brèves… Brèves… Dysthyroïdies infracliniques Troubles métaboliques et affections de la thyroïde représentent les motifs de consultation les plus fréquents auprès du spécialiste en endocrinologie et maladies métaboliques. Depuis leur démocratisation et leur robotisation technique, les mesures du taux de TSH et/ou des hormones thyroïdiennes libres plasmatiques font partie des déterminations souvent effectuées à titre de “bilan” justifié par un plausible problème thyroïdien, ou comme paramètre(s) de “dépistage”, devant un ou plusieurs symptômes susceptibles de s'inscrire dans le cadre protéiforme des dysthyroïdies. La mesure de ces paramètres, parfois réalisée “pour voir”, offre bien souvent des surprises en ce sens qu'ils peuvent se révéler anormaux alors que peu d'éléments cliniques l'auraient laissé supposer, voire même aucun. On parle alors d'hyper- ou d'hypothyroïdie infraclinique et toute la question devient celle de la pertinence ou non de l'introduction d'une thérapeutique spécifiquement thyroïdienne. Estil en effet raisonnable de traiter un chiffre ? Deux articles récents du New England Journal of Medicine tentent de répondre à cette question. Le dépistage systématique de l'hypothyroïdie infraclinique, reposant sur la mesure de la TSH plasmatique, est débattu en raison de son coût et de la réalité de ses retombées en termes de traitement. Il paraît néanmoins licite dans certains groupes à risque (1). Il s'agit avant tout de la femme âgée de plus de 65 ans et de la femme enceinte au cours de la première visite de surveillance. Compte tenu de la forte prévalence féminine de l'hypothyroïdie primaire, est également conseillée la réalisation d'un “screening” une fois tous les cinq ans chez la femme âgée de plus de 35 ans. Un taux de TSH >10 mU/l conduira, après un contrôle de son inflation au-dessus de ce seuil, à l'instauration d'un traitement substitutif par T4. Le constat à deux reprises d'une valeur trop élevée de TSH mais < 10 mU/l rend légitime la même attitude thérapeutique dans l'une ou l'autre des situations suivantes : existence de symptômes susceptibles de s'expliquer par une hypothyroïdie, goitre, infertilité inexpliquée, élévation du taux de LDL-cholestérol ou femme enceinte. Les bénéfices attendus de ce traitement peu onéreux sont triples : prévention de la progression vers une hypothyroïdie cliniquement patente, disparition des symptômes “infracliniques” – touchant en particulier la sthénie – et enfin, amélioration du profil lipidique. Dans les autres cas, et surtout si la recherche de la présence d'anticorps antithyroperoxydase se révèle négative, une surveillance annuelle est préconisée, sans instauration de traitement substitutif. Il est proposé que le dépistage de l'hyperthyroïdie infraclinique ait une cible très voisine (2). Outre les situations évoquées pour la détection de l'hypothyroïdie infraclinique, la mesure du taux de TSH est justifiée lorsqu'il existe un goitre (surtout s'il est nodulaire), un trouble supraventriculaire du rythme cardiaque, alors qu'il paraît beaucoup plus discutable et discuté devant une ostéoporose qui n'a pas reçu d'autre explication. Dans l'hypothèse où le taux de TSH mesuré est inférieur à la limite basse de la normale, la réalisation d'un examen isotopique thyroïdien est logique s'il existe des signes cliniques s'inscrivant dans le cadre de l'hyperthyroïdie. Dans la situation inverse (TSH basse sans signe clinique de maladie thyroïdienne), il est conseillé de revérifier les paramètres hormonaux thyroïdiens huit semaines plus tard. Cette démarche permet d'écarter l'impact thyroïdien d'une affection aiguë non thyroïdienne (non thyroidal illness des Anglo-Saxons) ou une phase évolutive précoce d'une thyroïdite. Si l'hyperthyroïdie infraclinique est confirmée par cette deuxième mesure, l'attitude pratique se discute. En l'absence de tout symptôme : simple surveillance (TSH + T4 et/ou T3) à rythme biannuel, réduction de la posologie d'un traitement par T4 s'il y en avait un qui était préalablement suivi. En présence de symptôme rattachable à cette hyperthyroïdie infraclinique (notamment goitre nodulaire et/ou fibrillation auriculaire) : soit administration thérapeutique d'iode 131 après repérage isotopique, soit prescription d'une dose modérée d'antithyroïdiens de synthèse, éventuellement en préparation d'un traitement isotopique. Les bénéfices du traitement seront alors évidents. Les bases décisionnelles proposées par les auteurs paraissent raisonnables, à la fois sur le plan médical et sur celui de l'économie de la santé. Ils sont adoptables en France et adaptés à ce problème de sémiologie biologique thyroïdienne auquel le praticien est souvent confronté. J.M. Kuhn, Service d’endocrinologie et maladies métaboliques, hôpital de Bois-Guillaume, CHU de Rouen. 1. Cooper DS. Subclinical hypothyroïdism. N Engl J Med 2001 ; 345 : 260. 2. Toit AD. Subclinical hyperthyroïdism. N Engl J Med 2001 ; 345 : 512. Le CLA (Conjugated Linoleic Acid) réduit le tissu adipeux abdominal chez les hommes ayant un syndrome métabolique Les isomères conjugués de l'acide linoléique, ou CLA, qui correspondent à un ensemble d'isomères géométriques et d'isomères de position de l'acide linoléique, font parler d'eux. Ils sont présents naturellement dans les graisses des ruminants, produits par biohydrogénation bactérienne dans l'estomac de ces animaux, d'où le nom de leur principal représentant, l'“acide ruménique”. Chez l'animal, tel que le rat Zucker, des études ont montré des effets bénéfiques des CLA sur certaines composantes du syndrome métabolique. Cette étude a analysé, à court terme, les effets d'une supplémentation de 4,2 g/jour de CLA chez des hommes obèses ayant une surcharge abdominale (rapport taille/hanche 1,05 ± 0,05), en double aveugle. Après quatre semaines, le diamètre abdominal sagittal a diminué signifi- 236 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 5, septembre-octobre 2001 brèves… Brèves… cativement dans le groupe CLA, sans modification des autres paramètres anthropométriques, ni de ceux du métabolisme lipidique ou glucidique. Cette première étude chez l'homme confirme qu'il s'agit d'acide gras prometteurs. J.M. Lecerf Service de nutrition, Institut Pasteur de Lille . Riserus V, Beglund L, Vessby B. Conjugated Linoleic Acid (CLA) reduced abdominal adipose tissue in obese middle-aged men with signs of the metabolic syndrome : a randomized controlled trial. Int J Obes 2001 ; 25 : 1129-35. Leptine et acide docosahexaénoïque (DHA) durant la grossesse La leptine est synthétisée dans le tissu adipeux, mais aussi dans le placenta. Durant la grossesse il a été mis en évidence une augmentation de la concentration de leptine maternelle suivie d'une chute rapide après l'accouchement. HCG, LH, estradiol et insuline peuvent promouvoir la libération de leptine des adipocytes maternels. Le rôle de l'hyperleptinémie durant la grossesse est mal connu, mais l’hyperleptinémie pourrait intervenir dans la mise à disposition et la fourniture de substrats énergétiques à la mère et à l'enfant. Une étude a rapporté un lien entre des apports élevés en acides gras polyinsaturés, de la famille n-3 particulièrement, et la concentration de leptine. Une autre a montré que chez les femmes diabétiques, le rapport taille/hanche et les apports de DHA (acide docosahexaénoïque) expliquaient 42 % de la variance de la concentration de leptine ; enfin, on a suggéré que l'expression au niveau du tissu adipeux intra-abdominal du gène de la leptine était régulé par les acides gras n-3, en particulier le DHA. Durant la grossesse, la composition des phospholipides plasmatiques change indépendamment des apports alimentaires, avec un accroissement de la proportion de DHA durant les 20 premières semaines. Dans cette étude, pendant les 10 premières semaines d'aménorrhée, une augmentation parallèle de la leptine et de la teneur en DHA de phospholipides plasmatiques a été observée. Une association positive entre leptine (et l'IMC) et la somme des acides gras liés aux phospholipides, et non avec le contenu en DHA, a été retrouvée, association qui est sans relation avec les apports alimentaires. Cela suggère que le métabolisme des acides gras et la leptine sont liés. J.M. Lecerf Service de nutririon Institut Pasteur de Lille Rump P, Otto SJ, Hornstra G. Leptin and phospholipid-esterified docosahexaenoix acid concentrations in plasma of women : observations during pregnancy and lactation. Eur J Clin Nutr 2001 ; 55 : 244-51. Chymase et kinase : de nouveaux acteurs impliqués dans l’hypertension artérielle L’hypertension artérielle (HTA) est la conséquence d’interactions entre différents facteurs génétiques et environnementaux, dont la liste est encore susceptible de s’allonger dans les années à venir. À cet égard, deux articles très récents décrivent, dans un modèle animal et chez l’homme, l’implication possible de deux nouvelles familles de molécules dans certaines formes d’HTA. La chymase, une sérine-protéase produite par les mastocytes, les cellules cardiaques et les cellules musculaires lisses vasculaires (CMLV), est capable de cliver l’angiotensine I en angiotensine II, ainsi que la pré-endothéline-1 en endothéline-1. De plus, la chymase est surexprimée dans les CMLV de rats hypertendus par rapport aux rats normotendus. L’élégant travail d’une équipe canadienne (1) a consisté à démontrer, par une approche de transgenèse conditionnelle, que la surexpression de chymase in vivo est effectivement responsable de l’apparition d’une HTA. Des souris transgéniques ont été produites avec le gène codant la chymase sous contrôle négatif de la tétracycline ciblée dans les CMLV. L’induction de ce gène s’accompagne d’une hypertension artérielle systémique, d’un épaississement des parois artérielles et d’une sensibilité anormale aux agents vasoactifs. En effet, les effets vasoconstricteurs de la phényléphrine sont potentialisés, alors que la relaxation induite par la métacholine est réduite (1). Ce travail pose la question de l’existence d’un tel contrôle chez l’homme et, dans l’affirmative, le gène de la chymase deviendrait une cible de choix pour le traitement de l’HTA. L’identification de gènes potentiellement impliqués dans l’HTA chez l’homme se heurte souvent à la nécessité d’entreprendre des études à grande échelle pour un criblage du génome puissant, ou encore, nécessite de tester des gènes candidats dont on suppose, a priori, qu’ils jouent un rôle dans l’HTA. Pour pallier ces inconvénients, une équipe américaine, en collaboration avec des chercheurs français, a choisi d’identifier les gènes responsables d’une forme rare d’HTA héréditaire, le pseudo-hypoaldostéronisme de type II (PHAII), dont la transmission mendélienne facilite l’analyse génétique (2). Le PHAII, ou syndrome de Gordon, de transmission autosomique dominante, est une forme rare d’HTA associant hyperkaliémie, acidose métabolique hyperchlorémique et filtration glomérulaire normale (3), et dont les mécanismes physiopathologiques restaient sujet à controverse. Ce travail récent (2) a donc permis d’identifier deux gènes, WNK1 et WNK4, localisés respectivement sur les chromosomes 12 et 17, codant une nouvelle famille de sérine/thréonine kinases exprimées essentiellement dans la partie distale du néphron. Les mutations du gène WNK1 à 237 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 5, septembre-octobre 2001 brèves… Brèves… l’origine de la pathologie sont une très large délétion intronique qui a pour conséquence une surexpression du gène. Quant à WNK4, les mutations sont à l’origine de faux sens qui auraient pour conséquence de perturber la localisation cellulaire de la protéine. Les sérine/thréonine kinases appartiennent à une superfamille de kinases récemment identifiée (4) ; les mécanismes d’action moléculaires, les substrats et les partenaires de ces protéines restent encore à identifier. L’apport de ce travail est considérable à double titre. Tout d’abord la stratégie des auteurs a permis d’identifier des gènes inattendus, responsables d’une HTA. Par ailleurs, la démonstration éventuelle de l’implication de ces gènes dans l’HTA commune est susceptible, là encore, d’ouvrir des perspectives intéressantes pour le développement de nouvelles drogues anti-hypertensives. V. Contesse IFRMP 23, Laboratoire de neuroendocrinologie cellulaire et moléculaire, INSERM U413, université de Rouen 1. Ju H, Gros R, You X et al. Conditional and targeted overexpression of vascular chymase causes hypertension in transgenic mice. Proc Natl Acad Sci USA 2001 ; 98 : 7469-74. 2. Wilson FH, Disse-Nicodème S, Choate KA et al. Human hypertension caused by mutations in WNK kinases. Science 2001 ; 293 : 1107-12. 3. Gordon R. The syndrome of hypertension and hyperkalemia with normal GFR. A unique pathophysiological mechanism for hypertension ? Clin Exp Pharmacol Physiol 1986 ; 13 : 329-33. 4. Xu B, English JM, Wilsbacher JL et al. WNK1, a novel mammalian serine/threonine protein kinase lacking the catalytic lysine in subdomain II. J Biol Chem 2000 ; 275 : 16795-801. 238 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 5, septembre-octobre 2001