projet de constitution de la commission des experts du doyen y adh ben chour version en langue francaise

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Tunis, le 21 Novembre 2011
Projet de constitution pour la République Tunisienne
Ce projet a été élaboré par un comité d’experts
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présidé par le professeur
Yadh Ben Achour. Nous présentons, ci-dessus, les caractéristiques générales
et les principes directeurs qui ont animés ce projet, en termes de
méthodologie et de contenu.
Méthodologie
1-Partir de la réalité historique de la Tunisie
Les spécialistes qui élaborent des projets constitutionnels peuvent
procéder de deux manières: soit s’inspirer directement des expériences
constitutionnelles comparées, puis élaborer un projet à partir de cette base;
soit partir de l’expérience constitutionnelle nationale, pour la réviser, en cas
de besoin, par recours aux expériences étrangères.
La méthode adoptée dans ce projet consiste à se baser sur l’histoire
constitutionnelle de la Tunisie, les évènements politiques actuels et passés
ainsi que sur les aspirations et visions du futur. Sur ces bases, a été rédigé le
premier texte du projet. Ce texte a été vérifié et révisé, par la suite, du point
de vue technique, à partir des données tirées des expériences et théories
constitutionnelles comparées.
2-Rompre avec l’ancienne constitution et le système politique qui en
dérive
Ce projet est destiné rompre définitivement avec le système politique
engendré par la précédente constitution, mais en tenant compte de
l’histoire constitutionnelle de la Tunisie. En ce faisant, le projet se
caractérise par une inspiration libérale confirmée, au niveau des principes
politiques fondamentaux et de l’équilibre entre les pouvoirs.
3-Se limiter aux principes fondamentaux
A ce propos, il importe de rappeler que la constitution n’est pas un code
juridique et, de ce fait, devrait se limiter aux principes fondamentaux et aux
règles générales, sans entrer dans les détails. Ces derniers relèveront de la
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Commission constitutionnelle : Yadh Ben Achour, (Président), Lamia Naji, Salsabil klibi,
Salma Smiri, Amin Mahfoudh, Ghazi Ghraïri, Amor Boubakri.
Commission plénière : Yadh Ben Achouch (Président), Lamia Naji, Salsabil klibi, Wasila Kaabi,
Hafidha Chékir, Najat Yaakoubi, Asma Nouira, Yosra Frawes, Salma Smiri, Farhat Horchani,
Mohamed Ridha Jenayeh, Slim Laghmeni, Mustapha Beltaïf, Hamadi Zribi, Ghazi Ghraïri,
Mohamed Chafik Sarsar, Mounir Snoussi, Amin Mahfoudh, Mootaz Gagouri, Amor Boubakri, Slim
Kammoun.
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compétence du pouvoir législatif. En conséquence, le projet a été réduit à
91 articles
4-Simplifier le paysage des institutions constitutionnelles
Compte tenu des révisions multiples apportées à la constitution de 1959,
celle-ci est devenue une matière complexe du point de vue de ses
structures, comme de ses procédures et mécanismes.
A partir de là, nous avons procédé à la simplification des institutions et des
procédures constitutionnelles. Cela a touché la deuxième chambre
parlementaire, l’ancienne Chambre des conseillers ou le Conseil
économique et social. Nous avons veillé également à rétablir la clarté et
l’unité de la règle de droit en abandonnant la distinction entre la loi
organique et la loi ordinaire.
5-Uniformiser les procédures et les structures
A coté de la réunification de la règle de droit sus-indiquée, ce projet intègre
une nouvelle idée fondamentale, n’ayant pas d’équivalent en droit
constitutionnel comparé. L’idée consiste à unifier dans un ordre unique les
juridictions de jugement de l’Etat. Cette idée, destinée à renforcer l’Etat de
droit, de manière globale et effective, est reprise dans la seconde section du
Chapitre V relatif au « Conseil juridictionnel de l’Etat ». Ce dernier
regroupe la Cour constitutionnelle, le Tribunal administratif et la Cour
financière.
Contenu
1-Déclaration des droits et libertés
A coté du préambule qui rappelle les principes politiques fondamentaux de
la Révolution du 14 janvier, ce projet, dans son Chapitre premier (18
articles), proclame les droits et libertés fondamentales, visant à protéger les
droits de l’homme et du citoyen dans notre pays.
2-Principes fondamentaux
En plus de la déclaration des droits et des libertés, ce projet reconnait
quelques principes fondamentaux auxquels devraient obéir le
développement et l’organisation des affaires de l’État. Ces principes sont :
-Le caractère civil et démocratique de l’État.
-Les engagements des partis politiques vis-à-vis de l’Etat démocratique.
-L’interdiction d’exploiter le culte et les sentiments religieux à des fins
politiques.
-Le respect des droits de l’opposition
-L’impartialité de l’administration.
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-La protection des biens publics et la transparence des revenus des
responsables politiques
3-Devoirs fondamentaux du citoyen
Le projet confirme les devoirs fondamentaux du citoyen, en particulier,
l’obéissance à la loi, l’acquittement de l’impôt et du service militaire,
l’obligation de défendre la patrie contre l’agression extérieure et d’assurer
sa protection et son intégrité.
4-Nature du système politique
Le projet adopte un système politique équilibré et homogène se situant
entre le régime parlementaire et le régime présidentiel. Il s’inspire du
système présidentiel par l’élection du Président de la république au
suffrage universel direct et en lui reconnaissant d’importantes prérogatives
de souveraineté. Il emprunte au système parlementaire la répartition de
l’action politique et de l’activité gouvernementale entre la Chambre des
députés et le gouvernement présidé par « le chef du gouvernement ».
5-État de Droit et « Conseil de juridiction de l’État »
Le projet vise à instaurer l’État de Droit, sur le plan constitutionnel. Pour
cela, il crée le « Conseil de juridiction de l’État ». Son rôle consiste à assurer
le contrôle de la constitutionnalité des lois, de la légalité des décisions
administratives et de la régularité de la gestion financière et de la
comptabilité publique. Au sein de cette organisation, la Cour
constitutionnelle représente le plus haut degré des juridictions de l’Etat,
afin de garantir à la fois l’uni des juridictions de l’État, la suprématie de la
règle constitutionnelle et la consolidation de l’État de droit.
6-Position du gouvernement. Stabilité
Ce projet a pour objectif de faire du gouvernement et de son chef le pivot
du système constitutionnel et le premier responsable devant la Chambre
des députés. Ce projet sauvegarde la stabilité du gouvernement, par le biais
de mécanismes rationnels de responsabilité, tels que la question de
confiance (Article 63), la motion de censure (Article 64) ou encore la
dissolution de la Chambre des Députés (Article 64).
7-Position du Président de la République
Ce projet reconnait au président de la République une mission d’arbitrage
entre les autorités publiques, en particulier entre le gouvernement et le
parlement. De même, le projet veille à attribuer quelques prérogatives
classiques de souveraine en faveur du Président de la république, sans
pour autant l’impliquer dans l’exercice de la gestion politique quotidienne
laissée au gouvernement et à son chef, sous le contrôle du Parlement.
Rappelons , à ce propos, que le Président de la république constitue une
autorité élue suffrage universel, direct et secret.
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La Constitution
Préambule
Nous, représentants du peuple tunisien, membres de l’Assemblée Nationale
Constituante, proclamons :
- Notre fidélité aux principes sur lesquels s’est basée la révolution de la
dignité, révolution qui, ayant mis fin à un régime despotique et corrompu,
s’inscrit dans le sillage des principes du mouvement national tunisien qui a
libéré le pays du joug colonial.
-Notre rejet catégorique du despotisme, de l’oppression, de l’inégalité, du
déséquilibre régional, de la corruption, du népotisme et du pouvoir
personnel
-Notre engagement à garantir les libertés fondamentales individuelles et
collectives sans discrimination aucune en raison du sexe, de la langue, de la
religion ou de l’appartenance régionale, conformément à la Déclaration
universelle des droits de l’homme.
-Notre attachement à la suprématie de la loi et aux valeurs démocratiques
ayant en vue une société moderne, libre, juste et fraternelle.
-Notre attachement aux règles du droit international public.
-Notre volonté de réaliser un développement économique, social et culturel
harmonieux et d’assurer une répartition équitable des ressources
nationales.
-Notre attachement au renforcement de l’unité nationale, des valeurs
humaines partagées par tous les peuples attachés au respect de la dignité
humaine, de la justice et de la liberté et qui aspirent à la paix et à la sécurité
internationales, ainsi qu’à la libre coopération avec tous les pays et les
peuples sur la base de l’égalité, des valeurs universelles et des intérêts
communs.
-Notre attachement aux valeurs de la civilisation islamique qui constitue
lune des sources essentielles de la civilisation mondiale.
-Notre attachement à l’union maghrébine arabe, à l’action arabe commune
et à la solidarité africaine en vue de favoriser un avenir meilleur.
-Notre solidarité avec tous les peuples luttant pour la liberté et la justice et
contre la tyrannie, le despotisme et le racisme.
-Notre attachement à l’instauration d’une république garantissant la liberté,
le pluralisme, la tolérance et la justice sociale, fondée sur la souveraineté
du peuple et la séparation des pouvoirs.
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Chapitre premier. Déclaration des droits et des libertés fondamentaux
Article premier : Tout individu a le droit sacré à la vie. La loi protège ce
droit contre toute violation.
La peine de mort est abolie.
Article 2 : L’intégrité physique et la dignité inhérente à la personne
humaine sont garanties. Nul ne sera soumis à la torture, ni à des traitements
cruels, inhumains ou dégradants, pour quelque motif que ce soit. Ces actes
sont considérés comme des crimes imprescriptibles. Les ordres émis ne
constituent pas une cause d’exonération de la responsabilité personnelle
de celui qui les a commis.
Article 3 : Tous Les citoyens sont égaux en droits et en devoirs, sans
distinction de race, de religion, de sexe, d’appartenance régionale ou
linguistique.
Article 4 : Les hommes et les femmes sont égaux en ce qui concerne leurs
droits et leurs devoirs. L’État veille à rendre cette égalité effective en
adoptant les lois et les mesures nécessaires pour sanctionner la violence
contre les femmes et pour consacrer le principe de l’égalité et de la parité
dans les domaines politique, économique et social, et en matière de statut
Personnel.
Article 5 : La liberté de pensée, de conviction et de conscience est absolue.
La pratique des cultes est garantie à tous, sans distinction aucune.
Article 6 : Tout individu jouit de la liberté d’opinion et d’expression,
d’association pacifique, de manifestation, ainsi que de la liberté de réunion
sous toutes ses formes. Nul ne peut être inquiété en raisons de ses idées, ses
opinions ou de ses inclinations, sauf dans les cas déterminés par la loi.
La constitution d’organisations et d’associations civiles, politiques et
syndicales, ainsi que la liberté de l’information et de l’édition ne peuvent
être soumises à aucune restriction.
Il est toutefois interdit de se regrouper en vue d’appeler à la violence
morale ou physique ou à la discrimination, quelle que soit sa forme, ou à
l’incitation à la haine.
Article 7 : Le droit syndical est garanti. La grève est un droit légitime ssi
elle ne porte pas atteinte à un intérêt public fondamental.
Article 8 : Les libertés académiques et universitaires sont garanties. Le
pouvoir exécutif n’intervient pas dans les affaires scientifiques et
pédagogiques revenant aux universités.
Article 9 : Tout prévenu est présumé innocent jusqu’à l’établissement de sa
culpabilité à la suite d’un procès équitable lui garantissant le droit de
plaider sa cause, au cours des poursuites et du procès.
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