Géométrique, un sens et une intuition à développer (article 3)
Robert Lacroix, Séminaire Salésien, Sherbrooke
ENVOL no 142 — janvier-février-mars 2008 43
GRMS
Dernièrement, j’étais proche de la porte d’entrée d’un res-
taurant et j’observais des poissons nager dans un aqua-
rium. Lorsque les poissons étaient dans une partie de
l’aquarium, ils m’apparaissaient plus gros, alors qu’en
d’autres parties, ils étaient plus petits que lorsqu’ils pas-
saient directement devant moi. Ainsi, je sais que, selon
l’emplacement des poissons dans l’aquarium, ils vont
m’apparaître de grosseurs différentes : je le sais parce que
je l’ai vu!
À un autre moment, je me trouve devant mon poêle à
l’huile, il dégage une bonne chaleur en cette journée de
tempête (dimanche 16 décembre 2007). Dans mes mains,
je tiens une tige de métal. M’éloignant du poêle tout en
tenant la tige, je ne suis pas sans penser (c’était assez fa-
cile puisque l’article était en gestation) qu’en éloignant la
tige de métal du poêle, elle se rétrécit. Je sais que les dif-
férences des températures font varier les dimensions des
objets : je le sais parce que je l’ai déjà mesuré. De plus,
les variations des dimensions dépendent des matériaux
qui constituent un objet.
Mais vous allez me dire que, pour l’aquarium, les défor-
mations ne sont qu’apparentes, alors que pour la tige de
métal, la dilatation (contraction) est négligeable. Ah oui?
Si c’est négligeable alors pourquoi les séparations des
rails de chemin de fer? Pourquoi mettre tant d’espace en-
tre les morceaux du tablier d’un pont?
Imaginons qu’à l’époque des grands géomètres, on se soit
aperçu qu’en déplaçant une tige de métal, elle changeait
de longueur, et si l’atmosphère avait été très stratiée et
sachant que la réfringence varie fortement d’une strate
à l’autre, variation tellement prononcée que les objets
auraient semblé changer de forme en les tournant autour
d’un point, aurait-on postulé l’existence des isométries?
Farfelues de telles questions? Ces questions ont déjà été
soulevées par le grand mathématicien français Henri Poin-
caré (dans son livre, Science et hypothèse, paru quelque
temps avant sa mort).
Ces quelques réexions m’amènent à me poser la question
suivante : quels arguments puis-je fournir qui me permet-
tent d’afrmer que toute translation est une isométrie, que
toutes les translations se font suivant la façon enseignée
en géométrie?
Comment puis-je entendre l’afrmation, sans trop sour-
ciller, qu’en faisant tourner un objet dans l’espace, l’objet
ne change pas de forme et il garde ses dimensions?
À propos des rotations : comment prouver que, si je fais
tourner une droite d’un angle q autour d’un point O situé
hors de cette droite, l’image que j’obtiens est une droite et
que cette image forme un angle q avec la droite objet?
« Ben voyons donc » tout le monde sait ça!
– Ah oui?
– Bien, c’est évident!
– Si c’est si évident, on devrait avoir les arguments pour
le prouver. Je me souviens avoir déjà eu des stagiaires in-
capables de le prouver.
– Alors, c’est quoi ta preuve?
– C’est ce que nous allons voir bientôt.
J’ai encore une autre question : « Quels sont les arguments
que je peux fournir pour prouver que les gures sembla-
bles existent (bref, que les homothéties existent)? »
D’autres questions me trottent dans l’esprit comme :
Comment puis-je être si certain que les hauteurs d’un
triangle se rencontrent en un même point? Ce fait avait
émerveillé Einstein quand il était jeune (12 ans) et, quand
il avait acquis la certitude que c’était vrai, il en a été bou-
leversé. Commença alors sa quête ou sa recherche de la
vérité, soupçonnant que la nature recèle une beauté in-
soupçonnée et qu’elle se laisse découvrir petit à petit
par...
Mais par quoi au juste? Et quelle était cette certitude?