Conceptions naïves de la digestion chez les enfants de 7 à 10 ans 161
INTRODUCTION
Cette recherche s’inscrit dans le courant des travaux sur le changement
conceptuel qui est défini comme le processus qui permet le passage d’une
conception naïve à une connaissance scientifique. Les travaux appartenant à ce
courant essayent de découvrir les mécanismes responsables de l’évolution des
connaissances. Depuis la théorie opératoire de Piaget (1976) qui propose des
structures cognitives générales s’appliquant à tous les domaines, de nombreux
travaux en psychologie du développement cognitif ont montré que les capacités
opératoires, au sens piagétien, se développent différemment selon les domaines
explorés, les contenus et les individus. Ces travaux ont mis en évidence que
les enfants étaient capables de comprendre tout un ensemble de domaines en
physique, en biologie et en théorie de l’esprit (Wellman & Gelman, 1998).
Selon Keil (1992), les concepts sont des mini-théories et la compréhension du
développement conceptuel passe de façon incontournable par l’étude de la nature
et de l’évolution de ces théories. Ces théories initiales, qualifiées de «naïves »
parce qu’elles ne résultent pas d’un enseignement scientifique systématique, vont
prendre des formes différentes en fonction du temps et du niveau cognitif atteint.
On considère aujourd’hui que ces conceptions intuitives résistent souvent aux
enseignements, ce qui amène à penser qu’elles «jouent un rôle déterminant dans
l’acquisition des savoirs, en particulier scientifiques »(Tiberghein, 2003, p. 2). Il
paraît donc important de les étudier le plus tôt possible, puisqu’elles influencent
les apprentissages scolaires. De plus, les études montrent qu’à un moment donné
peuvent coexister chez l’enfant plusieurs modèles explicatifs comme c’est le
cas pour des phénomènes biologiques (Gelman & Raman, 2002) ou pour la
représentation de la terre (Vosniadou & Brewer, 1992).
Le développement conceptuel est aujourd’hui décrit selon différents points
de vue. Pour expliquer le fonctionnement cognitif de l’enfant Vosniadou et
Brewer (1992) proposent des structures théoriques de deux ordres : un cadre
théorique naïf, constitué de principes assez généraux sur le comportement des
objets et des théories spécifiques dans les domaines étudiés. Pour DiSessa
(2000), les connaissances sont constituées des éléments simples «p-prims »qui
représentent des interprétations superficielles de la réalité physique que le sujet
construit pour pouvoir expliquer les phénomènes physiques. Cette construction
est une sorte d’association de «p-prims »mais ne constitue pas une théorie
cohérente et systématique. Selon Chi, Slotta, et de Leeuw (1994), les entités
qui constituent notre environnement sont classées dans des catégories onto-
logiques telles que «matière »,«processus »,«états mentaux ». Les conceptions
erronées ont lieu lorsque l’apprenant associe un nouveau concept à une ontologie
erronée. Quand un concept passe d’une catégorie à une autre, il y a changement
conceptuel.
La notion de digestion, bien qu’elle figure dans le manuel scolaire du
CM1, n’est pas systématiquement étudiée. On peut alors s’interroger sur
les conceptions que des enfants ont de ce phénomène qu’ils expérimentent
nfance n◦2/2009