L’Encéphale, 2006 ;
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558-60, cahier 3 Dépressions de la femme : du rapport de l’OMS … au contexte français
S 559
– La violence contre les femmes atteint des niveaux
élevés, notamment en matière de violences conjugales.
Cette violence, physique, sexuelle et psychologique,
est corrélée aux taux élevés de dépression : ils sont 3
à 4 fois supérieurs parmi celles qui subissent des vio-
lences comparativement à celles qui n’y sont pas expo-
sées. Elle est souvent répétitive et s’accroît dans le
temps.
À la suite d’un viol, c’est quasiment 1 femme sur 3 qui
développe un stress post-traumatique, contre 1 sur 20, en
l’absence de viol.
Les spécialistes de l’OMS demandent aux Gouverne-
ments une meilleure prise en charge des spécificités fémi-
nines en matière de santé mentale. Que ce soit dans le
traitement curatif de la dépression, mais également dans
la réduction des niveaux d’exposition aux risques.
Cela passe par exemple par l’introduction dans les
réformes économiques d’une approche équitable hom-
mes/femmes ou encore par la réduction drastique des vio-
lences faites aux femmes, qui constituent de véritables
atteintes aux droits de l’homme.
Dans tous les cas, cela passe, selon l’OMS, par le déve-
loppement de politiques nationales liées à la santé men-
tale qui soient fondées sur une analyse explicite des dis-
parités sexuées en termes de risques et de résultats.
Notre pays, en termes de chiffres, s’inscrit pleinement
dans le constat d’alerte de l’OMS. Ainsi, la prévalence sur
la vie entière des troubles dépressifs est évaluée en
France, selon les chiffres avancés par le ministère de la
Santé (3) à environ 10 % de la population.
À ces chiffres déjà élevés s’ajoutent les 500 000 per-
sonnes qui souffrent d’un trouble bipolaire (3)
.
Les trou-
bles dépressifs entraînent une importante mortalité : ils
sont responsables d’une grande partie des 10 000 décès
annuels par suicide (chiffre probablement sous estimé) et
des 160 000 tentatives de suicide observées chaque
année (3).
Ils sont également à l’origine de handicaps et d’incapa-
cités lourds, entraînant une détérioration de la qualité de
vie du sujet atteint, mais aussi de ses proches. Enfin, pour
en finir avec ces quelques chiffres, seulement 25 à 50 %
des personnes souffrant de troubles auraient recours au
système de santé (3).
A. Le Plan de santé mentale 2005-2008
, présenté le
4 février dernier par le ministre de la Santé fait le double
constat suivant :
– la réponse publique n’est pas adaptée en France et
– l’offre de soins psychiatriques est inégale sur
l’ensemble du territoire et souffre de cloisonnement.
Il prévoit donc un renforcement des moyens matériels
et humains, mais aussi le développement de l’accompa-
gnement médico-social.
Il comprend également un programme spécifique qui
concerne l’amélioration de la prise en charge de la dépres-
sion et la lutte contre le suicide.
1. Dans le cadre de cette lutte contre la dépression, il
s’agit essentiellement de développer des actions de
prévention, de mieux repérer la dépression grave et
d’améliorer sa prise en charge. Il s’agit également de
développer
la recherche
sur les déterminants de la
dépression ainsi que sur les pratiques de soins, avec deux
actions principales :
– La réalisation d’une campagne média grand public,
par l’INPES (Institut de Prévention et d’Éducation à la
Santé), pour expliquer aux Français la différence qui
existe entre « la déprime » et la dépression et en souli-
gnant que les antidépresseurs ne sont pas forcément une
bonne réponse à la tristesse ;
– Une aide accrue aux professionnels de santé en leur
diffusant des guides au diagnostic des troubles dépressifs
et des recommandations quant aux conduites à tenir.
2. Concernant le suicide, les efforts entrepris
entre 2000 et 2005 sont poursuivis, notamment à desti-
nation des jeunes : il s’agit d’améliorer le dépistage de la
dépression dans les établissements scolaires. La santé
scolaire jouera donc un rôle clé dans ce dispositif. Le per-
sonnel infirmier en milieu scolaire en particulier, sera
formé à l’écoute des jeunes, pour lesquels il constitue déjà
un référent naturel – notamment pour l’accès à la pilule
du lendemain pour les filles.
B.
Sur la question primordiale des
violences faites
aux femmes
, la France emboîte le pas de l’OMS.
Le rapport « Violence et santé »
(rapport Dr TURSZ),
remis le 18 octobre dernier au ministre de la Santé, con-
firme, à l’échelon français, les constatations de l’organi-
sation internationale.
Les effets péjoratifs sur la santé des femmes victimes
concernent non seulement le court mais également le long
terme, même longtemps après que les violences ont
cessé. La violence subie de façon chronique est cause de
peur, d’angoisse, d’un sentiment de honte et de culpabi-
lité, qui tend à isoler la victime.
L’impact des violences physiques ou sexuelles sur la
santé psychique des femmes a été mesuré
(dans le cadre
de l’enquête ENVEFF : Enquête Nationale sur les Violen-
ces Envers les Femmes en France) :
– 17 % des femmes ayant subi un épisode violent et
25 % de celles qui ont subi plusieurs épisodes violents ont
un niveau de stress post-traumatique élevé. Ce taux est
de 5 % chez les femmes qui n’ont pas connu ce type d’évé-
nement.
– Le taux de suicide semble aussi très lié à la survenue
de violences. De 0,2 % chez les femmes qui n’ont pas
déclaré de violences, le taux passe à 3 % pour les femmes
ayant déclaré un épisode violent et à 5 % pour les femmes
qui en ont déclaré plusieurs.
– Le niveau de consommation médicale est également
différent. Les femmes victimes de violence consomment
plus souvent et régulièrement des médicaments
psychotropes : 30 % lorsqu’elles déclarent plusieurs épi-
sodes violents, 20 % lorsqu’elles en déclarent un et 10 %
lorsqu’elles n’en déclarent pas.
– Enfin, la probabilité d’avoir été hospitalisée est signi-
ficativement plus élevée lorsque les femmes ont subi des
agressions.