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ÉDITORIAL
L’infinie étendue de la vie émotionnelle de l’homme représente tout à la fois un
mystère des plus fascinants et une source de souffrance douloureuse pour les
sujets atteints de troubles psychiatriques. La psychologie et la psychopathologie
nous ont depuis plus d’un siècle beaucoup enseignés sur les ressorts de cette
dimension fondamentale de la vie psychique. La neurophysiologie a, depuis,
éclairé les mécanismes cérébraux sous-tendant les comportements émotionnels
de même que la neuro-anatomie, au travers notamment des descriptions de plus
ou plus détaillées du système limbique, a donné une assise matérielle aux structures cérébrales supports des émotions.
Dans le domaine de la psychiatrie, les perturbations pathologiques des émotions
et de l’humeur constituent quant à elles un groupe complexe de troubles, pathologies autonomes ou dimension transversale d’autres troubles. De l’évaluation clinique de ces pathologies découle la mise en œuvre de thérapeutiques diversifiées
tant biologiques, notamment médicamenteuses, que psychothérapiques dont on
peut attendre une réduction de la souffrance des malades et une meilleure régulation de leur réactivité émotionnelle. Pourtant, l’approche que fait la psychiatrie
de ces troubles ne s’appuie que très marginalement sur toutes les connaissances
fondamentales acquises dans ce champ particulier.
Les progrès dans la connaissance du fonctionnement cérébral et la capacité
des techniques modernes d’exploration de l’encéphale, notamment la neuro-imagerie dont les raffinements permettent aujourd’hui de visualiser le cerveau jusqu’au
niveau des faisceaux neuronaux, devraient permettre une compréhension plus
précise des modifications fonctionnelles intervenant dans le développement de
ces troubles et par là, sinon aujourd’hui tout au moins dans un avenir proche, la
mise au point de stratégies thérapeutiques nouvelles et plus sélectives.
L’expérience acquise dans le champ de la neurologie grâce au développement
des méthodes de la neurochirurgie fonctionnelle pour le traitement de certaines
pathologies, notamment les formes résistantes de la maladie de Parkinson, a permis d’observer les modifications subtiles de la régulation émotionnelle chez les
malades traités par stimulation cérébrale profonde. Ces modifications comportementales trouvent leur origine dans la participation limbique des structures stimulées, ici le noyau sous-thalamique. L’observation clinique de ces patients a ouvert
ainsi une voix de réflexion nouvelle dans le champ de la psychiatrie, permettant
non seulement à notre discipline de renouer avec ses bases neurologiques, mais
dessinant peut-être aussi de nouveaux espoirs thérapeutiques dans des situations
résistantes aux approches conventionnelles. Les observations préliminaires
encourageantes de telles approches thérapeutiques novatrices dans le domaine
des troubles obsessionnels résistants sont là pour attester de la pertinence de la
démarche.
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 1-2, cahier 2
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L’Encéphale, 2006 ; 32 : 1-2, cahier 2
À Grenoble, l’équipe du Professeur Alim-Louis Benabid a été pionnière dans
la mise au point de la technique de stimulation cérébrale profonde du noyau sousthalamique par électrode implantée chez les malades parkinsoniens résistants.
Son dynamisme a impulsé des rapprochements interdisciplinaires dont le Colloque
organisé le 30 juin et le 1er juillet 2005 est une illustration directe.
L’objectif de cette réunion était de proposer un échange entre spécialistes d’horizons différents mais complémentaires, neuro-anatomistes, neuroradiologues,
psychiatres et neurologues pour l’essentiel, et de faire le point sur les données
actuelles concernant les liens entre émotions, humeur et structures cérébrales
sous-corticales. Nous espérons que ces attentes auront été satisfaites et que la
lecture de ce numéro spécial nous confortera dans notre démarche. La revue
L’Encéphale est apparue comme étant à l’évidence le support naturel de la publication des actes de cette réunion tant par sa place dans l’histoire de la psychiatrie
française que par son soutien toujours actuel à une psychiatrie ancrée dans ses
bases biologiques.
La tenue de cette réunion n’aurait pas été possible sans la collaboration amicale
de tous les orateurs et présidents de séances, notamment les Professeurs Lôo et
Benabid, qui nous ont fait l’amitié et l’honneur de nous rejoindre dans notre Grésivaudan en ce début d’été et sans l’investissement de l’équipe du Département
de Psychiatrie du CHU de Grenoble à qui vont nos remerciements.
Enfin, l’organisation du Colloque et la publication de ce numéro n’auraient pas
non plus été possibles sans les laboratoires de l’industrie pharmaceutique qui nous
ont soutenus sans faillir et que nous remercions également.
Professeur Thierry Bougerol, Docteur Mircea Polosan
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