Psychothérapies
Psychothérapies : les patients
reprennent le contrôle
(Gabbard GO, advances in 3)
Les intervenants de cette session se sont
succédé pour présenter quelques-unes des
avancées récentes réalisées aux États-Unis
en matière de psychothérapie, notam-
ment pour la prise en charge des patients
victimes de stress post-traumatique, des
patients confrontés à des addictions et des
patients suicidaires.
Pour les victimes de syndrome de stress
post-traumatique (PTSD), David Spiegel,
de l’université de Stanford (Californie), a
proposé une nouvelle approche, consis-
tant à apprendre aux patients à recon-
naître eux-mêmes leurs symptômes, à les
stabiliser, en leur enseignant parfois même
l’autohypnose. Il s’agit par là d’accroître
le sentiment d’autocontrôle des patients.
Charles O’Brien, spécialiste des addic-
tions à l’université de Pennsylvanie, a
souligné de manière convaincante que
les démarches associant une approche
psychologique à une approche pharmaco-
logique peuvent garantir de meilleurs
succès. Aux États-Unis, de nombreuses
institutions privilégient l’une ou l’autre
de ces approches, mais rares sont celles
qui combinent les 2.
La présentation de Barbara Stanley, du
New York State Psychiatric Institute,
concernant la prise en charge des patients
suicidaires, fut très originale. B. Stanley a
montré l’intérêt de soigner ces patients au
sein de programmes de soins structurés,
ce qui n’est pas une pratique courante en
France. Dans son approche, le thérapeute
met en place, avec les patients, un plan
d’“intervention de sécurité”, par lequel les
patients apprennent à diagnostiquer eux-
mêmes une crise, à gérer leur mal-être et
leur anxiété, avant même de s’adresser au
système de soin. Ce dispositif permet de
rassurer les patients, lors de la survenue
de pensées suicidaires.
Enfin, Glen Gabbard, professeur au collège
de médecine Baylor (Texas), a abordé l’une
des controverses souvent présentes dans le
domaine de la psychothérapie : celle ayant
trait à la contribution relative de l’interpré-
tation du transfert et de l’alliance théra-
peutique dans le processus d’évolution des
patients. Selon G. Gabbard, le thérapeute
doit en priorité être empathique, créer
un environnement de soutien pour ses
patients, avant de se focaliser sur l’inter-
prétation. G. Gabbard a ainsi présenté des
exemples de cas dans lesquels les interpré-
tations avaient été réalisées de manière
trop précoce, alors que le patient ne se
sentait pas encore en sécurité.
L. Schmitt
Psychothérapies
et psychanalyse à la lumière
des neurosciences
(Oldham JM, advances in 4)
Après un bref récapitulatif des travaux, en
cours, de révision du DSM en vue de la
publication de la 5
e
version, 2 présenta-
tions ont particulièrement retenu l’atten-
tion de l’auditoire lors de cette session.
Toutes 2 portaient sur l’apport éventuel
des neuro sciences dans le domaine de la
psychothérapie. On peut noter qu’il s’agit
d’un lien qui n’est généralement pas fait,
peu d’auteurs s’intéressant à cette ques-
tion, que ce soit aux États-Unis ou en
France.
Lors de son intervention, le Dr Antonia
New, de l’école de médecine du Mont-
Sinaï, à New York, a suggéré que la
personnalité borderline, trouble que
l’on envisage généralement sous l’angle
de phénomènes purement psychiques,
comporterait également des modifica-
tions neuro-anatomiques, observées grâce
à des IRM cérébrales ou des PET scans.
D’une part, ces patients présentent des
anomalies fonctionnelles, par exemple
une absence de modulation entre 2struc-
tures cérébrales : le cortex orbitofrontal
et l’amygdale. D’autre part, il apparaît
des modifications structurales de la subs-
tance blanche dès l’adolescence chez ces
patients, notamment une désorganisation
au niveau du faisceau longitudinal infé-
rieur qui relie l’amygdale à l’hippocampe.
On observe des retards de maturation ou
des anomalies d’orientation des fibres qui
le constituent. Les atteintes ne sont donc
pas uniquement psychiques, mais aussi
organiques. Ces corrélations nouvelles
inaugureront peut-être des pistes théra-
peutiques originales.
Ce fut ensuite au tour du psychanalyste
Glen Gabbard, du collège de médecine
Baylor (Texas), d’illustrer de quelle manière
la psychothérapie peut être éclairée par
la neurobiologie. Il a pris pour exemple
les patients borderline, dont les difficultés
vis-à-vis de certaines fonctions sociales
seraient liées à un déficit en opioïdes
endogènes. Ila rappelé que le bon déve-
loppement du système opioïde dépend
de la qualité de l’attachement maternel
et du processus éducatif. S’ilya eu des
manques durant l’enfance, ces patients
auront un déficit en opiacés, un mauvais
rapport avec autrui et une hypersensibilité
à la douleur. Une preuve en est que les
patients borderline sous opiacés se sentent
“juste bien”, et non euphoriques.
Enfin, G. Gabbard a rappelé que, lors du
processus analytique, le psychanalyste aide
le patient à mettre en mots ses émotions.
Ce faisant, il permet au système préfrontal
du patient d’acquérir une capacité à freiner
ou à moduler l’action de l’amygdale. Le
DrGabbard suggère donc qu’un psychana-
lyste ne devrait pas ignorer certains aspects
des neurosciences, qui peuvent l’orienter
dans le choix du type d’aide à apporter.
L’intégration des neurosciences et de la
psychothérapie constitue une ouverture
conceptuelle et devrait faciliter le travail
en commun, par séquences ou de façon
combinée, des psychothérapeutes et des
thérapeutes biologiques.
L. Schmitt
4 | La Lettre du Psychiatre • Supplément 2 au no 4 - vol. VII - juillet-août 2011
Honolulu, Hawaï, 14-18 mai 2011
D’après le congrès de l’APA
American Psychiatric Association
L. Schmitt
Toulouse