“ L Génériques : deux ou trois choses que je sais d’eux

116 | La Lettre du Pneumologue Vol. XVII - n° 4 - juillet-août 2014
ÉDITORIAL
116 | La Lettre du Pneumologue Vol. XVII - n° 4 - juillet-août 2014
ÉDITORIAL
Génériques : deux ou trois choses
que je sais deux
A couple of simple things about generics
Jean-François
Bergmann
Clinique thérapeutique,
service de médecine interne A,
hôpital Lariboisière, Paris.
Le sujet des génériques est crucial mais aussi polémique. Il a généré quelques
craintes légitimes, beaucoup de peurs fantasmagoriques, quelques cas depatients
interpellant mais peu de preuves cliniques solides… Voici quelques éléments que je
sais des génériques, qui mont conduit à me mettre dans le camp des“pro-génériques”.
Rappelons d’abord que 71 % des médicaments généricables sont aujourd’hui, en France,
utilisés sous forme de génériques, sans que cette évolution nait posé de réel problème
sanitaire ; 86 % des antibiotiques sont des génériques et nous navons pas vu de fl ambée
degermes résistants; les génériques des statines nont pas entraîné de remontée
du cholestérol. Il est intéressant de noter que les produits génériques “sensibles” sont aussi
ceux qui sont utilisés dans les situations à forte symbolique symptomatique : épilepsie,
hyperthyroïdie, insomnie, douleur, et cest fi nalement plus le ressenti et la crainte
dupatient qui engendrent la suspicion que la notion de “marge thérapeutique étroite”.
Les bornes d’équivalence pour une étude de bioéquivalence entre un générique
etunprinceps ont été artifi ciellement xées à 80 %-125 %. Cela peut paraître énorme :
lorsque j’achète 1 kg de pommes, je ne veux pas que l’on men donne 800 g, et l’épicier
ne veut pas men donner 1,250 kg ! Mais il faut dire et redire que ce nest pas la moyenne
des données pharmacocinétiques qui doit être entre ces bornes d’équivalence,
mais l’ensemble de l’intervalle de confi ance de la donnée pharmacocinétique mesurée.
Dansdes études de bioéquivalence chez quelques dizaines de volontaires sains,
cetintervalle de confi ance est d’au moins 10 % à gauche et à droite de la moyenne,
ce qui fait que fi nalement les chiff res de bioéquivalence entre le princeps et le générique
sont leplus souvent diff érents de moins de 5 %. De plus, la variabilité interindividuelle
et intra-individuelle (d’un jour à l’autre) de pharmacocinétique d’un médicament
princeps est bien supérieure à 20 %, alors que l’on parle bien d’un princeps.
On essaie de nous faire peur avec ces modifi cations mineures de pharmacocinétique,
mais noublions pas que, lorsqu’un malade est insuffi samment bêtabloqué avec 5mg
debisoprolol, on passe directement à 7,5mg, soit une variation de 50 % ! À l’inverse,
ondonnera la même dose de corticoïdes inhalés dans l’asthme à une femme de 45kg
età un homme de120kg. Alors nallons pas chercher des poux dans les cheveux
desgénériques etdeleurs minimes variations cinétiques sans réelles conséquences
cliniques démontrées.
Il ne faut pas non plus parler éternellement du transfert d’un générique vers un autre
générique. D’une part, les pharmaciens sont souvent fi les aux mêmes marques
degénériques, et les malades sont aussi fi dèles à leur pharmacien. D’autre part, chaque
générique est comparé directement au princeps et non pas à un autre générique,
cequidiminue les risques de diff érence lorsqu’on passe d’un générique à un autre.
Il faut d’ailleurs noter qu’il y a aussi des diff érences de fabrication au cours du temps
pour unmême médicament princeps, et il y a parfois autant de diff érence entre deux
lots d’unprinceps qu’ily en a entre un princeps et son générique.
Les excipients, diff érents entre le princeps et le générique, ont souvent été accusés
degénérer des eff ets indésirables spécifi ques. Cela est vrai, mais cela est vrai dans
lesdeux sens : certains excipients spécifi ques du princeps peuvent être moins bien
supportés que les excipients du générique !
©
La Lettre du Cardiologue
,
n° 470-471,
décembre 2013-janvier 2014.
La Lettre du Pneumologue Vol. XVII - n° 4 - juillet-août 2014 | 117
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La Lettre du Pneumologue Vol. XVII - n° 4 - juillet-août 2014 | 117
Les erreurs liées à des diff érences de forme, de goût, de couleur, ont été décrites et sont
légitimement à craindre. Cependant, de nouveaux textes de loi autorisent maintenant
lesgénériques à avoir une similitude de présentation par rapport au princeps.
En termes de médecine fondée sur les preuves, il n’y a fi nalement pas grand-chose
desolide concernant une toxicité spécifi que des génériques. La pharmacovigilance
auniveau mondial ne fait pas apparaître de diff érence, et aucun eff et indésirable spécifi que
na été rattaché à un générique sans qu’il ait été préalablement décrit avec le princeps.
Finalement, beaucoup de cas cliniques ont été rapportés, des études de pharmacocinétique
ou des travaux in vitro (par exemple pour l’antibiothérapie) ont laissé planer des doutes,
mais dans l’exercice de praticien, au niveau d’une population, aucune étude contrôlée
nafait apparaître un risque spécifi que.
Mais ne soyons pas angéliques ; des problèmes existent, notamment la nécessité
d’uncontrôle des sites de fabrication et une meilleure organisation de la pharmacovigilance
qui incombent, même pour les génériques, au laboratoire du princeps, ce qui est pour
lemoins paradoxal ! Les problèmes rencontrés avec les génériques ont presque toujours été
induits par des situations où soit le prescripteur, soit le pharmacien, soit le malade, était
récalcitrant. La pression des organismes payeurs induit des utilisations contre la volonté
dumédecin ou du malade, et c’est souvent de là que partent la peur, l’intolérance, puis l’eff et
indésirable. Un générique de Dépakine® nest pas un plus mauvais antiépileptique, mais
silemalade inquiet de s’être vu contraint à un traitement qui lui fait peur se remet à boire,
narrive pas à dormir et regarde la télévision à des heures indues, il risque de refaire une crise
d’épilepsie, non pas en raison d’une moindre activité pharmacologique du générique mais
parce que celui-ci aura généré un comportement délétère… Pour moi, le générique est
d’abord et avant tout une aff aire de confi ance : si le trio médecin-pharmacien-malade est
convaincu de la similitude du rapport bénéfi ce/risque, le générique sera indiff érenciable
duprinceps dans la vie quotidienne ; si l’on force l’un des acteurs, les problèmes surgiront.
Actuellement, la politique des décideurs est de “favoriser” le pharmacien : sa marge est
conservée, voire augmentée, lorsqu’il substitue par un générique. Doù une vision favorable
des génériques par les pharmaciens et une vision défavorable par les médecins qui se sentent
en perte de pouvoir”. Si les politiques avaient préféré “favoriser” les médecins (parexemple
en payant 1 ou 2 euros de plus la consultation conduisant à la prescription degénériques
eten baissant la marge des pharmaciens), cela aurait été les médecins qui auraient été
favorables et les pharmaciens contre… Mais ce qui compte c’est que le malade soit bien
soigné, et le service rendu par les génériques est identique à celui apporté par le princeps.
À l’inverse de la reine d’Angleterre, qui dit “ne jamais expliquer, ne jamais se plaindre”
(never explain, never complain), je pense que, dans le monde du générique, il faut surtout
toujours expliquer pour que le malade nait pas à se plaindre. Essayons donc de convaincre,
mais ne forçons pas un malade qui n’est pas convaincu.
Claudie Damour-Terrasson et toute l’équipe Edimark
L’auteur déclare avoir reçu
deshonoraires de Sanofi , Janssen,
GSK, BMS, Amgen, AstraZeneca,
Prioritis, Novartis, Bayer.
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