Potentialités cliniques et perspectives d’utilisation de l’aripiprazole 191
actuellement disponibles, le consensus d’experts de 2004
sur l’utilisation des antipsychotiques chez les patients âgés
révélait que l’aripiprazole constitue avec la rispéridone,
l’olanzapine et la quétiapine, un traitement de première
intention dans le traitement de la schizophrénie du sujet âgé
et ce d’autant plus que le patient est à risque de développer
ou a déjà présenté des effets secondaires de type anticho-
linergique, sédation, symptômes extrapyramidaux [3].
Dépressions résistantes
Une étude ouverte actuellement sous presse a testé l’intérêt
d’une augmentation de traitement par aripiprazole chez des
patients déprimés âgés non répondeurs à un premier anti-
dépresseur sérotoninergique [40]. Elle met en évidence un
taux de réponse de 50 % à six semaines chez les patients
résistants, la réponse positive étant considérée comme le
retour à un score inférieur à 10 à l’échelle HDRS
Maladie d’Alzheimer
Le terme de symptômes comportementaux et psycholo-
giques des démences (SCPD) (ou en anglais behavioral
and psychological symptoms of dementia [BPSD]) a été
proposé pour décrire l’ensemble des manifestations non
cognitives des démences [19]. Il est maintenant établi
que ces symptômes comportementaux et psychologiques
font partie intégrante de la maladie démentielle, qu’ils
sont à l’origine de sévères désagréments pour le patient
lui-même, son entourage, les structures de soins. La plu-
part de ces troubles sont bien maîtrisés par des attitudes
thérapeutiques pharmacologiques et non pharmacologiques
adaptées. De par leur profil d’effets secondaires favorables,
les antipsychotiques atypiques ont été particulièrement étu-
diés. Trois études contrôlées en double insu contre placebo
ont été menées pour évaluer l’efficacité de l’aripiprazole
dans cette indication. Deux d’entre elles ont été réali-
sées en institution de long séjour. Elles ont donné lieu
à des communications affichées et l’une d’entre elle a
été publiée à ce jour [15]. Une synthèse des résultats
de ces trois études a été compilée dans un travail de
méta-analyse évaluant l’efficacité de l’ensemble des anti-
psychotiques atypiques dans cette indication [42]. Ces
trois études ont bénéficié d’un design similaire et ont
testé l’efficacité à dix semaines d’un traitement de 2 à
15 mg d’aripiprazole. Les variables observées étaient les
scores à une échelle d’appréciation clinique subjective
(CGI) et à diverses échelles comportementales spécifiques
de la maladie d’Alzheimer comme l’inventaire neuropsy-
chiatrique (NPI), l’échelle d’agitation dans la démence de
Cohen-Mansfield, l’échelle de dépression dans la démence
de Cornell, ainsi qu’à une échelle de psychopathologie géné-
rale non spécifique (BPRS). L’évaluation globale par l’échelle
CGI ou le score total de la NPI était en faveur du groupe trai-
tement, de même que l’évaluation de la seule dimension
«symptômes psychotiques »de la NPI. Pour les deux études
réalisées en institution, l’évaluation du score des troubles
du comportement par l’échelle de Cohen-Mansfield étaient
également en faveur du groupe aripiprazole. L’impact cli-
nique de ces résultats positifs a été depuis sérieusement
limité, comme ceux obtenus avec tous les autres antipsycho-
tiques atypiques — rispéridone, olanzapine et quétiapine —,
du fait d’une évidence de mortalité accrue par maladie céré-
brovasculaire chez le patients traités versus les patients sous
placebo (OR de 1,9) [46,43]. Ces résultats ont donné lieu
à deux communiqués de sécurité sanitaire et de vigilance
de l’AFSAPPS (mars 2004 et février 2005) rappelant que les
antipsychotiques atypiques ne sont «pas indiqué(s) et sont
déconseillé(s) chez les patients âgés atteints de démence
et souffrant de troubles psychotiques et/ou de troubles du
comportement ». L’ AFSAPPS «attire l’attention des profes-
sionnels de santé sur le fait que des risques similaires à
ceux identifiés avec (avec les antipsychotiques atypiques) ne
peuvent pas être exclus avec (...) les neuroleptiques clas-
siques ». Dans le cas de l’aripiprazole, trois études cliniques
contrôlées versus placebo chez des patients âgés présentant
un état psychotique associé à une maladie d’Alzheimer, les
patients traités par l’aripiprazole ont eu un risque de mor-
talité plus élevé comparativement au placebo. L’incidence
des décès a été de 3,5 % comparé à 1,7 % dans le groupe
placebo. Bien que les causes de décès étaient variées, la
plupart de ces décès semblaient être soit d’origine vascu-
laire (par exemple insuffisance cardiaque, mort subite) soit
d’origine infectieuse (par exemple pneumonie). Des évè-
nements indésirables cérébrovasculaires (AVC, AIT), dont
certains d’évolution fatale, ont été rapportés dans ces
mêmes études : 1,3 % pour le groupe aripiprazole et 0,6 %
pour le groupe placebo. Depuis, plusieurs études rétrospec-
tives de pharmacoépidémiologie sont venues confirmer que
ces complications ne sont pas le seul fait des antipsycho-
tiques atypiques, mais qu’une surmortalité importante est
également associée à l’utilisation de nombreux autres psy-
chotropes chez la personne âgée, dont les neuroleptiques
classiques [25].
Maladie de Parkinson
La maladie de Parkinson est l’une des affections neu-
rodégénératives les plus fréquentes. Elle se manifeste
essentiellement par des symptômes moteurs de nature
extrapyramidale. Cependant à long terme, la maladie va
se compliquer de troubles cognitifs évoluant vers une
authentique pathologie démentielle, ainsi que de symp-
tômes psychotiques à type d’anomalies perceptives, d’idées
délirantes, de troubles de la vigilance. Ces manifestions psy-
chotiques sont d’étiopathogénie mal connue. Elles semblent
être la conséquence du traitement dopaminergique, mais
également la conséquence du processus neurodégénéra-
tif en lui-même [20]. Ces manifestations sont difficiles à
contrôler par les antipsychotiques conventionnels du fait des
effets extrapyramidaux de ces derniers. Seule la clozapine
a montré une efficacité sur les manifestations psycho-
tiques de la maladie de Parkinson [31,37]. Le mécanisme
d’action original de l’aripiprazole a justifié l’essai de son
utilisation dans le traitement des manifestations psycho-
tiques de la maladie de Parkinson. Paradoxalement, les
quelques cas (moins d’une vingtaine) rapportés à ce jour
dans la littérature laissent apparaître une bonne efficacité
sur les manifestations psychotiques, mais cette améliora-
tion des manifestations psychiatriques est associée à une
aggravation de la symptomatologie extrapyramidale dans
près de la moitié des cas, pour des doses rapportées
en moyenne de 15 mg/j (minimum 7,5 et maximum de
22,5 mg/j) [30,17,51,45,41]. Par ailleurs, l’existence d’un
risque d’évènement cérébrovasculaire tel que décrit dans
la maladie d’Alzheimer pose la question du risque d’une