R ev u e de presse Coordination : Philippe Beuzeboc et Stéphane Oudard (Paris) PROSTATE Utilisation des statines et risque de récidive chez les patients traités par radiothérapie Un nouveau regard s’est récemment fixé sur l’activité anticancéreuse potentielle des statines (1), fondée sur leurs propriétés antiprolifératives, proapoptotiques et radiosensibilisantes montrées dans des modèles précliniques (2). Cette étude rétrospective de 691 patients traités à l’université de Chicago de façon curative par radiothérapie ­et/­ou curiethérapie entre 1988 et 2006, avec un suivi médian de 50 mois après l’irradiation, a montré que, pour 189 patients traités par statines (27 %), l’intervalle sans échec biologique selon les critères de Phoenix (nadir : + 2 ­ng/­ml [p < 0,001]), l’inter­valle sans hormonothérapie de rattrapage (p = 0,0011) et la survie sans récidive (p < 0,001) étaient améliorés. À 4 ans, l’intervalle sans échec biologique était de 93 % en cas d’utilisation de statines versus 80 % sans statines pour l’ensemble de la cohorte. L’amélioration concernait tous les groupes à risque (favorable, intermédiaire et haut risque) et était indépendante de l’utilisation d’une hormonothérapie et de la dose de radiothérapie. Les doses de statines étaient ajustées en équivalents de dose de simvastatine et séparées en doses inférieures ou supérieures ou égales à 40 mg. Il faut cependant relever un déséquilibre de présentation, avec plus de stades T1-2a (88 % versus 79 % [p = 0,02]), pour les patients traités par statines. Commentaire. L’effet favorable pourrait néanmoins être lié à un effet direct anticholestérolémiant (nécessaire pour la formation des androgènes intratumoraux). Cela pourrait avoir des implications en raison du faible coût et de la faible morbidité de ces traitements. Mais d’autres études sont négatives (3)… L’utilisation de statines pourrait diminuer le risque de récidive après prostatectomie totale Bien que cela soit controversé, il semble que les statines puissent réduire le risque de cancer de la prostate avancé. Récemment, la possibilité d’une association entre l’utilisation de statines et la baisse du PSA a été suggérée chez des patients ne souffrant pas d’un cancer. Les auteurs ont donc étudié l’association entre traitement par statines et risque de récidive après prostatectomie à partir d’une base de données canadienne de 1 319 patients en évaluant le temps jusqu’à progression biologique chez les utilisateurs et les non-utilisateurs. Après ajustement à de multiples facteurs cliniques et histologiques, la prise de statines était associée à une réduction de 30 % du risque de récidive (HR = 0,70 ; IC95 : 0,50-0,97) qui était dépendante de la dose équivalente de simvastatine (< 20 mg : HR = 1,08 ; IC95 : 0,66-1,73 ; 20 mg : HR = 0,57 ; IC95 : 0,32-1,00 ; > 20 mg : HR = 0,50 ; IC95 : 0,27-0,93). Il faut relever que les 236 patients traités par statines lors de la prostatectomie étaient statistiquement plus âgés (p = 0,009), plus récemment opérés (p < 0,001) et diagnostiqués à un stade plus limité (p = 0,009), avec un taux de PSA inférieur (p = 0,04). Cependant, ils avaient une tendance à un score de Gleason plus élevé (p = 0,002). Commentaire. Toutes ces données nécessitent confirmation par d’autres études avant de trouver une application pratique. DIAPOSITIVES COMMENTÉES EN LIGNE Rendez-vous sur edimark.fr et retrouvez les diapositives de synthèse des articles résumés P.B. 1. Hamilton RJ, Banez LL, Aronson WJ et al. Statin medication use and the risk of biochemical recurrence after radical prostatectomy: results from the Shared Equal Access Regional Cancer Hospital (SEARCH) Database. Cancer 2010;116(14):3389-98. P. Beuzeboc, Paris • Gutt R, Tonlaar N, Kunnavakkam R et al. Statin use and risk of prostate cancer recurrence in men treated with radiation therapy. J Clin Oncol 2010;28(16):2653-9. 1. Farwell WR, Scranton RE, Lawler EV et al. The association between statins and cancer incidence in a veterans population. J Natl Cancer Inst 2008;100(2):134-9. 2. Hoque A, Chen H, Xu XC. Statin induces apoptosis and cell growth arrest in prostate cancer cells. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2008;17(1):88-94. 3. Soto DE, Daignault S, Sandler HM et al. No effect of statins on biochemical outcomes after radiotherapy for localized prostate cancer. Urology 2009;73(1):158-62. Étude de phase IB : combinaison d’un angiotoxique anti­m itotique, l’ABT-751, et du docétaxel dans les cancers de la prostate métastatiques résistant à la castration L’ABT-751 est un nouvel agent antimitotique de type sulfonamide oral se fixant sur le site colchicine de la β-tubuline, et agissant aussi comme agent angiotoxique (vascular disrupting agent). Correspondances en Onco-urologie - Vol. I - n° 3 - octobre-novembre-décembre 2010 111 R ev u e La neuropathie périphérique, l’iléus et la fatigue en représentent les toxicités limitantes. Dans cet essai, 32 patients ont reçu un nombre moyen de 45 cycles tous les 21 jours d’une combinaison avec escalade de dose de docétaxel (60-75 ­mg/­m2 à J1) et d’ABT-751 (100-200 ­mg/­j per os pendant 14 jours). Les principales toxicités non hématologiques de grade 3-4 ont été les infections (19 %) et les diarrhées (16 %) ; 53 % des patients ont développé une toxicité hématologique de grade 3-4. Les doses recommandées pour les essais de phase II sont de 60 ­mg/­m2 pour le docétaxel et de 200 ­mg/­j pour l’ABT-751. L’activité rapportée est encourageante, avec une baisse de PSA supérieure à 50 % chez 60 % de ces patients, une réponse objective dans 45 % des cas et une médiane de survie de 24 mois (IC95 : 8,3-37,7 mois). Commentaire. L’addition au docétaxel de cet agent appartenant à une nouvelle classe thérapeutique d’angiotoxiques apparaît prometteuse, ce qui justifie la poursuite de son évaluation dans le cadre d’essais de phase II. P.B. • Michels J, Ellard SL, Le L et al. A phase IB study of ABT-751 in combination with docetaxel in patients with advanced castration-resistant prostate cancer. Ann Oncol 2010; 21(2):305-11. Méta-analyse de la surexpression d’HER2 dans les cancers de la prostate La surexpression d’HER2/neu (HER2) dans le cancer de la prostate a fait l’objet d’une récente méta-analyse. Cette étude a sélectionné 38 articles (publiés entre 1991 et 2008) évaluant le rôle d’HER2/neu, avec un suivi supérieur à 2 ans (60 à 300 mois), et regroupant un total de 5 976 patients (1). La sur­ expression “tissulaire” d’HER2 était définie par 2 ou 3 croix de sur­expression en immunohistochimie (IHC) réalisée avec 3 anticorps différents. Elle a été retrouvée chez 2 135 (31 %) des 6 744 patients évaluables. Le risque relatif (RR) de décès et le RR de rechute étaient de 1,63 (1,47-1,82 [p < 0,0001]) et de 1,87 (1,59-2,81 [p < 0,0001]) respective- 112 de presse ment dans cette population (quel que soit le stade tumoral pour le risque de décès). Il existait une corrélation directe entre un score de Gleason supérieur à 7 et une surexpression d’HER2 (p = 0,01). Cette corrélation n’était pas retrouvée pour le stade et le taux de PSA. Selon une méthode de détection par ELISA (Enzyme-Linked ImmunoSorbent Assay) de la fraction extracellulaire d’HER2 dans le sérum de 1 186 patients évaluables, la même analyse retrouvait, dans la population surexprimant HER2, un RR de décès de 2,01 (1,21-3,35 [p = 0,007]) et de rechute de 1,74 (1,41-2,15 [p = 0,0001]). Ces données suggèrent que la surexpression d’HER2 serait un facteur de mauvais pronostic indépendant du stade et du PSA, mais pas du score de Gleason. Commentaire. Le point crucial réside dans la détermination du statut HER2, en partie abordé dans cette méta-analyse. Dans le cancer du sein, il a été clairement démontré que la surexpression HER2 3+ définie par A.C. Wolff et al. (2) était corrélée à une amplification du gène authentifiée par FISH et représentait un facteur prédictif de réponse au traitement par trastuzumab ainsi qu’un facteur pronostique indépendant de survie. Dans les cancers de la prostate, il n’y a, en règle générale, pas d’amplification en cas de surexpression. Cette étude ne rapporte d’ailleurs aucune donnée de FISH. Le chiffre de 30 % de surexpression doit être pris avec prudence, du fait de données “poolées”, réalisées avec des techniques hétérogènes. De plus, cette méta-analyse s’est attardée sur la recherche de la fraction soluble d’HER2 (shed antigen), non recommandée dans le cancer du sein (3), en ne citant que 2 études contradictoires sur la corrélation entre IHC et ELISA (4, 5). Néanmoins, à l’instar du cancer du sein, la surexpression d’HER2 semble être un facteur de mauvais pronostic. Les premières études évaluant des traitements ciblant HER2 se sont révélées jusqu’à présent très décevantes (6, 7). G. Roubaud, Bordeaux 1. Neto AS, Tobias-Machado M, Wroclawski ML et al. HER-2/ neu expression in prostate adenocarcinoma: a systematic review and meta-analysis. J Urol 2010;184(3):842-50. 2. Wolff AC, Hammond ME, Schwartz JN et al. American Society of Clinical Oncology/College of American Pathologists guideline recommendations for human epidermal growth factor receptor 2 testing in breast cancer. J Clin Oncol 2007;25(1):118-45. 3. Lennon S, Barton C, Banken LJ et al. Utility of serum HER2 extracellular domain assessment in clinical decision making: pooled analysis of four trials of trastuzumab in metastatic breast cancer. J Clin Oncol 2009;27(10):1685-93. 4. Myers RB, Brown D, Oelschlager DK et al. Elevated serum levels of p105 (erbB-2) in patients with advanced-stage prostatic adenocarcinoma. Int J Cancer 1996;69:398. 5. Domingo-Domenech J, Fernandez PL, Filella X et al. Serum HER2 extracellular domain predicts an aggressive clinical outcome and biological PSA response in hormone-independent prostate cancer patients treated with docetaxel. Ann Oncol 2008;19(2):269-75. 6. Ziada A, Barqawi A, Glode LM et al. The use of trastuzumab in the treatment of hormone refractory prostate cancer; phase II trial. Prostate 2004;60(4):332-7. 7. Lara PN, Chee KG, Longmate J et al. Trastuzumab plus docetaxel in HER-2/neu-positive prostate carcinoma: final results from the California Cancer Consortium Screening and Phase II Trial. Cancer 2004;100(10):2125-31. REIN Facteurs pronostiques de survie sans progression et de survie globale chez des patients atteints d’un cancer du rein métastatique et traités en première ligne par sunitinib ou par cytokines Pour le cancer du rein métastatique, les critères pronostiques le plus souvent utilisés sont ceux du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center (MSKCC), dits “critères de Motzer”. Les patients sont classés dans les catégories “bon pronostic”, “pronostic intermédiaire” et “mauvais pronostic” en fonction de 5 paramètres liés à une survie moindre : un intervalle de temps entre le diagnostic initial et la mise en route du traitement systémique de moins de 1 an, un taux élevé de lactate déshydrogénase (LDH), un taux élevé de calcium corrigé, une anémie et un mauvais performance status. Ce modèle du MSKCC a été validé par des chercheurs de la Cleveland Clinic. Ces études ont été réalisées à l’époque où l’immunothérapie constituait le traitement standard pour le carcinome du rein. Dans le présent article, les auteurs ont voulu vérifier la validité de ces critères pronostiques de survie à l’époque des antiangiogéniques, en particulier le sunitinib. Un deuxième objectif consistait à identifier des facteurs pronostiques de survie sans progression. En effet, jusqu’à il y a quelques années, la survie globale a toujours été l’­objectif principal des études cliniques concernant le cancer du rein métastatique. Dans les études cliniques les plus récentes, la survie sans progression Correspondances en Onco-urologie - Vol. I - n° 3 - octobre-novembre-décembre 2010 DIAPOSITIVES COMMENTÉES EN LIGNE Revue de presse devient un critère plus important, notamment parce que nous disposons de plus en plus de lignes thérapeutiques. À cet effet, les auteurs ont analysé les résultats définitifs de l’essai randomisé de phase III sunitinib versus interféron α afin d’identifier de nouveaux facteurs pronostiques et de les comparer aux facteurs connus, tels que les facteurs inclus dans la classification pronostique du MSKCC. Dans cet essai multicentrique, 750 patients atteints d’un cancer du rein métastatique ont été randomisés dans 2 bras : un bras (n = 375) dans lequel les patients étaient traités par sunitinib, et un bras (n = 375) où ils étaient traités par interféron α. L’étude a montré une amélioration statistiquement significative de la survie médiane sans progression dans le bras sunitinib comparativement au bras interféron α (11 mois versus 5 mois) [p < 0,001], et une amélioration de la survie médiane globale (26,4 mois versus 21,8 mois) [p = 0,051]. L’analyse univariée a confirmé les 5 facteurs pronostiques de la classification du MSKCC comme facteurs prédictifs significatifs pour la survie et pour la survie sans progression. L’analyse multivariée a permis d’identifier 5 critères prédictifs indépendants pour la survie sans progression sous sunitinib : le taux sérique de LDH, la présence d’au moins 2 sites métastatiques, l’absence de néphrectomie, un mauvais performance status et un taux de plaquettes élevé. Six facteurs sont prédictifs pour la survie globale sous sunitinib : les 5 facteurs du MSKCC et un nouveau facteur, à savoir la présence de métastases osseuses. Commentaire. Les auteurs confirment que les facteurs pronostiques de survie issus du modèle du MSKCC restent valables à l’époque de la thérapie ciblée. Ils considèrent que d’autres facteurs tels que la présence de métastases osseuses, un taux élevé de plaquettes et un taux élevé de neutrophiles pourraient être liés au pronostic. Ils ont identifié des facteurs pronostiques pour la survie sans progression, et ils attirent l’attention sur le fait que les facteurs prédictifs de survie sans progression et de survie globale ne sont pas toujours identiques. B. Beuselinck, Louvain • Patil S, Figlin RA, Hutson TE et al. Prognostic factors for progression-free and overall survival with sunitinib targeted therapy and with cytokine as first-line therapy in patients with metastatic renal cell carcinoma. Ann Oncol 2010. On line. Fonction rénale après néphrectomie partielle en fonction de la voie d’abord Il y a un rationnel pour penser que la néphrectomie partielle laparoscopique est plus à risque de compromettre la fonction du rein opéré que la voie d’abord traditionnelle du fait de la compression vasculaire créée par le pneumopéritoine et des difficultés rencontrées pour réaliser un refroidissement efficace du rein. Les auteurs de cette étude ont comparé la fonction rénale, évaluée par le débit de filtration glomérulaire (DFG) calculé selon la formule MDRD, en fonction de la voie d’abord laparoscopique (182 patients) ou ouverte (805 patients). Leur analyse statistique a tenu compte de l’âge, du DFG initial, du score ASA, de la taille tumorale, de la durée d’ischémie et du temps écoulé depuis la chirurgie. Les patients des 2 groupes étaient comparables du point de vue de l’âge, de la taille des tumeurs opérées et du score ASA. En revanche, dans le groupe chirurgie ouverte, le DFG initial a été supérieur (67 ­ml/­mn/­1,73 m² versus 73 ­ml/­mn/­1,73 m²), le recours à un clampage vasculaire a été moins fréquent (84 % versus 95 %), la durée d’ischémie (35 mn versus 40 mn) et les pertes sanguines (379 ± 357 ml versus 241 ± 201 ml) ont été supérieures. Les DFG calculés à 2 et à 6 mois après l’opération ont été légèrement mais significativement plus élevés lorsque les patients avaient été opérés par laparoscopie. Après exclusion des sujets n’ayant pas eu de clampage vasculaire et de ceux ayant eu un refroidissement rénal, la même différence en faveur du groupe opéré par laparoscopie a été observée. Les auteurs en concluent que la fonction rénale après néphrectomie partielle laparo­ scopique est plus élevée qu’après néphrectomie partielle par voie ouverte. Commentaire. Cet article, publié dans la revue urologique ayant actuellement l’impact factor le plus élevé, va être très probablement maintes fois cité en référence en faveur de la voie d’abord laparoscopique pour la néphrectomie partielle. Toutefois, le niveau de preuve de cette étude de cohorte rétrospective non contrôlée est faible, tous les facteurs de confusion plausibles n’ont pas été pris en compte et l’outil de mesure n’est pas le gold standard. Correspondances en Onco-urologie - Vol. I - n° 3 - octobre-novembre-décembre 2010 Ainsi, un facteur de confusion important n’a pas été pris en compte : la situation exophytique ou intraparenchymateuse de la tumeur. La difficulté technique supérieure de l’exérèse et de la reconstruction du rein en cas de tumeur intraparenchymateuse est à même d’expliquer les différences observées en termes de durée d’ischémie et de perte sanguine. Le choix de la voie d’abord ayant été laissé à la discrétion des chirurgiens, on ne peut exclure que ceux-ci aient préféré opérer par laparoscopie les tumeurs exophytiques. Par ailleurs, l’estimation du DFG par la formule MDRD chez des patients ayant 2 reins ne permet absolument pas de discerner la fonction du rein opéré et la possible hypertrophie compensatrice du rein non opéré. Une mesure scintigraphique du DFG par acide diéthylène triamine penta-acétique (DTPA) marqué aurait permis de parvenir à une conclusion. Les auteurs ne l’ont pas employée. Par conséquent, cet article, qui tend à prouver que la néphrectomie partielle laparoscopique préserve davantage la fonction rénale des patients que la voie d’abord traditionnelle, mérite d’être connu et critiqué afin de ne pas en tirer des conclusions hâtives. Y. Neuzillet, Suresnes • Adamy A, Favaretto RL, Nogueira L et al. Recovery of renal function after open and laparoscopic partial nephrectomy. Eur Urol 2010;58:596-601. PÉNIS Le “prince Albert” : un facteur de risque du cancer du pénis ? Les piercings génitaux restent actuellement rares dans la population générale. À titre d’exemple, une étude néo-zélandaise portant sur 966 adultes âgés de 26 ans montre que 0,8 % des hommes de la série ont un piercing génital (1). La pose d’un piercing s’accompagne de complications aiguës ou chroniques, infectieuses ou non, et plus ou moins spécifiques ou non du site anatomique (2). Le “prince Albert” est le plus fréquent des piercings génitaux masculins et consiste en un piercing du frein du pénis avec un bijou qui ressort par l’urètre. Dans un récent numéro du Journal of Sexual Medicine, 2 cas de cancer épidermoïde du 113 R ev u e pénis sur le site de piercings génitaux ont été rapportés (3). Dans le premier cas, le patient était âgé de 60 ans, porteur du VIH et de l’­hépatite C ; son piercing datait de 4 ans. Neuf mois après la pose, il présentait un écoulement urinaire autour du site du piercing et souffrait de douleurs lors des rapports sexuels ; il avait par la suite retiré son piercing. Les symptômes cliniques n’ayant pas disparu, il avait fini par consulter. À l’examen clinique, la présence d’une fistule urétro-cutanée avec un tissu de granulation au site du piercing était constatée. Le diagnostic de carcinome épidermoïde moyennement différencié était posé sur la pièce de pénectomie partielle (pT2N0M0). Un second patient âgé de 56 ans, également porteur du VIH, avec un “prince Albert” depuis près de 15 ans, présentait lui aussi des problèmes urinaires liés au piercing ainsi qu’une lésion cutanée nécrotique au niveau du gland. Le patient était diagnostiqué comme souffrant d’un carcinome épidermoïde peu différencié invasif, nécessitant là aussi une pénectomie partielle (pT3N0M0). Commentaire. Il s’agit des 2 premiers cas décrits de cancer lié à un piercing génital. La littérature médicale relate quelques cas très anecdotiques de cancer de la peau sur piercing du nez et du lobe de l’oreille, dont la véritable cause reste cependant hautement hypothétique. On sait que des carcinomes cutanés peuvent parfois survenir sur des sites de traumatisme chronique, d’inflammation chronique ou sur des cicatrices (brûlures, etc.). Les auteurs postulent ainsi que le piercing pourrait avoir contribué à cette inflammation chronique via les traumatismes répétés sur le pénis et l’urètre (où passe également le piercing). Ils présument que ces carcinomes sont d’origine urétrale. Cependant, il convient de relativiser ces 2 observations. Tout d’abord, les auteurs restent assez flous aussi bien sur l’anamnèse que sur la chronologie et l’évolution clinique avant la consultation. De plus, il n’a pas été démontré, pour le moment, de lien entre cancer cutané et piercings à partir de larges séries d’individus “percés”. Enfin et surtout, les 2 patients étaient infectés par le VIH et très probablement porteurs du virus HPV, bien qu’aucun antécédent de condylome n’ait été retrouvé. Il est très fortement probable que ces 2 cas de cancer du pénis soient liés au virus 114 de presse HPV. Le rôle du piercing dans la survenue de ces cancers reste donc difficile à confirmer. À ce jour, en cas de piercing génital et surtout d’infection par le VIH ou d’autres causes d’immunodépression, le conseil le plus sage reste de consulter en cas de lésion apparaissant près du site du piercing, ou sur le site même. N. Kluger, Montpellier 1. Skegg K, Nada-Raja S, Paul C et al. Body piercing, personality, and sexual behavior. Arch Sex Behav 2007;36(1):47-54. 2. Kluger N, Guillot B. Complications des piercings. Ann Dermatol Venereol 2010;137(2):153-8. 3. Edin RS, Aaronson DS, Wu AK et al. Squamous cell carcinoma at the site of a prince Albert’s piercing. J Sex Med 2010;7:2280-3. VESSIE Le sunitinib et les tumeurs urothéliales vont-ils faire équipe ? À partir du rationnel d’une sur­expres­ sion du VEGF dans un sous-groupe agressif de tumeurs urothéliales (1), un essai de phase II a cherché à tester l’efficacité et la tolérance du sunitinib dans le traitement des tumeurs urothéliales de stade avancé après échec d’un traitement cytotoxique (métastatique ou péri-opératoire) [2]. Entre septembre 2006 et janvier 2009, 77 patients ont été inclus, et ont reçu la molécule selon 2 schémas d’admi­nistration : 45 patients dans la cohorte A (50 ­mg/­j 4 semaines sur 6) et 32 patients dans la cohorte B (37,5 ­mg/­j en continu). L’étude a mis en évidence 4 réponses partielles dans les 2 cohortes (3 dans la cohorte A), une durée de réponse médiane de 5,1 et 3,1 mois respectivement pour les cohortes A et B, et aucune différence en termes de survie sans progression (p = 0,4) et de survie globale (p = 0,4) entre les 2 schémas. Sur le plan de la tolérance, 74 % des patients ont présenté une toxicité de grade 3-4, comparable dans les 2 schémas, avec 1 décès toxique. Cette étude n’a pas atteint son objectif principal (décroissance tumorale > 20 % chez au moins 8 patients). Comparée aux autres essais de deuxième ligne avec le sunitinib, cette étude présente un taux de réponse inférieur (5,1 % versus 6-32 % dans les autres études) et des médianes de survie sans progression et de survie globale comparables (7,1 mois dans la cohorte A et 6 mois dans la cohorte B versus 4,5 à 11,5 mois dans les autres études). Les auteurs ont mis en avant le bénéfice clinique (défini comme une réponse partielle ou une maladie stable durant plus de 3 mois) de ce traitement malgré une tolérance médiocre, et ont rappelé la faible corrélation existant entre réponse objective (RECIST) et allongement de la survie (sans progression ­et/­ou globale), posant la question du choix du critère d’évaluation d’un traitement antiangiogénique dans une étude de phase II. Commentaire. Si ces données de phase II ont pu apparaître encourageantes aux auteurs pour un traitement de deuxième ligne, la tolérance s’est avérée très médiocre (3 patients sur 4 présentant une toxicité de grade 3-4). L’étude française VESSU, de phase II, également en deuxième ligne, a dû être interrompue pour toxicité. Récemment, 2 essais de phase II ont testé l’efficacité du sunitinib en première ligne pour des tumeurs urothéliales avancées. Le premier, concernant des patients unfit (3), a montré une certaine efficacité du sunitinib en monothérapie, avec une médiane de survie sans progression de 5,9 mois. La deuxième étude (4), évaluant une association de gemcitabine, cisplatine et sunitinib, a été suspendue pour cause de toxicité majeure. Cette étude reposait sur le rationnel d’une synergie démontrée entre cisplatine et sunitinib sur des xénogreffes de tumeurs de la vessie (5). Ainsi, la place des antiangiogéniques (et, plus généralement, des traitements ciblés) reste à définir dans les tumeurs urothéliales, qui demeurent un des parents pauvres du développement des nouvelles molécules. G. Roubaud, Bordeaux 1. Theodoropoulos VE, Lazaris AC, Kastriotis I et al. Evaluation of hypoxia-inducible factor 1alpha overexpression as a predictor of tumour recurrence and progression in superficial urothelial bladder carcinoma. BJU Int 2005;95(3):425-31. 2. Gallagher DJ, Milowsky MI, Gerst SR et al. Phase II study of sunitinib in patients with metastatic urothelial cancer. J Clin Oncol 2010;28(8):1373-9. 3. Bellmunt J, Gonzalez-Larriba JL, Maroto JP et al. Firstline treatment with sunitinib monotherapy in patients with advanced urothelial cancer ineligible for cisplatin-based chemotherapy: pretreatment levels of IL-8 and Hounsfield units as predictors of clinical benefit. Proc ASCO 2010, abstr. 4540. 4. Galsky MD, Sonpavde G, Hellerstedt BA et al. Phase II study of gemcitabine, cisplatin and sunitinib in patients with advanced urothelial carcinoma. ASCO 2010, abstr. 4573. 5. Sonpavde G, Jian W, Liu H et al. Sunitinib malate is active against human urothelial carcinoma and enhances the activity of cisplatin in a preclinical model. Urol Oncol 2009;27(4):391-9. Correspondances en Onco-urologie - Vol. I - n° 3 - octobre-novembre-décembre 2010 DIAPOSITIVES COMMENTÉES EN LIGNE Revue de presse Certains facteurs impliqués dans l’angiogenèse sont surexprimés au cours des carcinomes urothéliaux de la vessie Quelques travaux ont démontré que la sur­expression de facteurs de croissance vasculaires était associée à un plus grand risque de récidive et de progression des carcinomes urothéliaux (1, 2). Dans une série rétrospective et monocentrique, S.F. Shariat et al. ont cherché à préciser ces données (3). Ils ont pour cela analysé une série déjà publiée de 204 patients opérés entre 1995 et 2006 d’un carcinome urothélial de la vessie par cystectomie radicale (4). L’expression immunohistochimique (IHC) de protéines impliquées dans l’angiogenèse (vascular endothelial growth factor [VEGF], fibroblast growth factor beta [βFGF], thrombo­spondine 1 [TSP1]) était réalisée à partir de tissue micro arrays edimarksanté à l’aide d’un logiciel d’analyse d’image. L’analyse de la densité microvasculaire était faite manuellement. L’altération de l’expression du VEGF et du βFGF (surexpression) et de la TSP1 (sousexpression) était corrélée au grade (non significatif pour le VEGF), au stade, à la présence d’emboles vasculaires et de localisations métastatiques ganglionnaires (p < 0,01). En analyse univariée, l’expression IHC de ces marqueurs était corrélée à la récidive et à la mortalité spécifique. En analyse multivariée, cette corrélation demeurait pour le βFGF et la TSP1 (récidive) et pour la TSP1 seule (mortalité spécifique). L’analyse comparée avec des facteurs impliqués dans la régulation du cycle cellulaire (p21, 27 et pRb) ainsi que Ki67 montrait une corrélation dans l’expression de ces différentes protéines et celles impliquées dans l’angiogenèse (de p < 0,001 à p < 0,025). L’analyse de la densité microvasculaire apportait peu d’informations. Commentaire. Les auteurs soulignent que le caractère rétrospectif de leur travail, la faible durée de suivi et les problèmes relatifs à la quantification des données de l’IHC constituent des éléments limitants de l’analyse des résultats observés. Cependant, ils font valoir que ces résultats, intégrés à la compréhension des mécanismes biologiques sous-jacents tels qu’ils ont cherché à le montrer dans ce travail, peuvent constituer des pistes thérapeutiques intéressantes dans ce type de pathologie. P. Camparo, Suresnes 1. Liu L, Zhu D, Gao R et al. Expression of vascular endothelial growth factor, receptor KDR and p53 protein in transitional cell carcinoma of the bladder. Urol Int 2008;81(1):72-6. 2. Agrawal U, Mishra AK, Salgia P et al. Role of tumor suppressor and angiogenesis markers in prediction of recurrence of non muscle invasive bladder cancer. Pathol Oncol Res 2010 Jun 23 (Epub ahead of print). 3. Shariat SF, Youssef RF, Gupta A et al. Association of angiogenesis related markers with bladder cancer outcomes and other molecular markers. J Urol 2010;183(5):1744-50. 4. Shariat SF, Karakiewicz PI, Palapattu GS et al. Outcomes of radical cystectomy for transitional cell carcinoma of the bladder: a contemporary series from the Bladder Cancer Research Consortium. J Urol 2006;176(6 Pt 1):2414-22. Votre info médicale edimark U n a u t re re g a rd sur v otre spécialité Un autre regard sur votre spécialité Retrouvez en vidéo les actualités de votre spécialité sur www.edimark.tv Vous pourrez à tout instant télécharger nos reportages en podcast et poster vos commentaires et vos questions à nos experts. Ils vous répondront personnellement. edimark Correspondances en Onco-urologie - Vol. I - n° 3 - octobre-novembre-décembre 2010 115