L’Encéphale (2008) 34, 337—342
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
NOSOLOGIE
Particularisme clinique du trouble bipolaire :
la manie unipolaire
À propos d’une étude de patients en Tunisie
Clinical particularism of bipolar disorder:
Unipolar mania
About a patients’ study in Tunisia
O. Dakhlaoui, I. Essafi, F. Haffani
Service de psychiatrie «E», hôpital Razi, rue des Orangers, 2010 La Manouba, Tunis, Tunisie
Rec¸u le 4 juillet 2006 ; accepté le 15 juin 2007
Disponible sur Internet le 26 octobre 2007
MOTS CLÉS
Manie unipolaire ;
Trouble bipolaire ;
Psychose
maniacodépressive ;
Saisonnalité ;
Manie monopolaire
Résumé La manie unipolaire est une réalité clinique dans notre pratique quotidienne, voire
une forme prédominante d’expression de la bipolarité.
Nous nous sommes interrogés quant à sa place nosographique. Notre étude rétrospective a
porté sur des patients bipolaires de type I (DSM-IV) hospitalisés la première fois entre 1997
et 2001, suivis pendant au moins cinq ans. Parmi eux, nous avons individualisé le groupe des
patients ayant présenté au moins deux épisodes maniaques en l’absence d’épisode dépressif,
nommé «manies unipolaires ». Nous avons comparé ce groupe au reste de l’échantillon.
Les manies unipolaires représentaient 65,3 % de l’échantillon. Les deux groupes étaient
comparables au niveau des paramètres sociodémographiques. La consommation de toxiques
était deux fois plus importante chez les maniaques bipolaires. L’âge de début était plus
précoce chez les unipolaires. Une différence significative entre les deux groupes est retrouvée
quant à la saison du premier épisode, «été—automne »dans le groupe 1, «hiver—printemps »
dans le groupe 2. Quant aux variables évolutives, nous n’avons pas objectivé de divergence
au sein de l’échantillon entre les deux groupes. À la lumière de cette étude et après revue de
la littérature, bien qu’elle apparaisse comme une variante clinique du trouble bipolaire, se
distinguant par certaines caractéristiques, la manie unipolaire n’en demeure pas moins une
entité contestée car reposant sur des données méthodologiquement insatisfaisantes.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (O. Dakhlaoui).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008.
doi:10.1016/j.encep.2007.06.008
338 O. Dakhlaoui et al.
KEYWORDS
Unipolar mania;
Bipolar disorder;
Manic depressive
psychosis;
Seasonality;
Monopolar mania
Summary
Introduction. — Although present classifications (CIM, DSM) have not included the notion of a
unipolar disorder to characterise the recurrence of the same type of episode, this concept
conserves its pertinence for many people. Unipolar mania, in particular, is a clinical reality in
our daily practice, and a predominant form of bipolarity expression. These assertions have led
us to question this notion and its nosographical place: is it a subtype, distinguished by certain
characteristics, or a particular category in the bipolar disorder?
Methodology. — We conducted a retrospective, descriptive and comparative study on medical
briefs of patients with type I bipolar disorder (DSM-IV criteria), who were interned for the first
time between 1997 and 2001 in the Psychiatry ‘‘E’’ service of the Razi hospital of Tunis, and were
followed up for at least five years. Two groups were identified: Group 1 or ‘‘unipolar mania’’:
patients who presented at least two manic episodes without depression, and Group 2: the rest
of the sample; and then were compared based on their sociodemographical profile, familial
psychiatric antecedents, premorbid temperament, comorbidity and clinical and progressive
characteristics.
Results. — Seventy-two patients were included. The average age was 36. The sex ratio was
three men to two women. The first episode was a manic episode in 56.9% of the cases. The
average duration of illness progression was 11.6 years. Unipolar mania represented 65.3% of the
sample. Between 1997 and 2001, 92% of bipolar patients interned were hospitalised for mania.
Concerning recurrences, we observed nine times as many cases of manic episodes as depression.
Depressive episodes of light to medium intensity had probably not been well assessed due to
the families’ tolerance. The high rates of both manic episodes and unipolar mania observed in
this study were also found by other authors, showing the differences of bipolarity expression
between the West and the other parts of the world, and in particular Africa. There was no
significant difference concerning the sociodemographical features. We noticed similar results
in the literature. The two groups were comparable in familial psychiatric past history and
premorbid temperament. Substance abuse or dependence was observed in 5.6% of the patients.
This rate was less than others found in the literature, due to the fact that it is considered
as an offence in our country. We found twice as many cases of toxic consumption in bipolar
as in unipolar manic patients. A recent Tunisian study has shown the absence of substance
abuse in unipolar manic patients. This is probably because of the fact that substance abuse
is more related to depressive manifestations. The sample starting age was 24.6 years and was
significantly more precocious in the unipolar manic group (27.6 years versus 23 years, p= 0.001).
A significant difference in both groups was found concerning the first episode season: two
extremities were observed: ‘‘summer—autumn’’ in Group 1 (63.6% G1 versus 29.4% G2) and
‘‘winter—spring’’ in Group 2 (73.6% G2 versus 36.4% G1), p= 0.03. The seasonal influence on
mood disorders is dealt with by other authors. Unipolar manic patients presented less affective
recurrences than the rest of the group (0.37 versus 0.49 on average per year), p= 0.056.
Conclusion. — Unipolar mania is still considered as a clinical variety of bipolar disorder, which
is distinguished by certain features. It is a debated notion because it is based on retrospective
studies that may be insufficient, although it appears as a clinical evidence and a predominant
progressive variety of bipolar disorder in Tunisia.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Introduction
Au sein du groupe des psychoses affectives introduites par
Kraepelin, deux formes ont été individualisées notamment
par (Léonhard, Angst, Perris...) : les formes bipolaires et
les formes monopolaires. Les premières caractérisées par
la récurrence d’épisodes dépressifs et maniaques chez le
même individu, les secondes par la récurrence d’épisodes
dépressifs psychotiques ou beaucoup plus exceptionnelle-
ment de manies, sans accès de forme opposée [7].
Bien que Léonhard ait initialement inclus les manies
pures dans un groupe autonome (celui des manies mono-
polaires), de nombreuses études sont venues indiquer qu’il
s’agit d’une pathologie indifférenciable des autres troubles
bipolaires, tant du point de vue familial, que clinique, évo-
lutif ou thérapeutique [7].
Bien que les classifications actuelles (CIM, DSM) n’aient
pas retenu la notion de trouble unipolaire pour caracté-
riser la récurrence du même type d’épisode, cette entité
conserve sa pertinence pour beaucoup [11].
Autant, pour certains auteurs, l’existence de patients
maniaques ne présentant aucun épisode dépressif est une
éventualité rare (9 % des troubles bipolaires de la série de
Léonhard, moins de 5 % dans les autres études classiques)
[7], autant pour d’autres et selon trois grandes études nord-
américaines, les manies unipolaires représenteraient entre
20 et 27 % des troubles bipolaires [2,6].
Dans notre pratique quotidienne, la manie unipolaire est
non seulement une réalité clinique, mais une forme pré-
dominante d’expression de la bipolarité. Ces constatations
nous ont amenés à nous interroger sur cette entité et sa
place nosographique : s’agit-il d’un sous-type se distinguant
Particularisme clinique du trouble bipolaire : la manie unipolaire 339
par certaines caractéristiques ou d’une catégorie à part dans
le trouble bipolaire ?
Nous nous proposons dans ce travail d’apporter quelques
éclaircissements sur cette question en évaluant une popu-
lation hospitalière de patients en Tunisie.
Méthodologie
Nous avons mené un travail rétrospectif, descriptif dans
lequel nous avons étudié les dossiers médicaux de tous les
patients bipolaires type I (selon les critères du DSM-IV) qui
ont été hospitalisés la première fois entre 1997 et 2001 dans
le service de psychiatrie «E»de l’hôpital Razi de Tunis et
suivis pendant au moins cinq ans.
Au sein de cet échantillon, nous avons individualisé le
groupe des patients ayant présenté au moins deux épi-
sodes maniaques en l’absence d’épisode dépressif, nommé
«manies unipolaires »ou groupe 1 (G1). Le reste de
l’échantillon est représenté par le groupe 2 (G2).
Les données recueillies ont concerné le profil sociodé-
mographique (âge, sexe, statut marital, origine, profes-
sion, niveau économique), les antécédents psychiatriques
familiaux (antécédent de trouble de l’humeur, autre
antécédent), le tempérament prémorbide (tempérament
hyperthymique, cyclothymique, irritable), la présence de
comorbidité toxique, les caractéristiques cliniques (âge de
début, durée moyenne et sévérité des épisodes, saisonna-
lité) et évolutives (moyenne des récurrences thymiques,
période totale de la maladie, caractère saisonnier (plus de
50 % des accès thymiques sont survenus à la même saison),
qualité des intervalles).
Nous avons comparé ces deux groupes selon ces divers
paramètres.
Étude statistique
La saisie et l’analyse des données ont été effectuées en
utilisant les logiciels Microsoft Excel et SPSS 10.0. Le test
du khi-carré a été utilisé pour déterminer les corrélations
statistiques significatives. L’intervalle de confiance accepté
était de 95 % et le seuil de significativité retenu était de p
inférieur à 0,05.
Résultats
Description de l’échantillon
Soixante-douze patients ont été inclus dont l’âge moyen
était de 36 ans. On comptait trois hommes pour deux
femmes.
On notait que 65,3 % (n= 47) des patients étaient céli-
bataires, 61 % (n= 44) d’origine rurale, la moitié travaillait
(n= 37).
Le premier épisode était un épisode maniaque dans
56,9 % (n= 41) des cas. La durée moyenne de l’évolution de
la maladie était de 11,6 ans.
Les manies unipolaires représentaient 65,3 % (n= 47) de
l’échantillon, soit près des deux tiers.
Au cours de la période allant de 1997 à 2001, parmi
tous les patients bipolaires hospitalisés, 92 % l’ont été pour
manie, 7 % pour dépression.
Figure 1 Répartition selon la saison du premier épisode.
Concernant les récurrences thymiques, nous avons
observé en moyenne au cours de l’évolution de nos patients,
3,64 épisodes maniaques contre 0,44 épisodes dépressifs,
soit neuf fois plus d’épisodes maniaques.
Étude comparative
Les deux groupes étaient comparables au niveau des
caractéristiques sociodémographiques,des antécédents
familiaux psychiatriques recueillis par l’anamnèse (antécé-
dents de trouble de l’humeur 10,6 % G1 versus 4% G2, p= 0,5)
et du tempérament prémorbide évalué de fac¸on subjec-
tive à partir de l’examen psychiatrique et l’interrogatoire
(tempérament hyperthymique 31,9 % G1 versus 32 % G2,
p= 0,97).
Un abus ou une dépendance à une substance a été noté
chez 5,6 % (n= 4) des patients. Les maniaques bipolaires
consommaient deux fois plus de toxiques que les unipolaires.
(voir Tableau 1).
Concernant les variables cliniques,lâge de début dans
l’échantillon était de 24,6 ans, les maniaques bipolaires
développaient leur maladie plus tardivement que les uni-
polaires (27,6 ans versus 23 ans, p= 0,001).
La durée moyenne des épisodes maniaques était de 44
jours, 90 % des épisodes étaient d’intensité sévère, la moitié
environ s’accompagnant de symptômes psychotiques.
Les deux groupes étaient comparables au niveau de ces
deux paramètres (voir Tableau 1).
Par ailleurs, concernant la saisonnalité, une différence
significative entre les deux groupes est retrouvée quant à la
saison du premier épisode. Deux pics ont été constatés :
«Été—automne »dans le groupe 1, «hiver—printemps »
dans le groupe 2 (voir Fig. 1).
Nous avons constaté que près d’un tiers des admissions
pour accès maniaques entre 1997 et 2001 a eu lieu en été,
près d’un quart en automne (début automne pour 79 %),
près d’un quart au printemps (fin printemps pour 89 %) et
le cinquième en hiver (Fig. 1).
Quant aux variables évolutives, nous n’avons pas objec-
tivé de différence significative se rapportant à la moyenne
des récurrences thymiques par an, à la période totale de la
maladie et à la qualité des intervalles.
Le caractère saisonnier retrouvé dans près d’un quart de
l’échantillon (n= 17) était comparable dans les deux groupes
(voir Tableau 1).
340 O. Dakhlaoui et al.
Tableau 1 Paramètres sociodémographiques, cliniques et évolutifs.
Groupe 1
(47 patients)
Groupe 2
(25 patients)
Échantillon
(72 patients)
p
Âge moyen (ans) 34,6 39,2 36,2 0,07
Sexe (%)
Hommes 59,58 (n= 28) 56 (n= 14) 58,33 (n= 42) 0,7
Femmes 40,42 (n= 19) 44 (n= 11) 41,67 (n= 30)
Statut marital (%)
Célibataire 68,1 (n= 32) 60 (n= 15) 65,3 (n= 47) 0,5
Marié 25,5 (n= 12) 36 (n= 9) 29,2 (n= 21)
Veuf 2,1 (n= 1) 0 1,4 (n=1)
Divorcé 4,3 (n=2) 4(n= 1) 4,2 (n=3)
Origine (%)
Urbaine 40,4 (n= 19) 36 (n= 9) 38,9 (n= 28) 0,71
Rurale 59,6 (n= 28) 64 (n= 16) 61,1 (n= 44)
Situation professionnelle (%)
Avec profession 55,3 (n= 26) 44 (n= 11) 51,4 (n= 37) 0,45
Sans profession 44,7 (n= 21) 56 (n= 14) 48,6 (n= 35)
Niveau socioéconomique (%)
Haut 0 8 (n= 2) 2,8 (n= 2) 0,63
Moyen 70,2 (n= 33) 48 (n= 12) 62,5 (n= 45)
Bas 29,8 (n = 14) 44 (n= 11) 34,7 (n= 25)
Abus/dépendance à une substance (%) 4,3 (n=2) 8(n= 2) 5,6 (n= 4) 0,45
Âge de début (ans) 23,09 27,6 24,6 0,01
Durée moyenne des épisodes maniaques en jours 44,79 42,72 44,08 0,7
Sévérité des épisodes (%)
Légers 0 0 0
Moyens 10,5 8 9,1 0,4
Sévères sans CP 51,3 51 51,4 0,9
Sévères avec CP 38,2 41 39,5 0,7
Moyenne des récurrences thymiques par an 0,37 0,49 0,42 0,056
Période totale de la maladie en mois 5,47 5,75 5,56 0,8
Caractère saisonnier (%) 25,5 (n= 12) 20 (n= 5) 23,6 (n= 17) 0,06
Qualité des intervalles (%)
Rémission totale 58,1 39,1 51,8 0,1
Rémission partielle 40,4 60,8 47,3 0,09
Absence de rémission 1,4 0 0,9 0,4
Discussion
Profil sociodémographique
Une étude menée aux îles Fidji par Aghanwa en 2001
comparant le profil sociodémographique des maniaques uni-
et bipolaires n’a pas montré de différence dans les deux
groupes [1]. Cela conforte nos résultats.
La prédominance masculine retrouvée dans l’échantillon
est en rapport avec le recrutement du service et celui de
l’hôpital psychiatrique en général. Il s’agit d’une population
hospitalière qui compte une fois et demi à deux fois plus
d’hommes que de femmes. Selon certaines études, cette
prédominance masculine frapperait plus fréquemment les
manies unipolaires [2,4,6,10]. Cela abonderait dans le sens
de notre étude, malgré la non-significativité de cette dif-
férence. En revanche, une étude précédente tunisienne ne
relève pas de différence de sex-ratio entre les deux groupes
[3]. Par ailleurs, l’échantillon est représenté par une majo-
rité de célibataires, ce qui est classiquement retrouvé dans
la littérature du fait du caractère invalidant et chronique
de cette pathologie [11]. L’origine rurale largement répan-
due chez nos patients est liée également au recrutement de
l’hôpital.
Tempérament hyperthymique
Un tempérament hyperthymique prémorbide est plus fré-
quemment retrouvé chez les maniaques unipolaires [4],
donnée non partagée par notre étude.
Co-occurence trouble bipolaire—conduite addictive
Bien que peu d’études aient porté sur ce sujet, l’association
d’abus de substance au trouble bipolaire est très fréquente
Particularisme clinique du trouble bipolaire : la manie unipolaire 341
atteignant même les 60 % pour certains [5,12], taux lar-
gement supérieur à celui retrouvé dans notre étude. En
effet, du fait de son caractère illicite, la consommation
de toxiques est souvent non rapportée, voire niée par les
patients et, de ce fait, sous-diagnostiquée dans notre pays.
Nous avons noté plus de consommation chez les
maniaques bipolaires. Douki dans son étude rapporte
l’absence d’abus de substance chez les maniaques unipo-
laires [4] : l’abus de substance serait lié aux manifestations
dépressives [12].
Aspects cliniques
Prévalence de la manie, taux de manies unipolaires
L’incidence élevée de manies ainsi que le taux important de
manies unipolaires constatés dans ce travail ont été rappor-
tés dans certaines études.
En effet, de nombreux auteurs ont mis l’accent sur
les différences quant à l’expression de la bipolarité entre
l’occident, d’une part, et le reste du monde, d’autre
part [3]. Cela suggère l’existence de facteurs susceptibles
d’affecter la traduction de la maladie.
Dans notre pays, les épisodes dépressifs d’intensité
légère à modérée sont probablement sous-évalués du fait de
la grande tolérance à ces symptômes dans les familles [3].
Les habitudes nutritionnelles des pays méditerranéens
(riches en oméga-3 et en nutriments dopaminergiques), la
photopériode ainsi que la saisonnalité ont également une
influence non négligeable [3].
Taux de manie unipolaire. Une étude récente faite aux îles
Fidji mentionne un taux de 47 % chez les patients atteints
de trouble bipolaire [1]. Lee, à Hong Kong, observe une
prévalence élevée de manies récurrentes et la rareté des
dépressions unipolaires (in [3]).
Une étude prospective tunisienne menée sur 129 patients
bipolaires suivis en moyenne depuis 17 ans retrouve 35,6 %
de manies unipolaires [3,4].
À l’opposé, les études européennes trouvent une inci-
dence plus faible de ces formes évolutives, entre 12 et 25 %.
Une méta-analyse menée par Yazici et al. en 2002 rapporte
16 % de manies unipolaires [3,13].
Prévalence de la manie. Une forte prévalence des épisodes
maniaques est rapportée dans les pays du Sud : Douki et al.
signalent en moyenne, au cours de l’évolution d’un trouble
bipolaire, 4,9 épisodes maniaques et 1,7 épisodes dépres-
sifs. Ils ajoutent que sur 106 patients bipolaires hospitalisés
en Tunisie entre juin 2003 et mai 2004, 96 % l’ont été pour
manie et 5 % pour dépression [3]. Ces résultats confortent
ceux de notre étude.
En dehors de l’occident, la manie est plus fréquente que
la dépression et souvent sous forme de manies récurrentes
pures [3].
En revanche, dans les études occidentales, la dépression
est plus fréquente que la manie. Elle est le mode d’entrée
le plus fréquent dans le trouble (plus de 50 % des cas) [8].
Nous avons retrouvé, à l’opposé, 60 % d’épisodes
maniaques inauguraux.
Carrothers, dans une étude sénégalaise entre 1939 et
1948 rapportait un taux d’épisodes dépressifs dix fois plus
important chez les Européens que chez les Africains (in [3]).
Âge de début
L’âge de début était significativement plus précoce chez les
unipolaires. En effet, de nombreuses études ont souligné des
particularités cliniques du trouble bipolaire dans les pays du
Sud notamment un âge de début précoce [3]. De même,
la fréquence de caractéristiques psychotiques lors des épi-
sodes maniaques a été relevée. Nous avons évalué à 40 %
la fréquence des symptômes psychotiques lors des récur-
rences maniaques, résultat proche de celui de Douki et al.
(45 %) [3]. Les unipolaires présenteraient plus fréquemment
des caractéristiques psychotiques [4], ce que nous n’avons
pas objectivé.
Saisonnalité. Douki a relevé, parmi les particularités de la
manie unipolaire, un début automnal [4] ; dans notre étude,
en ce qui concerne la saison du premier épisode, un pic
«été—automne »a été constaté pour les manies unipolaires
versus «hiver—printemps »pour le reste de l’échantillon.
L’influence de la saisonnalité sur les troubles affectifs
semble être en rapport avec les facteurs climatiques et les
conditions d’ensoleillement [3].
Carney en 1988 a noté une corrélation entre, d’une part,
le nombre des admissions pour accès maniaque et, d’autre
part, la durée d’ensoleillement et la longueur des jours avec
un pic en été au moment du jour le plus long, suggérant une
réactivité particulière de certains patients à la lumière [11].
D’autres études sur la manie rapportent un pic de fré-
quence en été [3].
Dans le même sens, Douki en Tunisie a essayé de cor-
réler les admissions pour épisodes maniaques entre 1994 et
1997 avec l’évolution de la photopériode à la même époque :
le nombre de manies augmente avec l’allongement de la
photopériode.
Dans la même optique, nous avons constaté un maximum
d’admission pour accès maniaque entre 1997 et 2001 en
été, début d’automne et fin de printemps, moments où les
journées sont les plus longues.
Aspects évolutifs
Dans notre étude, le caractère saisonnier était indifférem-
ment retrouvé dans les deux groupes et évalué à 23,6 %,
résultat proche de celui rapporté par Schaffer et al. en 2003
qui estimaient à 22,6 % la prévalence du trouble bipolaire
saisonnier au sein des bipolaires [9].
Par ailleurs, la moyenne des récurrences thymiques, la
durée moyenne des épisodes ainsi que la durée totale de
la maladie étaient comparables dans les deux groupes.
Aghanwa a mentionné les mêmes résultats dans son
travail [1].
Quant à la qualité des intervalles, les deux groupes
étaient comparables avec un taux de rémission totale entre
les épisodes de 52 %. Goldberg estime à 40 % les sujets bipo-
laires suivis ayant eu une évolution favorable avec reprise
d’une activité professionnelle au cours des quatre à cinq ans
suivant une hospitalisation (in [2]).
Limites de l’étude
Notre travail présente cependant des biais méthodologiques
inhérents à son caractère rétrospectif, nous limitant à une
étude de suivi à partir de dossiers médicaux où, d’une
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