Cette revue est une publication con-
jointe de l’Université du Québec à Chi-
coutimi, de la Fondation de l’Entrepre-
neurship, de Valorisation-Recherche
Québec, du Centre de recherche sur le
développement territorial (CRDT) et du
ministère des Régions
Direction
Marc-Urbain Proulx
Édition et mise en page
Esther Cloutier
Graphisme
Clémence Bergeron
Impression
Imprimerie ICLT inc.
Comité de lecture et de rédaction
Maurice Beaudin, U. de Moncton
Mario Carrier, UQAT
Jean-Pierre Collin, INRS-Urbanisation
Serge Côté, UQAR
Olivier Crevoisier, U. Neuchâtel
Germain Desbiens, Fondation de
l’entrepreneurship
André Joyal, UQTR
Jean Desrochers, U. Sherbrooke
Louis Dussault, UQAC
Jean-Pierre Dupuis, HEC Montréal
Louis Jacques Fillion, École HEC
Paul-Arthur Fortin, Consultant senior
Anne Gilbert, U. Ottawa
Luis Guay, U. Laval¸
Pierre Hamel, U. Montréal
Bruno Jean, UQAR
Juan-Luis Klein, UQAM
Réjean Landry, U. Laval
Denis Martel, U. Sherbrooke
Marguerite Mendell, U. Concordia
Rachid M’Rabet, ISCAE, Casablanca
Gilles Paquet, U. Ottawa
Bernard Pecqueur, U. Grenoble
Bernard Planque, U. Aix-Marseille
Paul Prévost, U. Sherbrooke
Jean-Paul Riverin, Min. des Régions
Gilles Saint-Pierre, U. Sherbrooke
Nicole St-Martin, U. Sherbrooke
Marielle Tremblay, UQAC
Hubert Wallot, TELUQ
Robert Whealand, U. New Orleans
Poste-publications
4005202
La culture entrepreneuriale : le quoi, le pourquoi et le comment....... 5
Paul-Arthur Fortin
Économie sociale et développement des territoires .............................. 9
Louis Favreau
D’employés à intrapreneurs ................................................................... 21
Louis Jacques Filion
Les Laboratoires Æterna : un cas spécifique
d’approvisionnement............................................................................... 33
Daniel Gagnon et Normand Tremblay
Le Brésil à la découverte du développement local................................ 43
André Joyal et Dante Martinelli
Les extrapreneurs et les entrepreneurs ................................................. 51
Krasmer-Mobiank Kipoutou
Centres historiques et réforme du commerce en Italie ........................ 59
Daniele Porcheddu
Ottawa-Gatineau et le savoir.................................................................. 65
Rémy Tremblay
Pacte rural et éthique du développement .............................................. 71
R. Mathieu Vigneault
Attractivité des territoires ruraux.......................................................... 77
Guy Chiasson
DOSSIER
Aménagement du territoire au Québec
Le contrôle de l’étalement urbain au Québec ....................................... 83
Claire Binet
Éphémères fiançailles entre aménagement du territoire et
développement territorial au Québec .................................................... 91
Claire Binet
CHRONIQUE DU LIVRE............................................................................ 101
Organisations et territoires 1 Hiver 2004
Éditorial
Analyse territoriale en ressourcement
Lors d’un important colloque tenu en novembre 2003
à Philadelphie, la Regional Science Association Inter-
national célébrait son 50e anniversaire. Ce fut un mo-
ment solennel et surtout émouvant pour tous ces pro-
fesseurs, chercheurs, étudiants et experts de l’analyse
régionale qui, précisons-le, ont vécu au début des an-
nées 1970 un questionnement profond sur la pertinen-
ce sociale de cette discipline scientifique. Le nombre
et la qualité des communications livrées à ce colloque
anniversaire confirment que les territoires urbains, ru-
raux, régionaux, métropolitains et périphériques, qui
composent les nations, demeurent un objet scientifi-
que de grande préoccupation en cette ère de mondiali-
sation. D’une manière plus générale dans la littérature
scientifique récente, il apparaît que les contributions
sur les quatre principaux concepts de l’analyse territo-
riale obtiennent un regain d’intérêt. Regain scientifi-
que qui peut avantageusement éclairer la pratique ter-
ritoriale au Québec. Voyons un peu.
La cité et son pendant, la théorie urbaine, obtiennent
actuellement de très nombreuses contributions scienti-
fiques par l’entremise d’un vaste mouvement de
recherche largement stimulé par le phénomène de la
« métropolisation ». Même si les approches « cités-
jardins », « urban planning », « économie d’agglomé-
ration » et « technopoles » demeurent toujours très
pertinentes, un avancements significatif de nos con-
naissances cumulées se situe actuellement sous l’an-
gle des « réseaux urbains ». En contexte québécois,
l’une des principales questions que l’on peut poser à
ce corpus théorique en plein développement concerne
le « comment connecter davantage nos villes petites,
moyennes et plus grandes, dispersées et distantes sur
un très vaste espace, dans les réseaux renouvelés de
l’économie continentale et mondiale ».
Les quatre principaux concepts de l’analyse territoriale
La Cité
La Région
La Communauté
Le District
Le concept de communauté en analyse territoriale bé-
néficie aussi de nombreuses contributions scientifi-
ques qui participent à son renouvellement. Deux
échelles communautaires s’avèrent particulièrement
vivaces à cet effet dans la littérature scientifique, soit
le supralocal (intermunicipal) et le quartier dans les
villes. Plusieurs questions sont investiguées par les
chercheurs, notamment celle concernant le diptyque
« coopération – concurrence ». Bernard Pecqueur, de
Grenoble, qui sera au mois de mai le conférencier
d’ouverture du colloque de la section Développement
régional de l’ACFAS 2004, est justement un répon-
dant à cette question qui devient très pertinente au
Québec. Autant les territoires MRC que les nouveaux
arrondissements des agglomérations urbaines se ques-
tionnent en effet sur le « comment bonifier l’esprit
communautaire », en particulier par l’entremise de la
décentralisation, de l’appropriation, de la solidarité et
de la gouvernance. La recherche sur le développement
local apporte plusieurs réponses en ce sens.
Le régionalisme n’est pas en reste dans le renouvel-
lement actuel de l’analyse territoriale. Furent encore
récemment proposés à la recherche plusieurs concepts
Organisations et territoires 3 Hiver 2004
aussi stimulants que fertiles tels que l’État-région, la
« Global City-Region », la région qui gagne, la
« learning region ». Ces concepts servent bien l’enjeu
d’une meilleure compréhension et maîtrise de la
stratégie typiquement régionale au travers des autres
stratégies de développement et de gestion. En consi-
dérant la turbulente mais néanmoins fructueuse cons-
truction institutionnelle des régions administratives
qui a caractérisé au Québec les années 1970 et 1980,
nul doute que la théorie régionale en renouvellement
pourrait être inspirante, sinon rafraîchissante, pour les
acteurs régionaux devenus de trop sages stratèges. On
pourrait y tirer certains enseignements concrets à pro-
pos du rôle de la prospective, du partenariat public-
privé, du renouvellement des décideurs, de la culture
organisationnelle, des coalitions, etc. pour dynamiser
un régionalisme québécois qui semble en avoir bien
besoin.
Le quatrième concept important de l’analyse terri-
toriale représente celui qui, comparativement, a obte-
nu le plus d’avancement scientifique au cours des
deux dernières décennies en enrichissant considé-
rablement son corpus théorique déjà ancien. La
modélisation des nouveaux districts italiens (NDI) a
fait émerger, en effet, un vaste courant de recherche
empirique. Son vocabulaire est très riche, fertilisé
notamment par la théorie du développement endo-
gène. Tant et si bien que les « clusters », créneaux
territoriaux, milieux innovateurs, niches incubatrices,
systèmes territoriaux de production sont devenus
l’objet d’un très vif intérêt pour la politique terri-
toriale autant en Amérique qu’en Asie, mais surtout
en Europe. Divers enjeux sont soulevés à cet effet
dans la littérature, notamment les innovations institu-
tionnelles capables de tisser des relations de collabo-
ration entre les divers acteurs du développement de
ces filières de production encastrées sur le territoire
où elles siéent. Le Québec doit tirer profit de la
richesse analytique de cette approche « district » tout
à fait pertinente pour l’intervention. D’autant plus que
les filières de production (forêt, multimédia, bleuets,
bio-alimentaire, aérospatial, textiles techniques, pro-
duits de la mer, tourbes…), encore peu développées
généralement, illustrent une grande variété de territo-
rialités qui ne correspondent que rarement à des dé-
coupages reconnus officiellement par les autorités pu-
bliques. Dans le contexte institutionnel actuel, com-
ment soutenir davantage la structuration des filières
territoriales de production à la québécoise ?
Ce numéro 1 du volume 13 ne traite évidemment pas
de toutes ces questions et de tous ces apports scienti-
fiques. Mais nous les traitons sur une longue période
et ce, toujours dans un esprit de vulgarisation scien-
tifique. Je vous souhaite une bonne lecture des textes
sélectionnés pour vous.
Marc-Urbain Proulx
Université du Québec à Chicoutimi
Organisations et territoires 4 Hiver 2004
La culture entrepreneuriale :
le quoi, le pourquoi et le comment
Paul-Arthur Fortin 1
En 1985, le quotidien Le Soleil a publié pendant seize
semaines, à raison de deux pages par semaine, le
contenu du cours-concours Devenez entrepreneur qui
a connu un franc succès. Celui-ci a été repris dans
toutes les régions du Québec grâce à la complicité des
principaux quotidiens. Finalement, l’essentiel du con-
tenu d’alors a été publié dans le volume Devenez en-
trepreneur avec, comme sous-titre lors de la première
édition, Pour un Québec plus entrepreneurial 2.
Si une direction causale devait exister
entre la culture entrepreneuriale et le
niveau d’entrepreneurship, elle irait dans
le sens de la culture à l’entrepreneurship
et non l’inverse.
Naïvement, je faisais alors l’hypothèse que la venue
de nouveaux entrepre-
neurs amènerait dans son
sillage la culture entre-
preneuriale au Québec.
Après 18 ans d’observa-
tion et de recherches, il
convient de modifier cette
proposition. Celle-ci deviendrait alors : La culture
entrepreneuriale, pour plus d’entrepreneurs au Qué-
bec.
En effet, si une direction causale devait exister entre
la culture entrepreneuriale et le niveau d’entrepre-
neurship, elle irait dans le sens de la culture à
l’entrepreneurship et non l’inverse.
À bien y penser, la nature nous fournit moult
exemples d’une relation semblable, que ce soit entre
la mer et le poisson qui y habite, entre la terre et les
récoltes qu’on en obtient ou entre l’arbre et les fruits
qu’il porte. Pourquoi en serait-il autrement lorsqu’il
s’agit des entrepreneurs et de la société qui les
suscite ?
Maintenant c’est clair. Une société qui désire plus
d’entrepreneurs pour assurer sa survie et sa croissance
à long terme doit travailler à développer d’abord la
culture entrepreneuriale dans son milieu. S’il fallait
une raison pour justifier la culture entrepreneuriale,
en voilà une bonne et ce n’est pas la seule. Comme on
le verra plus loin, la culture entrepreneuriale contribue
aussi à une plus grande création de richesse.
Lorsqu’on parle de culture, on parle d’un concept
vague, difficile à cerner dans le temps et à circonscrire
dans l’espace. Pourtant, la culture fait toute la diffé-
rence. Voyons de quoi il s’agit.
Dans le numéro spécial du journal Les Affaires portant
sur le 75e anniversaire et publié en février 2003, deux
articles méritent d’être signalés, facilitant ainsi la
compréhension du concept
en question.
En page 101, dans un
article signé par Danielle
Turgeon, on titre : « Lors
de la création des HEC en
1907, plusieurs personnes s’insurgeaient parce qu’on
allait former des voleurs ».
En page 59 du même journal, Pierre Théroux écrit :
« Par ailleurs, l’Église continue d’avoir un ascendant
idéologique important » et il cite Mgr Louis Adolphe
Paquet, l’un des plus éminents théologiens du Canada
français, qui déclarait en 1902 : « Notre mission est
moins de manier des capitaux que de remuer des
idées, elle consiste moins à allumer le feu des usines
qu’à entretenir et à faire rayonner au loin le foyer de
la religion et de la pensée face à la montée de l’indus-
trialisation ».
Dans l’histoire du Québec, des centaines d’autres
anecdotes de ce type peuvent être racontées, certaines
sont particulières à des régions, à des localités, voire
même à des familles. Bien sûr, vous répondrez qu’il
s’agit là de vieilles histoires que tout le monde a
oubliées. En êtes-vous si sûr ? Pour vous convaincre
du contraire, voyez cette anecdote de lecture qui, je
pense, explique bien comment se construit une cul-
ture :
Organisations et territoires 5 Hiver 2004
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