A. Consoli, D. CohenS104
vant être à l’origine d’errances sur le plan diagnostique et
par conséquent également sur le plan thérapeutique. Ces
épisodes thymiques sont, à l’adolescence, plus fréquem-
ment accompagnés de symptômes psychotiques comparati-
vement à ce qui est observé chez l’adulte. Une
symptomatologie psychotique est présente dans 30 à 70 %
des cas selon les études [9]. Toute la symptomatologie psy-
chotique est retrouvée, y compris les symptômes dits « de
premier rang » de Schneider. Par conséquent, le diagnostic
différentiel entre un épisode maniaque ou mixte et un épi-
sode délirant aigu témoin d’un trouble schizophrénique
demeure délicat à cet âge. Plusieurs études mettent en
évidence la fréquence des erreurs diagnostiques lors de
l’évaluation initiale. Ces erreurs diagnostiques sont consta-
tées dans environ 50 % des cas [9]. La tonalité euphorique
classique se manifeste souvent de façon plus modérée, ou
bien se trouve être remplacée par une irritabilité ou une
agressivité voire de la violence [40]. Par ailleurs, les épiso-
des aigus thymiques sont fréquemment caractérisés par
une humeur de nature mixte ou par un rythme évolutif
constitué de cycles rapides (plus de 4/an). Des conduites
de transgression ou de défi font parfois partie intégrante du
tableau clinique, avec la présence au premier plan de trou-
bles des conduites. On retrouve également une fréquence
élevée de pathologies comorbides.
Concernant le devenir, les études naturalistes longitudi-
nales existantes montrent une guérison dans 40 à 100 % des
cas sur une période de 1 à 2 ans, avec des rechutes dans 60
à 70 % des cas l’année suivante [41]. Pendant la durée du
suivi, des symptômes thymiques francs ou subsyndromiques
sont observés dans 60 à 70 % du temps [4, 5, 22]. Un suivi
sur 4 ans met en évidence un virage de l’humeur 1,1 fois
par an. Cependant, les résultats des études prospectives
sont très divergents selon les études.
Une étude prospective sur une période de 5 ans éva-
luant 54 adolescents présentant des troubles bipolaires de
type I ne retrouve que 4 % des adolescents sans guérison
clinique à 5 ans [46]. Une autre étude prospective trouve
même un taux de guérison de 100 % à 4 ans de suivi d’une
cohorte de 25 adolescents présentant un trouble bipolaire
de type I, même si le taux de rechutes est élevé les trois
premières années de suivi [27]. Une autre étude met en
évidence une diminution signifi cative d’actes délictueux
chez des jeunes patients délinquants présentant des trou-
bles bipolaires traités versus non traités [16].
En revanche, d’autres études suggèrent que l’évolution
des troubles bipolaires de l’adolescent serait plus péjora-
tive. Une étude prospective sur 2 ans montre plus de rechu-
tes et des durées d’hospitalisations majorées après un
premier épisode maniaque si le début des troubles est pré-
coce versus un début tardif des troubles [11].
Deux études soulignent la stabilité diagnostique d’une
forme précoce sévère avec caractère péjoratif du devenir
à 6, 12 et 24 mois (résistance au traitement, formes mix-
tes, cycles rapides, risque suicidaire élevé, fréquence des
comorbidités…) [19, 20].
Une étude prospective très récente explore le suivi de
263 enfants et adolescents (âge moyen de 13 ans) présen-
tant des troubles bipolaires de type I, II et NOS [4]. Elle
retrouve environ 70 % de guérison, 50 % de sujets présen-
tant un épisode récurrent (notamment dépressif). Des
symptômes thymiques ou subsyndromiques sont également
retrouvés dans 60 % du temps de la durée du suivi.
Concernant les facteurs pouvant être corrélés au pro-
nostic, les données issues de la littérature sont limitées.
Les éléments de moins bon pronostic seraient : humeur
mixte, troubles comorbides, cycles rapides, durée de l’épi-
sode, début précoce, signes psychotiques, faible niveau
socio-économique et confl its familiaux [4, 41]. De même,
une attitude maternelle « peu chaleureuse » serait un fac-
teur de rechutes plus rapides d’épisodes maniaques. La
présence d’éléments psychotiques entraînerait des durées
des épisodes maniaques plus longues.
Le risque évolutif majeur est celui de passages à l’acte
suicidaires : ceux-ci sont plus fréquents chez les adolescents
bipolaires versus des adolescents présentant d’autres troubles
psychiatriques ou pas de troubles psychiatriques [6, 35].
Quant aux événements de vie, l’expérience clinique
nous montre le poids des facteurs environnementaux sur le
profi l évolutif de la maladie, quelle que soit la vulnérabilité
biologique des troubles bipolaires. Des études montrent
chez des patients adultes bipolaires une incidence élevée
de perte précoce [45] ou de maltraitance dans l’enfance
[34]. D’autres auteurs soulignent également que des anté-
cédents de maltraitance ou d’abus sexuels péjorent le pro-
nostic à long terme (passages à l’acte suicidaires, abus de
substance, cycles rapides) [18, 33, 34]. Une étude rétros-
pective explorant l’impact des événements de vie chez des
adolescents présentant des troubles bipolaires de type I
comparés à des adolescents hyperactifs ou témoins appa-
riés montre une fréquence signifi cativement supérieure
d’événements de vie [48].
Concernant les troubles comorbides, leur association
fréquente au trouble bipolaire de l’adolescent est une don-
née consensuelle de la littérature. Les plus fréquemment
rapportés sont : le trouble défi cit de l’attention avec hype-
ractivité (TDAH), les troubles anxieux, les troubles des
conduites et les abus de substances. Les résultats restent
cependant variables selon les études, voire même objets
de controverses concernant le TDAH, car bien souvent le
critère obligatoire de début des troubles avant sept ans
n’est pas pris en compte. Quant à la comorbidité avec
l’abus de substances, dès 1975, Horowitz souligne l’impor-
tance de l’abus de toxiques associé au trouble bipolaire à
l’adolescence, tout en précisant qu’il pouvait en constituer
un diagnostic différentiel [25, 26]. Selon l’enquête descrip-
tive déjà citée, l’abus de toxiques serait plus fréquent dans
le trouble bipolaire débutant avant 20 ans versus après
20 ans (56 % vs 34 %) et aurait un impact négatif sur le
fonctionnement psychosocial et la qualité de vie [36]. Les
résultats des études restent divergents quant à l’impact sur
la réponse thérapeutique et le pronostic.
Résultats préliminaires d’une étude
de devenir française
Une étude naturaliste du devenir psychiatrique et psycho-
social du trouble bipolaire de type I sévère débutant à
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