
396 D. Capdevielle et al.
Ce sont ces facteurs liés aux systèmes de soin que nous
allons développer dans ce chapitre. Les facteurs liés aux
patients et aux traitements de part leur importance font
l’objet d’un autre article.
En effet, des disparités importantes existent au sein
même des pays et bien sûr entre les différents pays en
ce qui concerne le type des structures de soins existantes
que ce soit en intrahospitalier ou en extrahospitalier. Cer-
tains hôpitaux ont ainsi créé des unités de court séjour
destinées à recevoir les patients rec¸us aux urgences, ce
qui entraîne alors des différences dans les durées de séjour
par rapport à des unités ayant pour vocation d’accueillir
des patients sur un plus long terme [3]. L’organisation des
soins peut aussi être très différente entre des systèmes où
les hospitalisations sont basées sur des services d’urgence
et d’autres basées sur des hospitalisations programmées.
Il semble donc intéressant de s’intéresser à ce sujet des
durées d’hospitalisation au travers des ces différences dans
l’organisation des soins en intrahospitalier, mais aussi plus
particulièrement au travers des soins proposés au sortir
de l’hospitalisation [16]. Sytema et al. en 1996, 1999 et
2002 [33,35] ont comparé les systèmes de soins dans trois
régions de trois pays ayant développé depuis 30 ans des poli-
tiques de santé très différentes. Ces régions sont celles de
Groningen aux Pays-Bas, du sud de Vérone en Italie et de
Victoria en Australie. Les Pays-Bas ont un système de soin
orienté vers des prises en charge privilégiant des soins en
intrahospitalier avec un nombre de lits pour les soins psy-
chiatriques de 1,6 pour 1000 habitants dans la région de
Groningen (1,4/1000 en hôpital psychiatrique et 0,2/1000
en hôpital général). À l’opposé, l’Italie a connu une dimi-
nution drastique du nombre de lits avec un système de soin
tourné vers des prises en charge en extrahospitalier, dans la
communauté. La région du sud de Vérone bénéficie ainsi de
0,27 pour 1000 habitants lits pour la psychiatrie (0,07/1000
en hôpital psychiatrique et 0,2/1000 en hôpital général).
L’Australie a aussi vu une diminution importante de son
nombre de lits avec 0,27 lits pour 1000 habitants (0,16/1000
en hôpital psychiatrique et 0,11/1000 en hôpital général)
avec le développement de soins ambulatoires. Leurs résul-
tats montrent que les patients italiens et australiens ont
des durées d’hospitalisation significativement plus courtes
que les patients néerlandais. La durée d’hospitalisation dans
leurs articles est exprimée en «risque de sortie »et si celui-
ci est de 1 pour la région de Groningen, il est de 1,49 (IC 95
% : 1,41—1,57) pour celle de Victoria et de 2,18 (IC 95 % :
2,07—2,28) pour le sud de Vérone. Le nombre de jours moyen
d’hospitalisation par patient et par an est aussi significati-
vement différent entre la région de Groningen d’un coté
et celles du sud de Vérone et de Victoria de l’autre. Cette
durée est de 62 jours au Pays-Bas contre 19 jours en Aus-
tralie et six jours en Italie. En revanche, les auteurs ne
retrouvent pas de différence en ce qui concerne le risque
de réadmission entre la région de Groningen et celle du sud
de Vérone avec même un risque plus bas en ce qui concerne
la région de Victoria (0,45 ; 0,44 et 0,16 réadmissions par
patient et par an, respectivement). Mais ils retrouvent dans
chaque région qu’un plus faible taux de réadmissions est
associé à une durée plus longue de la dernière hospita-
lisation. Concernant l’utilisation des services de soins en
extrahospitalier et malgré des systèmes de soins différents,
les trois régions proposent les mêmes capacités de suivi dans
la communauté, Groningen ayant fait le choix de ne pas
diminuer le nombre de lits en intrahospitalier parallèlement
au développement des prises en charges en extrahospitalier.
Les néerlandais et les italiens ont sensiblement le même
nombre de jours en hôpital de jour par patient et par an
(15 et 17, respectivement), ainsi que des chiffres assez
proches en ce qui concerne les nombres de consultations par
patient et par an (dix et sept, respectivement). En revanche,
en Australie le nombre de jours en hôpital de jour est de trois
par patient et par an et le nombre de consultations est de
16 par patient et par an. Nous voyons donc que même si les
régions du sud de Vérone et de Victoria ont fait des choix
identiques en ce qui concerne la diminution du nombre de
lits, les politiques de santé diffèrent ensuite sur les soins
proposés en extrahospitalier.
Comme conclusion, les auteurs rapportent qu’ils
confirment grâce à ces études leur première hypothèse
qui était que la durée des hospitalisations est un facteur
dépendant des «philosophies »des politiques de santé
mises en place. En effet, un système orienté vers des prises
en charge en intrahospitalier utilisera ces lits et les durées
d’hospitalisation seront plus longues, ce que montrent
leurs résultats avec une durée d’hospitalisation supérieure
dans la région de Groningen. Leur seconde hypothèse était
que le risque de réadmission ne serait pas différent entre
les régions ce qu’ils confirment aussi partiellement en
montrant même une diminution de ce risque dans la région
de Victoria, probablement liée à la mise en place d’un suivi
intensif dans la communauté. Il apparaît donc au vu de
ces résultats que la désinstitutionalisation mise en place
avec un suivi dans la communauté intensif n’entraînerait
pas une augmentation du nombre de patients multipliant
les hospitalisations au cours d’une année. Ce problème des
patients «sortant—entrant »est souvent soulevé lorsqu’on
évoque la désinstitutionalisation, avec ses conséquences
négatives, que ce soit pour le patient ou sa famille. Il
se serait en fait surtout mis en place dans les endroits
où les systèmes de soin en extrahospitalier ont été peu
développés et avec peu de liaison entre l’intrahospitalier
et l’extrahospitalier [4]. En conclusion, il semble donc
que le risque de réadmission, qui peut être vu comme un
signe de rechute et ainsi peut être de qualité des soins,
soit relativement indépendant du système de santé mais
plus en lien avec des variables cliniques dépendantes du
patient et qu’ainsi les différents modes d’utilisation des
services de santé (hospitalisation longue, hospitalisation
brève, multiplication des hospitalisations...) résulteraient
probablement d’évolutions différentes des pathologies.
En revanche, la durée des hospitalisations apparaît plus
affectée par les caractéristiques du système de santé et
surtout les possibilités de soins en extrahospitalier. La
qualité de ce système de soin extrahospitalier semble
donc primordiale pour qu’un tel système orienté vers
les soins dans la communauté fonctionne. Le temps clé
dans ce type de prise en charge semble être le moment
immédiat après la sortie d’hospitalisation mettant en jeu la
capacité du système de soin de répondre très rapidement
à la demande et la qualité de cette réponse [33,34,35].
Ainsi Thompson et al. en 2003 se sont intéressés aux
relations entre durée d’hospitalisation, orientation vers
un soin en extrahospitalier et taux de réadmission. Dans
leur étude portant sur 1481 patients dont 61 % de patients