L’altération des fonctions exécutives est-elle fréquente
dans la maladie d’Alzheimer et est-elle liée à d’autres
caractéristiques cliniques ?
Les fonctions exécutives regroupent les capacités
d’abstraction, de planification, d’organisation et de
changement de tâche. L’altération des fonctions exécutives,
ou dysfonction exécutive, est fréquemment observée dans la
maladie d’Alzheimer. Mais sa prévalence et ses liens avec
les différents éléments cliniques et démographiques ne sont
pas connus. Elle témoigne probablement de lésions plus
importantes dans les lobes frontaux. Certaines études ont pu
mettre en évidence un lien entre dysfonction exécutive et
perte d’autonomie pour les activités de la vie courante
(AVQ). De même, un lien a pu être établi avec l’existence de
certains troubles du comportement comme les symptômes
psychotiques. Une adaptation récente de l’ADAS-cog
(Alzheimer’s Disease Assessment Scale, cognitive subscale)
a consisté en l’ajout à la batterie de tests de 2 épreuves
explorant les fonctions cognitives. Il s’agit d’une épreuve
« d’oubli de lettres » et d’une épreuve de labyrinthe.
L’objectif de ce travail était d’estimer la prévalence de la
dysfonction exécutive dans la maladie d’Alzheimer et de
déterminer les liens possibles avec les fonctions cognitives,
la perte d’autonomie, la sévérité de la démence et les
troubles du comportement.
Les patients étaient recrutés au sein d’une cohorte
californienne (English Instruments Protocol of the
Alzheimer’s Disease Cooperative Study). Ils avaient une
maladie d’Alzheimer probable selon les critères du
NINCDS-ADRDA (National Institutes of Neurological and
Communicative Disorders and Stroke – Alzheimer’s Disease
and Related Disorders Association) et avaient un score au
MMS (Mini-Mental State) supérieur à 10. Soixante quatre
sujets sains ont été étudiés simultanément afin de pouvoir
définir des valeurs normales pour l’évaluation des fonctions
exécutives. L’évaluation des fonctions exécutives, réalisée à
l’inclusion et après 1 an de suivi, a été effectuée au moyen
des 2 items spécifiques de la nouvelle version de l’ADAS-
cog. Les fonctions cognitives ont été étudiées par le MMS, le
degré de démence par le CDR (Clinical Dementia Rating
scale), les troubles du comportement par le CMAI (Cohen-
Mansfield Agitation Inventory) et le BRSD (Behavior Rating
Scale for Dementia) et l’autonomie pour les AVQ par
l’ADCS-ADLI (Alzheimer’s Disease Cooperative Study
Activities of Daily Living Inventory).
La norme pour les fonctions exécutives a pu être établie
grâce à l’épreuve des labyrinthes. Les patients avec une
dysfonction exécutive avaient une démence plus sévère, des
fonctions cognitives plus altérées, une autonomie pour les
AVQ plus mauvaise et plus de symptômes psychotiques que
les patients sans dysfonction exécutive. L’apparition de
symptômes psychotiques était liée à l’existence d’une
dysfonction exécutive à l’inclusion ou à 1 an de suivi. En
analyse univariée, le MMS expliquait 28% de la variance du
score du test des « oublis de lettres » et 18% de cette
variance était expliqué par la valeur du CDR.
Dans cette cohorte, la prévalence de la dysfonction
exécutive était de 64%. D’autre part, le degré de démence,
l’ampleur de l’atteinte des fonctions cognitives, la perte
d’autonomie pour les AVQ et les symptômes psychotiques
étaient liés à l’existence d’une dysfonction exécutive. Le fait
que moins de 30% de la variance de la mesure des fonctions
exécutives était expliqué par le score du MMS montrait que
ce test (oubli des lettres) était approprié et ne reflétait pas
simplement l’ampleur des troubles cognitifs. D’autre part,
une dysfonction exécutive évaluée par ce test simple et
rapide, apparaissait prédictif de la survenue de troubles
psychotiques à 1 an d’évolution. Ces résultats confirment par
ailleurs ceux d’autres études évoquant un lien entre
dysfonction exécutive et perte d’autonomie pour les AVQ. Il
existait cependant un biais de recrutement lié au fait que les
centres recruteurs étaient experts dans le domaine de la
maladie d’Alzheimer. La prévalence de la dysfonction
exécutive ne peut donc être généralisée à tous les malades.
Par ailleurs, les tests utilisés pour mesurer les fonctions
exécutives ne permettent pas une évaluation fine et n’ont pas
été validés pour un dépistage de la dysfonction exécutive.
Cependant, lors des futurs essais thérapeutiques, une
évaluation simple des fonctions exécutives, par exemple par
ces tests, doit probablement être ajoutée à la mesure de la
perte d’autonomie, de l’évaluation des fonctions cognitives
et des troubles du comportement des malades atteints d’une
maladie d’Alzheimer.
L. Lechowski
Hôpital Sainte-Périne, Paris