Impacts territoriaux d`un réseau de soins

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GÉOCARREFOUR
Bernard BOUREILLE
CREUSET
Université de Saint-Étienne
Nicole
COMMERÇON
CNRS - UMR 5600 Lyon
"Environnement-VilleSociété"
Myriam NORMAND
CREUSET
Université de Saint-Étienne
RÉSUMÉ
A partir de l'exemple du
réseau de soins ONCORA
(Oncologie Rhône-Alpes),
sont soulignés les effets
territoriaux d'un mode de
fonctionnement innovant en
matière de prise en charge
des soins de cancérologie.
En repérant les trajectoires
des patientes des
échantillons retenus, il est
montré que si la hiérarchie
hospitalière et urbaine
demeure, elle n'en est pas
moins réduite par une
meilleure diffusion des
compétences médicales
entre tous les partenaires du
réseau. L'effet réseau se
traduit à la fois par un gain
d'efficience économique du
système de soins et par une
plus grande accessibilité à
une thérapeutique
appropriée, quel que soit le
lieu de résidence des
patientes de Rhône-Alpes.
MOTS CLÉS
Réseau de soins, oncologie,
ONCORA, recomposition
territoriale, trajectoires de
patientes.
ABSTRACT
Using the example of the
ONCORA network (oncology
in Rhône-Alpes), this article
outlines the territorial effects
of an innovative way of
providing cancer treatment.
By identifying the
trajectories of female
patients in the sample used,
it is shown that although
hierarchies of urban centres
and hospitals still exist, this
phenomenon is reduced by a
better diffusion of medical
skills between the different
partners of the network. The
effect of the network is to
provide a more economically
efficient healthcare system
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Impacts territoriaux d'un réseau
de soins oncologiques
en Rhône-Alpes
Il convient de rompre avec l'idée simpliste selon
laquelle l'accélération des mobilités permises par
le développement technologique des communications viderait les lieux de leur sens en les
rendant parfaitement substituables. Au contraire,
la diversité des mutations des modes de produire
aboutit à une redécouverte du rôle "actif" et
structurant que jouent les territoires dans la
dynamique économique actuelle, en particulier les
nouvelles organisations réticulaires, y compris au
sein du service public.
Dans ce domaine, le secteur de la santé apparaît
davantage pertinent. En effet, il a développé
récemment maintes mutations qui ont conduit à
dépasser les découpages territoriaux pré-existants.
Le principal changement se résume dans la
substitution d'une offre de soins de plus en plus
technique à une médecine davantage clinique,
dans un contexte de nécessaire maîtrise des
dépenses de santé, mais aussi de développement
de l'accès équitable aux services de soins ; aussi
des innovations organisationnelles sont-elles
élaborées, qui mobilisent de plus en plus des
formes diverses de partenariat entre les
prestataires de soins, entre ces prestataires et
d'autres acteurs tels que les collectivités
territoriales et le milieu associatif. Ces partenariats,
parfois anciens, initient des relations territoriales
dont les configurations s'émancipent des
frontières institutionnelles - et notamment
urbaines -, pour participer à la dynamique de
recomposition des espaces urbains.
En France, au cours de ces dernières années, sous
l'impulsion d'une redéfinition de la méthodologie
de la planification sanitaire - introduction de
critères qualitatifs dans une logique purement
quantitative de la carte sanitaire -, fleurissent des
formes réticulaires d'offre de soins, en réponse à
un impératif réglementaire introduit par la loi
hospitalière du 31 juillet 1991 et renforcé
notamment par les ordonnances de 1996. Certains
de ces réseaux de soins se développent à
l'intérieur des frontières traditionnelles de la ville ;
d'autres s'étendent sur des échelles territoriales
qui dépassent le strict cadre urbain ; ainsi, en est-il,
plus particulièrement, des traitements en
oncologie qui, dans la région Rhône-Alpes,
s'organisent sur ce mode autour d'une institutionpivot, le Centre Léon Bérard (CLB) localisé à Lyon1.
Celui-ci met en relation, en particulier à travers le
réseau Oncologie Rhône-Alpes (ONCORA), divers
acteurs de santé des secteurs ambulatoire et
hospitalier à statut public, privé, ou privé
participant au service public, localisés dans une
vingtaine de villes de la région Rhône-Alpes et de
sa périphérie (fig. 7). Dans ce cas spécifique, le
réseau structure l'oncologie au sein des disciplines
médicales, en la situant à la croisée des spécialités
verticales (d'organes) et, tout en lui donnant sa
lisibilité disciplinaire, concourt à la recomposition
des territoires par le biais des villes concernées, de
la métropole aux villes de taille intermédiaire. Le
réseau participe aussi à une logique de construction d'une nouvelle culture médicale en amenant à
travailler ensemble des prestataires de soins
formés dans des "écoles" jusque-là relativement
indépendantes.
Ces innovations organisationnelles en matière de
santé sont donc amenées à terme à redessiner le
paysage sanitaire français : à un système à
éléments hiérarchisés, centralisés et cloisonnés, se
substituerait une mosaïque d'unités "cellulaires" à
compétences diverses mais coordonnées.
Cette étude vise, à partir de la structuration du
réseau ONCORA autour du CLB, à analyser les
recompositions spatio-médicales en matière
d'offre de soins que cette innovation organisationnelle a favorisées.
La méthode de statique comparative adoptée ici
part des données recueillies par le CLB. Celles-ci
sont organisées selon trois types de documents
(Brunet, 2 000). Le premier : le "dossier papier" est
le plus traditionnel et potentiellement le plus
exhaustif en termes d'informations, car il devrait
inclure les diverses correspondances médicales et
les comptes-rendus des examens propres au
patient ; mais il est aussi le plus lourd à utiliser et le
moins bien systématiquement organisé. Le
deuxième : le "dossier patient informatisé", mis en
place à partir de 1992, est bien renseigné et bien
organisé, mais à usage clinique avec des
procédures de protection qui en interdisent la
consultation. Le troisième : la "fiche EPC" est créée
pour chaque patient lors de sa première venue au
CLB et a pour vocation d'alimenter "l'Enquête
Permanente Cancer" menée à l'échelle nationale et
de ce fait recense principalement les variables qui
décrivent les caractéristiques des lésions et de leur
traitement. Cependant, elle contient également des
informations relatives à l'origine, au motif de la
première consultation du patient au CLB et à sa
localisation géographique dont l'exploitation est
utile pour la constitution des échantillons.
La méthode consiste à analyser, dans un premier
temps, les fiches EPC qui ont été créées au CLB en
1992 - année antérieure à la naissance d'ONCORA
- et en 1999 - année postérieure à la création de ce
réseau -, pour permettre de décrire la population
des nouvelles patientes du CLB consultant pour
une tumeur maligne du sein à ces deux dates2.
On se dote ainsi des éléments nécessaires à la
construction de deux échantillons de population
dont les individus seront ensuite caractérisés par
des variables plus complètes que celles des fiches
EPC, puisqu'extraites par enquête des dossiers
médicaux papiers. Ce qui permettra, dans un
second temps, d'exploiter les données des
échantillons pour repérer la dynamique des
trajectoires médico-spatiales présente entre 1992
et 1999.
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Impacts territoriaux d'un réseau de soins oncologiques en Rhône-Alpes
en 1992
en 1999
and improved accessibility
to an appropriate therapy
irrespective of where the
patient resides in the RhôneAlpes region.
KEY WORDS
Healthcare network,
oncology, ONCORA,
territorial restructuring,
patients' treatment
trajectories.
Figure 1 : Répartition des nouvelles patientes selon leur zone d'habitation, en 1992 et en 1999
A terme, ces analyses de statique comparative
conduisent à révéler certains effets réticulaires au
niveau territorial et médical.
RECOMPOSITION DU BASSIN DE SANTÉ ET DES
MODALITÉS DE SAISINE DU CLB
Les informations extraites des fiches EPC de 1992
et 1999 sont de nature spatiale ou médicale. Elles
portent sur la localisation géographique des
patientes nouvellement accueillies au CLB ou
caractérisent la cause de leur première consultation, en termes de modalités d'entrée et d'objectifs
demandés.
Évolution de la provenance géographique des
patientes du CLB
La provenance géographique des patientes est
indiquée dans les fiches EPC par le nom de la
commune (et de son code postal) de leur résidence. Ces informations permettent, à un premier
niveau, de décrire la répartition de ces patientes
par départements d'origine, puis, à un second,
d'affiner l'analyse de la localisation de celles-ci en
zones urbaines d'habitation puisque la dénomination de la commune permet de retrouver son
code INSEE et son aire urbaine de rattachement.
Les nouvelles patientes du CLB résident principalement dans les départements de la Région
Rhône-Alpes. En effet, ce sont, 83% et 85% de ces
malades qui habitent respectivement en 1992 et en
1999 dans l'un des huit départements de RhôneAlpes. Seulement 11% de l'effectif en 1992, voire
5% en 1999, provient des départements limitrophes à cette dernière Région. Parmi ces derniers,
la Saône-et-Loire est l'origine prépondérante.
Ce premier constat des états de la répartition
résidentielle des patientes conduit à ne conserver,
pour la suite de l'étude, que l'ensemble des
malades provenant de la région Rhône-Alpes et du
département de la Saône-et-Loire ; ce qui
représente un effectif de 985 individus en 1992
(soit 91% du total des personnes nouvellement
accueillies) et un effectif de 1270 en 1999 (soit 88%
du total des personnes nouvellement accueillies).
Le détail de la répartition de la localisation des
nouvelles patientes du CLB exprimée en termes
d'aires urbaines est présenté dans le tableau 1 cidessous où l'on remarque notamment, entre 1992
et 1999, la baisse de l'effectif originaire des zones
de Mâcon et d'Annecy et à l'inverse la croissance
de celui qui est issu de l'aire de Grenoble.
Le regroupement de ces zones d'habitation en
trois grandes catégories : l'aire urbaine de Lyon,
les autres aires urbaines et les communes rurales
laisse apparaître, entre 1992 et 1999, une légère
réduction spatiale de l'attractivité du CLB. En effet
cet établissement accueille parmi ses nouvelles
patientes en 1999, par rapport à 1992, proportionnellement plus de résidentes de l'aire de Lyon et
moins de celles des autres aires urbaines et des
communes rurales (fig. 1).
Ce premier résultat de l'analyse, en termes de
statique comparative, de la localisation des
patientes nouvellement accueillies au CLB en 1992
et en 1999 peut être interprété comme
conséquence d'un effet réseau. La constitution du
réseau ONCORA, son extension spatiale par le
biais de l'adhésion de nouveaux partenaires et
l'élaboration en commun de protocoles de soins,
qui participent à l'accroissement cumulatif et à la
généralisation dans ce milieu réticulaire des
compétences des acteurs, font que les malades
trouvent plus à proximité de leur domicile en
1999, qu'en 1992, les offreurs capables de
répondre à un certain niveau à leur demande de
santé. Ainsi le CLB renforce-t-il relativement son
rôle d'établissement de proximité.
Cette évolution du système localisé de l'offre de
soins en oncologie amène à formuler une
nouvelle hypothèse de travail. En effet, le CLB se
voit décharger par les établissements du réseau
1 - Les auteurs remercient
vivement le Professeur Thierry
Philipp, directeur du Centre
Léon Bérard et le Docteur
Fadila Farsi, responsable du
réseau ONCORA, pour leur
active collaboration.
2 - Le sein étant le siège de
localisation le plus fréquent
des cancers. En 1992, 5148
fiches EPC ont été créées dont
3511 indiquent le site de la
tumeur qui est pour 1082 cas
le sein (soit environ 31 % des
cas renseignés) ; en 1999,
6906 fiches ont été créées,
dont 5894 sont renseignées
quant au siège qui est pour
1445 cas le sein (soit 24,5%
des cas renseignés).
Impacts territoriaux d'un réseau de soins oncologiques en Rhône-Alpes
Figure 2 : Répartition des
nouvelles patientes selon
l'origine de la première
consultation, en 1992 et en 1999
en 1992
Tableau 1 : Répartition des nouvelles patientes selon leur zone d'habitation
V O L 78 3/2003
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en 1999
de la nécessité de l'accueil de certaines patientes ;
dès lors n'a-t-il pas la possibilité de substituer au
sein de son activité, à une partie devenue banale,
une partie de pointe, c'est-à-dire une offre de soins
plus en phase avec la sophistication de son
plateau technique et les hautes compétences de
ses ressources humaines ? La vérification de cette
hypothèse passe par une analyse de l'évolution
des modalités des premières consultations
effectuées au CLB.
Évolution de la saisine médicale du CLB
Les fiches EPC renseignent, à l'aide de deux
variables, sur deux des caractéristiques de la
première consultation des patientes au CLB. La
première variable, dénommée "origine", précise
l'acteur qui a l'initiative de la demande ; la
seconde, appelée "but", désigne la nature de la ou
des investigations souhaitées par le demandeur de
la consultation.
Les initiateurs de la première consultation
Les modalités de la variable "origine" sont
regroupées pour les besoins de J'analyse en trois
catégories : Patiente, Médecin et Établissement.
Globalement, on assiste à une double évolution
structurelle (fig. 2), qui se manifeste, d'une part,
par le renforcement du rôle, déjà important,
d'initiateurs que les médecins du secteur
ambulatoire jouent en adressant au CLB 50% (en
1992) puis 62% (en 1999) de ses nouvelles
patientes ; et d'autre part, par le recul du recours
au CLB en première intention : la proportion des
nouvelles patientes venant consulter d'ellesmêmes décroît de 30% à 18%, entre 1992 et 1999
Spatialement, l'évolution de cette pratique n'a pas
la même intensité (fig. 3). L'origine de la
consultation diffère sensiblement selon le lieu de
résidence des patientes. Le mode de saisine,
nettement indirect, du CLB par les ruraux change
très peu au cours de la période considérée. En
revanche, celui des patientes de l'aire urbaine de
Lyon se modifie radicalement. En 1992, 38% des
patientes lyonnaises sont venues consulter de leur
propre initiative alors que cette fréquence est
réduite à moins de 25% pourcelles résidant en
dehors de cette zone urbaine. En 1999, les comportements tendent à s'uniformiser, la part des patientes consultant en première intention se réduit
considérablement quelle que soit l'origine géographique des patientes, les patientes étant alors plus
souvent adressées au CLB par un médecin.
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Impacts territoriaux d'un réseau de soins oncologiques en Rhône-Alpes
Autrement dit, on assiste globalement, entre 1992
et 1999, à une nette tendance à l'allongement de la
filière de soins amont des nouvelles patientes
urbaines, et surtout de l'aire de Lyon, du CLB. Ce
qui tend à infirmer l'hypothèse de l'accroissement
de la fonction d'établissement de proximité du
CLB au cours de la période.
Évolution des modalités de la demande de la
première consultation au CLB
Tableau 2 : Description de
l'échantillon
Figure 3 : Évolution de l'origine
de la première consultation
entre 1992 et 1999 selon le lieu
de résidence des patientes
La figure 4 décrit la répartition des premières
consultations effectuées au CLB en 1992 et 1999
suivant les modalités de leur finalité. Le dépistage
est une activité très marginale du CLB, il concerne
environ 1% des demandes de consultation.
L'examen spécial est un but beaucoup plus
présent en 1999 avec 10% des consultations contre
seulement 1% en 1992, ce sont principalement les
médecins et les établissements qui en sont les
prescripteurs. La plupart des consultations,
environ 90%, se distribue selon trois modalités :
avis diagnostique, avis thérapeutique et traitement
regroupant traitement initial, complémentaire et
secondaire. Une évolution notable s'est produite
entre 1992 et 1999 avec une nette augmentation
des consultations pour avis thérapeutique.
La figure 5 montre que l'évolution du but des
consultations observée ci-dessus dépend du statut
du demandeur. Les établissements adressent leurs
patientes principalement pour traitement, il n'y a
pas de véritable évolution entre 1992 et 1999. En
revanche, pour les patientes envoyées par un
médecin ou venant d'elles-mêmes, la consultation
se fait pour avis thérapeutique plus fréquemment
en 1999 qu'en 1992.
Il convient donc de souligner la tendance à
l'allongement amont des filières de soins des
nouvelles patientes du CLB que permettent
l'existence et le renforcement du réseau ONCORA
en termes d'acteurs de santé et de compétences
accrues et plus diffusées dans le milieu réticulaire.
Ce qui permet de décharger le CLB d'actes
devenus standardisés, puisque pouvant être faits
par d'autres agents en d'autres lieux, pour qu'il
puisse se focaliser sur des activités plus
innovantes. L'évolution, ci-dessus décrite, de la
nature de la demande des premières consultations
des nouvelles patientes du CLB confirme, à un
premier niveau, le renforcement de l'activité
médicale de pointe de cet établissement. En
effet,on assiste, proportionnellement, à une
montée des examens spéciaux, des avis thérapeutiques, mais à une réduction des avis diagnostiques, et à une demande par des établissements
de traitements dont on peut penser qu'ils sont de
plus en plus sophistiqués.
Il convient, dès lors, d'affiner l'analyse en essayant
de repérer et de décrire plus précisément les
Figure 4 : Répartition des consultation de 1992 et 1999 selon leur finalité
Figure 5 : Évolution de la finalité de
la première consultation entre 1992
et 1999 selon le statut du
demandeur
Impacts territoriaux d'un réseau de soins oncologiques en Rhône-Alpes
Tableau 3 : Déplacements du patient vers le prescripteur
Tableau 4a : Détails des déplacements entre la patiente et le prescripteur en 1992
Tableau 4b : Détails des déplacements entre la patiente et le prescripteur en 1999
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Impacts territoriaux d'un réseau de soins oncologiques en Rhône-Alpes
Tableau 5 : Comparaison de la part des patientes traitées au CLB selon le type de traitement et la zone d'habitation.
Tableau 6 : Répartition des patientes résidant en zone rurale et traitées au CLB selon le type de traitement et la distance kilométrique entre le
lieu de résidence et le CLB.
trajectoires médico-spatiales des patientes
accueillies au CLB pour la première fois en 1992 ou
en 1999.
ANALYSE DES TRAJECTOIRES MÉDICOSPATIALES ENTRE 1992 ET 1999
Afin de décrire l'évolution des trajectoires médicospatiales entre 1992 et 1999, un échantillon de
patients a été constitué, à partir du fichier EPC,
pour lesquels des données plus précises que celles
des fiches EPC ont été extraites des dossiers
médicaux papier du CLB. Cet échantillon est
constitué de deux sous-échantillons extraits des
dossiers des nouvelles patientes accueillies en
1992, pour l'un et en 1999, pour l'autre. Les échantillons ont été constitués de façon à ce que soient
représentées les trois possibilités d'origine géographique que sont l'aire urbaine de Lyon, les autres
aires urbaines et les communes rurales (tabl. 2).
Pour ces 208 individus, ont été saisies les variables
suivantes, organisées en trois grandes rubriques :
1 - l'identification du patient à l'aide de :
son année et de son lieu de naissance,
du code INSEE de son domicile,
de sa profession,
de sa situation familiale,
son état de morbidité ;
2 - les modalités de la première consultation au
CLB:
la date,
l'origine (avec les mêmes modalités que
celles de la fiche EPC),
le nom et la localisation de l'adressant,
le but (avec les mêmes modalités que celles
de la fiche EPC),
la décision prise au cours de la consultation ;
3 - l'histoire pathologique du patient :
la nature, la date des actes effectués au CLB
la nature, la date des actes effectués hors
CLB et dans ce cas le nom, la qualité et la
localisation des producteurs de ces soins.
Le traitement de l'enquête permet d'analyser
l'évolution des trajectoires médico-spatiales des
patientes en trois moments qui correspondent à
trois segments de la filière de soins : le parcours
conduisant à la première entrée au CLB, les
traitements et le suivi à l'aide des consultations de
contrôle réalisés au CLB
Parcours de la patiente vers le prescripteur
Les dossiers des malades indiquent, dans le cas
où la patiente ne s'adresse pas directement au
CLB, la localisation de l'acteur de santé qui prescrit
cette première consultation. Cette information
permet d'observer l'évolution des déplacements
entre les différentes zones spatiales considérées
(tabl. 3). Ainsi, par exemple, en 1992, parmi les 23
patientes habitants une commune rurale et qui
n'ont pas consultées le CLB en première intention,
9 se déplacent vers une aire urbaine (dont 1 vers
Lyon) pour consulter l'offreur de soins qui les
orientera vers le CLB.
On constate la quasi-absence de déplacement
lorsque les patientes résident dans une aire
urbaine. La plupart des déplacements concernent
celles qui habitent dans une commune rurale.
L'étude de ces mouvements (tabl. 4) fait apparaître
qu'ils se font majoritairement vers une aire
urbaine proche où la patiente sollicite un médecin,
généraliste ou spécialiste, ou un établissement.
Les trajets plus longs (supérieurs à 40 km) sont
peu nombreux, la patiente consultant alors plutôt
un spécialiste qu'un généraliste ou étant accueillie
par un établissement hospitalier.
Parcours liés au traitement et au suivi des
patientes
Le tableau 5 permet de comparer les deux
échantillons selon les proportions de patientes
traitées au CLB par grand type d'actes
thérapeutiques (chimiothérapie, radiothérapie,
chirurgie) et par zone d'habitation. Moins d'un
tiers des patientes résidant dans l'aire urbaine de
Impacts territoriaux d'un réseau de soins oncologiques en Rhône-Alpes
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Lyon sont traitées par chimiothérapie au CLB
même, alors que la radiothérapie concerne
presque la moitié d'entre elles en 1992 et atteint
les deux tiers des nouvelles patientes de 1999. La
part des nouvelles patientes habitant dans une
autre aire urbaine et traitées au CLB par
chimiothérapie est nettement en baisse entre 1992
et 1999.
En ce qui concerne le traitement des patientes
résidant en zone rurale, l'éloignement au CLB n'a
aucune influence en 1992, contrairement à ce qui
se passe en 1999 où les hospitalisations au CLB
pour chimiothérapie ou radiothérapie sont moins
fréquentes dans l'échantillon des patientes
éloignées du centre (tabl. 6).
La proportion des patientes traitées chirurgicalement au CLB varie peu entre 1992 et 1999 et
concerne plus de 50% des patientes. La zone
d'habitation n'a aucune incidence sur ce
phénomène.
S'agissant de l'ampleur du suivi au CLB, la figure 6
décrit l'évolution de la proportion des patientes de
l'échantillon de 1992 ayant consultées au moins
une fois au CLB dans les années suivant la
première consultation. Ainsi, au cours de la
première année, 83% des patientes habitant l'aire
urbaine de Lyon ont consulté au moins une fois
dans la première année suivant la consultation
initiale, cette proportion est de 69% pour les
patientes résidant dans une autre aire urbaine. La
différence s'accentue significativement à partir de
la quatrième année du suivi laissant supposer que
celui-ci s'effectue en dehors du CLB pour les
patientes résidant dans une autre aire urbaine.
Conclusion
Adresse des auteurs :
Bernard BOUREILLE
Myriam NORMAND
CREUSET
Université Jean-Monnet
34 rue Francis Baulier
42023 SAINT-ETIENNE
cedex 2
E.mail : [email protected]
[email protected]
Nicole COMMERÇON
CNRS UMR 5600
"Environnement, Ville, Société"
18 rue Chevreul
69362 LYON cedex 07
E.mail :
[email protected]
Les analyses de statiques comparatives ainsi
menées, à partir des données issues des fiches
EPC ou extraites des dossiers médicaux du CLB,
révèlent quelques effets liés à l'existence du
réseau ONCORA. L'organisation territoriale permet
par une répartition spatiale de partenaires
médicaux mieux formés aux problèmes de
l'oncologie, grâce à la constitution collective et à la
diffusion des protocoles ou thesaurus, de modifier
les trajectoires médico-spatiales des patientes
accueillies pour la première fois au CLB
Figure 6 : Comparaison du suivi des patientes de
1992 selon la zone d'habitation
(allongement de l'accès au CLB du fait de la
généralisation de l'intermédiation d'un prescripteur mais aussi réduction des déplacements) ;
cette organisation conduit aussi à réorienter les
activités du CLB vers une médecine davantage de
pointe, les autres partenaires du réseau ayant
acquis les compétences pour assurer des soins
devenus plus standardisés tels que les examens
diagnostiques, les cures de chimiothérapie, les
visites de suivi... Ce qui se traduit en définitive par
une meilleure allocation des diverses ressources et
une plus grande facilité d'accès aux soins.
Ces premiers résultats doivent être approfondis
par des études portant sur des institutions
hospitalières membre du réseau ONCORA, afin de
repérer plus précisément, à la fois, la nouvelle
donne que distribue ce réseau oncologique et sa
morphologie : réseau organisé spatialement par
emboîtement de micro réseaux locaux ou pas.
BIBLIOGRAPHIE
BOUREILLEB.,COMMERÇON N. (éds.), 2002, Ville
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contenues dans le dossier médical dans un but de
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BONGIOVANI I., NOGUES M., Réseaux de santé et
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Impacts territoriaux d'un réseau de soins oncologiques en Rhône-Alpes
Figure 7 : Réseau de cancérologie en Rhône-Alpes
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