10/3/2016 4. Syphilis infectieuse | Le Médecin du Québec
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4. Syphilis infectieuse
MAÎTRISER LABC DE LA GRANDE IMITATRICE !
Claude Fortin|2016-09-26
Sébastien, un HARSAH de 29 ans, consulte pour une éruption cutanée maculopapulaire
sur le tronc et un ou visuel constant à l’œil gauche évoluant depuis dix jours. Il a eu un
ulcère génital il y a deux mois. Puisqu’il a eu des partenaires sexuels anonymes dans les
derniers mois, vous soupçonnez un cas de syphilis. Quel prol sérologique prescrivez-
vous et quelle est votre prise en charge immédiate?
Le D Claude Fortin, microbiologiste-infectiologue, exerce au Département de
microbiologie médicale et d’infectiologie du CHUM. Il siège à titre de membre actif au
Comité sur les analyses de laboratoire en lien avec les ITSS (CALI) de l’INSPQ.
Avec seulement trois cas déclarés au Québec en 1998, il était possible de croire que la syphilis infectieuse
était en voie d’élimination. Toutefois, cette infection a connu une résurgence au début de l’an 2000 pour
atteindre plus de 500 cas déclarés chaque année depuis 2010 au Québec. Quoique cette résurgence touche
principalement les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH), le nombre de
cas chez les femmes en âge de procréer est aussi en hausse depuis 2009 . Il est donc primordial que les
praticiens soient en mesure de dépister, de reconnaître et d’amorcer la prise en charge de la syphilis
infectieuse an d’en réduire la transmission.
Évolution naturelle et manifestations cliniques de la syphilis
infectieuse
La syphilis est une maladie causée par le spirochète T. pallidum, sous-espèce pallidum. Cette infection se
transmet le plus souvent par contact direct d’une lésion active avec une muqueuse ou la peau. Le mode de
transmission le plus fréquent est donc le contact sexuel, qu’il soit génital, oral ou anal. L’infection peut être
asymptomatique et passer inaperçue. L’évolution naturelle de la syphilis symptomatique se caractérise par
une période d’incubation, suivie de trois stades cliniques : primaire, secondaire et tertiaire. La syphilis latente
correspond à la phase asymptomatique entre les stades secondaire et tertiaire et peut durer de quelques
mois à plusieurs années (tableau I ). La syphilis est contagieuse durant les stades primaire et secondaire
ainsi que pendant la phase de latence précoce. La transmission étant rare après la première année, on
considère que la syphilis n’est plus contagieuse un an après le début de l’infection, même lorsqu’elle n’est pas
traitée .
L’envahissement du système nerveux central par T.pallidum peut survenir tôt dans la maladie. Dans environ
5 % des cas, pendant le stade secondaire correspondant à la dissémination hématogène de la maladie,
l’envahissement du système nerveux central sera symptomatique. Une atteinte oculaire (principalement une
uvéite antérieure) ou neurologique (principalement une méningite ou une atteinte d’un nerf crânien) peut
survenir (gure 1 ).
En l’absence de traitement, la syphilis infectieuse se résoudra spontanément dans environ les deux tiers des
cas. Un petit nombre de personnes non traitées se rendront au stade tertiaire surviennent les
complications tardives de la maladie de cinq à trente ans après l’infection, soit la gomme syphilitique, la
syphilis cardiovasculaire et la neurosyphilis tertiaire .
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Évaluation clinique d’un possible cas de syphilis
L’examen physique d’un patient que le médecin soupçonne d’être atteint de syphilis comprend une attention
parti culière à la peau, aux muqueuses, aux ganglions et au système nerveux. De plus, tout patient qui
présente des symptômes visuels devrait subir un examen du fond d’œil par lampe à fente. Puisque des
signes ou des symptômes neurologiques ou ophtalmologiques constituent une indication de ponction
lombaire, il est important de bien rechercher ces manifestations et d’en conrmer la présence an d’orienter
le patient adéquatement pour un complément d’évaluation .
Il est également primordial de connaître les antécédents de traitement de la syphilis ainsi que les résultats
d’épreuves sérologiques antérieures an d’interpréter avec précision les résultats d’un prol sérologique. Ces
éléments sont essentiels an de diérencier la syphilis infectieuse de la syphilis non infectieuse.
Épreuves sérologiques pour la détection de la syphilis
Puisque les épreuves de détection directe de la bactérie (ex. : fond noir) ne sont pas oertes de façon
systématique dans les laboratoires du Québec, le diagnostic de syphilis repose sur le résultat de la sérologie.
Il existe deux types d’épreuves sérologiques pour la détection de la syphilis : les épreuves non
tréponémiques (ex. : test rapide de la réagine plasmatique ou RPR) et les épreuves tréponémiques (ex. :
EIA/CIA et TPPA). Il est nécessaire de faire les deux pour poser un diagnostic de sy phi lis et pren dre en charge
un cas. Les épreuves non tréponémiques détectent des anticorps non spéci ques dirigés contre les
cardiolipines, un antigène libéré dans la circulation après la ré ponse immune contre T.pallidum. Lors qu’elles
sont positives, ces épreuves aident à évaluer, d’une part, l’activité de la maladie et, d’autre part, l’ecacité du
traitement de par leur nature quantitative. Les épreuves tréponémiques détectent des anticorps spéciques
anti-T. pallidum et conrment l’exposition à cette bactérie lorsqu’elles sont positives. La sensibilité des
épreuves sérologiques est moindre pour la tection de la syphi lis au stade primaire qu’aux stades sub -
quents . La période de latence ro lo gique (« période fenêtre ») ne varie pas en fonction du type de test
utilisé. En eet, tant les anticorps non tréponémiques que tréponémiques peuvent atteindre le seuil de
détection de dix à quatre-vingt-dix jours après l’infection .
ÉPREUVES NON TRÉPONÉMIQUES
Le test RPR qualitatif est fait en premier. Lorsqu’il est réactif, la quantication du titre d’anticorps par analyse
d’une série de dilutions de l’échantillon est eectuée. L’obtention du titre donne des résultats dont les
valeurs progressent selon la séquence suivante : 1:1, 1:2, 1:4, 1:8, 1:16, 1:32, 1:64, 1:128, 1:256, etc.
ÉPREUVES TRÉPONÉMIQUES
Les essais immuno-enzymatiques (EIA ou CIA) sont utilisés par plusieurs labo ratoires de biologie médicale du
Québec pour la détection de la syphilis.
ÉPREUVES DE CONFIRMATION
Les sérums présentant certains pro ls sérologiques réactifs obtenus dans un laboratoire de biologie
médicale de première ligne devront être soumis à des épreuves de référence eectuées par le Laboratoire
de santé publique du Québec. Ces épreuves sont le TP-PA (Treponema pallidum Particle Agglutination Assay)
et l’INNO-LIA (Line Immunoassay).
ALGORITHMES DE DÉTECTION DE LA SYPHILIS EN VIGUEUR AU QUÉBEC
Selon leur structure organisationnelle, les laboratoires de biologie médicale du Québec utilisent soit le RPR,
soit l’essai immuno-enzymatique comme test initial pour la détection de la syphilis. Selon le type de test
choisi au départ, les sérums qu’il faudra soumettre à un test de conrmation varient. La gure2 indique
ceux qui devront être conrmés par le Laboratoire de santé publique du Québec pour chacun des
algorithmes en vigueur au Québec. Une grille d’interprétation des prols sérologiques les plus couramment
obtenus à l’aide de ces algorithmes est facilement accessible dans le Guide sur le traitement
pharmacologique des ITSS : Syphilis de l’INESSS .
DIAGNOSTIC ET DÉPISTAGE
Que ce soit dans un contexte de dépistage chez un patient sans symptômes ou pour le diagnostic d’un
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Que ce soit dans un contexte de dépistage chez un patient sans symptômes ou pour le diagnostic d’un
patient présen tant des signes et symptômes compatibles avec ceux de la syphilis, les épreuves de détection
de la syphilis sont utilisées selon les mêmes algorithmes. Les indications de dépistage de la syphilis chez une
personne sans symptômes sont précisées dans l’outil du MSSS intitulé : «ITSS à rechercher selon les facteurs
de risque décelés». L’ore d’un tel dépistage doit être refaite, de façon périodique et parfois à une fréquence
accrue, dans certaines situations selon les facteurs de risque .
PARTICULARITÉS DE LA SYPHILIS PRIMAIRE
Puisque le résultat sérologique peut être négatif au début de l’évolution du chancre, il faut répéter l’épreuve
en cas de résultat négatif si une syphilis primaire est soupçonnée. Le moment optimal pour eectuer la
deuxième sérologie est de deux à quatre semaines après le début des symptômes .
PARTICULARITÉS DE LA RÉINFECTION
Puisque, dans la majorité des cas (de 75 % à 85 %), les résultats des épreuves tréponémiques demeurent
positifs toute la vie, seul le test RPR permet de diagnostiquer une réinfection . Ainsi, pour un patient dont le
résultat au test précédent RPR était négatif, tout résultat positif (titre de 1:2 ou plus) indiquerait une nouvelle
infection. Pour un patient dont le RPR précédent était positif, une hausse de deux dilutions ou de quatre fois
le titre (ex. : passage de 1:2 à 1:8) pourrait faire croire à une réinfection . Même après un traitement ecace,
les anticorps non tréponémiques peuvent demeurer détectables dans le sérum, souvent à faible titre,
pendant une longue période. Ce phénomène, appelé «cicatrice sérologique», survient dans une proportion
non négligeable des cas (de 15 % à 41 %) .
Prise en charge de la syphilis infectieuse et latente
En plus du traitement antibiotique, la prise en charge d’un patient ayant eu un diagnostic de syphilis
infectieuse comprend le counselling sur les relations sexuelles, la notication des partenaires et le suivi. De
plus, tel que nous l’avons précisé dans l’outil du MSSS intitulé : « ITSS à rechercher selon les facteurs de
risque décelés» , un patient ayant reçu un diagnostic de syphilis devrait subir un dépistage de l’infec tion à
C. trachomatis, de l’infection gonococcique et de l’in fec tion à VIH. Bien que la syphilis infectieuse soit une
maladie dont le tableau clinique et les épreuves diagnostiques peuvent parfois paraître complexes, son
traitement est assez simple. Le tableau II présente les diverses options thérapeutiques existantes. Il est
important de souligner qu’au Québec, le médicament prescrit contre la syphilis est gratuit pour les
personnes détentrices d’une carte d’assurance maladie valide, pourvu que le code K soit inscrit sur
l’ordonnance.
Après l’injection de pénicilline pour le traitement de la syphilis infectieuse, une réaction fébrile aiguë pouvant
s’accompagner de céphalées et de myalgies peut survenir. Il s’agit de la réaction de Jarish-Herxheimer,
attribuable à la lyse des tréponèmes survenant dans les deux heures suivant l’injection et s’atténuant
spontanément dans les 24heures. Elle survient plus fréquemment au stade secondaire de la maladie. Il est
important d’en informer le patient pour éviter des inquiétudes ou des consultations inutiles. Cette réaction
peut être jugulée par un traitement de soutien à base d’antipyrétiques .
Même traitée, la syphilis infectieuse demeure contagieuse aussi longtemps que des lésions
cutanéomuqueuses sont présentes. Il est donc important de recommander au patient de s’abstenir de toutes
relations sexuelles jusqu’à sept jours après le traitement unidose par la pénicillineG benzathine ou jusqu’à la
n d’un traitement par la doxycycline et la disparition des lésions cutanéomuqueuses. Il est aussi important
de déclarer les cas de syphilis à la Direction de santé publique de votre région et d’apporter le soutien
nécessaire au patient pour la notication de ses partenaires. La période de contagiosité varie en fonction du
stade de l’infection . L’outil du MSSS intitulé : «Les partenaires sexuels, il faut s’en occuper!», indique avec
précision quels partenaires sont à joindre et la conduite à tenir .
Après le traitement de la syphilis infectieuse, il est très im portant de faire un suivi. Les objectifs du traitement
sont la guérison clinique ainsi que la guérison sérologique, dénie comme une diminution satisfaisante du
titre de l’épreuve non tréponémique après l’antibiothérapie. La fréquence du suivi sérologique recommandé
et les critères de la réponse sérologique sont précisés dans le guide de traitement pharmacologique de la
syphilis de l’INESSS .
La syphilis infectieuse demeure un dé en 2016. Une bonne prise en charge par les praticiens dès les
premières étapes est essentielle pour bien maîtriser l’épidémie.
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Ce que vous devez retenir
Le résultat de la sérologie peut être négatif au début de l’évolution du chancre. Il faut alors répéter
l’épreuve de deux à quatre semaines après le début des symptômes en cas de présomption de syphilis
primaire.
Le patient doit s’abstenir de toutes relations sexuelles jusqu’à sept jours après un traitement à la
pénicilline G benzathine ou jusqu’à la n d’un traitement à la doxycycline et la disparition des lésions
cutanéomuqueuses.
Une réaction fébrile aiguë pouvant être associée à des céphalées et à des myalgies peut survenir après
l’injection de pénicilline dans les cas de syphilis infectieuse. Elle survient dans les deux heures suivant
l’injection et s’atténue dans les 24 heures.
Pour en savoir plus...
Sur l’interprétation des diérents prols sérologiques, voir la référence 10.
Sur le dépistage de la syphilis et sa fréquence, voir la référence 11.
Sur les indications de ponction lombaire, voir la référence 6.
Sur la notication et le traitement épidémiologique des partenaires, voir la référence 13.
Sur le suivi et la réponse clinique, voir la référence 10.
BIBLIOGRAPHIE
1. Venne S, Lambert G, Blouin L et coll. Portrait des infections transmissibles sexuellement et par le sang au Québec : année 2013 (et
projections 2014). Québec : Institut national de santé publique du Québec ; 2014. 95 p.
2. Fortin C, Baril JG, Laberge C et coll. La prise en charge et le traitement de la syphilis chez les adultes infectés par le virus de
l’immunodécience humaine(VIH) : Guide pour les professionnels de la santé du Québec. Québec : ministère de la Santé et des
Services sociaux ; 2016. 59 p.
Retour sur le cas de Sébastien
Sébastien présente un tableau classique de syphilis se condaire. Les épreuves tréponémiques et non
tréponémi ques seront donc positives. En présence de symptômes visuels, un examen ophtalmologique à la
lampe à fente sera fait. L’indication d’une ponction lombaire doit être évaluée. Il faudra dépister l’infection à
C. trachomatis, l’infection gonococcique et l’infection à VIH. Les partenaires des six derniers mois de
Sébastien devront recevoir une notication, et le cas de Sébastien devra être déclaré aux autorités de santé
publique. Sébastien recevra un traitement par une injection de pénicillineG benzathine (2,4 millions d’unités)
et un counselling sur la réaction de Jarish-Herxheimer et sur l’importance de s’abstenir d’avoir des relations
sexuelles jusqu’à sept jours après le traitement et tant que les lésions cutanées ne seront pas disparues. //
Date de réception : le 16 février 2016
Date d’acceptation : le 9 avril 2016
Le D Claude Fortin a été invité au congrès de l’ICAAC à Washington en 2014 par ViiV Healthcare.
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3. Radolf JD, Tramont EC, Salazar JC. Syphilis (Treponema pallidum) Dans : Benneth JE, Dolin R, Blaser MJ, rédacteurs. Mandell, Douglas,
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6. Ministère de la Santé et des Services sociaux. ITSS à rechercher selon les facteurs de risque décelés, mise à jour de juin 2014. Québec
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7. Jorgensen JH, Pfaller MA, Carroll KC et coll. Manual of Clinical Microbiology. 11 éd. Washington : American Society for Microbiology
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8. Fortin C, Trudelle A, Labbé AC et coll. Analyses de laboratoire recommandées pour le dépistage de la syphilis, Québec. Québec :
Institut national de santé publique du Québec ; 2016.
9. Fortin, C, Trudelle A, Labbé AC et coll. Mise à jour des algorithmes de sérodiagnostic de la syphilis. Québec : Institut national de santé
publique du Québec ; 2016.
10. Institut national d’excellence en santé et en services sociaux. Traitement pharmacologique des ITSS : Syphilis. Québec : l’Institut ;
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11. Agence de la santé publique du Canada. Lignes directrices canadiennes sur les infections transmissibles sexuellement. Ottawa : l’
Agence ; 2014.
12. Romanowski B, Sutherland R, Fick GH et coll. Serologic response to treatment of infectious syphilis. Ann Intern Med 1991 ; 114 (12) :
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13. Ministère de la Santé et des Services sociaux. Les partenaires sexuels, il faut s’en occuper! Québec : le Ministère ; 2014. 4 p.
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