L’Encéphale (2011) 37, 180—190 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP CLINIQUE Le trouble déficitaire de l’attention, avec ou sans hyperactivité (TDA/H) : une approche pluridisciplinaire longitudinale croisée de 36 enfants夽 Attention deficit disorder: Multidisciplinary observational study over 1 year J. Chambry a, C. Billard b,∗, M. Guinard c, E. Lacaze b, M.-E. Idiart b, F. Delteil-Pinton b, A. Cohen de Lara c a Inserm U669, fondation Vallée, CHU de Bicêtre, université Paris VII et Paris XI, 94275 Le-Kremlin-Bicêtre, France Centre de référence sur les troubles des apprentissages, hôpital Bicêtre, 28, rue du Général-Leclerc, 94275 Le-Kremlin-Bicêtre, France c Laboratoire de psychologie clinique et de psychopathologie, université Paris—Descartes, 92100 Paris, France b Reçu le 28 janvier 2010 ; accepté le 22 novembre 2010 Disponible sur Internet le 5 mars 2011 MOTS CLÉS TDAH ; Psychanalyse ; Neuropsychologie ; Traitement ; Méthylphenidate Résumé Le trouble déficitaire de l’attention (TDA/H) reste en France controversé entre l’approche neurobiologique et l’approche psychanalytique. En conséquence, la conduite thérapeutique n’est pas consensuelle, le méthylphénidate (MPH) est peu utilisé et il n’y a pas de référentiel sur la prise en charge psychothérapeutique. Une évaluation croisée pluridisciplinaire (neuropédiatrique, psychiatrique, neuropsychologique et projective) a été proposée à 36 enfants avec les critères DSM IV du TDA/H. Un traitement combinant MPH et psychothérapie d’orientation analytique a été proposé selon les résultats et 31 des 36 enfants ont été revus à 1 an. Lors de l’évaluation initiale, tous les questionnaires parentaux produisaient des scores au-delà des seuils cliniques. Les tests neuropsychologiques ont montré les déficits habituels des fonctions attentionnelles et exécutives avec une large variabilité individuelle. L’entretien pédopsychiatrique a révélé une comorbidité fréquente selon l’axe 1 du DSM IV (57 % de troubles anxieux, 23 % de troubles oppositionnels et 3 % des conduites) ainsi qu’une fragilité narcissique chez 46 % selon la CFTMEA. Une organisation limite de la personnalité a été retenue chez 30 % des enfants par le pédopsychiatre et 58 % selon les tests projectifs. Seule la 夽 Cette étude a été réalisée grâce à la Société d’études et de soins pour les enfants polymalformés (SESEP) et à l’Association pour la recherche sur les troubles des apprentissages (ARTA). ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Billard). 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2011. doi:10.1016/j.encep.2011.01.012 Approche pluridisciplinaire des troubles déficitaires de l’attention 181 variabilité des temps de réaction différait selon le type d’organisation psychopathologique aux dépends des enfants avec une organisation limite aux projectifs. À un an, 11 enfants n’étaient pas traités par le MPH du fait d’un refus parental ou d’une situation psychopathologique particulière. La psychothérapie, proposée à 28 enfants, n’a été effectuée que chez 19. Les scores attentionnels n’ont été améliorés que dans le groupe traité par le MPH et les scores d’anxiété dans le groupe non traité. Cette étude originale, tout comme les résultats à huit ans de la cohorte Multimodal treatment study of ADHD (MTA) ne montrant pas d’effet du MPH à long terme, souligne l’importance de la perspective pluridisciplinaire. Les tests neuropsychologiques précisent la variabilité interindividuelle du profil des déficits attentionnels et objectivent leur évolution. Les tests projectifs affinent l’entretien pédopsychiatrique et l’organisation de la personnalité est limite chez la moitié des enfants. Le rôle du MPH est confirmé sur les déficits attentionnels et non sur la comorbidité anxieuse. Ce résultat ainsi que l’absence de corrélation entre la plupart des scores attentionnels et les données pédopsychiatriques et projectives, renforcent la nécessité d’une analyse sans a priori du déficit attentionnel et des facteurs psychopathologiques pour réfléchir au projet thérapeutique individuel. Le dialogue entre psychanalyse et science cognitive est possible au bénéfice des enfants. © L’Encéphale, Paris, 2011. KEYWORDS ADHD; Psychoanalysis; Neuropsychological tests; Methylphenidate Summary Introduction. — In France, attention deficit disorder (ADHD) has traditionally met with two opposing approaches (biological and psychoanalytic). This conflict led us to conduct a multidisciplinary observational study, on a group of 36 children over a period of 1 year. Methods. — Thirty-six children with ADHD diagnostic (DSM IV), not treated by MPH were included. Initial ‘‘multi-field’’ evaluation (T0) consisted of: neuro-paediatric consultation (Conners questionnaire, Child Behaviour Checklist, reading and writing scores by French tests); semistructured child psychiatric interview (DSM-IV axis I), structural hypothesis (CFTMEA), existence of narcissistic fragility, parents/child interactions; neuropsychological standardized evaluation (attention and executive functions); psychodynamic interview and projective tests (Rorscharch, CAT or TAT). A therapeutic project is proposed combining MPH and psychotherapy according to the results. A new evaluation 1 year later (T1) included a consultation and a neuropsychological evaluation. Results T0. — All parental questionnaires appreciating attention deficit and hyperactivity/impulsivity were significantly pathological. The neuropsychological evaluation showed usual characteristics of ADHD with individual differences. The psychiatric evaluation revealed the frequency of comorbidity in axis I (23% of children with more than two diagnoses, 57% with anxiety disorder, 23 and 3% with oppositional and conduct disorder). Follow up (T1). — Thirty-one children were re-examined (20 treated by MPH and 11 not treated because of parental refusal or particular psychopathological situations). Psychoanalytical psychotherapy, proposed to 28 children, was undertaken with only 19. An improvement in scores for attention and executive tests was registered only in the treated group. Discussion. — The tests confirm deficits of attention and executive functions without correlation with the scores of questionnaires, underlining the need for a neuropsychological evaluation to objectify attention disorders. Projective tests refine and enrich psychiatric evaluation and showed that half of the children had borderline organization. However, structural hypotheses were heterogeneous, suggesting the need for specific therapeutic projects to be devised according to each child. The treated children were the only ones to improve attention deficit. On the other hand, the scores of anxiety are not improved by MPH, emphasizing the indications of psychotherapy if comorbidity is present. Psychotherapeutic care was carried out only among part of the population, because of parental reservations, exacerbated by differences of opinion among professionals and lack of access. Conclusion. — This study is innovative, providing precise data on ADHD from a multidisciplinary perspective. Psychopathological comorbidity is high in this population, so the concept of ADHD cannot be limited to a cognitive point of view. These elements and doubts regarding the efficacy of behavioural therapies suggest the need for a rigorous evaluation of analytical psychotherapies independent of MPH to treat attention deficit. © L’Encéphale, Paris, 2011. 182 En dépit de la littérature internationale, il existe encore de nombreuses questions concernant la prise en charge du trouble déficitaire de l’attention (TDA/H). Les conceptions sont encore hétérogènes en Europe et opposent différentes approches. L’approche neurologique, basée sur les données en neurosciences, rattache les symptômes à des mécanismes neurobiologiques et rejoint les recommandations anglosaxonnes. À l’opposé l’approche psychanalytique considère essentiellement les mécanismes psychodynamiques à l’origine de la symptomatologie. L’utilisation du méthylphenidate (MPH) est consensuelle dans la littérature internationale du fait de la démonstration de ses effets bénéfiques dans toutes les études randomisées en double insu. Cependant, les résultats récemment publiés à huit ans de la grande étude pilote Multimodal treatment study of ADHD (MTA) viennent de remettre en question la persistance à long terme du bénéfice du MPH et interrogent sur la nécessité de prendre en compte d’autres facteurs. Les approches thérapeutiques, en France, divergent en fonction des conceptions et l’utilisation du MPH reste très controversée. Aucune étude prospective croisée neuropsychologique et psychodynamique n’argumente les divergences. État de la question Le trouble déficitaire de l’attention, avec ou sans hyperactivité (TDA/H), décrit en référence aux critères diagnostiques des classifications internationales (DSM-IV [2]), est très largement reconnu dans la littérature scientifique [21,28,36]. En l’absence d’étude épidémiologique française, une prévalence de 3 à 6 % est proposée [6,22]. Divers troubles sont associés au TDA/H : troubles des apprentissages [40], troubles émotionnels, en particulier, anxieux [34], troubles des conduites et/ou oppositionnels [11]. Les données des neurosciences ont précisé les différents systèmes attentionnels, les zones cérébrales impliquées, en particulier, préfrontales et striatales [13] et les facteurs génétiques à l’origine des déficits en neurotransmetteurs dopaminergiques [31]. Ces origines biologiques rejoignent les effets positifs du MPH, aussi bien sur les aspects comportementaux [24], que sur les aspects en imagerie fonctionnelle [7]. Tout récemment, ces hypothèses neurobiologiques ont été remises en cause au profit d’une pathogénie plus complexe faisant également intervenir de nombreux facteurs environnementaux [18]. La prise en charge précoce a pour objectif de pallier le risque à l’âge adulte de pathologie psychiatrique, de conduite à risque [5] ou addictives [14] et d’améliorer le pronostic scolaire [3]. Les recommandations anglosaxonnes s’appuient sur les résultats de la large cohorte MTA portant sur 579 enfants TDA/H [24—26]. L’analyse des résultats pendant la phase en double insu de 14 mois des quatre groupes randomisés (médicament seul, médicament et thérapie comportementale combinés, thérapie comportementale seule et contrôle), confirme la supériorité du MPH à court terme comme à deux ans, particulièrement en association avec la thérapie comportementale. Le suivi en ouvert à trois, six et huit ans de ces quatre groupes nuance les résultats [26,37]. Si le bénéfice observé par rapport au baseline persiste, le pronostic à long terme J. Chambry et al. étudié par 21 variables comportementales, sociales et scolaires montre la persistance de symptômes ainsi que leur retentissement, quelque soit le groupe de randomisation [26]. Un consensus international propose qu’un spécialiste de la santé mentale de l’enfant établisse le diagnostic à l’aide des critères du DSM IV. Il propose un traitement basé en première ligne sur les médicaments psychostimulants comme le MPH associés aux interventions psychosociales, compte tenu de l’amélioration comportementale [24,25] et des fonctions attentionnelles [30] reconnue par toutes les études randomisées en double insu. Néanmoins, plusieurs auteurs soulignent une plus grande complexité du problème, comme la fréquente discordance des questionnaires, l’absence de consensus sur l’évaluation des fonctions attentionnelles ou exécutives [29], et de « gold standard » pour confirmer ce diagnostic [36]. Les interventions psychosociales préconisées [21,36], y compris par certaines équipes françaises [6,22], ainsi que leurs effets, sont moins clairement décrites. La persistance à huit ans de troubles comportementaux, sociaux et scolaires chez les adolescents TDA/H, met en relief l’insuffisance de ce traitement de première ligne [26]. Les conceptions et les pratiques en France sont hétérogènes. Certaines équipes suivent les recommandations internationales [6,22], mais cela est très discuté et le MPH est moins utilisé en France qu’en Europe et Amérique du Nord [20]. Dans la classification française des troubles mentaux de l’enfant et l’adolescent (CFTMEA [23]) encore utilisée, le concept de TDA/H est limité à l’hyperkinésie, les troubles attentionnels étant relégués au second plan. Les thérapies psychodynamiques correspondant à une tradition française, ne sont pas évaluées et sont utilisées chez les enfants agités « hyperkinétiques » et non spécifiquement atteints de troubles attentionnels [9,15,38]. La prise en charge des enfants est loin d’être consensuelle. Les liens entre les données attentionnelles et les aspects psychopathologiques, n’ont jamais été précisés avec une méthodologie prospective et une double évaluation des mesures neuropsychologiques et projectives. Cette étude observationnelle prospective multidisciplinaire et croisée, sans a priori, d’une cohorte de 36 enfants porteurs d’un TDA/H suivis sur un an, propose d’explorer plus précisément les liens entre les scores attentionnels et l’hypothèse d’organisation psychopathologique structurelle. Méthodologie Population Trente-six enfants d’âge primaire ont été inclus, parmi les 400 nouveaux enfants de cette tranche d’âge référés au centre de référence sur les troubles des apprentissages en 2005. La file active de ce centre est constituée d’enfants porteurs de troubles des apprentissages sévères ou complexes, habitant en « Île-de-France Sud », à la demande de leurs professionnels, après constitution d’un dossier. Les 36 enfants sont tous ceux répondant aux critères suivants : Approche pluridisciplinaire des troubles déficitaires de l’attention une plainte prédominante concernant l’attention et/ou l’hyperactivité et un diagnostic de TDA/H évoqué selon les critères du DSM IV, jamais traité par le MPH ; dont les parents acceptaient le protocole d’évaluation pluridisciplinaire ; sans les critères d’exclusion suivants : déficience mentale (Quotient Intellectuel Verbal [QIV] et Performance [QIP] inférieur à 80 à l’échelle de Weschler1 ), trouble envahissant du développement, pathologie neurologique. Méthodes L’évaluation pluridisciplinaire initiale (T0) propose en moins de deux mois L’évaluation pluridisciplinaire initiale (T0) propose en moins de deux mois : • une consultation initiale neuropédiatrique. Elle vérifie les critères d’inclusion et d’exclusion. Elle précise la plainte (inattention/hyperactivité/impulsivité) à l’aide de questionnaires (Conners parents et enseignants [10], Child Behaviour Checklist [CBCL2 ]) et évalue les troubles des apprentissages ; • un entretien semistructuré réalisé par un seul psychiatre, en présence des deux parents. Il précise la comorbidité psychiatrique selon l’axe I du DSM-IV à partir de la recherche systématique des critères diagnostiques lors de l’entretien avec les parents : troubles anxieux, dépressifs, alimentaires, sphinctériens, tics ou troubles des conduites et oppositionnels. Selon une approche psychodynamique basée sur les critères de la CFTMEA [23], il propose une hypothèse psychopathologique structurelle (névrotique ou limite) et recherche l’existence d’une fragilité narcissique (représentation de soi inacceptable) à partir de l’observation de l’enfant. Il apprécie succinctement la qualité des interactions parents/enfants : bonnes si les parents sont adaptés ; faibles s’ils sont capables d’empathie mais débordés ; mauvaises si le lien est clairement pathologique ; • une évaluation neuropsychologique. Elle quantifie les déficits des différentes fonctions attentionnelles (sélective et soutenue, auditive et visuelle) et exécutives (impulsivité, planification, inhibition). L’attention soutenue est évaluée par le score composite des temps de réaction simples auditifs et visuels du Fe-Psy3 et les indices d’attention soutenue, d’omissions et de variabilité du « Continuous Performance Test »4 (CPT-2). L’indice de vigilance et l’index TDA/H du CPT-2 complètent ces données attentionnelles. Les fonctions exécutives sont appréciées par l’indice d’impulsivité du CPT-2, la préci- 1 Weschler D. Weschler Intelligence Scale for Children. Version française ECPA, Paris, 1996 2005. 2 Achenbach TM, Rescorla L. Child Behavior Checklist (CBCL). Manual for the ASEBA school-age forms and profiles. Burlington, VT: University of Vermont, Research Center for Children, Youth, and Families, 2001. 3 Alpherts W, Leeuwen KV, Schutte GJ, Sukamto R. FEPSY, the iron psyche, manual. Software. 1988—1995. 4 Conners CK. Continuous Performance Test. Toronto: Multi-Health Systems; 2004. 183 sion visuomotrice de la NEPSY5 , la planification (Tour de la NEPSY) et le contrôle de l’inhibition (réponses associées de la NEPSY). Les valeurs sont traitées en notes standards (NS), sauf le score composite du Fe-Psy traité en écart-type des normes et les indices du CPT-2 traités en t-scores conformément à la description du manuel4 et à la littérature [17,27] ; • une évaluation psychodynamique réalisée par une seule psychologue. Elle s’intéresse à l’organisation psychopathologique structurelle à l’aide de la passation de tests projectifs [8,32] : Rorscharch6 ; CAT ou TAT selon l’âge inférieur ou supérieur à neuf ans7 . Une hypothèse fondée sur la nosographie de la CFTMEA est proposée à partir d’une analyse des protocoles prenant en compte trois registres : les fondements de l’identité, l’élaboration de la position dépressive et le traitement de la conflictualité œdipienne. Ces hypothèses, du fait de l’âge des enfants, ne traduisent que les modalités actuelles de fonctionnement susceptibles de réaménagement. Chaque intervenant donne sa conclusion indépendamment, puis une synthèse restitue les données aux parents et à l’enfant et propose le projet thérapeutique le plus adéquate associant : • la prescription de MPH (Ritaline LP® ou Concerta® ) ; • la proposition d’une prise en charge psychothérapeutique en fonction de la comorbidité pédopsychiatrique, de l’organisation psychopathologique structurelle de l’enfant et de la dynamique familiale. La psychothérapie proposée était d’orientation psychanalytique en tenant compte des possibilités d’accès aux soins proches du domicile de l’enfant. Le suivi de l’enfant dans l’étude Le suivi de l’enfant dans l’étude comporte, une consultation à trois mois afin d’apprécier l’efficacité et les effets secondaires du MPH. Une nouvelle évaluation à un an apprécie la mise en œuvre du projet thérapeutique ; l’évolution qualitative selon l’interview des parents et de l’enfant (très favorable — douteuse — non favorable) et les scores des questionnaires ; l’évolution quantifiée des troubles attentionnels et des fonctions exécutives à partir du même protocole qu’à T0. Résultats L’objet de ce travail est la synthèse des principales données des évaluations et de leurs intrications. 5 Korkman M, Kirk U, Kemp S. NEPSY, a developmental neuropsychological assessment. Paris: ECPA; 2003. 6 Rausch de Traubenberg N, Boizou MF. Le Rorschach en clinique infantile, le réel et l’imaginaire chez l’enfant. Paris: Dunod; 1977. 7 Boekholt M. Épreuves thématiques en clinique infantile, approche psychanalytique. Paris: Dunod; 1993. 184 Résultats de l’évaluation initiale T0 Descriptif de la population Les 36 enfants, cinq filles et 31 garçons, adressés pour une plainte primaire portant sur l’attention et/ou l’agitation, avaient eu un parcours de soins antérieur (psychothérapie chez 24 d’entre eux, rééducation orthophonique et/ou psychomotrice chez 31). Ils étaient âgés de huit ans cinq mois en moyenne et scolarisés en primaire avec un retard scolaire d’un an pour 16 d’entre eux. Des antécédents familiaux de troubles de l’attention étaient notés dans cinq familles. Pendant la grossesse ou la période périnatale, un traumatisme (hospitalisation, perte d’un proche, difficultés familiales) était rapporté par 27 familles. Questionnaires et évaluation neuropsychologique Les résultats sont détaillés dans le Tableau 1. Les moyennes des scores des questionnaires parentaux appréciant l’inattention et l’hyperactivité/impulsivité, étaient significativement pathologiques en comparaison à la moyenne théorique (p 0,01 à 0,000 Student-t). Néanmoins, les scores variaient d’un enfant à l’autre. Le score d’inattention du DSM IV était pathologique chez tous les enfants sans corrélation avec celui du CBCL, pathologique chez seulement 58 % des enfants. L’hyperactivité était pathologique au questionnaire de Conners chez 58 % des enfants alors que l’impulsivité l’était chez une minorité (36 %). Tous les scores d’hyperactivité et d’impulsivité étaient corrélés entre eux et aux scores d’inattention (coefficient r de Pearson entre 0,44 et 0,84 ; p < 0,001). Le questionnaire de Conners rempli par les enseignants, pathologique chez 53 % des enfants, n’était pas corrélé aux questionnaires parentaux. Le QIV moyen était significativement supérieur à la moyenne théorique et au QIP. La moyenne de tous les tests attentionnels et des fonctions exécutives était significativement inférieure à la moyenne théorique (p 0,01 à 0,000) à l’exclusion de la planification (Tour de la Nepsy). Le déficit en attention soutenue s’exprimait par des temps de réaction au Fe-Psy allongés, fluctuants, émaillés d’omissions ; des indices d’attention soutenue, de variabilité, d’omissions et un index de ressemblance à un profil de TDA/H élevés au CPT-2. L’impulsivité au CPT-2 et à la précision visuomotrice ainsi que le contrôle insuffisant de l’inhibition à la NEPSY témoignait du déficit des fonctions exécutives. Il existait, néanmoins, une très grande diversité des déficits observés et de leur association chez chaque enfant. Soixante-douze pour cent des enfants avaient des scores d’attention soutenue pathologiques au Fe-Psy et 52 % au CPT-2. L’impulsivité motrice était pathologique chez 75 % des enfants et le contrôle de l’inhibition chez 53 %. Deux enfants seulement n’avaient aucun score pathologique à l’ensemble des tests attentionnels et exécutifs, tous les autres avaient un ensemble très divers de scores déficitaires. Les scores de mémoire des chiffres étaient corrélés au QIV (r 0,6 ; p < 0,000), évoquant le profil classique des enfants avec troubles du langage. Les scores d’impulsivité étaient corrélés au QIP (r 0,4 ; p < 0,05). Les différents indices d’attention soutenue et d’impulsivité du CPT-2 étaient dans l’ensemble corrélés entre eux (r entre 0,4 et 0,8 ; p < 0,005), mais pas à l’impulsivité motrice ou à la planification. Les scores des J. Chambry et al. questionnaires et les valeurs attentionnelles n’étaient corrélés que ponctuellement. La comorbidité et l’hypothèse d’organisation psychopathologique structurelle Les caractéristiques de ces données sont détaillées dans les Tableaux 2 et 3. La majorité des enfants avait au moins une comorbidité selon l’axe I du DSM-IV. Les troubles anxieux représentaient la comorbidité la plus fréquente, touchant 57 % des enfants, avec 40 % d’anxiété de séparation, 29 % de manifestations de trouble phobique, 3 % de trouble obsessionnel compulsif. Trois enfants avaient un trouble dépressif. Dans cette population, les troubles oppositionnels et de conduites étaient moins fréquents (respectivement 23 et 3 % des enfants). L’hypothèse de l’organisation psychopathologique structurelle proposée par le pédopsychiatre selon les critères de la CFTMEA [23], était névrotique chez 70 % des enfants et limite chez 30 %. Une fragilité narcissique était manifeste chez 46 % de la population. Les interactions parentales étaient considérées comme adaptées seulement chez 23 %. Dans 35 % des cas, la mère présentait un syndrome dépressif ou un trouble anxieux avéré. L’hypothèse de l’organisation psychopathologique structurelle selon les tests projectifs, était en cours d’organisation névrotique chez 42 % des enfants et traduisant un fonctionnement limite chez 58 %. L’organisation de la personnalité, selon l’entretien pédopsychiatrique et l’évaluation projective, était cohérente chez 19 enfants, discordante chez les 17 autres, le plus souvent dans le sens d’une organisation jugée limite aux projectifs non retrouvée à l’entretien pédopsychiatrique. La comparaison des scores des questionnaires, selon la comorbidité psychiatrique et l’organisation psychopathologique structurelle, ne montrait que des différences ponctuelles. Les enfants, chez qui le pédopsychiatre avait diagnostiqué un TOP ou de TCD, avaient au CBCL un score plus élevé de difficultés de socialisation, trouble de pensée, comportement délictueux et agressif (comparaison de moyenne des t-scores, p < 0,01). Les enfants pour lesquels le pédopsychiatre proposait une organisation de personnalité limite présentaient des scores plus élevés d’anxiété au Conners (p < 0,01), non confirmés par le CBCL et plus élevés de comportement agressif (p < 0,05). Les enfants dont les projectifs suggéraient une organisation névrotique avaient un indice de somatisation plus élevé (p < 0,05). Relations entre les scores attentionnels et les données psychiatriques et projectives Elles sont détaillées dans le Tableau 2. Il n’y avait aucune différence dans les scores attentionnels selon l’existence ou non d’une comorbidité ou l’hypothèse d’organisation psychopathologique structurelle à l’entretien pédopsychiatrique. En comparaison avec les enfants en cours d’organisation névrotique, les enfants dont l’évaluation projective proposait un fonctionnement limite présentait un QIP plus faible (95 vs 104, p < 0,05), des scores de variabilité au CPT-2 plus pathologiques (indices 59 vs 53, p < 0,05) et l’index TDA/H tendait à être plus élevé (62 vs 54, p : 0,08). Aucun autre score d’attention ou exécutifs ne différait. Données de l’évolution initiale T0 et à un an T1 selon le traitement par MPH. Nom du test Questionnaires Score DSM4e /9 Inattention Hyperactivité/Impulsivité Connersf Parents/100 Hyperactivité Impulsivité Troubles apprentissages CBCL parentsg Inattention Anxiété Sociabilité Délictueux Agressif Conners enseignantsf Tests neuropsychologiques WISC-IIIh QIV QIP Mémoire des chiffresh Temps de réaction Fe-Psyi CPT-2/100j Attention soutenue Variabilité Vigilance Index TDA/H Impulsivité Impulsivité motrice/10k Planification/10k Contrôle inhibition/10k Score T0 Score T0 Score T1 Population Totale n = 36 Non traités n = 11 Traités n = 20 M (et)a pb M (et)a M (et)a 7,3 (1) 6,4 (2) 7,3 (1) 6,3 (2) Non traités Traités Non traités pc 7,5 (1) 6,7 (2) NS NS pc 72,2 (12)*** 64,4 (11)*** 81,1 (12)*** 72,4 (15) 63 (11) 82 (15) 71,4 (11) 65,3 (10) 79 (11) NS NS NS 65,1 (17) 61 (16) 73 (16) 71,6 66 65,6 61,3 62,6 (9)*** (12)*** (9)*** (8)*** (8)** 72,4 64,6 64,8 62,8 63,1 70,4 66,6 65,8 60,1 62,6 NS NS NS NS NS 66,4 60,8 60,1 57,7 58,7 104,9 98,9 8,4 −3,5 (18)* (12) ns (3)** (2) 7,6 (3) −2,5 (1) 8,4 (3) −4,4(3) NS * 7 (4) −2,3 (2) 58,3 58,9 54,2 64,8 58,6 6,6 10,5 7,6 (13)*** (8)*** (9)** (18)*** (15)*** (3)*** (3) NS (2)*** 51,1 (6) 55,1 (8) 49,2 (8) 69,9 (18) 55,1 (7) 6,6 (3) 10,4 (3) 6,9 (1) 60,8 57,6 55,6 64,3 60,6 6,6 10,8 7,7 NS NS NS NS NS NS NS NS 56,6 57,1 52 67,5 54,9 7,5 10,6 7,9 (9) (9) (12) (10) (12) Delta T1-T0 (8) (12) (7) (8) (6) (15) (7) (9) (19) (18) (3) (3) (2) (13) (9) (8) (8) (6) (9) (9) (9) (23) (9) (3) (3) (2) 60 (15) 57 (11) 67 (17) 64,6 63,3 61,5 57,4 59,1 (8) (11) (9) (7) (10) 9,6 (1) −2,2 (1) 53,2 51 45,2 47,3 56,6 7,3 10,4 8,7 (13) (8) (9) (16) (8) (3) (3) (1) Traités pd pd NS NS NS −7,3 −2 −9 NS NS * −11,4 −8,3 −12 ** ** * NS NS NS NS NS −6 −3,8 −4,7 −5,1 −4,4 NS * NS * NS −5,8 −3,3 −4,3 −2,7 −3,5 * NS * NS ** NS NS −0,6 0,3 NS NS 1,2 2 NS * NS NS * ** NS NS NS NS 5,6 2,1 2,9 −2,4 −0,2 0,9 0,2 1 NS NS NS NS NS NS NS NS −7,5 −6,6 −10,4 −15,7 −4 0,7 −0,4 1 * * ** ** NS NS NS NS Approche pluridisciplinaire des troubles déficitaires de l’attention Tableau 1 NS : p > 0,05 ; * : p < 0,05 ; ** : p < 0,01 ; ***p < 0,001. Les données en italique sont significatives. a Moyenne (écart-type). b Comparaison à la moyenne théorique (Student-t). Les données des normes n’ont pas permis de calculer la comparaison à la moyenne théorique pour les scores du DSM-IV et de la Fe-Psy. c Comparaison des moyennes des scores des deux groupes traités et non traités (Student-t). d Comparaison appariée des scores à T0 et T1 dans chacun des groupes traité et non traité (test de Wilcoxon). e Questionnaire du TDAH DSM IV. f Questionnaire de Conners parents et enseignants [10]. g Child Behavior CheckList. h WISC-III. i Moyenne des temps de réaction Fe-Psy en et de la norme. j Indices du CPT-2 en t-scores. k Fonctions exécutives de la NEPSY en note standard (Précision visuomotrice, Tour de Londres et réponses asssociées). 185 Tableau 2 Comorbidité psychopathologique et structuration de la personnalité. Non Oui a Nom des tests M (et) Score DSM4d Inattention Hyperactivité 7,3 (1) 5,8 (2) Conners parentse Hyperactivité Impulsivité Troubles de conduite Somatisation Anxiété Trouble d’apprentissages 73,5 64 48 50,4 59,4 80,9 Connerse Enseignant Hyperactivité 12,3 (6) 69,7 58,1 67,9 64,7 55,9 63,3 62,1 (10) (11) (8) (9) (8) (11) a M (et) 7,3 (1) 7 (2) 70,9 64,5 49,7 55,8 59,5 81 (14) (11) (14) (21) (14) (13) Troubles oppositionnels/conduites Organisation de la personnalité Entretien pédopsychiatrique/Tests projectifs Non Névrotique Oui b a P M (et) NS NS 7,3 (1) 6,5 (2) (13) (12) (12) (11) (10) (11) a M (et) b a P M (et) 7,4 (1) 6,3 (2) NS NS 75,8 (9) 68,4 (7) 48,5 (10) 58 (30) 66,3 (17) 77 (14) Limite a Névrotique 186 Troubles anxieux Limite M (et) b P a M (et) M (et)a Pc 7,3 (1) 6,2 (2) 7,3 (1) 7 (2) NS NS 7,2 (1) 6 (2) 7,5 (2) 6,9 (2) NS NS NS NS NS NS NS NS 71 (13) 63 (11) 47 (11) 52 (11) 56 ((10) 80 (12) 75 (11) 67 (9) 53 (13) 57 (27) 68 ((13) 83 (11) NS NS NS NS ** NS 70 (13) 62,5 (12) 47 (7) 58 (24) 59 (13) 78,7 (12) 73,7 (11) 65,6 (10) 50 (13) 51 (8) 60 (11) 82,9 (10) NS NS NS NS NS NS NS NS NS NS NS NS 70,9 63 49 52,1 57,4 42,2 13,8 (3) NS 12,7 (5) 14,4 (6) NS 13 (5) 13 (4) NS 14,2 (4) 14,2 (5) NS 72,1 60,6 63,4 65 59,9 58,6 61,9 (9) (9) (9) (10) (9) (8) (9) NS NS NS NS NS NS NS 69,8 59,1 64,6 62,4 56,3 58,1 59,8 74,8 (10) 60,3 (10) 67,8 (5) 72,4 ((8) 63,8 ((10) 68,4 ((10) 68,8 ((9) NS NS NS ** * ** ** 70 (8) 60 (7) 65 (12) 64 (8) 58 (8) 60 (8) 60 ((8) 75 (9) 58 (11) 66 (10) 68 (13) 60 (10) 63 (10) 68 ((10) NS NS NS NS NS NS * 73,1 (10) 63 ((9) 64 (9) 66 (7) 59 (10) 60 (8) 61 (9) 70,7 (9) 57 ((7) 66 (12) 65 (11) 58 (8) 62 (8) 63 (9) NS * NS NS NS NS NS 105 (19) 99 (13) NS NS 105 (17) 98 (13) 104 (22) 102 (10) NS NS 107 (16) 99 (13) 99 (21) 98 (10) NS NS 110 (15) 104 ((12) 101 (19) 95 ((11) NS * 8,1 (3) 8,6 (2) NS 8,6 (3) 7,6 (3) NS 8,6 (3) 7,7 (4) NS 8,9 (3) 8,1 (3) NS f CBCL parents Troubles de l’attention Somatisation Anxiété Difficultés de socialisation Trouble de pensée Comportement délictueux Comportement agressif WISCg QIV QIP (7) (7) (13) (8) (7) (8) (9) 105 (17) 98 (12) Mémoire des chiffresg (8) (8) (13) ((8) ((7) ((6) ((7) Temps de réaction −3,6 (3) −3,5 (2) NS −3,8 (2) −2,7 (1) NS −3,7 (2) −3 (1) NS −3,3 (2) −3,7 (2) NS CPT-2i Attention soutenue Variabilité Vigilance Index TDAH Impulsivité 58 (5) 59,1 (6) 56,5 (5) 69,7 (17) 59,1 (11) 58,4 (19) 54,9 (7) 52,5 (11) 61,3 (18) 58,3 (18) NS NS NS NS NS 59,3 (14) 56,6 (8) 54,5 (9) 64,9 (19) 59,1 (16) 53,5 (5) 56,9 (5) 52,9 (9) 64,6 (11) 56,7 (7) NS NS NS NS NS 59,5(15) 56,9 (7) 54,1 (9) 64,7(19) 59 (17) 54,5 56,2 54,5 65,2 57,5 NS NS NS NS NS 60 (18) 53 (5) 56 (6) 58 (12) 54 (6) 56 (8) 59 (7)* 53 (11) 70 (20) 62 (19) NS * NS NS NS Impulsivité motricej 5,8 (2) 7,4 (3) NS 6,9 (3) 5,9 (4) NS 7,1 (3) 5,7 (1) NS 6,7 (2,7) 6,6 (3,1) NS Planificationj 10,1 (3) 10,9 (3) NS 10,7 (3) 10 (3) NS 10,7 (2) 10,1 (3) NS 10,7 (2) 10,4 (3) NS 7,5 (2) 7,7 (2) NS 7,8 (2) 7 (2) NS 7,6 (2) 7,6 (2) NS 7,7 (1,2) 7,5 (2) NS h j Contrôle de l’inhibition (4) (6) (7) (14) (5) J. Chambry et al. Les données en italique sont significatives. a Moyennes (écart-type). b Comparaison des moyennes des scores selon l’existence ou non de troubles anxieux ou TOP et TC (Student-t ; NS : p > 0,05 ; * : p < 0,05 ; ** : p < 0,01 ; *** : p < 0,001). c Comparaison des moyennes des scores selon la structuration de personnalité (Student-t ; NS : p > 0,05 ; * : p < 0,05 ; ** : p < 0,01 ; *** : p < 0,001). d Questionnaire DSM IV TDAH [2]. e Conners [11]. f CBCL : t scores [1]. g WISC-III. h Fe-Psy (Alpherts et al.). i CPT-2 (Conners CK. Continuous Performance Test). j NEPSY (Précision visuomotrice, Tour de Londres et réponses associées : Korkman M, Kirk U et Kemp S. version française ECPA. 2003). Approche pluridisciplinaire des troubles déficitaires de l’attention Tableau 3 Résultats de l’évaluation pédopsychiatrique. Effectif % 20 14 0 10 0 1 56 39 0 28 0 3 Troubles dépressifs 3 8 Troubles alimentaires 0 0 Troubles oppositionnels 8 22 Troubles des conduites 1 3 Tics 3 8 Troubles sphinctériens 4 11 Comorbidité Un diagnostic associé Deux diagnostics associés > 3 diagnostics associés 25 17 6 2 70 47 17 6 Hypothèse structurale Organisation névrotique Organisation limite 25 11 70 30 Fragilité narcissique 17 47 Interactions parents/enfants Bonnes Faibles Mauvaises 8 23 5 22 64 14 DSM IV Axe I Troubles anxieux Anxiété de séparation Anxiété généralisée Trouble phobique Trouble somatoforme TOC Suivi à un an Trente et un enfants sur 36 ont été revus à un an. Onze d’entre eux n’ont pas été traités par le MPH du fait d’un refus ou grande réticence des parents ou de l’institution suivant l’enfant (six cas), d’éléments dépressifs prédominants (cinq cas). Vingt enfants ont été traités par le MPH à une posologie moyenne de 0,68 mg/kg par jour. Une prise en charge psychothérapeutique psychanalytique a été proposée à 28 des 31 enfants suivis et mise en place chez 21 d’entre eux. Évolution selon le traitement Cliniquement, un effet « très favorable » a été rapporté par les familles chez tous les enfants traités par le MPH sauf chez un dont les tests attentionnels s’étaient pourtant normalisés. Le MPH a été arrêté au bout d’un mois chez un enfant en raison d’effets secondaires d’agressivité. Trois enfants traités ont eu des troubles du sommeil, deux des céphalées et une baisse d’appétit, peu invalidants et transitoires. L’évolution des questionnaires et des tests neuropsychologiques a été résumée dans le Tableau 1. Avant le début du traitement, les deux populations, traitée et non traitée, étaient identiques en tout point en dehors des 187 TR (FePsy) moins pathologiques dans la population non traitée. La comparaison appariée des scores à T0 et T1 des questionnaires (test de Wilcoxon) montre une amélioration significative dans le groupe traité par le MPH, sauf en ce qui concerne l’anxiété et le comportement délictueux. À l’inverse, dans le groupe non traité, cette amélioration n’a porté que sur ces deux scores, et non pas sur les scores d’attention, hyperactivité/impulsivité. L’analyse de variance a montré une interaction entre le groupe et la période sur le seul score d’impulsivité (Conners parents), au bénéfice des enfants sous MPH (F [1, 28] = 21,3 ; p = 0,0001). L’amélioration des scores des tests attentionnels et des fonctions exécutives n’a également concerné que la population traitée par MPH. La comparaison appariée des scores à T0 et T1 a montré, chez les enfants sous MPH, une amélioration par rapport au bilan initial, pour tous les scores des tests sauf l’impulsivité et la planification. En revanche, il n’y a eu aucune amélioration chez les enfants non traités. L’analyse de variance montre une interaction groupe-période sur plusieurs tests : mémoire des chiffres (F [1, 29] = 4,1 ; p = 0,05), temps de réaction du FePsy (F [1, 26] = 5,5 ; p = 0,004), indice de variabilité du CPT-2 (F [1, 21] = 4,3 ; p = 0,05) et vigilance (F [1, 21] = 6,2 ; p = 0,02). Toutes ces interactions sont liées à l’amélioration du groupe traité, inversement au groupe non traité. L’interaction au bénéfice du groupe traité reste significative pour les TR du Fe-Psy, la variabilité du CPT-2 et la vigilance lorsque l’hypothèse d’organisation psychopathologique structurelle selon les projectifs est introduite en facteur covariant. Discussion L’évaluation conjointe neuropsychologique, pédopsychiatrique et psychodynamique, prenant en considération les critères du DSM-IV, de la CFTMEA et les techniques projectives, n’a jamais été rapportée dans la littérature. La population a été définie à partir des critères du DSM-IV consensuels pour la littérature internationale [28]. Malgré le biais du recrutement neuropédiatrique, les caractéristiques de la population en termes de résultat des questionnaires, des tests neuropsychologiques sont similaires à la littérature [27]. La plainte reste invalidante malgré de nombreuses interventions rééducatives ou psychothérapeutiques antérieures. L’utilisation des échelles de Conners est justifiée comme outil d’appréciation de l’évolution [10], et celle du CBCL, en tant que seul questionnaire étalonné chez les enfants français [16]. La batterie neuropsychologique est inspirée des modèles actuels de l’attention et des fonctions exécutives [4,39]. Le CPT-2 est utilisé comme le test définissant les différentes variables attentionnelles le plus discriminatif des TDA/H [12,17,27,28]. Les TR du Fe-Psy ont été utilisés en complément pour préciser les scores d’attention soutenue dans les deux modalités visuelle et auditive. L’association d’une synthèse neuropédiatrique et pédopsychiatrique rallie les aspects cognitifs et psychopathologiques de l’interprétation des troubles. L’entretien pédopsychiatrique cherche à la fois la comorbidité en termes de troubles tels que décrits dans l’axe I du DSMIV et l’organisation psychopathologique structurelle selon la CFTMEA [23]. L’évaluation psychodynamique utilise les 188 tests projectifs et suit les conceptions psychanalytiques de la notion d’organisation psychopathologique structurelle [8,32]. Les résultats sont cohérents avec la littérature. Les différents questionnaires, hors DSM-IV, ne sont pas positifs chez tous les enfants et peuvent être discordants, les troubles étant sous évalués par les enseignants [28]. Le QIV du WISC est supérieur au QIP et à la norme [27,28]. Les scores attentionnels sont tous significativement déficitaires par rapport aux normes théoriques et l’index TDA/H du CPT-2 est très significativement évocateur de la similarité du profil attentionnel du groupe avec celui des scores des TDA/H. Le contrôle de l’inhibition et les deux évaluations de l’impulsivité traduisent comme dans la littérature le déficit des fonctions exécutives [39]. Néanmoins, le profil individuel de chaque enfant est très variable et un déficit conjoint des fonctions attentionnelles et exécutives ne concerne pas tous les enfants [27,29]. Seules les compétences de la planification (Tour de Londres de la NEPSY) sont normales, ce qui suggère une compensation liée aux compétences verbales [28]. L’absence de corrélation entre questionnaires et tests souligne l’intérêt d’une évaluation neuropsychologique pour objectiver les troubles d’attention moins faciles à mettre en évidence par les questionnaires que l’hyperactivité [27] et l’intérêt des différents scores du CPT-2 [1,17,27]. Les questionnaires utilisés lors de l’évaluation sont peu corrélés au diagnostic pédopsychiatrique, même s’ils sont détaillés comme le CBCL, suggérant leurs limites pour éclairer les comorbidités psychopathologiques et les propositions psychothérapeutiques qui en découlent. Cependant, les difficultés de socialisation, troubles de la pensée, comportement délictueux et agressif repérés chez les enfants présentant un TOP ou un TC sont conformes aux critères diagnostiques de ces deux entités syndromiques. La comorbidité avec les troubles anxieux révélée par l’entretien pédopsychiatrique est très supérieure à la prévalence rapportée dans une population sans TDA/H [33], sans qu’il y ait de cohérence avec l’indice du CBCL. La fréquence moins élevée de TCD et TOP en comparaison à la littérature [11,21,28] est à rapprocher de l’âge et du biais de recrutement de la population, liée au centre référent des troubles des apprentissages. Le score plus élevé de somatisation chez les enfants névrotiques traduit non pas la somatisation effective mais la « plainte somatique » exprimée par les enfants et rapportée par les parents. L’hypothèse retenue est que les enfants « névrotiques » pourraient davantage verbaliser leur anxiété contrairement aux enfants avec pathologie limite qui sont davantage dans l’agir [23]. La fréquence d’interactions parentales non adaptées, d’évènements stressants anté- ou périnataux, de pathologie psychiatrique chez la mère a déjà été rapportée dans la littérature [1]. L’hypothèse d’organisation psychopathologique structurelle appréciée par le pédopsychiatre est majoritairement névrotique, mais elle est limite chez 30 % des enfants. Les tests projectifs affinent et enrichissent l’entretien pédopsychiatrique. À partir de cette évaluation psychodynamique, la moitié des enfants présentent finalement une organisation limite, alors même que le recrutement n’est pas pédopsychiatrique, soulignant l’importance de cette organisation pathologique dans cette population d’enfants. Néanmoins, l’hétérogénéité structurelle J. Chambry et al. ne permet pas d’assimiler TDA/H et pathologies limites [9]. L’absence de corrélation entre la plupart des scores attentionnels, d’une part, et l’évaluation pédopsychiatrique ou psychodynamique, d’autre part, renforce la nécessité d’une analyse sans a priori, du déficit de l’attention et des facteurs psychopathologiques associés pour réfléchir au projet thérapeutique selon chaque enfant. Parmi les corrélations retrouvées entre les scores attentionnels et l’évaluation projective, deux scores sont significativement plus pathologiques chez les enfants avec une organisation limite. La baisse du QIP peut être rapprochée des caractéristiques des items de performance qui demande aux enfants d’être en mesure de fonctionner sans étayage, ce qui est très difficile dans les pathologies limites [23]. Celle de la variabilité au CPT-2 évoque la discontinuité de la pensée inhérente aux fonctionnements limites. Le suivi apporte également des éclaircissements sur les divergences françaises. L’indication du traitement médicamenteux a concerné tous les enfants en suivant les consensus internationaux [24,25,35] mais 11 n’ont pas été traités en raison d’une contre-indication ou d’une réticence des parents et institutions. Cette situation permet artificiellement d’objectiver que l’amélioration des déficits attentionnels est supérieure chez les enfants traités, qui sont les seuls à rejoindre la norme aux tests spécifiques. En revanche, les scores d’anxiété ne sont pas améliorés par le MPH, donnant toute l’importance des indications psychothérapeutiques éclairées. Enfin, quelle que soit l’hypothèse d’organisation psychopathologique structurelle le bénéfice du MPH persiste, justifiant de considérer le traitement symptomatique des troubles attentionnels et l’indication psychothérapeutique individuellement et sans a priori. Malgré les conseils, la mise en place d’une psychothérapie n’a été réalisée que chez une partie de la population. Les réticences parentales, aggravées par les divergences des professionnels et l’accès aux soins en France sont des facteurs à prendre en compte. Conclusion et perspectives En dépit des limites en termes de nombre d’enfants et de biais de recrutement, interdisant une généralisation des conclusions, cette étude apporte des données concrètes aux divergences sur le TDA/H et sa prise en charge et définit les bases d’une étude de plus grande ampleur. L’enjeu de ces troubles en termes d’avenir à l’âge adulte, justifie une évaluation multidisciplinaire rigoureuse, afin de prescrire le MPH et/ou poser l’indication de thérapies avec un faisceau d’arguments et d’en évaluer les effets. La batterie neuropsychologique apporte des arguments complémentaires aux questionnaires pour objectiver le déficit attentionnel. La fréquence de la comorbidité psychopathologique et des fragilités d’organisation psychopathologique dans cette population non référée en pédopsychiatrie, justifie de ne pas limiter le concept de TDA/H à une vision cognitive. L’utilisation du MPH a apporté les bénéfices attendus sur les aspects cliniques et cognitifs dans la population traitée. Les réticences apportées au MPH responsables de l’absence de traitement chez six enfants, qui ont gardé à Approche pluridisciplinaire des troubles déficitaires de l’attention un an le même déficit attentionnel, doit faire réfléchir sur l’effet néfaste des idéologies des professionnels sur ce sujet. Le taux de comorbidité anxieuse et d’organisation limite est à rapprocher des résultats à long terme de la cohorte MTA, suggérant que ces troubles peuvent rentrer en compte dans les limites du MPH pour offrir une amélioration durable. Les doutes sur le bénéfice à long terme des thérapies comportementales amènent à proposer d’évaluer rigoureusement les psychothérapies analytiques indépendamment du rôle du MPH qui lui a pour objectif de pallier le déficit attentionnel. Cette étude confirme que le dialogue entre psychanalyse et sciences cognitives est possible [19] au bénéfice des enfants. Conflit d’intérêt Les auteurs n’ont aucun conflit d’intérêt. Références [1] Abou-Abdallah T, Guilé JM, Menusier C, et al. Corrélats cognitifs et relationnels associés aux troubles de l’attention avec/sans hyperactivité. Neuropsychiatr Enfance Adolesc 2010;58:293—7. [2] American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders: DSM-IV-TR. 4th, text revision. ed. Washington, DC: American Psychiatric Association; 2000. [3] Barbaresi WJ, Katusic SK, Colligan RC, et al. Long-term school outcomes for children with attention-deficit/hyperactivity disorder: a population-based perspective. J Dev Behav Pediatr 2007;28:265—73. [4] Barkley RA. Issues in the diagnosis of attentiondeficit/hyperactivity disorder in children. Brain Dev 2003;25:77—83. [5] Barkley RA, Murphy KR, Dupaul GI, et al. 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