INFECTIONS NEUROMENINGEES Dr Kaoutar JIDAR Service de Maladies infectieuses Hôpital Bichat Décembre 2010 INTRODUCTION Les infections neuro-méningées regroupent l’ensemble des processus infectieux qui touchent: Les méninges: ce sont les méningites L’encéphale: ce sont les encéphalites et les abcès cérébraux Elles peuvent être dues à des bactéries (méningocoque), des virus (herpes), des champignons(cryptocoque) ou des parasites (toxoplasmose) LES MENINGITES RAPPEL ANATOMIQUE Les méninges sont constituées de 3 feuillets qui recouvrent le cerveau: La dure-mère est la plus externe: épaisse et résistante, elle adhère à l’os et émet des expansions qui divisent le cerveau (la faux du cerveau et la tente du cervelet). Elle est vascularisée par les artères méningées. L’arachnoïde: assez fine, elle émet des travées, vers la piemère, qui cloisonnent l'espace sous- arachnoïdien où circule le liquide céphalorachidien (LCR). Elle n’est pas vascularisée et est nourrie par le LCR. La pie-mère est la plus interne, elle est fine et épouse le SNC, s’enfonce dans les sillons. Elle n’est pas vascularisée et est nourrie par le LCR. ANATOMIE DES MENINGES PHYSIOPATHOLOGIE La méningite correspond à l’atteinte du LCR par un agent pathogène Il existe 3 mécanismes: Par passage dans le sang de l’agent infectieux qui ensuite contamine les méninges. C’est le plus fréquent. Ex: la méningite à méningocoque. Infection par contiguïté, à partir d’un foyer ORL. Ex: méningite à pneumocoque compliquant une otite Par inoculation: après un traumatisme ou une chirurgie. CLINIQUE Syndrome méningé: CEPHALEES violentes, diffuses, en casque + PHOTOPHOBIE, associée parfois à la phonophobie + VOMISSEMENTS Fièvre Raideur de nuque Purpura. Il est un signe de gravité. DIAGNOSTIC Il est confirmé par la PONCTION LOMBAIRE qui est urgente! Technique de la ponction lombaire Il faut être au moins deux, l’aide maintenant le patient dans la bonne position Asepsie : le matériel doit être parfaitement stérile: on utilise en général des aiguilles spéciales, à biseau court et à mandrin. lavage des mains à l'eau et au savon en se brossant les ongles, désinfection avec une SHA puis gants stériles. Badigeonnage de la peau du malade à la povidone iodée autour du point de ponction, afin d'éviter tout risque d'infection due à la PL. Position : le patient doit présenter un dos le plus rond possible afin que l'on n'ait aucune peine à passer l'aiguille entre deux épineuses. Il est installé : soit assis, courbé en avant (en s'enroulant par exemple autour d'un oreiller comme sur la figure), les jambes pendantes, soit couché sur le côté, cuisses bien fléchies sur l'abdomen et tête fléchie. L’aide maintient fermement le patient dans la position afin d'éviter toute blessure intempestive due à un mouvement de recul. Repères : l'espace inter-épineux L4-L5 se repère en traçant une ligne horizontale entre les deux crêtes iliaques. Technique de la ponction lombaire Recueil du LCR : il se fait dans des tubes stériles: ≥ 3 tubes, environ dix gouttes par tube pour analyse: cytologique (compte et identification des cellules) biochimique (protides et glucose) bactériologique parfois: virologie, parasitologie, antigènes solubles… Le prélèvement fait, le malade doit ensuite rester couché à plat pendant plusieurs heures (≥ 4h). Il est impératif de prélever en même temps une glycémie veineuse++ Position du patient Matériel Champ stérile Gants stériles Compresses stériles Bétadine Aiguilles à mandrin Tube de recueil stérile Pointe mousse Composition du LCR Normal < 10 éléments Protéinorachie <0.4g/l Glycorachie ≥ 50% glycémie Analyse bactériologique Examen direct: coloration de gram oriente vers le germe responsable Antigènes solubles Culture: identification du germe et antibiogramme Analyse virologique PCR virales Culture Formes cliniques Méningites purulentes = le LCR ressemble à du pus: très nombreux éléments, >50% PNN, protéinorachie>1g/l, hypoglycorachie liées aux bactéries: méningocoque, pneumocoque, hæmophilus… Le début est brutal, le syndrome méningé franc Sepsis sévère fréquemment associé Mortalité élevée (10 à 30% selon le germe en cause) Urgence thérapeutique Méningites à liquide clair = prédominance de lymphocytes Hypoglycorachiques: liées à la tuberculose, à listéria (liquide plus fréquemment panaché), aux champignons (cryptocoque). Virus rares. Protéinorachie en règle élevée >1g/l Normoglycorachiques: liées aux virus (HSV, VZV, entérovirus…). Rarement bactériennes (leptospirose, maladie de Lyme) Protéinorachie <1g/l. Autres examens Hémocultures NFS, TP, TCA à la recherche d’une hyperleucocytose, de troubles de l’hémostase primaire ou secondaire avant de réaliser la PL Ionogramme avec glycémie pour pouvoir interpréter l’analyse du LCR Imagerie (scanner ou IRM): non indispensable, elle est réalisée s’il existe des signes neurologiques en foyer à la recherche d’une contre-indication à la ponction lombaire TRAITEMENT C’est une URGENCE Il fait appel aux ANTIBIOTIQUES actifs sur le germe suspecté, par voie INTRAVEINEUSE, à FORTE DOSE afin d’assurer une bonne pénétration dans le LCR Les corticoïdes sont associés dans certains cas: pneumocoque, hæmophilus chez l’enfant, tuberculose Surveillance +++ état de conscience et apparition d’un signe focal qui augurent d’une complication et imposent un transfert en soins intensifs ANTI-INFECTIEUX Ils seront adaptés au germe identifié. Les plus fréquemment utilisés sont: Les antibiotiques : Les céphalosporines de 3ème génération à forte dose: actives entre autres sur le pneumocoque, le méningocoque, l’hæmophilus CLAFORAN® 200 à 300 mg/kg/j en 4 à 6 injections; ROCEPHINE® 70 à 100 mg/kg/j en 2 injections L’amoxicilline: active sur la listéria, on l’utilise aussi secondairement pour le méningocoque, le pneumocoque quand l’antibiogramme a montré qu’ils y étaient sensibles CLAMOXYL ® 200 à 300 mg/kg/j en 6 injections Les antiviraux: l’aciclovir (ZOVIRAX ®) dans les méningites à herpès ou VZV, à la dose de 10 à 15mg/kg/8h PREVENTION Isolement respiratoire si suspicion méningocoque ou tuberculose Traitement prophylactique des sujets contact (méningocoque, hæmophilus) Vaccination : méningocoque (uniquement pour les sérogroupes A, C, W), pneumocoque chez l’enfant (Prévenar®), hæmophilus, BCG Déclaration à la DDASS pour le méningocoque et la tuberculose Dépistage et traitement précoce des tuberculoses maladies et tuberculoses latentes ENCEPHALITES PHYSIOPATHOLOGIE Elles sont fréquemment associées aux méningites réalisant alors un tableau dit de méningo-encéphalite Elles sont liées à l’atteinte directe des cellules nerveuses par multiplication de l’agent infectieux dans le cerveau, ou peuvent être la conséquence de la réaction immunitaire à ce même agent. Les agents en cause peuvent être des virus (HSV, VZV, CMV, rougeole, oreillons, rage, VIH…), des bactéries (tuberculose, listériose, borréliose..) ou encore des parasites ou des champignons (paludisme, trypanosome, cryptocoque…) CLINIQUE Y penser devant toute CONFUSION FEBRILE Tableau associant: Fièvre Troubles du comportement, troubles de conscience, coma Troubles moteurs, paralysie des nerfs crâniens, mouvements anormaux (convulsions) DIAGNOSTIC Il fait appel à la clinique et aux examens suivants: La ponction lombaire: elle objective une atteinte méningée et permet une analyse infectieuse Le scanner injecté ou l’IRM permettent d’éliminer un abcès et d’orienter parfois vers une étiologie (atteinte temporale dans la méningo-encéphalite herpétique) L’EEG recherche une comitialité associée ENCEPHALITE à HSV A connaître car fréquente et grave en l’absence de traitement: il faut y penser devant toute encéphalite surtout associée à une méningite lymphocytaire Fièvre à 40°, brutale, troubles du comportement avec hallucinations, convulsions Hypodensités fronto-temporales sur le scanner (retardé) ou l’IRM (précoce) PCR HSV positive dans le LCR. peut être retardée (J4): PL à répéter Traitement: aciclovir IV à instaurer précocement ABCES CEREBRAUX PHYSIOPATHOLOGIE Ils sont rares mais ont une morbi-mortalité élevée Mécanismes: Par contiguïté: à partir d’un foyer ORL le plus souvent (otite, sinusite, mastoïdite) Par voie hématogène: à partir d’un foyer infectieux dentaire++, d’une endocardite... Post-traumatique: après une fracture ouverte du crâne ou neurochirurgie 20% des abcès n’ont pas de cause retrouvée GERMES EN CAUSE Porte d’entrée Germes en cause ORL Streptocoques, hæmophilus sp, bacteroides fragilis,enterobacteriaceae Pulmonaire Fusobacterium, actinomyces, nocardia, streptocoques, bacteroides sp Dentaire Streptocoques, fusobacterium, hæmophilus sp, bacteroides fragilis Traumatisme ou chirurgie Staphylocoque doré, Streptocoques, enterobacteriaceae, clostridium sp Cardiopathie cyanogène Streptocoques, hæmophilus sp CLINIQUE Le tableau est le plus souvent progressif avec des céphalées au premier plan La fièvre peut manquer Les autres signes cliniques sont les mêmes que dans les encéphalites: déficit neurologique dont la localisation et l’étendue dépendent de la région atteinte, confusion, convulsions, coma… DIAGNOSTIC Le scanner et l’IRM montrent une image en cocarde, précisent le nombre et la localisation des lésions, et l’œdème associé La ponction lombaire est contre-indiquée La ponction biopsie stéréotaxique neurochirurgicale permet de faire le diagnostic microbiologique (identification du germe et antibiogramme) et permet le drainage lorsque l’abcès est volumineux Les hémocultures peuvent identifier le germe TRAITEMENT Il est médical (antibiotiques) ou médicochirurgical (antibiotiques + ponction aspiration stéréotaxique) lorsque l’abcès est volumineux ou évolue défavorablement Le choix des antibiotiques est orienté par la porte d’entrée et adapté secondairement aux prélèvements (hémocultures ou liquide de ponction) Le traitement antibiotique est INTRAVEINEUX, à FORTES DOSES, LONG (6 à12 semaines) Recherche et traitement de la porte d’entrée +++ CONCLUSION Les infections neuro-méningées sont des affections graves Leur prise en charge et leur traitement est une urgence Le traitement anti-infectieux doit être administré rapidement par voie intraveineuse La surveillance des patients, en particulier de leur état de conscience, doit être étroite.