L’Encéphale, 2006 ;
32 :
1-2, cahier 2
S 1
ÉDITORIAL
L’infinie étendue de la vie émotionnelle de l’homme représente tout à la fois un
mystère des plus fascinants et une source de souffrance douloureuse pour les
sujets atteints de troubles psychiatriques. La psychologie et la psychopathologie
nous ont depuis plus d’un siècle beaucoup enseignés sur les ressorts de cette
dimension fondamentale de la vie psychique. La neurophysiologie a, depuis,
éclairé les mécanismes cérébraux sous-tendant les comportements émotionnels
de même que la neuro-anatomie, au travers notamment des descriptions de plus
ou plus détaillées du système limbique, a donné une assise matérielle aux struc-
tures cérébrales supports des émotions.
Dans le domaine de la psychiatrie, les perturbations pathologiques des émotions
et de l’humeur constituent quant à elles un groupe complexe de troubles, patho-
logies autonomes ou dimension transversale d’autres troubles. De l’évaluation cli-
nique de ces pathologies découle la mise en œuvre de thérapeutiques diversifiées
tant biologiques, notamment médicamenteuses, que psychothérapiques dont on
peut attendre une réduction de la souffrance des malades et une meilleure régu-
lation de leur réactivité émotionnelle. Pourtant, l’approche que fait la psychiatrie
de ces troubles ne s’appuie que très marginalement sur toutes les connaissances
fondamentales acquises dans ce champ particulier.
Les progrès dans la connaissance du fonctionnement cérébral et la capacité
des techniques modernes d’exploration de l’encéphale, notamment la neuro-ima-
gerie dont les raffinements permettent aujourd’hui de visualiser le cerveau jusqu’au
niveau des faisceaux neuronaux, devraient permettre une compréhension plus
précise des modifications fonctionnelles intervenant dans le développement de
ces troubles et par là, sinon aujourd’hui tout au moins dans un avenir proche, la
mise au point de stratégies thérapeutiques nouvelles et plus sélectives.
L’expérience acquise dans le champ de la neurologie grâce au développement
des méthodes de la neurochirurgie fonctionnelle pour le traitement de certaines
pathologies, notamment les formes résistantes de la maladie de Parkinson, a per-
mis d’observer les modifications subtiles de la régulation émotionnelle chez les
malades traités par stimulation cérébrale profonde. Ces modifications comporte-
mentales trouvent leur origine dans la participation limbique des structures stimu-
lées, ici le noyau sous-thalamique. L’observation clinique de ces patients a ouvert
ainsi une voix de réflexion nouvelle dans le champ de la psychiatrie, permettant
non seulement à notre discipline de renouer avec ses bases neurologiques, mais
dessinant peut-être aussi de nouveaux espoirs thérapeutiques dans des situations
résistantes aux approches conventionnelles. Les observations préliminaires
encourageantes de telles approches thérapeutiques novatrices dans le domaine
des troubles obsessionnels résistants sont là pour attester de la pertinence de la
démarche.