ÉDITORIAL Le livre blanc du Collège national des cardiologues des hôpitaux The official report of the CNCH “ À l’heure où notre système de santé connaît une profonde mutation, le Collège national des cardiologues des hôpitaux (CNCH ) a souhaité éditer un livre blanc (1) afin de montrer l’importance de cette structure dans le maillage cardiologique national, notamment dans la prise en charge des urgences cardiologiques, où proximité rime avec technicité. Aux côtés de la cardiologie hospitalo-universitaire et de la cardiologie hospitalière privée, le CNCH rassemble les services de cardiologie des centres hospitaliers (les CH, ex-CHG), des établissements de santé privés d’intérêt collectif (les ESPIC, ex-PSPH) et des hôpitaux militaires. M. Hanssen président du CNCH, centre hospitalier d’Haguenau C’est la première fois qu’une structure hospitalière cardiologique (un livre blanc a déjà été édité pour la cardiologie ambulatoire privée) fait le point sur l’ensemble des volets de l’activité cardiologique hospitalière (offre de soins, démographie, aspect médico-économique, recherche clinique, etc.) Pourquoi un livre blanc ? Il s’agit d’analyser plus finement les grandes problématiques de la cardiologie hospitalière sur la base de chiffres et, au regard de cette analyse, d’élaborer des propositions d’organisation afin d’améliorer la prise en charge des maladies cardiovasculaires (CV). S. Cattan président élu du CNCH, centre hospitalier du Raincy-Montfermeil La cardiologie est une spécialité phare dans laquelle les progrès thérapeutiques ont été spectaculaires ces dernières décennies : ils se sont traduits par une diminution de la mortalité CV et une augmentation de la morbidité et des pathologies cardiaques chroniques. Face à une pathologie à forte prévalence, les services de cardiologie ont la particularité d’associer une Usic (unité de soins intensifs cardiologiques), où sont admis des patients adressés par le Samu (service d’aide médicale urgente) ou le Sau (service d’accueil des urgences), à un secteur d’hospitalisation traditionnelle et à un plateau technique d’imagerie invasive et non invasive, coûteux en ressources humaines et physiques. Il s’agit également d’une spécialité extrêmement réglementée, soumise à autorisation avec un seuil d’activité minimale. Ce développement a dû s’effectuer malgré un contexte de baisse de la démographie médicale, et des tarifs de groupes homogènes de séjour (GHS) insuffisamment valorisés à l’hôpital public. 4 | La Lettre du Cardiologue • nos 452-453 - février-mars 2012 ÉDITORIAL Les services de cardiologie du CNCH, du fait de leur maillage territorial national, sont des acteurs privilégiés de la prise en charge des maladies cardiovasculaires. Que contient le livre blanc du CNCH ? Tous les aspect de la cardiologie hospitalière y sont abordés. Offre de soins : le CNCH est le premier acteur national de l’offre de soins des séjours cardiologiques médicaux, avec une part de marché de 48 %, versus 24 % pour le CHU et 28 % pour le privé. Le CNCH est le leader des séjours cardiologiques médicaux dans 21 régions sur 23. Il existe 403 services de cardiologie, où travaillent 2 300 cardiologues, dont 1 434 praticiens hospitaliers à temps plein. Quatre-vingt-deux centres de cardiologie interventionnelle réalisent 31 % de l’activité de cardiologie interventionnelle nationale. Quarante pour cent des patients de gravité élevée de niveau 3 et 4 sont pris en charge dans les services du CNCH. Aspects médico-économiques : 1,4 milliard d’euros de valorisation de l’activité avec une grande variété des pathologies prises en charge et une part importante de niveau de sévérité 3 et 4. Le livre blanc souligne également les problèmes liés à la convergence tarifaire. Les coûts des GHS de cardiologie interventionnelle dans le public sont largement inférieurs à ceux du privé, honoraires compris. À titre d’exemple, le groupe homogène de malades (GHM) “Endoprothèse vasculaire de niveau 1 sans infarctus du myocarde de niveau 1” est tarifé 3 845,66 € dans le privé, honoraires compris, versus 2 543,61 € dans le public, soit un écart de 51 %. Le coût d’un GHM “Endoprothèse vasculaire et infarctus du myocarde de niveau 1” s’élève à 4 367,56 € dans le privé, honoraires compris, versus 2 703 € dans le public, soit un écart de 62 % (2, 3). Démographie médicale : le CNCH tire la sonnette d’alarme. Les PH sont en plein papy-boom et la relève n’est plus assurée. Selon les chiffres fournis par le Centre national de gestion (CNG), 30 % des postes de PH sont vacants. Cela crée des tensions, notamment dans les listes de garde des unités de soins intensifs cardiologiques (Usic) et d’astreinte de cardiologie interventionnelle. Cette situation est d’autant plus paradoxale que le CNCH est le premier acteur de l’urgence cardiologique. Il y a urgence à concevoir la formation des cardiologues avec l’obligation d’effectuer 2 stages obligatoires hors CHU et de rendre plus attractive la carrière hospitalière, et notamment la rémunération de la permanence des soins. Recherche clinique : le CNCH est un vivier de recrutement pour les études de recherche clinique. À titre d’exemple, le CNCH est le premier acteur de la prise en charge des Stemi (61 % de l’activité nationale cardiologique, dont 70 % des patients de niveau de gravité 3 et 4). Le maillage du territoire par un nombre important de services du CNCH permet de réunir un nombre important de patients pour des protocole de recherche clinique. Plus de 700 publications indexées sur PubMed sur les 5 dernières années ont comme coauteur un cardiologue du CNCH. La Lettre du Cardiologue • nos 452-453 - février-mars 2012 | 5 ÉDITORIAL Tous les autres aspects de l’activité cardiologique hospitalière y sont évalués : cardiologie interventionnelle, rythmologie interventionnelle, Usic, insuffisance cardiaque (IC), réadaptation cardiaque, imagerie cardiaque non invasive. Les propositions du livre blanc du CNCH Au-delà de la photographie de l’existant, le CNCH élabore des propositions pour l’avenir : 1. Renforcer le maillage territorial national dans le cadre d’une communauté hospitalière de territoire en développant la graduation des soins et la complémentarité entre les structures. Compte tenu du développement des techniques électromécaniques dans le traitement de l’IC et du fait que le CNCH est le premier acteur de la prise en charge (61 % des séjours pour IC sur le plan national), l’autorisation de l’implantation d’un défibrillateur et de la resynchronisation cardiaque gagnerait à être dissociée de l’électrophysiologie complexe. 2. Développer un modèle économique pérenne en valorisant les tarifs des GHS publics de cardiologie interventionnelle et la rémunération de la permanence des soins et des astreintes de cardiologie interventionnelle. 3. Promouvoir la prise en charge des maladies chroniques et notamment de l’IC (activité d’éducation thérapeutique, et ce, dans le cadre d’un financement Migac [mission d’intérêt général et d’aide à la contractualisation]). 4. Promouvoir le rang des établissements du collège dans la formation des cardiologues : stages hors CHU, création de postes de postinternat. 5. Promouvoir la recherche clinique dans les hôpitaux du CNCH en synergie avec le CHU, avec la création d’unités de recherche clinique. 6. Promouvoir le rôle du CNCH dans la politique de la qualité des soins, renforcer la présence du CNCH auprès des instances représentatives. 1. Le livre blanc du CNCH. http://www.cardio-sfc.org/cnch 2. Propositions de l’Assurance maladie sur les charges et produits pour l’année 2012. http://www.annuaire-secu. com/17_2.html 3. Rapport au parlement sur la convergence tarifaire, octobre 2011 (p. 25). http://martaa.free.fr/modules/ news/article.php?storyid=571 Ce livre blanc est le fruit d’une année de travail d’une trentaine de cardiologues, avec l’apport de contributions externes. La cardiologie pratiquée au sein du CNCH est celle de la “vraie vie” de la cardiologie de terrain où les pratiques restent souvent mixtes, cliniques et techniques, et impliquent un travail d’équipe au quotidien. En associant proximité et soins de haute technicité, la cardiologie hospitalière du CNCH, du fait de son maillage territorial national, a contribué à la diminution de la mortalité CV. Espérons que les fortes contraintes médicoéconomiques et démographiques permettront de préserver ce maillage territorial national indispensable au patient confronté à une pathologie qui représente la seconde cause de mortalité sur le plan national. 6 | La Lettre du Cardiologue • nos 452-453 - février-mars 2012