Journal Identification = PNV Article Identification = 0465 Date: June 4, 2014 Time: 1:56 pm
B. Calvet, et al.
la santé, les troubles de la personnalité sont des configu-
rations (ou patterns) profondément enracinées et durables,
qui se manifestent par des réponses inflexibles à une large
gamme de situations personnelles et sociales. Ils repré-
sentent des déviations soit extrêmes, soit significatives de
la manière dont l’individu moyen, dans une culture don-
née, perc¸oit, pense, ressent et particulièrement entretient
des relations avec les autres. Ces configurations tendent
à être stables et à inclure de multiples domaines du
comportement et du fonctionnement psychologique [9].
Ces différentes définitions ont progressivement conduit
à la distinction entre catégories et dimensions de la per-
sonnalité. L’approche catégorielle consiste à classer un
individu dans des groupes pathologiques déterminés. L’axe
II du DSM IV-TR [10], le DSM-5 [11] et le chapitre F60
de la CIM10 s’inscrivent dans cette tradition catégorielle
de la démarche nosologique médicale. Les personnalités
pathologiques sont ainsi regroupées en trois clusters (A, B
et C).
Agronin et Maletta [12] identifient trois problèmes qui
pourraient expliquer les difficultés des chercheurs face aux
troubles de la personnalité chez la personne âgée : celui
d’obtenir une histoire de vie précise, celui lié aux méthodes
diagnostiques et plus exactement à l’utilisation d’entretiens
structurés, et enfin, le problème lié à l’utilisation préfé-
rentielle du DSM IV-TR comme instrument nosographique
basé sur un modèle catégoriel. La personnalité peut, par
ailleurs, évoluer avec l’âge et certains troubles peuvent res-
ter stables là où d’autres vont évoluer ; de plus, il n’est
pas exclu que les patients avec des troubles de la per-
sonnalité puissent souffrir d’une surmortalité avant 65 ans.
Ces classifications ne sont donc pas consensuelles chez
le sujet âgé [13]. La prévalence des troubles de la person-
nalité chez la personne âgée est légèrement inférieure à
celle retrouvée en population adulte jeune et ces troubles
se concentrent principalement parmi les sujets ayant des
troubles de l’humeur [14]. Il faut cependant constater la sur-
représentation des troubles «non spécifiés »du fait de la
difficulté à appliquer les critères du DSM [15]. Cette pré-
valence des troubles de la personnalité, qui décroît donc
avec l’âge, a été rapportée entre 2,8 et 13 % en popula-
tion générale âgée, entre 5 et 33 % chez les patients âgés
ambulatoires et entre 7 et 80 % chez les sujets âgés hospi-
talisés [16]. Pour Reich et al. [17], bon nombre de troubles
spécifiques de la personnalité affichent un déclin après l’âge
de 30 ans et une augmentation après l’âge de 50 ans. Les
expériences de perte favoriseraient le second constat [18].
Des changements dans la personnalité au cours
du vieillissement ont longtemps été considérés comme
mineurs et sans importance [19], mais une méta-analyse de
92 études de Roberts et al. [20] a permis de ne plus douter
de modifications significatives de la personnalité au cours
du vieillissement. Des troubles de la personnalité peuvent
ainsi se révéler au moment de décompensations anxieuses
ou dépressives tardives [21]. L’étude de ces troubles chez
les personnes âgées est difficile du fait de préjugés sociaux,
d’une perception parfois inappropriée de la vieillesse et de
l’influence des dépendances acquises ou des pertes des
fonctions liées à l’âge.
L’approche dimensionnelle consiste à décrire un indi-
vidu en fonction de scores obtenus dans un nombre
limité de dimensions fondamentales composées de dif-
férentes facettes. Les deux principaux modèles les plus
utilisés sont le «modèle à cinq facteurs »de Costa et
McCrae [22] [qui comporte l’Extraversion, le Caractère
agréable, le Caractère consciencieux, le Névrosisme et
l’Ouverture à l’expérience] et le modèle psychobiologique
de Cloninger [23] qui distingue 4 dimensions du tempé-
rament, héritées génétiquement, restant stables au cours
du développement et influencées par l’activité de struc-
tures neurobiologiques spécifiques à chacune d’entre elles
(Recherche de nouveauté [RN], Evitement du danger [ED],
Dépendance à la récompense [DR] et Persévérance [P]) et
3 dimensions du caractère considérées comme des fac-
teurs épigénétiques correspondant au degré de maturité
et d’adaptation du sujet, sous l’influence principalement
de l’environnement et de l’apprentissage (Maturité indivi-
duelle [Détermination, D], Maturité sociale [Coopération, C],
Maturité spirituelle [Transcendance, T]). Des relations entre
troubles de la personnalité et ces modèles dimensionnels
ont été mis en évidence [4, 24].
Dans cette perspective dimensionnelle de la per-
sonnalité, les modifications observables au cours du
vieillissement vont dans le sens d’une diminution de la vita-
lité sociale (ou grégarité, une des facettes de l’extraversion),
de l’extraversion et de l’ouverture à l’expérience, et dans
le sens d’une augmentation de l’agréabilité, du caractère
consciencieux et de l’évitement du danger [6, 25]. Le
devenir du nervosisme est variable (augmentation ou dimi-
nution). Steunenberg et al. [26] ont observé sa diminution
jusqu’à 70 ans, suivie d’une légère augmentation au-delà
de cet âge. En outre, la recherche de nouveauté diminue
et il existe une relative stabilité de la dépendance à la
récompense et de la persistance. Pour les processus de
maturation, il y a normalement une tendance à une aug-
mentation de la détermination et de la coopération (ou une
stabilité) tandis que la transcendance a un sort variable. Bill-
stedt et al. [27] ont comparé deux cohortes de sujets de 75
ans et plus (l’une examinée en 1976-1977, l’autre en 2005-
2006) et ont montré que la plus récente était plus extravertie
et moins apte à répondre d’une manière socialement atten-
due ; les niveaux de névrosisme restaient eux inchangés.
210 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n ◦2, juin 2014
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