24 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 1 - janvier-février 2013
Points forts
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Chez les malades cachectiques porteurs d’un cancer, une complémentation en acides gras polyinsaturés
(AGPI) n-3 d’au moins 2g/j ralentit la perte pondérale. À cette posologie, la tolérance est bonne et les effets
indésirables sont mineurs. L’utilisation de compléments nutritionnels oraux enrichis en AGPI n-3 semble
plus efficace qu’une complémentation seule sous la forme de gélules. La durée de la complémentation doit
être d’au moins 8 semaines. Au cours des chimiothérapies, des radiothérapies et des radiochimiothérapies
pour cancer, la complémentation en glutamine par voie orale ou parentérale n’est pas recommandée. Une
complémentation à long terme par la glutamine et l’arginine par voie orale ou intraveineuse, en dehors
des périodes thérapeutiques du cancer, n’est pas recommandée. Une complémentation à long terme par
les AGPI n-3 n’est pas recommandée, mais, en raison d’un possible effet antiprolifératif et potentialisateur
de la radiochimiothérapie par les AGPI n-3, la réalisation d’essais cliniques comparatifs est nécessaire.
Mots-clés
Nutrition
Cancérologie digestive
Nutrition entérale
Nutrition parentérale
Immunonutrition
Highlights
»
In cachectic cancer patients,
a supplementation with polyun-
saturatedfattyacids(PUFA)n-3
ofatleast2g/day,slowdown
weight loss. At this dosage the
tolerance is good. The use of
oral nutritional supplements
richinn-3PUFAseemmore
effective than supplementa-
tion with capsules. The length
of treatment should be at least
8 weeks.
»
Duringchemotherapyand/or
radiotherapy, oral or parenteral
glutamine is not recommended.
Long-term supplementation
withn-3PUFAisnotrecom-
mended, but due to a possible
antiproliferative effect and
potentiation of the radio-
chemotherapybyn-3PUFA,
clinical trials are needed.
Keywords
Nutrition
Digestive oncology
Enteral nutrition
Parenteral nutrition
Immune-enhancing diets
d’un cancer du pancréas a montré qu’un apport
en acides gras n-3 permettait de stabiliser la perte
pondérale. Cet apport était réalisé sous la forme
de 12 capsules de 1 g contenant chacune 180 mg
d’acide eicosapentaénoïque (EPA) et 120 mg d’acide
docosahexaénoïque (DHA). Alors que l’amaigrisse-
ment était, en moyenne, de 2,9 kg/mois avant le
traitement, la prise pondérale était, en moyenne,
de 0,3 kg/mois après 3 mois de traitement. L’étude
de C.A. Gogos et al. (2) publiée 2 ans plus tard
montrait, chez des malades porteurs de tumeurs
solides, que la supplémentation en acides gras n-3
entraînait une amélioration de l’immunité du perfo-
mance status et de la survie. En revanche, dans une
étude contrôlée, K.C.H. Fearon et al. (3), en utilisant
des compléments nutritionnels oraux (CNO) enri-
chis en acides gras n-3, n’ont pas réussi à montrer,
en intention de traiter, une différence significative
entre les malades supplémentés et ceux qui ne
l’étaient pas. Après 8 semaines de prise en charge,
les 2 groupes avaient des résultats similaires sur la
stabilisation de la perte pondérale : respectivement
−0,25 et −0,37 kg/mois pour le groupe traité et
pour le groupe témoin. Cependant, l’augmentation
des concentrations plasmatiques en EPA, témoin
d’une bonne observance, était associée à un gain de
poids et de masse maigre. À ce jour, 18 études ont
évalué l’effet des acides gras n-3 chez les malades
cachectiques porteurs d’un cancer. Les études les
plus récentes qui utilisent des CNO enrichis en AGPI
n-3 (4, 5) montrent clairement un gain pondéral
chez les malades supplémentés. Par ailleurs, la
tolérance des n-3 administrés à la dose d’environ
2 g/j et par voie orale est bonne.
Pharmaconutrition
pendant la chimiothérapie
Nous avons recensé 15 études qui ont évalué l’intérêt
d’une complémentation orale en glutamine sur la
prévention des complications de la chimiothérapie.
Toutes confirment la bonne tolérance de la gluta-
mine par voie orale aux doses prescrites (entre 8
et 30 g/j). Six études ont évalué spécifiquement
l’effet de la complémentation sur l’incidence et la
gravité des mucites. Trois d’entre elles démontrent un
bénéfice en faveur de la glutamine, les 3 autres, non.
Ces résultats confirment les données des 2 méta-
analyses les plus récentes, qui ne trouvent pas de
bénéfice à la complémentation par voie orale en
glutamine pendant la chimiothérapie (6, 7). Cinq
études se sont intéressées spécifiquement aux
complications neurologiques de l’oxaliplatine et
du docétaxel. Deux études de faible niveau de preuve
suggèrent un bénéfice, alors que 2 autres, de meil-
leure qualité méthodologique, sont négatives. Enfin,
une autre étude trouve une toxicité accrue dans le
groupe glutamine.
Cinq études ont évalué plus spécifiquement l’effet
d’une complémentation orale en glutamine sur la
tolérance digestive de la chimiothérapie ; une seule,
de très bon niveau méthodologique, retrouve une
amélioration de l’absorption (D-xylose) et de la
perméabilité intestinale (lactulose/mannitol) dans
le groupe glutamine ainsi qu’une diminution du score
de diarrhée (1,9 versus 4,5 ; p = 0,09) et de la prise
de lopéramide (0,4 versus 2,6 ; p = 0,002) [8]
; les
4 autres sont négatives.
Cinq études ont évalué l’intérêt d’une complé-
mentation en glutamine par voie parentérale
chez des malades en cours de chimiothérapie.
Une seule retrouve un bénéfice clinique, avec une
réduction significative des scores de diarrhée (1,31
± 0,25 versus 2,82 ± 0,34 ; p < 0,05), de nausées
et de vomissements (1,18 ± 0,31 versus 2,63 ±
0,21 ; p <0,05) chez les malades supplémentés
en glutamine (9). Les 4 autres ne notent pas de
bénéfice clinique, mais 3 d’entre elles retrouvent
une réduction de la période neutropénique, et une
autre, une amélioration de certains paramètres
endoscopiques (moins d’atrophie villositaire et
moins d’ulcérations gastriques).
Recommandations
• Chez les malades cachectiques porteurs d’un cancer,
une complémentation en compléments nutritionnels oraux
enrichisenAGPIn-3d’aumoins2g/jetpendantaumoins
8semaines ralentit la perte pondérale et est recommandée
(grade B).
• Chez les malades cachectiques porteurs d’un cancer en
nutrition parentérale, l’apport systématique d’émulsions
lipidiques enrichies en AGPI n-3 n’est pas recommandé
(grade C).
• Chez les malades cachectiques porteurs d’un cancer, une
complémentation en β-hydroxyl β-méthyl butyrate, gluta-
mine et arginine n’est pas recommandée (grade C).