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Conceptions naïves de la digestion chez les enfants
de 7 à 10 ans
Olga Megalakaki et Nathalie Fouquet
Enfance / Volume 2009 / Issue 02 / June 2009, pp 159 - 179
DOI: 10.4074/S0013754509002018, Published online: 10 July 2009
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Olga Megalakaki et Nathalie Fouquet (2009). Conceptions naïves de la digestion chez
les enfants de 7 à 10 ans. Enfance, 2009, pp 159-179 doi:10.4074/S0013754509002018
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Conceptions naïves de la digestion chez les
enfants de 7 à 10 ans
Olga MEGALAKAKI* et Nathalie FOUQUET**
RÉSUMÉ
L’objectif de cet article était d’étudier l’organisation, la cohérence et
l’évolution des conceptions naïves de la digestion chez des enfants
âgés de 7 à 10 ans. Les enfants devaient dessiner le trajet et le devenir
d’une pomme dans le corps et répondre à une série de questions. Nous
avons étudié trois thèmes : – la structure du système digestif, – les
transformations progressives des aliments dans le corps, – l’absorption
intestinale et le passage des aliments dans le sang. Les résultats
montrent que les enfants utilisent un petit nombre de conceptions
cohérentes pour expliquer la digestion et ses processus, et que ces
conceptions évoluent significativement. Les enfants progressent depuis
des conceptions où ils considèrent le système digestif comme une
«libre circulation des aliments dans le corps »ou d’un «corps
contenant », vers des conceptions du type «tuyauterie continue »pour
arriver à des conceptions où les deux systèmes digestif et circulatoire
sont considérés au départ indépendamment l’un de l’autre et ensuite
comme deux systèmes en relation.
MOTS CLEFS :CONCEPTIONS NAÏVES, BIOLOGIE NAÏVE, DIGESTION
*Université de Picardie, Faculté de Philosophie, Sciences humaines et sociales. Equipe CLEA.
Chemin du Thil 80025 Amiens Cedex 1, France, e-mail : olg[email protected]
**Université de Picardie, Faculté de Philosophie, Sciences humaines et sociales.
nfance n2/2009 |pp. 159-179
160 Olga MEGALAKAKI, Nathalie FOUQUET
ABSTRACT
Children’s naïve conceptions of digestion
The aim of this work was to study the organization, coherence and
evolution of naïves conceptions of digestion for children from 7 to 10
years old. The children draw itinerary and future of an apple in the
body and answer a series of questions. We studied - the structure of
the digestive system, - the progressive transformations of food in the
body, - intestinal absorption and the passage of food in blood. Results
show that the children use a small number of consistent conceptions
to explain digestion and its processes, which evolve significantly. The
children advance from conceptions where they consider the digestive
system as a “free movement of food in the body” or as a “containing
body”, towards conceptions where both digestive and circulation systems
are considered at first independently and then as two systems in relation.
KEY-WORDS: NAIVE CONCEPTIONS, FOLKBIOLOGY, DIGESTION
Conceptions naïves de la digestion chez les enfants de 7 à 10 ans 161
INTRODUCTION
Cette recherche s’inscrit dans le courant des travaux sur le changement
conceptuel qui est défini comme le processus qui permet le passage d’une
conception naïve à une connaissance scientifique. Les travaux appartenant à ce
courant essayent de découvrir les mécanismes responsables de l’évolution des
connaissances. Depuis la théorie opératoire de Piaget (1976) qui propose des
structures cognitives générales s’appliquant à tous les domaines, de nombreux
travaux en psychologie du développement cognitif ont montré que les capacités
opératoires, au sens piagétien, se développent différemment selon les domaines
explorés, les contenus et les individus. Ces travaux ont mis en évidence que
les enfants étaient capables de comprendre tout un ensemble de domaines en
physique, en biologie et en théorie de l’esprit (Wellman & Gelman, 1998).
Selon Keil (1992), les concepts sont des mini-théories et la compréhension du
développement conceptuel passe de façon incontournable par l’étude de la nature
et de l’évolution de ces théories. Ces théories initiales, qualifiées de «naïves »
parce qu’elles ne résultent pas d’un enseignement scientifique systématique, vont
prendre des formes différentes en fonction du temps et du niveau cognitif atteint.
On considère aujourd’hui que ces conceptions intuitives résistent souvent aux
enseignements, ce qui amène à penser qu’elles «jouent un rôle déterminant dans
l’acquisition des savoirs, en particulier scientifiques »(Tiberghein, 2003, p. 2). Il
paraît donc important de les étudier le plus tôt possible, puisqu’elles influencent
les apprentissages scolaires. De plus, les études montrent qu’à un moment donné
peuvent coexister chez l’enfant plusieurs modèles explicatifs comme c’est le
cas pour des phénomènes biologiques (Gelman & Raman, 2002) ou pour la
représentation de la terre (Vosniadou & Brewer, 1992).
Le développement conceptuel est aujourd’hui décrit selon différents points
de vue. Pour expliquer le fonctionnement cognitif de l’enfant Vosniadou et
Brewer (1992) proposent des structures théoriques de deux ordres : un cadre
théorique naïf, constitué de principes assez généraux sur le comportement des
objets et des théories spécifiques dans les domaines étudiés. Pour DiSessa
(2000), les connaissances sont constituées des éléments simples «p-prims »qui
représentent des interprétations superficielles de la réalité physique que le sujet
construit pour pouvoir expliquer les phénomènes physiques. Cette construction
est une sorte d’association de «p-prims »mais ne constitue pas une théorie
cohérente et systématique. Selon Chi, Slotta, et de Leeuw (1994), les entités
qui constituent notre environnement sont classées dans des catégories onto-
logiques telles que «matière »,«processus »,«états mentaux ». Les conceptions
erronées ont lieu lorsque l’apprenant associe un nouveau concept à une ontologie
erronée. Quand un concept passe d’une catégorie à une autre, il y a changement
conceptuel.
La notion de digestion, bien qu’elle figure dans le manuel scolaire du
CM1, n’est pas systématiquement étudiée. On peut alors s’interroger sur
les conceptions que des enfants ont de ce phénomène qu’ils expérimentent
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quotidiennement. L’objectif de notre recherche est de mettre en évidence les
conceptions naïves des enfants de 6 à 10 ans afin d’étudier leur organisation
et la nature du changement conceptuel qui s’opère au cours de cette période
développementale. Dans la mesure où des travaux montrent que souvent
l’évolution des connaissances suit l’évolution des sciences (Kuhn, Amsel, &
Carrier, 1988 ; Carey 1992), nous présenterons un bref historique de l’évolution
du concept de la digestion ainsi que les principaux travaux de recherche sur cette
notion.
ÉVOLUTION ÉPISTÉMOLOGIQUE ET HISTORIQUE DU CONCEPT
DE LA DIGESTION
Depuis le Vesiècle av. J. C. l’évolution épistémologique du concept de la digestion
a produit des définitions bien différentes : cuire, fermenter, broyer, dissoudre.
Asclépiade (124-40 av. J. C.) expliquait que «les matières passent dans le sang
aussi crues qu’elles avaient été avalées ». Galien (131-201) postulait que les
aliments passent de l’estomac au foie où ils se transforment en «esprit naturel »,
qui remontera au cœur. Il faut attendre les travaux des médecins-chimistes au
XVIesiècle, pour apporter des éléments supplémentaires aux phénomènes de la
digestion et pour que la digestion devienne fermentation. Au Siècle des Lumières,
l’idée la plus communément admise était une «conception mécaniste », selon
laquelle la digestion serait un phénomène purement mécanique : les aliments
seraient simplement broyés dans le tube digestif. Les premiers travaux sur la
digestion, étaient très empiriques dans la mesure où les fondements théoriques
essentiels de la chimie et de la biologie n’avaient pas encore été posés. De la fin
du XVIIesiècle jusqu’au début du XIXe, les chercheurs n’ont cessé de réaliser des
expériences dans le but de mettre en évidence des substances chimiques agissant
sur le mécanisme de la digestion. R. A. Ferchault de Réaumur (1683-1757) a
étudié la digestion des rapaces, oiseaux dont la particularité est de rejeter sous
forme de pelotes les parties de leurs proies qu’ils ne digèrent pas (plumes, os,
poils). Il a fait avaler à des rapaces des tubes métalliques contenant de la viande.
Après rejet du tube, il a constaté que la viande avait en partie disparu sans aucune
putréfaction ni broyage mécanique. Il a remplacé la viande par une éponge afin de
récupérer le liquide contenu dans l’estomac et a vérifié que ce liquide était capable
de dissoudre la viande. La digestion apparaissait donc comme un phénomène
chimique. Lazzaro Spallanzani (1729-1799) a repris les travaux de Réaumur sur
la digestion. Il émet l’hypothèse que la digestion est un phénomène purement
chimique : les aliments seraient rendus liquides par des substances chimiques
sécrétées par les organes. Il a réalisé une expérience en mettant dans un tube
unmélangedeviandeavecdusucgastrique.Cetubeaétéplacédansunendroit
ayant une température proche de notre corps, pendant trois jours. Il a obser
que la digestion a été réalisée in vitro, sans aucune intervention mécanique de
l’estomac. Il en a déduit qu’il s’agissait bien d’un phénomène chimique, comme
l’avait suggéré Réaumur. Ce n’est qu’au début du XIXesiècle, que le concept de
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