des instruments négociables a été affectée par les turbulences financières. Les avoirs des « Autres intermédiaires financiers » ont été gonflés jusqu’en novembre par le large recours des banques de la zone euro aux pensions. Confrontées à des difficultés à se financer en blanc, celles-ci ont notamment contracté des prêts garantis par l’intermédiaire des chambres de compensation, s’assurant ainsi contre le risque de contrepartie. Les OPCVM (organismes de placement collectif en valeurs mobilières) monétaires ont continué de faire l’objet de retraits nets, dans la zone euro comme en France, du fait de leur faible rendement. Banque de Fr France « RAPPORT ANNUEL DE LA BANQUE DE FRANCE » Le texte reproduit est extrait du premier chapitre du rapport, intitulé : « Politique monétaire, action pour la stabilité et reprise économique ». 2011 Pôle support aux relations externes 31, rue Croix des Petits Champs 75049 Paris cedex 01 France Tél. : + 33 (0)1 42 91 39 08 [email protected] www.banque-fr www .banque-france.fr ance.fr 29 30 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 LE COMMERCE MONDIAL S’EST CONTRACTÉ Rapport sur le commerce mondial 2012 | OMC Problèmes économiques > La faible croissance de la production mondiale, mesurée par le produit intérieur brut – PIB – (+ 2,4 %) s’est accompagnée d’un ralentissement des échanges commerciaux (+ 5 %), en 2011. Ces chiffres font suite à une année 2010 au cours de laquelle le commerce mondial a connu une croissance sans précédent. Les conséquences du séisme dont le Japon a été victime en mars 2011, les inondations en Thaïlande, le Printemps arabe, la croissance atone dans les pays de l’Union européenne ont pesé sur les échanges. Au point, qu’en 2011, les exportations des pays en développement, hors Chine, ont augmenté plus lentement que celles des pays développés tirées par les ventes américaines (+ 7,2 % en 2011). E n 2011, le commerce mondial des marchandises a augmenté de 5,0 % en volume, tandis que la croissance de la production mondiale a été de 2,4 %. Ces chiffres traduisent un net ralentissement par rapport à l’année 2010, au cours de laquelle le commerce avait augmenté de 13,8 % et la production de 3,8 % (voir graphique 1)[1]. On s’attendait certes à un ralentissement de la croissance du commerce et de la production en 2011, mais de multiples chocs économiques sont venus freiner l’activité et les échanges pendant l’année. Le tremblement de terre, le tsunami et l’incident nucléaire qui ont frappé le Japon en mars ont entraîné une forte diminution des exportations du pays au deuxième trimestre, tandis que les inondations en Thaïlande ont réduit l’offre de pièces et de composants essentiels au quatrième trimestre, perturbant encore plus les réseaux de production mondiaux. Les troubles dans les pays d’Afrique du Nord ont eu des répercussions sur les exportations de la région, en particulier en Libye, où la production et les exportations de pétrole se sont effondrées. Enfin, dans l’Union européenne (UE), la croissance négative du 1 Il faut noter que les chiffres du commerce des marchandises en volume font référence à la croissance en termes réels, c’est-à-dire ajustée pour tenir compte des variations des prix des exportations et des importations.. BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER produit intérieur brut (PIB) a réduit la demande de produits importés au quatrième trimestre, alors que la crise de la dette souveraine s’aggravait. Du fait de l’atonie de la croissance économique en 2011, la demande d’importations a diminué dans les plus grandes économies et la croissance des exportations mondiales a été inférieure à la prévision de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui tablait sur un taux de 5,8 %. La production du Japon a diminué au quatrième trimestre après avoir enregistré sa seule augmentation de l’année au troisième trimestre. Même le dynamisme économique de la Chine a semblé s’essouffler vers la fin de l’année, la croissance du PIB au quatrième trimestre tombant à 7,8 % en taux annualisé, contre 9,5 % en moyenne pendant les trois premiers trimestres, selon des données provenant du Bureau national de statistique de la Chine. Aux États-Unis, les indicateurs économiques se sont améliorés dans les derniers mois de 2011, la croissance de la production ayant atteint 3,0 % en rythme annuel au quatrième trimestre et le chômage ayant reculé à 8,3 % en décembre, d’après les données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), mais ces améliorations n’ont compensé qu’en partie les baisses antérieures. Les résultats des économies développées ont dépassé les attentes, avec une croissance des exportations de 4,7 % en 2011, alors que ceux des économies en développement (comprenant, aux fins de l’analyse, la Communauté des États indépendants – CEI) ont été moins bons que prévu, avec une croissance de seulement 5,4 %. En fait, les expéditions en provenance des économies en développement autres que la Chine ont augmenté un peu plus lentement que les exportations des économies développées (y compris celles du Japon sinistré). Les assez bons résultats des économies développées s’expliquent par une augmentation robuste de 7,2 % des exportations des États-Unis et par une progression de 5,0 % de celles de l’Union européenne. En revanche, la baisse de 0,5 % des exportations du Japon a réduit la moyenne de l’ensemble des économies développées. Plusieurs événements défavorables ont pesé de façon disproportionnée sur les économies en développement, notamment l’interruption des livraisons de pétrole de la Libye, qui a fait chuter les exportations africaines de 8 % en 2011, et les graves inondations qui ont frappé la Thaïlande au quatrième trimestre. Au Japon, le tremblement de terre et le tsunami ont perturbé les chaînes d’approvisionnement mondiales, ce qui a pénalisé les exportations de 1. Croissance du commerce mondial des marchandises, en volume, et du PIB, 2000-2011 (Variation annuelle en pourcentage) 15 Croissance moyenne des exportations 1991-2011 10 5 0 Croissance moyenne du PIB 1991-2011 –5 – 10 – 15 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 Exportations Source : Secrétariat de l’OMC. 2007 PIB 2008 2009 2010 2011 31 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 En 2011, la valeur en dollars du commerce mondial de marchandises a augmenté de 19 % pour s’établir à 18 200 milliards de dollars, dépassant le record de 16 100 milliards de dollars enregistré en 2008. Cette augmentation était due en grande partie à la hausse des prix des produits de base, les flux commerciaux mensuels ayant généralement stagné ou diminué pendant l’année dans de nombreux grands pays commerçants (voir graphique 2). La part des économies en développement et de la CEI dans le total mondial a atteint 47 % pour les exportations et 42 % pour les importations. Ce sont les niveaux les plus élevés jamais enregistrés dans une série de données remontant à 1948. (…) pays en développement comme la Chine, où la production de biens destinés à l’exportation a été entravée par la diminution des expéditions de composants. L’année 2011 a été marquée par de fortes fluctuations de change, qui ont modifié les positions compétitives de certaines grandes puissances commerciales et ont induit une intervention des pouvoirs publics (par exemple en Suisse ou au Brésil). Ces fluctuations étaient dues, dans une large mesure, aux comportements adoptés face au risque lié à la crise de la dette souveraine européenne. Le dollar s’est déprécié de 4,6 % en valeur nominale par rapport à un large panier de monnaies, d’après les données de la Réserve fédérale, et de 4,9 % en valeur réelle, selon les données du Fonds monétaire international, ce qui a eu pour effet de réduire généralement le coût des exportations des États-Unis. La dépréciation nominale du dollar aurait aussi entraîné une augmentation de la valeur en dollars de certaines transactions internationales. État de l’économie mondiale et du commerce international en 2011 Croissance économique Le taux de croissance de la production mondiale est tombé à 2,4 % en 2011, contre 3,8 % l’année précédente, sous l’effet de la crise de la dette souveraine en Europe, des perturbations des chaînes d’approvisionnement dues aux catastrophes naturelles au Japon et en Thaïlande, et des troubles dans les pays L’évolution décrite ci-dessus concerne le commerce en termes réels (c’est-à-dire en volume), mais les flux nominaux (en devises) de marchandises et de services commerciaux ont également été affectés par les chocs économiques récents. 2.Volume des exportations mondiales de marchandises, 1990-2011 (Indices, 1990 = 100) 400 350 300 250 200 150 100 Volume des exportations Source : Secrétariat de l’OMC. Tendance (1990-2008) 2011 2010 2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2000 1999 1998 1997 1996 1995 1994 1993 1992 1991 50 1990 32 BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER arabes. Ce taux de croissance est bien inférieur à la moyenne de 3,2 % enregistrée au cours des vingt années qui ont précédé la crise financière de 2008 (voir tableau 1). La contraction de 0,5 % de la production au Japon, provoquée par le séisme catastrophique survenu en mars 2011, explique en partie la croissance atone des économies développées en 2011 (1,5 %). La croissance du PIB des États-Unis (production totale du pays) a été légèrement supérieure à la moyenne de l’ensemble des économies développées, s’établissant à 1,7 %, tandis que dans l’UE la croissance a été conforme à la moyenne, à 1,5 %. Les régions où la croissance a été la plus rapide sont le Moyen-Orient (4,9 %), suivi par la Communauté des États indépendants (4,6 %) et l’Amérique du Sud et centrale (4,5 %). L’Afrique, dont le PIB a augmenté de 2,3 %, aurait pu connaître une croissance plus rapide sans les soulèvements en Libye, en Tunisie, en Égypte et dans d’autres pays. Une fois encore, la croissance du PIB a été plus rapide en Chine que dans le reste du monde, à 9,2 %, ce qui n’était pas plus que le taux enregistré par le pays au plus fort de la crise financière mondiale en 2009. Par contre, les nouvelles économies industrialisées (Hong Kong, Chine ; République de Corée ; Singapour ; et Taipei chinois) ont enregistré ensemble une croissance inférieure de plus de moitié à celle de la Chine (4,2 %). La croissance des économies en développement et de la CEI prises ensemble a été de 5,7 % en 2011. Bien qu’il soit difficile d’obtenir des données trimestrielles agrégées sur la croissance du PIB mondial, on pense que celle-ci s’est ralentie vers la fin de 2011 sous l’effet de la crise de 1. PIB et commerce des marchandises par région, 2009-2011 (Variation annuelle en pourcentage) PIB Exportations Importations 2009 2010 2011 2009 2010 2011 2009 2010 2011 Monde – 2,6 3,8 2,4 – 12,0 13,8 5,0 – 12,9 13,7 4,9 Amérique du Nord – 3,6 3,2 1,9 – 14,8 14,9 6,2 – 16,6 15,7 4,7 – 3,5 3,0 1,7 – 14,0 15,4 7,2 – 16,4 14,8 3,7 – 0,3 6,1 4,5 – 8,1 5,6 5,3 – 16,5 22,9 10,4 États-Unis Amérique du Sud et centrale(1) Europe – 4,1 2,2 1,7 – 14,1 10,9 5,0 – 14,1 9,7 2,4 – 4,3 2,1 1,5 – 14,5 11,5 5,2 – 14,1 9,5 2,0 – 6,9 4,7 4,6 – 4,8 6,0 1,8 – 28,0 18,6 16,7 Afrique 2,2 4,6 2,3 – 3,7 3,0 – 8,3 – 5,1 7,3 5,0 Moyen-Orient 1,0 4,5 4,9 – 4,6 6,5 5,4 – 7,7 7,5 5,3 Union européenne (27) Communauté des États indépendants (CEI) Asie – 0,1 6,4 3,5 – 11,4 22,7 6,6 – 7,7 18,2 6,4 Chine 9,2 10,4 9,2 – 10,5 28,4 9,3 2,9 22,1 9,7 Japon – 6,3 4,0 – 0,5 – 24,9 27,5 – 0,5 – 12,2 10,1 1,9 6,8 10,1 7,8 – 6,0 22,0 16,1 3,6 22,7 6,6 Nouvelles économies industrialisées (4)(2) – 0,6 8,0 4,2 – 5,7 20,9 6,0 – 11,4 17,9 2,0 Pour mémoire : économies développées – 4,1 2,9 1,5 – 15,1 13,0 4,7 – 14,4 10,9 2,8 2,2 7,2 5,7 – 7,4 14,9 5,4 – 10,5 18,1 7,9 Inde Pour mémoire : économies en développement et CEI 1) Y compris les Caraïbes. 2) Hong Kong, Chine ; République de Corée ; Singapour ; et Taipei chinois. Source : Secrétariat de l’OMC. 33 34 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 la dette souveraine en Europe. La production de la zone euro s’est contractée de 1,3 % en taux annualisé au quatrième trimestre, premier trimestre de croissance négative depuis que le bloc monétaire est sorti de la récession en 2009 (voir tableau 1). Dans le même temps, l’économie chinoise s’est ralentie et le Japon est resté enlisé dans la récession. Au quatrième trimestre, la croissance a repris aux États-Unis où le chômage a reculé, mais cela a probablement été contrebalancé par les évolutions observées ailleurs. le même temps, en 2011, la croissance des importations du Japon (1,9 %) a été la plus faible de toutes les grandes économies ou régions. Parmi les grands pays commerçants, c’est l’Inde qui a enregistré la plus forte croissance de ses exportations en 2011, avec une augmentation de 16,1 % des expéditions. La Chine venait en deuxième position parmi les grandes économies, avec un taux de croissance des exportations de 9,3 %. Dans la Communauté des États indépendants, la faible croissance du volume des exportations coïncidant avec une forte augmentation du volume des importations en 2011 peut s’expliquer par la hausse de 32 % des prix de l’énergie pendant l’année (voir tableau 2), qui a dopé les recettes d’exportation et permis d’importer davantage de produits étrangers. Commerce des marchandises en volume (en termes réels) Le volume du commerce mondial des marchandises a augmenté de 5,0 % en 2011, l’Asie venant en tête de toutes les régions avec une croissance de 6,6 % (voir tableau 1). L’une des évolutions les plus marquantes en 2011 a été la contraction de 8,3 % du volume des exportations de l’Afrique. Cette contraction s’explique en grande partie par la guerre civile en Libye, qui a entraîné une réduction d’environ 75 % des livraisons de pétrole du pays. Les exportations du Japon ont diminué de 0,5 %, comme son PIB, alors que les expéditions de la CEI ont progressé d’à peine 1,8 %. Les importations extra-UE (importations provenant de l’extérieur de l’Union européenne) ont diminué de 3,8 % au quatrième trimestre, ce qui équivaut à une baisse de 14,4 % en taux annualisé. Il est peu probable que cette diminution se poursuive à ce rythme pendant très longtemps, mais elle permet d’expliquer la faiblesse des exportations d’autres économies pendant cette période. Au lieu de reculer, les importations des États-Unis sont restées stables en 2011, mais les États-Unis et l’Union européenne ont vu leurs exportations augmenter pendant l’année. Les importations de l’Afrique ont enregistré une augmentation respectable de 5,0 %, mais d’autres régions exportatrices de ressources ont fait mieux. Les importations de la CEI ont augmenté plus rapidement (16,7 %) que celles de toute autre région, suivies par celles de l’Amérique du Sud et centrale (10,4 %). Dans L’autre fait marquant a été la forte contraction des importations de la Chine à l’époque 2. Prix mondiaux de certains produits primaires, 2000-2011 (Variation annuelle en pourcentage et dollars par baril) 2009 Tous les produits 2010 2011 2000-2011 2005-2011 – 30 26 26 12 14 Métaux – 19 48 14 15 18 Boissons(1) – 15 11 20 8 11 Produits alimentaires 2 14 17 10 13 Matières premières agricoles – 17 33 23 5 9 Énergie – 37 26 32 15 15 62 79 104 56 76 Pour mémoire : prix du pétrole brut en dollars par baril(2) 1) Y compris le café, les fèves de cacao et le thé. 2) Moyenne de Brent, Dubai et West Texas Intermediate. Source : Statistiques financières internationales du FMI. BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER du tremblement de terre qui a frappé le Japon au deuxième trimestre de 2011. Entre le premier et le deuxième trimestre, les importations chinoises ont chuté de 6,1 %, ce qui équivaut à 27 % en rythme annuel, mais au cours des trimestres suivants le commerce a augmenté de 4,2 % (18 % en rythme annuel) et de 7,3 % (32 % en rythme annuel). Cela indique que l’impact direct de la catastrophe a été fort mais d’assez courte durée, bien que d’autres facteurs indirects aient pu jouer un rôle tout aussi important. Cela témoigne aussi de l’intégration étroite de la Chine dans les chaînes de valeur asiatiques. Le volume des exportations de la Thaïlande a chuté de 8,5 % au quatrième trimestre en raison des inondations qui ont considérablement affecté les exportations de biens intermédiaires, ce qui a perturbé encore plus les réseaux de production mondiaux. Commerce des marchandises et des services commerciaux en valeur (en dollars) La valeur totale en dollars des exportations mondiales de marchandises a augmenté de 19 %, passant à 18 200 milliards de dollars en 2011 (voir tableau 3)[2]. Cette augmentation, presque aussi importante que celle de 22 % enregistrée en 2010, s’explique en grande partie par la hausse des prix des produits primaires. Les exportations de services commerciaux ont quant à elles progressé de 11 % en 2011, passant à 4 100 milliards de dollars. La part des services commerciaux dans le commerce total des marchandises et des services commerciaux (sur la base de la balance des paiements) était de 18,6 %, soit le chiffre le plus bas depuis 1990. Les services de transport ont enregistré la croissance la plus faible de toutes les sous-catégories de services (8 %), suivis par les autres services commerciaux (11 %) et les voyages (12 %). La faible croissance des services de transport n’a peut-être rien d’étonnant vu le lien étroit existant entre cette catégorie de services et le commerce des marchandises, qui a stagné 2 Les exportations mondiales de marchandises mersurées sur la base de la balance des paiements ont augmenté de 20 % en 2011. au second semestre de 2011. Il se peut en outre que le trop grand nombre de nouveaux porte-conteneurs ait entraîné une baisse des recettes dans le secteur du transport maritime. (…) Commerce des marchandises En 2011, la valeur en dollars des exportations de marchandises de l’Amérique du Nord a augmenté de 16 %, atteignant 2 280 milliards de dollars (soit 12,8 % du total mondial), tandis que les importations ont augmenté de 15 % pour atteindre 3 090 milliards de dollars (17,2 %). Les exportations de l’Amérique du Sud et centrale ont progressé de 27 %, atteignant 749 milliards de dollars (soit 4,2 % du total mondial), à la faveur de la hausse des prix des produits primaires. Dans le même temps, les importations de la région ont augmenté de 24 % pour atteindre 727 milliards de dollars (4,0 %). Les exportations de l’Europe ont augmenté de 17 % en valeur nominale, atteignant 6 600 milliards de dollars, soit 37,1 % du total mondial. Les importations de la région ont également augmenté de 17 %, pour s’élever à 6 850 milliards de dollars (38,1 %). Les exportations de la Communauté des États indépendants ont bondi de 34 % pour s’établir à 788 milliards de dollars, à la faveur de la hausse des prix de l’énergie. Les importations ont, quant à elles, augmenté de 30 %, atteignant 540 milliards de dollars. La part de la CEI dans le commerce mondial était de 4,4 % pour les exportations et de 3,0 % pour les importations. Les exportations de l’Afrique ont augmenté de 17 % pour atteindre 597 milliards de dollars (soit 3,4 % du total mondial), et ses importations ont progressé de 18 %, atteignant 555 milliards de dollars (3,1 %). La valeur en dollars des exportations du Moyen-Orient a augmenté de 37 % pour atteindre 1 230 milliards de dollars (soit 6,9 % du total mondial), par suite de la hausse des prix du pétrole. Par contre, les importations n’ont progressé que de 16 % pour s’établir à 6 650 milliards de dollars (3,7 %). Enfin, l’Asie a enregistré en 2011 une augmentation de 18 % de ses exportations, qui 35 36 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 3. Exportations mondiales de marchandises et de services commerciaux, 2005-2011 (Milliards de dollars et variation annuelle en pourcentage) Valeur Marchandises Services commerciaux Transports Variation annuelle en % 2011 2009 2010 2011 2005-2011 18 217 – 22 22 19 10 4 149 – 11 10 11 9 855 – 23 15 8 7 Voyages 1 063 –9 9 12 7 Autres services commerciaux 2 228 –7 8 11 10 Sources : Secrétariat de l’OMC pour les marchandises et Secrétariats de l’OMC et de la CNUCED pour les services commerciaux. ont atteint 5 530 milliards de dollars (soit 31,1 % du total mondial), et une augmentation de 23 % de ses importations, qui ont atteint 5 570 milliards de dollars (30,9 %). En 2011, les cinq principaux exportateurs de marchandises étaient la Chine (1 900 milliards de dollars, soit 10,4 % des exportations mondiales), les États-Unis (1 480 milliards de dollars, 8,1 %), l’Allemagne (1 470 milliards de dollars, 8,1 %), le Japon (823 milliards de dollars, 4,5 %) et les Pays-Bas (660 milliards de dollars EU, 3,6 %). Les principaux importateurs étaient les États-Unis (2 270 milliards de dollars, 12,3 % des importations mondiales), la Chine (1 740 milliards de dollars, 9,5 %), l’Allemagne (1 250 milliards de dollars, 6,8 %), le Japon (854 milliards de dollars, 4,6 %) et la France (715 milliards de dollars, 4 %). Si l’on fait abstraction des échanges entre les pays membres de l’Union européenne et si l’on considère l’UE comme une entité unique, les principaux exportateurs étaient l’Union européenne (2 130 milliards de dollars, soit 14,9 % du total mondial), la Chine (13,3 %), les États-Unis (10,3 %), le Japon (5,7 %) et la République de Corée (555 milliards de dollars, soit 3,9 %). En excluant les échanges intra-UE, les principaux importateurs étaient l’Union européenne (2 340 milliards de dollars ou 16,2 % des importations mondiales), les États-Unis (15,6 %), la Chine (12,0 %), le Japon (5,9 %) et la République de Corée (425 milliards de dollars, 3,6 %). En 2011, il y a eu peu de changements importants, vers le haut ou vers le bas, dans les classements mondiaux. La Fédération de Russie est devenue le neuvième exportateur de marchandises, alors qu’elle était le douzième en 2010 (y compris les membres de l’UE). Commerce des services commerciaux La CEI est la région dont les exportations de services commerciaux ont augmenté le plus rapidement en 2011, avec une hausse de 20 % de la valeur de ses exportations en dollars. L’Afrique est la région qui a enregistré la plus faible croissance des exportations (zéro pour cent). Toutes les autres régions ont affiché une croissance à deux chiffres comprise entre 10 et 14 %. La faible progression des exportations africaines a été due en grande partie aux troubles dans les pays d’Afrique du Nord. L’Égypte et la Tunisie ont été particulièrement touchées, leurs exportations de services commerciaux ayant chuté de 20 % et 19 %, respectivement. En revanche, les exportations de l’Afrique subsaharienne ont augmenté de 11 %, ce qui correspond à la moyenne mondiale. Dans le même temps, les importations de services de l’Afrique ont augmenté de 9 %, soit un peu moins que la moyenne mondiale de 10 %. Par rapport aux exportations, les importations de l’Afrique du Nord et de l’Afrique subsaharienne ont évolué de façon moins divergente, enregistrant une augmentation de 7,0 % et 9,5 % respectivement. La CEI est la région dont les importations de services ont augmenté le plus rapidement (21 %), suivie de près par l’Amérique du Sud et centrale (18 %). Dans les autres régions, la croissance des importations de services commerciaux a été comprise entre 8 et 14 %. En 2011, les cinq principaux exportateurs de services commerciaux étaient les États-Unis (578 milliards de dollars, soit 14 % du total BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER mondial), le Royaume-Uni (274 milliards de dollars, 7 %), l’Allemagne (253 milliards de dollars, 6 %), la Chine (182 milliards de dollars, 4 %) et la France (161 milliards de dollars, 4 %). Par rapport aux chiffres de 2010, le Royaume-Uni a supplanté l’Allemagne en tant que deuxième exportateur mondial de services, mais cela s’explique principalement par une importante révision à la hausse des statistiques officielles sur les exportations d’autres services aux entreprises et de services financiers du Royaume-Uni, qui représentent ensemble à peu près la moitié de ses exportations totales de services commerciaux. Les cinq principaux importateurs de services commerciaux ont été les États-Unis (391 milliards de dollars, soit 10 % du total mondial), l’Allemagne (284 milliards de dollars, 7 %), la Chine (236 milliards de dollars, 6,1 %), le Royaume-Uni (171 milliards de dollars, 4 %) et le Japon (165 milliards de dollars, 4,3 %). Le classement des principaux importateurs est resté inchangé. Les chiffres ci-dessus tiennent compte du commerce des services commerciaux intra-UE, c’est-à-dire du commerce des services entre les pays membres de l’Union européenne. Si l’on exclut ce commerce du total mondial et si l’on considère l’Union européenne comme une entité unique, l’UE est le premier exportateur de services commerciaux (789 milliards de dollars, 24,8 % du total mondial), suivie par les États-Unis (578 milliards de dollars, 18,2 %), la Chine (182 milliards de dollars, 5,7 %), l’Inde (148 milliards de dollars, 4,7 %) et le Japon (143 milliards de dollars, 4,5 %). L’Union européenne devient aussi le premier importateur (639 milliards de dollars, 21,1 % du total mondial), suivie par les États-Unis (391 milliards de dollars, 12,9 %), la Chine (236 milliards de dollars, 7,8 %), le Japon (165 milliards de dollars, 5,4 %) et l’Inde (130 milliards de dollars, 4,3 %). Rapp ppor ortt sur le commerce mondial 2012 « COMMERCE ET POLITIQUE PUBLIQUE : GROS PLAN SUR LES MESURES NON TARIFAIRES AU XXIe SIÈCLE. L’article n’est pas reproduit dans son intégralité Organisation mondiale du commerce (OMC) Centre William Rappard, 154, rue de Lausanne CH-1211 Genève 21, Suisse. Tél. : + 41 (0) 22 739 51 11 [email protected] www.wt www .wto o.or .org g 37 38 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 LES IDE RETROUVENT LEUR NIVEAU D’AVANT LA CRISE Rapport sur l’investissement dans le monde 2012 | CNUCED Problèmes économiques > Les flux d’investissements directs étrangers (IDE) ont fortement augmenté en 2011 pour atteindre 2 500 milliards de dollars, leur niveau d’avant la crise financière et économique mondial grâce notamment aux fusions – acquisitions internationales, en pleine expansion –. L’imprévisibilité de la gouvernance économique mondiale, une possible crise généralisée de la dette souveraine et l’éventualité d’un recul des taux de croissance des pays émergents menacent cependant la poursuite de cette tendance favorable. Si les pays en développement (PED) et en transition ont, en 2011 encore, représenté plus de la moitié des flux mondiaux, le niveau des entrées dans ces pays est toutefois en léger recul. À l’avenir les fonds souverains apparaissent bien placés pour investir dans les systèmes productifs des PED, plus particulièrement les moins avancés d’entre eux tandis que, les firmes transnationales, hésitent à investir malgré une hausse de leur production et des niveaux records de liquidité. Essoufflement de l’IDE mondial en 2012 L es flux mondiaux d’investissements directs étrangers (IDE) ont augmenté de 16 % en 2011, dépassant, pour la première fois, le niveau atteint sur la période 2005-2007, en dépit des effets persistants de la crise financière et économique mondiale (2008-2009) et de l’actuelle crise des dettes souveraines. Cette progression est intervenue sur fond d’une hausse des profits des sociétés transnationales (STN) et d’une croissance économique relativement élevée dans les pays en développement au cours de l’année. Une résurgence des incertitudes économiques et l’éventualité d’un recul des taux de croissance des principaux pays émergents pourraient remettre en cause cette tendance favorable en 2012. La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) s’attend à un ralentissement du rythme de croissance de l’IDE en 2012, les flux se stabilisant à environ 1 600 milliards de dollars dans une hypothèse intermédiaire (voir graphique 1). Les principaux indicateurs laissent anticiper une telle évolution, la valeur des fusions-acquisitions internationales aussi bien que celle des investissements de création ayant accusé un certain repli au cours des cinq premiers mois BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER 1. Flux mondiaux d’IDE pour 2002-2011, et projections pour 2012-2014 2. Sentiment des STN concernant le climat d’investissement mondial pour 2012-2014 (En milliards de dollars) (En pourcentage des réponses) 2 500 29,4 2 000 46,9 Hypothèse intermédiaire 6,2 40,4 50,9 1 500 Hypothèse en cas de crise économique 1 000 500 11,7 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 41,4 53,4 19,6 2012 2013 Optimistes et très optimistes Pessimistes et très pessimistes 2014 Neutre Source : CNUCED, World Investment Report 2012. Source : CNUCED, World Investment Report 2012. de 2012. Le recul des annonces de fusionsacquisitions laisse prévoir lui aussi une évolution timide des flux d’IDE pendant la deuxième partie de l’année. une hausse entre 2012 et 2014 par rapport aux niveaux de 2011. Optimisme mesuré en ce qui concerne l’évolution à moyen terme Les projections à moyen terme établies par la CNUCED sur la base des fondamentaux macroéconomiques continuent d’indiquer que les flux d’IDE augmenteront à un rythme modéré mais stable, passant à 1 800 milliards de dollars en 2013 et 1 900 milliards en 2014, sauf crise économique. Les investisseurs restent très incertains quant à l’évolution de la conjoncture économique pendant cette période. D’après l’enquête de la CNUCED sur les perspectives de l’investissement dans le monde (World Investment Prospects Survey − WIPS), effectuée auprès de cadres dirigeants de STN concernant leurs projets d’investissement, si le nombre de sondés se disant pessimistes au sujet du climat de l’investissement au niveau mondial pour 2012 dépasse de 10 % celui des optimistes, le groupe le plus important − environ la moitié des réponses − est formé par ceux qui soit expriment un sentiment neutre, soit ne se prononcent pas (voir graphique 2). Les réponses pour le moyen terme − après 2012 − témoignent d’un optimisme croissant. Interrogés sur leurs projets de dépenses d’IDE futures, plus de la moitié des sondés anticipent Augmentation des entrées d’IDE pour toutes les grandes catégories d’économies Si les flux d’IDE vers les pays développés ont été dynamiques en 2011, passant à 748 milliards de dollars, soit 21 % de plus qu’en 2010, le niveau des entrées dans ces pays est cependant resté inférieur de 25 % à leur moyenne des trois années antérieures à la crise. En dépit de cet accroissement, les pays en développement et en transition ont continué de représenter ensemble plus de la moitié de l’IDE mondial (45 % et 6 %, respectivement) en 2011, leurs entrées cumulées atteignant un nouveau montant record, avec une progression de 12 % à 777 milliards de dollars (voir tableau 1). La part élevée des flux d’IDE obtenue par ces pays en période de crise économique et financière, sans perdre de terrain, et vu le rebond enregistré par les pays développés en 2011, témoigne de leur dynamisme économique et du rôle solide qu’ils devraient jouer dans les flux futurs. La progression de l’IDE à destination des pays en développement a été tirée par une hausse de 10 % en Asie, et de 16 % en Amérique latine et dans les Caraïbes. L’IDE vers les pays en transition est passé à 92 milliards de dollars (+ 25 %). Les flux vers l’Afrique, en revanche, se sont inscrits à la baisse pour la troisième année consécutive, mais dans des 39 40 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 1. Flux d’IDE par région, 2009-2011 (En milliards de dollars et en pourcentage) Région Ensemble du monde Pays développés Pays en développement Afrique Asie de l’Est et du Sud-Est Asie du Sud Asie occidentale Amérique latine et Caraïbes Pays en transition Petits pays économiquement et structurellement faibles et vulnérables(1) Pays les moins avancés Pays en développement sans littoral Petits États insulaires en développement Pour mémoire : part des flux d’IDE mondiaux en pourcentage Pays développés Pays en développement Afrique Asie de l’Est et du Sud-Est Asie du Sud Asie occidentale Amérique latine et Caraïbes Pays en transition Petits pays économiquement et structurellement faibles et vulnérables Pays les moins avancés Pays en développement sans littoral Petits États insulaires en développement Entrées d’IDE 2009 2010 2011 1 197,8 1 309,0 1 524,4 606,2 618,6 747,9 519,2 616,7 684,4 52,6 43,1 42,7 206,6 294,1 335,5 42,4 31,7 38,9 66,3 58,2 48,7 149,4 187,4 217,0 72,4 73,8 92,2 Sorties d’IDE 2009 2010 2011 1 175,1 1 451,4 1 694,4 857,8 989,6 1 237,5 268,5 400,1 383,8 3,2 7,0 3,5 176,6 243,0 239,9 16,4 13,6 15,2 17,9 16,4 25,4 54,3 119,9 99,7 48,8 61,6 73,1 45,2 42,2 46,7 5,0 11,5 9,2 18,3 28,0 4,4 16,9 28,2 4,2 15,0 34,8 4,1 1,1 4,0 0,3 3,1 9,3 0,3 3,3 6,5 0,6 50,6 43,3 4,4 17,2 3,5 5,5 12,5 6,0 47,3 47,1 3,3 22,5 2,4 4,4 14,3 5,6 49,1 44,9 2,8 22,0 2,6 3,2 14,2 6,0 73,0 22,8 0,3 15,0 1,4 1,5 4,6 4,2 68,2 27,6 0,5 16,7 0,9 1,1 8,3 4,2 73,0 22,6 0,2 14,2 0,9 1,5 5,9 4,3 3,8 3,2 3,1 0,4 0,8 0,5 1,5 2,3 0,4 1,3 2,2 0,3 1,0 2,3 0,3 0,1 0,3 0,0 0,2 0,6 0,0 0,2 0,4 0,0 1) Sans double comptage. Source : CNUCED, World Investment Report 2012. proportions limitées. Les pays les plus pauvres continuent à voir régresser les IDE, les flux vers les pays les moins avancés (PMA) reculant de 11 % à 15 milliards de dollars. Tout semble indiquer que les pays en développement et en transition continueront de suivre le rythme de croissance de l’IDE mondial à moyen terme. Les cadres dirigeants de STN ayant répondu à l’enquête WIPS de cette année ont inscrit six pays en développement et en transition parmi leurs dix premières destinations prospectives pour la période s’achevant en 2014, l’Indonésie gagnant deux rangs pour entrer pour la première fois parmi les cinq premières destinations (voir graphique 3). Les entrées d’IDE devraient croître à un rythme modéré en 2012 dans les trois catégories d’économies − développées, en développement et en transition (voir tableau 2). Parmi les régions en développement, l’Afrique se démarque compte tenu du redressement attendu des entrées. La croissance de l’IDE devrait être modérée en Asie (dont l’Asie de l’Est et du Sud-Est, l’Asie du Sud et l’Asie occidentale) et en Amérique latine. Les flux d’IDE vers les pays en transition devraient continuer leur progression en 2012 et dépasser le record de 2007 en 2014. BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER 2. Résumé des résultats économétriques des scénarios de référence à moyen terme pour les flux d’IDE, par région (En milliards de dollars) Région d’accueil Moyennes 2005- 20092007 2011 Flux d’IDE 1 473 mondiaux Pays développés 972 Union européenne 646 Amérique du Nord 253 Pays en 443 développement Afrique 40 Amérique latine 116 et Caraïbes Asie 286 Pays en transition 59 Projections 2009 2010 2011 2012 2013 2014 1 344 1 198 1 309 1 524 1 495–1 695 1 630–1 925 1 700–2 110 658 365 218 606 357 165 619 318 221 748 421 268 735–825 410–450 255–285 810–940 430–510 280–310 840–1 020 440–550 290–340 607 519 617 684 670–760 720–855 755–930 46 53 43 43 55–65 70–85 75–100 185 149 187 217 195–225 215–265 200–250 374 79 315 72 384 74 423 92 420–470 90–110 440–520 100–130 460–570 110–150 Source : CNUCED, World Investment Report 2012. Les pays développés à l’origine d’une progression des sorties d’IDE au niveau mondial L’IDE en provenance des pays développés a augmenté fortement en 2011 (+25 %) pour atteindre 1 240 milliards de dollars. Si les trois grands blocs de pays développés − Union européenne (UE), Amérique du Nord et Japon − ont contribué à cet accroissement, les facteurs dominants ont été différents pour chacun. L’IDE en provenance des États-Unis a été alimenté par un niveau record de bénéfices réinvestis (82 % du total des sorties totales d’IDE), du fait notamment que les STN ont cherché à tirer parti de leurs liquidités en devises. La hausse des flux d’IDE en provenance de l’UE a été tirée par les fusions-acquisitions internationales. L’appréciation du yen a amélioré le pouvoir d’achat des STN japonaises, entraînant un doublement de leurs sorties d’IDE, les achats nets par fusion-acquisition en Amérique du Nord et en Europe progressant de 132 %. 3. Les dix premières destinations économiques prospectives des STN pour 2012-2014 (En pourcentage des sondés choisissant le pays comme destination privilégiée) 1 Chine (1) 2 États-Unis (2) Pays développés 3 Inde (3) Pays en développement et en transition 4 Indonésie (6) 5 Brésil (4) 6 Australie (8) 6 Royaume-Uni (13) 8 Allemagne (8) 8 Fédération de Russie (5) 8 Thaïlande (12) 0 Note – Est indiqué entre parenthèses le classement de 2011. Source : CNUCED, World Investment Report 2012. 20 40 60 41 42 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 L’investissement direct à l’étranger des pays en développement a reculé à 384 milliards de dollars (-4 %) en 2011, même si leur part dans les sorties d’IDE est restée élevée au niveau mondial (23 %). Les flux en provenance d’Amérique latine et des Caraïbes ont diminué de 17 %, principalement du fait de rapatriements de capitaux dans la région (comptant comme sorties négatives), motivés en partie par des considérations financières (taux de change, différentiels de taux d’intérêts). Les flux en provenance d’Asie de l’Est et d’Asie du Sud-Est ont peu évolué dans l’ensemble (avec un recul de 9 % des flux en provenance d’Asie de l’Est), tandis que l’investissement direct à l’étranger en provenance d’Asie occidentale a sensiblement augmenté pour atteindre 25 milliards de dollars. Les fusions-acquisitions reprennent mais l’investissement de création domine Les fusions-acquisitions internationales ont progressé en 2011 de 53 % pour atteindre 526 milliards de dollars, sous l’effet d’un accroissement des mégatransactions − transactions d’une valeur supérieure à 3 milliards de dollars − dont le nombre est passé de 44 en 2010 à 62 en 2011. Cela s’explique à la fois par la valorisation des actifs boursiers et par la capacité financière accrue, chez les acheteurs, de mener ce type d’opérations. Les projets d’investissement de création, dont la valeur avait diminué deux années de suite, ont résisté en 2011 à 904 milliards de dollars. Les pays en développement et en transition ont continué d’accueillir plus des deux tiers de la valeur totale des investissements de création en 2011. Si l’accroissement des flux mondiaux d’IDE en 2011 a été alimenté en grande partie par les fusions-acquisitions internationales, la valeur totale des projets d’investissement de création reste sensiblement plus élevée que celle de ces dernières, comme c’est le cas depuis le début de la crise financière. Redressement de l’IDE dans les secteurs primaires et des services Les flux d’IDE ont augmenté dans les trois grands secteurs économiques (primaire, secondaire et tertiaire), d’après les données concernant les projets d’IDE (qui comprennent les fusions-acquisitions internationales et les investissements de création) (voir tableau 3). L’IDE dans le secteur des services a rebondi en 2011 après une forte chute en 2009 et 2010 pour s’établir à environ 570 milliards de dollars. L’investissement dans le secteur primaire a aussi inversé la tendance négative des deux années précédentes en atteignant 200 milliards de dollars. La part des deux secteurs a légèrement augmenté au détriment du secteur secondaire. Les cinq branches d’activité principales qui ont contribué à l’augmentation des projets d’IDE sont les industries extractives (secteur minier et pétrole), les produits chimiques, les services de distribution (électricité, gaz et eau), les transports et les communications, et divers services (en grande partie les services liés à l’exploitation pétrolière et gazière). 3. Répartition sectorielle des projets d’IDE (En milliards de dollars et en pourcentage) Valeur Année Part Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Moyenne 2005-2007 130 670 820 8 41 50 2008 230 980 1 130 10 42 48 2009 170 510 630 13 39 49 2010 140 620 490 11 50 39 2011 200 660 570 14 46 40 Source : CNUCED, World Investment Report 2012. BILAN DE L'ÉCONOMIE MONDIALE 2012 DOSSIER Les fonds souverains montrent leur potentiel en matière d’investissement au service du développement Par rapport au montant des fonds gérés par ces institutions, soit près de 5 000 milliards de dollars, l’IDE réalisé par les fonds souverains reste assez limité. En 2011, leur IDE cumulé a atteint un montant estimé à 125 milliards de dollars, dont plus du quart réalisé dans des pays en développement. Toutefois, compte tenu de leur conception de l’investissement, fondée sur le long terme et des considérations stratégiques, les fonds souverains apparaissent bien placés pour investir dans les secteurs productifs des pays en développement, en particulier des PMA. Ils ont la dimension voulue pour pouvoir investir dans le développement des infrastructures et l’amélioration de la productivité agricole – ce qui est indispensable au développement économique de bon nombre de PMA − ainsi que dans le développement industriel, notamment la création d’industries de croissance verte. Pour développer leurs investissements dans ces domaines, les fonds souverains peuvent œuvrer en partenariat avec les gouvernements des pays d’accueil, les institutions de financement du développement et d’autres investisseurs du secteur privé susceptibles d’apporter aux projets des compétences techniques et de gestion. Les STN hésitent encore à investir leurs liquidités, qui atteignent un niveau record L’activité économique des filiales étrangères a augmenté en 2011 pour tous les grands indicateurs de la production internationale 4. Choix d’indicateurs de l’IDE et de la production internationale, 1990-2011 Valeur aux prix courants (en milliards de dollars) Indicateur Entrées d’IDE Sorties d’IDE Stock d’investissement direct en provenance de l’étranger Stock d’investissement direct à l’étranger Revenus des IDE entrants Taux de rentabilité Revenus des IDE sortants Taux de rentabilité Fusions-acquisitions internationales Chiffre d’affaires des filiales étrangères Valeur ajoutée (produit) des filiales étrangères Montant total des actifs des filiales étrangères Exportations des filiales étrangères Emploi des filiales étrangères (en milliers) Pour mémoire : PIB Formation brute de capital fixe Redevances et droits de licence perçus Exportations de biens et services Source : CNUCED. 1990 207 241 Valeur moyenne avant la crise (2005-2007) 1 473 1 501 2009 2010 2011 1 198 1 175 1 309 1 451 1 524 1 694 2 081 14 588 18 041 19 907 20 438 2 093 15 812 19 326 20 865 21 168 75 4,2 122 6,1 99 5 102 1 020 7,3 1 100 7,2 703 20 656 960 5,6 1 049 5,6 250 23 866 1 178 6,3 1 278 6,4 344 25 622 1 359 7,1 1 470 7,3 526 27 877 1 018 4 949 6 392 6 560 7 183 4 599 43 623 74 910 75 609 82 131 1 498 5 003 5 060 6 267 7 358 21 458 51 593 59 877 63 903 69 065 22 206 5 109 29 4 382 50 411 11 208 156 15 008 57 920 12 735 200 15 196 63 075 13 940 218 18 821 69 660 15 770 242 22 095 43 44 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 (voir tableau 4). Pendant l’année, les filiales étrangères ont employé, d’après les estimations, 69 millions de salariés, qui ont créé 28 000 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 7 000 milliards de valeur ajoutée. Les données issues de l’enquête annuelle de la CNUCED auprès des cent plus importantes STN confirment la tendance générale à la hausse de la production internationale, le chiffre d’affaires et le nombre de salariés de ces entreprises affichant une croissance sensiblement plus dynamique à l’étranger que dans leur pays d’origine. En dépit de la progression de la production internationale des STN, leurs niveaux records de liquidités ne se sont pas traduits pour l’instant par une augmentation durable de leurs investissements. D’après les estimations de la CNUCED, les liquidités ont atteint plus de 5 000 milliards de dollars, y compris les bénéfices conservés à l’étranger. Les données concernant les cent plus importantes STN montrent que celles-ci, pendant la crise financière, ont réduit leurs investissements dans des actifs productifs et des acquisitions (en particulier à l’étranger) pour privilégier la détention de liquidités. Le niveau des liquidités pour ces seules cent sociétés a atteint en 2010 le montant record de 1 030 milliards de dollars, comprenant, d’après les estimations, 166 milliards de dollars supplémentaires par rapport au montant moyen des liquidités avant la crise. Bien que, d’après les chiffres récents, l’investissement des STN dans des actifs productifs se redresse (12 % d’augmentation en 2011), les liquidités supplémentaires qu’elles détiennent − estimées à 105 milliards de dollars en 2011 − ne sont pas encore pleinement déployées. Un regain d’instabilité sur les marchés financiers internationaux continuerait de favoriser la détention de liquidités et d’autres emplois de celles-ci comme le versement de dividendes ou la réduction de l’endettement. Néanmoins, si la situation s’améliore, la « surabondance » actuelle de liquidités pourrait alimenter une poussée future importante de l’IDE. En rapportant les données concernant les cent principales STN au montant total, estimé à 5 000 milliards de dollars, des liquidités détenues par ces sociétés, on observe que plus de 500 milliards de dollars seraient susceptibles d’être investis, soit environ un tiers des flux d’IDE mondiaux. Rapp ppor ortt sur l’invest l’investissement issement dans le monde 2012 Le texte est extrait de la synthèse du rapport (Vue d’ensemble) Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) Palais des Nations CH-1211 Genève Suisse Tél. : + (41) 22 917 12 34 www.unctad.or www .unctad.org/wir g/wir ‘‘ pour en savoir plus Ouvrages, Rapports, Conférences et articles Sur le Web une sélection de quelques sites > Badie B. et al. (2012), La cassure : L’état du monde 2013, Éditions La Découverte, 20 septembre. > Boniface B. (2012), L’Année stratégique 2013 : Analyse des enjeux internationaux, Armand Colin. > Bourguignon F. (2012), La mondialisation de l’inégalité, Seuil, 30 août. > Bost F. et al. (2012), Images économiques du monde 2013, Armand Colin, 21 septembre. > CEPII (2012), L’économie mondiale 2013, Repères, La Découverte, 8 septembre. > Chalmin P., sous la dir. de (2012), Les marchés mondiaux 2012, Cyclope, Économica, mai. > IFRI (2012), Ramses 2013. Gouverner aujourd’hui, Dunod. > Krugman P. (2012), Sortez-nous de cette crise…maintenant !, Flammarion, 5 septembre. www.imf.org Le site du Fonds monétaire international (FMI). www.banquemondiale.org Le site de la Banque mondiale. www.oecd.org Le site de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). www.wto.org Le site de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). www.bis.org Le site de la Banque des règlements internationaux (BRI). www.unctad.org Le site de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED). www.undp.org Le site du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). www.un.org/fr/millenniumgoals/ Le site de l’Organisation des nations unies (ONU) pour promouvoir les objectifs du Millénaire pour le développement. Ce que Problèmes économiques a publié récemment sur le sujet > N° 3046 (2012), – « Sept milliards d’hommes », dossier. > N° 3044 (2012), – « Vingt ans de développement durable », dossier. > N° 3038 (2012), – « Mondialisation, un mythe ? », dossier. > N° 3032 (2011), – « Libre-échange ou protectionnisme », dossier. 46 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 LA CRISE ALIMENTAIRE EN MÉDITERRANÉE Revue Tiers Monde | EUGINIA FERRAGINA ET DÉSIRÉE A. L. QUAGLIAROTTI Problèmes économiques > Les systèmes agraires des pays du sud et de l’est de la Méditerranée (PSEM) souffrent de faiblesses structurelles, surtout face au voisin européen dont l’agriculture est très moderne. Le changement climatique accentue les difficultés des PSEM car la baisse des ressources hydriques pénalise la production agricole. La crise alimentaire qui frappe ces derniers s’explique par plusieurs facteurs : les dynamiques démographiques générant une importante demande en produits alimentaires, les modes de consommation qui connaissent une forte mutation et, enfin, la dépendance de la sécurité alimentaire à l’égard des importations de produits de base. L a crise alimentaire en Méditerranée est devenue un problème prioritaire au cours des dernières années suite à la flambée des prix des denrées alimentaires qui sévit depuis 2006. Les premiers signes de cette crise étaient pourtant déjà visibles dans cette région en raison des différentes trajectoires de développement adoptées par le secteur agricole sur les deux rives du bassin. Après la Seconde Guerre mondiale, l’agriculture du versant européen a subi une série de transformations du fait, entre autres, de la Politique agricole commune (PAC), lesquelles ont permis aux pays européens de réaliser des excédents agricoles et d’accroître leurs exportations sur les marchés internationaux. En revanche, sur le versant africain et asiatique de la Méditerranée, les systèmes agraires conservent une faiblesse structurelle, en grande partie liée à des contraintes naturelles, telles que la rareté des précipitations et la nature des sols. La croissance démographique durant les dernières décennies a renforcé le déséquilibre entre la population et les ressources disponibles, amplifiant ainsi l’impact humain sur l’environnement : la baisse des rendements agricoles, à cause de la mise en culture de zones marginales, la perte de terres cultivables et l’épuisement des ressources en eau ont contribué à la diminution de la production agricole, ce qui a eu pour conséquence d’accroître la dépendance à LA CRISE ALIMENTAIRE EN MÉDITERRANÉE l’égard du marché international. Parallèlement, les effets du réchauffement global ont accentué les aléas climatiques typiques des régions arides ou semi-arides qui, eux-mêmes, ont aggravé les crises alimentaires. L’augmentation des prix des denrées alimentaires de base enregistrée ces dernières années sur les marchés internationaux a donc particulièrement touché les pays des rives sud et est de la Méditerranée (PSEM), mettant ainsi en péril les équilibres économiques et politiques de cette région. On constate aujourd’hui la nécessité de réformer l’agriculture des PSEM à travers une plus grande coopération euroméditerranéenne, afin que ce secteur devienne un moteur de développement, un élément de rééquilibrage territorial et d’intégration entre les deux rives du bassin[1]. La crise alimentaire en Méditerranée Quand on analyse les causes de l’actuelle crise alimentaire mondiale et ses effets dans la zone méditerranéenne, on ne peut pas ignorer les changements climatiques, qui ont une influence déterminante, tant sur les ressources en eau que sur les rendements agricoles (Mombiela, 2010). La Méditerranée, tout comme le reste de la planète, a depuis toujours subi des changements de grande ampleur et le processus de hausse de la température atmosphérique a débuté il y a environ 20 000 ans. Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, on assiste à une accélération liée à la combustion générée par les systèmes de transport et par la production industrielle. Les processus de combustion ont entraîné une accumulation d’émissions de gaz à effet de serre dans la troposphère, empêchant la chaleur réfléchie par la surface de la terre de se dissiper dans l’atmosphère (Società Geografica Italiana, 2005, p. 29). La rapidité avec laquelle les conditions climatiques ont changé au siècle dernier et l’absence de stratégie pour faire face aux changements en cours, ont aggravé l’impact sur l’homme et sur l’environnement (Osservatorio 1 Les pays des rives sud et est de la Méditerranée seront aussi qualifiés dans cet article de « versant africain et asiatique de la Méditerranée » ou encore d’« Afrique du Nord et Moyen-Orient ». permanente sul sistema agroalimentare dei paesi del Mediterraneo, 2009). Aspects environnementaux Au XXe siècle, la température de la Méditerranée a subi une hausse comprise entre 1,5 °C et 4 °C avec des pointes qui ont principalement concerné le sud-ouest de l’Europe (Péninsule ibérique et France méridionale) et l’Afrique du Nord à partir des années 1970. Cette hausse des températures a eu des effets divers sur le climat du bassin. Tandis qu’une partie des zones côtières et des territoires insulaires était exposée à un excès de précipitations entraînant de graves inondations et un déséquilibre hydrogéologique, le versant africain et asiatique et de larges zones du versant septentrional du bassin – depuis le Mezzogiorno italien jusqu’à une grande partie du littoral ibérique – enregistraient une “ Au XXe siècle, la température de la Méditerranée a subi une hausse comprise entre 1,5 °C et 4 °C ” baisse des précipitations et des phénomènes de sécheresse et de désertification. Ces différences entre les deux rives sont dues au changement climatique qui provoque des variations saisonnières dans les zones de haute et de basse pressions, et modifie ainsi les trajectoires des cyclones importants. Il s’en est suivi une augmentation des précipitations dans certaines régions en raison de la présence d’une grande masse d’air humide alors que, dans d’autres, des périodes de haute pression, c’est-à-dire anticycloniques, conduisent à une raréfaction des pluies. L’analyse des données révèle une forte baisse des précipitations dans tous les pays du bassin entre la première moitié des années 1960 et la fin du siècle. En ce qui concerne les prévisions relatives au changement climatique pour le siècle prochain, de nombreux éléments d’incertitude demeurent en raison de la difficulté à mesurer les interactions et les influences réciproques entre la surface terrestre et la biosphère bien que de nombreuses études – parmi lesquelles celles de l’International Panel on Climatic 47 48 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 Change (IPCC) – semblent concorder sur certains points fondamentaux : – au cours des prochaines décennies la température en Méditerranée est destinée à augmenter de plus de 2 °C. Étant donné les conditions agro-climatiques et socioéconomiques de la région, cette hausse y renforcera les effets du changement climatique plus que dans d’autres régions ; – l’augmentation de la température entraînera une baisse des précipitations dans le bassin méditerranéen ; – les zones les plus touchées par ces phénomènes seront les régions d’Afrique du Nord situées à la limite des déserts, les deltas des grands fleuves (Nil, Pô, Rhône), les zones littorales de la Méditerranée et les zones urbaines à forte densité de population sur les rives sud et est du bassin (Ferragina, Quagliarotti, 2006). Le changement climatique en cours affecte l’état des ressources naturelles et les activités économiques qui en dépendent. La diminution des précipitations et l’augmentation de l’évapotranspiration liée à la hausse de la température ont provoqué de 1988 à 1992, mais également de 2003 à 2007, une baisse des ressources en eau renouvelables par habitant dans tous les pays méditerranéens, excepté en Albanie. La réduction de la disponibilité en eau a particulièrement compromis l’agriculture dans les pays arabes méditerranéens, qui absorbe 70 % des ressources en eau. Cet important volume d’eau utilisé à des fins agricoles est en partie dicté par les contextes agro-climatiques de la région, mais avant tout par l’incapacité à rendre plus efficaces les systèmes d’irrigation et à agir sur la demande à travers une tarification de l’eau utilisée dans l’agriculture. Dans les pays situés sur les versants africain et asiatique de la Méditerranée, on enregistre un taux élevé de superficies irriguées par rapport à la superficie totale cultivée : il est de 100 % en Égypte, 40 % en Israël, 32 % au Liban et 27 % en Jordanie, alors qu’il est beaucoup plus faible en Afrique du Nord. L’importance de l’irrigation est liée aux transformations du secteur agricole au cours des dernières décennies. Dans de nombreux pays, la mise en œuvre de grands projets a entraîné la création d’exploitations agricoles de type capitaliste concentrées à l’intérieur des nouveaux périmètres irrigués et principalement tournées vers l’exportation. Le renforcement de l’agriculture intensive s’est accompagné d’une réduction des terres cultivées en sec à cause de l’absence de politiques de soutien de la part de l’État (Ferragina, Quagliarotti, 2008b). En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, les niveaux élevés de consommation d’eau à usage agricole associés à une forte croissance démographique ont intensifié la pression humaine sur les ressources (Margat, 2009). En Europe méditerranéenne et dans les Balkans, l’indice d’exploitation des ressources en eau apparaît encore globalement modéré malgré quelques pointes plus élevées en Espagne (33 %), en Macédoine (25 %) et en Italie (22 %) [2]. En Espagne comme en Italie, les taux d’exploitation plus élevés s’accompagnent d’une “ L’eau est le lien majeur entre réchauffement progressif de la planète et insécurité alimentaire ” forte allocation en eau au secteur agricole – respectivement 68 % et 45 % – et d’un plus grand pourcentage de superficies irriguées – 20,6 % pour l’Espagne et 25,8 % pour l’Italie. En revanche, on enregistre en Méditerranée méridionale et orientale des taux d’exploitation avoisinant, voire dépassant, les 100 % : 161 % sur le territoire palestinien de Gaza, 100 % en Jordanie, 95 % en Égypte, 95 % en Syrie, 80 % en Israël et 77 % en Libye. L’eau est le lien majeur entre réchauffement progressif de la planète et insécurité alimentaire[3]. Concernant les rives sud et est de la Méditerranée, il est donc possible d’envisager une corrélation entre le niveau des précipitations, les ressources en eau et les rendements agricoles (Plan Bleu, 2009). Outre 2 L’indice d’exploitation est le rapport entre les prélèvements et les ressources en eau renouvelables. Un indice supérieur à 100 indique une exploitation de toutes les ressources en eau renouvelables du pays mais aussi l’utilisation des ressources non renouvelables (prélèvement d’eau des nappes souterraines dépassant leur taux de recharge mais également des nappes fossiles). 3 Le changement climatique a pour effet de réduire progressivement les capacités de stockage en eau des sols agricoles car l’augmentation des températures les rend plus poreux et plus arides, avec pour conséquence un risque accru de désertification. LA CRISE ALIMENTAIRE EN MÉDITERRANÉE les aspects environnementaux, la crise alimentaire sur le versant africain et asiatique de la Méditerranée est également le résultat des échanges commerciaux qui se sont développés avec l’Europe pendant la période postcoloniale, donnant aux produits agricoles une place prépondérante dans les échanges entre les deux rives du bassin. Dynamiques commerciales L’Europe s’est toujours intéressée aux marchés des rives sud et est du bassin tout en veillant à protéger les agriculteurs européens contre la concurrence de ces régions. La Politique agricole commune menée dans les années 1970 a créé un système de soutien des prix agricoles qui a permis à la production européenne de devenir extrêmement compétitive. Il s’en est suivi une hausse des exportations européennes de céréales, de viande et de produits laitiers vers les pays situés sur le versant africain et asiatique de la Méditerranée, ce qui a pénalisé les productions locales. En Turquie, en Égypte ou au Maroc, ce changement se traduit par une très faible augmentation de la superficie des terres destinées à la culture de céréales et, dans d’autres pays (Syrie, Tunisie, Algérie), on assiste même à une baisse des surfaces cultivées malgré le fort accroissement de la population dans ces régions. La présence de céréales sur le marché international à des tarifs compétitifs par rapport à la production locale a favorisé une modification de la demande intérieure qui s’est de plus en plus tournée vers le blé au détriment d’autres cultures, mieux adaptées aux conditions agroclimatiques des zones arides et moins exigeantes en eau, comme le mil, l’avoine ou le sorgho. Il en a résulté une hausse des importations de céréales et une aggravation du déficit agroalimentaire qui a notamment touché les pays connaissant une forte croissance démographique, comme l’Égypte et l’Algérie. Les politiques néo-libérales mises en œuvre à partir des années 1980 ont contribué au déclenchement de la crise alimentaire qui touche actuellement la Méditerranée. Dans les pays d’Afrique du Nord et du MoyenOrient, les mesures prises en faveur d’une libéralisation progressive des échanges commerciaux ont été adoptées dans le cadre des Plans d‘ajustement structurel imposés par la Banque mondiale et par le Fonds monétaire international suite à l’explosion de la crise de la dette. Au cours de la seconde moitié des années 1990, une impulsion supplémentaire a été donnée à la libéralisation des échanges avec le lancement à Barcelone d’une politique de partenariat visant la création en 2010 d’une zone de libre-échange en Méditerranée. Les stratégies de développement proposées aux pays partenaires méditerranéens en matière agricole consistaient à libéraliser les échanges et à accroître la production destinée à l’exportation. Ces politiques ont encouragé une agriculture de type intensif et privilégié les grandes exploitations capitalistes au détriment des petites et moyennes consacrées à répondre à la demande intérieure[4]. La libéralisation des échanges a surtout avantagé les exportations agricoles des pays industrialisés et, dans une moindre mesure, celles des pays des rives sud et est du bassin (Gallina, 2005). C’est pourquoi, dans certains pays du versant africain et asiatique de la Méditerranée, la capacité des populations à subvenir à leurs propres besoins alimentaires a été fortement compromise par l’augmentation des prix mondiaux des céréales. Les conséquences socio-économiques de la crise alimentaire Le lien existant entre les prix et la sécurité alimentaire dans les pays de la rive africaine et asiatique de la Méditerranée est très complexe car, dans cette région, l’augmentation des prix n’est pas la seule cause de l’insécurité alimentaire. La crise alimentaire est le résultat de différents facteurs locaux tels que les dynamiques démographiques qui génèrent une forte demande de denrées alimentaires, les contraintes agro-climatiques qui limitent la production agricole et font dépendre la sécurité alimentaire des importations de produits de base, les dépenses en denrées alimentaires qui pèsent plus lourdement sur les bas revenus, 4 Ces politiques ont eu de graves conséquences environnementales car elles ont favorisé une agriculture irriguée destinée à la production de cultures très gourmandes en eau. Il en a résulté une exportation d’eau virtuelle, à savoir une exportation de produits agricoles dont la culture demande de très gros volumes d’une ressource de plus en plus rare (Allan, 2003, p. 4 à 11). 49 50 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 les modes de consommation qui connaissent une forte mutation, les choix économiques des gouvernements qui s’inspirent plus du principe d’efficacité économique que de celui d’équité sociale. Face à une croissance démographique encore forte, la production céréalière s’est maintenue en dessous de la moyenne mondiale, ce qui a eu pour effet de créer un écart grandissant entre l’offre et la demande. La crise alimentaire a redonné à l’agriculture son rôle stratégique sur le plan tant économique que politique au sein de la région, rôle qu’elle n’a par ailleurs jamais totalement perdu. En effet, l’agriculture représente un poids important dans la structure productive de nombreux pays arabes, à la fois en termes de contribution au PIB et d’emplois, notamment en Syrie (18 % et 26 %), en Égypte (14 % et 31 %) et au Maroc (16 % et 33 %). Le rôle de l’agriculture est également fondamental comme frein à l’exode rural et à l’urbanisation mais aussi comme instrument de rééquilibrage territorial (CIHEAM, 2009). Environ un tiers de la population du bassin vit encore en zone rurale et si cette population rurale reste stable en Afrique du Nord, elle continue de croître au Moyen-Orient (Ferragina, Quagliarotti, 2009). La production agricole représente une part importante des échanges commerciaux euroméditerranéens. La libéralisation du commerce à laquelle l’Europe a donné l’impulsion avec la Politique de partenariat a conduit à un système d’échanges asymétrique entre les deux rives du bassin. En choisissant une ouverture progressive de son propre marché aux 1. Demande et offre de céréales dans les pays arabes 2000-2030 en millions de tonnes 160 Demande produits agricoles provenant des PSEM, l’Europe a maintenu un système de quotas et de calendriers d’exportation qui ont protégé les secteurs de l’agriculture européenne les plus sensibles à la concurrence des pays partenaires. En revanche, suite à la réduction des barrières tarifaires, les PSEM ont vu augmenter leur dépendance vis-à-vis des importations européennes de produits céréaliers, laitiers et d’élevage. L’Europe fournit une part considérable des importations agroalimentaires des pays des rives sud et est du bassin, même si les importations en provenance des États-Unis, du Canada, de la Chine et du Brésil se sont accrues ces dernières années. “ La crise alimentaire a redonné à l’agriculture son rôle stratégique sur le plan tant économique que politique au sein de la région ” Ainsi, depuis les années 1960, on assiste à une dégradation de la balance agroalimentaire des pays du versant africain et asiatique de la Méditerranée, surtout en ce qui concerne les céréales. Une série chronologique relative à la balance agricole laisse apparaître le passage d’un léger excédent, en 1962 et 1970, à un fort déficit en 1980, lequel a continué de s’accentuer au cours de la période suivante. Depuis les années 1980, les pays d’Afrique du Nord voient leurs importations de céréales considérablement augmenter. Le Maroc, 2. Balance agricole des pays arabes de la Méditerranée, 1962-2004 (millions de dollars à prix courants) 2000 0 120 223 223 – 2 000 80 Production – 4 000 – 5 645 – 6 000 40 0 2000 – 6 532 – 7 537 – 8 000 – 10 000 2010 Source : World Bank, 2009. 2020 2030 – 8 552 1962 1970 1980 1991 2001 Source : Élaboré à partir des données CIHEAM, 2008. – 9 116 2003 2004 LA CRISE ALIMENTAIRE EN MÉDITERRANÉE 3. Le commerce mondial des céréales en millions de tonnes (MT) + 21 Ex-Union soviétique + 105,4 Amérique du Nord – 46,9 Asie Europe – 11,6 – 58,2 – 26,9 Amérique latine + 8 et Caraïbes Pays Arabes Afrique subsaharienne + 9,1 – Exportations nettes + Importations nettes Océanie Source : World Bank, 2009. l’Algérie et la Tunisie absorbent à eux seuls 8 % des importations mondiales de céréales bien qu’ils ne représentent que 1 % de la population mondiale. Les pays arabes de la Méditerranée sont les plus gros importateurs nets de céréales au niveau mondial. La hausse du prix des matières premières agricoles a contribué à accroître l’inflation, amplifiant dans le même temps les conflits sociaux et provoquant des déstabilisations politiques, comme en témoignent les récents événements politiques en Tunisie et en Égypte. Un autre aspect fondamental de la crise alimentaire est le changement des habitudes alimentaires et des modes de vie de la population mondiale. Ces dernières années, les pays dont le poids démographique est énorme, comme la Chine et l’Inde, ont modifié leur régime alimentaire traditionnel basé principalement sur les protéines végétales en s’orientant vers un modèle occidental dans lequel les protéines animales occupent une place prépondérante. La production d’aliments d’origine animale requiert une étendue de terres cultivables dix fois supérieure à la superficie destinée à la production d’aliments d’origine végétale[5]. Un processus de changement des habitudes alimentaires est également en cours dans les pays du versant africain et asiatique de la Méditerranée où on assiste depuis quelques années à une baisse de la vente au détail d’aliments frais traditionnels et à une augmentation du chiffre d’affaires des grands centres commerciaux – souvent étrangers – qui vendent les produits de l’industrie agroalimentaire. Dans les centres urbains, non seulement de nouvelles formes de distribution s’affirment de plus en plus, mais elles s’accompagnent aussi de nouveaux modes de consommation. D’un point de vue macroéconomique, la hausse des prix des produits alimentaires de base (céréales, maïs et riz), intervenue entre 2007 et 2008, a engendré une inflation dans les PSEM, comme en témoigne une augmentation des prix à la consommation des 5 Au niveau mondial, 38 % de la production céréalière et 90 % de celle de soja sont consacrés à l’alimentation animale. 51 52 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 denrées alimentaires bien supérieure à celle d’autres types de produits. Les révoltes du pain dans certains pays arabes et le risque de déstabilisation politique que cela représentait ont entraîné une augmentation du montant des subventions alimentaires de la part de l’État. Celle-ci grève le budget de l’État et réduit ses moyens d’intervention dans d’autres domaines fondamentaux, tels que la santé et l’éducation. En ce qui concerne l’impact de la hausse des prix agricoles sur les conditions de vie de la population, il est évident que les pays les plus touchés par la crise alimentaire sont ceux qui sont les plus pauvres. L’Égypte, l’Algérie et le Maroc, où la proportion de la population vivant avec moins de deux dollars par jour est la plus élevée, sont également les pays qui présentent les pourcentages les plus forts de population sous-alimentée[6]. Si l’on compare les périodes 1990-1992 et 2002-2004, on remarque que la proportion de population souffrant de sousalimentation s’est accrue dans tous les pays considérés, excepté en Syrie et au Koweït. Les statistiques nationales ne permettent pas d’identifier des groupes sociaux plus particulièrement exposés à la faim. D’après le Programme alimentaire mondial (PAM), la sous-alimentation touche surtout la population vivant en zone rurale, notamment les employés agricoles ou les propriétaires de petites parcelles qui ne peuvent pas subvenir aux besoins alimentaires de leur foyer. Il existe une corrélation évidente entre sous-nutrition et niveau d‘instruction. La proportion la plus importante de familles ne pouvant pas subvenir à leurs besoins alimentaires est majoritairement composée d’analphabètes ou de personnes dont le niveau d’instruction est extrêmement bas (Arab Human Development Report, 2009). La forte exposition de la population pauvre à la crise alimentaire est liée au fait que plus le revenu est faible, plus la part de budget consacrée à l’achat de denrées alimentaires est importante. Dans les pays arabes, entre 35 % et 65 % du revenu familial est consacré à l’alimentation. C’est pourquoi la hausse des prix des denrées alimentaires de base touche 6 Autour de 25 millions de personnes vivant dans les pays arabes, à savoir 10 % de la population totale, souffrent de malnutrition. 4. Indice des prix à la consommation (IPC) (Variation annuelle en pourcentage 2006-2007) Yémen Syrie Égypte Djibouti Jordanie Liban Algérie Koweït Maroc Irak 0 Indice des produits alimentaires Indice global 5 10 15 20 25 Source : World Bank, 2008. surtout la couche de la population la plus démunie et aggrave les niveaux de pauvreté et de malnutrition (World Bank, 2009). Un quart de la population des pays arabes est pauvre, 76 % de celle-ci étant en zone “ Il existe une corrélation évidente entre sous-nutrition et niveau d‘instruction ” rurale. La hausse des prix des produits agricoles touche plus durement les populations pauvres vivant en zone urbaine, car en zone rurale les taux d’autoconsommation de produits agricoles[7] sont plus élevés. En théorie, la hausse des prix des produits agricoles devrait contribuer à améliorer les conditions de vie des agriculteurs, mais les bienfaits sont inégalement distribués au sein du monde rural. Ce sont surtout les grandes exploitations qui en tirent avantage en produisant à la fois pour le marché intérieur et pour le marché international. La hausse des prix n’avantage pas les propriétaires de petites parcelles qui ne réussissent parfois pas à subvenir à leurs propres besoins en nourriture et sont partiellement dépendants du marché, tandis que les employés agricoles sont consommateurs nets de denrées alimentaires. 7 En zone rurale, les familles pauvres sont souvent des familles d’agriculteurs qui pourraient bénéficier de la hausse des prix des produits agricoles. En réalité, le faible pouvoir de négociation des petits propriétaires limite les retombées positives sur leur revenu. LA CRISE ALIMENTAIRE EN MÉDITERRANÉE Pauvreté en zones urbaines et rurales Pays Égypte Cisjordanie et Gaza Jordanie Syrie Algérie Maroc Tunisie Pauvreté en zone urbaine (%) Pauvreté en zone rurale (%) 10 21 12 8 10 5 2 27 55 19 15 15 15 8 Population pauvre vivant en zone rurale (%) 78 67 29 62 52 58 75 Source : World Bank, 2009. Compte tenu du développement humain global, la hausse des prix agricoles a incontestablement une incidence sur les niveaux nutritionnels, sur la composition des consommations, sur les niveaux d’instruction et sur la santé des familles. En effet, l’augmentation des prix des denrées alimentaires peut entraîner une modification du régime alimentaire en faveur d’aliments moins coûteux, moins nutritifs et moins variés, mais peut aussi conduire à réduire les dépenses familiales pour la santé et pour l’éducation des enfants, ce qui peut avoir à long terme des conséquences négatives sur le capital humain, lequel représente une des ressources fondamentales pour le développement. L’incidence des consommations alimentaires sur le budget familial nous amène à tirer des conclusions à propos des conséquences dramatiques de la crise alimentaire sur le développement économique des pays méditerranéens. Les dynamiques salariales sont fortement influencées par la situation des prix des denrées alimentaires de base. En effet, l’augmentation des prix des produits de première nécessité se traduit par une hausse des salaires et aboutit par conséquent à une réduction de la compétitivité en matière de production manufacturière des PSEM sur les marchés internationaux, précisément au moment où cette compétitivité est exposée à la concurrence croissante des pays émergents d’Asie du Sud-Est. À long terme, l’augmentation des prix des produits agricoles peut représenter une opportunité pour l’agriculture méditerranéenne dans la mesure où elle peut contribuer à sa relance et jouer un rôle clé dans la réduction de la pauvreté et dans la défense de l’environnement. Tout cela nécessite cependant une série d’interventions structurelles dans le secteur agricole pour renforcer le pouvoir économique et décisionnel des petits propriétaires terriens. Ces interventions pourraient aller de l’amélioration des systèmes d’irrigation à la distribution de fertilisants et de pesticides aux agriculteurs à des tarifs subventionnés, en passant par le renforcement du système de crédit pour aboutir à la création de structures efficaces en matière de stockage, de conservation et de conditionnement des produits agricoles. Revue Tiers Tiers Monde « LA FAIM À L’ÈRE DE L’ABONDANCE » L’article n’est pas reproduit dans son intégralité. N° 210, avril-juin 2012 45 bis, avenue de Belle Gabrielle 94736 Nogent sur Marne cedex Tél. : + 33 (0)1 43 94 72 26 [email protected] [email protected] www.ar www .armand-colin..com/r mand-colin..com/revues.php evues.php Euginia Ferragina et Désirée A. L. Quagliarotti sont chercheuses à l’Institut d’études sur les sociétés de la Méditerranée (ISSM), à Naples (Italie). 53 54 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 LA GOUVERNANCE FINANCIÈRE ET BUDGÉTAIRE EUROPÉENNE Chronique internationale de l’IRES | ANNIE JOLIVET ET CATHERINE SAUVIAT Problèmes économiques > La crise de la dette souveraine a révélé les insuffisances de l’Union économique et monétaire (UEM), en particulier l’absence d’un dispositif de gestion des crises et la défaillance des mécanismes de surveillance budgétaire en vigueur. Deux traités récents visent à répondre à ces défauts. Le premier porte création du Mécanisme européen de stabilité (MES) qui prendra, en 2013, le relais du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Le second est le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) dont l’objectif est de renforcer les règles et les contrôles des politiques budgétaires des pays de la zone euro. Ces deux traités s’inscrivent dans une logique précise : la solidarité financière établie de fait par le MES entre les pays membres de la zone euro repose sur le durcissement en parallèle de la discipline budgétaire auxquelles se soumettent désormais ces derniers. L e principe de solidarité financière que la création du Mécanisme européen de stabilité (MES) établit de fait entre les pays membres de la zone euro n’a pu être obtenu (et accepté par l’Allemagne) qu’à condition que la discipline économique et budgétaire des pays membres de l’Union européenne (UE) soit parallèlement durcie. Celle-ci l’a été en trois temps : d’abord avec la mise en place au 1er janvier 2011 du « semestre européen » qui autorise la Commission européenne à examiner les projets de budget nationaux, avant qu’ils ne soient débattus devant les parlements nationaux ; ensuite à travers le renforcement du Pacte de stabilité et de croissance (par un groupe de cinq règlements et une directive, dit « Six Pack ») décidé en octobre 2011 ; enfin avec la signature de ce Pacte budgétaire à 25 obtenue cinq mois plus tard. Ce durcissement modifie-t-il substantiellement la gouvernance européenne en matière de surveillance des finances publiques ? Quels peuvent en être les effets ? De quelle solidarité financière s’agitil ? Est-elle suffisante en cas de défaut de paiement d’un pays ou de contagion de la crise des dettes souveraines ? La première partie de l’article s’attache à décrire les caractéristiques et principes de fonctionnement du nouveau dispositif de solidarité financière mis en place (Fonds européen de stabilité financière – FESF puis MES), à LA GOUVERNANCE FINANCIÈRE ET BUDGÉTAIRE EUROPÉENNE montrer en quoi il complète le Pacte budgétaire à 25 et à s’interroger sur le degré de solidarité financière qu’il implique. La seconde partie retrace l’évolution des règles de surveillance économique et budgétaire adoptées au fil des ans par les pays membres de l’Union économique et financière (UEM). Elle met en évidence les nouveautés introduites par le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), notamment la « règle d’or », ainsi que ses zones d’ombre ou d’incertitude, pour mieux en saisir les effets induits et les interrogations ou critiques qu’il suscite. La création d’une nouvelle institution financière européenne Lors de la construction de l’UEM, deux clauses ont été incluses dans le traité de Maastricht : une clause de non-monétisation directe de la dette publique par la Banque centrale européenne (BCE) et une clause de non-renflouement (dite aussi clause de nonsauvetage). La première interdit à la BCE (et aux banques centrales nationales) de financer directement les déficits budgétaires des États par l’octroi de crédits ou l’achat de titres publics. Le rôle de la BCE, voulu par l’Allemagne sur le modèle d’une Bundesbank indépendante de l’exécutif, s’est confiné à la surveillance de la stabilité des prix (inflation) principalement par le pilotage des taux d’intérêt directeurs. La seconde clause interdit à l’UE ou à tout État membre de prendre en charge les engagements budgétaires d’un autre État membre. Elle exclut donc la solidarité financière entre États, aucun n’étant garant de la dette des autres. La combinaison de ces deux clauses vise à répondre au risque qu’un pays laisse dériver sa dette et son déficit publics sans avoir à en assumer individuellement le coût (« aléa moral »)[1]. Fin 2009, le creusement des dettes publiques dans la zone euro survenu sous le double effet de la diminution des recettes fiscales et sociales et de la recapitalisation du secteur bancaire pour certains pays (conséquence de 1 Cette même crainte de faire payer le laxisme de certains pays de la zone euro par d’autres, plus rigoureux dans la gestion de leurs finances publiques, se retrouve à propos de la controverse existante sur la création d’un marché des euro-obligations (ou eurobonds). la crise des subprimes américaines) a provoqué une crise de confiance des investisseurs institutionnels. La crainte que certains pays fassent défaut (ou que leur dette soit restructurée), qu’elle soit fondée ou non, s’est traduite par une augmentation de la prime de risque (i.e. des taux d’intérêt) exigée par ces investisseurs à l’occasion des nouvelles émissions obligataires effectuées par les pays en question. Cette crise des dettes souveraines a immédiatement touché les banques qui détiennent beaucoup de titres publics, notamment de leur propre État, réduisant leur solvabilité, renchérissant leurs coûts de (re)financement et nécessitant dans certains cas leur recapitalisation pour compenser la baisse de la valeur de ces titres portée au passif de leur bilan. La BCE a alors été amenée à sortir, de manière pragmatique, de son rôle conventionnel. À partir du 14 mai 2010, à travers la mise en place d’un programme ad hoc (programme d’intervention sur les marchés obligataires européens ou Securities Market Programme), elle s’est mise à acheter des titres de la dette publique déjà émis par des pays que les marchés financiers ont pris pour cible (Grèce d’abord, puis Irlande, Espagne et Italie), dans le but d’enrayer la hausse des primes de risque qui leur sont appliquées[2]. Elle a également assoupli les conditions d’éligibilité des titres d’État détenus par les banques dans le cadre de leurs opérations de refinancement. La BCE n’ayant pas le mandat d’assurer la stabilité financière de la zone euro, le compromis trouvé dans l’urgence par les États membres de l’UEM a consisté à créer un mécanisme instituant une relative solidarité financière entre eux, sans aller toutefois jusqu’à la création d’un marché des euro-obligations qui aurait représenté une mutualisation plus forte des dettes publiques européennes. Du Fonds européen de stabilité financière… Le 9 mai 2010, c’est pour enrayer le risque de contagion de la crise des dettes souveraines à d’autres pays de la zone euro et pour aider à la recapitalisation des banques que le Conseil 2 Au 13 juillet 2012, la valeur cumulée des achats réalisés dans le cadre de ce programme s’élevait à 211,3 milliards d’euros : http:// www.ecb.int/mopo/implement/omo/html/index.en.html. 55 56 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 Ecofin[3] a décidé en urgence et à la suite du premier plan d’aide à la Grèce (110 milliards d’euros) de la création d’un mécanisme temporaire de soutien aux États membres de l’UEM se trouvant dans l’incapacité de se financer à moindre coût sur les marchés de capitaux : le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Il s’agit alors de financer avec l’aide du Fonds monétaire international (FMI) le plan d’aide à l’Irlande (novembre 2010). Ce dispositif, prévu initialement pour une durée de trois ans, a été doté d’une capacité financière de 440 milliards d’euros. Cette somme correspond au montant des capitaux qui peuvent être empruntés par le FESF sur les marchés financiers avec la garantie des dix-sept États membres de la zone euro (à l’exception de la garantie du pays assisté)[4]. Chaque pays y apporte une garantie proportionnelle à sa contribution au capital de la BCE ; il ne s’agit donc pas d’une garantie solidaire[5]. À cette capacité de prêt vient s’ajouter celle de l’UE pour 60 milliards d’euros via le Mécanisme européen de stabilité financière[6] (MESF), ce qui porte la capacité d’intervention de l’ensemble du dispositif européen à 500 milliards d’euros. Ces interventions peuvent se combiner avec celle du FMI (jusqu’à 250 milliards d’euros) et atteindre ainsi un total de 750 milliards d’euros. Dès janvier 2011, le FESF a mis en place un programme d’émissions d’obligations, dont la première tranche était destinée à l’Irlande. Avec le capital ainsi levé sur les marchés financiers auprès des investisseurs institutionnels, il a pu prêter aux États en difficulté à des taux en dessous du marché, sous réserve que ceux-ci acceptent des programmes d’ajustement macroéconomiques négociés avec la 3 Le Conseil pour les Affaires économiques et financières, communément appelé « Conseil Ecofin », rassemble les ministres de l’Économie et des Finances des 27 États membres, ainsi que les ministres compétents en matière de budget lorsque des questions budgétaires sont à l’ordre du jour. 4 Elle a été portée par amendement à 780 milliards d’euros le 18 octobre 2011. 5 L’Allemagne offre la garantie la plus importante (29,07 %), puis viennent la France (21,83 %), l’Italie (19,18 %), l’Espagne (12,75 %), les Pays-Bas (6,12 %), la Belgique (3,72 %)… et Malte pour finir (0,10 %). Ces garanties ne seront appelées que si l’un des pays assistés fait défaut sur sa dette. 6 Créé en même temps que le FESF le 9 mai 2010, le MESF est un programme de financement géré par la Commission européenne, qui lui permet d’emprunter sur les marchés avec la garantie du budget de l’UE pour venir en aide aux États membres de l’UE, sur autorisation du Conseil Ecofin. Commission européenne, la BCE et le FMI[7]. Le 9 juin 2012, l’Eurogroupe a proposé d’accorder en urgence un prêt jusqu’à 100 milliards d’euros à l’Espagne pour recapitaliser ses banques, une décision qui a été confirmée après la tenue fin juin du Conseil européen. Le FESF a donc dû assurer le déblocage d’une première tranche de 30 milliards d’euros fin juillet. Cette somme sera injectée par l’État espagnol dans les banques les plus fragiles, lequel devra se conformer aux recommandations de la Commission européenne, de la BCE et de l’Autorité bancaire européenne ainsi que du FMI, en matière de restructuration bancaire et autres réformes structurelles (taxe sur la valeur ajoutée – TVA, système de retraite, etc.). Au total, sur l’année 2011 et jusqu’à fin juillet 2012, 222 milliards d’euros ont d’ores et déjà été engagés par le FESF pour venir en aide à l’Irlande, au Portugal, à la Grèce et à l’Espagne (voir tableau 1). Ce fonds dispose donc encore d’une capacité financière autonome de 218 milliards d’euros pour continuer à financer les plans d’aide en cours de ces quatre États membres pour le reste de l’année 2012 jusqu’à mi-2013 et pour s’engager si nécessaire dans de nouvelles opérations de prêt jusqu’à ce terme. Par la suite, le nouveau MES, dont l’entrée en vigueur a été retardée, devrait procurer l’essentiel des besoins de financement des nouveaux programmes de prêts. Ensemble, ces dispositifs européens disposeront d’une force de frappe financière de 700 milliards d’euros pour faire face à la crise de la zone euro, combinée à une contribution additionnelle du Fonds monétaire international (FMI) de 182 milliards d’euros. Mais dès que le MES deviendra opérationnel, il devrait pourvoir à l’essentiel des aides. … au Mécanisme européen de stabilité Compte tenu de la gravité de la crise des dettes souveraines de la zone euro, le Conseil 7 Le Portugal, en contrepartie de son prêt, a dû accepter un gel des salaires dans le secteur public, une réforme du système d’indemnisation du chômage, et un programme ambitieux de privatisations (Pernot, 2011). Il en va de même pour l’Irlande, qui a dû accepter une restructuration de son système bancaire, et une réduction des salaires des employés du secteur public ainsi que du salaire minimum (cette dernière mesure ayant été annulée par le nouveau gouvernement après quatre mois d’application), engager une réforme du système des retraites, et réduire ses dépenses de santé et d’éducation, etc. (Delahaie, 2010 et 2012). LA GOUVERNANCE FINANCIÈRE ET BUDGÉTAIRE EUROPÉENNE 1. Prêts accordés aux États membres de la zone euro à fin juillet 2012 (en milliards d’euros) Prêts bilatéraux, zone euro Grèce 1er plan (2010-2013) FESF MESF 52,9 FMI Prêts bilatéraux, hors zone euro (R.-U., Danemark, Suède) 20 Total 72,9(1) Irlande (2010-2013) 17,7 (dont 12 déjà prêtés) 22,5 22,5 Portugal (2011-2014) 26 (dont 17,4 déjà prêtés) 26 26 78 Grèce 2e plan (2012-2015) 144,6(2) (dont 107,9 déjà prêtés) 28 172,6 Espagne (2012) Total 4,8 30 déjà prêtés 52,9 218,3 + 3,7 = 222 (3) 67,5 Jusqu’à 100 48,5 96,5 4,8 491 + 3,7(3) = 494,7 1) Le montant du premier plan d’aide à la Grèce était de 110 milliards d’euros ; le deuxième plan d’aide entré en vigueur en mars 2012 a remplacé ce premier plan d’aide et à fin juillet, 72,9 milliards d’euros avaient été déboursés. 2) En plus des 144,6 milliards d’euros, le FESF a apporté 35 milliards d’euros à un dispositif permettant à la BCE d’accepter des obligations grecques en collatéral. 3) Le FESF initial était doté d’une réserve de liquidités de 3,7 milliards d’euros, obtenue à partir de l’émission d’emprunts à court terme (3 et 6 mois). Source : D’après Fernandes et Rubio (2012), EFSF Newsletter n° 5, June 2012 et http://www.efsf.europa.eu/about/operations/index.htm. Ecofin a décidé le 9 mai 2010 de remplacer le dispositif provisoire qu’est le FESF par un mécanisme permanent. Lors du Conseil européen de décembre 2010, l’accord se fait sur l’ajout d’un amendement de deux lignes à l’article 136 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), plutôt que de soumettre ce traité à référendum et s’exposer ainsi au risque d’un refus par les citoyens des “ En tant que mécanisme permanent, le MES se distingue du FESF par sa structure institutionnelle : il s’agit d’une structure intergouvernementale relevant du droit public international ” États membres. L’amendement est voté au Parlement européen le 23 mars 2011, après son examen selon la procédure de révision simplifiée créée par le traité de Lisbonne. Celle-ci ne permettant pas d’accroître les pouvoirs de l’Union européenne, il est décidé lors du sommet européen de mars 2011 de signer un traité intergouvernemental séparé. Une première version est signée par les États membres de l’UEM le 11 juillet 2011, puis une deuxième le 2 février 2012. La mise en place du MES, prévue initialement le 1er juillet 2013 à l’expiration du FESF, a finalement été avancée au 1er juillet 2012, pour autant que des États membres représentant 90 % de son capital l’aient alors ratifié. Le Parlement français a été le premier à le faire fin février 2012, suivi par la Grèce, la Slovénie et la Pologne. À fin juillet 2012, douze pays auraient donc complètement ratifié le traité du MES. Pour d’autres, le processus de ratification est en cours, mais n’est pas totalement achevé. En tant que mécanisme permanent, le MES se distingue du FESF par sa structure institutionnelle : il s’agit d’une structure intergouvernementale relevant du droit public international, contrairement au FESF qui était régi par le droit luxembourgeois des sociétés. Cette institution financière européenne aura son siège au Luxembourg, comme le FESF. Elle sera dirigée par un conseil des gouverneurs, composé des ministres des Finances de chaque pays. Ceux-ci disposeront d’autant de voix que d’actions au capital de l’institution. Elle remplira le même rôle d’assistance financière aux États en 57 58 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 difficulté que le FESF, en instaurant une solidarité financière entre les États membres dont la monnaie est l’euro, quand l’un d’entre eux ne pourra plus emprunter sur les marchés, sauf à des taux prohibitifs, et mettra la stabilité financière de la zone euro en danger. L’exercice de cette solidarité sera néanmoins conditionné à partir du 1er mars 2013 à la ratification du TSCG par l’État membre concerné, au respect de ses règles et à la mise en œuvre des programmes de réformes. Contrairement au FESF qui doit lever tous les capitaux sur les marchés financiers avec la garantie des États pour pouvoir leur prêter, le MES disposera d’un capital propre initial de 80 milliards d’euros apporté par les États membres de l’UEM en cinq tranches de taille égale d’ici 2014[8], et de 620 milliards de garanties de leur part. Sa capacité financière totale ‘‘ Le MES disposera d’un capital propre initial de 80 milliards d’euros apporté par les États membres de l’UEM en cinq tranches de taille égale d’ici 2014, et de 620 milliards de garanties de leur part ’’ sera de 700 milliards d’euros et sa capacité initiale maximale de prêts est fixée à 500 milliards d’euros, montant appelé à être réévalué au moment de l’entrée en vigueur du traité. Fort de ces moyens, le MES pourra emprunter sur les marchés pour acheter soit des obligations d’État directement à un pays émetteur sur le marché primaire, soit des titres déjà émis sur le marché secondaire, ou bien encore pour prêter directement aux États demandeurs, mais en les assujettissant à un programme de redressement macroéconomique ou d’ajustement structurel négocié par la Commission, en lien avec la BCE. L’intervention du MES sera décidée en général à l’unanimité de ses membres. Il est cependant prévu une procédure d’urgence 8 Ce capital sera versé par chacun des dix-sept pays au prorata de leur souscription au capital de la BCE, corrigée pour tenir davantage compte du PIB par habitant de chacun par rapport à la moyenne de l’UE (27,15 % pour l’Allemagne, 20,39 % pour la France, 17,91 % pour l’Italie, 11,90 % pour l’Espagne, etc.). qui permet à une majorité qualifiée (les États représentant 85 % des parts détenues dans le capital du MES)[9] d’accorder une assistance financière. Le Parlement européen ne disposera d’aucun pouvoir de contrôle sur le MES, qu’il s’agisse de ses interventions qui relèvent de la décision des seuls ministres des Finances responsables devant leurs Parlements nationaux respectifs, ou des plans d’ajustement proposés par la troïka (BCE, Commission européenne et FMI). Ce dispositif, s’il constitue une avancée indéniable du point de vue de la solidarité financière entre États membres de la zone euro, voire au-delà, présente cependant plusieurs limites. D’une part, il n’engage la responsabilité des États membres qu’à hauteur de leur participation au capital autorisé du MES, c’està-dire à celle de leurs banques centrales respectives au capital de la BCE[10]. Il s’agit donc là d’une solidarité financière bien différente de celle qu’entraînerait la création d’un marché des euro-obligations, qui implique une garantie de l’ensemble des pays de la zone euro et qui leur permettrait de bénéficier du même taux d’intérêt lors de l’émission d’un emprunt. D’autre part, la capacité de prêt du MES est actuellement limitée à 500 milliards d’euros. Si la crise des dettes souveraines ou les difficultés bancaires devaient s’étendre à d’autres grands pays de la zone euro, ce montant ne suffirait sans doute pas à éteindre l’incendie. Or il est interdit au MES de se refinancer auprès de la BCE. Il emprunte donc sur les marchés financiers. Pour pouvoir prêter jusqu’à 500 milliards d’euros, il doit jouer sur un effet de levier en empruntant à un taux faible, ce qui suppose qu’il soit bien noté par les agences de notation financière. Enfin, le MES, de même que le FESF, ne sont jusqu’à présent autorisés à prêter qu’aux États qui, avec cette aide, peuvent alors recapitaliser leurs banques. Mais ces mécanismes ont pour conséquence d’alourdir la dette des États, ce qui en retour affecte les bilans des banques qui détiennent de nombreuses obligations de leur propre État. Ils traduisent de fait les phénomènes de 9 L’Allemagne, la France et l’Italie étant les seuls pays à avoir une participation au capital du MES supérieure à 15 %, ils seront les seuls à disposer de fait d’un droit de veto. 10 Voir note 5. LA GOUVERNANCE FINANCIÈRE ET BUDGÉTAIRE EUROPÉENNE contamination réciproque entre les États et leur système bancaire, entre la crise des dettes souveraines et les crises bancaires (Pisani-Ferry, 2011). Cette question s’est posée notamment à l’occasion de la décision prise en urgence par l’Eurogroupe début juin 2012 d’accorder un prêt jusqu’à 100 milliards d’euros destiné à la recapitalisation des banques espagnoles. C’est pourquoi le Conseil européen des 28 et 29 juin a proposé de mettre un terme à cet effet pervers en permettant au futur MES de pouvoir directement recapitaliser les banques, proposition conditionnée à la mise en place d’un mécanisme unique de supervision bancaire associant la BCE et la nouvelle autorité bancaire européenne créée il y a deux ans (Lefresne, Sauviat, 2010). Ce dispositif ne devrait toutefois pas être opérationnel avant début 2013 au plus tôt. Le durcissement de la surveillance budgétaire au sein de l’UEM Depuis la mise en place de l’euro se pose un problème de coordination entre une politique monétaire, désormais unique pour les pays membres de l’UEM, qui relève de la BCE, et des politiques budgétaires qui restent en “ Depuis la mise en place de l’euro se pose un problème de coordination entre une politique monétaire, désormais unique et des politiques budgétaires qui restent en principe du ressort de chaque État membre ” principe du ressort de chaque État membre. Le traité de Maastricht puis le Pacte de stabilité et de croissance mis en place par le traité d’Amsterdam (1997) et réformé en 2005 sont censés encadrer ces politiques budgétaires par des règles communes qui visent précisément à contenir les déficits et dettes publics dans certaines limites (respectivement 3 % et 60 % du PIB). Les onze premiers pays à rejoindre l’UEM ont fait des efforts d’ajustement budgétaire dans la période ayant précédé la mise en place de la monnaie unique. Du début des années 2000 jusqu’au début de la crise économique en 2007-2008, la plupart d’entre eux sont parvenus à réduire leurs déficits publics. Mais l’ampleur de la crise économique a anéanti ces efforts en rendant impossible le respect de ces critères dans la plupart des États de la zone euro. En 2011, onze pays de l’UEM affichaient des déficits publics supérieurs au seuil de 3 % du PIB et douze pays des dettes publiques supérieures au seuil de 60 % du PIB (voir tableau 2). Malgré cela et pour convaincre les États membres du nord de l’Union européenne de se montrer solidaires avec les pays en difficulté, les règles de surveillance et de limitation des déficits et des dettes publics, jugées insuffisantes pour exercer l’effet de discipline attendu sur les finances publiques des États membres, ont encore été renforcées, notamment sous la forte pression de la chancelière allemande Angela Merkel. Une nouvelle approche et un nouveau calendrier de surveillance ont été proposés par la Commission européenne le 30 juin 2010, adoptés par le Conseil européen le 7 septembre et finalement mis en place au cours des premiers mois de 2011 : le « semestre européen » est censé intégrer tout le processus de surveillance (politiques budgétaires et réformes structurelles) dans un cadre global et au cours des sept premiers mois d’un cycle annuel[11]. En septembre 2010, la Commission européenne propose le « Six Pack », qui vise à encadrer davantage les politiques budgétaires et à mieux surveiller les déséquilibres macroéconomiques des États membres de la zone euro. Le Conseil européen le valide en mars 2011 et il entre en vigueur le 13 décembre. En novembre 2011, la Commission européenne propose deux règlements spécifiques à la zone euro (dits « Two Pack »), qui visent à renforcer 11 Sont depuis 2011 passés en revue et discutés par les institutions européennes (Commission européenne, Conseil de l’UE et Parlement européen), avant même que les gouvernements n’établissent leurs propres projets de budgets destinés à leurs Parlements respectifs et pour tous les pays simultanément, la politique fiscale, les déséquilibres économiques, les questions liées au secteur financier, les réformes structurelles supposées favoriser la croissance de chaque État membre. Cette discussion a lieu sur la base des projets de budget présentés par leurs gouvernements respectifs au premier semestre, donc avant que ces projets ne soient soumis à discussion au sein de leurs Parlements nationaux. 59 60 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 2. Solde budgétaire, dette publique et charge d’intérêts dans la zone euro (1998-2011) Solde budgétaire/PIB 1998 Variation 19982007 20072010 Dette publique/PIB 2011 1998 Charge d’intérêts/PIB 2011 19982007 20072010 4,7 17,9 81,2 1998 Variation 2011 19982007 20072010 3,4 – 0,6 – 0,3 2,7 Allemagne – 2,3 2,6 – 4,5 – 1,0 Autriche – 2,4 1,5 – 3,6 – 2,6 64,4 – 4,2 11,7 72,2 3,6 – 0,8 – 0,1 2,6 Belgique – 0,9 0,9 – 3,8 – 3,7 117,2 – 33,2 12,0 98,0 7,3 – 3,4 – 0,5 3,3 Chypre – 4,2 7,7 – 8,8 – 6,3 59,2 – 0,4 2,7 71,6 3,1 0 – 0,8 2,5 Espagne – 3,0 4,9 – 11,3 – 8,5 64,2 – 27,9 25,0 68,5 4,2 – 2,6 0,3 2,4 Estonie – 0,7 3,1 – 2,1 1,0 6,0 – 2,3 3,0 6,0 0,5 – 0,4 0 0,1 Finlande 60,5 Variation 1,6 3,7 – 7,8 – 0,5 48,4 – 13,2 13,2 48,6 3,5 – 2,1 – 0,4 1,1 France – 2,6 – 0,1 – 4,3 – 5,2 59,5 4,7 18,1 85,8 3,3 – 0,6 – 0,3 2,6 Grèce – 3,9 – 2,6 – 3,9 – 9,1 95,4 12,0 37,5 165,3 8,2 – 3,7 1,2 6,9 2,4 – 2,3 – 31,2 – 13,1 53,0 – 28,2 67,6 108,2 3,3 – 2,3 2,1 3,4 – 2,7 1,0 – 3,0 – 3,9 114,2 – 11,2 15,5 120,1 7,9 – 2,9 – 0,4 4,9 3,4 0,3 – 4,5 – 0,6 7,1 – 0,4 12,4 18,2 0,4 – 0,2 0,2 0,5 Malte – 9,9 7,6 – 1,4 – 2,7 53,4 8,8 7,2 72,0 3,2 0,1 – 0,3 3,1 Pays-Bas – 0,9 1,1 – 5,3 – 4,7 65,7 – 20,4 17,6 65,2 4,7 – 2,5 – 0,2 2,0 Portugal – 3,9 0,7 – 6,7 – 4,2 50,3 18,0 25,1 107,8 3,1 – 0,2 – 0,1 3,9 Irlande Italie Luxembourg Slovaquie – 5,3 3,5 – 5,9 – 4,8 34,5 – 4,9 11,5 43,3 2,5 – 1,1 0 1,6 Slovénie – 2,4 2,3 – 6,0 – 6,4 23,1 – 0,1 15,7 47,6 2,2 – 0,9 0,4 2,0 Zone euro – 2,3 1,6 – 5,6 – 4,1 72,8 – 6,5 19,2 88,0 4,5 – 1,6 – 0,2 3,1 Les niveaux pour 1998 et 2011 sont exprimés en pourcentage du PIB. Les variations sont exprimées en points de pourcentage. Une variation positive (négative) d’un ratio reflète une amélioration (dégradation) de ce ratio. Note : Pour le Portugal, le déficit budgétaire rapporté au PIB a été réduit entre 1998 et 2007 (variation positive du ratio solde budgétaire/PIB) puis s’est dégradé entre 2007 et 2011 (variation négative du ratio). Sources : Banque centrale européenne (2012) ; Commission européenne et projections économiques de la Commission européenne du printemps 2012. son pouvoir de contrôle sur les budgets nationaux[12]. Les 8 et 9 décembre 2011, il propose d’étendre les traités par un « Pacte budgétaire », sous la forme d’un accord international entre États membres de la zone euro. Les autres pays de l’UE pourront y participer sous réserve d’obtenir l’accord de leurs Parlements respectifs. L’introduction de la « règle d’or » et de la nouvelle procédure de déficit excessif Le TSCG ne fait que reprendre l’ensemble des dispositions proposées par la Commission en 2010 et 2011, pour la plupart déjà adoptées 12 Mi-juillet, ce paquet fait encore l’objet de discussions entre la Commission européenne, le Conseil des ministres et le Parlement européen (qui a apporté aux textes de nombreux amendements tendant à limiter les pouvoirs supplémentaires de la Commission). L’opportunité de ce nouveau paquet suscite des critiques alors que le TSCG est en cours de ratification. par le Conseil et par le Parlement européens sous la forme du « Pacte pour l’euro » et du « Six Pack »[13]. En premier lieu, les seuils définis dans le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) sont complétés. Une limite est désormais fixée pour le déficit structurel : celui-ci ne doit pas dépasser 0,5 % du PIB nominal. Les États membres de la zone euro doivent incorporer dans leur Constitution une règle de budget équilibrée à moyen terme (dite règle d’or) et des mécanismes automatiques de retour à l’équilibre budgétaire. En second lieu, une nouvelle procédure dite de déséquilibre excessif peut désormais être engagée contre un État du fait de l’évolution de son endettement public (et plus seulement de son déficit public). Une règle de réduction 13 Pour une analyse des versions successives du TSCG, voir Kreilinger (2012). LA GOUVERNANCE FINANCIÈRE ET BUDGÉTAIRE EUROPÉENNE de la dette est fixée pour les pays fortement endettés (ceux dont la dette publique dépasse 60 %) : ils ont obligation de réduire chaque année leur taux d’endettement d’un vingtième de l’écart à ce taux de référence[14]. Un dépôt rémunéré de 0,2 % du produit intérieur brut (PIB) sera imposé aux pays de la zone euro qui ne respecteraient pas cette obligation et versé au MES. Ce dépôt peut se transformer en une amende qui pourra atteindre jusqu’à 0,5 % du PIB. Les pays fortement endettés ont également l’obligation de soumettre à la Commission et au Conseil un « programme de partenariat économique » sur les mesures à mettre en œuvre pour surmonter leurs difficultés. L’application de ces mesures fera l’objet d’une surveillance par la Commission et par le Conseil. Dans ce domaine s’applique désormais la règle de majorité qualifiée inversée : une recommandation ou une proposition de la Commission au Conseil est considérée comme adoptée sauf si une majorité qualifiée des États membres vote contre (sans le vote du pays concerné). Cette inversion de la règle de la majorité qualifiée renforce le caractère contraignant de la surveillance. Des sanctions financières automatiques et immédiates sont prévues, intervenant désormais à un stade plus précoce de la procédure. Le TSCG entrera en vigueur le 1er janvier 2013, à condition que douze des dix-sept États membres de la zone euro le ratifient d’ici là. À mi-juillet 2012, onze États membres l’avaient déjà soumis au vote de leurs Parlements respectifs : la Grèce en mars, le Portugal et la Slovénie en avril, la Roumanie, la Lettonie, le Danemark, la Suède et l’Irlande en mai, la Lituanie et l’Allemagne en juin, l’Autriche début juillet. La Grèce, la Slovénie, et l’Irlande ont d’ores et déjà ratifié le texte[15]. En Italie, le TSCG a été adopté par le Sénat le 12 juillet mais les députés ne se sont pas encore prononcés. La ratification devrait intervenir dans les autres pays à des dates qui dépendent des procédures institutionnelles et de l’examen 14 Pour un pays dont la dette atteint 100 % du PIB, soit 40 points de plus que la valeur de référence, la réduction d’un vingtième de cet écart correspondrait à une baisse de 8 points du taux d’endettement public la première année. 15 Seule l’Irlande a procédé à un vote par référendum, imposé de fait par sa Constitution, voir Delahaie (2012). d’éventuelles contestations, comme c’est le cas en Allemagne. Des règles très controversées L’adoption du TSCG par le Conseil européen a suscité de nombreuses critiques. Le Parlement européen estimait le 18 janvier 2012 que les dispositions de surveillance budgétaire étaient déjà largement présentes dans les textes précédemment adoptés (Six Pack). Jacques Delors, l’ancien président de la Commission européenne, l’a qualifié « d’usine à gaz » et la CES, pour la première fois de son histoire, déclarait son opposition à ce nouveau traité, alors même qu’elle a par le passé approuvé tous les traités européens. La nature du texte soulève d’abord des questions liées au mode de contrôle démocratique sur les décisions qui seraient prises en vertu du TSCG. Puisqu’il s’agit d’un traité intergouvernemental et non pas européen, les Parlements nationaux sont en principe les seuls “ L’essentiel des critiques au TSCG porte sur la pertinence même des nouvelles règles instaurées, sur leur contenu aussi bien que sur leur impact ” à pouvoir se prononcer légalement sur les décisions des gouvernements. Ces critiques de nature juridique ne disqualifient cependant pas le TSCG en tant que texte avant tout politique, matérialisant le compromis entre un embryon de solidarité financière entre États et un contrôle plus strict de leurs dettes et déficits publics. L’essentiel des critiques adressées au TSCG porte sur la pertinence même des nouvelles règles instaurées, sur leur contenu aussi bien que sur leur impact. Les seuils fixés à l’origine par le PSC n’ont pas a priori de justification économique ni ne garantissent qu’ils satisfassent les marchés financiers. Ils sont plus ou moins pertinents selon la situation de chaque pays. Ils ne sont pas toujours réalisables et n’ont de fait pas été respectés depuis le début des années 2000, au moment du ralentissement de la croissance. Une récession économique rend en effet la réduction des déficits 61 62 Problèmes économiques n° 3056 | PREMIÈRE QUINZAINE DE DÉCEMBRE 2012 et des dettes plus difficile et même risquée en raison des effets négatifs d’une contraction de la demande publique, en particulier lorsqu’elle a lieu dans tous les pays en même temps. De même, la norme d’un équilibre à moyen terme des finances publiques n’a aucune justification économique. Considérer que « la situation budgétaire des administrations publiques est en équilibre ou en excédent » (article 3.1 du TSCG), c’est implicitement admettre que l’État n’a pas de rôle à jouer dans la stimulation de la demande ou dans le financement de l’investissement, et interdire de fait toute relance keynésienne (Aglietta, 2012). La notion de déficit structurel, qui figure dans le TSCG et sur laquelle repose le diagnostic d’un déficit excessif par la Commission, est de surcroît très contestable. Ces nouvelles règles conduisent à la perte de l’autonomie budgétaire, moins parce qu’elles limitent le déficit et la dette que parce qu’est désormais imposé aux États « trop endettés » un retour rapide à l’équilibre, d’une ampleur quasi mécanique. Pour un pays en situation de ralentissement ou de récession, la réduction du déficit et/ou de la dette accentue les effets récessifs. D’une part, cela dégrade le taux d’endettement public (puisque le PIB se contracte). D’autre part, cela rend plus difficile l’atteinte des objectifs budgétaires, et, paradoxalement, renforce les craintes sur la soutenabilité des finances publiques. En effet, si les taux d’intérêt appliqués à ces pays augmentent, les charges d’intérêt s’alourdissent[16], contribuant ainsi au creusement du déficit et à l’accroissement de la dette. Le taux d’endettement public se dégrade encore si la dette augmente. Enfin, ces règles ne garantissent pas des déficits publics moins élevés : une baisse des dépenses publiques simultanée dans plusieurs pays peut très bien aggraver les déficits initiaux, les effets récessifs se transmettant via la contraction des échanges intracommunautaires. En décembre 2011, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estimait ainsi que, si tous les pays européens mettaient en œuvre en même temps une politique d’austérité, le choc récessif serait très violent en 2012 (Timbeau, 2011) : la baisse du PIB 16 Le niveau de ces charges était déjà élevé en 2011 pour certains pays comme la Grèce, l’Italie et le Portugal (voir tableau 2). serait de 3,7 % en Italie et au Royaume-Uni, de 3 % en France, de 3,2 % en Espagne, et même de 1,4 % en Allemagne (affectée par la situation de ses partenaires commerciaux de l’UE). Les effets récessifs d’une telle politique et le contenu prévisible des réformes structurelles qui pourraient être imposées expliquent largement la position sans précédent prise par la Confédération européenne des syndicats contre le nouveau traité, le 25 janvier 2012. Pour la centrale syndicale européenne, le TSCG « obligera les États membres à mener des politiques fiscales pro-cycliques préjudiciables, qui donnent la priorité absolue aux règles économiques rigides à une époque où la plupart des économies sont toujours faibles et où le taux de chômage atteint des niveaux intolérablement élevés. Cela engendrera une pression à la baisse sur les salaires et sur les conditions de travail, un contrôle et des sanctions ». Une avancée Signés à des dates très proches, l’accord international sur le Mécanisme européen de stabilité et le Traité intergouvernemental sur la stabilité, la croissance et la gouvernance sont “ Cette « avancée » à marche forcée intergouvernementale s’est faite en dotant la Commission européenne de pouvoirs budgétaires et économiques accrus, sans le contrepoids du Parlement européen ” intimement liés au plan politique, même si les liens juridiques entre eux sont plutôt faibles. Le MES n’a été accepté qu’au prix d’un renforcement de la discipline budgétaire via le TSCG. Il peut certes être considéré comme un début de solidarité financière entre les États membres de la zone euro, ce qui constitue a priori une avancée. Cependant, c’est une solidarité restreinte, par le montant des prêts qu’il peut accorder et par la limitation de la garantie de chaque pays membre à hauteur de son engagement financier dans le MES. De plus, cet organisme n’inclut pas les dix pays membres de l’UE qui n’ont pas adopté l’euro. LA GOUVERNANCE FINANCIÈRE ET BUDGÉTAIRE EUROPÉENNE On est donc loin d’un mécanisme de refinancement des dettes publiques ou d’un fonds monétaire européen. Le TSCG, de son côté, renforce et rigidifie les normes de surveillance de la dette et des déficits publics, réduisant notablement l’autonomie des politiques budgétaires nationales et plus largement les choix des gouvernements en matière de réformes structurelles. Ce contrôle purement numérique et mécanique ne peut être considéré comme un progrès de la coordination des politiques économiques dans l’Union européenne, excluant de fait toute réflexion en termes de croissance, d’emploi et de cohésion sociale. Cette « avancée » à marche forcée intergouvernementale s’est faite en dotant la Commission européenne de pouvoirs budgétaires et économiques accrus, sans le contrepoids du Parlement européen, sans modification ni du budget de l’UE ni du mandat donné à la BCE. Elle s’est opérée surtout dans un contexte d’aggravation de la crise des dettes souveraines au risque de sa contagion à d’autres pays de la zone euro et d’une sévère récession (sinon de croissance molle) pour nombre d’entre eux. Dans ces conditions, le seul recours à davantage d’austérité et de réformes structurelles auquel ces traités appellent ne risque-t-il pas de transformer cette situation de récession en spirale déflationniste généralisée au sein de la zone euro ? Le débat sur la nécessité de relancer la croissance, que l’élection présidentielle française, ainsi que la dégradation accélérée de la situation économique en Espagne et en Italie, ont contribué à réactiver, semble s’être imposé aux dirigeants de la zone euro. Ceux-ci sont parvenus à se mettre d’accord sur un « Pacte pour la croissance et l’emploi », annoncé à l’issue du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012. Cependant, son montant de 120 milliards d’euros sur cinq ans est modeste à l’échelle de l’Union européenne (1 % du PIB de l’UE), d’autant qu’environ la moitié correspond à une réaffectation de fonds existants mais non consommés (55 milliards d’euros pris sur la dotation en fonds structurels) ; de surcroît, son affectation reste floue et son impact sur la croissance risque d’être limité, de même que l’effet attendu vis-à-vis des marchés financiers. Enfin, la discipline des finances publiques et la politique d’austérité ainsi réaffirmées, de même que les réformes structurelles qui les sous-tendent, laissent peser des risques sur les budgets sociaux et sur la croissance future des États membres de la zone euro, et plus largement de l’UE. Comment un pays comme l’Espagne pourra-t-il atteindre les objectifs de réduction des déficits et des dettes publics définis par le TSCG alors que son taux de chômage atteint près du quart de la population active et son déficit public près de 9 % du PIB ? Sauf à penser que ces nouvelles règles, comme les anciennes, ne seront probablement pas respectées et qu’elles risquent de surcroît de provoquer de nouvelles explosions sociales. Chronique inter internat nationale ionale de l’IR l’IRE ES « UNION EUROPÉENNE : MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILITÉ ET PACTE BUDGÉTAIRE À 25 : QUELLES LOGIQUES ? » L’article n’est pas reproduit dans son intégralité. N° 137, Septembre 2012 Institut de recherches économiques et sociales (IRES) 16, bd du Mont-d’Est 93192 Noisy-le-Grand cedex Tél. : + 33 (0) 1 48 15 18 90 [email protected] www.ir www .ires.fr es.fr Annie Jolivet et Catherine Sauviat sont chercheuses à l’IRES. 63 A retourner à la Direction de l’information légale et administrative (DILA) – 23, rue d’Estrées 75345 Paris cedex 07 BULLETIN D’ABONNEMENT ET BON DE COMMANDE Comment s’abonner ? Où acheter un numéro ? Sur www.ladocumentationfrancaise.fr (paiement sécurisé). Sur papier libre ou en remplissant ce bon de commande (voir adresse d’expédition ci-dessus). En librairie, à la librairie de la Documentation française, 29/31 quai Voltaire – 75007 Paris et en kiosque pour l’achat d’un numéro. 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