ACTUALITÉ PSY OCTOBRE 05/08/02 15:09 Page 278 congrès congrès Écho des congrès IVth European Congress on Personality Disorders : New Trends in Personality Disorders Paris, 21–24 juin 2000 A.M. Pezous* Personnalité et stabilité dans le temps C ’est dans un hôpital européen flambant neuf (hôpital européen Georges Pompidou) et en train de procéder aux dernières mises au point avant son ouverture au public que s’est tenu, en juin dernier, le 4e Congrès européen sur les troubles de la personnalité, organisé conjointement par l’ISSPD (International Society for the Study of Personality Disorders) et l’AFERTP (Association française pour l’étude et la recherche sur les troubles de la personnalité). Bien que dissociée, dans les classifications diagnostiques actuelles, des troubles psychiatriques en cours d’évolution (axe I), la personnalité semble interagir avec eux comme facteur de vulnérabilité de leur développement, élément pronostique et donnée à prendre en compte dans leur prise en charge thérapeutique, les limites entre axe I et II nécessitant, sur certains points, une définition permanente. Diversité des modalités d’approche, problèmes d’évaluation diagnostique, aspects cliniques et thérapeutiques, comorbité, tempérament et génétique, attachement et aspects développementaux, le congrès a été l’occasion d’entendre s’exprimer, sur le thème de la personnalité, des spécialistes de domaines divers et complémentaires. Le terme de personnalité, qu’elle soit normale ou pathologique, sousentend une notion de stabilité dans le temps de caractéristique de fonctionnement chez un même sujet, parfois même un certain nombre de modalités organisationnelles repérables au-delà des différences culturelles et de civilisation. Chez un individu donné, certains traits peuvent cependant être exacerbés ou modifiés par un état pathologique actuel, un épisode dépressif, par exemple, ou par la survenue d’un événement particulièrement traumatique. L’étude rétrospective de Hristova-Ivanova ne confirme qu’une minorité de diagnostics de troubles de la personnalité, portés douze ans plus tôt chez des appelés, les conditions stressantes rencontrées au cours du service militaire pouvant, selon cet auteur, accentuer certains traits de personnalité chez * Service du Pr Lépine, groupe hospitalier Lariboisière-Fernand-Widal, Assistance publique-hôpitaux de Paris. Act. Méd. Int. - Psychiatrie (17) n° 8, octobre 2000 les sujets ayant une capacité adaptive réduite. P. Tyrer, qui réévalue, douze ans plus tard, 210 patients inclus dans un essai clinique avec le PAS (Personality Assessment Schedule), montre, quant à lui, que la stabilité dans le temps pourrait varier selon les clusters, certains tendant à s’améliorer, d’autres à s’aggraver c o m m e , p a r exe m p l e , l e c l u s t e r bizarre/excentrique. Il conclut que la persistance au long cours des caractéristiques psychologiques doit être une exigence relative et non absolue pour le diagnostic de trouble de la personnalité. 278 Il semblerait aussi que l’évolution sociale, en particulier la perte de certains repères stables, l’évolution des structures familiales, les changements rapides, puissent induire des modifications de la prévalance de certains traits pathologiques, comme, par exemple, l’expression de l’impulsivité, et de ce fait augmenter la prévalance des troubles de la personnalité caractérisés par ces traits. Comorbidité ou “recouvrement” De nombreux traits de personnalité semblent prédisposer à certains t r o u bl e s d e l ’ a xe I . Concernant les troubles de la personnalité, on note des comorbidités fréquentes qui posent deux types de difficultés : des critères diagnostiques parfois communs, des entités nosographiques difficiles à différencier. Pour illustrer le premier aspect, nous citerons le trouble borderline de la personnalité, qui présente toujours autant d’attrait si l’on en juge par le nombre de communications qui lui sont consacrées, attrait controversé par les problèmes de fidélité et de reproductibilité de ce diagnostic. Les comorbidités entre troubles borderline de la personnalité et diagnostics de l’axe I (troubles de l’humeur, ACTUALITÉ PSY OCTOBRE 05/08/02 15:09 Page 279 congrès congrès Écho des congrès pathologies addictives au sens large…) sont nombreuses, or certains comportements impliqués dans ces troubles sont directement retenus comme critères diagnostiques de ce trouble de la personnalité. Les défenseurs d’une approche dimensionnelle (modèle à cinq facteurs ou modèle neurobiologique en sept facteurs de Cloninger) arguent que certains traits pourraient constituer, au sein même de personnalités normales, des facteurs de vulnérabilité pour certaines psychopathologies. L’approche catégorielle serait donc, selon eux, réductrice, car elle ne permettrait pas d’appréhender ces traits particuliers ou certaines singularités d’associations de traits, pouvant constituer un déterminant décisif de nombreux types de psychopathologies. De plus, l’approche dimensionnelle se prête mieux aux approches neurobiologiques, génétiques ou familiales en train de se développer. Le deuxième aspect, celui du recouvrement de zones diagnostiques ou de l’incertitude d’appartenance de ces zones à l’axe I ou II, est bien illustré par la proximité entre personnalité évitante et phobie sociale généralisée, diagnostics extrêmement proches. La difficile scission entre axe I et II a généré le diagnostic de syndrome névrotique général (P. Tyrer), entité coaxiale qui se définit (selon lui) par : – deux ou plus des troubles névrotiques habituels (agoraphobie, phobie sociale, trouble panique, dépression non psycho- tique, anxiété généralisée et hypochondrie) ; – des traits de personnalité dépendante ou anankastique anormaux (actuellement réunis sous la dénomination troubles de la personnalité du Cluster C) ; – un antécédent comparable chez un parent du premier degré, ce dernier critère, fondé sur des études de jumeaux, mettant l’accent sur les hypothèses génétiques de ce trouble. Personnalité et tempérament chez l’enfant Si la personnalité se définit comme un ensemble de modalités comportementales plus ou moins stables au cours de la vie adulte, le tempérament fait référence, quant à lui, à des caractéristiques constitutionnelles, constantes et immuables et de ce fait présentes dès la petite enfance. Le tempérament, en interaction avec l’environnement de l’individu, constitue sans doute l’un des déterminants importants de la vulnérabilité vis-à-vis de certains troubles psychopathologiques. Peu de travaux de recherche ont appréhendé cela à l’heure actuelle, un préalable méthodologique consistant dans la mise au point d’outils valides pour évaluer le tempérament chez l’enfant. Dans cette perspective le TCI (Temperament and Charactere Inventory), questionnaire de Cloninger, qui com- 279 prend pour la version adulte quatre facteurs de tempérament (recherche de nouveauté, évitement du danger, dépendance à la récompense, persistance) et trois facteurs de caractère (détermination, coopération, transcendance), a fait l’objet de travaux de validation dans une population de 10-14 ans. L’une de ses versions, le J TCI (Junior Temperament and Character Inventory) a permis de comparer 227 adolescents de 12-18 ans, suivis en psychiatrie, à un échantillon normatif de 706 adolescents. Les adolescents avec un trouble de la personnalité se caractérisaient, notamment, par des scores élevés à la fois pour la recherche de nouveauté et l’évitement du danger et des scores faibles pour la dépendance à la récompense. Bien d’autres aspects concernant le développement de nouveaux outils (MMPI-2 notamment…), les problèmes méthodologiques de l’évaluation, les approches génétiques et neurobiologiques ont été développés. Les prises en charge thérapeutiques ont elles aussi fait l’objet de débats. Si la personnalité est centrale dans la psychopatholgie et dans son approche clinique, elle constitue à l’heure actuelle une thématique de recherche extrêmement dynamique, et les réflexions qui l’entourent joueront sans doute un rôle tout à fait crucial dans l’évolution de la nosographie et la compréhension des troubles psychiatriques, c’est l’impression générale que laisse l’ensemble de ces communications.