L’Encéphale
(2012)
38,
288—295
D
i
spo
nible
en
ligne
sur
www.sciencedirect.com
j
o
ur
nal
homepage:
www.em-consulte.com/produit/ENCEP
MÉMOIRE
ORIGINAL
Étude
PerCaDim
:
relations
entre
approches
dimensionnelle
et
catégorielle
de
la
personnalité
PerCaDim
study:
Relationship
between
categorical
and
dimensional
approaches
of
personality
M.
Bricauda,,
B.
Calvetb,c,
F.
Viébanb,c,
A.
Prado-Jeanc,
J.-P.
Clémentb,c
aPôle
de
territoire,
pôle
de
psychogériatrie,
centre
hospitalier
Esquirol,
15,
rue
du
Dr-Marcland,
87025
Limoges
cedex,
France
bFédération
hospitalo-universitaire,
pôle
de
psychogériatrie,
centre
hospitalier
Esquirol,
15,
rue
du
Dr-Marcland,
87025
Limoges
cedex,
France
cCentre
mémoire
de
ressources
et
de
recherche,
centre
hospitalier
Esquirol,
15,
rue
du
Dr-Marcland,
87025
Limoges
cedex,
France
Rec¸u
le
14
septembre
2010
;
accepté
le
16
juin
2011
Disponible
sur
Internet
le
26
octobre
2011
MOTS
CLÉS
Troubles
de
la
personnalité
;
Inventaire
de
personnalité
;
Tempérament
;
Caractère
Résumé
La
personnalité
et
ses
troubles
font
l’objet
de
nombreuses
études
tant
en
philo-
sophie,
en
psychologie
qu’en
médecine.
En
vertu
du
principe
selon
lequel
«
connaître,
c’est
classer
»,
la
nosographie
actuelle
accorde
la
préférence
aux
classifications
catégorielles.
Une
seconde
approche,
dimensionnelle,
peut
également
être
envisagée.
Supportée
par
le
modèle
psychobiologique
de
Cloninger,
elle
renvoie
à
des
dimensions
du
tempérament
(recherche
de
nouveauté,
dépendance
à
la
récompense,
évitement
du
danger
et
persistance)
et
du
carac-
tère
(autodétermination,
coopération
et
transcendance).
Ces
deux
approches
dimensionnelle
et
catégorielle
ne
paraissant
pas
antinomiques,
il
est
apparu
nécessaire
d’engager
des
travaux
de
recherche
destinés
à
vérifier
l’hypothèse
de
corrélations
entre
elles.
L’étude
PerCaDim
a
porté
sur
111
sujets
soumis
à
la
passation
de
deux
autoquestionnaires
:
le
VKP
(Duijsens
et
al.,
1993
[15,16])
qui
évalue
la
personnalité
selon
une
approche
catégorielle
et
le
TCI-125
(Cloninger
et
al.,
1993
[9])
qui
étudie
le
tempérament
et
le
caractère
selon
une
approche
dimensionnelle.
Les
résultats
laissent
apparaître
qu’il
existe
des
relations
significatives
entre
dimensions
tem-
péramentales
et
du
caractère
et
troubles
de
la
personnalité.
Ce
lien
pourrait
permettre
de
dépister
ou
prévenir
un
trouble
de
la
personnalité
selon
ce
modèle
psychobiologique
et
de
proposer
une
prise
en
charge
précoce
des
sujets
aux
profils
de
personnalité
pathologiques.
©
L’Encéphale,
Paris,
2011.
Auteur
correspondant.
Hôpital
de
Jour
psychogériatrique,
centre
hospitalier
Esquirol,
8,
avenue
Georges-Sand,
87190
Magnac-Laval,
France.
Adresse
e-mail
:
(M.
Bricaud).
0013-7006/$
see
front
matter
©
L’Encéphale,
Paris,
2011.
doi:10.1016/j.encep.2011.08.001
Relations
entre
approches
dimensionnelle
et
catégorielle
de
la
personnalité
289
KEYWORDS
Personality
disorders;
Personality
inventory;
Temperament;
Character
Summary
Purpose.
Personality
and
its
disorders
have
been
the
subject
of
many
studies
in
philosophy,
psychology
or
medicine.
Current
nosology
gives
preference
to
categorical
classifications,
but
a
dimensional
approach
may
also
be
considered.
Supported
by
Cloninger’s
psychobiological
model,
it
refers
to
concepts
of
temperament
(novelty
seeking,
reward
dependence,
harm
avoidance
and
persistence)
and
character
dimensions
(self-directedness,
cooperativeness
and
self-transcendence).
Categorical
and
dimensional
approaches
do
not
appear
antinomic,
and
the
PerCaDim
study
tries
to
verify
the
hypothesis
of
correlations
existing
between
them.
Subjects
and
methods.
One
hundred
and
eleven
patients
completed
two
personality
inven-
tories.
The
dimensional
approach
was
assessed
using
the
TCI-125
(short
version
of
the
Temperament
and
Character
Inventory)
(Cloninger
et
al.,
1993
[9]),
which
includes
four
dimen-
sions
of
temperament
and
three
dimensions
of
character.
The
categorical
approach
was
assessed
using
Vragenlijst
Kenmerken
voor
van
de
Persoonlijkheid
(VKP)
(Duijsens
et
al.,
1993
[15,16]),
which
defines
personality
disorders
according
to
DSM
III-R
(APA,
1987
[1]).
Results.
The
PerCaDim
study
reveals
significant
relationships
between
the
dimensions
of
tem-
perament
and
character
and
personality
disorders.
For
dimensions
of
temperament:
novelty
seeking
is
correlated
negatively
with
schizoid
personality
and
positively
with
antisocial,
border-
line,
histrionic,
narcissistic
and
sadistic
personalities.
Ten
out
of
13
personalities
from
DSM
III-R
are
positively
correlated
with
harm
avoidance.
Cluster
A
and
obsessive-compulsive
personality
disorders
have
negative
correlations
with
reward
dependence,
whereas
five
pathological
perso-
nalities
have
positive
correlations
with
persistence.
For
dimensions
of
character:
all
personality
disorders
are
negatively
correlated
with
self-directedness.
Cooperativeness
is
negatively
corre-
lated
with
six
personality
disorders.
Among
the
dimensions
of
character,
only
self-transcendence
has
positive
correlations
with
personality
disorders.
Discussion.
The
PerCaDim
study
highlights
various
relationships
between
dimensional
and
categorical
approaches
of
personality.
It
shows
negative
correlations
between
reward
depen-
dence
and
cluster
A
personality
disorders,
positive
correlations
between
novelty
seeking
and
cluster
B
personality
disorders
and
between
harm
avoidance
and
cluster
C
personality
disorders.
Self-directedness
and
cooperativeness
character’s
dimensions
seem
to
reflect
the
subject’s
adaptation,
because
negative
correlations
were
found
with
all
personality
disorders.
It
may
be
surprising
that
correlations
appear
positive
between
self-transcendence
dimension
and
12
personality
disorders.
This
result
is
not
striking
for
‘‘psychotic’’
personalities,
but
may
be
questionable
for
other
personalities.
Conclusion.
These
results
confirm
previous
findings
that
Cloninger’s
dimensions
can
objectify
personality
disorders.
Few
dimensions
of
the
Temperament
and
Character
Inventory
can
be
considered
as
vulnerability
factors.
The
use
of
the
Temperament
and
Character
Inventory
will
most
certainly
be
of
good
help
in
the
future
to
detect
or
prevent
a
personality
disorder
in
some
subjects
at
risk.
©
L’Encéphale,
Paris,
2011.
Introduction
Entité
complexe
et
unique,
la
personnalité
est
un
système
dynamique,
organisé,
qui
résulte
de
l’interaction
perma-
nente
entre
l’individu
lui-même
et
son
environnement.
En
psychiatrie,
l’évaluation
de
la
personnalité
est
d’un
intérêt
certain
pour
étayer
les
hypothèses
étiologiques,
diagnostiques
et
orienter
la
thérapeutique.
En
effet,
une
telle
évaluation
peut
permettre
de
mieux
appréhender
les
réactions
d’un
sujet
face
à
une
situation
donnée,
face
à
sa
maladie
et
au
traitement
instauré.
Selon
Cloninger
et
al.
[9],
deux
composantes
participent
à
la
constitu-
tion
de
la
personnalité
:
le
tempérament,
inné,
qui
est
l’expression
de
facteurs
biologiques
(génétiques
et
physiolo-
giques)
constitutifs
du
sujet
dès
le
début
de
son
existence,
et
le
caractère,
acquis,
qui
est
le
résultat
des
apprentis-
sages
et
de
l’histoire
relationnelle
du
sujet,
soumis
aux
effets
de
l’environnement.
La
personnalité
et
ses
troubles
peuvent
être
envisagés
sous
deux
formes
d’approches
dif-
férentes.
D’une
part,
l’approche
catégorielle
envisage
les
phénomènes
psychiques
comme
des
catégories
distinctes
et
s’appuie
sur
le
modèle
syndromique,
définissant
plusieurs
types
de
troubles
de
la
personnalité
décrits
dans
les
deux
classifications
internationales
actuelles
qui
sont
la
CIM-10
[22]
et
le
DSM
IV-TR
[3].
Le
diagnostic
de
trouble
de
la
per-
sonnalité
est
posé
lorsque
certains
critères
diagnostiques
spécifiques
à
chaque
trouble
de
la
personnalité
sont
pré-
sents
(au
moins
trois
critères
pour
la
CIM-10
et
de
deux
à
cinq
pour
le
DSM
IV-TR).
D’autre
part,
l’approche
dimen-
sionnelle
consiste
à
caractériser
la
personnalité
d’un
sujet
selon
un
répertoire
de
dimensions
quantifiables
du
nor-
mal
au
pathologique.
Est-il
possible
d’établir
une
relation
entre
les
différentes
dimensions
de
la
personnalité
d’un
sujet
(approche
dimensionnelle)
et
le
trouble
de
personna-
lité
qu’il
présente
(approche
catégorielle)
?
Quelques
études
ont
démontré
une
corrélation
entre
les
dix
troubles
de
la
290
M.
Bricaud
et
al.
personnalité
du
DSM-IV
[2]
et
les
traits
de
personnalité
retrouvés
à
l’aide
de
différents
modèles
dimensionnels.
Svrakic
et
al.
[29]
retrouvent
cette
corrélation
avec
le
modèle
de
Cloninger
et
mettent
en
évidence
que
des
scores
bas
aux
dimensions
de
caractère
autodétermination
et
coopération
sont
corrélés
à
n’importe
quel
trouble
de
la
personnalité.
Pukrop
et
al.
[26]
ont
confirmé
un
lien
entre
quatre
des
18
traits
dimensionnels
du
modèle
à
18
facteurs
de
Livesley
[19]
(labilité
émotionnelle,
comportement
dys-
social,
compulsivité
et
inhibition)
et
les
troubles
de
la
personnalité
du
DSM-IV.
Pour
Saulsman
et
Page
[28],
qui
ont
recherché
des
relations
entre
troubles
de
la
personna-
lité
du
DSM-IV
et
dimensions
du
Big
Five
[12],
l’ensemble
des
troubles
de
la
personnalité
est
associé
positivement
au
névrosisme
et
négativement
à
l’agréabilité
tandis
que
l’extraversion
et
la
consciencieusité
sont
des
dimensions
propres
à
certaines
catégories
de
troubles
de
la
person-
nalité.
Bagby
et
al.
[4]
ont
réalisé
la
seule
étude
dans
la
population
générale
permettant
de
corréler
les
traits
de
per-
sonnalité
de
trois
modèles
dimensionnels
(modèles
à
cinq
facteurs
de
Costa
et
McCrae
[13],
à
sept
facteurs
de
Clo-
ninger
et
al.
[10]
et
à
18
facteurs
de
Livesley
[19,20])
aux
troubles
de
la
personnalité
du
DSM-IV.
Ils
retrouvent
que
la
plupart
des
dimensions
étudiées
dans
chacun
des
trois
modèles
est
corrélée
de
fac¸on
significative
aux
troubles
de
la
personnalité.
Une
étude
réalisée
en
Italie
[14]
met
en
évidence
une
combinaison
unique
de
trois
dimensions
qui
semble
être
associée
à
un
haut
risque
de
schizoty-
pie.
Il
s’agit
d’un
niveau
élevé
de
transcendance
et
d’un
niveau
bas
d’autodétermination
et
de
coopération.
Selon
eux,
l’évitement
du
danger
serait
un
indicateur
non
spé-
cifique
de
troubles
de
la
personnalité
et
la
transcendance
serait
la
dimension
de
caractère
la
plus
prédictive
de
la
psychose.
Si
la
personnalité
est
considérée
comme
l’ensemble
des
éléments
qui
caractérisent
le
fonctionnement
mental
de
l’individu,
elle
s’inscrit
à
un
niveau
ou
à
un
autre
dans
les
processus
biologiques.
Parmi
les
éléments
constitu-
tifs
de
la
personnalité,
c’est
le
tempérament
qui
évoque
d’emblée
l’aspect
héréditaire
ainsi
que
les
corrélats
biolo-
giques
liés
au
comportement,
aux
affects
et
aux
émotions
[27].
Cloninger
est
l’un
des
auteurs
ayant
pris
en
compte
des
données
génétiques
et
neurobiologiques
pour
l’utilisation
de
son
modèle
biosocial
de
la
personnalité
[8,18]
dont
les
différents
systèmes
d’activation
et
d’inhibition
comporte-
mentales
sont
:
le
système
dopaminergique
:
la
recherche
de
nouveauté
est
décrite
comme
étant
la
tendance
à
répondre
par
l’excitation
à
des
stimuli
nouveaux.
Au
niveau
du
sys-
tème
nerveux
central,
ce
type
de
comportement
active
essentiellement
les
circuits
contrôlés
par
les
neurones
dopaminergiques
du
mésencéphale.
Les
sujets
chez
qui
cette
dimension
est
très
élevée
auraient
un
taux
de
base
faible
de
dopamine
par
un
phénomène
de
recapture
trop
importante
par
les
neurones
pré-synaptiques
limitant
ainsi
la
quantité
de
dopamine
au
niveau
postsynaptique
;
le
système
sérotoninergique
:
l’évitement
du
danger
cor-
respond
à
une
réponse
d’inhibition
plus
ou
moins
intense
à
des
stimuli
pour
éviter
les
punitions,
la
nouveauté
et
les
frustrations.
Le
système
neurobiologique
associé
est
celui
de
la
sérotonine.
Un
score
élevé
à
cette
dimension
traduirait
une
production
et
une
libération
importantes
de
sérotonine
au
niveau
des
neurones
présynaptiques
avec,
en
conséquence,
une
diminution
du
nombre
de
récepteurs
postsynaptiques
à
des
fins
de
régulation
de
l’excitation
;
le
système
noradrénergique
:
la
noradrénaline
serait
le
neuromédiateur
de
la
dimension
dépendance
à
la
récom-
pense.
Un
score
élevé
à
cette
dimension
serait
associé
à
un
taux
de
base
faible
de
noradrénaline.
L’étude
PerCaDim
compare
deux
approches
de
la
person-
nalité
et
tente
donc
aussi
de
vérifier
l’existence
de
relations
entre
les
profils
catégoriels
et
les
dimensions
de
tempéra-
ment
et
de
caractère
de
la
personnalité.
Méthode
Cette
étude
descriptive
a
été
réalisée
au
sein
du
centre
hospitalier
Esquirol
de
Limoges.
Cent
onze
sujets
ont
été
recrutés
sur
une
période
de
deux
mois.
Cette
population
comportait
des
sujets
«
malades
»
hospitalisés
(n
=
87)
et
des
sujets
«
non
malades
»
(n
=
24)
comprenant
des
membres
de
leur
famille
(n
=
6)
et
des
membres
du
personnel
soi-
gnant
(n
=
18).
L’échantillon
total
est
représenté
par
40,5
%
d’hommes
et
59,5
%
de
femmes
avec
une
moyenne
d’âge
de
44,6
±
12,2
ans
(Tableau
1).
Les
sujets
inclus
ont
tous
donné
leur
consentement,
étaient
aptes
sur
le
plan
intellectuel
à
être
évalués
par
autoquestionnaires
et
ne
présentaient
plus
de
troubles
psychiatriques
aigus
sur
l’axe
I
de
la
CIM-10.
Les
sujets
recrutés
remplissaient
deux
autoquestionnaires
:
le
questionnaire
VKP
(Vragenlijst
voor
Kenmerken
van
de
Persoonlijkheid)
[15—17]
qui
étudie
la
personnalité
selon
une
approche
catégorielle
objectivant
des
troubles
de
la
personnalité
et
le
questionnaire
Temperament
and
Charac-
ter
Inventory
(TCI)
[10]
qui
l’évalue
selon
une
approche
dimensionnelle
de
tempérament
et
de
caractère.
Le
ques-
tionnaire
VKP
étudie
le
profil
de
personnalité
du
sujet
de
fac¸on
qualitative
et
quantitative.
Il
correspond,
sous
forme
d’autoquestionnaire,
à
l’entretien
semi-structuré
Interna-
tional
Personality
Disorders
Examination
(IPDE)
de
Loranger
et
al.
[21]
et
a
été
validé
en
franc¸ais
[6]
à
partir
des
critères
du
DSM
III-R
[1]
et
de
la
CIM-10.
Les
diagnostics
catégo-
riels
obtenus
à
ce
questionnaire
étaient
en
adéquation
avec
les
diagnostics
cliniques
posés
par
les
médecins
prenant
en
charge
ces
patients.
Le
questionnaire
TCI-226
a
été
conc¸u
par
Cloninger
et
al.
[8,9]
et
validé
en
franc¸ais
par
Pélis-
solo
et
Lépine
[24,25]
dans
sa
version
initiale
(longue
à
226
items)
et
par
Chakroun-Vinciguerra
et
al.
[7]
dans
sa
version
courte
à
125
items
(TCI-125).
Les
études
de
valida-
tion
franc¸aise
du
TCI-226
mettent
en
évidence
des
qualités
métrologiques
satisfaisantes,
tout
comme
dans
sa
version
originale.
Après
analyse
factorielle
du
TCI-125,
il
s’avère
que
cette
version
abrégée
évalue
bien
les
sept
dimensions
de
la
personnalité
inventoriées
dans
le
TCI-226.
Elle
a
l’avantage,
par
rapport
à
la
version
originale,
de
limiter
la
durée
de
pas-
sation
tout
en
ayant
de
bonnes
qualités
psychométriques
et
permet
une
approche
en
sept
dimensions
de
la
person-
nalité
:
quatre
pour
le
tempérament
avec
la
recherche
de
nouveauté
[RN],
l’évitement
du
danger
[ED],
la
dépendance
à
la
récompense
[DR]
et
la
persistance
[P]
;
et
trois
pour
le
Relations
entre
approches
dimensionnelle
et
catégorielle
de
la
personnalité
291
Tableau
1
Données
descriptives
de
l’échantillon
étudié
et
des
différents
sous-groupes
de
sujets.
Sujets
«
malades
»
(n
=
87) Sujets
«
non
malades
»
(n
=
24)
Population
totale
Famille
patients
(n
=
6)
Personnels
soignants
(n
=
18)
(n
=
111)
Hommes/Femmes 39/48 6/18 45/66
2/4
4/14
Âge
moyen
(ans) 44,7
±
12,4 44,5
±
11,4 44,6
±
12,2
±
écart-type 53,6
±
8,7 41,4
±
10,7
caractère
avec
l’autodétermination
[D],
la
coopération
[C]
et
la
transcendance
[T].
Le
questionnaire
VKP
a
été
comparé
au
TCI
en
recher-
chant
l’existence
de
corrélations
entre
les
scores
obtenus
au
VKP
pour
chaque
personnalité
et
les
scores
obtenus
au
TCI
pour
chaque
dimension
de
tempérament
et
de
caractère.
L’analyse
statistique
a
été
effectuée
en
utilisant
le
coeffi-
cient
de
rangs
de
Spearman
(rho
corrigé).
Toutes
les
données
ont
été
exploitées
à
l’aide
du
logiciel
de
statistique
SPSS
17.0
(SPSS
Inc.,
Chicago,
IL).
Le
seuil
de
significativité
retenu
est
p
<
0,05.
Résultats
Sur
cette
population
de
111
personnes,
toutes
les
caté-
gories
des
troubles
de
la
personnalité
sont
représentées
(Tableau
2).
Ils
ne
sont
présents
que
dans
le
sous-groupe
de
patients
(n
=
87),
traduisant
bien
l’importante
prévalence
de
ces
comorbidités
chez
les
sujets
hospitalisés.
Il
existe
une
corrélation
entre
certaines
personnalités
pathologiques
du
DSM
III-R
et
certaines
dimensions
tem-
péramentales,
mais
la
puissance
statistique
est
souvent
assez
modérée
(Tableau
3).
La
dimension
recherche
de
nou-
veauté
est
positivement
corrélée,
de
fac¸on
statistiquement
significative,
aux
personnalités
antisociale,
borderline,
his-
trionique,
narcissique
et
sadique,
la
corrélation
la
plus
significative
étant
recherche
de
nouveauté-personnalité
antisociale.
La
recherche
de
nouveauté
est
corrélée
négati-
vement
à
la
personnalité
schizoïde.
La
dimension
évitement
du
danger
est
significativement
corrélée,
de
fac¸on
positive,
à
11
des
14
troubles
de
la
personnalité
du
DSM
III-R.
Les
trois
personnalités
dont
la
corrélation
n’est
pas
significative
sont
les
personnalités
antisociale,
narcissique
et
sadique.
Les
personnalités
évitante
et
dépendante
ont
la
significativité
la
plus
importante
pour
cette
dimension
tempéramentale.
La
dimension
dépendance
à
la
récompense
est,
quant
à
elle,
la
seule
dimension
tempéramentale
dont
les
corré-
lations
significatives
sont
toutes
négatives
et
concernent
les
personnalités
paranoïaque,
schizoïde,
schizotypique
et
obsessionnelle-compulsive.
La
dimension
persistance
est
corrélée
positivement
aux
personnalités
schizoïde,
schi-
zotypique,
histrionique,
obsessionnelle-compulsive
et
à
conduite
d’échec.
La
significativité
la
plus
forte
concerne
la
personnalité
obsessionnelle-compulsive.
D’une
manière
générale,
les
dimensions
de
caractère
sont
corrélées
de
fac¸on
très
significative
aux
troubles
de
la
personnalité
(Tableau
2).
L’autodétermination
est
corrélée
de
fac¸on
négative
aux
14
troubles
de
la
personnalité,
la
corrélation
étant
relativement
forte
pour
la
personnalité
borderline.
Une
corrélation
négative
est
retrouvée
entre
la
dimension
coopération
et
les
personnalités
paranoïaque,
antisociale,
histrionique,
narcissique,
passive-agressive
et
sadique.
La
corrélation
la
plus
significative
concerne
la
personnalité
sadique.
La
dimension
transcendance
est
corrélée
positive-
ment
avec
toutes
les
personnalités
(exceptée
la
personnalité
sadique)
avec
une
meilleure
significativité
pour
les
person-
nalités
paranoïaque,
borderline,
histrionique
et
à
conduite
d’échec.
Discussion
En
analysant
les
relations
des
valeurs
quantitatives
entre
VKP
et
TCI,
les
différences
significatives
obtenues
per-
mettent
plusieurs
interprétations.
Le
niveau
d’évitement
du
danger
est
d’autant
plus
élevé
que
le
trouble
de
la
person-
nalité
est
marqué.
Cette
corrélation
positive
s’applique
aux
personnalités
des
clusters
A
et
C
ainsi
qu’aux
personnalités
borderline,
passive-agressive,
à
conduite
d’échec
et
histrio-
nique.
Elle
est
surtout
vraie
pour
les
personnalités
évitante
et
dépendante
(sujets
considérés
comme
étant
anxieux
et
craintifs).
La
dimension
tempéramentale
recherche
de
nouveauté
est
retrouvée
corrélée
positivement
aux
person-
nalités
du
cluster
B
et
à
la
personnalité
sadique.
C’est
la
personnalité
antisociale
qui
a
le
plus
de
significativité
:
ces
individus
sont
décrits
comme
étant
impulsifs,
explorateurs.
Seule
la
personnalité
schizoïde
est
corrélée
négativement
à
la
dimension
recherche
de
nouveauté.
Ces
sujets
décrits
comme
solitaires,
ne
recherchant
pas
le
contact
avec
autrui,
auraient
une
recherche
de
nouveauté
d’autant
plus
faible
que
le
trouble
est
sévère,
ce
qui
signifie
que
plus
le
sujet
pré-
sente
un
niveau
élevé
de
recherche
de
nouveauté,
moins
le
diagnostic
de
personnalité
schizoïde
est
vraisemblable.
Les
personnalités
du
cluster
A
et
la
personnalité
obsessionnelle-
compulsive
seraient
moins
dépendantes
à
la
récompense
que
les
autres,
c’est-à-dire
moins
ambitieuses,
moins
sen-
timentales,
plus
détachées.
Une
corrélation
positive
est
objectivée
entre
la
dimension
persistance
et
les
per-
sonnalités
obsessionnelle-compulsive,
à
conduite
d’échec,
schizoïde,
schizotypique
et
histrionique.
L’étude
confirme
que
la
personnalité
obsessionnelle-compulsive,
reflétant
une
préoccupation
pour
l’ordre
et
un
perfectionnisme,
est
la
personnalité
la
plus
corrélée
à
la
dimension
persistance,
c’est-à-dire
que
le
sujet
a
une
capacité
importante
à
per-
sévérer
dans
un
comportement
malgré
les
conséquences
possibles
de
celui-ci.
L’étude
objective
une
corrélation
négative
entre
13
troubles
de
la
personnalité
et
le
niveau
d’autodétermination
avec
une
forte
significativité,
excepté
pour
les
personnalités
schizoïde
et
sadique.
Ce
résultat
n’est
292
M.
Bricaud
et
al.
Tableau
2
Fréquence
des
différents
troubles
de
la
personnalité
retrouvés
dans
la
population
étudiée.
Personnalités
par
szd
szt
asl
bdl
his
nar
évt
dpn
o-c
p-a
sad
Pourcentage
(nombre
absolu)
18,9
(21)
11,7
(13)
13,5
(15)
2,7
(3)
32,4
(36)
16,2
(18)
6,3
(7)
34,2
(38)
23,4
(26)
9
(10)
9,9
(11)
2,7
(3)
11,7
(13)
par
:
paranoïaque
;
szd
:
schizoïde
;
szt
:
schizotypique
;
asl
:
antisocial
;
bdl
:
borderline
;
his
:
histrionique
;
nar
:
narcissique
;
évt
:
évitante
;
dpn
:
dépendante
;
o-c
:
obsessionnelle-
compulsive
;
p-a
:
passive-agressive
;
sad
:
sadique
;
:
à
conduite
d’échec
(valeurs
absolues
identiques
entre
population
totale
et
sous-groupe
des
patients)
pas
surprenant
puisque
les
sujets
ayant
un
trouble
de
la
personnalité
présentent
généralement
une
immaturité
indi-
viduelle
avec
des
difficultés
d’adaptation
de
comportement
selon
leurs
propres
valeurs.
L’intensité
de
la
corrélation
est
la
plus
forte
pour
la
personnalité
borderline.
Cela
se
jus-
tifie
puisque
le
sujet
borderline
est
plutôt
décrit
comme
ressentant
un
sentiment
de
vide
permanent,
une
incerti-
tude
concernant
l’image
de
soi
et
développant
des
relations
instables.
La
dimension
coopération
est
corrélée
de
fac¸on
néga-
tive
aux
personnalités
sadique,
antisociale,
histrionique,
narcissique,
passive-agressive
et
paranoïaque.
Seule
la
personnalité
sadique
y
est
corrélée
de
fac¸on
hautement
significative
mais
avec
une
intensité
moyenne.
Un
sujet
sadique
aurait
donc
une
maturité
sociale
moins
dévelop-
pée
que
les
autres.
Ce
résultat
n’est
pas
surprenant
étant
donné
que
ces
sujets,
qui
prennent
plaisir
aux
souffrances
des
autres,
ne
sont
ni
empathiques,
ni
solidaires,
ni
tolé-
rants
envers
autrui.
Il
est
assez
surprenant
de
constater
que
tous
les
troubles
de
la
personnalité
(hormis
la
personnalité
sadique)
sont
corrélés
de
fac¸on
positive
à
la
dimension
trans-
cendance,
qui
correspond
à
la
maturité
spirituelle.
Cette
dimension
de
caractère
ne
peut
donc
pas
être
attribuée
ici
à
une
personnalité
en
particulier.
Ce
résultat
signifie
que
plus
le
sujet
a
une
maturité
spirituelle
développée,
plus
il
a
de
risque
de
présenter
un
trouble
de
la
personnalité
quel
qu’il
soit.
Or,
nous
pouvons
penser
que
cette
corré-
lation
s’applique
surtout
aux
personnalités
«psychotiques
»
(cluster
A)
comme
en
témoigne
la
forte
corrélation
positive
avec
la
personnalité
paranoïaque,
ce
qui
paraît
cohérent
au
regard
de
la
psychopathologie
de
ce
trouble
de
la
person-
nalité
puisque
ces
sujets
ont
plutôt
tendance
à
développer
des
délires.
Si
nous
comparons
les
résultats
de
l’étude
PerCaDim,
pre-
mière
étude
portant
sur
une
population
franc¸aise,
à
ceux
de
la
littérature
internationale,
nous
retrouvons
globale-
ment
des
résultats
similaires.
Dans
leur
étude,
Daneluzzo
et
al.
[14]
avaient
mis
en
évidence
une
corrélation
posi-
tive
entre
la
personnalité
schizotypique
et
la
transcendance
ainsi
qu’une
corrélation
négative
avec
l’autodétermination
et
la
coopération.
Selon
Cloninger
et
al.
[9]
et
Bayon
et
al.
[5],
la
prédisposition
à
la
psychose
se
retrouve
bien
dans
cette
association.
Notre
étude
confirme
le
niveau
élevé
de
transcendance
et
le
niveau
bas
d’autodétermination
pour
les
personnalités
du
cluster
A
mais
ces
deux
dimensions
sont
corrélées
à
la
plupart
des
troubles
de
la
personnalité.
En
revanche,
elle
ne
retrouve
pas
de
significativité
pour
la
dimension
coopération.
L’étude
PerCaDim
confirme
égale-
ment
la
valeur
indicatrice
de
la
dimension
évitement
du
danger
qui
est
élevée
dans
les
troubles
de
la
personnalité,
sans
qu’elle
soit
spécifique
à
l’un
d’eux.
D’après
plusieurs
auteurs
[26,28,29],
des
scores
bas
aux
dimensions
de
carac-
tère
autodétermination
et
coopération
se
retrouvent
dans
n’importe
quel
trouble
de
la
personnalité.
Cela
est
confirmé
dans
l’étude
PerCaDim
uniquement
pour
la
dimension
auto-
détermination.
Si
nous
confrontons
nos
résultats
à
ceux
de
l’étude
canadienne
de
Bagby
et
al.
[4],
aucune
concordance
exacte
n’est
retrouvée.
Il
faut
rappeler
que
ces
auteurs
ont
corrélé
les
dimensions
du
TCI
aux
dix
troubles
de
la
per-
sonnalité
du
DSM-IV
et
ont
retrouvé
une
corrélation
entre
recherche
de
nouveauté,
évitement
du
danger,
autodéter-
mination,
transcendance,
coopération
et
au
moins
huit
des
1 / 8 100%