congrès congrès Écho des congrès IV

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ACTUALITÉ PSY OCTOBRE
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congrès congrès
Écho des congrès
IVth European Congress on Personality Disorders :
New Trends in Personality Disorders
Paris, 21–24 juin 2000
A.M. Pezous*
Personnalité
et stabilité
dans le temps
C
’est dans un hôpital européen flambant neuf (hôpital
européen Georges Pompidou) et en train de procéder
aux dernières mises au point avant son ouverture au public
que s’est tenu, en juin dernier, le 4e Congrès européen sur
les troubles de la personnalité, organisé conjointement par
l’ISSPD (International Society for the Study of Personality
Disorders) et l’AFERTP (Association française pour l’étude et
la recherche sur les troubles de la personnalité).
Bien que dissociée, dans les classifications diagnostiques
actuelles, des troubles psychiatriques en cours d’évolution
(axe I), la personnalité semble interagir avec eux comme
facteur de vulnérabilité de leur développement, élément
pronostique et donnée à prendre en compte dans leur prise
en charge thérapeutique, les limites entre axe I et II nécessitant, sur certains points, une définition permanente.
Diversité des modalités d’approche, problèmes d’évaluation diagnostique, aspects cliniques et thérapeutiques,
comorbité, tempérament et génétique, attachement et
aspects développementaux, le congrès a été l’occasion
d’entendre s’exprimer, sur le thème de la personnalité, des
spécialistes de domaines divers et complémentaires.
Le terme de personnalité,
qu’elle soit normale ou
pathologique, sousentend une notion de stabilité dans le temps de
caractéristique de fonctionnement chez un même
sujet, parfois même un
certain nombre de modalités organisationnelles
repérables au-delà des
différences culturelles et
de civilisation. Chez un
individu donné, certains
traits peuvent cependant
être exacerbés ou modifiés par un état pathologique actuel, un épisode
dépressif, par exemple, ou
par la survenue d’un événement particulièrement
traumatique.
L’étude rétrospective de
Hristova-Ivanova ne confirme qu’une
minorité de diagnostics de troubles de la
personnalité, portés douze ans plus tôt
chez des appelés, les conditions stressantes rencontrées au cours du service
militaire pouvant, selon cet auteur, accentuer certains traits de personnalité chez
* Service du Pr Lépine, groupe hospitalier
Lariboisière-Fernand-Widal,
Assistance publique-hôpitaux de Paris.
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (17) n° 8, octobre 2000
les sujets ayant une capacité adaptive
réduite. P. Tyrer, qui réévalue, douze ans
plus tard, 210 patients inclus dans un
essai clinique avec le PAS (Personality
Assessment Schedule), montre, quant à
lui, que la stabilité dans le temps pourrait
varier selon les clusters, certains tendant
à s’améliorer, d’autres à s’aggraver
c o m m e , p a r exe m p l e , l e c l u s t e r
bizarre/excentrique. Il conclut que la persistance au long cours des caractéristiques psychologiques doit être une exigence relative et non absolue pour le
diagnostic de trouble de la personnalité.
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Il semblerait aussi que
l’évolution sociale, en
particulier la perte de certains repères stables,
l’évolution des structures
familiales, les changements rapides, puissent
induire des modifications
de la prévalance de certains traits pathologiques,
comme, par exemple,
l’expression de l’impulsivité, et de ce fait augmenter la prévalance des
troubles de la personnalité
caractérisés par ces traits.
Comorbidité ou
“recouvrement”
De nombreux traits de
personnalité semblent
prédisposer à certains
t r o u bl e s d e l ’ a xe I .
Concernant les troubles
de la personnalité, on
note des comorbidités
fréquentes qui posent deux types de difficultés : des critères diagnostiques parfois communs, des entités nosographiques difficiles à différencier.
Pour illustrer le premier aspect, nous citerons le trouble borderline de la personnalité, qui présente toujours autant d’attrait si l’on en juge par le nombre de
communications qui lui sont consacrées,
attrait controversé par les problèmes de
fidélité et de reproductibilité de ce diagnostic. Les comorbidités entre troubles
borderline de la personnalité et diagnostics de l’axe I (troubles de l’humeur,
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pathologies addictives au sens large…)
sont nombreuses, or certains comportements impliqués dans ces troubles sont
directement retenus comme critères diagnostiques de ce trouble de la personnalité. Les défenseurs d’une approche
dimensionnelle (modèle à cinq facteurs
ou modèle neurobiologique en sept facteurs de Cloninger) arguent que certains
traits pourraient constituer, au sein même
de personnalités normales, des facteurs
de vulnérabilité pour certaines psychopathologies. L’approche catégorielle
serait donc, selon eux, réductrice, car elle
ne permettrait pas d’appréhender ces
traits particuliers ou certaines singularités d’associations de traits, pouvant
constituer un déterminant décisif de nombreux types de psychopathologies. De
plus, l’approche dimensionnelle se prête
mieux aux approches neurobiologiques,
génétiques ou familiales en train de se
développer.
Le deuxième aspect, celui du recouvrement de zones diagnostiques ou de l’incertitude d’appartenance de ces zones à
l’axe I ou II, est bien illustré par la proximité entre personnalité évitante et phobie sociale généralisée, diagnostics extrêmement proches. La difficile scission
entre axe I et II a généré le diagnostic de
syndrome névrotique général (P. Tyrer),
entité coaxiale qui se définit (selon lui)
par :
– deux ou plus des troubles névrotiques
habituels (agoraphobie, phobie sociale,
trouble panique, dépression non psycho-
tique, anxiété généralisée et hypochondrie) ;
– des traits de personnalité dépendante
ou anankastique anormaux (actuellement
réunis sous la dénomination troubles de
la personnalité du Cluster C) ;
– un antécédent comparable chez un
parent du premier degré, ce dernier critère, fondé sur des études de jumeaux,
mettant l’accent sur les hypothèses génétiques de ce trouble.
Personnalité et tempérament
chez l’enfant
Si la personnalité se définit comme un
ensemble de modalités comportementales plus ou moins stables au cours de
la vie adulte, le tempérament fait référence, quant à lui, à des caractéristiques
constitutionnelles, constantes et
immuables et de ce fait présentes dès la
petite enfance. Le tempérament, en interaction avec l’environnement de l’individu, constitue sans doute l’un des déterminants importants de la vulnérabilité
vis-à-vis de certains troubles psychopathologiques. Peu de travaux de recherche
ont appréhendé cela à l’heure actuelle,
un préalable méthodologique consistant
dans la mise au point d’outils valides
pour évaluer le tempérament chez l’enfant. Dans cette perspective le TCI (Temperament and Charactere Inventory),
questionnaire de Cloninger, qui com-
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prend pour la version adulte quatre facteurs de tempérament (recherche de nouveauté, évitement du danger, dépendance
à la récompense, persistance) et trois facteurs de caractère (détermination, coopération, transcendance), a fait l’objet de
travaux de validation dans une population de 10-14 ans. L’une de ses versions,
le J TCI (Junior Temperament and Character Inventory) a permis de comparer
227 adolescents de 12-18 ans, suivis en
psychiatrie, à un échantillon normatif de
706 adolescents. Les adolescents avec un
trouble de la personnalité se caractérisaient, notamment, par des scores élevés
à la fois pour la recherche de nouveauté
et l’évitement du danger et des scores
faibles pour la dépendance à la récompense.
Bien d’autres aspects concernant le
développement de nouveaux outils
(MMPI-2 notamment…), les problèmes
méthodologiques de l’évaluation, les
approches génétiques et neurobiologiques ont été développés. Les prises en
charge thérapeutiques ont elles aussi fait
l’objet de débats. Si la personnalité est
centrale dans la psychopatholgie et dans
son approche clinique, elle constitue à
l’heure actuelle une thématique de
recherche extrêmement dynamique, et
les réflexions qui l’entourent joueront
sans doute un rôle tout à fait crucial dans
l’évolution de la nosographie et la compréhension des troubles psychiatriques,
c’est l’impression générale que laisse
l’ensemble de ces communications.
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