L’Encéphale, 2006 ;
32 :
18-20, cahier 2 Aspects évolutifs des troubles bipolaires
S 19
L’INTÉRÊT DU SPECTRE BIPOLAIRE
POUR LE CLINICIEN
La description de différentes formes de bipolarité per-
met d’attirer l’attention du médecin et de son patient sur
tous les aspects de la pathologie, même les plus subtils.
D’un point de vue psychologique, si la bipolarité est la
capacité à réagir de façon « positive » à un désordre sous
jacent, une autre modalité relationnelle est introduite dans
la prise en charge du patient. L’état positif aboutit à l’hos-
pitalisation dans le cas de la bipolarité de type I et non dans
le cas du type II.
Dans le trouble bipolaire de type III, l’état positif n’est
observé qu’après traitement par thymoanaleptiques. Il
n’existe pas d’études longitudinales sur la stabilité de cette
forme. En revanche, certains « faux unipolaires » se révè-
lent être bipolaires sous traitement. Par comparaison,
aucune étude ne s’est intéressée à la « bipolarisation »
des sujets bipolaires de type I en type II. Il est nécessaire
de faire progresser la connaissance sur le nombre de
sujets bipolaires de type II ou III aujourd’hui étant à risque
de devenir des bipolaires de type I demain.
La notion de spectre bipolaire illustre bien la continuité
pouvant exister entre les différents types ainsi que la varia-
bilité de la pathologie selon les individus.
Devant un état dépressif, aucun symptôme n’est patho-
gnomonique d’un sous-type bipolaire.
IMPLICATIONS THÉRAPEUTIQUES
DE LA BIPOLARITÉ
En cas d’hypomanie ou de manie, il faut instaurer une
thymorégulation, en associant ou non un traitement neu-
roleptique selon la présence d’éléments psychotiques.
En cas de dépression, il faut consolider la thymorégu-
lation déjà mise en place ; puis dans un second temps met-
tre en place des antidépresseurs selon le profil de la
dépression (intensité, risque suicidaire).
Le taux de virage maniaque ou d’induction de cycles
rapides sous antidépresseurs, même en l’absence de thy-
morégulation, est d’environ 3 % (7).
LE TROUBLE BIPOLAIRE JUVÉNILE
Généralités
L’étude STEP-BD (11) aux États-Unis a pour but d’exa-
miner les modalités évolutives cliniques et thérapeutiques
de 5 000 sujets bipolaires. Parmi les 1 000 premiers
patients, l’entrée dans la maladie se situe avant l’âge de
13 ans dans 27,7 % des cas et entre 13 et 18 ans pour
37,6 % des cas. Plus l’âge de début est précoce, plus il
existe des facteurs de gravité (risques de suicide, comor-
bidités anxieuses, abus de substances).
La clinique du trouble bipolaire juvénile diffère peu de
celle de l’adulte. Pourtant, l’identification diagnostique du
trouble reste difficile, entraînant un retard du diagnostic
d’environ 10 ans.
Manie et hypomanie
Il faut s’intéresser aux antécédents familiaux dans les
troubles du comportement de l’enfant, car il existe une
forte vulnérabilité génétique dans la pathologie bipolaire.
Les réponses aux thérapeutiques classiques de thymo-
régulation sont généralement satisfaisantes.
Dans l’étude de Jairam
et al.
25 enfants de 9 à 16 ans
présentant un épisode maniaque ont été traités par thy-
morégulateur associé à un neuroleptique si besoin. Le
taux de rémission est de 100 % en 45 jours en moyenne.
Mais le potentiel de récidive est important : 64 % de réci-
dives à 18 mois dont 72 % malgré une thymorégulation
adéquate (9).
Dépression
Le trouble bipolaire se présente aussi par son versant
dépressif. Dans ce cas, il y a un risque de méconnaître la
bipolarité ainsi qu’un risque de survenue d’effets indési-
rables induits par le traitement antidépresseur (passages
à l’acte auto- ou hétéro-agressifs, virage maniaque).
TABLEAU I. —
Les formes de bipolarité.
Type I État positif aboutit à l’hôpital
Type II État positif n’aboutit pas à l’hôpital
(subjectivité/dépendance au contexte de la
frontière I/II)
Type III État positif n’a (pour le moment) pas été
constaté qu’après thymo-analeptique
Type IV État positif n’a pas (encore) été constaté chez
le sujet mais dans sa famille
TABLEAU II. —
Implications thérapeutiques.
En cas de manie/hypomanie – thymorégulation +
neuroleptiques (manie)
– thymorégulation + régulation
hypnique (hypomanie)
En cas de dépression chez
un bipolaire – verrouiller une thymorégulation
– secondairement,
antidépresseurs selon le profil
de la dépression (intensité,
risque suicidaire),
– certaines études ne montrent
pas tant de virages maniaques
ou d’induction de cycles
rapides (méta analyse, 7)
même en l’absence de
thymorégulation