RESEAU DE NUTRITION DES PERSONNES AGEES EN LIMOUSIN
Résidence l’Art du Temps 16 rue du Cluzeau 87170 ISLE Tél. : 05 55 78 64 36 Fax : 05 55 78 64 37
[email protected] www.sante-limousin.fr/linut
Nutrition et troubles du goût en pratique courante
Nutrition and taste disorders in daily practice
Desport JC
1,2
, Jésus P
1
, Terrier G
3
, Massoulard A
4
, Bourzeix JV
3
, Grouille D
3
, Sardin B
3
,
Nouhant A
3,5
, Fort M
2,5
, Plouvier L
2,5
, Devalois B
6
, Bessède JP
7
1
Unité de Nutrition et EA 3174, CHU et Faculté de Médecine, Limoges
2
Comité de Liaison
Alimentation nutrition (CLAN), CHU Limoges,
3
Service de Soins Palliatifs, CHU Limoges,
4
Réseau LINUT, Isle,
5
Service Diététique, CHU Limoges,
6
Service de Soins Palliatifs, CH
Puteaux,
7
Service d’ORL, CHU Limoges.
Correspondance :
Pr JC Desport, Unité de Nutrition, CHU Dupuytren, 87042 Limoges cedex
Tel : 05 55 05 66 21 ; Fax : 05 55 05 66 30
Conflit d’intérêt : aucun
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Résumé
Le goût est une sensation perçue au niveau principalement buccal, qui comporte cinq saveurs
de base : sucré, salé, amer, acide et umami. Il est en relation avec l’olfaction et avec l’état
salivaire. Les troubles sont le plus souvent une dysgueusie ou une hypogueusie. Une agueusie
est plus rare et une hypergueusie exceptionnelle. Devant un trouble du goût, il faut mener un
entretien approfondi avec le patient pour retrouver si possible une cause. Un examen buccal et
ORL, un bilan neurologique, des tests de stimulation chimiques ou électriques sont
souhaitables. Les causes de troubles du goût sont très nombreuses. Physiologiquement,
l’avancée en âge, la grossesse et la ménopause peuvent s’accompagner de troubles du goût.
Un grand nombre de traitement peuvent être impliqués, en particulier la radiothérapie et la
chimiothérapie. Des atteintes de la bouche (dents, gencives, langue, etc..) sont souvent
incriminées, de même que des carences en vitamines ou oligoéléments, une intoxication
alcoolique ou tabagique, un déficit de flux salivaire, des troubles psychiatriques et de
nombreuses maladies comme des atteintes neurologiques chroniques ou post-traumatiques, le
diabète, la cirrhose, l’insuffisance rénale ou des maladies infectieuses. Les troubles du goût
altèrent la qualité de vie, réduisent l’appétit et sont un facteur de risque de dénutrition chez la
personne âgée. Leur traitement est délicat. Il passe si possible par une suppression de la cause,
ou l’utilisation des exhausteurs de goût ou des conseils diététiques. Toute dénutrition associée
doit être également prise en charge.
Abstract
The taste is a sense, mainly oral, including five basic flavors: sweet, salty, bitter, sour and
umami. It is linked with olfaction and salivation. The most frequent taste disorders are
dysgeusia or hypogeusia. Ageusia is scarce and hypergeusia very uncommon. Taste
assessment needs a precise discussion with the patient, in order to find a cause of the trouble.
Otorhinolaryngological and neurological examinations are needed. Chemical or electrical
stimulation tests are possible by a specialist. A large number of causes for taste troubles have
been recognized. Age, pregnancy and menopause are physiologically involved. Many
treatments have been incriminated, especially radiotherapy or chemotherapy. Oral disorders,
vitamins or trace-elements insufficiency, alcool or tobacco intoxication, salivary troubles or
some psychiatric disorders are frequently in cause as well as several chronic or post-traumatic
diseases. Taste troubles are deleterious on quality of life, appetite, and are well-known risk
factors for malnutrition in elderly. Their treatment is difficult, needing if possible the
suppression of cause. Taste enhancers can be used as well as advices by a dietician. An
associated malnutrition must be treated.
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1. Introduction
Le goût est une sensation d’origine chimique, perçue grâce à des récepteurs spécifiques
stimulés de manière sélective par des molécules ou des ions en contact avec eux [1]. Ces
récepteurs sont localisés au niveau de structures appelées bourgeons du goût, qui contiennent
chacun de 50 à 100 cellules disposées en quartier d’orange, porteuses de récepteurs
spécifiques [1,2]. Le pôle apical des bourgeons est en communication avec la cavité buccale.
Les bourgeons sont présents essentiellement au niveau de la langue, mais aussi du palais mou
et de l’épiglotte, du pharynx, du tiers supérieur de l’œsophage. Les cellules du goût ont une
vie brève, de 10 à 12 jours [1,3]. Au niveau cellulaire, le système de transmission de la
sensation implique probablement des canaux ioniques potassiques [4,5]. La transmission vers
les centres se fait grâce aux nerfs faciaux, glossopharyngiens et pneumogastriques [2]. Il
existe des connections bulbaires des afférences avec les centres de la salivation. Les voies
afférentes cheminent via le tractus solitaire bulbaire et le thalamus jusqu’au cortex olfactif
insulaire [1,2].
Aux quatre saveurs principales (sucré, salé, amer et acide) est désormais rajoutée une
cinquième : la saveur liée au glutamate ou « umami » [1,2]. La stimulation des récepteurs du
goût survient dès le début de la prise alimentaire, et est la principale cause de la salivation. A
l’inverse, la présence de salive est fondamentale dans la perception du goût, car elle module
en particulier la sensation salée, et apporte un environnement ionique nécessaire à la bonne
fonction des cellules spécifiques [1,4].
2. Principaux troubles du goût
Les troubles du goût sont de quatre types : une exceptionnelle augmentation de la perception
ou hypergueusie, une disparition totale de la sensation, ou agueusie (rare), une limitation de la
perception d’une ou plusieurs saveurs, ou hypogueusie, et enfin des modifications des
perceptions (sensations de mauvais goût ou de modification de goût de certains aliments) ou
dysgueusie [2-4].
3. Méthodes d’exploration
Les troubles du goût peuvent être isolés, mais aussi associés à des troubles de l’odorat, les
patients pouvant avoir des difficultés à distinguer les deux perturbations [2-4,6,7]. De ce fait,
il est important de faire préciser au mieux les anomalies rencontrées, en explorant les saveurs
principales l’une après l’autre. L’entretien avec le patient est fondamental, car le recours à un
service spécialisé est difficile du fait de leur rareté. Des questionnaires de goût peuvent être
utilisés, et l’étude des antécédents est fondamentale, à la recherche d’une cause identifiable
(cf. plus bas) [1,2,6]. Un examen oral permet de visionner une perlèche, une lésion buccale
(œdème, leucoplasie, ulcération, vésicule, mucite, lésion linguale, affection gingivale ou
dentaire), de palper du doigt la surface de la langue ainsi que la face interne des joues à la
recherche d’une sécheresse muqueuse, de rechercher une issue de salive par un canal salivaire
à la compression de la sous-maxillaire ou de la parotide [4,6]. Un examen ORL est nécessaire,
ainsi qu’un bilan neurologique [4,6]. Les tests de gustométrie à la bandelette ou avec des
solutions aqueuses consistent à tester l’ensemble de la cavité buccale par des épreuves
supraliminaires pour les saveurs de base [1,2,8]. Les seuils de détection sont également
relevés, et les diverses localisations des bourgeons du goût sont explorées [2]. Une
électrogustométrie quantitative sous stimulation est possible, et permet d’identifier une
hypogueusie avec une localisation fine des troubles [1,2,4,8].
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4. Causes des troubles du goût
De très nombreuses situations peuvent provoquer des troubles du goût [1] :
- Des situations physiologiques comme le vieillissement, la grossesse ou la ménopause.
Les perturbations du goût survenant avec le vieillissement seraient fréquentes,
débutant vers l’âge de 60 ans [9], et touchant jusqu’à plus de 80% des personnes âgées
de plus de 80 ans, contre moins de 10% au dessous de 50 ans [10]. Elles sont
expliquées par une réduction du nombre des bourgeons du goût, une diminution des
connections, un ralentissement de la vitesse de renouvellement cellulaire, une possible
diminution du flux salivaire [10,11]. Chez la personne âgée, le goût salé serait le plus
altéré, suivi par le goût amer, puis acide et enfin sucré [11]. La grossesse est souvent
accompagnée d’une augmentation de la préférence aux aliments sucrés et salés [4].
Dans environ 2 à 5% des cas, la ménopause peut être suivie dans les 3 à 12 ans d’une
hypogueusie ou d’une dysgueusie (souvent perception d’un goût amer ou métallique),
accompagnée de sensations de brûlures de la langue, des lèvres ou du palais et d’une
sécheresse de bouche [4,6] Ces troubles sont décrits sous le nom de glossodynie ou
burning mouth syndrome [4].
- De multiples traitements, comme certains antibiotiques, opiacés, anesthésiques locaux,
antihypertenseurs, antirétroviraux, antiépileptiques, antidiabétiques, antihistaminiques,
analgésiques, antiinflammatoires, hypocholestérolémiants, antidépresseurs et
antiparkinsoniens [4,10,12,13]. Il est nécessaire de rechercher la liaison entre
apparition des troubles et mise en route du traitement. Les traitements du cancer sont
également souvent en cause [3,8,13] :
o radiothérapie de la tête et du cou, en fonction de la dose reçue, qui touche les
cellules spécifiques et altère la production salivaire [1,2,4,8]
o chimiothérapies, en particulier utilisant cisplatine, carboplatine,
cyclophosphamide, doxorubicine, 5-fluorouracile, vincristine, carmustine et
methotrexate [13,14], du fait de l’atteinte des cellules spécifiques à vie brève
[4,14]. Pour Sanchez-Lara et al., ce sont les saveurs sucrées et amères qui sont
principalement modifiées, avec une disparition dans 43% des cas, une
diminution dans 33% des cas, une sensation de mauvais goût dans la bouche
dans 57% des cas [14].
Les traitements lors du cancer peuvent aussi générer des troubles du goût par le biais
d’atteintes neuronales ou de mucites [8]. Au total, une revue récente de Hovan et al.
indique que la prévalence des dysgueusies va de 56 à 76% lors des radio ou
chimiothérapies [8].
- Une mauvaise hygiène dentaire (carie, atteinte parodontale, présence d’une prothèse
dentaire) [4,6]. Une colonisation bactérienne ou fungique des pores des bourgeons du
goût peut également altérer la sensation [2].
- Les carences en vitamines ou oligoéléments :
o Carences en vitamines : vitamine A, vitamine E, riboflavine (vitamine
B2), niacine (vitamine PP), acide pantothénique (vitamine B5), pyridoxine
(vitamine B6), acide folique (vitamine B9), cobalamine (vitamine B12) [3].
o Carences en oligoéléments : zinc en particulier [3,13], fer [3,4].
- La consommation chronique d’alcool ou de tabac, à l’origine d’une hypogueusie [4,6].
- Une altération du transport des molécules signal par la salive, en relation avec un
syndrome de Sjögren, une xérostomie [2,4,6,13,15].
- Des troubles psychiatriques tels qu’un état dépressif ou un trouble du comportement
alimentaire [4,6].
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- Certaines affections du système nerveux central : traumatismes crâniens, sclérose en
plaques, sclérose latérale amyotrophique, épilepsie, gliome du tronc, atteinte de la
corde du tympan (induisant une amertume ou l’apparition d’un goût métallique),
dysautonomie faciale, paralysie faciale, lésions de la base du crâne, accidents
vasculaires cérébraux centro-pontins, dissection carotidienne, séquelles de chirurgie
du nerf facial ou du glossopharyngien [4,6,13,16].
- Le diabète (à l’origine d’une hypogueusie globale) [4,6,13,15], la cirrhose (à l’origine
d’une hypogueusie au salé, au sucré et à l’acide) [4,6,13,15], la maladie de Crohn,
l’insuffisance rénale chronique (induisant une altération des goûts sucrés et acides ou
la présence d’un goût métallique ou amer) [2-4,13,15], une pathologie des surrénales,
une infection virale [2,4,6,13], la syphilis, la mucoviscidose [13], l’hypothyroïdie (à
l’origine d’une hypogueusie) [3,4,6], un thymome [13], une infection des voies
respiratoires supérieures [2], une amylose [4,6], la lèpre, la spondylarthrite
ankylosante [4].
5. Conséquences nutritionnelles
Les troubles du goût réduisent le plaisir associé à l’alimentation dans 75% des cas [3,15], d’où
un impact important sur la qualité de vie quotidienne [1,8,10,13,15]. Dans au moins un cas sur
deux, ils sont associés à une limitation de l’appétit [3], et à une alimentation moins variée. La
détection des troubles du goût est intégrée dans le questionnaire CNAQ (Council of Nutrition
Appetite Questionnaire) et le questionnaire SNAQ (Siplified Nutritional Appetite
Questionnaire), qui permettent d’évaluer l’appétit des patients et qui sont prédictifs de la perte
de poids des adultes à domicile et des personnes âgées en maison de retraite [17]. Pour la
Haute Autorité de Santé, la dysgueusie est reconnue chez les personnes âgées comme un
facteur de risque de dénutrition [18]. Ceci a été confirmé par une étude en Belgique portant
sur 2329 patients âgés hospitalisés, pour laquelle les altérations du goût sont un facteur majeur
expliquant la dénutrition [19]. Enfin, les troubles du goût peuvent faire entrer les patients dans
un cercle vicieux, puisque les carences sont susceptibles d’altérer le goût.
6. Prise en charge
La prise en charge des troubles du goût est difficile.
. En cas d’hypogueusie, il a été proposé chez les personnes âgées de renforcer le goût en
salant ou sucrant l’alimentation de manière plus intense, ou bien de recourir au glutamate de
sodium pour le goût umami ou à divers exhausteurs de goût naturels ou synthétiques [9,20].
Néanmoins, les études sont rares et les résultats discordants [9,20,21]. L’étude de Mathey et
al. portant sur 67 personnes âgées en maison de retraite bénéficiant d’une alimentation dont le
goût a été relevé durant 16 semaines montre une augmentation des apports alimentaires et du
poids des résidents, par rapport à une population témoin [21]. En revanche, une étude de
Essed et al. avec une durée de test identique et également en maison de retraite chez 83
résidents ne met en évidence aucune variation [9]. Par conséquent, la technique peut être
testée, sans certitude de succès.
. La dysgueusie post-ménopausique est de traitement délicat, utilisant les anxiolytiques, les
antidépresseurs, des applications locales d’anesthésiques locaux ou une prise en charge
psychologique, et rentrerait dans l’ordre dans environ 60% des cas après 6 à 7 ans d’évolution
[6].
. Si un médicament a été mis en cause, son arrêt peut être efficace [2]. Lors de la
radiothérapie, un fractionnement des doses, une protection des glandes salivaires et de
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