Troubles du comportement et

publicité
L’Encéphale (2013) 39, 29—37
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
PSYCHIATRIE DE L’ENFANT
Troubles du comportement et troubles fonctionnels
du nourrisson : caractéristiques, interactions
mère-enfant, alliance et évolution après une
psychothérapie brève parent-enfant. Étude pilote
Infants and toddlers behavioral and functional disorders: Characteristics,
mother-child interactions, alliance and outcome after a brief
parents-child psychotherapy. A pilot study
M.-J. Hervé a,∗, A. Jaussent b, M. Paradis a, C. Rattaz a, S. Lopez a, V. Evrard a,
M.-C. Picot b, M. Maury a
a
Service de médecine psychologique pour enfants et adolescents, hôpital St-Éloi, CHU de Montpellier, 80, avenue
Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France
b
DIM, recherche clinique et épidémiologique, hôpital de la Colombière, CHU de Montpellier, 34295 Montpellier cedex 5, France
Reçu le 22 octobre 2010 ; accepté le 19 octobre 2011
Disponible sur Internet le 12 juin 2012
MOTS CLÉS
Troubles
fonctionnels ;
Troubles du
comportement ;
Jeune enfant ;
Interactions
mère-enfant ;
Alliance
thérapeutique
∗
Résumé Les objectifs de cette étude étaient, dans une population de 49 jeunes enfants âgés
de trois à 30 mois présentant des troubles fonctionnels (TF) et/ou du comportement, d’évaluer
après une intervention thérapeutique brève l’évolution de l’enfant, des parents et des interactions mère-enfant et de comparer les enfants avec et sans trouble du comportement afin
de mieux comprendre pourquoi les enfants avec des troubles du comportement (TC) évoluent
moins bien que les autres. Deux évaluations ont été effectuées, l’une avant le traitement,
l’autre un mois après la fin de la thérapie, incluant une évaluation des symptômes de l’enfant,
des symptômes anxieux et dépressifs des parents, des interactions mère-enfant et de l’alliance
thérapeutique. Les résultats montrent une amélioration des symptômes de l’enfant, des symptômes anxieux et dépressifs de la mère et des symptômes anxieux du père. Sur le plan des
interactions, les mères deviennent plus sensibles, le nombre de mères contrôlantes et non
disponibles diminue, tandis que les enfants deviennent plus coopératifs et moins passifs. Les
enfants avec des problèmes de comportement sont plus âgés, avec un âge de début des troubles
plus tardif. Ils ont avant la thérapie des mères ayant plus de symptômes anxio-dépressifs que
ceux présentant des problèmes fonctionnels. L’alliance thérapeutique, évaluée par la mère à
la première consultation, est plus basse. Après la thérapie, ces enfants ont une moins bonne
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (M.-J. Hervé).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2012.
doi:10.1016/j.encep.2012.02.003
30
M.-J. Hervé et al.
évolution et leurs mères restent plus anxieuses et moins sensibles. Cette étude souligne certaines particularités des jeunes enfants présentant des TC et confirme la plus grande difficulté
à les traiter. Il apparaît nécessaire d’élaborer des prises en charge spécifiques.
© L’Encéphale, Paris, 2012.
KEYWORDS
Behavioral disorders;
Functional disorders;
Mother-infant
interaction;
Therapeutic alliance
Summary
Objectives. — Functional and behavioral disorders are the most frequent reasons for consultation in infant psychiatry, but there are still few studies about the efficacy of parents-child
psychotherapies. Functional disorders appear to be easier to treat than behavioral disorders.
The aim of this study was: (1) to assess outcome after a brief psychotherapy in a population of
49 infants aged 3 to 30 months, presenting functional or behavioral disorders; (2) to compare
characteristics before therapy and outcomes for children with functional disorders and with
behavioral disorders, to have a better understanding of the worse outcome of children with
behavioral disorders.
Methods. — Two assessments were performed, one before treatment and the second a month
after the end of the therapy including the infant’s symptoms (Symptom Check-list), parents’
anxious and depressive symptoms (Hospital Anxiety and Depression scale) and mother-infant
interactions (Crittenden Experimental Index of adult-infant relationship). The therapeutic
alliance was assessed by the therapist and the parents after the first consultation (Working
Alliance Inventory).
Results. — The assessments after therapy show complete or partial improvement in the child’s
symptoms, in the mother’s anxious and depressive symptoms and in the father’s anxious symptoms. During interaction, the mothers become more sensible, the number of controlling and
of unresponsive mothers decrease, while the children become more cooperative and less passive. Initial characteristics and outcome are however different according to the type of the
child’s disorder. The children with behavioral disorders are older and present an association of
several symptoms. The disorder onset is later. Their mothers are, before therapy, more anxious
and depressive. The therapeutic alliance is weaker. After therapy, despite the fact that their
mothers’ affective state and that interactive behavior improves, the mothers are more anxious
and less sensible, while the children no longer differ from the group without behavioral disorder
from the point of view of opposition (assessed during mother-child interaction).
Conclusion. — Although this study is limited by the lack of a control group and the sample size,
it underlines some particularities of infants and toddlers presenting behavioral disorders and
the difficulties involved in their treatment. One can wonder if these characteristics are specific
of the behavioral disorders or if they are the result of an older dysfunction, complicated by
the developmental evolution of the child and the duration of the difficulties. The small number
of cases, among the children with behavioral disorders, presenting a preexistent functional
disorder, the absence of difference in the duration of the disorders, and the different disorder’s
onset plead in favor of the first hypothesis. The behavioral disorders often associate child
psychopathology, dysfunctional parents-child-relationships and environmental factors difficult
to modify with a brief therapy focused on the relationship. It would appear necessary to develop
specific treatments for this population.
© L’Encéphale, Paris, 2012.
Introduction
Les troubles fonctionnels (TF) et les troubles du comportement (TC) constituent des motifs de consultation fréquents
chez l’enfant de moins de trois ans. La plupart des auteurs
s’accordent sur une origine multifactorielle de ces difficultés où plusieurs éléments entrent en interaction : le
tempérament de l’enfant, les interactions parents-enfant,
l’état psychologique des parents, le contexte familial, social
et économique. La plupart des études ont montré une association significative entre les troubles précoces de l’enfant
et la présence de symptômes dépressifs chez la mère [1—3],
ainsi qu’avec des difficultés dans les interactions mèreenfant [4,5]. Plusieurs types d’intervention thérapeutique
(thérapie psychodynamique brève, guidance interactive,
programme Wait, Watch and Wonder, WWW [« Regarder,
Attendre et Réfléchir », visites à domicile, etc.]) ont été
développés ces dernières décennies pour traiter ces difficultés [6—8]. Ces traitements précoces prennent tous en
compte l’ensemble du système dans lequel vit l’enfant, et
ont pour cible la relation parents-enfant. Ils se différencient
par leur focus thérapeutique, constitué par les représentations parentales, par les comportements interactifs, ou par
les deux. On assiste actuellement à une certaine convergence de ces différentes techniques et à une tendance à
associer différentes modalités de traitement [9].
Malgré un intérêt croissant pour ces thérapies, notamment du fait de leur rôle préventif vis-à-vis de troubles
ultérieurs chez l’enfant, il existe encore peu d’études
évaluant leurs effets sur des échantillons cliniques. Les
quelques études effectuées ont montré l’efficacité de
ces prises en charge, les gains thérapeutiques étant en
Troubles du comportement et troubles fonctionnels du nourrisson
général rapides et obtenus avec un petit nombre de séances
[6,10—12]. Robert-Tissot et al. [12] dans une population
d’enfants de moins de 30 mois présentant des TF ou des
TC, ont montré que les changements les plus importants
étaient observés au niveau du symptôme de l’enfant. Les
résultats indiquaient également une amélioration des interactions mère-enfant, une amélioration de la confiance en
soi de la mère et une diminution de ses affects négatifs,
à la fin de la thérapie et à six mois. Cohen et al. [6,13]
ont observé dans une population similaire une réduction des
symptômes de l’enfant, du stress parental, de l’intrusivité
de la mère et du conflit mère-enfant après intervention
thérapeutique (thérapie psychodynamique mère-enfant ou
programme WWW).
Si les études ont montré une efficacité des interventions,
il semble que tous les symptômes n’évoluent pas de la même
façon. Robert-Tissot, Cramer, Stern et al. [12] trouvaient
sur l’ensemble de leur population une moindre amélioration des problèmes de comportement que des troubles du
sommeil ou de l’alimentation. Ils émettaient l’hypothèse
que ces résultats pouvaient être expliqués par l’évolution
développementale de l’enfant avec une augmentation avec
l’âge des difficultés de comportement, mais aussi par la
plus grande difficulté à traiter les TC. Ceux-ci surviennent,
en effet, souvent dans des situations associant difficultés
parentales, trouble des relations et psychopathologie de
l’enfant. Dans une population âgée de trois à 30 mois, nous
avions également trouvé que les facteurs prédictifs d’une
moins bonne évolution de l’enfant après une thérapie brève
parent-enfant étaient l’intensité et la fréquence des problèmes de comportement, des peurs et l’absence du père
aux consultations [14]. Cette première analyse était globale et n’incluait pas l’étude des interactions mère-enfant.
Au vu de ces résultats antérieurs, il apparaissait nécessaire
d’approfondir les caractéristiques et les critères d’évolution
des très jeunes enfants présentant des TC après une prise
en charge psychothérapeutique.
Les objectifs de cette étude, afin de compléter notre
première analyse, étaient :
• de préciser l’évolution après une intervention thérapeutique brève des symptômes de l’enfant, de l’état
psychologique des parents et des interactions mèreenfant ;
• de comparer les caractéristiques initiales et l’évolution
des enfants avec et sans trouble du comportement, afin
de préciser ce qui différencie ces enfants, d’une part, sur
le plan des caractéristiques démographiques, symptomatiques et familiales, d’autre part, sur le plan des processus
thérapeutiques, en terme notamment d’alliance thérapeutique.
Méthode
Population
Tous les enfants âgés de trois à 30 mois ayant consulté
dans un service de médecine psychologique pour enfants
entre juin 2002 et juin 2004 pour des TF ou des TC ont été
inclus dans l’étude. Les parents ont donné leur accord écrit
pour l’étude. L’étude a reçu l’avis favorable du Comité de
31
consultation pour la protection des personnes se prêtant
à la recherche biomédicale (CCPPRB) Montpellier St-Éloi.
Les enfants présentant une suspicion de maltraitance, un
trouble envahissant du développement ou ayant un parent
souffrant d’une pathologie psychotique ont été exclus.
Cinquante-cinq familles ont été inclues, 49 familles ont réalisé à la fois l’évaluation en début et en fin de traitement et
ont été analysées.
Les enfants, 31 garçons (63,3 %) et 18 filles (36,7 %)
étaient âgés de quatre à 29 mois lors du premier entretien (m = 18,8 mois, ET = 6,5). La majorité des parents,
soit 92 %, vivaient en couple (51 % mariés, 41 % vivant en
concubinage) ; 8 % étaient séparés. Les catégories socioprofessionnelles du chef de famille (CSP) se répartissaient en
8,2 % d’artisans ou de commerçants, 30,6 % de cadres ou professions intellectuelles supérieures, 42,8 % de professions
intermédiaires ou employés, 12,2 % d’ouvriers et 6,1 % sans
activité. L’âge moyen des pères était de 32,7 ans (ET = 6,2)
et des mères de 30,2 (ET = 4,8).
Le motif de consultation était un problème fonctionnel (trouble du sommeil ou de l’alimentation) dans 38 cas
(77,5 %), un problème de comportement (agitation, agressivité, oppositions, crises de colère, retrait) dans six cas
(12,2 %) et une association des deux dans cinq cas (10,2 %).
Un nombre important d’enfant, soit 63,3 %, présentait plus
d’un symptôme, spécifié ou non dans le motif de consultation. Cinq enfants consultant pour un problème fonctionnel
présentaient aussi un trouble du comportement non évoqué
lors de la demande par les parents. Au total, 16 enfants présentaient un trouble du comportement (associé ou non à un
trouble fonctionnel).
Intervention thérapeutique
Le suivi a consisté en des consultations thérapeutiques,
effectuées par deux thérapeutes expérimentés, s’appuyant
sur les théories du développement précoce et les théories
psychodynamiques, dont la théorie de l’attachement plus
particulièrement [8,9,15]. Le nombre de consultations n’est
pas défini à l’avance, mais il est inférieur à dix dans la plupart des cas. Le travail se déroule avec la mère ou avec
les deux parents. Les objectifs principaux du suivi sont de
réduire le symptôme de l’enfant, d’améliorer son fonctionnement émotionnel, de réduire la souffrance psychologique
des parents et d’améliorer les relations parent(s)-enfant. Le
processus thérapeutique s’appuie à la fois sur une exploration des représentations et des émotions des parents
vis-à-vis de l’enfant et sur un travail sur les interactions
survenant pendant la consultation. Il s’agit de soutenir la
sensibilité, la compréhension et la qualité des réponses des
parents aux signaux et aux besoins de l’enfant et de renforcer les interactions positives. L’histoire antérieure des
parents est en général explorée afin d’aider le thérapeute
à mieux comprendre et dénouer les patterns relationnels
dysfonctionnels actuels, et notamment mieux comprendre
les stratégies des parents dans leur démarche de demande
d’aide pour leur enfant [16]. La sécurité fournie par la
relation thérapeutique, et notamment l’empathie du thérapeute, constitue un élément essentiel du traitement jouant
le rôle d’« expérience émotionnelle correctrice » [17]. À
noter qu’un enfant, présentant des troubles du sommeil, a
32
M.-J. Hervé et al.
bénéficié d’un traitement médicamenteux prescrit au cours
du suivi.
concernant la présence d’une anxiété ou d’une dépression
parentale.
Procédure d’évaluation
Interactions mère-enfant
L’enfant et la mère ont été filmés au cours d’un jeu libre
d’environ dix minutes utilisant des jouets adaptés à l’âge
de l’enfant. La qualité des interactions a été évaluée avec
le « Crittenden Experimental Index of adult-infant relationship » [21]. Sept aspects du comportement interactionnel
(expressions faciales, expressions vocales, positions corporelles, expression d’affection, tours de parole, contrôle
et choix d’activité) sont codés en utilisant trois items
pour la mère (sensible, contrôlante et non disponible) et
quatre pour l’enfant (coopérant, compulsivement complaisant, opposant et passif), de façon à obtenir un score
de 0 à 7 pour chacun des items. La mère est considérée
comme sensible et l’enfant comme coopérant pour un score
supérieur à 5. La mère est considérée comme contrôlante
et/ou non disponible, l’enfant compulsivement complaisant, opposant et/ou passif, quant les scores respectifs sont
supérieurs à 3.
Deux évaluations ont été effectuées, l’une juste avant la
première consultation et l’autre un mois après l’arrêt des
consultations. Les domaines suivants ont été explorés : la
symptomatologie de l’enfant, la symptomatologie anxieuse
et dépressive des parents et les interactions parent(s)enfant. Deux types d’évaluation des interactions ont été
effectuées : lorsque la mère venait seule avec l’enfant au
premier rendez-vous, celle des interactions mère-enfant,
lorsque les deux parents étaient présents, celle des interactions père-mère-enfant. Nous ne présentons ici que les
résultats concernant les interactions mère-enfant, les interactions père-mère-enfant n’ayant pas montré d’évolution
significative. Cinq familles ont accepté de remplir les questionnaires de l’évaluation finale, mais n’ont pas effectué
l’évaluation des interactions, par manque de disponibilité le
plus souvent. L’alliance thérapeutique a également été évaluée à la fin de la première consultation par le thérapeute
et par les parents.
Instruments
Symptômes de l’enfant
Le « Symptom check-list » (SCL) [18,19] permet d’évaluer les
symptômes dans les domaines suivants : sommeil, alimentation, digestion, comportement, peurs-timidité, séparation,
répercussion des troubles sur la famille. La fréquence et
l’intensité des difficultés au cours des quatre dernières
semaines sont évaluées par le parent par des questions
codées sur une échelle en cinq points de 1 (jamais ou non
important) à 5 (presque toujours ou très important). La
durée des troubles est aussi notée. Un sous-score moyen est
calculé pour chaque domaine. Le score global correspond à
la moyenne des sous-scores. Pour cette étude, nous avons
créé un score appelé « symptôme principal » correspondant
au score du symptôme principal de l’enfant tel qu’évalué par
le thérapeute (score de sommeil en cas de troubles du sommeil, etc. ou en cas d’association de troubles, la moyenne
des scores des deux symptômes principaux, par exemple
sommeil et comportement).
Symptômes anxieux et dépressifs des parents
L’« Hospital Anxiety and Depression Scale » (HAD) [20] a
été rempli par les parents avant et après la prise en
charge. L’HAD, traduit et validé en français par Lépine, est
un auto-questionnaire de 14 items qui permet d’identifier
l’existence d’une symptomatologie anxieuse ou dépressive
chez l’adulte et d’en évaluer la sévérité. Plusieurs études
ont montré son intérêt pour apprécier l’évolution de la
symptomatologie anxieuse et/ou dépressive au cours du
temps. Chaque item est codé sur une échelle en quatre
points permettant d’obtenir deux scores variant de 0 à 21,
l’un pour la dépression, l’autre pour l’anxiété. L’anxiété
ou la dépression est considérée comme certaine pour un
sous-score supérieur ou égal à 11, comme possible pour un
sous-score entre 8 et 10. Par ailleurs, le thérapeute a noté
à la fin du premier rendez-vous son appréciation clinique
Alliance thérapeutique
Elle a été évaluée à l’aide du « Working Alliance Inventory »
(WAI), échelle largement utilisée qui évalue l’alliance dans
trois dimensions : liens, objectifs et tâches. L’échelle a été
traduite en français, adaptée aux consultations précoces et
validée dans sa version courte observateur [22]. Les versions
thérapeute et mère ont été calquées sur cette version validée. Elles comportent 14 questions, codées sur une échelle
analogique en sept points (de pas du tout d’accord à tout
à fait d’accord) et permettent d’obtenir un score global
variant de 14 à 98. Les échelles d’alliance ont été remplies
par le thérapeute et les parents à la fin de la première
consultation. Étant donné la présence de données manquantes pour le père, seule l’échelle remplie par la mère
a été utilisée ici.
Analyse des données
L’évolution de l’enfant et des parents a été évaluée en comparant les sous-scores initiaux et finaux du SCL, de l’HAD
et de l’échelle de Crittenden par le test non paramétrique
pour séries appariées de Wilcoxon. Pour chaque dimension
de l’échelle de Crittenden et pour les scores d’anxiété et de
dépression des parents, les proportions de sujets dépassant
le seuil symptomatique avant et après la prise en charge ont
été comparées (Chi2 de Mac Nemar).
Les caractéristiques initiales des enfants sans TC (groupe
TF) et avec TC (définis par un sous-score de comportement au SCL supérieur à 2,5 et un diagnostic de trouble
du comportement posé par le thérapeute, groupe TC),
ont été comparés, en particulier l’âge, la durée des
troubles, l’alliance thérapeutique, les scores au SCL, à
l’HAD et au cours des interactions (tests de comparaison de
moyenne non paramétrique de Mann Whitney). L’évolution
de l’enfant, des parents et des interactions, mesurée par
les variations relatives des scores ((score final—score initial)/score initial), a été comparée en fonction du type de
trouble de l’enfant (tests de Mann Whitney). Les analyses
Troubles du comportement et troubles fonctionnels du nourrisson
ont été effectuées à l’aide du logiciel SAS (seuil de significativité fixé à 5 %).
Résultats
Évolution de l’enfant, des parents et des
interactions
Le Tableau 1 rapporte les comparaisons des scores moyens
initiaux et finaux dans les différents domaines évalués, ainsi
que la comparaison entre le nombre de sujets dépassant le
seuil symptomatique avant et après la prise en charge pour
l’HAD et le Crittenden. Pour l’HAD, un seuil à 8 a été choisi
afin de privilégier la sensibilité. Il a, en effet, été constaté
dans notre population une tendance à la sous-évaluation
des éléments anxio-dépressifs par rapport à l’évaluation
clinique du thérapeute (avec un seuil à 8, 77 % des mères
repérées comme anxieuses par le thérapeute le sont aussi
Tableau 1
33
avec l’HAD, contre 46 % avec un seuil à 11 ; pour la dépression les chiffres sont respectivement de 43 % avec un seuil à
8, et 23 % avec un seuil à 11).
Pour l’enfant, on constate une évolution significative
dans tous les domaines en dehors des symptômes digestifs
et des symptômes de peurs-timidité. Pour les parents, on
observe une amélioration significative des scores moyens
d’anxiété et de dépression de la mère ainsi qu’une diminution significative du nombre de mères symptomatiques après
la thérapie. On observe une diminution significative du score
moyen d’anxiété du père et pas de changement pour le score
de dépression.
Concernant les interactions mère-enfant, le score moyen
de sensibilité de la mère augmente de façon significative
après la thérapie tandis que la proportion de mères non sensibles diminue, passant de 71 % à 33 %. De même, on observe
une diminution du score moyen de non-disponibilité à la
limite de la significativité, avec une diminution significative du nombre de mères non disponibles. Il n’existe pas de
Comparaison des évaluations initiales et finales.
Évaluation 1 Évaluation 2 Variation
Score 1
Score 2
absolue
m (ET)
m (ET)
(Wilcoxon)
SCL (n = 49)
Sommeil
Alimentation
Digestion
Comportement
Peurs — timidité
Séparation
Répercussion
Symptôme principal
Score global
2,62
1,70
1,64
2,22
1,92
2,74
2,75
3,09
2,22
(0,88)
(0,84)
(0,50)
(0,77)
(0,71)
(1,27)
(1,09)
(0,66)
(0,45)
1,85
1,39
1,52
1,99
1,95
2,31
1,87
1,99
1,84
(0,74)
(0,54)
(0,46)
(0,69)
(0,63)
(1,08)
(1,16)
(0,99)
(0,52)
−0,77***
−0,31**
−0,12
−0,22***
+0,03
−0,44*
−0,89***
−1,01***
−0,38***
Évaluation 1
Sujets
symptomatiques
n (%)
Évaluation 2
Sujets symptomatiques
n (%)
Variation de
pourcentage
(Mac Nemar)
HAD mère (n = 49)
Anxiété
Dépression
Anxieuse et/ou déprimée
9,31 (3,89)
5,39 (3,23)
7,82 (3,58)
4,10 (3,10)
−1,49***
−1,28***
33 (67,3)
12 (24,5)
34 (69,4)
24 (49,0)
5 (10,2)
24 (49,0)
−18,3**
−14,3*
HAD père (n = 35)
Anxiété
Dépression
Anxieux et/ou déprimé
6,71 (3,15)
3,83 (2,58)
5,60 (2,56)
3,20 (2,54)
−1,11*
−0,63
13 (37,1)
3 (8,6)
15 (42,8)
8 (22,8)
3 (8,6)
9 (25,7)
−14,3
0,0
4,62 (1,32)
3,57 (1,80)
2,81 (1,83)
5,67 (1,24)
3,05 (1,80)
2,09 (1,45)
+1,04***
−0,52
−0,71a
6 (28,6)
14 (66,7)
9 (42,8)
14 (66,7)
8 (38,1)
2 (9,5)
+38,1**
−28,6*
−33,3**
5,29
2,14
1,43
2,24
5,90
2,14
1,52
1,38
+0,62*
0,00
+0,09
−0,86*
11
3
4
6
16
4
3
1
+23,8
+4,7
−4,7
−23,8a
Interactions mère-enfant (n = 21)
Mère
Sensible
Contrôlante
Non disponible
Enfant
Coopérant
Compulsivement complaisant
Opposant
Passif
* p ≤ 0,05, ** p ≤ 0,01, *** p ≤ 0,001 ;
(1,23)
(1,42)
(1,69)
(1,78)
(0,89)
(1,35)
(1,40)
(1,12)
(52,4)
(14,3)
(19,0)
(28,6)
(76,2)
(19,0)
(14,3)
(4,8)
sujets symptomatiques : HAD : score supérieur ou égal à 8 ; interactions mère-enfant : score supérieur
ou égal à 6 pour la sensibilité de la mère et la coopération de l’enfant ; supérieur ou égal à 4 pour les autres scores.
a p ≤ 0,08.
34
Tableau 2
M.-J. Hervé et al.
Scores initiaux et variation relative des scores selon le type de trouble de l’enfant.
Scores à l’évaluation initiale
Trouble du comportement
Variation relative des scores
Trouble du comportement
Non
Oui
Non
Oui
Âge à la 1re consultation (en mois)
n = 33
17,4 (6,84)
n = 16
21,6 (4,69)*
Âge de début des troublesa (en mois)
Âge de début des TF
Âge de début des TC
6,0 (6,7)
6,0 (6,7)
—
12,5 (8,7)*
10,7 (9,5)
14,4 (7,5)
Durée des troublesa (en mois)
Durée des TF
Durée des TC
11,5 (7,4)
11,5 (7,4)
—
9,1 (6,8)
10,4 (7,9)
7,2 (5,8)
WAI mère
89,0 (7,6)
83,6 (8,7)*
WAI thérapeute
69,7 (7,0)
70,7 (8,5)
SCL
Sommeil
Alimentation
Digestion
Comportement
Peurs
Séparation
Répercussion
Symptôme principal
Score global
n = 33
2,52 (0,83)
1,77 (0,94)
1,54 (0,42)
1,77 (0,39)
1,79 (0,64)
2,61 (1,21)
2,74 (1,17)
2,93 (0,65)
2,11 (0,43)
n = 16
2,83 (0,97)
1,55 (0,58)
1,82 (0,60)
3,14 (0,49)**
2,20 (0,79)*
3,03 (1,40)
2,78 (0,95)
3,40 (0,58)*
2,48 (0,41)**
n = 33
−31,0 (22,4)
−12,6 (37,4)
−6,4 (26,0)
−4,6 (20,6)
+8,4 (44,1)
+6,1 (91,8)
−34,4 (52,0)
−39,1 (28,4)
−19,9 (21,6)
n = 16
−17,3 (24,2)*
+2,9 (23,7)
+1,5 (27,4)
−15,0 (14,8)
+11,7 (35,7)
+5,9 (71,7)
−4,6 (40,7)**
−18,2 (16,7)**
−9,6 (16,4)*
HAD mère
Anxiété
Dépression
8,18 (3,57)
4,61 (2,64)
11,62 (3,56)**
7,00 (3,78)*
-8,7 (34,1)
-16,2 (75,1)
−17,6 (21,8)
−24,6 (32,0)
n = 16
n = 10
n = 12
n=9
4,75 (1,12)
3,50 (1,46)
2,56 (1,75)
4,30 (1,64)
3,80 (1,99)
3,30 (1,89)
+35,3 (24,4)
−17,6 (54,8)
−27,1 (35,2)
+19,4 (36,3)
+7,4 (39,8)
+18,9 (89,0)
5,37
2,12
0,81
2,37
4,80
1,90
2,60
2,20
+6,8 (27,5)
+11,2 (70,6)
+116,7 (174,9)
−8,6 (82,5)
+36,3 (49,5)
+53,7 (150,4)
−11,7 (69,7)b
−17,4 (63,7)
Interactions
Mère
Sensible
Contrôlante
Non disponible
Enfant
Coopérant
Compulsivement complaisant
Opposant
Passif
(1,15)
(1,45)
(1,05)
(1,71)
(1,55)
(1,29)
(2,01)*
(1,87)
TF : troubles fonctionnels ; TC : troubles du comportement ; Score d’évolution relative = ([score final-score initial]/score initial)*100 ;
* p ≤ 0,05 ; ** p ≤ 0,01.
a Âge de début ou durée des premières troubles qu’ils soient fonctionnels ou comportementaux.
b p = 0,07.
différence significative pour les scores de contrôle, mais on
peut noter une diminution significative du nombre de mères
contrôlantes. En ce qui concerne les scores des enfants, on
observe après la thérapie une augmentation du score de
coopération et une diminution du score de passivité.
Comparaison des enfants avec et sans troubles du
comportement
Avant la thérapie
Les enfants, présentant un trouble du comportement, sont
en moyenne plus âgés et ont un âge de début des troubles
plus tardif (que ce soit le trouble du comportement ou un
éventuel trouble fonctionnel associé) (Tableau 2). Dans les
11 cas associant troubles fonctionnel et du comportement,
le trouble fonctionnel est premier dans trois cas seulement.
Pour les autres, les deux troubles sont survenus simultanément, ou un trouble fonctionnel s’est ajouté trois à quatre
mois après. La durée du premier trouble, qu’il soit fonctionnel ou comportemental, n’est pas différente dans les deux
groupes.
Sur le plan symptomatique, les enfants avec un trouble
du comportement ont des scores plus élevés au SCL pour le
comportement, les peurs, le symptôme principal et le score
global. Le score d’opposition évalué dans les interactions
mère-enfant est aussi plus élevé.
Troubles du comportement et troubles fonctionnels du nourrisson
35
Tableau 3 Caractéristiques de la mère lors des interactions mère-enfant, avant et après la thérapie en fonction du type de
trouble de l’enfant.
Évaluation 1
n = 26
Évaluation 2
n = 21
Trouble du comportement
Non
n (%)
Mère
Sensible ou sensible-contrôlante
Contrôlante
Non disponible
Contrôlante-non disponible
6
5
3
2
(37,5)
(31,2)
(18,8)
(12,5)
p
Oui
n (%)
2
2
1
5
(10,0)
(20,0)
(10,0)
(50,0)
Leurs mères ont des scores d’anxiété et de dépression
significativement plus élevés. Si l’on considère de façon
qualitative les caractéristiques de la mère lors des interactions (Tableau 3), on constate que les mères du groupe
TC sont majoritairement contrôlantes-non disponibles, tandis que les mères du groupe TF ont des caractéristiques plus
diversifiées (mais différence non significative).
Enfin, l’alliance thérapeutique codée par la mère apparaît plus basse dans le groupe TC (Tableau 2).
Après la thérapie
Sur le plan des symptômes de l’enfant, on observe dans le
groupe TC, une moindre amélioration des scores du sommeil,
du symptôme principal, de la répercussion du trouble et du
score global du SCL (Tableau 2).
Les scores de dépression et d’anxiété de la mère diminuent quel que soit le type de trouble de l’enfant. Il
persiste cependant après la thérapie un score d’anxiété
de la mère significativement plus élevé dans le groupe TC
(m = 9,62, SD = 4,11 versus m = 6,94, SD = 2,98 dans le groupe
TF, p = 0,02).
En ce qui concerne l’évolution relative des interactions
mère-enfant, on n’observe pas de différence significative
entre les deux groupes. On note cependant que, si le score
moyen de sensibilité de la mère augmente dans les deux
groupes, il est significativement plus bas après la thérapie dans le groupe TC (m = 4,89, SD = 1,27 versus m = 6,25,
SD = 0,87, p = 0,01), de même pour le nombre de mères
sensibles (33 % versus 92 %, Tableau 3). Enfin, on observe
que le score d’opposition de l’enfant augmente dans le
groupe TF, diminue dans le groupe TC, de telle sorte que
les enfants ont un score moyen comparable à l’évaluation
2 (groupe TF : m = 1,67, SD = 1,61 ; groupe TC : m = 1,33,
SD = 1,12, p = 0,78).
Discussion
Le premier objectif de cette étude était d’évaluer
l’évolution après une intervention thérapeutique brève dans
une population de jeunes enfants, consultant pour des problèmes fonctionnels ou du comportement. Le suivi visait
à améliorer à la fois l’état psychologique de l’enfant, des
parents ainsi que leurs relations, à partir d’un abord des
représentations des parents et des interactions observées au
Trouble du comportement
Non
n (%)
0,25
11 (91,7)
1 (8,3)
0
0
p
Oui
n (%)
3
4
1
1
(33,3)
(44,4)
(11,1)
(11,1)
0,01
cours de la consultation, cela dans le cadre d’une relation
thérapeutique sécurisante.
Nous retrouvons dans cette population un taux élevé de
troubles du sommeil, une comorbidité fréquente [23], un
taux élevé de symptômes anxieux chez la mère et, dans
une moindre mesure, de symptômes dépressifs [1—3]. Si la
dépression maternelle a été largement étudiée, les études
sur l’anxiété maternelle sont plus récentes et montrent
des effets importants sur le développement de l’enfant
et la survenue ultérieure de problèmes émotionnels, comportemental ou cognitif chez l’enfant [24,25]. On retrouve
également un nombre élevé de mères non sensibles, contrôlantes ou non disponibles lors de l’évaluation initiale [26].
L’évaluation après la thérapie montre que l’évolution la
plus marquée apparaît au niveau des symptômes de l’enfant
(notamment ceux ayant motivé la consultation), de la répercussion des troubles sur la famille, des symptômes anxieux
et dépressifs de la mère, ainsi que de la sensibilité maternelle. On observe également une diminution significative du
nombre de mères contrôlantes et du nombre de mères à la
fois contrôlantes et non disponibles, tandis que les enfants
deviennent plus coopératifs et moins passifs. L’absence de
groupe contrôle ne permet pas d’imputer ces évolutions à la
prise en charge. On peut cependant noter que nos résultats
sont très proches de ceux trouvés dans des études comparatives, réalisées dans une population similaire [12].
On n’observe pas d’évolution des troubles digestifs et
des peurs-timidité de l’enfant mais les scores moyens sont
proches de ceux obtenus dans une population non clinique.
L’absence d’évolution des peurs-timidité pourrait être reliée
à une dimension développementale. Ces manifestations sont
largement répandues chez le jeune enfant et font partie du
développement normal.
Le second objectif de cette étude était de comparer
les caractéristiques initiales et l’évolution des enfants avec
et sans trouble du comportement. Les enfants avec des
problèmes de comportement se différencient des enfants
sans problèmes de comportement sur plusieurs points. Il
s’agit d’enfants plus âgés, élément déjà mis en évidence
par Robert-Tissot et al. [12], et qui présentent un âge
de début des troubles plus tardif, même quand on prend
en compte un éventuel trouble fonctionnel associé. Ils
présentent pour la plupart une association de difficultés,
comportementales, émotionnelles et fonctionnelles, et ont
36
un score global de difficultés plus important. Leurs mères
apparaissent comme ayant plus de symptômes anxieux et
dépressifs. Les résultats, concernant les interactions mèreenfant, ont été donnés à titre exploratoire étant donné
le petit nombre de cas. On observe que ces interactions
semblent plus souvent dysfonctionnelles en cas de trouble
du comportement, marquées par une plus grande opposition
de l’enfant et des mères souvent contrôlantes-non disponibles. Enfin, bien que les versions thérapeute et mère du
WAI n’aient pas été validées, on observe une alliance thérapeutique qui semble plus difficile avec les mères des enfants
présentant des TC. Même si ce résultat est à considérer avec
prudence et devra être confirmé, il serait important dans
ces situations d’étudier plus précisément les processus thérapeutiques en jeu afin de mieux comprendre ce qui n’a pas
permis au thérapeute d’établir une alliance thérapeutique
suffisante. Des études sur l’alliance thérapeutique ont montré une association entre la qualité de l’alliance et l’état
d’esprit quant à l’attachement chez les parents [27]. Des
éléments d’attachement insécures peuvent engendrer des
difficultés dans la mise en place des liens, autant sur le plan
intra-familial que thérapeutique.
Une exploration plus précise des processus thérapeutiques en jeu apparaît d’autant plus importante que les
enfants avec des TC restent globalement plus en difficulté
et ont une moindre amélioration du ou des symptômes ayant
motivé la consultation. Malgré le fait que l’état psychologique des mères s’améliore après la thérapie, le score
d’anxiété de la mère apparaît plus élevé en fin de thérapie
par rapport aux mères d’enfants avec un trouble fonctionnel. On observe enfin, dans la population des enfants avec
TC, la persistance de difficultés dans les interactions, sous
forme de contrôle et surtout d’un défaut de sensibilité
maternelle, alors que les enfants ne se différencient plus
du groupe sans trouble du comportement sur le plan de
l’opposition.
On peut se demander si l’ensemble de ces caractéristiques sont spécifiques aux TC ou s’ils sont le résultat
d’un dysfonctionnement plus ancien venant se complexifier du fait de l’évolution développementale de l’enfant
et de la durée des difficultés (pouvant provoquer un épuisement parental et un dysfonctionnement de plus en plus
important des interactions parents-enfant). Le petit nombre
de cas, parmi les enfants présentant des TC, pour lesquels on retrouve un trouble fonctionnel préexistant (19 %),
l’absence de différence quant à la durée des troubles et
l’âge différent de début des troubles plaident plutôt en
faveur de la première hypothèse. Les éléments retrouvés
dans la littérature vont dans le même sens. Plusieurs auteurs
ont noté que les facteurs de risque des TC associent un
tempérament difficile, caractéristique propre à l’enfant
et des relations parents-enfant plus problématiques que
dans les TF, notamment une difficulté à régler la distance
avec l’enfant, oscillant entre la sur- et la sous-implication,
[18,25,28], ainsi qu’un attachement insécure de l’enfant
[29]. D’autres facteurs de risques des TC tels que des
conditions socioéconomiques défavorables, une psychopathologie parentale, une discorde parentale, des évènements
de vie stressants, une absence d’implication du père auprès
de l’enfant, des attitudes éducatives coercitives [30] vont
venir complexifier la situation, mais également le processus thérapeutique. L’enfant est souvent vécu négativement,
M.-J. Hervé et al.
l’opposition ou l’agressivité de l’enfant peuvent générer
moins d’empathie à son égard qu’un trouble fonctionnel.
Les parents peuvent se sentir agressés ce qui va activer
leur système d’attachement et les confronter à leurs points
de vulnérabilité. Cela peut également mettre plus à mal
l’empathie de thérapeute à l’égard des parents et/ou de
l’enfant, et entraver le processus d’alliance thérapeutique.
À l’inverse, les TF sont plutôt sous-tendus par des
angoisses de séparation ou de mort, associées à une insécurité des mères sur leurs compétences et à un sentiment de
culpabilité. L’enfant est plus souvent vécu comme victime
que comme agresseur, générant plus d’empathie tant chez
les parents que chez le thérapeute. La plus grande facilité de
traitement des TF plaide en faveur d’un traitement le plus
précoce possible des troubles, avant que ne se surajoutent
des TC et une rigidification tant au niveau de l’enfant que
des interactions.
Cette étude présente des résultats préliminaires qu’il
convient d’interpréter avec prudence du fait de la faible
taille de notre échantillon, et de données sur les interactions recueillies pour une partie de la population seulement.
Ils devront être confirmés sur une population plus large. Elle
est également limitée par l’absence de groupe contrôle qui
ne permet pas d’affirmer que les effets observés sont le
résultat de la prise en charge mise en oeuvre. Elle a servi
de base à l’élaboration d’une étude auprès d’un échantillon plus important centrée sur les troubles émotionnels
et du comportement du jeune enfant et leur évolution
après une prise en charge thérapeutique, actuellement
en cours.
Malgré ces limitations, les résultats montrent une évolution nette des troubles de l’enfant après l’intervention
thérapeutique. On constate également une réduction de
la symptomatologie anxieuse des deux parents, ainsi que
de la symptomatologie dépressive de la mère. Les enfants
avec des TC présentent certaines particularités : plus âgés,
mères ayant plus de symptômes anxio-dépressifs, moins
bonne évolution des symptômes de l’enfant, de l’anxiété
et de la sensibilité maternelle après la thérapie, alliance
thérapeutique plus basse. Ce dernier point vient questionner aussi la part du thérapeute dans la difficulté à
mettre en place une thérapeutique suffisamment efficace.
Les thérapies brèves apparaissent insuffisantes pour les
enfants avec des TC et il apparaît nécessaire d’élaborer
des prises en charge plus spécifiques. Une approche thérapeutique multiple, permettant un étayage plus important
de la famille, pourrait être plus efficiente. Étant donné
les facteurs environnementaux souvent présents et la
fréquence de troubles de l’attachement, un travail en
réseau associant thérapie parents-enfant, soutien social
et éducatif, visites à domicile et liens avec l’ensemble
des professionnels intervenant auprès de l’enfant apparaît
nécessaire. Des approches de type guidance interactive,
telles qu’elles ont été élaborées par Mc Donough auprès de
familles à problèmes multiples [31], apparaissent également
intéressantes.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
Troubles du comportement et troubles fonctionnels du nourrisson
Financement : Cette étude a été financée par le CHU de
Montpellier (Appel d’Offre Interne 2002).
Références
[1] Cox AD, Puckering C, Pound A, et al. The impact of maternal depression in young children. J Child Psychol Psychiatry
1987;28:917—28.
[2] Hiscock H, Wake M. Infant sleep problems and postnatal depression: a community based study. Pediatrics
2001;107:1317—22.
[3] Marchand JF, Hock E. The relation of problem behaviors in preschool children to depressive symptoms in mothers and fathers.
J Genetic Psychol 1998;159:353—66.
[4] Crowell J, Feldman S, Ginsberg N. Assessment of mother-child
interaction in preschoolers with behavior problem. J Am Acad
Child Adolesc Psychiatry 1988;27:303—11.
[5] Keren M, Feldman R, Tyano S. Diagnoses and interactive patterns of infants referred to a community-based infant mental
health clinic. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2001;40:1—9.
[6] Cohen NJ, Muir E, Lojkasek, et al. Watch, wait, and wonder:
testing the effectiveness of a new approach to mother-infant
psychotherapy. Infant Mental Health J 1999;20(4):429—51.
[7] Hopkins J. Infant-parent psychotherapy. J Child Psychother
1992;18(1):5—19.
[8] Lieberman AF, Pawl JH. Infant-parent psychotherapy. In: Zeanah C, editor. Handbook of infant mental health. New-York:
The Guilford Press; 1993. p. 427—42.
[9] Morales-Huet M, Rabouam C, Guedeney N. Psychothérapies précoces parents-bébé. Encyclopédie Médico-Chirurgicale
2004 [37-208-D-60].
[10] Cramer B, Robert-Tissot C, Stern DN, et al. Outcome evaluation
in brief mother-infant psychotherapy: a preliminary report.
Infant Mental Heath J 1990;11(3):278—300.
[11] DeGangi GA, Greenspan ST. The effectiveness of short-term
interventions in the treatment of inattention and irritability in
toddlers. J Dev Learning Disord 1997;1:277—98.
[12] Robert-Tissot C, Cramer B, Stern DN, et al. Outcome evaluation in brief mother-infant psychotherapies: report on 75 cases.
Infant Mental Health J 1996;17(2):97—114.
[13] Cohen NJ, Lojkasek M, Muir E, et al. Six-months follow-up of
two mother-infant psychotherapies: convergence of therapeutic outcomes. Infant Mental Health J 2002;23(4):361—80.
[14] Hervé MJ, Paradis M, Rattaz C, et al. Predictors of outcome in
infant and toddlers functional or behavioral disorders after a
brief parent-infant psychotherapy. Eur Child Adolesc Psychiatry
2009;18:737—46.
[15] Fraiberg S. Clinical studies in infant mental health: the first
year of life. New-York: Basic Books; 1980.
[16] Guedeney N, Guedeney A. Twelve years later: from ‘‘Fraiberg
in Paris’’ to attachment theory applied to community
health care centers for family and toddlers. The Signal
2007;15(3):1—8.
37
[17] Lieberman AF. Infant-parent psychotherapy with toddlers. Dev
Psychopathol 1992;4:559—74.
[18] Lüthi Faivre F, Sancho Rossignol A, Rusconi-Serpa S, et al.
Troubles du comportement entre 18 et 36 mois : symptomatologie et psychopathologie associées. Neuropsychiatrie de
l’enfance et de l’adolescence 2005;53:176—85.
[19] Robert-Tissot C, Rusconi-Serpa S, Bachmann JP, et al. Le
questionnaire ‘‘Symptom check-list’’. Évaluation des troubles
psycho-fonctionnels de la petite enfance. In: Lebovici S,
Mazet P, Visier JP, editors. L’évaluation des interactions précoces entre le bébé et ses partenaires. Paris: Eshel; 1989. p.
179—215.
[20] Lepine JP. L’échelle HAD. In: Guelfi JD, editor. L’évaluation clinique standardisée en psychiatrie, tome 1. Éditions Médicales
Pierre Fabre; 1996. p. 367—74.
[21] Crittenden PN. Abusing, neglecting, problematic and adequate
dyads: differentiating by patterns of interaction. MerrillPalmer Quaterly 1981;27:201—18.
[22] Hervé MJ, White-Khoning M, Paradis-Guennou M, et al. Adaptation d’une échelle d’alliance thérapeutique au contexte
des consultations mère-nourrisson. Étude préliminaire. Devenir
2008;20(1):65—85.
[23] Thomas JM, Guskin KA. Disruptive behavior in young children: what does it mean? J Am Acad Child Adolesc Psychiatry
2001;40(1):44—51.
[24] Kaitz M, Maytal HR, Devor N, et al. Maternal anxiety, motherinfant interactions, and infants’ response to challenge. Infant
Behav Dev 2010;33(2):136—48.
[25] Talge NM, Neaul C, Glover V. Antenatal maternal stress
and long-term effects on child neurodevelopment:
how and why? J Child Psychol Psychiatry 2007;48(3/4):
245—61.
[26] Dollberg D, Feldman R, Keren M. Maternal representations,
infant psychiatric status, and mother-child relationship in
clinic-referred and non-referred infants. Eur Child Adolesc Psychiatry 2010;19(1):25—36.
[27] Smith AE, Msetfi RM, Golding L. Client self rated adult attachment patterns and the therapeutic alliance: a systematic
review. Clin Psychol Rev 2010;30(3):326—37.
[28] Sanson A, Prior M. Temperament and behavioural precursors
to oppositional defiant disorder and conduct disorder. In: Quay
HC, Hogan AE, editors. Handbook of disruptive behaviour disorders. New-York: Kluwer Academic/Plenum Publishers; 1999. p.
397—417.
[29] Burgess KB, Marshall PJ, Rubin KH, et al. Infant attachment
and temperament as predictors of subsequent externalizing
problems and cardiac physiology. J Child Psychol Psychiatry
2003;44(6):819—31.
[30] Salvas MC, Goeffroy MC, Vitaro F, et al. Associations entre les
facteurs de risque maternels et l’agressivité physique chez les
jeunes enfants. Devenir 2007;19(4):313—25.
[31] McDonough SC. Promoting positive early parent-infant relationships through interaction guidance. Child Adolesc Psychiatr Clin
N Am 1995;4(3):661—72.
Téléchargement