J. BiotS168
d’un résultat. Dans le domaine de la psychiatrie, la notion
de résultat est beaucoup plus subtile et complexe. Il fau-
drait pouvoir bien défi nir quels sont les résultats sur les-
quels on travaille et ce dont on cherche à mesurer le coût.
Est-ce le coût d’une rémission, le coût d’un sevrage, le
coût d’une rechute évitée ?
En termes de données brutes,
que représente le coût de la santé mentale ?
L’OPEPS (offi ce parlementaire d’évaluation des politiques
de santé) a consacré un très important rapport en 2006 aux
médicaments psychotropes. Mais malgré un travail considé-
rable, ce qu’ils ont trouvé sur le coût de la santé mentale
se rapporte essentiellement à des données de 1998, de
source CREDES.
Les troubles mentaux apparaissent en troisième posi-
tion (après l’appareil circulatoire et l’appareil digestif)
avec dix milliards d’euros de dépenses et représentent 10 %
de la dépense totale de santé, mais 15 % de l’hospitalisa-
tion, et seulement 5 % du médicament. Malgré les années
de sectorisation, la psychiatrie est encore une discipline à
forte prépondérance hospitalière en ce qui concerne son
poids économique.
Des données un peu plus récentes apparaissent dans
une étude de la CNAM en 2002 sur l’ensemble des Affections
Longue Durée. Le coût des ALD psychiatriques arrive là
encore en troisième position. Pour les ALD-psy, on retrouve
10 milliards d’euros de remboursement, tous régimes
confondus. Les patients les plus lourds (5 % seulement du
total des patients) représentent une part très importante
(42 %) de l’ensemble du remboursement et le rembourse-
ment annuel moyen par personne est de 9 000 euros.
Pour comparaison pour les ALD, il existe trois grandes
tranches : la première est celle des maladies très coûteu-
ses, avec des maladies comme l’hémophilie, la mucovisci-
dose, l’insuffi sance rénale, qui coûtent aux alentours de
20 000 euros par an et par patient. Ensuite vient une tran-
che aux alentours de 10 000 euros par patient, dans laquelle
se trouvent les affections psychiatriques. Enfi n la tranche
des maladies très peu coûteuses par patient et pour la col-
lectivité.
Le patient qui est en ALD psychiatrique est massivement
hospitalisé. L’essentiel du coût est imputable à l’hospitali-
sation (le médicament représentant seulement 10 %).
Mises en perspective
Compte tenu de la part importante de l’hospitalisation
dans la dépense totale, le discours culpabilisant sur le
médicament générateur de dépense est vraiment éton-
nant.
Le rapport de l’OPEPS, tout en faisant ce constat (sur
l’hospitalisation), reste dans un discours politique extrê-
mement hostile à l’égard du médicament psychotrope, en
continuant à le stigmatiser, invoquant un problème de sur-
consommation médicamenteuse et un prix trop élevé.
Quand on regarde les faits, on s’aperçoit qu’en matière
de dépense de médicaments, la sphère psychiatrique n’est
vraiment pas le plus mauvais élève en termes de progres-
sion. La classe N06 (psychoanaleptiques) représente en
effet 4,8 % de la dépense, mais elle a peu augmenté depuis
1992. La N05 (psycholeptiques), qui représente 3,4 %, a plu-
tôt diminué depuis la même date et d’autres classes ont en
revanche beaucoup augmenté. En termes d’évolution des
ventes en offi cine dans le système nerveux central, la seule
catégorie ayant beaucoup progressé est celle des médica-
ments de sevrage tabagique. Mais pour le reste, les antipsy-
chotiques et les antidépresseurs (en tenant pourtant compte
de l’arrivée des ISRS et des antipsychotiques atypiques,
stigmatisés par le rapport de l’OPEPS comme un générateur
de dépenses) n’ont pas subi d’évolution à la hausse, en par-
ticulier si on compare avec d’autres classes (interféron dans
la sclérose en plaques et hépatite, antiviraux anti-VIH, anti-
protéase, vaccins de nouvelle génération…). De plus, la
« généricisation » est en marche.
Les médicaments psychotropes se situent au second
rang derrière les antalgiques concernant le nombre d’uni-
tés prescrites. Le montant remboursé par la Sécurité sociale
en 2003 et 2004 pour les médicaments psychotropes peut
être estimé à un milliard d’euros (en 1980, ce montant
équivalait à 317 millions d’euros).
En 1980, les anxiolytiques et les hypnotiques représen-
taient près de 60 % du chiffre d’affaire des psychotropes,
contre 25 % pour les antidépresseurs. En 2001, la situation
s’est inversée puisque 50 % des ventes de psychotropes
enregistrées sont représentées par les antidépresseurs.
Cette augmentation a porté sur les volumes, et surtout sur
les coûts.
Les ventes en valeur concernant les antidépresseurs ont
progressé annuellement de 9 % en moyenne entre 1993 et
2003. Les antidépresseurs représentaient en 2000 la qua-
trième classe sur le marché pharmaceutique français, avec
3,5 % du chiffre d’affaires, faisant ainsi partie des quatre
classes ayant le plus fort poids dans les ventes de médica-
ments.
• Un quart des dépenses des médicaments du système ner-
veux central était imputable aux antidépresseurs en 2002,
deux antidépresseurs ISRS faisant partie des 20 premiers
produits présentés au remboursement.
• Une enquête de la CANAM montre que la présence d’un
médicament de la classe des antidépresseurs multiplie par
trois le coût d’une ordonnance.
Une autre approche du coût de la santé mentale peut
être recherchée dans les annonces relatives au Plan
Psychiatrie et Santé Mentale. Malheureusement, il n’existe
pas de référentiel de départ. Il s’agit de 210 mesures sur 5
axes, qui sont toutes chiffrées, mais dont on ne sait pas à
quoi elles s’ajoutent, ce qui rend la mesure du coût diffi -
cile.
La tarifi cation à l’activité
Dans son « apologue du platane », Claude Riveline (profes-
seur d’économie de l’école des Mines de Paris) soulignait
que « les platanes ne sont jamais menacés lors des votes
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