reddition. Il est prouvé qu'il avait prévenu le général en chef de l'armée française du nord, comme
en attestaient des captations des communications militaires hertziennes franco-belges. Attestation en
faite par un gaulliste de la première heure, le Colonel Rémy46. Le roi prévient aussi l'attaché
militaire anglais qui en attestera dans un livre de mémoires47. Aussi, le conflit qui éclate entre le roi
et les ministres porte-t-il moins sur la reddition que sur la date de celle-ci et sur la question de
savoir si le gouvernement doit s'exiler en emmenant le roi avec lui. Le roi refuse, estimant que son
statut de chef de l'armée lui fait obligation, de par la constitution, de rester avec celle-ci, à faute
d'être considéré comme déserteur. Le roi tombe alors aux mains des allemands comme « prisonnier
de guerre » et le gouvernement belge, qui veut continuer la guerre, même sans le chef de l'État,
déclare celui-ci « dans l'impossibilité de régner » (de par la constitution qui fait un devoir au
gouvernement d'assumer seul ses responsabilités et collégialement, sans le blanc seing royal lorsque
le roi n'a plus sa liberté d'action).
Le gouvernement du premier ministre Hubert Pierlot, en exil, se réfugie à Londres (après toute une
odyssée en France achevée en ce qui concerne Hubert Pierlot et Paul-Henri Spaak, ministre des
affaires étrangères, par une traversée clandestine de l'Espagne aux mains d'un gouvernement pro
allemand). Le gouvernement belge pleinement légal et disposant du Congo va alors mettre les
forces de la colonie, ses productions agricoles et minérales - notamment l'uranium - à la disposition
des alliés. En même temps, il organise la reconstitution d'une infanterie militaire belge et la
participation de trois escadrilles belges dans la Royal Air Force, ainsi que l'effort de la marine
marchande au service des alliés et la campagne victorieuse des troupes belges d'Abyssinie qui
remportent la victoire de Saïo contre les Italiens. En Belgique, se développe une résistance armée
soutenue par des parachutages d'armes et des émissions de propagande par la radio belge de
Londres. Le roi, lui, reste silencieux durant toute l'occupation et ne donne aucun signe apparent
d'appui à la résistance, au gouvernement de Londres et à la cause alliée. Des révélations publiées
longtemps après la guerre révèlent cependant qu'il a écrit par deux fois à Hitler pour protester contre
des déportations, mais sans autre effet que la menace d'être déporté lui-même avec sa famille, ce qui
finira d'ailleurs par être exécuté par les nazis. Il y a aussi eu un échange de communications entre le
roi et le gouvernement en exil à Londres, à l'initiative de celui-ci qui tentait un rapprochement dans
le but d'apaiser le conflit né en mai 1940. Le propre beau-frère du premier ministre Pierlot se
dévoua pour quitter l'Angleterre afin de rentrer clandestinement en Belgique pour apporter au roi
une communication du gouvernement en exil. Arrêté par les Allemands alors qu'il tentait de quitter
le pays pour porter en Angleterre la réponse du roi, il sera exécuté et l'on ne saura peut-être jamais
ce que l'entrevue avait pu donner.
En mai 1940, des millions de Belges ont pris le chemin de l'exil vers la France, « craignant, comme
le confirme l'historien Max Lagarrigue, de subir les mêmes atrocités que durant la Grande
Guerre »48. Accueillis pour leur grande majorité dans le Midi de la France, ils rentrent pour la
plupart en septembre - octobre 1940. « Les Allemands vont faciliter et encourager leur retour afin
de remettre en marche le bassin sidérurgique belge qui participera à l'effort de guerre de
l'occupant »49.
Les Belges vivent sous l'occupation jusqu'à la Libération par les forces alliées en septembre 1944.
Les quatre années passées sous l'administration militaire allemande, dirigée par le général
Alexander von Falkenhausen, voient notamment la déportation sans retour de 25 000 Juifs du pays
vers Auschwitz-Birkenau, avec la collaboration parfois des autorités. La municipalité d'Anvers
envoie sa police collaborer aux rafles allemandes, celle de Liège livre à l'occupant des listes de
juifs, mais celle de Bruxelles s'y refuse et son bourgmestre, le docteur "Jef" Van de Meulebrouck est
arrêté. Le collège des secrétaires généraux de ministères se contente de gérer le pays comme il le
peut, confronté aux exigences et aux réquisitions allemandes. Certains secrétaires généraux seront
limogés et remplacés par des collaborateurs des Allemands. Aidé des collaborationnistes, l'occupant
traque les résistants qui sont arrêtés par milliers, souvent torturés et déportés en camps de
concentration depuis le fort de Breendonk. À la suite d'attentats de la résistance, près de 300 otages
sont également fusillés en représailles. Livré au pillage, à la faim et au marché noir, le pays voit