192 P. Gorwood
(1) Hôpital Louis Mourier, Colombes.
Clinique et thérapeutique
Ph. Gorwood (1)
IMAO et TCC dans la phobie
sociale : une association gagnante
A placebo-controlled trial of phenelzine, cogni-
tive behavioral group therapy, and their combi-
nation for social anxiety disorder.
Arch Gen Psychiatry. 2010 Mar ; 67 (3) : 286-95.
Blanco C, Heimberg RG, Schneier FR, Fresco
DM, Chen H, Turk CL, Vermes D, Erwin BA, Sch-
midt AB, Juster HR, Campeas R, Liebowitz MR.
CONTEXTE
La TCC et les antidépresseurs sont les plus
efficaces des stratégies thérapeutiques dans la
phobie sociale. Néanmoins, au maximum deux-
tiers des patients sont considérés comme des
répondeurs, dont la moitié seulement finit en
rémission. De fait, une majorité de patients con-
serve des symptômes résiduels après le traite-
ment. Il existe donc encore de réels progrès à
effectuer dans le traitement de la phobie sociale.
Les quelques études d’association (en général
psychothérapies et IRS) ne montraient pas
d’intérêt majeur à associer ces approches.
MÉTHODE
L’étude proposée a de nombreux avanta-
ges. Tout d’abord, ce sont les IMAO qui sont
testés, puisque cette famille d’antidépresseurs
a donné les meilleurs résultats au niveau phar-
macologique. Ensuite, les deux approches
sont bien évaluées de manière individuelle et
parallèle, sur 12 semaines, permettant d’avoir
une vraie conclusion sur un potentiel aspect
synergique de l’association testée. Enfin, avec
plus de 160 patients inclus (venant de deux
centres universitaires, de New York et Phila-
delphie) et un bras placebo, la méthode est
prometteuse en réelle conclusion, évitant le
sempiternel « ces résultats doivent être répli-
qués sur un plus gros échantillon »… En ne
recrutant que des sujets sans autre trouble
anxieux « trop patent », et en excluant les
sujets ayant eu un épisode dépressif majeur
dans les 6 derniers mois, les auteurs essaient
de se mettre en situation d’évaluer l’effet spé-
cifique sur le trouble phobie sociale, et non les
troubles fréquemment comorbides.
RÉSULTATS
Selon la CGI, les répondeurs sont de 33 %
pour le placebo, de 47 % pour la TCC, de 53 %
pour les IMAO… et de 72 % pour l’association.
Si l’on se focalise sur la rémission selon la
CGI-amélioration (cotée 1) à 12 semaines (qui
a l’avantage d’avoir un faible effet placebo, puis-
que inférieur à 10 %…), la TCC semble apporter
bien peu d’avantages (du même registre que le
placebo), et la phénelzyne ne permet d’accéder
qu’à un bien faible taux de 20 % de rémission.
Par contre, l’association des deux permet
d’obtenir un taux de rémission autour de 50 %,
ce qui est très différent des deux techniques iso-
lées (taille d’effet, d = 0.91, donc élevée).
L’aspect bénéfique de l’association est encore
plus parlant pour la rémission selon l’hétéro-
évaluation de l’anxiété sociale de Liebowitz.
Étant donné la complexité d’un traitement
par IMAO, l’évaluation des effets indésirables
constitue une partie essentielle de cette
étude. De fait, les IMAO sont associés à des
effets indésirables bien supérieurs en fré-
quence (étourdissement, bouche sèche,
constipation…). De manière assez intrigante,
avoir les deux traitements associés était asso-
cié à plus d’insomnie et moins d’effets indé-
sirables de type constipation et anorgasmie.
CONCLUSIONS
Résultats donc très significatifs, et forte-
ment en faveur de l’association IMAO-TCC. Il
est vraisemblable qu’une telle synergie
d’action s’explique par des effets facilitateurs
d’une technique sur l’autre. Ainsi, la phé-
nelzyne pourrait réduire le niveau d’anxiété et
donc faciliter les situations d’exposition aux
situations sociales anxiogènes, ce qui va faci-
liter les chances d’effets de la TCC. Récipro-
quement, les sujets exposés à ces situations
difficiles les vivent probablement de manière
moins anxieuse et douloureuse, plus alors à
même d’analyser leurs schémas cognitifs et
d’utiliser les techniques proposées par la TCC.
Pas d’explication donnée par les auteurs
sur la particularité des effets indésirables quand
les IMAO sont associés à la TCC… On peut
envisager que certains des effets indésirables
ont été intégrés dans la prise en charge des
TCC (repérage, évaluation, attribution), ce qui
pourrait en réduire la portée.
TABLEAU I. — Significant Differences in
Adverse Effects by Treatment Group.
COMMENTAIRE
Il n’est certes pas sûr que nous devions pres-
crire des IMAO à tous nos patients souffrant de
phobie sociale, en association avec la TCC. Il
n’est par contre pas possible de ne pas tenir
compte de cette belle étude dans l’arsenal thé-
rapeutique que nous avons à disposition pour
ce type de pathologie. Lorsqu’un traitement a
été inefficace, lorsque les traitements précé-
dents ont été efficaces mais incomplètement,
enfin lorsque la rémission a toujours été incom-
plète et insatisfaisante, il est clair que cette
association fournit une possibilité bien intéres-
sante.