Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 9 - novembre 2012
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Cas clinique
lavage relatif de 37 %. La lésion est homogène, sans
calcifications, sans image de thrombus dans la veine sur-
rénalienne. La glande surrénale controlatérale est fine.
Complément d’investigation
✓
Pas d’argument pour un cancer du sein, un lym-
phome, un cancer pulmonaire, un mélanome ; à l’exa-
men clinique, la masse surrénalienne n’est pas palpable.
✓Normalité du dosage des autres stéroïdes surréna-
liens, des métanéphrines plasmatiques et urinaires, de
la chromogranine A.
✓
Scintigraphie TEP-TDM au 18FDG : la masse surréna-
lienne est le siège d’un hypermétabolisme glucidique
modéré : SUV (max) = 3,3 g/ml, et rapport SUV tumeur/
foie = 0,8. Il n’y a pas d’autres foyers de fixation du FDG
sur le corps entier.
Diagnostic retenu
Le diagnostic est celui d’une tumeur surrénalienne viri-
lisante. La tumeur est volumineuse mais non remaniée
(sans zone évocatrice de saignement ou de nécrose
intratumorale) et non hypermétabolique. Elle sécrète
des androgènes de manière exclusive. L’hirsutisme est
isolé, d’aggravation progressive. L’imagerie corps entier
ne décèle pas de lésion suspecte de métastase après
au moins 8 années d’évolution tumorale.
Traitement
Il consiste en une surrénalectomie gauche associée à un
curage ganglionnaire réalisé par laparotomie. L’examen
anatomopathologique définitif est en faveur d’une
tumeur cortico-surrénalienne de score de Weiss égal
à 2/9, sans envahissement ganglionnaire, vasculaire ni
capsulaire. L’index Ki67 est de 1,5 %. La tumeur d’exé-
rèse complète est classée en lésion de bon pronostic
(analyse des marqueurs moléculaires pronostiques en
cours). Un traitement adjuvant par O,p’DDD ne semble
pas indiqué. En postopératoire, les taux d’androgènes
se normalisent. Une surveillance clinique et un scanner
abdominal sont néanmoins organisés à distance en
raison de la taille tumorale au diagnostic.
Discussion
Dans cette observation, l’argumentation diagnostique
(hyperandrogénie tumorale ? malignité ? bénignité ?) s’est
modifiée au fur et à mesure de l’analyse des éléments
cliniques et paracliniques. Dans un premier temps, on
pouvait présumer d’un hirsutisme d’origine tumorale
sur l’intensité de l’expression clinique et le taux de testo-
stérone sérique. Dans un second temps, on évoquait a
contrario la possible bénignité de cette tumeur cortico-
surrénalienne malgré sa taille, en raison de la latence
d’évolution, de l’aspect homogène en tomodensitométrie
et de l’absence de fixation significative en 18TEP-FDG.
Dès le départ, plusieurs éléments cliniques orientaient
vers une vraisemblable origine tumorale de l’hirsutisme.
C’est, d’abord, la rapidité d’installation de l’hirsutisme
– en quelques mois –, son étendue et son intensité
avec un score de Ferriman et Gallwey non équivoque.
Les circonstances d’apparition sont également inha-
bituelles. La grossesse est en effet une période durant
laquelle la mère est théoriquement protégée de l’effet
des androgènes par une synthèse accrue de la protéine
de transport de la testostérone, par l’aromatisation des
androgènes par le placenta et par la surproduction de
progestérone (1).
D’autre part, la virilisation des organes génitaux
externes chez l’enfant devait témoigner d’une impré-
gnation androgénique particulièrement importante et
prolongée. La masculinisation d’un fœtus féminin par
le passage transplacentaire d’androgènes provenant de
la mère est de fait un événement rarissime : c’est géné-
ralement le fait d’une prise d’hormones virilisantes, et,
exceptionnellement, la conséquence d’une tumeur
surrénalienne androgénosécrétante. L.F. Morris et al.
ont néanmoins décrit le cas d’une ambiguïté sexuelle
chez un nouveau-né de caryotype 46 XX causée par
un carcinome cortico-surrénalien maternel sécrétant
des androgènes et du cortisol. Fait remarquable, la
patiente était parfaitement asymptomatique avant sa
grossesse. Une surexpression de récepteurs LH/HCG par
la tumeur maternelle était mise en évidence, avançant
l’hypothèse que la grossesse ait pu stimuler à la fois la
croissance tumorale et la production des hormones
masculinisantes (2). La similitude du cas étudié par
L.F. Morris et al. avec le nôtre – en particulier, l’histoire
clinique gestationnelle – nous a conduit également
à demander la recherche de récepteurs illégitimes à
l’HCG sur la tumeur maternelle (étude en cours).
Le taux de testostérone devait faire suspecter une cause
tumorale. Chez la femme, une testostéronémie totale
supérieure à 1,5, voire 2 ng/ml permet en théorie de
départager le syndrome des ovaires polykystiques
(SOPK) d’étiologies tumorales plus rares mais graves
(3). La figure ci-contre résume ainsi les orientations
diagnostiques en fonction de la testostérone totale et
de l’anamnèse clinique (4).
En termes de fréquence, les étiologies de l’hirsu-
tisme chez la femme sont largement dominées
par le syndrome des ovaires polykystiques dont la
prévalence varie entre 72 % et 86 % selon les séries
(5). Les causes minoritaires sont représentées par