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L'ADN, acteur de la vaccination
27/09/11
La plupart des vaccins contiennent des adjuvants qui permettent de renforcer leur efficacité en stimulant le
système immunitaire. Le mode d'action de ces adjuvants restait cependant méconnu. Des chercheurs de l'ULg
ont découvert comment l'alun, l'adjuvant le plus fréquent, agit lors de la vaccination. Un processus notre
propre ADN joue un rôle clef !
La première forme de vaccination (lire Le vaccin en
action) aurait vu le jour en Chine, voici des siècles, et visait à protéger les gens de la variole. Cette pratique,
appelée variolisation, consistait à mettre la personne à immuniser en contact avec le contenu de la substance
suppurant des vésicules d'un malade, en espérant que ce dernier était atteint d'une forme peu virulente de la
variole…Depuis lors les vaccins ont bien évolué et ne reposent plus sur le facteur chance !
Depuis la fin du XIXème siècle on a ainsi vu naître des vaccins contre un grand nombre de maladies telles que
la poliomyélite, l'hépatite B, la diphtérie ou encore le tétanos. La vaccination a notamment permis l'éradication
totale de la variole. Il reste cependant des maladies infectieuses comme le SIDA ou la malaria, qui représentent
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elles aussi de véritables fléaux pour l'humanité, contre lesquelles aucun vaccin efficace n'est encore disponible.
Outre l'étude des dessous de ces maladies, la compréhension fine des mécanismes de la vaccination est
primordiale pour pouvoir mettre au point de nouveaux vaccins.
Un vaccin contient une forme tuée ou atténuée, certains composants ou un substitut synthétique d'un agent
infectieux responsable de maladie. Au contact de ces antigènes, le système immunitaire est stimulé et
se prépare à se défendre contre l'ennemi. Lorsque notre organisme est réellement agressé par cet agent
infectieux, le système immunitaire peut directement déployer les armes adéquates et terrasser l'agresseur
sans que celui-ci ait eu le temps de provoquer la maladie dont il est responsable.
Un adjuvant au secret bien gardé !
Si le principe de base de la vaccination est bien connu, la façon dont agissent les adjuvants, qui sont ajoutés à
de nombreux vaccins pour augmenter leur immunogénicité et leur efficacité, l'est moins. Parmi les adjuvants,
le plus utilisé est l'alun, un sel d'aluminium. « Les adjuvants boostent la réponse du système immunitaire face
à l'antigène mais dirigent également cette réponse vers un certain type d'immunité. Ils permettent d'augmenter
la production d'anticorps dirigés contre les éléments du vaccin », explique Christophe Desmet, Chargé de
recherche FNRS au sein du laboratoire de physiologie cellulaire et moléculaire du GIGA. « L'alun est
utilisé depuis les années 30. Une fois injecté, le sel d'aluminium forme un dépôt macroscopique d'apparence
spongieuse. Plusieurs hypothèses liées à cette forme spongieuse ont été émises pour expliquer pourquoi
l'alun augmentait l'efficacité des vaccins », poursuit le chercheur.
Une première hypothèse suggérait que « l'éponge » d'alun relâchait progressivement les éléments du vaccin et
permettait dès lors au vaccin d'avoir une action prolongée dans l'organisme. Une autre hypothèse concernant
le mode d'action de l'alun voulait que le dépôt spongieux qu'il forme représente une sorte de réserve dans
laquelle les cellules présentatrices d'antigènes viennent prélever les antigènes pour les présenter ensuite
aux lymphocytes T. « Au départ les scientifiques pensaient que le dépôt d'alun était immunologiquement
inerte mais, en 1985, une équipe a découvert qu'il pouvait induire la production de cytokines inflammatoires »,
précise Christophe Desmet. La tâche de découvrir comment l'alum stimule activement le système immunitaire
s'est cependant révélée ardue. Dans les années 2000, suite à la découverte des récepteurs dits Toll-like,
des récepteurs jouant un rôle clef dans l'activation du système immunitaire inné, une nouvelle hypothèse a
été avancée: l'alun activerait-il les récepteurs Toll-like ? Cette hypothèse fut cependant rapidement infirmée.
Plus récemment, il a été découvert que l'alun active une autre famille de récepteurs de l'immunité innée,
les inflammasomes, et que c'est ainsi qu'il déclenche la production de cytokines inflammatoires. L'hypothèse
que l'alun joue son rôle adjuvant en activant la voie des inflammasomes a dès lors été avancée. Elle s'est
cependant heurtée à des problèmes de validation expérimentale. Jusqu'ici, le secret du mode d'action de l'alun
restait intact !
De la recherche sur l'asthme à la clef du mystère de l'alun
Le laboratoire de physiologie cellulaire et moléculaire, dirigé par les Professeurs Fabrice Bureau et Pierre
Lekeux, est spécialisé dans l'étude des mécanismes impliqués dans les maladies respiratoires, notamment
dans l'apparition de l'asthme allergique. Pour leurs recherches, les scientifiques utilisent des modèles murins
(modèle d'expérimentation utilisant des souris). « Nous utilisons l'aluminium, plus précisément des hydroxydes
d'aluminium, comme adjuvant pour induire une réponse de type TH2 lorsqu'on vaccine les souris contre
l'ovalbumine, une protéine du blanc d'œuf. Ces souris développent alors une maladie inflammatoire proche
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de l'asthme allergique lorsqu'elles sont amenées à respirer un aérosol d'ovalbumine», indique Christophe
Desmet. La réponse TH2 désigne le mécanisme immunologique prédominant lors de la réaction allergique.
« On utilise ce modèle depuis longtemps pour étudier les facteurs de transcription, des protéines qui contrôlent
l'expression de nos gènes, impliqués dans cette maladie », précise-t-il. IRF3 (interferon response factor 3)
est un de ces facteurs de transcription. Il intervient dans la réponse immunitaire contre les virus et contre les
endotoxines bactériennes et joue un rôle très important dans l'immunité innée. «L'immunité innée jouant un
rôle important dans le déclenchement de l'allergie respiratoire, nous nous sommes dit qu'IRF3 jouait peut-être
un rôle crucial dans l'allergie respiratoire », continue Christophe Desmet. « Pour tester cette hypothèse, nous
avons utilisé le même modèle murin que l'on vaccinait contre l'ovalbumine avec de l'hydroxyde d'aluminium.
Nous avons alors constaté que les souris qui n'avaient pas d'IRF3 n'étaient pas vaccinées efficacement contre
l'ovalbumine », explique le chercheur.
Suite à ces observations, les chercheurs décident d'utiliser un autre modèle pour tester l'implication d'IRF3
dans l'allergie respiratoire. « On a fait respirer des extraits d'acariens à des souris dépourvues de IRF3 et nous
nous sommes rendus compte que IRF3 jouait effectivement un rôle dans l'apparition d'allergies respiratoires »,
poursuit Christophe Desmet. En effet, ces souris, en comparaison avec des souris « normales », présentaient
un asthme allergique nettement atténué lorsqu'elles étaient en contact avec ce type d'allergène. Ce travail sur
le rôle d'IRF3 dans l'allergie respiratoire aux acariens fait l'objet d'une publication dans le Journal of Allergy
and Clinical Immunology (1).
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Ces résultats ont permis aux chercheurs de faire une double conclusion : IRF 3 joue un rôle important dans
les maladies respiratoires mais également dans la vaccination. « L'alun a besoin de IRF3 pour provoquer une
bonne partie de la réponse TH2 puisque sans IRF3 les souris ne développaient pas cette réponse et n'étaient
pas vaccinées », résume Christophe Desmet.
L'ADN, un incontournable immunostimulateur
Leur curiosité les poussant
encore un peu plus loin, les scientifiques se sont alors demandé ce qui permettait d'activer IRF3 au cours
de la vaccination. « La liste de molécules connues pour activer IRF3 est relativement courte, puisqu'il répond
essentiellement à l'endotoxine bactérienne et aux acides nucléiques extranucléaires. Ce type de molécule
n'est cependant pas présent dans l'alun. C'est donc tout naturellement que notre réflexion nous a dirigés
vers des acides nucléiques qui proviendraient du corps lui-même. Et la forme la plus fréquente est l'ADN »,
indique le post-doctorant. S'empressant de regarder de plus près, in vivo, les alentours du dépôt d'alun, les
chercheurs ont découvert que celui-ci était couvert d'ADN. « Il y avait aussi une grande quantité de cellules
mortes et beaucoup d'ADN libre dans le liquide interstitiel à proximité de l'alun », précise Christophe Desmet.
Ainsi, le contact avec l'alun pousserait certaines cellules du corps à relâcher leur propre ADN ! Serait-ce ce
dernier qui booste ensuite le système immunitaire pour favoriser la réponse au vaccin ? « On savait que l'ADN
peut être un signal de danger lorsqu'il est sous forme libre, forme sous laquelle il n'existe pas en conditions
normales. Il peut par contre être libéré par des cellules, notamment en cas d'infection bactérienne il joue
alors un rôle de filet de protection antibactérienne ».
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Pour répondre à cette question, Christophe Desmet et ses collègues ont effectué deux types d'expérience.
La première consistait à remplacer la dose d'alun par la quantité d'ADN que les cellules auraient relâchée
en présence de cet adjuvant. « On a pu observer que l'intensité de la réponse humorale était quasiment la
même que lorsque le vaccin contient de l'alun. Cela signifie que l'ADN lui-même booste très fort le système
immunitaire », explique le chercheur. La seconde expérience visait à observer l'effet de la suppression
de l'ADN libre sur l'efficacité du vaccin. Pour ce faire les scientifiques ont injecté chez des souris de l'alun
mais également de la DNase, une enzyme qui dégrade l'ADN lorsqu'il se trouve à l'extérieur des cellules.
Résultat : « Là on perdait la réponse immunitaire ! », révèle Christophe Desmet.
Ces travaux, menés en collaboration avec des chercheurs japonais de l'université d'Osaka, font l'objet
d'une publication dans la revue Nature Medicine (2). La découverte de cet acteur inattendu qu'est notre
ADN dans la vaccination permet d'une part de mieux comprendre le fonctionnement des vaccins actuels.
D'autre part, elle devrait aider à la création de nouveaux adjuvants à l'action très ciblée et efficace pour les
vaccins du futur.
(1) Thomas Marichal, Denis Bedoret, Claire Mesnil, Muriel Pichavant, Stanislas Goriely, François Trottein,
Didier Cataldo, Michel Goldman, Pierre Lekeux, Fabrice Bureau & Christophe J Desmet. Interferon response
factor 3 is essential for house dust mite-induced airway allergy. J Allergy Clin Immunol 2010 Jul 29.
(2) Thomas Marichal, Keiichi Ohata, Denis Bedoret, Claire Mesnil, Catherine Sabatel, Kouji Kobiyama, Pierre
Lekeux, Cevayir Coban, Shizuo Akira, Ken J Ishii, Fabrice Bureau & Christophe J Desmet. DNA released from
dying host cells mediates aluminum adjuvant activity. Nat Med. 2011 Jul 17.
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