G20 : les compromis mous sont-ils à la hauteur des... la crise financière et économique mondiale?

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G20 : les compromis mous sont-ils à la hauteur des enjeux de
la crise financière et économique mondiale?
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Président du Congrès des Economistes Africains.
Président de l’Ecole de Dakar
.
Introduction
Après de laborieuses discussions durant au moins un trimestre, la première
réunion du G20 s’est terminée par des déclarations de satisfaction à peine voilées de
tous les acteurs du monde veloppé : Sommet historique pour les uns, avènement
d’un Nouvel Ordre Mondial pour les autres. Toutefois, comme l’écrit le journal ‘’Les
Echos ‘’ « le G20 c'est d'abord vingt « je ». Barack Obama vient prêcher l'esprit de
relance à des Européens un peu timorés ; Nicolas Sarkozy veut sans attendre remettre
de l'ordre dans la maison capitaliste ; Hu Jintao entend que la Chine soit enfin
reconnue comme un des grands timoniers des affaires planétaires ; Gordon Brown
tente, en se présentant en sauveur de l'économie mondiale, de sauver sa place aux
commandes de l'Angleterre ; ou une Angela Merkel préoccupée peut-être avant tout,
fût-ce en étouffant son « hinterland » d'Europe de l'Est, d'éviter à ses compatriotes de
revivre un jour le cauchemar de l'hyperinflation »
La puissante presse internationale a fait le reste en amplifiant les satisfécits.
Les titres globalement positifs des éditorialistes laissent rêveurs : « L’incroyable
succès du G20 », « La politique reprend ses droits et la gouvernance mondiale prend
un début de consistance » pour Laurent Joffrin de Libération, « Le G20 signe
incontestablement le début d’une nouvelle ère, peut-être même un Nouvel Ordre
International » note Gaëtan de Cépale du Figaro. La presse économique est tout aussi
excessive: « Le choc de confiance » pour Les Echos, « Une union sacrée contre la
crise » pour la Tribune.
Il est alors dit que tout le monde a gagné et personne n’a perdu. Comme l’écrit
Mathieu Pégasse, ce « G20 n’est ni un succès, ni un échec ». Le document final
qualifié par Angela Merkel (en réminiscence de Gramsci) comme « un compromis
historique pour résoudre une crise exceptionnelle », soulève beaucoup
d’interrogations essentielles dont la plus importante est celle de savoir si les
décisions arrêtées sont réellement à la hauteur des enjeux. Il serait inopportun, sous
le confortable parapluie de l’ «expertisme», de présenter les résultats comme
éminemment positifs pour résoudre une crise aussi profonde qui dégage déjà quatre
séquences spécifiques : de crise financière, elle devient économique, puis sociale et
pourrait être enfin s’achever comme crise politique. A cette étape ultime, il ne saurait
être exclu que l’ordre public soit sérieusement menacé amenant une intervention plus
déterminées des politiques.
Tous ces éléments laissent penser que nous ne vivons pas une simple crise
économique conjoncturelle qui s’étendrait au monde entier, mais une crise
systémique qui bascule du monde illusoire de la mondialisation heureuse des années
90 à un autre encore inconnu, en conséquence, plein d’incertitudes et de risques. Cela
étant, il importe de dresser l’état des lieux des défis que soulève la crise actuelle et
qui certainement ne se résoudra pas par des « mesures » purement et simplement
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technicistes. C’est pourquoi, il importe de réapprécier la crise pour mieux savoir
l’efficacité des décisions prises pour nous sortir de la crise.
I/Pour une réévaluation de la crise et de ses
implications.
Au-delà des controverses académiques, il ne faut point se tromper de
diagnostic : chaque jour révèle que la crise que nous sommes en train de vivre est
une crise financière d’une très grande ampleur, mais elle est aussi une crise planétaire
de société, une crise du capitalisme qui la dominait jusqu’ici et met en lumière
l’incroyable absence de sens moral et civique de nombre d’acteurs de par le monde et
l’inacceptable façon dont les plus habiles ont exploité les failles du système pour
s’accaparer la richesse par des moyens peu avouables (affaire Magdof, parachutes
dorés, bonus immérités, fraude fiscale….).
Jamais l’humanité n’a été confrontée avec une telle succession de crises d’une
rare ampleur : crise énergétique, crise alimentaire, crise financière et économique et
une crise environnementale. On observe de véritables ruptures qui affectent
simultanément le système financier, le système productif, les ressources de la planète,
le climat, la politique, le social et même la culture.
De fait, les fondations des sociétés mises en place après la Seconde Guerre
mondiale, la société « fordiste » notamment, selon les termes de Michel Aglietta, ont
été durement atteintes par le tsunami néo-libéral qui a envahi le monde au cours du
dernier quart du XXème siècle avec l’imposition d’une pensée unique selon laquelle
chacun gagne sa place au mérite dans l’hypothèse d’une utopique égalité des chances
nulle part vérifiée. L’Etat Providence, la régulation par les marchés, les trop fortes
inégalités, la protection sociale, le droit du travail, ont subi et subissent encore
aujourd’hui de rudes coups. Il faut alors savoir comment recomposer les formes de
sociétés pour le monde de demain pour qu’il soit plus juste, moins inégalitaire et plus
respectueux de l’environnement et des doits de l’homme. Il nous a semblé que face
aux périls planétaires, c’est à la résolution de ces questions que le G20 devrait
s’atteler.
Du côté des altermondialistes, malgré l’extrême diversité des discours le cri de
ralliement de toutes les organisations se résume au slogan « changer de monde ».
Comme l’observe la coalition "Put people first" « Avant même que n'éclate la crise
bancaire, le monde souffrait de la pauvreté, des inégalités, et vivait sous la menace
d'une catastrophe climatique ». Dès lors, il est réclamé du G20 de poser les jalons
d’« une gouvernance démocratique de l'économie mondiale, des emplois décents et
des services publics pour tous, la fin de la pauvreté et des inégalités et la mise en
œuvre d'une économie verte ».
Quant à la Commission Stiglitz, elle propose de saisir l’opportunité pour
construire «un autre monde ». Dans ce sens, le Groupe d’experts restituant ses
travaux le 26 mars déclare que « tous les pays doivent adopter un plan de relance,
mais les pays en développement n'ont pas les ressources pour le faire. Dès lors, la
réponse globale va être déséquilibrée si des fonds additionnels ne sont pas alloués
aux pays en développement. Les pays du Nord devraient octroyer 1% de leurs plans
de relance aux pays du Sud. Ces fonds devraient être débloqués sans conditionnalités
inappropriées. La réforme du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque
mondiale traînant en longueur, les experts préconisent de créer une compétition
salutaire entre les institutions existantes, à commencer par le FMI. Pour cela, il faut
créer un nouveau mécanisme de crédit, par exemple sous les auspices de la Banque
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mondiale. Pour Stiglitz « quelle que soit la forme retenue, le nouveau mécanisme
doit avoir une gouvernance plus démocratique et mieux représenter les pays en
développement.»
Pour Oxfam, au regard de « la gravité de la crise, un plan de relance
international s’impose pour protéger les plus pauvres. Les pays riches étant
responsables tant de la crise économique actuelle que de la crise climatique, c’est à
eux de mettre sur table des propositions de relance coordonnées, dont les effets
seront valables tant pour les pays industrialisés que pour les pays en
développement ». Pour cette ONG « l’heure est venue de changer de cap et pour cela,
il faut en finir avec le fondamentalisme de marché et donner la chance aux autorités
de réguler leurs marchés ; redonner aux revenus du travail - et non du capital - leur
place centrale dans la politique économique ; baser les politiques de développement
sur l’amélioration du bien-être des plus exclus ; combattre la volatilité des prix et des
taux de change ainsi que les changements climatiques, car ces phénomènes
contribuent au malaise économique actuel ».
Les altermondialistes, toutes tendances confondues, affichent leur volonté de
ne point se démobiliser « face aux forces qui tendent à transformer le monde en
champ clos de la concurrence, il faut poursuivre la mobilisation des énergies pour
œuvrer à la réorganisation de la société et faire face aux menaces que font peser la
mondialisation incontrôlée et les dérives néolibérales ».
Tout semble indiquer qu’ils ne seront pas entendus car, au beau milieu de la
crise, le communiqué de la première réunion du G20, en novembre 2008, avait
clairement proclamé «Nous serons guidés dans nos travaux par la conviction
commune que les principes du marché, des économies ouvertes et des marchés
financiers correctement réglementés favorisent le dynamisme, l’innovation et l’esprit
d’entreprise qui sont indispensables à la croissance économique, à l’emploi et à la
réduction de la pauvreté… » Seul problème « aux débuts de cette décennie, les acteurs
des marchés ont cherché à obtenir des rendements plus élevés sans évaluer les
risques de façon adéquate et sans faire preuve de la vigilance requise ».
II/ Le G20 a séduit le monde mais il n’a pas convaincu.
La conjonction de crises et de bouleversements qui touchent aussi bien les
équilibres géopolitiques et sociétaux appelle une prise de conscience des défis
auxquels il faut trouver des solutions qui ne soient pas de simples « mesurettes » qui
ne permettront pas de sortir des situations économiques et sociales difficiles et des
multiples autres menaces qui pèsent sur nos sociétés. La crise du système mondial
révèle un certain nombre de défis majeurs :
Le défi démographique avec 6 milliards d’habitants que compte
actuellement la planète et 9 milliards dans quarante ans. Cela devrait entraîner, si les
progrès technologiques et les pratiques agricoles n’implosent pas, des déséquilibres
alimentaires graves.
L’épuisement de certaines ressources naturelles, si des solutions
alternatives de remplacement ne sont pas disponibles, comme par exemple les
énergies fossiles.
La montée de la pauvreté de masse et la forte croissance des inégalités :
bien que le PIB de la plupart des pays s’accroît, il subsiste d’après la Banque
Mondiale 23% de pauvres, et surtout les deux extrêmes du spectre des revenus se
dilatent fortement. Le libéralisme débridé qui du fait de la mondialisation a sévi dans
tous les pays est largement responsable de cette situation.
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Le poids des média est devenu écrasant qui diffusent partout la pensée
dominante, ainsi que celui de la publicité qui par ses matraquages incessants
infantilise la société et la pousse à consommer des gadgets inutiles en entretenant
cette civilisation du jetable
Dès lors, pouvons-nous laisser croire que l’on va s’en sortir simplement,
comme semble l’admettre l’auguste Réunion du G20 par les quatre mesures qui ont
fait l’objet d’un accord consensuel :
La première est l’injection d’un volume impressionnant et gigantesque
de ressources financières de plus de 1000 milliards de dollars sans aucune précision
sur leur origine et surtout leurs impacts réels sur les déséquilibres monétaires,
budgétaires et commerciaux mondiaux qu’elles peuvent entrainer et sur le
creusement des inégalités entre les pays industrialisés touchés par la crise et les pays
pauvres laissés pour compte. Ces énormes ressources ne risquent-elles pas de faire
exploser la dette publique et fragiliser conséquemment la solvabilité de certains
Etats ? De même on ne voit pas encore esquisser les mécanismes de contrôle
concernant les opérations financières à risque.
La deuxième mesure concerne les nouvelles fonctions de régulation
imparties aux Institutions financières internationales comme la Banque mondiale, le
FMI et l’OMC et leur mise à flot financier pour faire à leurs désormais nouvelles
missions. Pourtant, tout le monde reconnait qu’elles trainent encore d’énormes
casseroles dans leurs interventions passées particulièrement au niveau des pays
périphériques africains. D’abord, depuis les « trente glorieuses », elles n’ont pas été
capables de prévoir, d’empêcher, ni de gérer les crises liées à la mondialisation
libérale. A l’occasion des crises financières ou des dysfonctionnements des marchés
financiers leurs interventions ont été sévèrement critiquées pour leur inefficacité.
Ensuite, depuis les années 70, la plupart de ces institutions avaient missions
terminées : le FMI comme prêteur en dernier ressort n’a jamais pu s’imposer aux
grandes puissances capitalistes qu’elles soient excédentaires ou déficitaires en les
obligeant à des réajustements structurels comme ceux imposés aux pays
périphériques. Enfin, leurs multiples et multiformes interventions dans les pays
africains à travers les Programmes d’Ajustement Structurels en ont fait une super
institution aux médiocres résultats.
Alors, on peut légitimement se demander si cette Institution dans ses formes
actuelles peut assumer les fonctions de régulation que le G20 veut lui assigner. Les
débats antérieurs autour de ce scénario (M.Camdessus, M. Aglietta, C. DeBoissieu,
D.Plihon) avaient insisté sur l’impérative nécessité de transformer le FMI en une
Banque Centrale mondiale qui jouerait véritablement le rôle de prêteur en dernier
ressort chargée de créer et de gérer une monnaie internationale comme le DTS. Cette
perspective pourrait lui donner la capacité d’interagir avec les marchés financiers
d’une part et de promouvoir l’ajustement de tous à une stratégie mondiale de
croissance et de développement.
La troisième mesure concerne les différentes règles prudentielles pour
les acteurs en faute grave comme les Banques, les paradis fiscaux non coopératifs et
les sociétés de notation. Les éventuels conflits d’intérêt qui auraient pu faire capoter
la Rencontre ont été soigneusement évités à travers les remarquables flous qui
entourent ces règles. La meilleure illustration est donnée par les trois listes des
paradis fiscaux : la noire très peu fournie, la grise qui ne présente pas de danger et la
blanche qui absout : résultat de course, chaque grande puissance a soigneusement
réussi à protéger son arrière cour qui abrite le réservoir de fonds spéculatifs. En
dehors de cette proclamation de la « fin du secret des affaires » rien n’est prévu pour
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évaluer la traçabilité de leurs interventions et fixer les sanctions à leurs
manquements ;
La quatrième mesure est relative à l’admission dans le groupe de
nouvelles puissances émergentes mais sans même envisager sérieusement un nouvel
équilibrage géopolitique de tous les centres de pouvoir à l’échelle mondiale et sans
prévoir un statut pour les éternels « laissés pour compte » qui subissent à grande
échelle tous les chocs externes qu’ils n’ont pas créé. Cela est rendu nécessaire avec le
déclin relatif des pays occidentaux, Europe et Etats-Unis, dont la domination sur le
monde s’exerce depuis la renaissance. Toutes les statistiques laissent prévoir que
l’irrésistible ascension des pays émergents notamment le BRIC (Brésil, Russie, Inde,
Chine) modifiera complètement les rapports de force économique, financière et
même militaire dans la mondialisation : moteur de la croissance mondiale, ils ont
accumulé les trois quarts des réserves financières mondiales. Actuellement, ces deux
géants de l’économie mondiale que sont les Etats-Unis et la Chine vivent en parfaite
symbiose (partenariat stratégique) : le fort déficit américain permet à l’appareil
industriel chinois de tourner à plein régime et de financer les ficits américains.
Leur montée en puissance devrait casser les anciens regroupements comme le G8.
L’OMC chargée de réguler le commerce mondial et d’organiser les négociations
entre les pays membres n’est pas à l’abri de critiques et de réserves. L’échec du 9
ème
Cycle de négociation ouvert à Doha (2001) et les diverses crises traversées par
l’Organisation montrent que les principes du GATT reconduits (non-discrimination,
clause de la nation la plus favorisée et réciprocité dans les concessions) par l’OMC
sont insuffisants pour régler les problèmes du commerce international : beaucoup de
pays en développement constatent que les principes proclamés du libre échange n’est
pas toujours conforme et font l’objet d’habiles contournements qui instaurent un
protectionnisme déguisé.
A ces quatre décisions majeures clairement exprimées devraient s’ajouter
d’autres malheureusement non abordées et concernent pourtant des problèmes qui
sont à l’origine de la crise comme la réforme du Système Monétaire International
avec le dollar comme monnaie internationale de serve, la faillite des institutions de
régulation de l’ordre mondial qui sont restées absentes tout au long de la crise et
l’humanisation du capitalisme qui devrait donner un nouveau cours à la globalisation,
pour reprendre le titre de l’ouvrage de Joseph Stiglitz, « Making globalisation
work » ?.
III/ Et l’Afrique dans tout cela : si elle ne clame rien,
elle n’aura rien !
Bien qu’ayant perçu avec beaucoup de retard la crise mondiale et ses
conséquences, les réflexions au niveau des décideurs ont été extrêmement lentes.
Tout le monde en dehors de trois Chefs d’Etat s’était contenté dans la position
absurde de « nous pas concernés ». Le réveil fut brutal quand les Institutions
Financières, le PNUD et le BIT ont sorti les premiers Rapports appréciant les
désastreuses conséquences sur le Continent. La panique est intervenue quand le FMI
selon ses prévisions indique que la croissance globale du continent sera réduite de
moitié avec le risque de perdre plus de 50 milliards de dollars sur ses revenus à
l'exportation dans la période 2008-2009. C’est alors qu’un Comité de Réflexion
préparatoire à été convoquée à Dar Es Salaam le 11 Mars 2009 pour définir la
« Position commune de l'Afrique » devant être présentée au G20. Les débats se sont
focalisés sur les points qui suivent :
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