L’Encéphale, 2006 ; 32 : 767-74, cahier 1 Traitement pharmacologique des dépressions bipolaires
769
Inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO)
Himmelhoch et al. ont mené une étude en double insu
avec la tranylcypromine en monothérapie chez 59 cas de
dépression anergique dont 29 étaient bipolaires (38). Ils ont
trouvé une supériorité de l’antidépresseur comparé au pla-
cebo à l’aide de la Clinical Global Impression (CGI) et n’ont
observé aucun virage maniaque. Deux études ont montré
la supériorité de la tranylcypromine sur l’imipramine dans les
dépressions bipolaires marquées par l’anergie (39, 76). Plus
récemment, une étude multicentrique en double insu, com-
parant l’efficacité du moclobémide et de l’imipramine sur les
symptômes dépressifs évalués par l’Hamilton Depression
Rating Scale (HDRS) et la Montgomery-Asberg Depression
Rating Scale (MADRS), a conclu à une absence de diffé-
rence entre ces deux traitements (70). Il n’a pas non plus
été noté de différence dans la survenue d’épisodes d’exci-
tation entre les deux groupes. Une différence d’efficacité
pourrait toutefois exister entre IMAO sélectifs et IMAO non
sélectifs en faveur de ces derniers, comme en témoigne une
méta-analyse de Lofuto-Neto et al. (48).
Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine
(ISRS)
Cinq essais thérapeutiques ont été publiés sur l’action
des ISRS dans la dépression bipolaire. De Wilde et al.
ont comparé l’efficacité de la fluvoxamine et de la clomi-
pramine chez 9 sujets présentant un trouble bipolaire de
type I ou II (21). Après 4 semaines, les auteurs ont
observé 1 répondeur sur 5 dans le groupe clomipramine
contre 3 répondeurs sur 4 dans le groupe fluvoxamine
(diminution d’au moins 50 % du score initial à l’HDRS).
Aucun virage de l’humeur n’a été rapporté quel que soit
le traitement. Kupfer et al. ont étudié l’efficacité du cita-
lopram en adjonction à un traitement thymorégulateur
s’étant avéré préalablement insuffisant sur une popula-
tion de 45 sujets déprimés atteints d’un trouble bipolaire
de type I ou II (47). Sur les 33 patients arrivés au terme
des 8 semaines du protocole, 21 (64 %) ont été jugés
répondeurs (score à l’HDRS
≤ 7). Parmi les sujets sortis
d’étude, 2 patients ont présenté un virage de l’humeur,
2 ont présenté une aggravation de leur symptomatologie
dépressive nécessitant l’emploi d’autres thérapeutiques
antidépressives, 5 étaient non compliants au traitement
et 3 ne répondaient en fait pas aux critères d’inclusion.
Cohn et al. ont comparé fluoxétine, imipramine et pla-
cebo en double insu chez 89 patients présentant une
dépression bipolaire sous thymorégulateurs (19). Ils ont
conclu à la supériorité de la fluoxétine sur l’imipramine
et sur le placebo (taux de répondeurs respectifs de 86 %,
57 % et 38 %). Le nombre de virages de l’humeur était
moins important dans le groupe fluoxétine par rapport au
groupe imipramine mais aucune définition formelle des
virages maniaques ou hypomaniaques n’était proposée,
de sorte que ce dernier résultat est peu interprétable.
L’efficacité de la fluoxétine a également été étudiée chez
les sujets souffrant de trouble bipolaire de type II. Simp-
son et al. ont ainsi traité 16 patients par fluoxétine en
monothérapie (72). Tous avaient préalablement résisté
à plusieurs traitements (imipraminiques, IMAO, lithium).
Une amélioration franche de l’humeur a été notée pour
10 patients. Deux sujets ont présenté des symptômes
hypomaniaques régressifs après diminution du traite-
ment. Une étude en double insu a comparé l’adjonction
d’un deuxième thymorégulateur versus l’adjonction de
paroxétine chez 27 patients souffrant d’une dépression
bipolaire recevant préalablement soit du lithium, soit du
divalproate de sodium (85). Après 6 semaines, les
auteurs ont trouvé des taux de répondeurs similaires
dans les deux groupes, avec un plus grand nombre de
sorties d’étude pour effets secondaires dans le groupe
recevant deux thymorégulateurs. Ils n’ont pas trouvé de
différences significatives en termes de symptômes
maniaques évalués par la Young Mania Rating Scale
(YMRS). Enfin, une autre étude en double insu, compa-
rant paroxétine et imipramine et placebo sur 117 patients
présentant une dépression bipolaire suivis en ambula-
toire traités par lithium, suggère une supériorité de la
paroxétine et de l’imipramine sur le placebo pour les
patients présentant une lithiémie inférieure à 0,8 mEq/l.
Aucune différence entre les trois groupes n’a été retrou-
vée chez les patients avec une lithiémie supérieure à 0,8
mEq/l (55). En outre, quelle que soit la lithiémie, paroxé-
tine et imipramine apparaissent comparables dans le
traitement de la dépression bipolaire. Durant cette étude,
aucun patient du groupe paroxétine n’a présenté de
virage de l’humeur contre 3 patients dans le groupe imi-
pramine et un seul dans le groupe placebo.
Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine
et de la noradrénaline (ISRSNa)
Une étude portant sur 15 patientes présentant un trouble
bipolaire de type II et 17 un trouble unipolaire, traitées par
venlafaxine en monothérapie, a trouvé une efficacité com-
parable dans les deux groupes avec des taux de répon-
deurs (diminution de 50 % du score à l’HDRS) respectifs
de 63 et 60 % (4). Par ailleurs, il n’a été noté aucun virage
maniaque durant les six semaines de l’étude alors
qu’aucune des patientes ne recevait de thymorégulateur.
Des résultats similaires enregistrés par la même équipe ont
amené les auteurs à proposer la venlafaxine en monothé-
rapie des dépressions bipolaires de type II (3). Il est toute-
fois difficile d’extrapoler cette recommandation aux patients
souffrant de trouble bipolaire de type I. À cet égard, on peut
plus généralement regretter l’absence d’essais thérapeuti-
ques comparant directement des patients déprimés bipo-
laires de type I et de type II. Par ailleurs, des cas de virages
maniaques induits par la venlafaxine ont été rapportés
depuis (34, 68, 73). Un autre essai thérapeutique rando-
misé en simple insu avec la venlafaxine dans la dépression
bipolaire a été publié par Vieta et al. (80). Soixante patients
atteints de dépression bipolaire sous thymorégulateurs ont
été répartis en deux groupes, l’un recevant de la venla-
faxine, l’autre de la paroxétine. Les analyses en intention
de traiter réalisées après six semaines, ont montré une effi-
cacité comparable des deux produits (48 % et 43 % de