Tempéraments affectifs dans les troubles bipolaires et unipolaires : comparaison des profils 481
rité de type II parmi les patients ayant un TDR. Par ailleurs,
nous avons utilisé une version traduite, en cours de vali-
dation des questionnaires d’évaluation des tempéraments
affectifs, ce qui pourrait comporter certains biais inhérents
aux particularités socioculturelles de la population étudiée.
Néanmoins, les questionnaires des tempéraments affectifs
utilisés, ont montré des bonnes caractéristiques psychomé-
triques de cohérence et d’homogénéité d’items dans leur
version traduite en arabe dialectal. Nos résultats sont simi-
laires à ceux publiés dans d’autres pays [1,9,23].
En accord avec les données de la littérature
[1,4,11,18,25], les tempéraments hyperthymique et
cyclothymique étaient associés aux troubles bipolaires I
et II et le tempérament dépressif au trouble dépressif
récurrent. Chez les bipolaires I, Henry et al. [22], ont
rapporté un score moyen de tempérament hyperthymique
de 11,6 ±5,0, comparable à celui trouvé dans notre étude.
Perugi et al. [26] ont trouvé que le tempérament hyperthy-
mique était présent chez prés du tiers des patients et que
cette fréquence était peu influencée par le type du dernier
épisode thymique. Dans l’étude EPIDEP [7,18], le tempéra-
ment hyperthymique était présent chez 37 % dans le trouble
bipolaire II contre 16 % dans le trouble dépressif récurrent.
Dans la même étude, le score moyen de tempérament
cyclothymique était significativement plus élevé chez les
bipolaires II, comparés aux patients unipolaires [18].En
revanche dans notre étude, la différence au niveau du score
de tempérament cyclothymique entre les bipolaires II et
les unipolaires n’était pas significative. Cela pourrait être
expliqué par la taille réduite du groupe BIP II, l’absence de
dépistage systématique de l’hypomanie et à la passation en
hétéroévaluation du questionnaire.
Le tempérament dépressif avait une fréquence significa-
tivement plus élevée chez les unipolaires (57 %) par rapport
aux bipolaires II (39 %) [18]. Chez les bipolaires I, la fré-
quence du tempérament dépressif était de 28 à 40 % selon la
nature du dernier épisode thymique, mais cette différence
n’était pas significative [26]. Ces constatations suggèrent
que les tempéraments affectifs constituent une composante
biologique innée de la personnalité, peu influencée par
l’épisode thymique.
Par ailleurs, une corrélation négative a été trouvée, dans
notre étude, entre tempéraments hyperthymique et dépres-
sif dans les groupes BIP I et TDR. Ce résultat rejoint les
données de la littérature, soulignant le fait qu’un patient
avec tempérament hyperthymique, ne pourrait pas avoir de
traits de tempérament dépressif et l’inverse [22]. Toutefois,
cette corrélation n’était pas établie chez les bipolaires II, ce
qui est en faveur de l’intrication des différents traits tempé-
ramentaux chez ces patients. Cette donnée a été soulignée
dans l’étude EPIDEP [7,18].
Dans notre étude, une corrélation positive a été trouvée
entre tempérament irritable et l’âge du premier épisode
thymique dans les groupes BIP I et II. En revanche, chez
les bipolaires I, Henry et al. [22] n’ont pas trouvé de cor-
rélation entre tempéraments affectifs et âge du premier
épisode thymique. Chez les bipolaires II, Akiskal et al. [2],
ont montré l’existence d’une corrélation entre l’âge pré-
coce du début et le tempérament cyclothymique. En effet,
l’âge de début des symptômes thymiques, l’âge à la pre-
mière consultation et à la première hospitalisation étaient
significativement plus précoces chez les bipolaires II avec
tempérament cyclothymique. Chez les unipolaires, Cassano
et al. [11], ont trouvé un âge à la première hospitalisation
plus précoce chez les patients avec tempérament hyperthy-
mique, pouvant prédire une évolution bipolaire. Les biais
relatifs à la détermination de l’âge de début pourraient
expliquer les divergences des résultats obtenus.
Dans notre étude, le score de tempérament hyperthy-
mique était négativement corrélé au nombre d’épisodes
dépressifs dans le groupe BIP II. Un résultat comparable a
été rapporté chez des bipolaires I [22], avec une corréla-
tion négative entre tempérament hyperthymique et nombre
d’épisodes thymiques et une corrélation positive entre tem-
pérament dépressif et nombre d’épisodes dépressifs. Alors
que, le nombre d’épisodes maniaques était corrélé positive-
ment avec le tempérament hyperthymique et négativement
avec le tempérament dépressif [22], chez les bipolaires
II, le tempérament cyclothymique était corrélé au nombre
d’épisodes thymiques et surtout dépressifs [2]. Ce tempéra-
ment est rarement associé aux épisodes maniaques typiques
[19]. En effet, les tempéraments cyclothymique et dépres-
sif sont plutôt corrélés aux manies dysphoriques chez les
patients bipolaires.
Concernant la sévérité des épisodes dépressifs, certains
auteurs [20], ont montré que les patients avec tempérament
cyclothymique font plus d’épisodes dépressifs sévères, alors
que, Mendlowicz et al. [25], n’ont pas trouvé de corrélation
entre tempéraments affectifs et sévérité du dernier épisode
dépressif.
Par ailleurs, nous avons mis en évidence une association
entre les tempéraments hyperthymique et cyclothymique et
les caractéristiques psychotiques chez les BIP I et II. D’autres
auteurs [24] ont rapporté l’association du tempérament irri-
table aux caractéristiques psychotiques chez les patients
bipolaires. Dell’Osso et al. [15], ont établi une corrélation
inverse entre tempérament hyperthymique et caractéris-
tiques psychotiques non congruentes à l’humeur chez les
bipolaires I. L’association des caractéristiques psychotiques
à une dysrégulation tempéramentale complexe comportant
des traits cyclothymiques et irritables a été constatée chez
les patients bipolaires [3]. Concernant les caractéristiques
atypiques, plusieurs auteurs [2,27] ont constaté leur asso-
ciation au tempérament cyclothymique. Dans notre étude,
les tempéraments hyperthymique et cyclothymique étaient
corrélés au caractère saisonnier des épisodes chez les BIP
II. En accord avec nos résultats, Akiskal et al. [2], ont
trouvé une corrélation entre tempérament cyclothymique et
caractère saisonnier des épisodes dépressifs, ce qui renforce
l’intérêt de la saisonnalité des épisodes comme indicateur
de bipolarité.
Conclusion
Nos résultats confrontés aux données de la littérature sou-
lignent le rôle des tempéraments affectifs et en particulier
hyperthymique et cyclothymique dans le diagnostic de la
bipolarité, surtout en présence d’autres indicateurs de bipo-
larité tels que les caractéristiques psychotiques, atypiques
ou saisonnières, aboutissant à l’élargissement du spectre
bipolaire.
Par ailleurs, plusieurs arguments plaident en faveur
de l’existence des caractéristiques tempéramentales intri-