La tumeur d`Ewing Ewing`s tumor - RHéOP

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Archives de pédiatrie 12 (2005) 1383–1391
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Mise au point
La tumeur d’Ewing
Ewing’s tumor
M. Taylor, M. Guillon, V. Champion, M. Marcu, J.B. Arnoux, O. Hartmann *
Service d’oncologie pédiatrique, institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif, France
Reçu le 4 octobre 2004 ; accepté le 24 mai 2005
Disponible sur internet le 19 juillet 2005
Résumé
La tumeur d’Ewing (TE) est une tumeur osseuse maligne de l’enfant et de l’adulte jeune. Elle siège préférentiellement au niveau des os
plats et s’accompagne le plus souvent d’une importante extension dans les tissus mous. La découverte des anomalies cytogénétiques dont la
plus fréquente est la translocation fusionnant le gène EWS du chromosome 22 avec le gène FLI1 du chromosome 11 a situé la tumeur d’Ewing
dans le cadre plus large des tumeurs neuroectodermiques. Cette translocation est spécifique pour ces tumeurs et elle est actuellement la base
de leur définition. Elle a, de plus, fourni un nouvel outil diagnostique et aussi probablement pronostique s’ajoutant à l’imagerie et à l’examen
histologique. D’importants progrès ont été réalisés à partir des années 1970 dans la prise en charge thérapeutique. L’introduction de la
polychimiothérapie associée au traitement local (chirurgie et radiothérapie) a nettement augmenté la survie. Le traitement systémique systématique a été justifié par la très fréquente dissémination infraclinique des TE apparemment localisées. Les intensifications thérapeutiques ont
permis pour la première fois d’obtenir des guérisons en cas de TE métastasée, mais au prix d’importants effets secondaires. Le traitement est
actuellement adapté grâce à une meilleure définition des facteurs pronostiques, en tenant compte des connaissances des effets secondaires des
thérapeutiques administrées. L’amélioration de la prise en charge globale des patients et des complications spécifiques de la TE, très souvent
intriquées avec les complications iatrogènes, représente une avancée importante pour la qualité de vie et la limitation des complications à long
terme. À la lumière des études actuelles, les adultes guéris ont un état de santé et une qualité de vie considérés comme bons par la très grande
majorité d’entre eux. La tumeur d’Ewing est un exemple fascinant de progrès non seulement dans le domaine du diagnostic et du traitement
mais aussi dans la compréhension des mécanismes de carcinogénèse, témoin de l’évolution de la pensée médicale de la fin du XXe et du début
du XXIe siècle.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Ewing’s tumor (ET) is a malignant bone tumor occurring in children and young adults. ET affects mainly bones of the central axis, and
almost always involves soft tissue infiltration. The discovery of a unique genetic alteration, which is a reciprocal translocation most frequently
resulting in the fusion of the EWS gene situated on chromosome 22 with the FLI-1 gene on chromosome 11, currently places ET among
neuroectodermal tumors. Moreover, this translocation is a tumor-specific genetic marker at the basis of defining ET today and is used as a
diagnostic and potentially prognostic tool complementary to imaging and histopathological work-up. Since the 1970 s, important progress has
been made in the clinical management of ET patients. Multiagent chemotherapy in association with local treatment (surgery and/or radiation)
has clearly improved outcome. The introduction of systemic treatment was justified by the frequent sub-clinical diffusion of apparently
localized ET. Intensified therapeutic strategies have for the first time cured some metastatic ET patients, but at the cost of major side effects.
Treatment is currently adapted as a result of a better definition of prognostic factors as well as a better assessment of its adverse effects.
Improvement in global patient care and increased management of specific acute complications associated with ET (often interwoven with
iatrogeneous effects) represent an important step towards improving the quality of life for ET patients as well as preventing long term complications. In the light of present studies, the majority of surviving adults today describe their health and quality of life as good. ET is a
fascinating example of the progress made not only in the diagnostic and therapeutic approach to cancer but also in the comprehension of the
mechanisms behind carcinogenesis, and consequently reflects the revolution of medicine over the last century.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (O. Hartmann).
0929-693X/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.arcped.2005.05.014
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M. Taylor et al. / Archives de pédiatrie 12 (2005) 1383–1391
Mots clés : Tumeur d’Ewing
Keywords: Bone neoplasms; Sarcoma, Ewing’s; Child
1. Introduction et épidémiologie
La tumeur d’Ewing (TE) est une tumeur essentiellement
osseuse correspondant à la forme indifférenciée des tumeurs
neurectodermiques primitives périphériques. Avant l’âge de
20 ans, c’est la seconde tumeur osseuse maligne la plus fréquente (30 % des cas) derrière l’ostéosarcome (60 % des cas)
[1]. Son incidence est de deux à trois nouveaux cas par an et
par million d’enfants de moins de 15 ans en France avec un
pic entre 10 et 20 ans (Fig. 1) [2]. Il est étonnant de constater
que la TE est six fois plus fréquente chez les enfants de race
blanche par rapport à ceux de race noire. Aucun facteur de
risque n’a été identifié [3].
2. Histologie et biologie de la tumeur
Décrite pour la première fois par James Ewing en
1921 sous le nom d’endothéliome diffus de l’os, cette entité
tumorale a suscité de nombreuses discussions quant à sa nosologie. Le groupe des sarcomes osseux semblant dériver du
« système réticuloendothélial » a été appelé sarcome d’Ewing.
Sur le plan histologique, la prolifération est constituée de nappes de cellules identiques entre elles, au cytoplasme peu abondant renfermant souvent du glycogène, et à chromatine et
membrane nucléaire fines. Ces plages denses et compactes
de petites cellules rondes sont souvent remaniées par de la
nécrose ou de l’hémorragie réalisant des images dites en pseudorosettes. La tumeur appartient à la catégorie des tumeurs
de l’enfant à petites cellules rondes bleutées, qui regroupe les
métastases de neuroblastome, les rhabdomyosarcomes, les
lymphomes et leucoses, les tumeurs neuroectodermiques primitives périphériques (pPNET). Le sarcome d’Ewing a longtemps été un diagnostic d’élimination du fait de l’absence de
marqueurs morphologiques distinctifs des autres tumeurs de
l’enfant à petites cellules rondes.
En 1983, Aurias et al. décrivent la présence d’une translocation chromosomique équilibrée retrouvée dans 83 % des
sarcomes d’Ewing. La translocation t(11;22)(q24;q12) devient
un marqueur cytogénétique spécifique de cette entité tumorale [4]. L’année suivante, elle est identifiée dans les cellules
de pPNET [5]. Le séquençage moléculaire de l’ADN révèle
que la translocation entraîne de façon constante la fusion du
gène EWS porté par le chromosome 22 avec l’homologue
humain du gène FLI1 de la souris, porté sur le chromosome
11 [6]. Il faut attendre 1994 pour que soit mis en évidence par
RT-PCR (Reverse transcriptase polymerase chain reaction)
le transcrit de fusion issu de l’expression du gène chimère
EWS–FLI1. Retrouvé dans plus de 95 % des cellules d’Ewing
et de pPNET, l’ARNm d’EWS-FLI1 devient un marqueur
génétique très spécifique. La translocation t(11;22)(q24;q12)
est la plus fréquente, aboutissant au gène de fusion EWS–
FLI1 (90 %). Il existe deux variants de fusion chimérique
principaux, correspondant aux différents points de cassure :
la forme commune (60 %), dite de type 1, et le type 2, correspondant à 25 % des cas.
L’oncogénicité probable de la protéine chimérique peut
être expliquée par la vocation des deux gènes impliqués dans
la translocation. Le gène EWS en 22q12 est un gène d’expression ubiquitaire, codant pour un cofacteur de la transactivation (« allumage » de gènes cibles par activité transcriptionnelle). Le gène FLI1 en 11q24, lui, code pour un facteur de
transcription dont l’expression est essentiellement, et normalement, limitée aux stades précoces de l’hématopoïèse, de
l’angiogenèse et du développement neuroectodermique. Ainsi,
l’oncogénicité du transcrit chimérique peut être imputable à
l’expression ubiquitaire de FLI1 sous l’effet du promoteur
d’EWS, notamment dans des tissus inappropriés, lors d’étapes de la différenciation accidentellement intéressées, et exerçant son action de facteur de transcription sur des gènes cibles
inhabituels.
Fig. 1. Histogramme de l’âge au diagnostic de la tumeur d’Ewing : d’après [2].
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Parallèlement, à la fin des années 1980, d’autres auteurs
mettent en évidence, au sein des cellules tumorales d’Ewing,
des antigènes de différenciation neuronale et dérivant du neuroectoderme [7].
En 1990, Kovar et al. découvrent une liaison génétique
supplémentaire partagée par la TE et le pPNET : ces deux
entités néoplasiques surexpriment de façon constante le gène
MIC2 codant pour la protéine transmembranaire CD99 [8].
La TE n’est donc que la forme indifférenciée des tumeurs
neuroectodermiques, dont le neuroépithéliome représente la
forme différenciée. La famille des tumeurs d’Ewing devient
alors une famille de tumeurs neuroectodermiques regroupant
l’ancien « sarcome » d’Ewing, le pPNET, la tumeur d’Askin,
et les quelques TE à localisations « extraosseuses ». Elle est
caractérisée par la présence d’un transcrit de fusion issu de
l’expression génique de la t(11;22)(q24;q12).
3. Diagnostic
3.1. Clinique
Tous les os de l’organisme peuvent être atteints mais le
squelette du membre inférieur, y compris l’os iliaque, paie le
plus lourd tribut, représentant environ 60 % des atteintes. Certains os plats (côtes, bassin) et le rachis sont également fréquemment touchés [2]. La TE est révélée dans 95 % des cas
par une douleur permanente ou intermittente, nocturne dans
moins d’un quart des cas, localisée à la zone tumorale ou
projetée. Le caractère non spécifique de la douleur conduit,
dans 20 % des cas, à la rattacher à un traumatisme antérieur.
La douleur, souvent améliorée par le repos au début, est trompeuse et peut exister depuis plusieurs semaines ou mois.
Ainsi, il faut rappeler que les douleurs rachidiennes de
l’enfant et les douleurs post-traumatiques persistantes doivent être impérativement explorées. L’examen clinique peut
retrouver une tuméfaction inflammatoire au niveau de la
tumeur, témoin de l’importance de l’atteinte des parties molles, en particulier au niveau des os plats. Elle n’est pas constante ni spécifique des tumeurs malignes. Les signes généraux tels l’altération de l’état général et la fièvre sont rares,
évoquent volontiers la présence de métastases, mais joints
aux signes locaux peuvent simuler une lésion osseuse infectieuse ou inflammatoire. Une des particularités de la TE est
sa capacité à s’étendre aux parties molles, infiltrant souvent
de façon importante muscles, tendons et gaines nerveuses, et
ce, de façon cliniquement silencieuse. C’est pourquoi certains modes de révélation peuvent être spécifiques à la localisation de la tumeur : syndrome de compression médullaire
ou radiculaire des tumeurs rachidiennes, troubles respiratoires et épanchement pleural des tumeurs costales, troubles
moteurs et sphinctériens des tumeurs pelviennes.
3.2. Imagerie
L’imagerie est essentielle. Non seulement elle est importante pour le diagnostic et le bilan d’extension, mais elle per-
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met aussi l’évaluation de l’efficacité du traitement et la détection de récidives. Les fractures sur os fragilisé ne sont pas des
modes de révélation exceptionnels, et imposent un examen
soigneux de la trame osseuse pour ne pas immobiliser une
lésion tumorale qui deviendrait évidente par la suite. Il est
possible d’évaluer l’agressivité d’une lésion osseuse sur des
clichés standards. Les critères habituels incluent la taille
(> 6 cm), la matrice tumorale plus ou moins calcifiée ou ossifiée, et les réactions périostées, volontiers interrompues,
lamellaires ou spiculaires dans les lésions malignes, qui
contrastent avec les réactions épaisses et longitudinales des
lésions à évolution lente. Ainsi, en premier lieu, il sera primordial d’écarter parmi les diagnostics différentiels, les
tumeurs bénignes qui ne doivent pas être nécessairement toutes biopsiées : chondrome, dysplasie fibreuse et kyste osseux
simple en sont quelques exemples.
En radiologie standard, la TE apparaît comme une plage
d’ostéolyse étendue, aux limites imprécises. La corticale est
détruite ou soufflée, la réaction périostée est spiculaire ou
lamellaire. Lorsque la TE atteint les os longs, son point de
départ est volontiers diaphysaire, à la différence de l’ostéosarcome qui siège essentiellement au niveau de la métaphyse.
L’atteinte des parties molles peut prédominer de sorte que
la radiographie standard peut apparaître normale au niveau
osseux (Fig. 2) [9]. Si un processus malin est suspecté, le
bilan d’imagerie doit être approfondi. La scintigraphie osseuse
permet de mettre en évidence une lésion fixante dans une
région précise. Pour analyser au mieux cette lésion osseuse
Fig. 2. Imagerie de tumeur d’Ewing du tibia gauche : d’après [9].
a) Radiographie standard de la jambe gauche de face : épaississement cortical de la face latérale du tibia avec réaction périostée, associée à une image
hyperdense dans les parties molles.
b) Imagerie par résonance magnétique de la jambe gauche (T1 après injection de gadolinium) : hypersignal diffus de la cavité médullaire du tibia, et
présence d’une tumeur des parties molles en hypersignal avec zones nécrotiques.
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Tableau 1
Diagnostics différentiels
Fréquents
Rares
Diagnotics différentiels
Ostéomyélite
Clinique et biologie
Imagerie
Nourrisson et petit enfant, fièvre,
Atteinte métaphysaire avec franchissement du cartilage de conjugaison.
syndrome inflammatoire, hyperleucocytose, hémocultures positives.
Ostéosarcome
Enfant de plus de dix ans.
Atteinte métaphysaire des os longs, plage d’ostéogenèse, mais avec un
rapport d’envahissement des parties molles/osseuse moins important.
Hystiocytose langheran- Enfant jeune (1–4 ans), présence de Lacune osseuse à contours réguliers, parfois similaire à la tumeur
sienne
l’antigène CD1a sur biopsie.
d’Ewing.
Tumeurs bénignes
Hypodensités de taille < 6 cm, pas de rupture corticale, pas d’envahissement des parties molles. Réaction périostée longitudinale.
et ses rapports avec les parties molles adjacentes, un scanner
permettra une meilleure analyse des os plats et des os courts
difficiles à apprécier sur les clichés standards, tandis que
l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sera plus sensible pour étudier l’extension locorégionale [10].
3.3. Bilan d’extension
Un enfant atteint d’une TE doit être adressé dans un service d’oncologie pédiatrique spécialisé car le bilan d’extension, qui guidera le choix thérapeutique, devra chaque fois
que possible être réalisé avant toute biopsie osseuse.
3.3.1. Bilan d’extension locale
La stratégie thérapeutique locale dépend de cette évaluation locorégionale. L’IRM est l’examen de choix pour analyser l’extension locale d’une tumeur osseuse. La tumeur se
caractérise par un hyposignal en T1, hypersignal en T2 et une
prise de contraste lors de l’injection de gadolinium. Le signal
des espaces médullaires normaux (graisseux) diffère de celui
de la tumeur si bien qu’il est possible d’apprécier l’étendue
de la tumeur, de détecter d’éventuelles « skip métastases »
(petites métastases osseuses séparées du primitif par du tissu
osseux sain) et d’évaluer une possible extension à l’articulation adjacente. La planification de l’intervention chirurgicale
définira le niveau de résection osseuse selon l’étendue de la
maladie et l’existence ou non d’une atteinte articulaire.
3.3.2. Bilan d’extension à distance
Dans un quart des cas, il existe des métastases au moment
du diagnostic. Ainsi seront réalisés une radiographie de thorax standard et un scanner thoracique afin de rechercher des
métastases pulmonaires (50 % des localisations métastatiques). Une scintigraphie osseuse au technétium révèlera des
localisations osseuses autres que la tumeur primitive dans
25 % des cas métastatiques. La recherche d’une atteinte
médullaire, par myélogrammes multiples et biopsie ostéomédullaire, s’impose chez tous les patients et est positive dans
20 % des cas au diagnostic.
3.3.3. Diagnostic histologique
Le diagnostic de la TE est histologique, de préférence sur
une biopsie osseuse chirurgicale réalisée dans un centre de
référence disposant des laboratoires capables de réaliser les
examens nécessaires de cytogénétique et de biologie moléculaire sur la tumeur. Le prélèvement devra comporter du
matériel frais stérile et congelé pour analyses immédiates
cytogénétiques (caryotype) et différées (transcrit de fusion).
Chaque fois que c’est possible, la biopsie sera impérativement réalisée après l’IRM afin de ne pas créer d’artéfact par
le biais d’un hématome ou d’un œdème.
Il est préférable que la biopsie osseuse chirurgicale soit
réalisée par un chirurgien expérimenté qui prendra en charge
le patient par la suite car la chirurgie d’exérèse de la tumeur
inclut le trajet biopsique et doit retirer la cicatrice [11]. L’ensemencement du champ opératoire par des cellules tumorales
lors d’une biopsie mal faite peut compromettre voire rendre
impossible la réalisation d’un traitement conservateur ultérieur.
L’histopathologie est indispensable pour préciser le diagnostic avant tout traitement. Elle est aussi primordiale pour
évaluer l’efficacité et la qualité du traitement. Ainsi, la qualité de l’exérèse chirurgicale est analysée sur la pièce de résection. L’efficacité de la chimiothérapie préopératoire sera
appréciée sur une tranche de section complète du prélèvement, lui-même comparé à la biopsie initiale. Le pourcentage moyen de cellules résiduelles a une importance pronostique influençant la stratégie postopératoire.
3.3.4. Diagnostics différentiels
Les principaux diagnostics différentiels sont dominés par
l’ostéomyélite et l’ostéosarcome, qui diffèrent par des signes
cliniques et radiologiques souvent trompeurs (Tableau 1).
4. Prise en charge thérapeutique
4.1. Complications initiales et leur traitement
Par sa nature très invasive et sa localisation préférentielle
aux os plats, la TE est souvent grevée de complications initiales graves qui entravent la mise en route du traitement. Il
est essentiel de prendre en compte, dès le début du traitement, la douleur, les complications neurologiques potentielles et la compression ou l’envahissement des organes adjacents à la tumeur.
4.1.1. La douleur
Pour évaluer l’intensité de la douleur chez l’enfant, plusieurs moyens sont à la disposition du clinicien mais doivent
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être adaptés à son âge. L’interprétation des méthodes d’autoévaluation recommandées par l’Anaes à partir de six ans doit
être prudente et tenir compte à la fois des antécédents de
l’enfant et de son niveau de compréhension. La tâche est
malaisée en raison de l’intrication des douleurs neuropathiques et nociceptives. La douleur neuropathique est une douleur perçue en dehors de toute stimulation ou après une stimulation douce (allodynie). Elle est continue ou paroxystique
et peut être associée à une hyper- ou une hyposensibilité. Ces
douleurs sont habituellement traitées par de faibles doses
d’amitriptyline, de clonazépam ou encore la gabapentine. La
prise en charge de la douleur nociceptive repose sur l’utilisation des antalgiques des trois paliers de l’OMS. Il est souvent
préférable de mettre en route un traitement à faible dose, en
l’augmentant rapidement en fonction des besoins, plutôt que
d’instaurer un traitement lourd qui sera refusé en raison de
ses effets secondaires. Il faut rechercher et prévenir les effets
secondaires des morphiniques par une antagonisation de ses
effets périphériques, par exemple par la naloxone ou la nalbuphine à petites doses, et éviter la somnolence [12].Une chimiothérapie efficace est un outil très puissant pour soulager
les douleurs liées à la maladie. Cependant le traitement spécifique est lui-même responsable de douleurs. Les mucites et
les oesophagites, les douleurs abdominales et la diarrhée, les
atteintes anales et du siège sont des complications douloureuses fréquentes de la chimiothérapie. Se surajoutent dépression et anxiété qui devront être recherchées systématiquement et traitées [12]. Dans tous les cas le traitement
médicamenteux de la douleur doit être associé à une prise en
charge psychologique.
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urinaires : atteinte sphinctérienne neurologique ou compression directe de l’arbre urinaire peuvent compliquer sa mise
en route car les produits utilisés, en particulier le cyclophosphamide et ses analogues, ont une toxicité vésicale importante responsable de cystites hématuriques sévères. En cas
d’atteinte sphinctérienne, sonde à demeure ou sondages pluriquotidiens sont souvent nécessaires. Une compression
extrinsèque ou l’envahissement des voies urinaires par la
tumeur exposent de plus à l’insuffisance rénale, à la mauvaise élimination de médicaments et donc à une toxicité excessive. Le recours, avant le début de la chimiothérapie, à la pose
de sonde double J ou plus rarement à la néphrostomie percutanée, peut s’imposer mais ces manœuvres de vidange vésicale et de dérivation des urines exposent à un haut risque infectieux pendant les périodes d’aplasie [15].
4.2. Principes du traitement
4.2.1. Facteurs pronostiques
Les stratégies thérapeutiques actuelles de la TE reposent
en premier lieu sur la répartition des patients dans des groupes de pronostic homogène afin de leur proposer un traitement d’intensité adaptée [16]. L’existence de métastases au
diagnostic est le facteur pronostique principal. Une tumeur
primitive de volume important expose à une évolution défavorable. Cependant, de plus en plus d’études tendent à montrer que, pour les tumeurs non métastatiques dont l’exérèse
est possible, c’est la réponse à la chimiothérapie initiale qui
est étroitement corrélée à la survie des patients [17].
4.2.2. Stratégies thérapeutiques
4.1.2. Prise en charge et prévention des complications
liées à l’effet de masse tumoral
La localisation thoracique peut exposer à un risque vital
immédiat. Les tumeurs des côtes et de la plèvre se développent rapidement dans la cage thoracique comprimant l’appareil respiratoire et circulatoire. Les pPNET du rachis peuvent
atteindre tous les niveaux et être responsables de tableaux
neurologiques variés. Face à une compression médullaire ou
un syndrome de la queue de cheval, la prise en charge neurochirurgicale parait s’imposer. Mais la laminectomie, ou la
laminotomie qui expose à moins de complications, ne doivent être réservées qu’aux cas de grande urgence neurologique [13,14]. En effet, d’une part, l’abord chirurgical incomplet à proximité d’une tumeur maligne représente un risque
de dissémination, d’autre part, le bénéfice de l’abord chirurgical d’une compression tumorale est incertain. La chimiothérapie, débutée rapidement, est le traitement qui semble
actuellement le plus efficace sur les complications neurologiques. Ces tableaux neurologiques peuvent être compliqués
par des troubles hémodynamiques nécessitant une prise en
charge en réanimation, des thromboses veineuses, des douleurs, une vessie neurologique, des troubles de motricité intestinale et des escarres, interférant avec le bon déroulement du
traitement du cancer. Ainsi, par exemple, la chimiothérapie
est particulièrement délicate à administrer en cas de troubles
4.2.2.1. Historique. La radiosensibilité de la TE est connue
depuis les années 1940 [18]. Cependant, et parfois en dépit
d’une réponse locale complète, l’apparition quasisystématique d’une récidive menait le patient au décès en deux
à trois ans. Dans les années 1960, fut soulevée l’hypothèse
que, dans bien des cas de TE apparemment localisées, une
dissémination infraclinique de cellules tumorales existait déjà
[19]. Vint donc s’ajouter au traitement local, un traitement
général par une chimiothérapie adjuvante (postopératoire),
elle-même complétée au début des années 1980 d’une chimiothérapie néoadjuvante (préopératoire) afin d’enrayer plus
précocement la dissémination métastatique et de rendre le
traitement local plus efficace en réduisant préalablement la
taille de la tumeur [20].
4.2.2.2. Chimiothérapie néoadjuvante. Toutes les décisions
autour de la stratégie thérapeutique ne peuvent être prises que
dans le cadre d’une concertation multidisciplinaire en centre
spécialisé. La chimiothérapie d’induction, ou néoadjuvante,
est donnée dès le bilan diagnostique et d’extension réalisé.
Les protocoles actuels reposent sur des associations de deux
à six médicaments anticancéreux parmi la doxorubicine,
l’actinomycine D, le cyclophosphamide, l’ifosfamide, la vincristine, l’étoposide, le busulfan, le melphalan et le carbopla-
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Fig. 3. Courbe de survie des patients atteints d’une tumeur d’Ewing localisée (non métastatique) selon deux groupes de risque, d’après : série IGR, données
non publiées, communication personnelle O. Oberlin.
• Risque standard : correspond aux patients porteurs soit d’une tumeur opérable avec moins de 10 % de cellules tumorales viables sur la pièce de résection, soit
d’une petite tumeur inopérable.
• Haut Risque : correspond aux patients porteurs soit d’une tumeur volumineuse inopérable, soit d’une tumeur opérable mais avec plus de 10 % de cellules
viables sur la pièce de résection.
• p < 0,0001 correspond à la significativité de la différence des courbes de survie établies selon la méthode de Kaplan-Meyer entre les bons répondeurs et les
mauvais répondeurs pour les tumeurs localisées.
• les barres transversales représentent la déviation standard de part et d’autre de la moyenne à la date médiane du recul pour chacune des courbes.
tine. Ces associations varient selon les équipes, mais les plus
classiques sont : VACA (Vincristine, doxorubicine, cyclophosphamide, actinomycine), VAIA et EVAIA (l’ifosfamide
remplace la cyclophosphamide avec ou non l’adjonction
d’étoposide) et enfin VIDE (Vincristine, ifosfamide, doxorubicine, étoposide). La chimiothérapie est poursuivie après le
traitement local pour atteindre une durée globale de traitement d’environ un an, tous protocoles internationaux prospectifs confondus [21].
4.2.2.3. Traitement local. La radiosensibilité des TE a longtemps placé la radiothérapie au centre du traitement local.
Actuellement, c’est à la chirurgie que revient ce rôle en raison du risque de survenue de deuxième tumeur en territoire
irradié [22]. La radiothérapie pourra être utilisée seule en cas
de tumeurs inextirpables chirurgicalement, mais aussi et plus
souvent en complément de l’exérèse pour aider au contrôle
locorégional. Les doses nécessaires au contrôle local sont de
l’ordre de 50 à 60 Gy. Cependant, la dose délivrée devra être
modulée selon la localisation tumorale et les organes critiques de voisinage (cœur, moelle épinière, tube digestif) [23].
Le traitement chirurgical a pour objectif d’enlever toutes
les cellules tumorales présentes au niveau de la tumeur primitive. Seule une chirurgie complète (résection carcinologique avec marges saines) est recommandée. La résection est
planifiée grâce aux données du bilan d’extension initial afin
d’enlever en bloc la tumeur, le trajet biopsique et sa cicatrice
potentiellement contaminés. En peropératoire, la tumeur ne
doit pas être ouverte par le chirurgien. Une résection incomplète, ou contaminée de cellules tumorales disséminées dans
le champ opératoire, offre de moins bons résultats et devra
être complétée par de la radiothérapie [24]. Ces situations
seront alors discutées au cas par cas lors d’une concertation
pluridisciplinaire. Certaines localisations de la TE, comme le
bassin ou les vertèbres, peuvent rendre la chirurgie particu-
lièrement difficile tant pour l’exérèse que pour la reconstruction locale. De plus, la chimiothérapie rend la cicatrisation
plus longue et le risque infectieux plus important.
4.2.2.4. Chimiothérapie en cas de maladie métastatique. Les patients porteurs de maladie métastatique au moment
du diagnostic ont un taux de survie ne dépassant pas 15 à
20 %. Ces malades rechutent de façon fréquente et précoce
malgré un taux de réponse complète à la chimiothérapie initiale élevé. Les études prospectives en cours tentent de déterminer si ces malades peuvent bénéficier d’une consolidation
de la rémission initiale par une « mégathérapie myéloablative ». Celle-ci associe des agents alkylants à fortes doses
(busulphan, melphalan et éventuellement carboplatine) et est
suivie d’une autogreffe de cellules souches hématopoïétiques prélevées au cours de la phase d’induction [21]. De façon
générale, l’utilisation de ces polychimiothérapies expose à
des complications iatrogènes précoces et tardives rendant, là
encore, primordial l’adéquation entre l’agressivité du traitement et le groupe pronostique du patient.
La survie globale à dix ans des TE localisées atteint ainsi
près de 80 % actuellement contre 40 % à la fin des années
1970. Les progrès thérapeutiques des 20 dernières années ont
essentiellement porté sur la détermination de groupes de risque homogènes dont la survie est résumée par la Fig. 3 [communication personnelle d’O. Oberlin, série IGR, données non
publiées]. Le taux de survie sans récidive à cinq ans des formes métastatiques reste médiocre, autour de 20 % [21,25].
5. Complications du traitement spécifique
5.1. Complications précoces du traitement
5.1.1. Complications de la chimiothérapie
Elles sont essentiellement hématologiques, infectieuses
(aplasie), et muqueuses (mucites, diarrhée). La cardiotoxi-
M. Taylor et al. / Archives de pédiatrie 12 (2005) 1383–1391
cité retardée des anthracyclines et la néphrotoxicité possible
des produits utilisés doivent aussi être prises en compte. Ainsi,
les doses cumulées seront soigneusement calculées afin de
ne pas dépasser la valeur seuil au-delà de laquelle, par exemple, une insuffisance cardiaque serait à craindre.
1389
• le déplacement des organes hors du champ dont l’exemple
majeur est l’ovaripexie ;
• la mise en place d’un ballon par voie périnéale pouvant
être gonflé au sérum physiologique par un cathéter transcutané, qui repousse les organes abdominaux ou périnéaux hors du champ (vessie, sigmoïde et rectum) [29].
5.1.2. Complications de la chirurgie
L’objectif du traitement chirurgical est d’assurer une exérèse complète et de conserver une qualité de vie satisfaisante
grâce à des techniques chirurgicales de plus en plus sophistiquées. Les tumeurs infectées ou envahissant la peau peuvent bénéficier de techniques de lambeaux de peau, et celles
envahissant les gros vaisseaux de reconstruction avec pontages vasculaires. La reconstruction de la paroi thoracique, lors
de la résection d’une TE touchant plusieurs côtes, pourra faire
appel à des lambeaux et à des plaques de tissu résorbables ou
non. Une atteinte de la hanche, comme du genou ou de
l’épaule, impose à la chirurgie réparatrice d’être fonctionnellement acceptable. Le recours à une prothèse est souvent
nécessaire. La taille des prothèses est très variable selon l’âge
et la maturation de l’enfant, et les prothèses adultes, souvent
trop volumineuses, font préférer un appareillage sur mesure.
L’inconvénient majeur de ces dispositifs mécaniques reste
leur tenue à long terme. Les complications secondaires immédiates et tardives, favorisées par la chimiothérapie, sont fréquentes (infections, hématomes, fracture du greffon ou de la
prothèse) et le taux de réopération peut atteindre 2,5 par
patient [26]. La prise en compte de la croissance de l’enfant
est aussi un problème à part entière, et en particulier la croissance des os longs. La résection du fémur distal chez un enfant
prépubère risque d’entraîner une inégalité de longueur d’au
moins 7 cm en fin de croissance. Certaines équipes ont recours
à des prothèses télescopiques qu’ils allongent progressivement pour compenser cette inégalité [27]. Les reconstructions diaphysaires peuvent être réalisées par des greffons
osseux autologues ou allogreffe.
Malgré les progrès techniques constants, l’amputation d’un
membre est parfois préférable pour des raisons oncologiques
ou fonctionnelles. Dans tous les cas, l’enfant et ses parents
doivent être informés de la possibilité d’une amputation même
si tout indique, a priori, qu’un traitement conservateur sera
possible.
5.2.1. Récidives et cancers secondaires
Le risque de rechute pèse lourd dans le pronostic de tout
cancer. Dans la TE, le délai médian est habituellement court,
inférieur à dix mois pour les formes métastatiques et environ
18 mois pour les formes localisées [25]. Cependant, une particularité des TE est l’existence de rares mais indiscutables
récidives très tardives. Plusieurs études montrent, chez des
patients suivis au-delà de dix ans, que les risques de récidive
de la tumeur d’Ewing et d’apparition de tumeur secondaire
sont comparables. La survenue d’une deuxième tumeur est la
complication la plus redoutée de la radiothérapie. Certes, le
défaut de croissance et les rétractions musculotendineuses
secondaires à la radiothérapie sont à craindre d’autant plus
que l’enfant est jeune, de même que les fractures et les problèmes de consolidations sur un os irradié. Cependant, le risque de deuxième tumeur à 20 ans varie de 5 à 35 % selon les
études [30]. Il existe une relation entre la dose de radiothérapie reçue (notamment pour des doses supérieures à 60 Gy),
l’association d’une chimiothérapie par agents alkylants et
l’augmentation de l’incidence des sarcomes secondaires. Les
leucémies secondaires (leucémie aiguë myéloblastique, myélodysplasie) surviennent surtout dans les dix ans suivant le
diagnostic et sont essentiellement liées à la chimiothérapie.
Même si leur incidence est faible (2 %), leur pronostic est
mauvais [30,31].
5.1.3. Complications aiguës de la radiothérapie
et prévention
Les complications aiguës de la radiothérapie les plus fréquentes touchent essentiellement : la peau (érythème, desquamation, phlyctènes), l’intestin et surtout le rectum (rectite radique avec douleur, rectorragie, diarrhée), l’appareil urinaire
(cystite radique), la moelle épinière (myélite, favorisée par
des traumatismes locaux chirurgicaux ou toxiques). Plusieurs moyens existent pour limiter l’irradiation des organes
de voisinage et éviter les complications précédentes et les
effets indésirables tardifs [28] :
• les champs croisés permettent d’exclure du volume traité
les organes fragiles et non atteints ;
5.2.2. Fertilité et descendance
Les traitements anticancéreux (notamment les agents alkylants et la radiothérapie) diminuent la fertilité, même s’ils
sont administrés chez un enfant prépubère. La fertilité relative des survivants des tumeurs osseuses (tous traitements
confondus) est de 85 % par rapport aux couples normaux [32].
Chez le garçon, il existe une atteinte préférentielle de la
spermatogenèse. L’atteinte des cellules germinales induit une
stérilité parfois définitive. Chez la fille, une diminution du
stock des follicules peut survenir avec un risque de ménopause précoce ; réel problème, étant donnée l’augmentation
de l’âge de la première grossesse de nos jours. Les fortes doses
de busulfan, utilisées chez les sujets à haut risque, induisent
5.2. Complications tardives et qualité de vie
L’augmentation du nombre de patients guéris justifie
l’étude de leur devenir à l’âge adulte. L’évaluation des événements tardifs est difficile. Il existe peu d’études de suivi à
plus de dix ans et il s’agit d’études rétrospectives, sans oublier
que les complications observées chez les adultes d’aujourd’hui
sont le reflet des traitements appliqués il y a 10 ou 20 ans,
souvent considérés comme dépassés aujourd’hui.
1390
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une insuffisance ovarienne profonde et prolongée nécessitant
une hormonothérapie substitutive [33].
Les mesures de protection de la fertilité doivent être prises
tôt, autant que possible avant le début du traitement. Il est
parfois difficile d’aborder ce sujet lors de l’annonce du diagnostic, néanmoins il faut proposer un recueil de sperme avec
cryopréservation pour le garçon pubère et prévoir une ovaripexie chez la fille, si une irradiation pelvienne est nécessaire.
Malgré les possibles dommages causés par le traitement au
niveau des cellules germinales il n’a pas été démontré, dans
la descendance des patients guéris et fertiles, une incidence
de maladies génétiques sporadiques ou de cancers « nonhéreditaires » supérieure à celle de la population générale [34].
On peut donc rassurer les survivants des TE désireux d’avoir
des enfants.
très probablement inclure la détection du transcrit de fusion
dans la moelle osseuse dans les études prospectives à venir.
Enfin, dans les TE localisées, il semble que le type 1 de
transcrit de fusion EWS–FL1 soit associé à un meilleur pronostic que le type 2. La mise en évidence d’une corrélation
entre le type de transcrit et la réponse histologique à la chimiothérapie serait d’une importance majeure pour la compréhension des bases biologiques de la chimiorésistance [39].
Les prochaines années verront probablement émerger une
nouvelle surveillance moléculaire de l’évolution des malades.
7. Conclusion
5.2.3. Qualité de vie et devenir psychosocial
Le devenir psychosocial est le résultat des interactions complexes entre les traitements subis, les mesures sociales et le
stade de maturité physique et émotionnelle du patient au
moment du diagnostic. Une étude américaine de 694 survivants de tumeurs des membres inférieurs et du pelvis attire
l’attention sur un groupe à risque : les enfants traités après
l’âge de 12 ans et ayant subi une amputation. Ces patients ont
plus de difficultés que les témoins pour trouver un travail ou
terminer leurs études. En revanche, il n’a pas été démontré
d’excès de troubles psychiatriques [35].
L’analyse des questionnaires d’autoévaluation des
9535 survivants des cancers pédiatriques fait ressortir une altération globale de l’état de santé en cas de tumeur osseuse par
rapport aux leucémies. Il ne faut donc pas négliger les difficultés quotidiennes des adultes guéris d’une TE liées aux
séquelles du traitement ou de la maladie comme la paraplégie, la scoliose paralytique... Quoi qu’il en soit, une très grande
majorité des anciens malades considèrent leur état de santé
comme bon [36].
La tumeur d’Ewing est un reflet fascinant de l’évolution
de la pensée oncologique. Initialement frustes, les stratégies
thérapeutiques se sont progressivement précisées grâce à
l’accroissement des connaissances de l’évolution naturelle de
la maladie et des facteurs prédictifs de cette évolution. Ces
critères cliniques puis histologiques seront prochainement
moléculaires. D’un flou histologique au début du siècle, nous
sommes passés à une nouvelle définition permettant de distinguer l’ancien sarcome d’Ewing comme étant la forme indifférenciée de la famille des tumeurs neuroectodermiques périphériques. L’étude des effets de la protéine chimérique au
sein de la cellule ouvre beaucoup d’espoirs quant à une thérapeutique ciblée. De même, la détection du transcrit de fusion
ouvre la voie à une nouvelle ère moléculaire tant dans le diagnostic et le pronostic que dans la surveillance de ces cancers. Au-delà des aspects biologiques ou du traitement d’une
tumeur, le traitement d’un patient requiert la prise en charge
des handicaps et des impacts psychologiques et sociaux de la
maladie, élargissant ainsi les ressources et connaissances du
médecin : de la biologie moléculaire de la tumeur à la prise
en charge globale du patient.
6. Recherche de nouveaux facteurs pronostiques :
impact des découvertes biologiques
Références
Nous avons déjà évoqué plus haut l’hypothèse d’une dissémination infraclinique de cellules tumorales expliquant
l’apparition de métastases malgré un contrôle local initial
complet. Grâce à la technique de RT-PCR, West et al. ont
décelé des cellules tumorales occultes dans le sang périphérique et dans la moelle osseuse. Dans la TE, la technique a
une sensibilité de une cellule tumorale par un million de cellules [37]. Il est actuellement admis que 20 à 40 % des formes localisées de TE ont des cellules tumorales détectables
dans le sang circulant par cette méthode. Schleiermarcher et
al. ont de plus montré qu’une RT-PCR positive dans la moelle
osseuse était fortement corrélée à l’existence de métastases
cliniques (p = 0,0018). Dans cette étude, une RT-PCR positive dans la moelle des patients ayant une TE apparemment
localisée est un facteur de mauvais pronostic [38]. Il faudra
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