Avancées et recherches REVUE DE PRESSE Chefs de rubrique : D. Gourion

L’Encéphale (2010) 36, 189-194
REVUE DE PRESSE
Chefs de rubrique : D. Gourion
Ph. Gorwood
Avancées et recherches
D. Gourion (1)
Vers une biologie de la résilience ?
Δ
FosB in brain reward circuits mediates resilience
to stress and antidepressant responses. Vincent
Vialou et al.. Nature Neuroscience, Mai 2010.
CONTEXTE
La capacité de réagir à un facteur de stress
traumatique est différente en fonction des indi-
vidus. Certains vont rapidement surmonter l’état
de stress réactionnel, d’autres seront amenés
à développer une psychopathologie plus ou
moins sévère, telle qu’une dépression ou un
stress post-traumatique. Cette capacité de faire
face à un événement stressant, ou résilience,
dépend de mécanismes d’adaptation agissant
à plusieurs niveaux, neurobiologiques, psycho-
logiques et comportementaux. Dans la sphère
psychologique, les mécanismes de coping sus-
ceptibles d’améliorer les facultés de résilience
sont l’optimisme, la capacité de régulation émo-
tionnelle, l’estime de soi, la patience et la déter-
mination. Ces mécanismes de coping ont en
commun d’améliorer les comportements pro-
sociaux adaptatifs. Ces traits sont sous-tendus
par des déterminants neurobiologiques parmi
lesquels le système de récompense cérébrale
tient une place prépondérante. Si plusieurs fac-
teurs neurobiologiques de la vulnérabilité au
stress ont été identifiés chez l’homme (activation
de l’axe HPA, voies de signalisation sérotoniner-
giques et glutamatergiques, facteurs neurotro-
phiques et anti-apoptotiques, etc.) il demeure
impossible de déterminer s’ils sont cause, con-
séquence ou corrélat de la réaction de réponse
biologique au stress. Ainsi, en dépit de l’abon-
dante littérature sur les modèles de stress, on
en sait finalement relativement peu sur les méca-
nismes moléculaires de la résilience.
MÉTHODE
Parmi les modèles animaux actuels de
stress, les situations de défaite sociale représen-
tent un paradigme intéressant pour l’étude des
mécanismes de la dépression et du PTSD. La
défaite sociale répétée induit des altérations phy-
sio-comportementales à long terme, compre-
nant l’évitement social, l’anhédonie et l’inhibition
anxieuse. La normalisation de ces comporte-
ments anormaux par l’administration chronique
d’antidépresseurs tend à valider ce modèle ani-
mal de stress. Dans cette étude, les auteurs se
sont intéressés à un facteur de transcription de
la famille de protéines Fos, nommé ΔFosB.
RÉSULTATS
Dans un modèle animal de stress social, les
auteurs ont montré que ΔFosB est un facteur
majeur de résilience au stress. L’induction de
ΔFosB dans le noyau accumbens de souris
(structure cérébrale centrale dans les mécanis-
mes de récompense) permettrait une réponse
résiliente puissante dans une situation de stress
chronique de type défaite sociale. Ce même fac-
teur était également indispensable pour permet-
tre à un antidépresseur – la fluoxétine – de pro-
duire son effet psychopharmacologique et de
permettre la disparition des comportements
anormaux induits par la défaite sociale.
L’effet de ΔFosB passe par l’induction
d’une sous unité des récepteurs glutamater-
giques (GluR2 AMPA). Cette induction dimi-
nue la réponse des neurones du noyau
accumbens au glutamate.
L’activité de
Δ
FosB dans ce circuit de
récompense joue donc un rôle protecteur fon-
damental face au stress social chronique. Il
protège l’animal de l’apparition de comporte-
ments d’allure dépressive. À l’inverse, lorsqu’il
y a déplétion de
Δ
FosB, les comportements
dépressifs émergent. Les antidépresseurs ont
pour effet de booster
Δ
FosB, qui pourrait repré-
senter l’une de leurs cibles d’action privilé-
giées. Par ailleurs, dans une autre étude post-
mortem de cerveaux de patients déprimés, les
concentrations de ΔFosB dans cette structure
cérébrale sont plus basses que chez les sujets
décédés pour d’autres raisons.
COMMENTAIRE
Si une concentration élevée de
Δ
FosB au sein
du noyau accumbens – système cérébral de
récompense – bloque l’apparition de compor-
tements d’allure dépressive en réponse à une
situation de défaite sociale, ce facteur repré-
sente donc un médiateur probablement fon-
damental de la réponse au stress. Il semble
également impliqué dans d’autres études dans
la réponse à la récompense, qu’elle soit natu-
relle (nourriture, sexe, exercice) ou liée à l’utili-
sation de drogues. Ce facteur de transcription
(1) CH Sainte-Anne, Paris.
190 D. Gourion
Personnalité et dépression :
quand et comment l’évaluer ?
State Effects of Major Depression on the Asses-
sment of Personality and Personality Disorder.
Leslie C. Morey, Am J Psychiatry 2010 ; 167 :
528-535.
CONTEXTE
On considère classiquement que la validité
du diagnostic de personnalité pathologique
n’est pas valide durant l’épisode dépressif.
L’état prédominerait d’une certaine façon sur
le trait. Le meilleur argument pour cette hypo-
thèse est représenté par le fait que certaines
études montrent que le traitement efficace de
la dépression entraîne des améliorations subs-
tantielles des traits de personnalité que la
dépression aurait rendu plus saillants. Mais on
peut également supposer que si l’antidépres-
seur agit sur l’humeur, il n’agit pas que sur elle
et peut s’avérer susceptible de modifier direc-
tement certains traits de personnalité.
MÉTHODE
Dans cette étude, les auteurs ont cherché à
savoir si la présence d’une dépression majeure
invalide le diagnostic de personnalité en majorant
temporairement certains traits. Pour cela, ils ont
évalué les modifications à long terme (6 ans) des
traits de personnalité chez plus de 500 sujets
souffrant de dépression, avec ou sans diagnos-
tic comorbide de trouble de la personnalité ainsi
que chez des patients non déprimés mais souf-
frant d’un trouble de la personnalité. Pour l’éva-
luation des troubles psychiatriques, les auteurs
ont choisi le SCID et pour celle du diagnostic de
trouble de la personnalité, un outil semi-standar-
disé (The Diagnostic Interview for DSM-IV Per-
sonality Disorders). Par ailleurs, pour l’évaluation
des traits de personnalité, ils ont utilisé le NEO-
PI-R, un modèle classique à cinq dimensions
OCEAN » pour Ouvert, Consciencieux, Extra-
verti, Agréable, Névrotique).
RÉSULTATS
Cet outil permettait d’obtenir une fidélité
interjuge correcte (kappa compris entre 0.58 et
1.0) et une bonne stabilité test-retest (kappa entre
0,69 et 0,74). La fidélité globale pour le nombre
de critères de diagnostic de trouble de la person-
nalité était de 0,95 sur le follow-up de 6 ans.
Après six ans d’évolution, la stabilité des
traits de personnalité entre les différents groupes
était similaire. Les patients souffrant d’un trouble
de la personnalité avec ou sans dépression à la
baseline diminuaient, dans la même proportion
le nombre d’items de personnalité pathologique
(fig. ci-dessous). Et la présence d’un état dépres-
sif comorbide d’un trouble de la personnalité à
la baseline n’entraînait pas, lorsqu’il avait disparu
au cours du temps, d’amélioration ou de modi-
fication sensible de la personnalité.
joue donc un rôle de chef d’orchestre au sein
du système de récompense cérébral, en ayant
la possibilité, à l’intérieur même des neurones,
d’activer ou de désactiver des gènes condui-
sant à l’induction de protéines régulant l’acti-
vité neuronale. Parmi les cibles de
Δ
FosB, se
trouvent la sous unité GluR2 des récepteurs
glutamatergiques AMPA et la protéine de
matrice extracellulaire SC1, toutes deux impli-
quées dans la résilience au stress social. Les
récepteurs glutamatergiques modulent en par-
ticulier la valence et le relief affectif attribués aux
stimuli récompensants ou aversifs.
Globalement, les auteurs font l’hypothèse que
les concentrations de
Δ
FosB dans le noyau
accumbens sont un paramètre déterminant le
niveau de motivation de l’individu à orienter son
comportement vers la recherche de stimuli
récompensants, que ce soit dans le contexte
de la dépression ou de l’addiction.
La recherche de nouvelles molécules boostant
Δ
FosB pourrait, selon les auteurs, permettre la
découverte de nouveaux agents pharmacolo-
giques du traitement de la dépression et du
PTSD. Si ces perspectives enthousiasmantes
se concrétisent, elles pourraient ouvrir la voie
vers la découverte de nouvelles cibles biologi-
ques impliquées à la fois dans la résilience au
stress, dans l’effet des antidépresseurs et dans
les troubles addictifs…
TABLEAU I. — Comparison of Symptomatic, Functional, and Personality Stability in Patients
With Personality Disorder, Major Depression, or Both at Baseline Evaluation.
Revue de presse 191
En ce qui concerne les modifications des
dimensions de personnalité, les changements
les plus importants étaient observés sur la
dimension névrotique (neuroticism) dont le
score diminuait très sensiblement dans tous
les groupes de patients. Autre argument con-
tre l’idée d’un biais de la dépression sur la per-
sonnalité, les changements dimensionnels
globaux aux cinq dimensions de personnalité
ne différaient pas entre les groupes cliniques
entre la baseline et le suivi à 6 ans.
CONCLUSIONS
Les auteurs concluent que le diagnostic
comorbide de dépression et de personnalité
pathologique durant l’épisode dépressif
n’affecte pas la validité à long terme du dia-
gnostic de personnalité pathologique. En
d’autres termes, les patients avaient tendance
à maintenir leur trouble de la personnalité en
dépit de la guérison de leur dépression.
Qu’est ce qui déprime
les internes ?
A Prospective Cohort Study Investigating Fac-
tors Associated With Depression During Medical
Internship.
Srijan Sen, Arch Gen Psychiatry. Mai 2010 ; 67 (6).
L’internat représente une période à haut
risque de dépression : les jeunes médecins
doivent notamment faire face à de nouvelles
responsabilités, à une charge de travail con-
sidérable, à la déprivation de sommeil et à la
gestion de situations extrêmes.
Alors que les études transversales mon-
trent que la prévalence de la dépression est
élevée dans cette population (7 %-49 % en
fonction des études et des outils utilisés), il
n’existe pas jusqu’à maintenant d’étude de
suivi longitudinal bien menée.
MÉTHODE
Les auteurs ont suivi une cohorte de plus
de 700 internes de différentes spécialités sur
une période de 14 mois afin d’analyser les dif-
férents facteurs de risque susceptibles d’aug-
menter le risque de dépression majeure dans
cette population. La caractérisation d’un mar-
queur génétique de vulnérabilité pour la
dépression (SLC6A4 situé dans le gène
codant le transporteur de la sérotonine) ajou-
tait une dimension biologique particulière-
ment intéressante à l’étude, s’inscrivant direc-
tement dans le contexte des nouveaux
modèles d’interaction gène x environnement
de la maladie.
RÉSULTATS
Dans cette étude, les auteurs mettaient en
évidence un taux de dépression élevé avec
25 % des internes présentant les critères de
screening d’un épisode au cours de la période
de suivi, alors que ce taux était de 4 % avant le
début de l’internat. Dans la majorité des cas, cet
épisode était d’intensité modérée.
Les facteurs de risque prédictifs en base-
line étaient multiples : sexe féminin, environ-
nement familial difficile, dimension de neuroti-
cisme élevée et antécédents personnels de
dépression. Ni la spécialité médicale choisie ni
l’âge n’étaient associés au risque de dépres-
sion. Par contre, la survenue d’erreurs médi-
cale était associée au risque de dépression ;
le caractère longitudinal de l’étude permettait
de montrer que le sens de la flèche était bidi-
rectionnel (l’état dépressif augmentait le risque
d’erreurs médicales, et à l’inverse, après ajus-
tement sur le niveau symptomatique dépressif
en baseline, la survenue d’une erreur médicale
augmentait le risque d’épisode). Par ailleurs,
la charge de travail en nombre d’heures aug-
mentait significativement le risque de dépres-
sion (mais pas l’inverse dans ce cas).
En ce qui concerne les résultats généti-
ques, les sujets porteurs d’au moins une copie
peu fonctionnelle du transporteur de la séro-
tonine avaient un risque sur-représenté de
dépression (environ 45 % d’excès de risque).
COMMENTAIRE
Cette étude aborde la question fondamentale
de l’interaction entre trait et état en psychiatrie.
En pratique, nous demeurons généralement
prudents quant à la validité du diagnostic de
personnalité pathologique, du fait de l’hétéro-
généité des évaluations entre cliniciens et de
la fragilité de la stabilité au cours du temps. À
tel point que étant donné que nous utilisons
peu l’axe II du DSM, le groupe de travail du
DSM-V propose une refonte complète et un
abord plus dimensionnel de la personnalité
normale et pathologique.
Cette étude tend donc à balayer l’idée répandue
selon laquelle on ne doit pas évaluer la personnalité
durant une dépression majeure.
TABLEAU I. — Sample Demographic
Characteristics.
TABLEAU II. — Predictors of Increased
Depressive Symptoms.
COMMENTAIRE
Le PHQ-9 utilisé dans cette étude est un simple
auto-questionnaire permettant d’obtenir un
screening et non un diagnostic avéré d’épisode
dépressif. L’évaluation des erreurs médicales
était également subjective, car faite par un
autoquestionnaire. Ceci représente un biais
supplémentaire dans la mesure où il existe un
biais de sur-remémoration des événements
liés à des émotions négatives durant la dépres-
sion. Les internes les plus déprimés sont donc
probablement ceux qui ont eu tendance à plus
rapporter des événements médicaux qui ne
représentaient pas forcément de réelles
erreurs de leur part.
TABLEAU II. — Personality Change in Patients With Comorbid Personality and Major
Depression Whose Depression Did or Did Not Remit Over 6 Yearsa.
192 P. Gorwood
(1) Hôpital Louis Mourier, Colombes.
Clinique et thérapeutique
Ph. Gorwood (1)
IMAO et TCC dans la phobie
sociale : une association gagnante
A placebo-controlled trial of phenelzine, cogni-
tive behavioral group therapy, and their combi-
nation for social anxiety disorder.
Arch Gen Psychiatry. 2010 Mar ; 67 (3) : 286-95.
Blanco C, Heimberg RG, Schneier FR, Fresco
DM, Chen H, Turk CL, Vermes D, Erwin BA, Sch-
midt AB, Juster HR, Campeas R, Liebowitz MR.
CONTEXTE
La TCC et les antidépresseurs sont les plus
efficaces des stratégies thérapeutiques dans la
phobie sociale. Néanmoins, au maximum deux-
tiers des patients sont considérés comme des
répondeurs, dont la moitié seulement finit en
rémission. De fait, une majorité de patients con-
serve des symptômes résiduels après le traite-
ment. Il existe donc encore de réels progrès à
effectuer dans le traitement de la phobie sociale.
Les quelques études d’association (en général
psychothérapies et IRS) ne montraient pas
d’intérêt majeur à associer ces approches.
MÉTHODE
L’étude proposée a de nombreux avanta-
ges. Tout d’abord, ce sont les IMAO qui sont
testés, puisque cette famille d’antidépresseurs
a donné les meilleurs résultats au niveau phar-
macologique. Ensuite, les deux approches
sont bien évaluées de manière individuelle et
parallèle, sur 12 semaines, permettant d’avoir
une vraie conclusion sur un potentiel aspect
synergique de l’association testée. Enfin, avec
plus de 160 patients inclus (venant de deux
centres universitaires, de New York et Phila-
delphie) et un bras placebo, la méthode est
prometteuse en réelle conclusion, évitant le
sempiternel « ces résultats doivent être répli-
qués sur un plus gros échantillon »… En ne
recrutant que des sujets sans autre trouble
anxieux « trop patent », et en excluant les
sujets ayant eu un épisode dépressif majeur
dans les 6 derniers mois, les auteurs essaient
de se mettre en situation d’évaluer l’effet spé-
cifique sur le trouble phobie sociale, et non les
troubles fréquemment comorbides.
RÉSULTATS
Selon la CGI, les répondeurs sont de 33 %
pour le placebo, de 47 % pour la TCC, de 53 %
pour les IMAO… et de 72 % pour l’association.
Si l’on se focalise sur la rémission selon la
CGI-amélioration (cotée 1) à 12 semaines (qui
a l’avantage d’avoir un faible effet placebo, puis-
que inférieur à 10 %…), la TCC semble apporter
bien peu d’avantages (du même registre que le
placebo), et la phénelzyne ne permet d’accéder
qu’à un bien faible taux de 20 % de rémission.
Par contre, l’association des deux permet
d’obtenir un taux de rémission autour de 50 %,
ce qui est très différent des deux techniques iso-
lées (taille d’effet, d = 0.91, donc élevée).
L’aspect bénéfique de l’association est encore
plus parlant pour la rémission selon l’hétéro-
évaluation de l’anxiété sociale de Liebowitz.
Étant donné la complexité d’un traitement
par IMAO, l’évaluation des effets indésirables
constitue une partie essentielle de cette
étude. De fait, les IMAO sont associés à des
effets indésirables bien supérieurs en fré-
quence (étourdissement, bouche sèche,
constipation…). De manière assez intrigante,
avoir les deux traitements associés était asso-
cié à plus d’insomnie et moins d’effets indé-
sirables de type constipation et anorgasmie.
CONCLUSIONS
Résultats donc très significatifs, et forte-
ment en faveur de l’association IMAO-TCC. Il
est vraisemblable qu’une telle synergie
d’action s’explique par des effets facilitateurs
d’une technique sur l’autre. Ainsi, la phé-
nelzyne pourrait réduire le niveau d’anxiété et
donc faciliter les situations d’exposition aux
situations sociales anxiogènes, ce qui va faci-
liter les chances d’effets de la TCC. Récipro-
quement, les sujets exposés à ces situations
difficiles les vivent probablement de manière
moins anxieuse et douloureuse, plus alors à
même d’analyser leurs schémas cognitifs et
d’utiliser les techniques proposées par la TCC.
Pas d’explication donnée par les auteurs
sur la particularité des effets indésirables quand
les IMAO sont associés à la TCC… On peut
envisager que certains des effets indésirables
ont été intégrés dans la prise en charge des
TCC (repérage, évaluation, attribution), ce qui
pourrait en réduire la portée.
TABLEAU I. — Significant Differences in
Adverse Effects by Treatment Group.
COMMENTAIRE
Il n’est certes pas sûr que nous devions pres-
crire des IMAO à tous nos patients souffrant de
phobie sociale, en association avec la TCC. Il
n’est par contre pas possible de ne pas tenir
compte de cette belle étude dans l’arsenal thé-
rapeutique que nous avons à disposition pour
ce type de pathologie. Lorsqu’un traitement a
été inefficace, lorsque les traitements précé-
dents ont été efficaces mais incomplètement,
enfin lorsque la rémission a toujours été incom-
plète et insatisfaisante, il est clair que cette
association fournit une possibilité bien intéres-
sante.
Revue de presse 193
Le retour des antidépresseurs
dans l’alcoolo-dépendance
A Double-Blind, Placebo-Controlled Trial Combi-
ning Sertraline and Naltrexone for Treating Co-
Occurring Depression and Alcohol Dependence.
Am J Psychiatry. 2010 Mar 15. Epub ahead of print.
Pettinati HM, Oslin DW, Kampman KM, Dundon
WD, Xie H, Gallis TL, Dackis CA, O’Brien CP.
CONTEXTE
Les antidépresseurs ont mauvaise presse
dans l’alcoolo-dépendance, pour plusieurs
bonnes raisons. Leur efficacité est non
démontrée pour aider à l’abstinence, et leur
effet direct sur la dépression semble absent
tant que le patient n’est pas sevré (le sevrage
résolvant les troubles de l’humeur dans une
très large proportion de cas). De plus leur tolé-
rance est souvent médiocre chez des patients
parfois hépatopathiques. Enfin, leur prescrip-
tion pourrait renforcer l’idée que l’alcoolo-
dépendance s’explique par la dépression (« je
bois parce que je n’ai pas le moral »), ce qui
n’est clairement pas un message que l’on
cherche à renforcer en alcoologie.
L’équipe d’O’Brian se remet néanmoins à
la tâche, cherchant cette fois, si les effets d’un
antidépresseur (Sertraline) ne pourraient pas
tout de même être utiles chez des patients
alcoolo-dépendants déprimés, mais à partir du
moment où était co-prescrit un traitement
d’aide au maintien de l’abstinence (Naltrexone).
MÉTHODE
70 sujets ont été inclus, tous souffrant
d’alcoolo-dépendance et de dépression (cri-
tère DSM et Hamilton supérieur à 10). Les
sujets ne pouvaient être abstinents au moment
de rentrer dans l’étude (consommation au
moins un jour sur deux durant les 3 derniers
mois). Seuls 12 verres par semaine étaient
requis, mais la moyenne était de 120 grammes
d’alcool par jour. Le protocole de 3 mois et
demi proposait, par groupe de 40, soit du pla-
cebo, soit de la Naltrexone (jusqu’à 100 mg),
soit de la Sertraline (jusqu’à 200 mg), soit
l’association des deux.
De manière assez étonnante, le protocole
ne s’organisait pas à partir d’un sevrage
structuré, quoiqu’il s’agissait d’un objectif ini-
tial, apparaissant dans les critères de recru-
tement des patients pour cette étude
(annonce dans les journaux).
Écrit plus discrètement dans l’article, tous
les patients ont été pris en charge par TCC
en individuel, ciblant les problèmes d’alcool
et de dépression, réduisant l’applicabilité des
résultats pour la consultation libérale étant
donné la faible disponibilité des TCC formées
à l’alcoologie.
RÉSULTATS
On peut utiliser de nombreux paramètres
pour mesurer l’effet d’une prise en charge de
l’alcoolo-dépendance. Un de ces critères est
le délai avant la première consommation avec
perte de contrôle. Pour ce paramètre, les
résultats sont particulièrement frappants puis-
que Naltrexone ou Sertraline ne sont pas plus
efficaces que le placebo pour reculer ce critère
de rechute, alors que l’association de ces
deux traitements est bien plus efficace.
Il est souvent plus difficile de montrer un
effet sur le taux d’abstinence totale, mais
après 100 jours de traitement, plus de la moi-
tié des patients traités par l’association ont
atteint cet objectif, contre 20 % pour à peu
près tous les autres groupes.
De manière particulièrement intéressante,
les différents traitements ne démontrent pas de
différence d’efficacité sur l’humeur, l’ensemble
des patients s’améliorant de manière très
importante dans les quatre groupes (dernier
schéma). L’effet serait tout de même un peu
plus important pour le groupe traité par l’asso-
ciation. Les effets indésirables sont rares (un
cas sur 4), leur fréquence étant plutôt plus faible
pour l’association Sertraline et Naltrexone.
CONCLUSIONS
Le résultat est pour le moins frappant. La
prise en charge (alcoologie, TCC et réunion de
groupe) améliore franchement les chances
d’abstinence, ce qui améliore clairement le
moral de ces sujets déprimés et dépendants
de l’alcool. Par contre, dans le cadre de cette
prise en charge déjà étayée, l’ajout isolé de
Naltrexone, jusqu’à 100 mg, ou de Sertraline,
jusqu’à 200 mg, n’augmente pas les chances
de succès. Seul un groupe allonge franche-
ment le délai d’apparition de la rechute, cons-
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