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L’Encéphale (2008) 34, 440—442
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
LETTRES À LA RÉDACTION
Insuffisance rénale chronique sous lithium
Démarche pluridisciplinaire du néphrologue,
du psychiatre et. . .du patient
La prévalence des insuffisances rénales chroniques (IRC)
liées au lithium est extrêmement faible chez les patients
traités depuis seulement quelques années, mais l’est beaucoup moins chez les patients exposés depuis près de 20 ans
[1]. C’est la raison pour laquelle un lien de causalité n’a été
définitivement établi que plus de 20 ans après la mise sur
le marché du lithium. L’avenir laisse craindre et précisera
si cet effet indésirable devient plus fréquent encore après
des expositions de plus de 30 ou 40 ans. La difficile question
du maintien ou non d’un traitement par le lithium devant
l’apparition d’une IRC pourrait donc se poser au clinicien
de plus en plus fréquemment. Elle porte un enjeu majeur
quand on sait que le lithium est le seul thymorégulateur qui
a démontré un effet favorable sur le taux de suicide dans
le trouble bipolaire [2] et que 50 % des patients rechutent
dans les cinq mois qui suivent l’interruption d’un traitement
préventif par le lithium [5]. La réponse ne peut être que pluridisciplinaire, issue d’une réflexion entre le néphrologue
et le psychiatre. Nous avons formalisé les critères décisionnels, au nombre de cinq, sur lesquels doit s’appuyer cette
réflexion :
(1)
(2)
(3)
(4)
l’imputabilité du lithium ;
la qualité de la réponse thérapeutique ;
la « virulence » du trouble bipolaire ;
le degré d’altération de la fonction rénale au moment
de sa découverte ;
(5) l’âge du patient.
Le degré d’imputabilité du lithium est évalué par le
néphrologue qui éliminera d’autres causes de néphropathies
interstitielles (données biocliniques et échographiques). La
biopsie rénale sera rarement utile et sera surtout indiquée devant un syndrome rénal atypique ou une évolution
inhabituelle. Les critères (2) et (3) s’évaluent presque
conjointement ; la répétition et l’intensité d’épisodes thymiques, mettant en jeu le pronostic fonctionnel et vital
avant la mise sous lithium, et leur absence ou quasi-absence
après pèseront en faveur du maintien de ce traitement.
Il est en revanche naturel que, chez des patients moins
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008.
sévères où pour lesquels l’apport du lithium a été moins
déterminant, une alternative par un autre thymorégulateur
soit choisie. La qualité de la réponse thérapeutique sous
lithium sera aussi évaluée comparativement à d’autres thymorégulateurs éventuellement reçus antérieurement par le
patient. Pour le critère (4), il semble qu’en cas d’arrêt du
lithium le seul facteur prédictif d’évolutivité soit le degré
d’altération de la fonction rénale. Deux études montrent
que, si elle est peu altérée, il y a un espoir de stabilité, voire d’amélioration légère. Pour une créatininémie
supérieure à 220 ␮mol/l dans une étude et pour une clairance de la créatinine inférieure à 40 ml/min dans une autre
étude, à laquelle nous avons participé, l’IRC poursuivait
son évolution malgré l’arrêt du lithium [3,4]. Qui plus est,
dans la seconde étude, la diminution de la clairance continuait au même rythme pour aboutir à une IRC terminale.
Ces données montrent que, paradoxalement, plus l’IRC est
avancée, moins il y aurait d’intérêt à arrêter le lithium.
Elles rappellent par ailleurs à quel point la surveillance
systématique de la fonction rénale est cruciale. Celle-ci
consiste en un dosage au minimum annuel de la créatininémie qui permet une estimation du débit de filtration
glomérulaire via diverses formules dont la plus communément utilisée est celle de Cockcroft et Gault. L’âge du
patient intervient aussi dans la décision car, pour un patient
encore jeune, on choisira presque toujours l’interruption du
lithium. Chez un sujet âgé, on tiendra compte de l’évolution
assez lente des IRC liées au lithium. Dans notre étude,
la clairance de la créatinine décroissait en moyenne de
2,29 ml/min chaque année. Ces données seront donc à
mettre en balance au cas par cas avec l’espérance de vie
du patient.
La décision doit être partagée au maximum avec le
patient, dûment informé des enjeux de l’arrêt comme de la
poursuite du lithium. Son opinion est d’ailleurs parfois très
affirmée et devra peser fortement dans la décision. Ainsi
certains patients nous ont confié métaphoriquement qu’ils
préféraient la mort que d’envisager un jour une dialyse,
alors que d’autres nous disent être prêts à tout pour éviter
une rechute thymique. Nous nous plaçons là délibérément
en dehors du contexte d’une rechute thymique qui pourrait partiellement altérer le jugement du patient et donc
sa pleine participation aux choix thérapeutiques. Mais si la
Lettres à la rédaction
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découverte d’une IRC se fait au moment d’une rechute, le
problème devient justement plus simple puisque la rechute
témoigne d’une inefficacité, au moins partielle, du traitement préventif par lithium et il devient donc naturel d’y
chercher une alternative pour stabiliser l’humeur.
Le psychiatre comme le néphrologue devront avoir en
tête chacun des cinq critères décisionnels susmentionnés et
les discuter. Le poids relatif de chacun des critères étant très
variable d’un patient à l’autre, la décision finale, comme
c’est souvent le cas pour une démarche pluridisciplinaire,
ne peut pas se traduire dans un algorithme, ni s’y réduire.
Références
[1] Bendz H, Aurell M, Balldin J, et al. Kidney damage in longterm lithium patients: a cross-sectional study of patients
with 15 years or more on lithium. Nephrol Dial Transplant
1994;9:1250—4.
[2] Kessing LV, Sondergard L, Kvist K, et al. Suicide risk in patients
treated with lithium. Arch Gen Psychiatry 2005;62:860—6.
[3] Markowitz GS, Radhakrishnan J, Kambham N, et al. Lithium
nephrotoxicity: a progressive combined glomerular and tubulointerstitial nephropathy. J Am Soc Nephro 2000;11:1439—48.
[4] Presne C, Fakhouri F, Noel LH, et al. Lithium-induced nephropathy: Rate of progression and prognostic factors. Kidney Int
2003;64:585—92.
[5] Suppes T, Baldessarini RJ, Faedda GL, et al. Risk of recurrence
following discontinuation of lithium treatment in bipolar disorder. Arch Gen Psychiatry 1991;48:1082—8.
C. Even a,∗
J.-P. Grunfeld b
a
Clinique des maladies mentales et de l’encéphale,
centre hospitalier Sainte-Anne, 100, rue de la Santé,
75674 Paris cedex 14, France
b
Service de néphrologie, hôpital Necker,
université Paris-5 René-Descartes, 75015 Paris, France
∗
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (C. Even).
Disponible sur Internet le 19 novembre 2007
doi:10.1016/j.encep.2007.08.002
Relation entre la représentation parentale des
régimes alimentaires restrictifs et le suivi de
régime par l’adolescent
Introduction
Les dernières années ont vu la multiplication des programmes de prévention des troubles du comportement
alimentaire (TCA) [6—10] dont la fréquence est inquiétante
chez l’adolescent [1]. La plupart de ces programmes pour
adolescents ont lieu en milieu scolaire [4,11,12]. Malgré les
efforts, leur efficacité reste limitée [3,7]. Les programmes
de prévention se focalisent sur les adolescents de façon isolée, mais les TCA apparaissent souvent dans un contexte
familial en combinaison avec des facteurs socioculturels et
biologiques spécifiques [2,5]. À ce jour, aucune étude à notre
connaissance ne s’est penchée sur les attitudes parentales
envers l’hygiène alimentaire des adolescents.
Méthode
L’enquête a été réalisée en mai 2007 auprès d’un échantillon de 87 sujets dont 19 masculins, pères d’adolescents
et 68 féminins, mères d’adolescents. Les participants ont
été recrutés parmi les parents d’élève dans un collège et
un lycée privé de Toulouse (âge moyen des adolescents :
14,2 ± 2,1 ; 47 filles et 30 garçons). Cet échantillon ne
présente pas de garantie de représentativité de la population générale des parents d’adolescents français. Les
participants ont rempli un bref questionnaire explorant les
attitudes envers les pratiques alimentaires des adolescents.
Résultats
Soixante-treize parents ont rapporté que leurs enfants ont
un poids normal en fonction de leur taille et de leur âge
(85 %) contre 13 parents rapportant un poids anormal (15 %).
Seuls 11 parents rapportaient que leurs enfants avaient déjà
fait un régime dans leur vie (13 %). Une régression logistique
a été effectuée afin de prédire un antécédent de régime
chez l’adolescent (x2 (1) = 6,01 ; p < 0,05). Répondre non à
l’item : « Un régime alimentaire peut induire un trouble
du comportement alimentaire » est apparu comme le seul
prédicateur significatif (OI = 2,42 {1,13—5,2} ; p = 0,02). Un
antécédent de régime parental, l’implication des enfants
dans le régime parental, ainsi que la présence d’un individu dans l’entourage proche ayant souffert d’un trouble du
comportement alimentaire n’étaient pas des prédicateurs
significatifs.
Discussion
Dans cette étude, si les parents pensent que les régimes
sont un facteur de risque des TCA, l’adolescent apparaît protégé contre le recours à un régime amaigrissant. Ce résultat
vient souligner la nécessité de développer des interventions
préventives ciblant tant les adolescents que leurs parents,
afin de préciser les risques des régimes restrictifs parfois
encouragés par la famille.
Références
[1] Callahan S, Rousseau A, Knotter A, et al. Les troubles alimentaires : présentation d’un outil de diagnostic et résultats d’une
étude épidémiologique chez les adolescents. L’Encéphale
2003;29:239—47.
[2] Chabrol H. Anorexie et boulimie de l’adolescence. In: Psychopathologie de l’adolescent. Paris: Belin; 2004.
[3] Ghaderi A, Martensson M, Schwan H. Everybody’s different: a
primary prevention program among fifth grade school children.
Int J Eat Disord 2005;13:245—59.
[4] Huon GF, Braganza C, Brown BL, et al. Reflections on prevention
in dieting induced disorders. Int J Eat Disord 1998;23:455—8.
[5] Jeammet P. Les troubles alimentaires : facteurs de risque
et modalités de prévention. In: Tychey CD, editor. Peuton prévenir la psychopathologie ? L’Harmattan: Paris; 2001.
p. 223—8.
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