portrait d`une femme

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DOSSIER PEDAGOGIQUE
P ORTRAIT
D ’ UNE FEMME
DE M ICHEL V INAVER
MISE EN SCENE
A NNE -M ARIE L AZARINI
DU
20 A U 30 A V R I L 2010
M A R D I , V E N D R E D I 20 H
MERCREDI, JEUDI, SAMEDI 19H
D I M A N C H E 17 H
R E L A C H E L E L U N D I 26 A V RI L
CO NT ACT
CORALIE LA VALLE
+ 4 1 / ( 0 )2 2 3 2 0 5 2 2 2
[email protected]
D O S S I E R T E L E C H A R G E A B L E S U R L E S I T E W W W . CO M E D I E . C H
P ORTRAIT D ’ UNE FEMME
M ISE
EN SCENE
D E M ICHEL V INAVER
A NNE -M ARIE L AZARINI
1953, cour d'assises de Paris. A la barre des accusés, Sophie Auzanneau, étudiante
en médecine, jugée pour le meurtre de son ex -amant. Mais qui est cette jeune
femme énigmatique qui porte autant de visages qu'il y a de témoins ? Elle, dont l e
silence semble mettre en doute la machine judiciaire qui l'aspire sans pitié ?
Michel Vinaver est des auteurs contemporains les plus joués. C'est à partir d'un fai t
divers réel et des comptes -rendus parus dans Le Monde qu'il écrit Portrait d'une
femme. Une œuvre kal éi doscopi que et bouleversante qui dit combien l'existence est
irréducti ble aux codes et aux conventions sociales.
jeu
Bruno Andrieux
Jacques Bondoux
Gérald Chatelain
Catherine Chauvière
Cédric Colas
Jocelyne Desverchère
David Fernandez
Claude Guedj
Isabelle Mentré
Michel Ouimet
Arnaud Simon
voix de
Michel Vinaver
assistant à la mise en scène
Bruno Andrieux
musique
Hervé Bourde
décors et lumière
François Cabanat
costumes
Dominique Bourde
collaboration aux costumes
Anne -Marie Underdown et Sophie Heurlin
construction du décor
Basile Bernard et Hervé Fontaine
régie
Marcin Bunar
AUTOUR DU SPECACTLE :
RENCONTRE avec Anne-Marie Lazarini jeudi 22 avril à l'issue de la
représentation.
GRAND BRUNCH dimanche 25 avril dès 11h30. Avec Michel Vinave r et
toute l'équipe du spectacle. Discussion animée par Thierry Mertenat.
Portrait d’une femme – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
2
S OMMAIRE
P OR T R A I T D ’ U N E
UN
F EM M E ............................................................................................................ 4
M O N D E S A N S P R O C E S , EN T R ET IEN A VEC M IC H E L VI N A V ER ............................................ 6
L’ EN I GM E , L ’ EN QU ET E ............................................................................................................... 9
M IC H EL V I N A VE R ...................................................................................................................... 13
LE
T H ÉÂ T R E ET L E QU OT I D I EN ................................................................................................ 15
M IC H EL V I N A VE R ,
D R A M A T U R G E D U R E EL ............................................................................ 17
A N N E -M A R I E L A Z A R I N I ............................................................................................................ 21
Portrait d’une femme – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
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P ORTRAIT D ’ UNE FEMME
Du journal au théâtre
Genèse de Portrait d’une femme
A l’origi ne, comme matériau, un fait divers des années cinquante :
Dubuisson Pauline, née en 1927. Assassine son amant Félix Bailly (étudiant en
médecine), qui allait se marier, le 17 mars 1951. Condamnée aux travaux forcés à
perpétui té le 20 novembre 1953, elle est libérée en 1959 et se suicide le 22
septembre 1963.
Plus précisément, comme sources de la pièce, les comptes rendus que le
chroniqueur judiciaire Jean -Marc Théolleyre fait du procès dans Le Monde en 1953.
Cette année -là, Michel Vinaver conserve chacune des éditions du journal relatant
l’événement, dans l’i dée que cette histoire le rattrapera un jour. Trente ans plus
tard, l’écrivai n en fait le point de départ de sa pièce, s’imposant la consigne
d’intégrer aux dialogues tous les propos cités dans cette série de reportage : ceux
des juges, des témoins , des avocats et de l’accusée.
L’un des fils de l ’intri gue serait donc l’« avancée » du procès. Mais toutes les
citations extraites des c omptes rendus sont l’occasion pour l’auteur d’en croquer les
situations d’ origine et de leur faire croiser l’histoire principale par des retours de
arrière. Le rés ultat en est un portrait éclaté de Sophie Au zanneau, la Pauline
Dubuisson de Michel Vinaver, composé de fragments de son quotidien saisis sur une
période de six années environ et faisant irruption sur la scène du tribunal.
Les répliques se succèdent et les situations s’emmêlent, les plaidoiries des avocats
semblant donner écho aux propos de la logeuse, des amoureux ou de l’armurier. Les
multiples visages de Sophie Auzanneau surgissent tandis que la machine judiciaire
qui est en marche les broie tous parce qu’il ne doit en rester qu’un : celle d’une
femme qui aurait froidement et par intérêt assassiné son amant (un étudiant en
médecine de bonne famille). Un regard ironique se pose sur la mécanique
impitoyable du procès et nous révèle ces fragments de vie comme les grains de
sable qui auraient pu l’enr ayer.
Michel Vinaver esqui sse par touches successives le magnifique portrait
kaléidoscopique de cette femme et met en doute la machine qui l’a condamnée : qui
jugeait-on cette année -l à ? Qui était cette femme qui avait autant de visages que le
procès comptait de témoins ? Devait -elle se confondre avec le tableau monstrueux
qu’en faisai t l’accusati on ? Elle -même aurait -elle su se définir ?
Portrait d’une femme – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
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Portrait d’une femme © Marion Duhamel
Portrait d’une femme © Marion Duhamel
Mais qui est Sophie Auzanneau ?
« Sur Xavier Bergeret, tous les témoignages s’accordent. On ne peut que faire
l’éloge de ce garçon : affectueux, droit, simple. Il aimait Sophie, elle le trompait, ne
l’aimait pas, semble -t-il . A moins qu’elle se soit mise à l’aimer lorsqu’il a commen cé
à se détacher d’elle ?
Fait divers. Une étudiante en médecine assassine son ex -amant et camarade de
faculté. L’ appareil de justice se met en act ion. Pourquoi a -t-elle fait ça ? Qui estelle ? Entre l’accusée et la cour d’assises, un jeu ne se joue pas. La mach ine
théâtral e de la jus tice patine. Elle tourne, mais à vide. Tout se passe comme s’il y
avait, chez Sophie Auzanneau, un refus, ou une incapacité, à se couler dans le rôle
qu’on lui demande de tenir. Quelque chose de réfractaire au théâtre. »
Michel Vinav er, 25 août 1986
Portrait d’une femme – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
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U N MONDE SANS PROCES
E NT RE T I E N AV E C M I CH E L V I NA V E R
Propos recueillis par Ev a Cousido
Dans les années 50, à Paris, a lieu le procès retentissant de Pauline Dubuisson,
accusée du meurtre de son ex -petit copain. Les motivations de son g este demeurent
énigmatiques. Tout comme cette femme. Enigmatique aussi, l’interdiction faite par
l’auteur de monter Portrait d'une femme à Paris. Mais peut -être que ces mystères
n’en rejoignent qu’ un : celui de l’existence, qui anime toute l’œuvre du drama turge.
Cette œuvre singulière inscrit, comme peu d’autres, l’être dans le champ
économique, décèl e l’al iénation du monde du travail, les perversions du langage
médiatique. Un théâtre du quotidien, qui révèle l’extraordinaire de l’ordinaire. A
l’image du pa rcours de c et écrivain.
Michel Vinaver écri t depuis toujours. En 1950, Albert Camus l’introduit chez
Gallimard qui publie ses deux – et uniques – romans, Lataume et L’Objecteur. Il
rencontre l’écri ture de théâtre en 1955, par hasard. Et comme il aime le hasard, il le
suit. C’est ainsi encore qu’il devient PDG chez Gillette. Entre l’homme de lettres et
l’homme d’affai res, aucune schizophrénie, sinon une liberté : celle de ne pas
dépendre de la réception de ses pièces. En 2009, il entre à la Comédie -Française,
avec L’Ordinaire qu'il met lui -même en scène. En Suisse romande, ses textes sont
régulièrement créés depuis plus de 50 ans. Il est un des auteurs les plus joués du
globe, des Etats -Unis au Japon, monté par des metteurs en scène prestigieux.
Michel Vinaver a travers é le 20 e siècle, il a tracé l’histoire du théâtre de son style à
part. Il est cette voix généreuse et atypique qui nous invite à la tolérance et à
dépasser nos schémas de pensée.
EVA CO USIDO Michel Vinaver, toute votre œuvre s'ancre dans le quotidien. Pourtant
votre écriture polyphoni que, en forme de collages de phrases qui ne suivent pas une
narrati on linéai re, a pour effet de « débanaliser » le quotidien.
MICHEL VINAVER Oui, en remontant jusqu'à son cœur, qui est la turbulence, le
magma, on peut l’envis ager ainsi. Le quotidien est fragmentaire par essence. C’es t
la littérature qui crée une continuité. La conversation est beaucoup plus morcelée
que nous n’en avons c onscience. On peut voir dans cette fragmentation quelque
chose qui est de l ’ordre du réalisme par rapport au réel.
EC Ce qui donne à l’ordi naire à la fois une étrangeté et un sens. Comme si la fiction
rendait mi eux compte de la réalité.
MV Je ne dirai pas que ça donne un sens, mais que ça provoque des irruptions de
sens. Ce qui rend étrange le banal – et donc intéressant –, c’est qu’à partir de ce
procédé, il se produit des phénomènes de tamponnements ou de fusion. De là
jaillissent des fusées de sens, en dehors du régime traditionnel de cause à effet.
EC Ce qui signi fie que vous commencez à écrire comme on entame un voyage dans
l’inconnu ?
MV Oui, c’est une i nvitation au sens à advenir.
Portrait d’une femme – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
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EC Pourtant, dans Portrait d’une femme , ce même pro cédé déplace l’enjeu du
procès : cette femme n’est plus seulement jugée pour le meurtr e de son amant.
C’était intentionnel ?
MV Se mettre à écri re, c’est avoir une certaine conviction que des sens vont
apparaître. Ce que je savais là, c’est qu’il y avait un fossé infranchissable entre les
codes et les conventions sociales, condensés dans l a justice, et tout ce qui est de
l’ordre existentiel .
EC D’où le fait que vous rendiez cette femme proche de nous, tout en lui laissant sa
dimension insaisissable ? Vous lui rendez justice en somme ?
MV Oui, sans doute. A la source de cette pièce, il y a une affinité avec Pauline
Dubuisson – qui devient Sophie Auzanneau dans le texte. Ce personnage n’a cessé
de m’habiter depuis le procès jusqu’à l’écriture de la pièce, trente ans plus tard.
J’avais comme une sorte de pacte avec elle. Il fallait qu’à un m oment donné, je
l’accompagne. Quelque chose de l’ordre de la fraternité. Ce sentiment est peut -être
lié au fait que c’est une "étrangère" ou une réfractaire, c’est -à-dire qu’il y a chez
elle quelque chose qui ne joue pas le jeu de la justice ni de la socié té.
EC Le mot réfractaire revient souvent dans vos propos.
MV Réfractaire, en phy sique, est le contraire de conducteur. En matière d'écriture
est conducteur ce qui relie à la communication directe d'une information ou d'un
message. C’est l e méti er du j ournaliste de communiquer, pas le mien. Mon travai l
théâtral est réfractai re à la communication. Comment ? J’aime opposer le direct et
l’oblique. L’ obliquité est le propre d'une démarche poétique.
EC C’est d'autant plus i ntéressant, que vous écrivez souv ent à partir de coupures de
presse. Dans le cas de Portrait d'une femme , vous vous étiez donné la consigne de
n'utiliser que les comptes rendus du journal Le Monde. C’est une manière de laisser
le sens ouvert, de n e pas transmettre de message ?
MV De laisser sa pl ace à l’indétermination qui nous gouverne. Je n’ai d’ailleurs ni
message ni opi nion ni v érité à transmettre.
EC Vous vous sentez révolté ?
MV Ce serai t trop di rec t, trop « communicant » de le dire ainsi. Le mot révolte est
moins juste que celui d’ une objection diffuse.
EC Cette objection se traduit par un autre procédé stylistique. Vous cassez les
hiérarchies : celle de la langue, en mêlant le banal et l’épique ou le trivial et le
lyrisme ; celle des clas ses sociales. C’est très frappant dans la pièce qui nous
occupe : par la polyphonie, les paroles de l’accusée, des témoins, des avocats, des
juges sont toutes mises au même niveau. On a alors le sentiment qu’il n’y a pas de
jugement de votre part, et pourtant on perçoit une dénonciation.
MV Le seul fait de « déhiérarchiser » induit une dénonciation. Mais plutôt que
d’accuser, de pointer par un jugement, ça amène un décalage. Nous avons tous des
hiérarchies mentalement inscrites en nous, les desceller permet de voir les choses
différemment. Je ne comprends moi -même pas bien le mécanisme qui conduit à cela.
Portrait d’une femme – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
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Barthes avait dit, à propos des Coréens – ma première pièce –, qu’il en ressortait
« un monde sans procès ». C’est intéressant par rapport à Portrait d’une femme :
c’est un procès sans procès ; il n'a pas lieu. Un monde sans procès, c’est un monde
qui récuse par av ance tous les procès mentaux que nous ne cessons de faire.
EC Vous avez de l a tendresse pour les opprimés.
MV Oui, la tendresse est un des ingrédients de presque toutes mes pièces . J'en ai
pour les opprimés, mais aussi pour tous mes personnages quels qu'ils soient.
EC Vous définissez -vous comme un écrivain engagé ?
MV L'éc rivain n'adhère à rien d'autre qu'à son travail. Je suis ma voie, je laisse faire
ma écriture beaucoup pl us que je ne fais. Un engagement, oui, mais il est à l’opposé
d’une posture militante. Il est plutôt de donner à voir le désordre, le scandale dans
lequel nous viv ons perpétuellement.
EC Vos écrits ont toutefois une force frappe indéniable, puisque deux de vos textes
ont été censurés par l e gouvernement français : Les Coréens , en 1955, et 11
Septembre 2001 , en 2005 aux Etats -Unis.
MV Ce n’es t ni étonnant ni atterrant. C’est un symptôme de l’embarras du pouvoir,
quand l 'art se mêle de montrer comment il s’ exerce.
Portrait d’une femme © Marion Duhamel
Portrait d’une femme – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
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L’ ENIGME , L ’ ENQUETE
Compte rendu d’entretien avec Michel Vinaver
Par Barbara Métais-Chastanier 1
« Xavier : Il n’y a p as des centaines de situations. Le nombre de situations
possibles ça se réduit à trois ou quatre pas plus . Chacune avec un certain nombre
de variantes.
Sophie : Le nombre de situation s est infini . Chaque situation recommence le monde .
Xavier : Le monde serai t impensable .
Sophie : À quoi sert de penser ? »
Michel Vinaver, Portrait d’une femme
La poussée vers l’histoire
Il y a dans les pièces de Michel Vinaver ce qu’il a appelé la « poussée vers une
histoire », recomposi tion au fil de l’œuvre, qui ouvre le chemin pour des bribes de
cohérence, qui dessine un espace qui prend forme peu à peu. Dans Portrait d’une
femme cette tension est double : elle est celle de la machine qui recompose
l’histoire, c elle de la mécanique généalogiste du procès ; et celle du spectateur, qui
mène l’enquête, dans le réseau de scènes (tribunal et fragments de la vie de
Sophie) qui se présente à lui. Car que raconte la pièce au-delà du fait divers
relativement banal d’un crime que l’on pourrait supposer passionnel ou intéressé ?
Qu’y a-t-il au-delà de c ette étudiante en médecine qui assassine son ex -amant et
camarade de facul té ? Le premier numéro du Monde, consacré à cette affaire datant
du 27 octobre 1953, pointe du doigt l’énigme :
« Si l 'on en croi t l 'acte d'accusation, le crime reproché à Pauline Dubuisson, qui
comparaît demain mardi devant la cour d'assise s de la Seine, n'est pas l'acte
irréfléchi d'une femme jalouse : il faudrait y voir une savante prémédita tion.
Décorti qué, analysé par une longue instruction, le fait divers du 17 mars 1951 est
devenu aujourd'hui l 'inquiétante histoire d'une jeune fille a u caractère insaisissable
qui aurait tué par orgueil, par égoïsme ou égocentrisme bien plus que par dépit
amoureux. À la veille des débats on voit donc en elle une fille amorale, épris e
d'aventures, une calculatrice dont on ne compte plus les amants. Son mobile auss i
déconcerte, si bien que l'accusation ne semble pas être parvenue à le cerner d'une
façon précise. Mais dans quelle mesure ce personnage reconstitué au hasard des
cotes d'un dossier correspond -il à la véritable Pauline Dubuisson ? Le déroulemen t
de l'audience permettra -t-il d'y apporter quel ques retouches ? Fera-t-il apparaître
une créature plus humaine, plus sensible qu'on ne le dit ? Là sera le véritable
intérêt, d'autant plus que Pauline Dubuisson se prépare à plaider non coupable. »
L’énigme donc, et c’est ce qui vient brouiller le procès, ce qui dérange la machine
dans sa remontée généalogique et causaliste. Il y a tous ces trous, ces éclats de la
vie de l’accusée, convoqués sur la scène du procès, comme sur la scène du théâtre,
Ba rbar a M éta is - Ch ast a nier , « L’é ni gme , l ’en quê te», A gô n [e n lig ne] , Mati ère V iv e,
Per sp ect iv es , : ht tp: //a gon .en s - l sh. fr/ ind ex. php ?i d=2 38.
1
Portrait d’une femme – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
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par une logique qui n’es t plus celle de la justice, par une raison qui met en déroute
le rationnel : la trame de Portrait d’un femme est double, complexe, faite de
chevauchements et de « conjointures » 2, de fils que l’on suit et qui se perdent dans
une brisure, de g rands discours de maître dans leurs atours de rhétorique.
Complexe la pièce de Portrai t d’une Femme l’est doublement, en ce qu’elle est sans
cesse prise dans ce mouvement contradictoire de reprise généalogique et de
déprise i rrationnelle.
La matière de l a pièce, Michel Vinaver l’a trouvée dans un carton. Comme si la
poussée vers une histoi re, qui travaille ses pièces, l’avait d’abord touché lui -même.
Cette poussée, cette attirance, il la raconte dès le début, au coin de la table de ce
café, non loi n du ca rrefour de L’Odéon, comme un clin d’œil involontaire à cet autre
rendez-vous , donné dans la pièce, par Xavier Bergeret :
« J’avais dans un carton d’archives les numéros du Monde où figurent les comptes
rendus de ce procès . J e les avais conservés, ficelés, avec l’idée que ce serait un
rendez-vous pour plus tard. De 1953 à 1984, j’ai su que j’avais un rendez -vous avec
Pauline Dubuisson. Rendez -vous que je tiendrais ou ne tiendrais pas. »
Ce n’est donc qu’en 1984 que Michel Vinaver exhume ses numéros du Monde, avec
le désir d’ écrire une pièce sur cette affaire, d’écrire une pièce sur Pauline
Dubuisson. Comme il l’explique ensuite, le projet est guidé par des règles précises :
« Je me suis donné pour consigne, dans l’écriture de Portrait d’une Femme , de ne
pas chercher d’autres sources que les compte -rendus parus dans le Monde. Et
l’autre consigne que je m’étais donnée était d’inclure et d’insérer dans la pièce tout
propos cité, par qui que ce soit. De ne pas choisir. De ne pas sélectionner. »
Les bribes d’i nterventions, qu’insère Jean -Marc Théolleyre dans ses comptes rendus
de procès , servent de canevas à l’écriture de la pièce. Ils dessinent le chemin à
prendre dans l’espace du prétoire, les discours à suivre pour s’engager dans
l’obscurité du personnage :
« Je crois qu’il y avait une opacité du procès et du personnage qui me fascinait. […]
Donc ce n’étai t pas une enquête sur les modalités du meurtre mais sur la personne
de Pauline Dubuisson et de ceux qui l’entouraient, l’avocat, le juge... De qui
s’agissait-il ? »
Le langage exploratoire
« L'éc riture est une acti vité de recherche. Elle vise à connaître, et non à exposer ou
illustrer ce qui serai t déjà connu. Elle est outil de défrichage et de liage. Elle
procède par établissement de connexions entre él éments disparates. Les stries se
Mi che l V in ave r a d éve l oppé c ett e not ion d e « c onj oin ture » da ns l ’ou vra ge É cri ture s
drama ti que s. E ss ai s d' an aly se de tex te s de th éâtr e, p aru sou s s a d ire ct ion . Le pri nc ipe
con si ste d ans l e r appr oc heme nt de pi èc es ou de fragm ent s de te xte s dram ati que s pour
tent er d e sa is ir, à la lu eur d e cha que c omp os iti on, le s spé ci fi ci tés dr am aturg iq ues d e
cha cun .
2
Portrait d’une femme – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
10
tracent et peu à peu réduisent l'état initial d'indistinction. Il y a une poussée vers le
sens. Aucune pièce ne s e boucle sur un sens. » 3
Michel Vinaver poursuit en expliquant que la démarche à l’œuvre dans Portrait d’une
femme est sensiblement identique à celle que l’on trouve dans King . Les époques,
les histoires se crois ent pour tenter de saisir, d’approcher cette « énigme
centrale ». Mais la mise en scène de la recherche du vrai que représente le procès
est mise en déro ute par le personnage de Sophie. Tout se joue dans la langue, dans
l’horizon de la parole : « Le personnage de Sophie me fait penser à d’autres
personnages féminins qui se trouvent dans mes pièces. Dans Les Huissiers ,
Madame Aiguedon, Sue de L’Ordinaire . Ce par quoi la littéralité arrive. » Il a pris ,
au passage, la précaution malicieuse de rappeler que la remarque n’était pas
généralisabl e à l’ensemble de la gente féminine. « Sophie est littérale, reprend -il,
alors si le v rai n’es t pas saisissable, elle ne le dit pas. »
La littéralité est ce qui fait dérailler la machine. À l’inverse d’une pièce comme La
cruche cassée de Kleist, avec laquelle Michel Vinaver propose quelques pistes de
conjointure, l’enquête tourne ici à vide. Dans la pièce de Kleist, l'inve stigation
avance, le chemin est laborieux, on progresse cahin -caha, mais tout se clôt sur une
révélation : Adam a beau faire, il se retrouve l’objet de son procès, coupable et juge
à la fois. L’hermétisme de Sophie, sa littéralité font, au contraire, vacil ler la
démarche judiciaire. Jean -Marc Théolleyre le remarquait déjà à propos de Pauline
Dubuisson :
« Ce n'est pas un grand procès que celui de Pauline Dubuisson, mais c'est peut -être
un procès significatif. À le suivre on y éprouve le sentiment que seul le théâtre peut
donner autant que la cour d'assises une impression de conven tion. Tout au long de
l'interrogatoire on pouv ait songer à la phrase de Mal raux dans les Conquérants :
« Juger c 'est de toute évidence ne pas compren dre, puisque si l'on comprenait on
ne pourrait pl us j uger. »
À vrai dire il est bien difficile de comprendre Pauline Dubuisson. Elle a contre ell e
un passé trop remuant, une sentimentalité trop précoce. […] La justice préfère des
êtres frustes , plus malléables. Celui -ci dégage une impression de sécheresse.
Physiquement la pâleur du visage aux pommettes osseuses, le léger bleuissement
des paupières, cette ex pression exsangue qu’elle a dans ses instants de repos, la
nervosité des doigts qui s’accrochent, animés d’un intense frémisseme nt, au box, en
font une tragédienne douloureuse. À côté de cela la jeunesse, la maladresse de
certains propos, une obstination désespérée a vouloir être crue pour se faire croire,
laissent deviner l’inexpérience .» 4
La machine se démonte, se disloque tout en essayant de se constituer, de
progresser autour du personnage de Sophie. Car ce que montre la pièce, c’est
« comment la machine vacille en essayant de saisir l’objet, l’ « objet-Sophie ». Elle
n’arrive absolument pas à le faire et ne comprend pas cette r ésistance. » Ce
mouvement de spirale, il importe de bien le comprendre, parce qu’on « retrouv e
cette spirale dans Les Huissiers , dans Par dessus bord, Iphigénie Hôtel , Nina c’est
autre chose , L’objec teur aussi. […] Même dans mes Écrits Critiques , ajoute-t-il,
c’est un peu comme si je ne pouvais que m’interroger, par un processus de spirale,
3
4
Mi che l V ina ver , « Mém oir e s ur m es tra vau x I » , i n É crit s sur le th éât re II , p. 6 3.
Je an - M arc T he ol ley re, Le Mon de , 20 no vem bre 19 5 3.
Portrait d’une femme – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
11
sur une difficulté que j’ai rencontrée dans une représentation, dans un texte. Et puis
peu à peu se déroule quelque chose. »
Le rond, la spirale.
On se permettra de convoquer une autre voix dans ce court compte rendu, en
rappelant ici une réfl exion de Iannis Xenaki s :
La spirale, c 'est une forme ouverte, c'est l'éloignement d'un point tout en restant
aussi proche que possible de son point de départ ; c'est comme une oscillation qui
ne revient jamais au même point... Cela tourne autour d'un même point, mais en
s'en écartant de plus en plus... […] Cela correspond, d'une manière plus générale,
abstraite, à une idée ou à un point dans l'espace, dont vous vous écartez
progressivement tout en conservant la liaison avec lui. Il se produit ainsi un
changement progressif et c ontinu, qui est un facteur très important en esthétique,
qu'elle soi t musicale ou autre... Le déterminisme et l’indéterminisme se rejoignent
par le truchement de c ette idée fondamentale qu'est la spirale . 5
Cette réflexion du compositeur, Michel Vinaver la reprend dans « Mes appétits ».
Réflexion essenti elle en ce qu’ elle constitue le point de jonction entre le travail sur
la langue et des questi ons scéniques. La spirale c’est ce mouvement par lequel
Sophie échappe toujours, cet espacement par lequel elle e xcède sans cesse cela même qui la représente. Mais la spirale c’est aussi, dans une perspective
scénographique, une mi se en scène qui se constituerait contre l’idée d’un bon point
de vue, qui travaillerait contre la frontalité et la hiérarchisation du rapp ort scène salle. Évoquant sa récente expérience de la mise en scène, Michel Vinaver insiste
sur cette préférence à l ’égard d’une scène circulaire, où « il n’y a pas un point de
vue privilégié. Le spectateur se trouve dans une situation aléatoire à l’égard de la
face, du profil ou du dos de chaque acteur. […] Le rond convient parce que la
frontali té est déj à un point de vue, une hiérarchie. Et le rond permet de
déhiérarc hiser. La périphérie n’est pas moins intéressante que le cœur du dispositif.
Le dos d’un comédien n’est pas moins intéressant que sa face. Et la voix se fait à
cette situation là. La profération n’est pas possible. »
Il n’y a pas de bon point de vue sur Sophie, pas de lieu d’où s’organisent et
prennent sens toutes ses actions. Et le langage va cille dans cette confrontation de
deux langues qui ne trouve pas de résolution :
« Sophie. Je ne sais pas ce que veulent dire ces mots […] Je voudrais essayer de
dire Je voudrais être c rue […] Je voudrais essayer d'expliquer . » 6
La pièce se clôt sur la co ndamnation aux travaux forcés à perpétuité . […] Ainsi , en
trente minutes , magistrats et jurés ont pensé qu’ils avaient tout compris, tout deviné
de cette fille qu’ils ont vu e en tout et pour tout pendant trois après -midi entre deux
gendarmes. Justice es t f aite… Les formes ont été respectées : il y a eu une
plaidoirie de la partie civile, un réquisitoire, une plaidoirie de la défense. Les
arguments se sont opposés comme s’affrontent deux équipes dans un match.
Maintenant c’ est fini . Pauline Dubuisson s’en es t allée vers l’expiation. La salle
s’est vidée, les commentaires sont allés bon train : on a éteint les lumières. Demain
personne n’y songera pl us . 7
Iann is Xe na ki s, c it é pa r Mic hel V ina ver , « Mes appé tit s », i n Euro pe n °92 4, M ic hel
Vi na ver , Avr il 20 06, p. 15 7.
5
6
7
Mi che l V ina ver , Por trai t d ’un e F e mme .
Je an - M arc T hé ol ley re, Le Mon de , 22 /23 no vem bre 1 953.
Portrait d’une femme – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
12
M ICHEL V INAVER
Par David Bradby 8
Michel Grinberg, alias Michel Vinaver,
est né à Paris en 1927. Ses parents faisaient
partie de l a grande diaspora de cette
bourgeoisie intellectuell e russo -juive qui quitta
Moscou à la sui te de la révolution bolché vique.
Du côté maternel, ses ancêtres Vinaver
étaient juris tes, profes sion poursuivie par sa
mère, qui travaillait à l’ ONU dans la section des
droits de la femme. Les Grinberg, en revanche,
travaillaient dans le commerce de la peinture et
des objets d’ art.
Michel Vinaver © Ted Paczola
Installée à Paris, la famille établit un commerce d’a ntiquités nommé « A la vieille
Russie », et quand l’oc cupation allemande les oblige à déménager de nouveau, ils
réussirent à fonder une nouvelle maison portant le même nom à New York. Michel
avait quatorze ans au moment du déménagement. Ses parents l’inscr ivirent au lycée
français de New York, où il réussit son baccalauréat et partit tout de suite pour
Middletown pour suivre des cours de littérature à la Wesleyan University. A
Middletown, il apprit à c onnaître et à apprécier les poètes américains et anglais tels
que Ezra Pound et T. S. Eliot, mais aussi l’histoire de la littérature européenne, à
commencer par le théâtre grec.
[…] Entre les Etats -Unis et le France, Michel n’hésite pas : ayant terminé sa licence
de lettres en 1947, il retourne en France et te nte de s’établir comme écrivain. Cette
ambition le hante depui s sa jeunesse, et il a déjà publié son premier article dans la
revue Esprit alors qu’il était encore étudiant. Sa carrière littéraire démarre de façon
prometteuse : il bénéfici e de l’appui d’Alb ert Camus, se noue d’amitié avec Roland
Barthes , publie deux romans chez Gallimard, dont le second ( L’Objecteur) reçoit le
prix Fénéon. Mais malgré ces succès, il ne réussit toujours pas à vivre de sa plume,
et décide de tenter sa chance dans le commerce. Il est engagé comme cadre stagiaire c hez Gillette. La compagnie déménage de Paris à Annecy. S’enclenche
alors la double vi e qu’il mènera jusqu’en 1980 : pour Gillette, il reste Michel
Grinberg, tandis que, dans sa carrière littéraire, il a pris depuis 1946 , le nom de
Michel Vinaver.
8 Da vi d Bra db y, « Par cou rs dan s l’ œu vre », Thé âtr e Au jou rd ' hu i , no 8, S C ER E N -C N D P,
2000 .
Portrait d’une femme – La Comédie de Genève
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Parcours, par Silvi ane Bernard -Gresh 9
Auteur dramatique, romancier, critique, Michel Vinaver a un parcours significatif
dans le théâtre français. Dès les années cinquante, sa première pièce, Les Coréens
(1955), connaît un vi f succès. Son départ est donc fulgurant et Vinaver écrit à la
suite Les Huissiers (1957) et Iphigénie-Hôtel (1959). Ses visées sont claires : s’il
reconnaît l’importance de Brecht, il refuse son propos didactique et la négation de
l’émotion. Pour lui , si « le rôle de l’auteur est bien de donner des secousses dans
l’ordre établi, au départ d ’une pièce, il n’y a aucun sens », simplement le désir de
faire surgir « des bouts , des fragments de sens ». En pleine période brechtienne, sa
divergence par rappor t au dramaturge allemand ne lui fait pas que des amis.
Entre 1957 et 1967, absorbé par ses responsabilités à la tête des filiales de
l’entreprise multinationale Gillette, les voyages qu’elles exigent, la naissance de
quatre enfants , l’auteur se tait : « Je me d emandais si je n’étais pas cuit ». C’est en
cessant de respec ter la séparation entre ces deux activités de P.D.G. et d’écrivain
qu’il retrouve sa dynamiq ue créative : il met en scène, sur le mode bouffon, sa
fonction d’agent du système capitaliste da ns une pièce aux dimensions
gigantesques , Par-dess us bord (1967 -1969). Dès lors l’exploration des rapports de
l’individu et de l’économique sur les lieux du travail, deviendra le « champ » de son
œuvre. A partir de bouts de conversation éclatées, de fragme nts disjoints,
entrelacés par écho ou autres effets de rythme, la linéarité du texte est rompue, le
banal se densifie, l e dés ordre s’organise sous la « poussée de l’écriture ».
A parti r de la Demande d’emploi (1971), il écrit des pièces scéniquement moins
lourdes, Nina, c’est autre chose (1976), Les Travaux et les jours (1977), Dissident,
il va sans di re (1978). C’est à cette époque que les mises en scène de Vitez, de
Jacques Lassalle et de Alain Françon révèlent à un nouveau public la théâtralité
novatrice de son œuv re. Dans Portrait d’une femme (1984) et L’Emission de
télévision (1988), l’ écri ture continue d’explorer les relations ou les pannes de
relations entre les indiv idus et la société, à travers l’étude des différents langages
(des médias, de la jus tic e, du commerce).
Ainsi, au cours d’un demi -siècle, Michel Vinaver a -t-il écrit un théâtre exigeant,
révélant dans l eur complexité des particules d’un réel en continuelle métamorphose,
installant chez le spectateur des fissures, des doutes, de manière à ce que toujours
il soit « décalé par rapport à toutes les certitudes qu’il avait auparavant ».
9
Tiré du do ss ier de s T r av a ux et des j our s , 200 0.
Portrait d’une femme – La Comédie de Genève
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L E THÉÂTRE ET LE QUOTIDIEN
Extrait de l’ouvrage c riti que de Michel Vinaver, Ecrits sur le théâtre .
Au-delà de la fable
Toute mon ac tivité d’éc riture, d epuis les romans que j’ai faits quand j’avais un peu
plus de vingt ans (le premier s’appelait Lataume ou la Vie quotidienne ), et dès ma
première pièce (son titre à l’origine était Aujourd’hui ou les Coréens ), toute cette
activité est une tentativ e de pénét rer ce territoire, le quotidien, qui ne m’a jamais
été donné, dont l’accès est toujours à découvrir, à forcer. Autant dire que pour
l’écrivain que je suis rien n’existe avant d’écrire, et qu’écrire c’est essayer de
donner consistanc e au monde, et à moi ded ans. Le monde ça ne peut se créer qu’à
partir de l’i nformé, de l’i ndistinct, du tout -venant. Et, puisque je suis écrivain et non
peintre ou musicien, c’est à partir de paroles, de paroles quelconques, de paroles à
l’extrême de l’ordinai re, du quelconque. L a banalité dans le désordre, c’est mon
point de départ, toujours, il ne peut pas y en avoir d’autre. […] C’est du reste avec
des peintres , plus qu’avec d’autres écrivains, que je me crée des relations de
compagnonnage. Ce sont des peintres, comme Braque qu and j’étais adolescent,
comme Dubuffet plus tard, comme Rauschenberg, Tapiès, Hantaï ou comme
Motherwell récemment que je mobilise pour qu’ils m’accompagnent dans mon
itinéraire, et pour qu’il s me rassurent . Je me sentirais mieux peintre, ou bien
compositeur de musique. […] Tandis qu’en tant qu’écrivain, et écrivain de théâtre au
surplus, je me heurte à des demandes impérativement formulées d’histoires (la
pièce doit raconter une histoire), de personnages (dans lesquels le comédien doit
pouvoir s’organiser) . Toutes choses dont j’aimerais au fond me passer. […]
Graduellement, j’ai abandonné toute écriture autre que théâtrale, sans doute parce
que l’écriture théâtrale, elle au moins, n’exige pas au départ le lié, ça peut, au
départ, n’être pas autre chose que des répliques banales jetées dans le désordre et
la discontinuité. Ceci étant, dès qu’on part de là, tout le travail, tout l’effort, tout le
processus de création, c’est d’en arriver à ce que quelque chose se forme, se
constitue, qui aboutisse à des thèmes , à des personnages, à une histoire, à une
cohérence. Et à un objet fini – une pièce.
Ecriture du discontinu
Alors bon, ce travail, ça ne consiste pas en autre chose qu’en une mise en relation
des éléments indifférenciés d’origine. Il faut espérer que s ’établiront des
connections, des li aisons. Par autoritairement, pas par une acte de volonté de
l’auteur, ni même par un acte d’imagination, mais par la poussée de l’écriture qui ne
supporte pas de rester dans l’état originel de magma. Mon écriture ressorti t au
domaine de l’assemblage, du collage, du montage, du tissage. C’est par ce genre de
processus, en partant de ce qui est a priori inconnaissable, littéralement vide de
tout intérêt, que je fai s effraction dans le connaissable, dans l’intéressant. Le
quotidien se constitue.
Je dirais un mot de ces mises en relation, de ces liaisons. Elles sont de nature
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matérielle – je veux di re, c’est au niveau de la matière du langage qu’elles se
produisent – effets rythmiques, frottements de sons, dérapages de sens d ’une
phrase à l’autre, collisi ons déclenchant comme de mini -phénomènes de décharges
ironiques. L’i ronie – c’est-à-di re le décalage brutal entre ce qui est attendu et ce
que se produit – est l’équivalent dans l’écriture de la déchagre électrique. D’un seul
coup, ça passe . Qu’est -ce qui passe ? Un coura nt de sens.
Langage du quotidien ?
[…] Il n’est pas exclu que mon écriture colle de très près à la réalité de la
conversation humaine dans le quotidien. Cettre conversation, la nôtre, si on l’écoute
attentivement, est avant tout discontinue, faite de fragments réfractaires les uns aux
autres, qui se croisent et s’assemblent au prix d’un gâchis tout à fait considérable,
et elle est traversée de décharges qui ont très peu de rapport avec la volonté
consciente d es parleurs, mais qui font que la communication se noue, que des
mouvements de sens s e produisent. Alors, oui, peut -être suis -je réaliste, non par
profession de foi mais par le résultat du processus. 10
10 M i che l V ina ver , Ecr it s sur le th éâtr e , r éun is et pr és enté s par Mi che ll e Henr y, Ve ve y,
L’ Air e, 198 2.
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M ICHEL V INAVER ,
DRAMATURGE DU REEL
Entretien réali sé par Fabienne Darge 11
Vous êtes un grand dévoreur de presse ? Il y a des piles de journaux partout,
dans votre bureau…
Je suis un « accro » à l a presse écrite : c'est une pitance quotidienne indispensable
pour moi . Une fois que j 'ai terminé la lecture des journaux, je découpe, et je colle c e
qui m'intéresse dans de gros cahiers : ma cave en est remplie. Je procède ainsi
depuis l'âge de 17 ans. Tenez : celui -ci, c'est un cahier que j'ai fait en 1945, à 18
ans, avec mes commentaires sur le procès du maréc hal Pétain. J'ai toujours voulu
être en prise avec l 'actualité, ce qui ne veut pas dire être militant ou engagé, mais
être en alerte, dans l 'immédiat de l'événement.
Vous aviez aussi quelques raisons d'être en prise avec l'actualité, étant donné
l'histoir e de votre famille…
Effectivement. Ma famil le et moi avons quitté la France en avril 1941, après les
premières lois antijuives de Vichy, qui interdisaient aux juifs de travailler. Mon père,
qui était antiquaire, avait, dans le magasin qu'il tenait avec so n oncle, A la vieille
Russie, noué des relati ons amicales avec un tout jeune monarque : Farouk. En
1940, un émissai re du roi d'Egypte est venu à notre domicile, et nous a dit : nous
vous conseillons de qui tter la France, de fuir. Et nous pourrons vous aide r. C'est
comme cela que nous av ons eu nos visas.
Vos parents avaient émigré de Russie en France en 1920. Quelle perception
aviez-vous de cette identité juive russe, enfant ?
C'est le côté russe qui était présent. Mes parents appartenaient totalement au m ilieu
russe d'émi gration. Mon grand -père maternel, Maxime Vinaver, en était même une
des figures : il avait été un des fondateurs du parti KD, le parti constitutionnel
démocratique, en 1905, en Russie, et continuait à travailler avec son dirigeant,
Pavel Milioukov . La judéité, elle, était totalement absente. Ma famille n'était ni
pratiquante ni croyante, n'avait aucune attache avec la judéité sur le plan religieux
ni même identitai re. Je ne savais pas que j'étais juif. Je l'ai appris avec Vichy. Je ne
me sentais pas russe non plus, même si la langue était présente à la maison. Je me
sentais français.
Et à 14 ans vous émigrez aux Etats -Unis…
A New York, oui, où je s uis allé au lycée français. Au début j'ai été très réfractaire à
l'Amérique. Je n'étais pas b ien dans cette situation d'avoir quitté le sol natal, j'avais
une sorte de bloc age. Je me suis débloqué à l'université, où j'ai pu obtenir mon
diplôme de bachelor of arts en un an. Ces études, centrées sur la littérature
anglaise et américaine, la poésie n otamment, m'ont fait aimer l'Amérique. J'ai
découvert et rencontré T. S. Eliot, dont j'ai traduit en français The Waste Land, sous
le titre La Terre vague, un texte qui est, aujourd'hui encore, très important pour moi .
Ces études étaient aussi centrées sur les humanities, en l'occurrence des études de
11
Par u d ans Le Mo nde du 2 3 j anv ier 20 09 .
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civilisation grecque antique qui m'ont marqué pour la vie : ce que j 'ai découvert à ce
moment-là, notamment l es origines de la tragédie, La Théogonie d'Hésiode, etc., a
été absolument fondateur.
Vous vouliez déjà être écrivain ?
Oui, j'avais cette idée, mais elle était battue en brèche violemment et constamment
par le sentiment que je n'avais rien à dire et que je n'avais pas la capacité de l e
faire. C'est l 'époque où j'ai rencontré Albert Camus, à New York. J'avais lu dans le
journal qu'il étai t de passage à New York, et je l'ai traqué, véritablement. Je
l'admirais sans réserve, pour L'Etranger et Le Mythe de Sisyphe. Je l'ai intéressé en
lui disant que j 'étudiai s le comique dans son œuvre, ce qui l'a accroch é car
personne n'abordait jamais son travail sous cet angle. Cela a été le début d'une
relation : il m'a encouragé à écrire, a été mon lecteur chez Gallimard, et a fait
publier mon premier roman, et le deuxième.
Pourquoi l'admiriez -vous autant ?
Cela peut paraître étonnant, parce que ce que j'ai écrit ne se situe absolument pas
dans son sillage. Ce qui me reliait à lui, très intimement, c'était le thème de
l'étranger : l e fai t de ne pas appartenir. D'être réfractaire, et non pas révolté – je
n'ai jamais é té un homme révolté. Cette incapacité à être dans la conformité
générale qu'a Meurs ault dans L'Etranger.
C'est la position de l'objecteur, qui est le titre de votre second roman ?
C'est ça. C'est un des fi ls conducteurs tout au long de mon travail. Mais concernant
mon premier roman, Lataume, je suis encore surpris que Camus l'ait publié, tant il
était él oigné de son esthétique. Je n'ai pas connu Sartre, mais on m'a rapporté que,
l'ayant lu, il l'avait situé dans le sillage de Boris Vian. Je crois qu'il av ait vu juste,
dans une es thétique du fantasque, du décalé.
Vous pensiez que vous n'aviez rien à dire, mais qu'est -ce que vous vouliez
faire avec l'écriture ?
Très vite, j 'ai s u que ce n'étai t pas cela la question, que cette question ne se posait
pas. C'est devenu rapidement l 'objet de mon débat avec Camus, parce que dans les
années qui ont suivi, il a publié La Peste et La Chute, et je ne m'y retrouvais pas.
Dans ces deux livres, c ontrairement à L'Etranger, il y avait une intention, et cette
intention déb ili tait l 'écri vain. C'est là que j'ai réalisé ce qui est devenu pour moi
quelque chose d'essenti el : que l'écrivain n'a pas de message à délivrer, et n'a pas
de responsabilité à l 'égard de qui que ce soit ni de la société. C'est même dans la
mesure où il a ccepte de n'avoir aucune responsabilité qu'il peut faire son œuvre.
Avec Camus, ça a cas tagné là -dessus : il y en a une trace dans ses Carnets de
cette époque, d'ailleurs. A la fin des années 1940, la question de l'engagement de
l'écrivain était absolument dominante. Mais pour moi l'écrivain s'engage autrement
que par l'adhésion à une idéologie, un projet politique ou même un combat.
Cela peut paraître assez paradoxal chez vous, qui êtes justement un auteur qui
travaille directement sur l'histoire de son t emps…
Oui, mais c 'est lié à cette incapacité que j'ai, dont parle mon premier roman,
Lataume : ne pas pouv oir adhérer, être toujours étranger, réfractaire, même à ce
dont je me sens le pl us proche. C'est une espèce d'objection en deçà de la
conscience, qu i fait que l'« on n'en est pas ». C'est pour cela qu'en rentrant en
France, en 1947, je ne me suis pas non plus agrégé à tel ou tel segment de la
société française, même celui des écrivains et des intellectuels. Je me suis inscrit à
la Sorbonne où j 'ai fai t beaucoup de sociologie avec Georges Gurvitch, ce qui m'a
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passionné, notamment l a découverte de Marcel Mauss et de son Essai sur le don, et
j'ai cherché du travail. J'ai été embauché chez Gillette, et ai été nommé, sur un
malentendu, chef du service admin istratif de la filiale française…
Il n'y avait pas de contradiction pour vous entre traduire T. S. Eliot, poursuivre
un chemin dans la littérature, et travailler comme cadre dans une entreprise où
le quotidien serait très éloigné de ces préoccupations ?
Non seulement il n'y av ait pas de contradiction, mais c'était pour moi ce qu'il fallai t
que j'adopte comme conduite de vie : avoir un métier qui n'a rien à voir avec
l'écriture. Ne même pas songer à vivre du produit de ma plume, ne pas être non plus
dans un métier annexe. Pour préserver l'autonomie de l'écriture. C'est lié au fait que
pour moi l 'éc riture n'est pas faite pour communiquer.
Dès votre premier roman, Lataume, sous -titré L'Odyssée de la vie quotidienne,
il y avait cette idée de travailler sur le banal, qui traverse toute votre œuvre.
Oui, une mise en tensi on du banal sur l'étrange. Je crois qu'il y a chez moi un
étonnement de base, c elui d'être au monde, d'exister, une sorte de stupéfaction
devant le fai t qu' « il y ait quelque chose plutôt que rie n » : des murs, des maisons,
des gens, que sais -je. Cette tension entre l'infiniment répétitif et ennuyeux du
quotidien et son absolue étrangeté à tout moment m'a toujours habité. […]
Votre théâtre s'inscrit dans l'histoire contemporaine, de la guerre de Corée au
11-Septembre, en passant par la guerre d'Algérie ou Mai 1968, mais sans que
jamais vous n'émettiez un point de vue direct sur les événements. Ce que
Barthes a dit de vous, que vous offriez "l'image d'un monde sans procès" , vous
semble-t-il toujours juste ?
Je crois que fondamentalement je suis un chroniqueur. J'ai besoin d'enregistrer, de
ne pas perdre ce qui passe, ce qui se passe. Ce qu'a dit Barthes est toujours juste,
jusqu'à 11 septembre 2001, ma dernière pièce, où l'on entend aussi bien la voix des
terroristes que c elle de George W. Bush ou des petits employés du World Trade
Center. Il n'y a pas de procès dans la pièce, et c'est d'ailleurs ce qui a beaucoup
dérangé, ce qui a été a mal compris : qu'il n'y ait pas de procès ne veut pas dire
que je sois neutre ou indifférent. Ce n'est pas qu'il n'y ait pas de point de vue – cela
n'existe pas , le non -point de vue. Mais le point de vue se constitue, se cristallise au
fur et à mesure de l'avancée de la pièce, en même temps que l'œuvre elle -même : il
n'est pas préalable, il n'est pas amené par une position de surplomb.
Il y a quand même chez vous le désir d'accomplir un travail politique par le
théâtre ?
Oui, on peut le di re comme cela. Mais ce n'est pas une volonté, c'est que cela ne
peut pas être autrement. Ecri re, c'est être dans le réel, et le réel est politique, es t
strié par le fait que nous sommes dans la cité, dans le monde. Alors il y a à ce
moment-là des orientati ons qui se précisent et la mienne a été invariable : même
dans ce que j'ai éc rit de plus intime, il y a toujours cette orientation d'être du côté
du petit contre le grand, du faible contre le fort. C'est une position politique si on
veut, mais tout à fait en deçà de toute formulation idéologique.
Vous êtes sans doute le premier dr amaturge à avoir inscrit à ce point l'homme
dans le champ du travail, et de l'économique. Quelles en sont les raisons
profondes, en dehors du fait que vous connaissiez cet univers par votre
activité de cadre, puis de patron ?
Le travail, c'est le champ d ans lequel on baigne, les uns et les autres. Comme mon
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intérêt est de placer les personnages, comme Dubuffet, dans leur paysage, je les
place dans ce qu'ils font, leur besogne. Ce qui m'intéresse, c'est de donner sa
pleine densité à la rel ation des personn ages avec leur humus, et leur humus,
aujourd'hui, c 'est le trav ail. C'est le lieu où se nouent les sentiments, les tensions,
les passions, les c onflits. Tout ce qui fait la substance traditionnelle du théâtre, les
jeux de pouvoi r, de rival ité, d'amour, a a ujourd'hui migré vers le champ économique,
alors que s 'affaiblissai ent les grands champs précédents : l'Etat, la patrie, le
quartier, le c hâteau, la c hambre à coucher…
Votre théâtre témoigne de ce déplacement du champ du politique vers le champ
économique …
Ce que m'a apporté mon activité professionnelle, c'est de voir combien l'économique
se relie à l 'intimité des gens, sans qu'ils le sachent nécessairement, sans qu'ils se
le disent. C'est là qu'i ntervient mon mode d'écriture, qui est l'entrelacs. L'entre lacs
fait que dans une mol écule de dialogue, il peut y avoir à la fois l'économique,
l'amoureux, et le conflit, avec le chef ou qui on veut. Ce mode d'écriture
polyphonique est une façon de répondre à une envie d'être dans le réel : le réel est
fait d'un tissu comme celui -là, où se mêlent la guerre d'Algérie et des problèmes de
coiffure. Evidemment on n'en a pas conscience, on pense que le monde est ordonné
entre différents chapitres. Mais peut -être le théâtre peut -il permettre au spectateur,
à parti r d'une étrangeté qui est l'entrelacs, de se saisir de cette réalité -là. […]
On en revient au rôle du théâtre…
La fonction du théâtre, c'est quand même de déplacer un peu les spectateurs, de les
décaler par rapport à là où ils sont calés, à leurs habitudes ment ales, affectives. La
distanciation que Bertolt Brecht opérait de manière dénonciatrice, elle est
moléculaire chez moi : il s'agit par d'infiniment petites secousses, très reliées les
unes aux autres , de faire que les gens en sortant de la pièce se disent : « Ah, ce
n'est pas exactement le point de vue que j'avais en entrant. »
Portrait d’une femme – La Comédie de Genève
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A NNE -M ARIE L AZARINI
Anne-Marie Lazarini occ upe différentes fonctions dans la vie théâtrale française.
Comédienne, traductric e de russe, elle est essentiellement un metteur en sc ène
reconnu nationalement. Elle a créé la plupart de ses spectacles au théâtre Artistic
Athévains qu’elle di rige avec Dominique Bourde et François Cabanat.
Dans son théâtre situé au centre de Paris dans un quartier populaire, elle propose
une programmati on axée sur la découverte de grands textes classiques peu connus
ou la création d’ auteurs contemporains. Elle accueille des spectacles de metteurs
en scène proches de sa démarche artistique.
Un axe internati onal, des lectures -découvertes de textes et un travail de rencontres
originales avec le public, forment un contrepoint aux spectacles proposés dans la
durée.
Avec ses acteurs ell e a créé une relation particulière, à mi -chemin de la troupe et
du groupe de recherche. Ils forment une équipe très présent e dans le théâtre où ils
ont toute lati tude pour réaliser leurs projets et utiliser les équipements.
Ses mises en scène
Mathusalem ou l’Eternel Bourgeois d’Yvan Goll , Les Mauvais Bergers d’Octave
Mirbeau, La Fortune de Gaspard d’après la Comtesse de Sé gur, Des petits cailloux
dans les poches lecture imaginaire avecVirginia Woolf, Jacques Thibault , d’après
Les Thibault de Roger Martin du Gard , Un silence à soi d’après Virginia Woolf ,
Ostrovski, Le Deuil écl atant du bonheur prélude à Katherine Mansfield écrit par
Monique Fabre, La Ville marine de Jacques Guimet, Les Amoureux de Carlo Goldoni,
Le Timide au Palais de Tirso de Molina, La Fille de Rimbaud de Jacques Guimet,
Vassa Geleznova de Maxime Gorki, L'Étrange histoire de Peter Schlemihl d'Adalbert
Von Chamisso, Le Poids du corps d'Alain Pierremont , Virginia d'Edna O'Brien, La
Traviata de Giuseppe Verdi .
Pour un théâtre ouvert sur la Ville.
Un bureau ouvert sur la rue, une bibliothèque où débordent des archives et
des livres… C’est dans une ambiance s tudieuse qu’Anne -Marie Lazarini met
une dernière touche à la programmation 2008 -2009 des Athévains. « L’histoire
de sa vie », qui est aussi celle de « son » théâtre, a commencé à Marseille au
moment où, encore étudiante, elle décide avec des copains de lyc ée,
Dominique Bourde et François Cabanat, de monter à Paris. A la recherche
d’un théâtre et de bien plus encore, le trio était en quête de l’âme d’un
quartier, d’une histoire et d’un public avec qui vivre cette aventure.Ils
concrétisent leur pari en 1979 e n prenant les clés de l’Artistic, ancien cinéma
du quartier, pour y développer un projet artistique ambitieux.
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Comédienne passée de l’autre côté des planches, Anne -Marie Lazarini ouvre
les portes de son domaine : « Ici, tout est propice à l’échange et à la
convivialité ». La bibliothèque, le bar, la librairie sont des espaces où la
culture s’ouvre et se répand sans retenue. Car tel est le credo d’Anne -Marie :
« mettre en prise la création avec le public » pour des oeuvres dramatiques
qui font se côtoyer le théâtre classique avec les mises en scènes
contemporaines. Un subtil mélange des genres à découvrir afin de ressentir
que le théâtre des Athévains est bien plus qu’un théâtre mais un lieu de vie et
de rencontres entre comédiens, amateurs des planches et esprits curieux. Pari
fou mais réussi.
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