La schizophrénie de l’enfance S7
on retrouve une prédominance masculine signiÀ cative
avant 12 ans (2G/1F à 4.5G/1F). Ce sex ratio va s’équilibrer
avec le temps pour atteindre 1/1 en À n d’adolescence
[10, 16].
Aspects généraux
Comparons la schizophrénie à début très précoce (avant
12 ans) et la schizophrénie à début précoce (avant 16 ans).
La première forme débute entre 6 et 8 ans alors que la
deuxième débute à l’adolescence. Dans le premier cas,
l’apparition des symptômes est insidieuse. En revanche,
pour la forme précoce le début peut être assez brutal. Les
signes négatifs semblent prédominants dans la forme très
précoce. À l’inverse, les signes positifs prédominent dans la
forme précoce. Quant au pronostic celui-ci semble plus
réservé dans la forme très précoce [10].
Les critères diagnostiques utilisés chez l’enfant sont les
mêmes que ceux utilisés chez l’adulte. Mais le diagnostic
de schizophrénie infantile à début très précoce reste parti-
culièrement difÀ cile. En effet, l’observation du comporte-
ment du sujet est insufÀ sante pour poser un diagnostic.
L’analyse des troubles du cours de la pensée ou des élé-
ments positifs repose essentiellement sur le discours de
l’enfant ce qui peut poser quelques difÀ cultés diagnosti-
ques. Plus que tout autre trouble psychopathologique, le
diagnostic de schizophrénie doit tenir compte du contexte
culturel et religieux de l’enfant. Même si certains propos
pourront apparaître bizarres au thérapeute, ils prennent
alors peut-être tout leur sens dans le contexte culturel et
religieux du patient.
EnÀ n, la symptomatologie dépend également de l’âge,
du niveau cognitif et du niveau de langage de l’enfant. Ces
aspects développementaux plutôt négligés dans les classiÀ -
cations internationales sont pourtant importants à considé-
rer avant de poser le diagnostic chez l’enfant.
Diagnostic
Dans la schizophrénie à début très précoce, les facteurs de
risque périnataux semblent moins fréquents que pour les for-
mes plus tardives. L’étude d’Ordonez et al. [8] ne retrouve
pas plus de facteurs périnataux chez des sujets schizophrènes
que chez les sujets contrôles sauf pour les vomissements pen-
dant la grossesse qui semblent plus fréquents dans la popula-
tion clinique. Ces auteurs [8] considèrent que dans la
schizophrénie à début très précoce, les facteurs génétiques
semblent jouer un rôle encore plus important que les fac-
teurs de risque périnataux par rapport aux formes plus tardi-
ves. Cette héritabilité supérieure expliquerait la précocité et
la sévérité de ces formes très précoces.
En revanche, les troubles du développement sont plus
fréquents dans la schizophrénie à début très précoce. On
retrouve en effet, 60 % de troubles du développement dans
les formes à début très précoce, 20 % dans les formes chez
l’adolescent, et 10 % dans la schizophrénie prototypique.
Au cours de la phase prodromique, qui correspond à
l’année qui précède la phase aiguë, on retrouve divers
signes cliniques assez peu spéciÀ ques : un retrait social,
une baisse des performances scolaires, une bizarrerie de
comportement, des affects émoussés ou inappropriés, une
irritabilité, une anxiété, des pensées étranges, des trou-
bles de l’attention et une incurie [1, 6].
Généralement, les signes négatifs (émoussement affec-
tif, alogie, perte de volonté) précédent les signes positifs.
Les hallucinations apparaissent généralement après
l’âge de 8 ans, avec dans 80 à 93 % des cas une majorité
d’hallucinations auditivo-verbales. Il peut s’agir d’une voix
négative qui commande : « Tu vas aller tuer ton copain,
sinon c’est moi qui te tue » ou qui commente tous les faits
et gestes du sujet. Bien évidemment, ces hallucinations ne
sont pas critiquées et sont surtout incontrôlables, le sujet
étant dans l’impossibilité de les faire apparaître et les faire
disparaître comme il le désire. Les hallucinations visuelles
sont présentes dans 30 à 50 % des cas avec des animaux ou
des fantômes. Des hallucinations cénesthésiques sont éga-
lement décrites [16].
Les idées délirantes apparaissent après l’âge de 9 ans et
par déÀ nition sont peu partagées par l’environnement.
Elles concernent 40 à 60 % des cas, avec une perte d’iden-
tité : l’enfant se sent envahi par un esprit démoniaque, un
animal, une autre personne, ou encore un objet. Les thè-
mes les plus fréquents sont des thèmes persécutifs, reli-
gieux et somatiques.
Il convient de noter que ces idées délirantes peuvent
être discontinues dans le temps, mais également dans l’es-
pace. L’enfant peut présenter des signes positifs unique-
ment en famille et pas à l’école, ce qui peut compliquer le
diagnostic. Cette symptomatologie positive va également
varier et se complexiÀ er avec l’âge et le QI du sujet.
EnÀ n comme dans la forme de l’adulte jeune, on
retrouve dans la schizophrénie à début très précoce des
signes de désorganisation. Les troubles du cours de la pen-
sée qui débutent après 7 ans sont retrouvés dans 40 à 100 %
des cas avec un discours illogique et un relâchement des
associations. Ces symptômes sont probablement les plus
spéciÀ ques de la pathologie schizophrénique.
Comorbidité
La schizophrénie à début très précoce est rarement isolée.
Dans une étude récente [12], elle est associée au trouble
déÀ citaire de l’attention avec ou sans hyperactivité dans
84 % des cas. Les troubles du comportement à type d’oppo-
sition-provocation se retrouvent dans 43 % des cas. Les
troubles anxieux et notamment le trouble anxiété de sépa-
ration est retrouvé dans un quart des cas de schizophrénie
à début très précoce. Des troubles de l’humeur et un retard
mental sont également associés respectivement dans 20 %
et 30 % des cas. Globalement cette étude [12] retrouve une
comorbidité dans 99 % des cas. Cette comorbidité systéma-
tique soulève naturellement beaucoup d’interrogations.
S’agit-il de troubles distincts ? S’agit-il de signes prémorbi-
des de la schizophrénie ? S’agit-il de la conséquence de la
schizophrénie ? Ne doit-on pas remettre en cause le cadre
nosographique utilisé pour le diagnostic de schizophrénie
chez l’enfant ? EnÀ n, pour le traitement cette comorbidité
pose également quelques difÀ cultés. Quel trouble doit-on