Troubles de la personnalité et vieillissement

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Synthèse
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2014 ; 12 (2) : 209-17
Troubles de la personnalité et vieillissement
Personality disorders and aging
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Benjamin Calvet1,2,3
Marion PÉricaud3
Mathieu Parneix4
Magali Bricaud4
Benjamin Lavigne4
Jean-Pierre ClÉment1,2,3
1 CMRR du Limousin, Centre hospitalier
Esquirol, Limoges, France
2 Inserm UMR1094, Faculté de
médecine, Université de Limoges,
France
3
Pôle universitaire de psychiatrie de
l’adulte et de la personne âgée, Centre
hospitalier Esquirol, Limoges, France
<[email protected]>
4 Pôle de territoire, Centre hospitalier
Esquirol, Limoges, France
Tirés à part :
J.-P. Clément
Résumé. Les troubles de la personnalité ou personnalités pathologiques peuvent être définis comme des modalités durables de l’expérience vécue et des conduites qui dévient
notablement de ce qui est attendu dans la culture de l’individu. Avec le vieillissement, les
troubles de la personnalité peuvent s’amender ou s’aggraver. Leur prévalence chez la personne âgée est légèrement inférieure à celle retrouvée en population adulte. De plus, leur
comorbidité et leur cooccurrence sont la norme avec un risque accru de décompensation
tardive. L’approche catégorielle utilisée dans les classifications internationales actuelles
(CIM-10 et DSM-5) reste peu adaptée aux spécificités de la personne âgée avec, pour
conséquence, une surreprésentation des troubles « non spécifiés ». La revue de la littérature présentée ici a pour intérêt de décrire les modifications des troubles de la personnalité
liées au vieillissement pour aider le clinicien à mieux repérer ces troubles et les prendre en
charge.
Mots clés : trouble de la personnalité, personne âgée, vieillissement
Abstract. Personality disorder can be defined as an enduring pattern of inner experience
and behavior that markedly deviates from the expectations of the individual’s culture. With
aging, personality disorders may improve or worsen. Their prevalence in the elderly is slightly
lower than the prevalence in young adult. Furthermore, their comorbidity and co-occurrence
are the rule with an increased risk of late decompensation. Categorical approach used in the
current international classifications (ICD-10 and DSM-5) is not adapted to the specificities
of the elderly with consequent overrepresentation of “unspecified personality disorder”.
However, a pathological personality tends to complicate all interventions for somatic or psychological care in the elderly. Thus, this review describes changes in personality disorders
related to aging in order to help the clinician to better identify these disorders. Indeed, recognizing a pathological personality in the elderly improves its management both in the field of
mental health and in somatic disorders in which the role of personality must be evaluated.
Personality and its disorders should therefore be taken into account in all geriatric practices,
in particular in the context of cognitive disorders.
Key words: personality disorder, elderly, aging
doi:10.1684/pnv.2014.0465
L
es troubles de la personnalité persistent chez certaines personnes âgées [1], même si certains
auteurs soulignent que l’on observe communément
l’inverse [2]. La personnalité désigne ce qu’il y a de stable
et unique dans le fonctionnement psychologique d’un individu, c’est ce qui rend le sujet reconnaissable [3]. Entité
complexe et unique, la personnalité est aussi considérée
comme un système dynamique et organisé qui résulte de
l’interaction permanente entre l’individu lui-même et son
environnement [4]. Avec le vieillissement, la personnalité
se modifie. Il en est de même des troubles de la personnalité qui, avec l’âge, peuvent s’amender ou s’aggraver. Leur
comorbidité et leur cooccurrence sont la norme [5] avec un
risque accru de décompensation tardive chez le sujet âgé.
Idéalement, le diagnostic d’un trouble de la personnalité
ne peut être affirmé qu’en dehors d’un épisode pathologique. Dans ce sens, les maladies peuvent avoir aussi une
influence sur l’expression de la personnalité, comme on
peut l’observer dans les démences [6]. Enfin, malgré l’âge,
des traitements psychothérapiques ou médicamenteux restent indiqués face à la souffrance générée par certains de
ces troubles [7].
Une définition traditionnelle de la personnalité renvoie
à l’organisation (ou à l’intégration) dynamique des aspects
intellectuels (cognitifs), affectifs (humeur, émotions et sentiments), volitionnels (volonté, motivation, conation, capacité
de se mettre en action), physiologiques (pulsionnels) et
morphologiques de l’individu [8]. Il en est de même du
trouble de la personnalité qu’on peut définir comme une
modalité durable de l’expérience vécue et des conduites qui dévie notablement de ce qui est attendu dans la
culture de l’individu, qui se manifeste dans au moins deux
domaines (cognitif, affectif, fonctionnement interpersonnel
ou contrôle des impulsions) et qui est considéré comme
pathologique lorsqu’il génère une souffrance de l’individu
et/ou de l’environnement. Pour l’Organisation mondiale de
Pour citer cet article : Calvet B, Péricaud M, Parneix M, Bricaud M, Lavigne B, Clément JP. Troubles de la personnalité et vieillissement. Geriatr Psychol
Neuropsychiatr Vieil 2014; 12(2) :209-17 doi:10.1684/pnv.2014.0465
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B. Calvet, et al.
la santé, les troubles de la personnalité sont des configurations (ou patterns) profondément enracinées et durables,
qui se manifestent par des réponses inflexibles à une large
gamme de situations personnelles et sociales. Ils représentent des déviations soit extrêmes, soit significatives de
la manière dont l’individu moyen, dans une culture donnée, perçoit, pense, ressent et particulièrement entretient
des relations avec les autres. Ces configurations tendent
à être stables et à inclure de multiples domaines du
comportement et du fonctionnement psychologique [9].
Ces différentes définitions ont progressivement conduit
à la distinction entre catégories et dimensions de la personnalité. L’approche catégorielle consiste à classer un
individu dans des groupes pathologiques déterminés. L’axe
II du DSM IV-TR [10], le DSM-5 [11] et le chapitre F60
de la CIM10 s’inscrivent dans cette tradition catégorielle
de la démarche nosologique médicale. Les personnalités
pathologiques sont ainsi regroupées en trois clusters (A, B
et C).
Agronin et Maletta [12] identifient trois problèmes qui
pourraient expliquer les difficultés des chercheurs face aux
troubles de la personnalité chez la personne âgée : celui
d’obtenir une histoire de vie précise, celui lié aux méthodes
diagnostiques et plus exactement à l’utilisation d’entretiens
structurés, et enfin, le problème lié à l’utilisation préférentielle du DSM IV-TR comme instrument nosographique
basé sur un modèle catégoriel. La personnalité peut, par
ailleurs, évoluer avec l’âge et certains troubles peuvent rester stables là où d’autres vont évoluer ; de plus, il n’est
pas exclu que les patients avec des troubles de la personnalité puissent souffrir d’une surmortalité avant 65 ans.
Ces classifications ne sont donc pas consensuelles chez
le sujet âgé [13]. La prévalence des troubles de la personnalité chez la personne âgée est légèrement inférieure à
celle retrouvée en population adulte jeune et ces troubles
se concentrent principalement parmi les sujets ayant des
troubles de l’humeur [14]. Il faut cependant constater la surreprésentation des troubles « non spécifiés » du fait de la
difficulté à appliquer les critères du DSM [15]. Cette prévalence des troubles de la personnalité, qui décroît donc
avec l’âge, a été rapportée entre 2,8 et 13 % en population générale âgée, entre 5 et 33 % chez les patients âgés
ambulatoires et entre 7 et 80 % chez les sujets âgés hospitalisés [16]. Pour Reich et al. [17], bon nombre de troubles
spécifiques de la personnalité affichent un déclin après l’âge
de 30 ans et une augmentation après l’âge de 50 ans. Les
expériences de perte favoriseraient le second constat [18].
Des changements dans la personnalité au cours
du vieillissement ont longtemps été considérés comme
mineurs et sans importance [19], mais une méta-analyse de
92 études de Roberts et al. [20] a permis de ne plus douter
210
de modifications significatives de la personnalité au cours
du vieillissement. Des troubles de la personnalité peuvent
ainsi se révéler au moment de décompensations anxieuses
ou dépressives tardives [21]. L’étude de ces troubles chez
les personnes âgées est difficile du fait de préjugés sociaux,
d’une perception parfois inappropriée de la vieillesse et de
l’influence des dépendances acquises ou des pertes des
fonctions liées à l’âge.
L’approche dimensionnelle consiste à décrire un individu en fonction de scores obtenus dans un nombre
limité de dimensions fondamentales composées de différentes facettes. Les deux principaux modèles les plus
utilisés sont le « modèle à cinq facteurs » de Costa et
McCrae [22] [qui comporte l’Extraversion, le Caractère
agréable, le Caractère consciencieux, le Névrosisme et
l’Ouverture à l’expérience] et le modèle psychobiologique
de Cloninger [23] qui distingue 4 dimensions du tempérament, héritées génétiquement, restant stables au cours
du développement et influencées par l’activité de structures neurobiologiques spécifiques à chacune d’entre elles
(Recherche de nouveauté [RN], Evitement du danger [ED],
Dépendance à la récompense [DR] et Persévérance [P]) et
3 dimensions du caractère considérées comme des facteurs épigénétiques correspondant au degré de maturité
et d’adaptation du sujet, sous l’influence principalement
de l’environnement et de l’apprentissage (Maturité individuelle [Détermination, D], Maturité sociale [Coopération, C],
Maturité spirituelle [Transcendance, T]). Des relations entre
troubles de la personnalité et ces modèles dimensionnels
ont été mis en évidence [4, 24].
Dans cette perspective dimensionnelle de la personnalité, les modifications observables au cours du
vieillissement vont dans le sens d’une diminution de la vitalité sociale (ou grégarité, une des facettes de l’extraversion),
de l’extraversion et de l’ouverture à l’expérience, et dans
le sens d’une augmentation de l’agréabilité, du caractère
consciencieux et de l’évitement du danger [6, 25]. Le
devenir du nervosisme est variable (augmentation ou diminution). Steunenberg et al. [26] ont observé sa diminution
jusqu’à 70 ans, suivie d’une légère augmentation au-delà
de cet âge. En outre, la recherche de nouveauté diminue
et il existe une relative stabilité de la dépendance à la
récompense et de la persistance. Pour les processus de
maturation, il y a normalement une tendance à une augmentation de la détermination et de la coopération (ou une
stabilité) tandis que la transcendance a un sort variable. Billstedt et al. [27] ont comparé deux cohortes de sujets de 75
ans et plus (l’une examinée en 1976-1977, l’autre en 20052006) et ont montré que la plus récente était plus extravertie
et moins apte à répondre d’une manière socialement attendue ; les niveaux de névrosisme restaient eux inchangés.
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Troubles de la personnalité et vieillissement
Toujours dans cette perspective dimensionnelle, une étude
intéressante reste celle de Guttiérrez et al. [28] sur près de
1 500 personnes de 15 à 82 ans qui, même si elle manque
de puissance après 55 ans, montre que « l’expressivité »
des clusters A et C s’atténuerait avec l’âge, tandis que celle
du cluster B augmenterait après 45 ans. Tant dans sa prise
en charge somatique que psychologique, la présence d’un
trouble de la personnalité chez la personne âgée a tendance
à compliquer toutes les interventions, plutôt par des phénomènes d’opposition aux soins pour les personnalités du
cluster A, un abus de médicaments ou une inobservance
thérapeutique pour les personnalités du cluster B et une
demande de soins excessive pour les personnalités du cluster C [16].
Pour ce qui est de l’approche catégorielle plus traditionnelle, les troubles seront abordés de façon distincte. Il faut
cependant rappeler que cette approche catégorielle pose
plusieurs questions : sa validité par rapport à la construction complexe de la personnalité, sa stabilité temporelle
par rapport à la notion de trouble dans la pratique clinique
et la question de la permanence des types de trouble et
des critères exigés tout au long de la vie. Cette approche
catégorielle permet-elle toujours de définir clairement les
frontières entre personnalités normale et pathologique avec
des risques de sous- et de sur-diagnostics, du fait principalement d’une mauvaise validité apparente des instruments
d’évaluation [29] ? Une autre question est de savoir si le clinicien peut accéder à des informations suffisantes et fiables
à propos du passé de la personne pour être capable de diagnostiquer un trouble en accord avec les critères proposés.
Autrement dit, le trouble de la personnalité est-il dans la
continuité ? En émergence ? En atténuation ? Réellement lié
au vieillissement ? A-t-il bénéficié de l’influence d’une éventuelle psychothérapie ou d’un traitement médicamenteux ?
Et qu’en est-il d’une possible récurrence ?
Personnalité paranoïaque
Sa méfiance, sa susceptibilité et sa propension à la persécution expliquent une tendance générale à interpréter
toutes les actions d’autrui comme prenant une signification
personnelle et intentionnelle, ou cachée, et considérées
comme délibérément humiliantes ou menaçantes. Elle est
toujours sur la défensive et a une surestimation d’ellemême qui se manifeste par la suffisance et l’orgueil. Elle
n’a jamais tort, juge sévèrement les autres et peut être
méprisante. Toujours sûre de son droit, incapable d’accéder
au doute, elle se trouve incomprise. Cette surestimation
de soi est parfois masquée par une modestie feinte et
une obséquiosité excessive. Sa fausseté du jugement et
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n ◦ 2, juin 2014
son absence d’autocritique se traduisent par de la psychorigidité, de l’autoritarisme et de l’intolérance. Elle peut
facilement faire preuve d’une jalousie pathologique, de
réactions colériques, de revendications parfois sthéniques,
agressives, voire procédurières. Son adaptation sociale
peut être satisfaisante, mais c’est alors l’entourage qui subit
les conséquences de son comportement facilement conflictuel.
L’évolution habituelle est une stabilité relative, mais
une augmentation des conduites de suspicion est possible
[30]. Cette personnalité se retrouve progressivement isolée des autres expliquant une comorbidité fréquente avec
l’alcoolisme [31]. Au fil des années, elle peut s’engluer
dans le dépit, l’amertume, un vécu d’incompréhension
et présenter des réactions dépressives tardives. Cette
« dépressivité » est favorisée par les attitudes et les pensées négatives qui la rendent encore plus acariâtre avec le
vieillissement qui atténuerait sa sthénicité. Enfin, il n’est pas
exclu que cette personnalité ait développé, avant de devenir
âgée, un délire paranoïaque. Dans le grand âge, cela peut
prendre l’allure d’un syndrome de Diogène [32], considéré
comme une « variante gériatrique de trouble de la personnalité » plutôt associée avec les personnalités du cluster
A [33]. Malgré tout, il s’avère que cette personne âgée
« parano » est accessible à un traitement psychologique
(de soutien, par un praticien expérimenté, avec un contrat
relationnel) et médicamenteux (antidépresseurs et antipsychotiques à posologies modérées), même si l’entreprise
est difficile, car elle est très rarement « demandeuse ».
L’observance est souvent mauvaise. Le but est d’apaiser
le douloureux bouleversement émotionnel sous-jacent à ce
type de fonctionnement.
Personnalité schizoïde
Elle se caractérise par un retrait dans tous les domaines
de la vie (repli social, fuite devant les relations interpersonnelles, préférence pour les activités solitaires). Le sujet ne
recherche, ni n’apprécie les relations proches, y compris les
relations intrafamiliales. Elle est indifférente aux éloges et
aux critiques d’autrui et se présente avec une grande froideur et un important détachement. Son contact est distant,
bizarre, pauvre et son intérêt pour les relations sexuelles est
réduit. Elle peut adhérer à des croyances mystiques, métaphysiques ou philosophiques. L’adaptation sociale peut être
difficile.
Avec l’arrivée de la vieillesse, cette personnalité est
donc confinée depuis longtemps dans l’isolement, la pauvreté du contact, l’absence de sentiments avec un émoussement émotionnel. L’isolement social peut augmenter
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B. Calvet, et al.
et favoriser une production délirante tardive, d’autant plus
que cette personnalité a du mal à répondre de façon adaptée
aux événements de la vie. Avec le vieillissement, on ne note
pas de graves troubles du comportement, mais plutôt une
« absence de comportement » [34]. Il faut rappeler qu’elle
peut évoluer vers une authentique schizophrénie parfois
relativement tardive [35], ou vers une décompensation délirante très tardive non dissociative [36]. Ces complications
seraient favorisées par les contacts dits « intimes » devenus
inévitables dans le contexte institutionnel [37]. Quel que
soit l’âge, une faible posologie d’antipsychotique est indiquée lorsque les sujets schizoïdes sont trop marginalisés
et angoissés.
Personnalité schizotypique
Elle se caractérise aussi par une limitation des relations
interpersonnelles avec un déficit de socialisation (gène face
à autrui, isolement, marginalisation). Elle présente en outre
des distorsions cognitives (idées de référence, pensée
magique excessive, superstition) ou perceptuelles (corporelles en particulier), des bizarreries comportementales
(singularité, excentricité) ou du langage (discours ampoulé,
métaphorique et alambiqué) et une restriction ou une inadéquation des affects. Avec sa méfiance, elle a aussi une
propension à développer des idées de persécution.
En vieillissant, cette personnalité tend souvent à être
moins excentrique et bizarre, à avoir moins de distorsions
cognitives, mais son incompétence progressive aggrave
son isolement social et ses sentiments de persécution.
Elle est très souvent restée célibataire. Le mode de pensée magique et les croyances bizarres peuvent encore plus,
avec la vieillesse, avoir une influence négative sur sa capacité à consentir. Elle a aussi un risque d’évoluer vers la
schizophrénie, même très tardivement (catégorisée alors
comme « psychose d’allure schizophrénique d’apparition
très tardive » [38]), sachant que, pour certains, elle n’en est
qu’une forme atténuée. Un traitement antipsychotique peut
s’avérer utile si les idées de référence ou de persécution
sont trop envahissantes.
Personnalité antisociale
(ou psychopathique)
Elle se caractérise par une incapacité à se conformer
aux normes sociales. Il en résulte un mépris des notions
de sécurité, de respect et de responsabilité et une tendance à la séduction, à la tromperie, aux mensonges et
à la mythomanie. Elle est réputée pour son impulsivité,
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son irritabilité, son intolérance à la frustration et sa grande
instabilité. Sa biographie est émaillée de ruptures répétées
avec pour conséquence une grande inadaptation sociale.
Ses colères peuvent prendre une allure très sthénique,
agressive, parfois violente. Elle ne ressent généralement
ni remords, ni culpabilité et reste assez indifférente par rapport aux conséquences de ses actes sur autrui. En effet, elle
est dans l’incapacité, d’une part, à accéder à la culpabilité
avec une absence d’autocritique et, d’autre part, à tirer un
enseignement des expériences. Elle présente une grande
indifférence affective. Ses capacités de mentalisation sont
réduites. Cette personnalité, qui se révèle précocement
(vers 15 ans, et même parfois dès l’enfance, par des manifestations caractérielles, des difficultés scolaires), a une
insertion sociale précaire et une propension aux conduites
addictives. On peut aussi y repérer des tendances dysphoriques. Des traits paranoïaques ou hystériques associés
peuvent s’observer.
Ses troubles du comportement s’amendent habituellement dans la seconde moitié de la vie [39]. Le sujet pourra
donc atteindre le grand âge de plus en plus assagi. En
particulier, on pourra souvent constater une diminution de
l’impulsivité. Cependant, certains sujets âgés présentant ce
trouble de la personnalité auront une désocialisation progressive avec propension à la dépendance à l’alcool, au
vagabondage et à la clochardisation.
L’approche thérapeutique, toujours valable durant la
vieillesse, se doit de contrôler l’impulsivité et les passages
à l’acte si ceux-ci se pérennisent intensément avec des thymorégulateurs et des molécules sérotoninergiques, l’abord
psychothérapeutique restant malheureusement limité.
Personnalité borderline
(ou état-limite)
Elle se caractérise par une instabilité affective dans ses
relations interpersonnelles qui sont souvent chaotiques,
tumultueuses et conflictuelles, marquées par une alternance d’idéalisation et de dévalorisation, de dépendance
et d’hostilité. Elle est donc considérée comme la personnalité la plus fluctuante, en particulier sur le plan émotionnel,
avec souvent un milieu de la vie particulièrement difficile,
s’illustrant par une impulsivité marquée, un sentiment chronique de vide et d’ennui et surtout par une perception
perturbée de son identité. Elle a une crainte angoissante
d’être abandonnée, la conduisant à une recherche frénétique de relations. L’agressivité est mal contrôlée avec
des colères excessives et explosives. Chez les sujets
âgés, du fait d’une intolérance à la solitude, on peut noter
des comportements d’anxiété accrue. Avec cette vie très
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Troubles de la personnalité et vieillissement
chaotique, c’est la personnalité qui a le plus de complications évolutives : épisodes dépressifs avec passages à
l’acte suicidaires répétés, abus de substances psychoactives (surtout addiction à l’alcool), troubles des conduites
alimentaires (boulimie) et sexuelles, épisodes psychotiques
aigus (hallucinatoires) et attaques de panique.
Son impulsivité et son auto-agressivité, qui peuvent
prendre diverses allures, s’assagissent durant le troisième
âge [40] et elle souffre moins de son instabilité affective,
et de ce fait elle a un meilleur fonctionnement global [41].
Mais les pertes facilitent également diverses décompensations : peur intense de l’abandon, opposition envers les
soignants dans les institutions (notamment les refus alimentaires) ou demandes itératives avec comportements
hostiles [42]. Elle affiche aussi des difficultés interpersonnelles persistantes et une importante labilité émotionnelle.
Cependant, il faut rappeler que son diagnostic est difficile
du fait d’une grande cooccurrence d’autres troubles de la
personnalité et, le plus souvent, du même cluster B. Cette
personnalité reste donc, avec l’âge, très vulnérable aux
pertes et serait plus encline aussi à des décompensations
organiques) [43], à une dépendance alcoolique tardive et à
des consommations chroniques de benzodiazépines [44]. Il
est important de bien la repérer dans le cadre institutionnel
pour mieux gérer son hostilité et sa conflictualité. Ce trouble
pourrait expliquer dans de nombreux cas les refus alimentaires et la mise en échec de la prise en charge. Celle-ci doit
être globale, psychologique et éventuellement médicamenteuse, les cibles étant les décompensations thymiques et
anxieuses, les comportements impulsifs et violents et les
symptômes psychotiques.
Personnalité histrionique
Elle se caractérise par un grand théâtralisme (dans
l’attitude, la tenue et la présentation), un désir de paraître et
d’être le point de mire des regards d’autrui. Elle s’attribue
des rôles changeants selon ce qui est susceptible de plaire à
autrui ou pour capter son attention. Elle présente aussi une
facticité des affects qui se traduit par une outrance ou une
dramatisation au niveau des pensées ou dans l’expression
des émotions qui apparaissent souvent inappropriées ou
incongrues. Elle érotise ses rapports sociaux en adoptant
facilement des comportements de séduction et affiche
une grande labilité émotionnelle et une hyperémotivité parfois spectaculaire. L’alternance des états émotionnels est
caractéristique avec des sautes d’humeur, des bouderies,
des élans chaleureux. Cette personnalité est à la recherche
constante d’hommages et d’attention et elle est aussi très
sensible aux frustrations et aux déceptions. Son immaturité
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n ◦ 2, juin 2014
explique son instabilité affective. Elle peut avoir une grande
dépendance affective, parfois inquiétante, allant jusqu’à une
perte d’autonomie matérielle et psychique. Ses intérêts et
ses investissements sont pauvres. Elle a aussi tendance
à manipuler son entourage pour satisfaire ses propres
besoins et à s’appuyer sur un important égocentrisme où
l’autre ne paraît pas avoir de place possible. Elle a enfin une
tendance à la mythomanie, à l’impulsivité coléreuse, mais
reste fortement suggestible et immature.
Elle est classiquement associée à des passages à l’acte
suicidaire, des conversions, des somatisations, des troubles
de l’adaptation et des épisodes dépressifs souvent chroniques, et elle garde en vieillissant cette vulnérabilité.
Elle peut évoluer vers l’apaisement [45] avec atténuation des traits au bénéfice d’activités gratifiantes (œuvres
caritatives, bénévolat. . .). Les comportements de séduction devenus peu efficaces se transforment en hostilité
et réactions coléreuses. Dans son comportement, globalement tout est fait pour effacer le vieillissement, même si
celui-ci peut être l’occasion d’une réorganisation positive
si l’environnement est suffisamment présent, compliant
et valorisant. On parle alors « d’hystérie réussie ». Dans
d’autres cas, le vieillissement peut lui ajouter une note hypocondriaque et dysthymique. Une psychothérapie de soutien
est utile tout au long de l’existence si elle est correctement investie par la personne qui reconnaît sa souffrance.
La relaxation peut diminuer la réactivité émotionnelle. Les
prescriptions intempestives de psychotropes sont à éviter,
exposant aux effets paradoxaux les plus inattendus et à la
pharmacodépendance iatrogène.
Personnalité narcissique
C’est une personnalité qui a un sens grandiose de sa
propre importance, avec une surestimation de ses capacités, se considérant comme supérieure. Animée par un
amour de soi excessif, elle se caractérise par une exigence
constante d’affection et d’admiration, avec un manque
d’empathie, ne partageant pas les sentiments des autres.
Elle a une sensibilité exagérée à leur jugement, mais un
sens élevé de sa propre importance et elle en est arrogante
et hautaine. Elle refuse donc la critique et utilise les autres
pour arriver à ses fins, attendant que son entourage soit soumis. Elle adopte facilement des attitudes sociales cassantes
et méprisantes, avec la conviction d’avoir des droits supérieurs aux autres. Elle peut aussi apporter un soin important
à son apparence physique et vestimentaire. En dépit des
apparences, son estime de soi est cependant vacillante.
Elle peut facilement développer à l’âge mûr des somatisations et une pathologie dépressive, parfois sévère,
213
B. Calvet, et al.
surtout si elle est confrontée de façon brutale à une
frustration ou à une perte. Plus tard, c’est face à ses limitations physiques et parfois intellectuelles, qu’elle peut
aussi décompenser. Avec le vieillissement, elle peut devenir
encore plus autoritaire et méprisante. Elle supporte encore
moins les frustrations relationnelles et peut donc gravement
vaciller dans une dépression profonde.
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Personnalité évitante
Elle se caractérise par un trouble important de l’estime
de soi et un évitement des activités sociales ou professionnelles impliquant des contacts avec autrui, et une réticence
à l’idée de se confier et à s’investir dans une relation. Elle
craint aussi le jugement critique d’autrui et a toujours peur
de ne pas être à la hauteur, d’être rejetée. Elle a donc une
extrême sensibilité au refus et une timidité exacerbée. Elle
présente aussi des sentiments envahissants et persistants
de tension et d’appréhension avec une perception de soi
comme socialement incompétente, sans attrait, inférieure.
La procrastination est habituelle et la capacité à décider
n’est pas altérée, mais évitée par crainte.
Cette personnalité qui s’attache à rester dans l’ombre,
toujours hésitante, très inhibée, facilement en échec, se
retrouve souvent dans le grand âge célibataire, sans enfant,
dans une grande solitude affective, et encline aux épisodes
dépressifs majeurs et à l’hypocondrie, si auparavant elle
n’a pas développé une phobie sociale ou d’autres troubles
anxieux [46]. Avec le vieillissement, et en l’absence de
prise en charge antérieur, elle risque de s’aggraver dans
ses traits. Son diagnostic risque d’être fait en excès chez
le sujet âgé qui présente une limitation des interactions
sociales, soit du fait de la perte du conjoint, soit du fait
d’une perte de la mobilité physique [47]. Il n’est donc pas
rare que le sujet âgé évitant se confine chez lui, avec
comme arguments la peur de tomber, la peur de ne pas
se retrouver. . . La psychothérapie de soutien est toujours
indiquée, mais les techniques cognitivo-comportementales
trouvent ici leur meilleure indication. Les antidépresseurs
sérotoninergiques ou inhibiteurs réversibles de la monoamine oxydase A sont les psychotropes de choix pour cette
personnalité ou son évolution phobique.
Personnalité dépendante
La personnalité dépendante est dans une recherche
constante de sécurité et de réassurance. Elle se caractérise aussi par un important besoin d’être prise en charge,
conseillée et elle appréhende les séparations. Elle est en
général soumise et elle évite de prendre des responsabili-
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tés. Elle peut tolérer des situations extrêmement difficiles
ou dégradantes afin d’éviter l’autonomie et est donc très
préoccupée par la peur d’être abandonnée. Elle a une tendance à autoriser et à encourager autrui à prendre la plupart
des décisions importantes à sa place, avec une subordination de ses propres besoins à ceux des personnes dont
elle dépend ou une soumission excessive à leur volonté.
Elle a une réticence à formuler des demandes, mêmes justifiées, aux personnes dont elle est dépendante. Une des
croyances de cette personnalité est que les autres sont plus
forts et qu’ils peuvent l’aider.
On sait qu’un certain nombre de critères dans chaque
cluster ne sont plus adaptés à la réalité de la personne âgée,
cela étant particulièrement vrai pour la personnalité dépendante du fait des limitations physiques et cognitives [13].
C’est une personnalité aussi très vulnérable avec le vieillissement. Préférant donc la soumission, voire l’humiliation à
l’abandon, la violence à la solitude, avec toujours en vieillissant cet important besoin d’être rassurée, elle se retrouve
facilement déprimée lors de toute séparation [48]. Son évitement des responsabilités est de plus en plus évident en
vieillissant. La vieillesse est la période la plus à risque de
la faire décompenser, l’isolement social l’y aidant. Même
tardivement, les techniques d’affirmation de soi restent pertinentes et les traitements antidépresseurs très indiqués.
Personnalité
obsessionnelle-compulsive
Elle se caractérise par un souci constant d’ordre, de propreté et de rangement (autant dans les domaines matériels
que moraux). Elle est donc méticuleuse, ponctuelle, rigoureuse et perfectionniste, tout ceci entravant l’achèvement
des tâches. Cette personnalité est parcimonieuse, ayant le
souci d’économiser, souvent avare, refusant de partager.
Elle a tendance à accumuler (avec une incapacité à jeter) et à
collectionner. Elle est volontiers entêtée, obstinée, psychorigide, mais aussi persévérante, tenace et autoritaire. Elle
aspire à la maîtrise de soi et d’autrui. Elle vit dans le doute
et tout acte entraînant des doutes pénibles doit donc être
contrôlé et vérifié. Cette personnalité remplit son monde
d’habitudes et de rituels dont le sens conjuratoire évoque
un fonctionnement magique de la pensée. Elle se distingue
parfois difficilement du trouble obsessionnel-compulsif. Son
désir de contrôle, de limitation des risques, son indécision
et sa prudence excessive s’associent à une lenteur, à une
profonde minutie, à une préoccupation par les détails et à
des vérifications itératives. Sa propension aux scrupules est
extrême. Son discours est recherché et son attitude excessivement conformiste. Elle a une difficulté à collaborer avec
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Troubles de la personnalité et vieillissement
les autres, une incapacité à déléguer. Son souci intense de
productivité se fait aux dépens de son propre plaisir et des
relations interpersonnelles.
L’évolution de cette personnalité se fait assez facilement vers la stabilité, mais avec une pauvreté des
investissements sociaux. Avec le vieillissement, elle a tendance à être plus rigide, plus obsédée par des idées fixes, à
être plus ritualisée et à se confiner dans un extrême conformisme, phénomènes qui peuvent devenir de plus en plus
angoissants [48]. En vieillissant, le collectionnisme est fréquent ainsi qu’un autoritarisme familial. Le syndrome de
Diogène peut aussi se développer chez ce type de personnalité au décours d’une situation stressante [49]. Cette
personnalité pourra d’autant plus développer un trouble
obsessionnel-compulsif qu’antérieurement elle présentait
aussi des traits de personnalité de type A. Lorsque les
symptômes deviennent trop invalidants, une chimiothérapie
par antidépresseur est justifiée.
Certaines personnalités considérées comme pathologiques n’ont pas totalement fait l’objet d’études les rendant
clairement validées dans les classifications, bien que la
clinique nous renvoie souvent à des situations qui en argumentent leur validité.
Personnalité dépressive
Elle correspond au profil du sujet dépressif modéré
chronique, encore appelé « dysthymie », fréquemment diagnostiquée chez le sujet âgé, mais qui ne préexiste pas
systématiquement durant la vie adulte. Cela rejoint ici la
réflexion à avoir entre approche catégorielle et dimensionnelle.
Personnalité sensitive
C’est une variante de la personnalité paranoïaque, mais
chez laquelle combativité et quérulence sont remplacées
par une hyperesthésie des contacts sociaux, une hypersensibilité, une contention des affects marquée par une
introspection douloureuse permanente, des ruminations
sur des humiliations vécues ou imaginaires qui peuvent,
chez le sujet vieillissant, être favorisées par un confinement dans la solitude, et conduire à une décompensation
délirante (« délire de relation des sensitifs »). Il y a une
dépressivité permanente et un grand pessimisme. Des sentiments d’échec sont facilement projetés sur les autres qui
en sont la cause. Elle serait cependant plus accessible que
la personnalité paranoïaque à une prise en charge psychothérapique.
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Personnalité psychasthénique
Elle est assez proche de la personnalité obsessionnellecompulsive, et se caractérise par une impuissance à
agir, beaucoup de difficultés à prendre des décisions,
une tendance à la rêverie, des sentiments subjectifs
d’incomplétude, d’imperfection, d’inachèvement et de
doute. Elle développe aussi des idées obsédantes, des
ruminations et a tendance à une introspection souvent
pénible. Elle va avec le vieillissement se plaindre de plus
en plus de fatigue et évoluera facilement vers des épisodes
dépressifs « mélancoliformes » et des somatisations. Tous
les psychotropes désinhibiteurs vont parfois avoir un impact
bénéfique sur son fonctionnement.
Personnalité passive-agressive
On parle chez elle d’une agressivité « passive », avec un
style relationnel dominé par des attitudes négativistes. Elle
développe une résistance passive à toute forme d’autorité
(lenteur, sabotages, mauvaise volonté, simulation de ne
pas comprendre. . .), perçue le plus souvent comme abusive. Elle se plaint facilement de ne pas être comprise ou
appréciée. Elle est souvent maussade, ergoteuse et a des
Points clés
• Les troubles de la personnalité ou personnalités pathologiques peuvent être définis comme des modalités
durables de l’expérience vécue et des conduites qui
dévient notablement de ce qui est attendu dans la culture
de l’individu.
• La prévalence des troubles de la personnalité chez la
personne âgée est légèrement inférieure à celle observée chez l’adulte. On constate une surreprésentation
des troubles « non spécifiés » du fait de la difficulté à
appliquer les critères des classifications internationales
à cette population.
• Tant dans sa prise en charge somatique que psychologique, la présence d’une personnalité pathologique a
tendance à compliquer toutes les interventions chez la
personne âgée, par des phénomènes d’opposition aux
soins pour les personnalités du cluster A, un abus de
médicaments ou une inobservance thérapeutique pour
les personnalités du cluster B et une demande de soins
excessive pour les personnalités du cluster C.
• La personnalité et ses troubles devraient être pris plus
en considération dans l’ensemble des pratiques gériatriques, en particulier dans le contexte des cognitions et
de leur altération.
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B. Calvet, et al.
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comportements passifs d’obstructionnisme ou d’évitement
dans les relations interpersonnelles ou dans les activités.
Il y a chez elle un entêtement, une procrastination et des
échecs répétés à accomplir une tâche. Elle présente aussi
des colères subtiles par insinuations. Elle est vécue par les
autres comme antipathique et ce, de façon plus accentuée
avec le vieillissement. Préalablement retenue dans le DSM
III, elle se caractériserait par le fait, qu’avec le vieillissement, des conduites addictives seraient plus fréquentes et
les tâches quotidiennes de plus en plus négligées [50].
Conclusion
Dans toutes les situations (vieillissement normal ou
pathologique, personnalité pathologique), il est désormais
nécessaire de coupler les approches catégorielle et dimensionnelle de la personnalité [8] pour pouvoir disposer de
données exhaustives sur les éventuels changements liés
à l’âge et aux contextes qui peuvent rendre vulnérables
certains sujets à risque de développer des décompensations psychiatriques ou organiques avec le vieillissement.
Néanmoins, l’échec récent de la mise en place du modèle
mixte catégoriel/dimensionnel des troubles de la personnalité envisagé au cours des travaux sur le DSM-5 [11] nous
suggère que la tâche reste encore ardue en particulier dans
la recherche de seuils dimensionnels pathologiques. Des
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nécessaires. Cependant, les études de cas restent pertinentes dans le but d’élaborer des instruments adéquats
pour l’évaluation de la personnalité chez la personne âgée,
où le patient et un informant seront interrogés [51]. Sur le
plan catégoriel, d’autres personnalités pathologiques proposées dans les nosographies précédentes auraient pu
être évoquées (personnalités pessimiste, stressée hyperactive, à basse estime de soi, hypocondriaque, sadique, à
conduite d’échec. . .), mais leurs limites étant mal individualisées, elles ne pouvaient pas faire l’objet d’une évaluation
de leur devenir dans le grand âge, et ce d’autant plus que
ces troubles sont très comorbides de décompensations
psychiques. Toutes les modifications de la personnalité
apportées par le vieillissement sont utiles à connaître pour
bien prendre en charge les troubles de la personnalité chez
la personne âgée, aussi bien par les traitements pharmacologiques que psychothérapiques [52]. Ceci est vrai autant
dans le champ des affections psychiques que dans celui des
maladies somatiques dans lequel le rôle joué par la personnalité doit être reconnu. Elle doit être prise en considération
dans l’ensemble des pratiques gériatriques, en particulier
dans le contexte des cognitions et de leur altération [53].
Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien
d’intérêt en rapport avec cet article.
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