-' Moustapha KASSE Intégration et Partenariat en Afrique De l'UEMüA au NEPAD 1E A Éditions Silex / Nouvelles du Sud Intégration et partenariat en Afrique : De l'UEMOA au NEPAD © Éditions Silex / Nouvelles du Sud, 2003 ISBN: 2-912717-12-4 Moustapha KASSE" Intégration et partenariat en Afrique: De l'UEMOA au NEPAD Éditions Silex / Nouvelles du Sud BP 6250 Yaoundé Cameroun PRÉFACE Aujourd'hui, tous les dispositifs d'interdépendance des systèmes productifs, monétaires, d'échanges, des technologies de l'information et de la communication montrent très clairement que le mouvement de la mondialisation, c'est à dire le phénomène d'internationalisation des marchés des biens, services et capitaux, est à la fois irréversible et incontournable. Aucun pays et aucun continent ne sauraient s'y soustraire. L'Organisation Mondiale du Commerce (OMe), ne manque aucune occasion pour le souligner et recommander notamment aux Pays en Développement et plus particulièrement aux États d'Afrique, des Caraibes et du Pacifique (ACP), de s'adapter pour s'insérer au mieux dans la nouvelle donne mondiale, du fait qu'il n'existe plus de grandes marges de manœuvre dans les négociations entre pays du Nord et ceux du Sud. Les considérations non strictement économiques sont passés au second plan, au profit des règles orthodoxes de l'économie libérale. Il n'est donc plus opportun pour les pays ACP de demander à leurs partenaires du Nord de leur accorder de nouvelles faveurs. TI faut plutôt se préparer dans la perspective de la création d'un marché unique au niveau planétaire. Dès lors, il devient impératif pour ces pays de trouver les meilleures formules pour construire des économies compétitives en vue d'assurer leur survie dans le système des relations économiques et monétaires internationales. Ainsi se justifie l'interrogation de l'auteur : comment construire le marchepied vers la mondialisation? Un regard sur la configuration actuelle de la mondialisation révèle que le système est de plus en plus multipolaire, c'est-à-dire qu'elle s'accompagne d'un large mouvement d'approfondissement du niveau régional. Ce constat est illustré par le fait que tous les grands pays développés sont en train de se regrouper autour de grands pôles, donnant à la mondialisation cette caractéristique fortement multipolaire. Ainsi, l'Europe depuis 1953, ne cesse de s'élargir et de perfectionner l'Union dans laquelle elle s'est résolument engagée. L'Asie se regroupe pour constituer de grands ensembles économiques: l'ASEAN et l'APEC. TI en est de même pour l'Amérique du Nord et l'Amérique latine, avec respectivement l'ALENA et le MERCOSUR.. En 1995, tous les membres fondateurs de l'OMC, déclaraient adhérer à au moins un accord régional. Un exemple permet d'illustrer le regain des initiatives du regroupement : sur les 194 accords régionaux notifiés au GATI puis à l'OMC jusqu'au début de 1999, 87 l'ont été entre 1990 et 1999. La mondialisation exige des pays un niveau de compétitivité impossible à réaliser dans des espaces nationaux devenus à la fois trop étroits et handicapants. C'est pourquoi, la recherche d'une taille critique suffisante pour faire face à l'exacerbation de la compétition entre firmes multinationales, mais aussi entre États, pousse ces derniers à se regrouper en blocs régionaux. Ce phénomène de morcellement de l'espace économique mondial en blocs qu'on appelle régionalisme, est paradoxalement apparu comme un moyen de résoudre les difficultés rencontrées dans l'extension du . 7. phénomène de la mondialisation dans la mesure où il permet de reproduire au niveau régional ou sous-régional, certaines règles régissant le multilatéralisme au sein de l'OMe. Ainsi, selon l'OMC, les trois blocs européen, américain et asiatique réalisaient en 1998, 85% des exportations mondiales qui s'élevaient alors à 6 500 milliards de $ US. Dans ce montant, le commerce ème intra zone 3 représentait plus de 50 %. La dynamique de compétitivité des États devient par conséquent sujette à l'abandon des souverainetés nationales, dans certains domaines, au profit d'organisations de coopération régionale ou internationale. Si les pays industrialisés, éprouvent, malgré leur dimension, l'impérieuse nécessité de se regrouper pour mieux affronter la concurrence, les États en développement d'Afrique, pour faire face au défi du nouveau siècle, ne peuvent plus se permettre de se replier sur eux-mêmes. C'est pourquoi, dans le continent, l'intégration des marchés, la coordination des politiques économiques et financières et la coopération dans les domaines de la technologie, de la formation, de la recherche, des infrastructures, de l'environnement et de la sécurité alimentaire, occupent une place centrale dans les stratégies à long terme et dans les recherches académiques. L'intégration fut le thème central du Plan d'Action de Lagos en 1980. En outre, elle est au cœur des préoccupations de la dernière réunion de l'OUA à Pretoria où la question du choix de l'Union Africaine en tant que cadre institutionnel pour le NEPAD, avait été discutée. Entre ces deux dates, plusieurs tentatives de regroupement ont eu lieu même si la plupart d'entre elles ont été bien en deçà des espérances. Certaines ont disparu, tandis que d'autres survivent et se consolident autour de programmes souvent ambitieux dont les objectifs s'inscrivent dans le long terme. L'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) est non seulement la l'une des dernières nées des organisations d'intégration en Afrique de l'Ouest, mais en plus, elle est une des formes les plus avancées de ces expériences, puisqu'elle ajoute les avantages de l'union économique aux acquis d'une union monétaire. Avec près de 30% de la population totale de l'espace ouest africain, elle produit près de 33% du PIB de la région. De façon significative, son schéma institutionnel inspire largement celui de l'Union Africaine qui vient de prendre le relais de l'OUA. Créée le 10 janvier 1994 par la volonté des chefs d'État et de Gouvernement des pays membres, l'Union a accumulé une grande expertise. Cette réflexion d'un universitaire sur le phénomène du régionalisme en Afrique est d'une très grande utilité, d'abord pour la théorie économique et ensuite, pour les praticiens qui peuvent y voir un regard critique des différentes expériences en cours, dont les résultats restent quelque peu modestes surtout en matière de promotion des échanges intra-régionaux et de marche vers la création de communautés économiques véritables. La question de l'intégration est au cœur des théories et politiques de développement actuelles et il est heureux que le dernier Nobel d'économie, R A MUNDELl ait été récompensé pour ses travaux sur la convergence des politiques économiques et les zones monétaires optimales. Théoriquement, on maîtrise mieux les facteurs d'optimalité d'une zone d'intégration à savoir, la mobilité des facteurs (MUNDELL), la diversification des économies (KENEN) et l'intégration financière (INGRAM - 8- et SClTOVSKY). De même, les critères permettant de définir les conditions macro-économiques que doit remplir un pays pour être admis dans une union économique sont mieux connus. Au plan pratique, cet ouvrage est assez édifiant en ce qui concerne les nombreuses expériences d'intégration. L'auteur montre qu'à un moment, il y avait en Afrique plus de 200 organisations de coopération. Le Président Abdoulaye WADE parlait alors et fort justement de « cimetière de projets ». Cet ouvrage tire les leçons de l'expérience de l'UEMOA pour le renouveau du régionalisme en Afrique. En effet, les atouts de la Zone Franc en matière d'intégration sont appréciables: un système monétaire unique, une liberté de mouvements des capitaux, des mécanismes de coopération, un héritage institutionnel et administratif commun. Ce sont autant de fàcteurs positifs pour un élargissement du marché sous-régional et le retour à une croissance durable et soutenue. Dans ce contexte, on comprend mieux les trois problématiques de départ de cette recherche. La première problématique expose les enjeux de l'UEMOA, en analysant d'abord le schéma d'intégration dont les objectifs majeurs sont, entre autres, l'assainissement du cadre macro-économique, l'unification des espaces économiques nationaux et l'harmonisation des politiques sectorielles. En d'autres termes, la coopération entre les États membres de l'Union doit être recentrée essentiellement autour de la création d'un marché commun fondé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune, la convergence des performances et des politiques économiques et enfin la coordination des politiques sectorielles. Cela suppose un système institutionnel de type confédéral voire fédératif, avec des organes de direction, de contrôle juridictionnel et de contrôle parlementaire. La deuxième problématique concerne l'opérationnalité de l'Union et la convergence des politiques économiques en son sein. L'analyse de l'évolution des indicateurs macro-économiques fait ressortir les bonnes performances de l'Union depuis sa création, en 1994, suite à la dévaluation du franc CFA. La convergence recherchée des performances et des politiques économiques repose sur un dispositif de surveillance multilatérale avec des indicateurs de convergence à dominante budgétaire. L'objectif étant de mettre les politiques budgétaires nationales en cohérence avec la politique monétaire commune et partant, d'éviter à ce que celles là ne deviennent des instruments de dérégulation de celle-ci. La troisième problématique peut-être formulée sous une forme interrogative: Que peut apporter l'UEMOA aux récentes initiatives que sont l'Union Africaine et le NEPAD ? La Charte Constitutive de l'Union Africaine s'est fortement inspirée du dispositif institutionnel de l'UEMOA. Sur cette question, notre organisation possède des acquis et une expertise solides qui peuvent servir pour réaliser des avancées plus significatives en direction de l'approfondissement des processus d'intégration en cours en Afrique. n est vrai que l'auteur propose quelques recommandations pour rendre l'Union encore plus opérante et plus performante dans son aire géographique: - 9- la première va dans le sens d'un élargissement de l'UEMOA aux pays frontaliers non-membres de la Zone Franc--et qui entretiennent avec les États membres de la zone, des relations commerciales, privilégiées et de proximité ~ la seconde consiste à dire que l'UEMOA doit procéder à une déprotection par rapport au reste du monde, développer ses infrastructures (transport, communication) et renforcer les ressources humaines dans les États membres ; la troisième recommandation est adressée aux États membres qui doivent prendre les mesures nécessaires pour réorienter les flux commerciaux et d'investissements sur la base de leurs avantages comparatifs respectifs. Cela devrait conduire à une véritable division sous-régionale du travail en fonction des dotations factorielles et des capacités ~ Enfin, la quatrième recommandation concerne la mise en œuvre des politiques sectorielles communes surtout dans les domaines agricole et de l'informel. Ces recommandations vont en droite ligne de la philosophie des cercles concentriques qui rappellent « les poupées gigognes» dont l'ensemble constitue une entité, mais dont chacune prise individuellement représente l'image réduite de l'entité décomposée. Enfin l'auteur fait ressortir les opportunités apparues à la faveur de la création de l'UEMOA, avant d'analyser les atouts que celle-ci doit mettre en valeur. L'auteur montre en outre, que l'espoir est permis quant au plein succès de cette mission menée par les autorités de l'Union et particulièrement la Commission de l'UEMOA. Il n'existe pas de mystère, le succès d'une telle entreprise est conditionné par l'application scrupuleuse par les États membres des politiques qu'ils ont euxmêmes retenues et l'effectivité de la surveillance multilatérale des politiques macro-économiques, sans oublier la volonté politique de l'adhésion forte des populations. C'est seulement ainsi que les États membres de l'Union pourront dissiper définitivement les risques de marginalisation inhérents au phénomène de la mondialisation et donc, demeurer une zone de dynamisme et de croissance économique. Je ne doute pas que tous ceux qui pensent comme l'auteur « qu'aucun peuple du monde, aucun système social n'a vaincu les forces de la nature et du sous-développement dans l'autarcie» trouveront dans cet ouvrage des raisons techniques sûres de croire que l'intégration en Afrique est bien possible, mais que sa réalisation doit s'appuyer impérativement sur un projet techniquement bien conçu et une volonté politique inébranlable. Moussa TOURÉ Président de la Commission de l'UEMOA -JO - INTRODUCTION GÉNÉRALE Le régionalisme est revenu en force dans les préoccupations prioritaires des décideurs qui ont multiplié et diversifié les expériences à travers le monde. Également, on observe un renouveau de l'intérêt académique pour la question; ce qui montre que quelque chose s'est produit dans la dynamique du processus d'intégration. Les analyses et les recherches se sont élargies et approfondies autour de nouvelles théories positives relatives aux rones monétaires optimales, à la convergence économique, aux coalitions, à l'économie des institutions et des organisations qui ont notablement amélioré les méthodes d'investigation. D'un autre côté, les théories normatives permettent de dégager les agencements économiques ou institutionnels les plus opérationnels. Toutes ces analyses relient les trois faits stylisés que sont la régionalisation, la mondialisation et le développement. Elles montrent que le nouveau régionalisme va bien au-delà de l'intégration puisqu'elle implique des dimensions économiques, politiques et sociales. TI est alors assigné au régionalisme un double rôle stratégique de promotion du développement socio-économique et de règlement des défis de la globalisation. Or, les pays d'Afrique ont à la fois des problèmes de développement et d'insertion à l'économie mondiale. En effet, jusqu'à une période récente, ces pays avaient bénéficié d'un accès facile aux marchés internationaux grâce d'une part à la forte demande de produits primaires d'origine agricole et minière et d'autre part au système généralisé de préférences commerciales, accordées à titre principal par l'Union Européenne dans le cadre des conventions de Lomé. Cette situation s'est fortement détériorée au moment où le continent traverse une profonde crise économique, financière et sociale. Dans ce contexte, le régionalisme est réactivé par les décideurs politiques encouragés par les bailleurs de fonds comme le FMI et la Banque mondiale qui ont viré du scepticisme initialement entêté à l'adhésion enthousiaste pour faire de l'intégration un élément de leur stratégie à long terme pour les réformes en Afrique. Dès lors, le mouvement en faveur de l'intégration s'accélère, appuyé par les opinions publiques qui y voient un moyen d'améliorer leur bien-être par le biais des processus d'intégration au niveau des cinq régions naturelles retenues : l'Afrique Centrale, l'Afrique Australe, l'Afrique de l'Est, l'Afrique du Nord et l'Afrique de l'Ouest. Ce regain d'intérêt s'est confirmé avec la création de l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine de l'Union Africaine et du NEPAD autour de l'objectif d'un destin solidaire pour sortir de la crise et amorcer un développement durable. En effet, depuis les années 80, la plupart des pays africains sont traversés par des difficultés économiques et sociales qui ont conduit à leur marginalisation rampante des affaires du monde. Les indicateurs macro-économiques montrent que les performances ont été médiocres avec des économies stagnantes marquées par des déséquilibres chroniques de la balance des paiements et des finances publiques, la massification de la dette et des menaces virtuelles d'insolvabilité, -11- des taux de croissance faibles, une détérioration permanente des tennes de l'échange, une agriculture qui ne couvre pas les besoins vivriers de la population et une industrialisation déficiente. Entre 1980 et 1989, il a été constaté un déclin constant et général de l'activité. Ce qui avait conduit le Professeur Adébayo ADEDEJI, alors Secrétaire Exécutif de la Commission Économique des Nations-Unies pour l'Afrique, à parler d'une « décennie perdue pour le développement». Les années 90 connaîtront quelques embellies conjoncturelles mais sans véritablement voir l'amorce d'une émergence économique de l'Afrique c'est-à-dire la création d'une capacité de fournir un rythme accéléré de croissance pendant une longue période pour sortir définitivement de la pauvreté de masse. Le revenu moyen africain représentait 14% du revenu moyen des pays développés au milieu des années 60. En 1997, ce rapport n'était plus que de 7%. Ce revenu per capita se flXe en moyenne à environ 1300 dollars mais en excluant de la moyenne les pays à revenus intennédiaires, on arrive à un revenu par tête inférieur à 200 dollars pour les 60% des populations africaines, soit moins d'un dollar par jour et par personne. Or, il est maintenant prouvé qu'avec moins de 2 dollars les pays ne peuvent échapper à l'omniprésence de la pauvreté. Des rythmes élevés de croissance de l'ordre de 8 à 10% sont alors indispensables pour en sortir. Le continent est trop loin du compte car, le taux de croissance annuel moyen du PIB par habitant entre 1965 et 1995 n'était que d'environ 0,5%. Cette faible croissance est à la base de l'accroissement du chômage, de la pauvreté et des inégalités de revenus qui s'accentuent. L'agriculture et l'industrie fournissent les meilleures illustrations de cette stagnation. L'agriculture souffre de plusieurs maux: appauvrissement des sols, aléas climatiques, détérioration tendancielle des tennes de l'échange, faible productivité et absence d'une diversification significative. L'effondrement de l'agriculture, surtout vivrière, a été le résultat de la conjugaison de trois facteurs: - l'accroissement de la production agricole est insuffisant pour couvrir les besoins d'une population en expansion rapide et la demande alimentaire des villes en augmentation soutenue; - les politiques agraires inadaptées parce que privilégiant les cultures de rente pourvoyeuses de devises ; - et l'environnement technologique et institutionnel inadéquat. Ces éléments apportent la preuve, qu'aucun pays africain n'a réussi une révolution verte qui aurait pennis d'améliorer la productivité par actif rural et par hectare cultivé, donc d'accroître la production et les revenus ruraux et de mettre à la disposition des consommateurs plus de biens alimentaires à de meilleurs prix. La situation de l'industrie est encore plus inquiétante. Au lendemain des indépendances, la quasi-totalité des pays africains, indépendamment des options politiques adoptées, avaient mis en place des stratégies d'industrialisation fondées sur la substitution des importations qui se sont traduites à tenne par des échecs. Tous ces espoirs d'industrialisation se sont alors volatilisés. Dans le secteur, l'Afrique a accumulé de nombreux projets d'investissements irréalistes, parfois surdimensionnés, et non compétitifs. Cela - 12- explique le désengagement progressif de l'État des activités économiques (sous la pression du FMl et de la Banque mondiale) et la vague de privatisation qui affecte la majeure partie des entreprises publiques africaines. Le développement des marchés des eurodollars, des eurobanques et le recyclage des excédents des pays de l'OPEP (les pétrodollars) ont assuré des prêts à l'Afrique dont la dette dépasse aujourd'hui les capacités de remboursement de la plupart des États et constitue en même temps un obstacle à la croissance économique. Cette crise d'endettement rend compte de la mauvaise utilisation des ressources mobilisées qui n'ont pas servi à financer le développement, notamment l'industrialisation. Elle exprime par contre l'insolvabilité (de la quasi-totalité des pays africains), qui hypothèque toute perspective de financement du développement(l). Ces faibles performances économiques ont entraîné des carences majeures dans le domaine social, marquées par un niveau de développement humain faible et une accentuation des facteurs de désintégration sociale comme la pauvreté de masse, l'exclusion, la discrimination, les conflits ethniques, les migrations internes et externes, l'extension des criminalités, l'insécurité et les guerres civiles qui font partie du décor africain. Cette situation montre que le continent ne pourra nullement supporter son explosion démographique conjuguée à son urbanisation accélérée et chaotique. Cette perspective est clairement relatée dans un document prospectif élaboré par la CEA intitulé « le développement en Afrique 19832008 » ; dans lequel, il est noté que « le tableau qui se dégage de l'analyse des perspectives pour l'Afrique à l'horizon est cauchemardesque. L'explosion démographique exponentielle pourrait avoir des répercussions épouvantables sur les ressources physiques de la région, sur la terre comme sur les services sociaux essentiels (santé, éducation, logement, hygiène, eau, etc.). Au niveau national, les conditions sociales et économiques se traduiront probablement par une dégradation de l'essence même de la dignité humaine. La population rurale devra survivre au prix d'une surcharge de travail intolérable et elle fera de plus en plus face à une désastreuse rareté des terres. La pauvreté atteindra alors des dimensions jamais imaginées». Pour y faire face, l'Afrique doit nécessairement relancer ses structures productives (agriculture et industrie), s'impliquer davantage dans les échanges internationaux, attirer des investissements .étrangers pour assurer son développement, tout en tenant compte des contraintes aussi manifestes que la mondialisation fait peser sur les économies nationales. Le second trait caractéristique de l'évolution africaine, concerne la marginalisation du continent des affaires économiques et financières du monde. Celle-ci est à la fois une manifestation mais aussi une conséquence de la crise. Ainsi, la part de l'Afrique dans le commerce international est tombé à 1,7% en 1993 contre 2,5% en 1970. Les exportations restent dépendantes pour 80% de produits primaires dont 27% sont d'origine agricole. C'est ainsi que la Belgique avec quelques 10 mil1ions d'habitants produit autant que l'Afrique réunie tandis que Hong-Kong réalise une part plus importante du commerce 1. Moustapha KASSE : L'Afrique endettée. Éd. NEAS-CREA. Dakar, 1992, 134 pages. - 13- mondial que l'ensemble du continent. La production industrielle est à moins de 1% de la production mondiale ce qui explique que les produits manufacturés ne représentent que 20% des exportations africaines. Si rien n'est entrepris, « l'Afrique risque d'être totalement exclue de la compétition économique mondiale qui repose de moins en moins sur les matières premières et la main-d'œuvre à bon marché et de plus en plus sur la créativité technique». Or, de ce point de vue, l'accroissement des disparités technologiques et des productivités du travail va creuser davantage les inégalités entre l'Afrique et le reste du monde. Face à cette situation, on peut se demander -comme le fait l'éminente personnalité, Arturo O'CONNEL, ancien directeur de la Banque d'Argentinesi « nous n'allons pas devenir les bidonvilles de la planète, pendant que prospéreront le Japon, les États-Unis et les autres pays industrialisés». Ce contexte économique et social justifie l'insistance des hommes politiques à relancer les enjeux de la régionalisation africaine malgré les faibles résultats enregistrés par les organisations régionales et sous-régionales d'intégration. En effet, il est clair que le continent africain ne pourra sortir de cette double crise s'il continue de comporter plus d'une cinquantaine d'États traînant chacun une crise débilitante qui les rend totalement inaptes à être au service du développement économique et social. Dans ces conditions les États, surtout dans l'isolement, ne pourront nullement insérer leurs économies nationales dans le système mondial de haute compétition. La solution qui se dessine serait la constitution de grands ensembles économiques, financiers et politiques disposant d'une dimension susceptible de leur conférer de plus grandes marges de manœuvre. C'est dire qu'il faut désormais raisonner non plus en terme d'États-Nations mais en tenne de régions et d'espaces économiques de gestion des complémentarités avec les nations voisines. La régionalisation semble donc être la meilleure réponse pour les petits pays de relever les défis de la mondialisation bien que la notion de région soit un concept ambigu et élastique du fait de sa triple connotation géographique, politique et économique. Ainsi avec la faillite économique et financière des années 90, les États de la Zone Franc redynarnisent leur espace d'intégration et créent l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine. Quelques années plus tard, dans une Afrique en crise et marginalisée, les Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'OUA relanceront une nouvelle stratégie de « renaissance africaine ». Après la mise en route de l'Union Africaine à Lomé (2000) et à Lusaka (2001), les dirigeants africains prennent conscience de l'impérieuse nécessité d'avoir un programme de développement à long terme. Pour combler ce vide, ils élaborent le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD) dans le cadre duquel ils s'engagent individuellement et collectivement à résoudre tous les conflits, à améliorer la gouvernance politique et économique, à réduire la pauvreté de masse et à créer un environnement suffisamment incitatif à l'investissement donc à la croissance. On redécouvre que « L'Afrique doit s'unir» pour survivre reprenant ainsi le titre de l'ouvrage du Or. Kwarné NKRUMAH daté de 1950. Ces deux initiatives relancent les enjeux de l'intégration considérée comme la voie d'accès à la mondialisation. - 14 - Tous les décideurs réalisent un parfait consensus sur l'opportunité de la régionalisation. Et, selon la formule de P. JACQUEMOT, ils font de l'intégration la mère de toutes les vertus. Est-ce une formule magique ou la panacée du développement économique et de la mondialisation? D'autres voient dans cette option une incantation idéologique à la fois commode et mobilisatrice. Ces interrogations rendent impératives de nouvelles réflexions sur le régionalisme en Afrique. C'est pourquoi, cet ouvrage analyse les trois dernières formules du régionalisme africain: l'UEMOA, l'Union Africaine et le NEPAD. Chacune de ces organisations se fixe comme objectifs d'une part la réalisation d'économies d'échelle autorisant un accroissement des activités productives et d'autre part l'élimination de toutes les contraintes attachées aux débouchés. TI est attendu de ces ensembles économiques ou politiques qu'ils libèrent d'importantes extemaJités positives et engendrer, conséquemment, un processus irréversible de croissance au taux le plus élevé possible compte tenu des ressources disponibles. Après une évaluation de la mondialisation de paradoxes et d'inégalités qui marginalise le continent, cette réflexion est structurée en huit chapitres traitant respectivement: De la difficile émergence régionale de l'Afrique. De l'UEMOA comme une nouvelle approche du régionalisme protégé. De la question de la Zone Monétaire Optimale appliquée à l'UEMOA. Des critères de convergence et de leur surveillance multilatérale. Du parachèvement du passage de l'union monétaire à l'union économiqlJe. De l'impératif d'une nouvelle approche du régionalisme africain. De la question de savoir si le pari de l'union Africaine peut être tenu. Du NEPAD comme dernière chance d'un développement concerté et durable. - 15- CHAPITRE INTRODUCTIF Mondialisation de paradoxes et d'inégalités: regain de la régionalisation. rr Une voiture de sports est financée par le Japon, dessinée en Italie, et montée dans l'Indiana, au Mexique, en France ; elle contient les composants électroniques les plus récents mis au point dans le New Jersey etfabriqués au Japon. Un avion à réaction esl conçu dans l'Elal de New York el au Japon, et monté à Seattle, avec des cônes arrières venant du Canada, des éléments de queue spéciaux venant de Chine et d'Italie, et des moteurs de Grande Bretagne ». Robert RE/CH(Z) Aujourd'hui, la configuration de l'espace mondial révèle, à la fois, un élargissement et un approfondissement de la régionalisation avec un corollaire: l'affaiblissement et le recul de l'État-Nation. Deux idées forces véhiculées par les travaux de Robert REICH et de Marshall Mc-Luhan tentent d'établir et d'expliquer le lien entre les enjeux de la globalisation et ceux· d'une régionalisation rampante et mondialisée. La première idée date des années 70 et fut fonnulée par Mm:shall Mc-LUHAN (1971) qui préconisait l'impérieuse nécessité de prendre en compte les questions d'intérêt universel du « village global »(J)car, dans les sociétés technétroniques (idée de Zbigniew BRZEZINSKI qui annonce la Nouvelle Technologie de la Communication et de l'Infonnation), nous dépendons tous les uns des autres. Robert REICH (1993), dans la même ligne de pensée, observe que « le nationalisme est un sentiment dangereux dans un monde interdépendant et que la tâche politique primordiale de chaque nation sera de faire face aux forces centrifuges de l'économie mondialisée »(4). Il n'est donc pas hors de propos, dans pareil contexte, de chercher à savoir, en premier lieu, quelle est la structuration de l'économie mondialisée et\.. quel est le sort qu'elle réserve au continent africain, en second lieu, quelles sont les fondements de la nouvelle émergence de la régionalisation? Robert Reich: L'Économie mondialisée. Coll Nouveaux horizons. Éd. Dunod,1993 p 103. 3.. Marshall Mc-Luhan : Guerre et paix dans le village planétaire. Éd. R. LAFFüNT, 1971. Ces idées émanent de la fameuse Commission Trilatérale composée de deux cents éminences grises du monde scientifique et des affaires publiques et privées des trois continents. Elle s'était chargée de réfléchir sur « la gouvernabilité des sociétés occidentales» et incidemment sur la recherche d'un nouveau modèle global de modernité pour toute la planète. 4. Robert REICH: L'Économie mondialisée, Col Nouveaux Horizons, Éd. DUNüD, 1993 p. 103. 2 - 17 - SEcnON J : Mondialisation asymétrique: plus d'un tiers de l 'humanité à la dérive Le concept de mondialisation est maintenant entré dans le langage courant pour devenir le maître-mot du discours économique, politique et social. Le thème n'en soulève pas moins de vives controverses, en raison de la très forte prégnance du phénomène sur l'avenir des nations, le sort des individus ainsi que sur leur mode de vie et de travail. Serge CORDELIER souligne que même si «les ouvriers d'un abattoir de poulets se mettent en grève pour contester un aménagement de leurs horaires de travail, on décrète tout de suite qu'ils se battent contre une mondialisation imposant sa rationalité aux entreprises dépendant des performances à l'exportation. Tel gouvernement choisit-il de renoncer à exercer ses prérogatives pour s'aligner sur les positions des lobbies favorables au tout déréglementation ? 11 se justifie en arguant que la mondialisation impose la flexibilité du marché du travail, la libéralisation, la déréglementation, les privatisations, la productivité, la compétitivité et supprime toutes les marges de manœuvres sur lesquelles jouaient jusqu'alors les politiques publiques »(5). La mondialisation apparat't aujourd'hui comme un enjeu majeur qui polarise les débats économiques et politiques et ne laisse aucun secteur d'opinion insensible. Aujourd'hui, elle est devenue, un concept à la mode, comme le nouvel ordre économique international l'a été dans les années 70. Le premier concept désigne une forme de régulation fondée exclusivement sur le marché et le second représente la revendication d'une structuration du système productif mondial qui tienne compte des intérêts du Tiers-monde. Ainsi, en dépit des différences idéologiques, les deux concepts suggèrent un ordre mondial qui puisse déterminer les règles du jeu du système économique international. La nécessité d'un ordre devient alors une problématique majeure dans les politiques mondiales et un champ d'investigation important pour la politique économique internationale où l'on s'accorde à reconnaître que les transactions économiques et financières soutenues nécessitent une structure institutionnelle de gouvernance qui en assure la stabilité. Cette thèse de la stabilité postule que l'économie mondiale ouverte d'après-guerre est institutionnalisée par le système de Bretton-Woods, qui à son tour, repose sur l'hégémonie des USA. Ce système est perçu comme un gouvernement mondial garantissant le bon fonctionnement de l'économie internationale. Un déclin de cette hégémonie signifie une turbulence et une anarchie dans les sphères économique et politique. Quelle que soit l'idée que l'on s'en fait, les mutations actuelles du système mondial avec le triomphe du néolibéralisme et de la pensée unique, ne sont pas qu'un mauvais moment à passer de sorte que telle roseau de la fable, il faille plier l'échine et attendre que le beau temps revienne. Ainsi pour la CNUCED, la mondialisation exprime l'émergence d'un marché et d'une sphère de production uniques à l'échelle planétaire, avec des sous-secteurs régionaux et nationaux, qui prennent la place d'un ensemble d'économies nationales interconnectées par des flux de commerce et d'investissements. 5. Sous la Coordination de S. CORDELLIER, La mondialisation, au-delà des mythes, Coll Dossier de l'état du monde, Éd. La Découverte, 1997, 174 pages. - 18- Quelle est la signification profonde de cette nouvelle donne mondiale et quelles en sont les configurations essentielles et surtout, les pratiques des principaux acteurs ? Quelles sont ses conséquences sur l'Afrique ? Les États africains sont-ils capables, au regard de leurs divers handicaps, de s'insérer efficacement dans cet environnement de haute compétition économique et sociale et de démocratie concurrentielle? 1 -Les Configurations de la mondialisation Le volume impressionnant de travaux de recherches et les nombreuses rencontres scientifiques sur le thème de la mondialisation semblent indiquer que le phénomène est nouveau. n'en est rien car l'immersion des économies nationales dans un système mondial n'est pas nouvelle. Elle se caractérise par trois interdépendances qui pennettent d'apprécier la mondialisation et ses conséquences : - l'interdépendance par les marchés, - l'interdépendance financière, - l'interdépendance par la production. n Examinons ces interdépendances de près pour mieux évaluer toutes leurs implications. 10) L'interdépendance relative aux marchés. Cette interdépendance procède de la disparition des frontières géographiques, de l'abaissement des barrières tarifaires et non tarifaires. Ajoutés à la forte réduction des coûts des transports subséquente aux énormes progrès des moyens de communication et d'information, ces facteurs ont accéléré la libre circulation des biens et services sur le marché mondial. La création de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMe), regroupant autour des Accords de l'Uruguay Round 127 membres qui réalisent plus de 90% du commerce mondial, a fait le reste. La nouvelle organisation a quatre missions essentielles : - veiller à la mise en place des accords de Marrakech ainsi que les accords multilatéraux signés par les États membres ; - servir de nouveau cadre aux négociations multilatérales en cours et à vernr; - établir régulièrement le bilan des politiques commerciales ; - proposer un règlement aux différends qui peuvent opposer les États membres. - 19- Encadré 1 : Les principes du GA 17 a) Les cinq principes Composé à l'origine de 38 articles, la Charte du GA TT repose sur cinq grands principes, qui structurent le commerce international depuis maintenant plus d'un demisiècle. * L'article 1 de la charte établit la clause inconditionnelle de la nation la plus favorisée, qui assure un traitement identique à tous les partenaires. Si deux pays A et B réduisent bilatéralement leurs barrières douanières, cette concession doit être automatiquement étendue aux autres pays signataires de la Charte. * Le second principe fondamental porte sur la consolidation des droits de douane (article Il). Chaque signataire doit déclarer le taux de droit de douane maximum qu 'il compte appliquer sur chaque catégorie de produit. Un pays ne peut donc appliquer effectivement un taux plus élevé que celui annoncé. Les engagements de consolidations sont pris pour une période de 3 ans, avec reconduction automatique si le pays ne manifeste pas son intention de modifier ses taux maxima. * Le troisième principefondamental est celui du traitement national (article 111) : dès lors que les produits importés se sont acquittés des droits de douane, ils doivent être traités de la même manière que les produits domestiques. * Le quatrième principe établit la transparence des politiques commerciales: les signataires doivent éliminer toutes les barrières à l'importation autres que les droits de douane. En particulier, les restrictions quantitatives sont interdites (article Xl). * Le dernier principe porte sur la réciprocité des concessions tarifaires (article XXVIII) : il stipule que tout pays acceptant une concession tarifaire doit également en o./frir une en retour. b) Les exceptions aux principes La Charte du GATT apparaît très pragmatique dans ses modalités d'application: en effet, les cinq principes du GA TT connaissent de nombreuses exceptions. L'article XXIV relatifaux unions régionales (zone de libre-échange ou union douanière) constitue sans doute l'exception la plus importante à la clause de la nation la plus favorisée. En effet, l'union régionale consiste à renforcer l'intensité des relations commerciales entre les membres, au détriment des pays tiers: à ce titre, elle constitue une remise en cause du principe de non-discrimination. Pourtant, le GA TT autorise la conclusion d'accords de régionalisation, tout enfixant un certain nombre de conditions: en particulier, les tarift vis-à-vis des pays tiers ne doivent pas être globalement supérieurs à leur niveau antérieur. Le principe de réciprocité a été remis en cause par le statut spécial accordé aux pays en voie de développement à partir de 1964: ce statut leur permet de bénéficier de la clause de la nation la plusfavorisée, sans être soumis au principe de réciprocité. Le principe de transparence des politiques commerciales comprend plusieurs exceptions : - les restrictions quantitalives sont autorisées dons certains secteurs, tels que l'agriculture et la pêche; - l'article XlI autorise les restrictions quantitatives dans certaines situations, en particulier si le pays connaît une grave crise de sa balance des paiements ; - l'article XIX permet à un pays de se protéger si les importations affectent gravement la production locale: ces mesures de sauvegarde ne doivent toutefois être utilisées qu'à titre temporaire et les pays qui Y recourent doivent s'engager à compenser les pays exportateurs. ·20 - L'adhésion d\rn État à l'organisation mondiale implique l'acceptation de tous les accords, particulièrement ceux du GATI et des règlements des différends. Cela confëre à l'OMC le même rôle que le FMI mais en matière de régulation des relations commerciales internationales. La structuration des échanges commerciaux laisse transparaître plus nettement la notion d'économie d'archipel avec un partage assez équilibré du commerce international entre les pays de la triade : les États-Unis, le Japon et l'Europe forment les principaux blocs commerciaux et articulent ou se partagent le marché planétaire. Toutefois, en dépit du cadre incitatif de l'OMC, le continent africain ne profite que très faiblement du développement des échanges commerciaux internationaux. En 1995, la part de l'Afrique respectivement dam; les exportations des pays en développement et du monde était de 6,7% et 1,8%. Le constat est encore plus dramatique si on se limite seulement à l'Afrique sub-saharienne. Celle-ci représentait à la même époque respectivement 2,6% des exportations des pays en développement et 0,7% des exportations mondiales. Les analyses de P. BAIROCtr6) montrent que, la contribution de l'Afrique dans les exportations agricoles mondiales est passée de 1% en 1900 à 15% en 1960 (le maximwn). Depuis 1970, on observe une baisse des exportations des différents produits de base. Ces niveaux de participation ainsi que leur évolution montre la marginalisation croissante du continent dans le commerce mondial. Hongkong avec ses 10 nùllions d'habitants réalise une part plus importante (17%) que l'Afrique avec ses 700 nùllions d'habitants(moins de 2%). L'Afrique est même totalement absente dans les branches les plus dynaDÙques des produits manufacturés et des services. 20) L'interdépendance relative aux marchés financiers globalisés. Aujourd'hui, note D. PILHO~, le système financier international est devenu un méga-marché unique de l'argent, qui se caractérise par « une double unité de lieu : les places sont de plus en plus interconnectées grâce aux réseaux modernes de communication; de temps : il fonctionne en continu, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, successivement sur les places financières d'ExtrêmeOrient, d'Europe et d'Amérique du Nord» Cette globaJisation financière est rendue possible par la conjugaison de trois éléments à savoir : la désintermédiation, le décloisonnement des marchés et la déréglementation. Ces trois éléments forment la règle des « 3D» La désintermédiation est un contournement des banques dans leur rôle d'interface entre prêteurs et emprunteurs. Désormais tous les acteurs, à savoir, les entreprises, les banques y compris les instituts d'émission et les États peuvent accéder directement au marché financier pour résoudre leurs besoins de financement. À titre d'illustration aux États-Unis, les banques assuraient en 1970 6. BAIROCH P., cité par RAFFINOT M. et JACQUEMaf (1993), La nouvelle politique économique en Afrique, ÉDICEFIAUPELF, p. 7. Dominique PLll-ION : les enjeux de la globalisation financière, ouwage collectif Mondialisalion au-delà des myJhes, Éd. La Découverte, 1997 pp 69-79. - 21 - environ 80% des financements des entreprises, aujourd'hui elles n'en couvrent que 20%. Le décloisonnement marque l'abolition des frontières des marchés auparavant séparés. Cela va se traduire par l'ouverture à l'extérieur des marchés nationaux ; mais aussi à J'intérieur de ceux-ci, par l'éclatement des compartiments existants: marché monétaire (argent à court terme), marché financier (capitaux à long terme), marché des changes (échanges des monnaies entre elles), marchés à terme». En conséquence, celui qui investit (ou emprunte) recherche le meilleur rendement en passant d'un titre à un autre, ou d'un procédé de couverture à un autre : de l'obligation en francs à l'obligation en dollars, de l'action à l'option. En d'autres termes les marchés nationaux sont quasiment gommés au profit d'un marché international unifié des capitaux. Enfin, la déréglementation se traduit par l'abolition du contrôle de change, ce qui va libérer totalement le mouvement des capitaux. Comme dirait Karim DAHOlfl>, les contrôles législatifS et réglementaires qui enserraient les entrées et les sorties de devises ont presque tous été sacrifiés sur l'autel de la libre convertibilité. Les mutations sur les marchés financiers sont simplement démentielles et d'une rare ampleur. Ains~ les mutual jùnds aux États-Unis ont mobilisé quelques 2600 milliards de dollars en 1995 et /es fonds de pemion s'élèvent à 3600 milliards de dollars soit plus que l'encours des réserves de change de toutes les banques centrales de la planète. Les transactions opérées sur les marchés de change représentent environ 1500 milliards de dollars par jour soit plus de 50 fois les flux réels de marchandises. La valeur des titres côtés en bourse dans 80 pays a été multiplié par 10 en 20 ans. Elle est passée de 1800 milliards de dollars en 1980 à 18.000 milliards en 1998. En clair, la sphère financière est complètement déconnectée de la sphère réelle, car chaque jour 1500 milliards de dollars changent de main sans contrepartie en tenne de biens et services. Ces chiffres montrent que les marchés financiers ont acquis des pouvoirs très étendus qui leur permettent de contrôler l'essentiel des circuits de financement à l'échelle mondiale et peuvent, en toute conséquence, déterminer les rythmes de croissance des économies. La globaJisation des marchés financiers laisse apparaître d'abord un surdimensionnement des marchés qui rend les activités des établissements financiers complètement incontrôlables et qui permet aux acteurs financiers de promener librement leurs capitaux dans l'espace mondial à la recherche de meilleures rémunérations, ensuite l'incapacité de mesurer le niveau optimal des moyens de paiements pour l'économie mondiale et enfin une montée en puissance des finances illicites dont le produit mondial est estimé à environ 1000 milliards de dollars. Ces capitaux alimentent les investissements directs étrangers (IDE) dont la répartition du volume dans les pays non membres de l'OCDE est la suivante(9) : 8. Karim DAOU et Moustapha KASSE : Endettement extérieur, croissance et pauvreté au Sénégal, commulÙcation au colloque d'AITAC, Dakar, Déc. 2000, document ronéoté, IOp. 9. M. KASSE : Renforcement des capacités nationales propices à l'investissement en Afrique subsaharienne. Revue du Conseil Économique et Social du Sénégal, n09, FévAvril ]999. - 22- Graphique 1 : lUparlition des flux d'IDE selon les zones géographiques (en %) 90.00 80.00 70.00 60,00 50,00 40,00 30,00 20,00 10,00 0,00 1990 1991 PED : pays en développement 1992 1993 1994 1995 PECO : pays d'Europe centrale et orientale Source.' CNUCED, Wor/d Investment Report, 1996 Depuis le début des années 80, on note un retour très net des IDE vers les pays du Sud. Seulement, les flux demeurent toujours relativement fuibles et ont concerné moins d'un tiers du volume global. Par ailleurs, l'analyse de la répartition de ce volume d'investissements dans les pays non membres de l'OCDE fuit apparaître d'importantes disparités entre les régions bénéficiaires. Si les pays d'Amérique Latine et d'Asie s'inscrivent dans cette dynamique d'attraction des IDE, l'Afrique en est presque exclue. Ainsi, la part de l'Afrique passe de 6,8% en 1990 à 4,6% en 1995. En regardant de plus près, on s'aperçoit que ce sont les pays exportateurs de pétrole(lO) comme l'Angola, le Gabon, le Nigeria qui sont évidemment les principaux récipiendaires de ces capitaux. Au demeurant, pour l'Afrique de l'Ouest, 60% des IDE se sont orientés vers le Nigeria. 10 Selon la CNUCED, il y a investissement direct étranger "lorsqu'un investisseur basé dans un pays le pays d'origine acquiert un actif dans un autre pays (pays d'accueil) avec l'intention de le gérer". Sous ce rapport, on peut distinguer trois types d'IDE: la participation au capital (fusions, acquisitions et créations de nouvelles installations dites green fields réinvestissement des bénéfices et autres flux de capitaux (emprunts et prêts à court ou long terme réalisés entre la société mère et sa filiale). - 23- Graphique 2: Répartition desflux d'IDE entre les pays en développement (%) 70.00 l!IAm. Laline 60,00 o Afrique 50,00 40,00 30,00 20,00 10,00·, 1990 1995 1994 Source.' CNUCED, World 1nvestment Report, 1996 Graphique 3: Répartition des flux d'IDE en Afrique (en %) -0 DASS .A.N. , 1990 1991 1992 1993 A.S,S, : Afrique subsaharienne 1994 1 ! 1995 A.N. : Afrique du Nord Source, CNUCED, World !nvestment Report, 1996 La marginalisation de l'Afrique est, une fois encore confirmée par l'orientation des IDE français dont les flux globaux sont passés de 3,727 milliards de FF en 1993 à 1,156 milliards de FF en 1994. C'est dire que la Ja dévaluation du franc CFA n'a point provoqué l'afflux de capitaux attendus. Les grandes entreprises françaises ne comptent en Afrique sub-saharienne que 1030 filiales dont 720 en zone franc soit 12,6% du total (3,3% pour le Maghreb et 5,5% dans la Zone Franc). Elles sont accompagnées par des PME-PMI indépendantes attirées par l'Afrique pour 25,3% de leurs effectifs à l'étranger. L'Afrique continue à recevoir des ressources publiques qui forment l'essentiel J'essentiel des flux globaux de capitaux, bien que ces derniers commencent également à manifester une nette tendance à la baisse. En effet, l'ASS a reçu en 1995, plus du tiers de J'aide publique qui y représente maintenant près de 5% du PNB soit sept à quinze fois plus qu'en Asie ou en Amérique Latine. - 24- 1 3°) L'interdépendance relative à la production. Cette interdépendance par Ja production se caractérise par une décomposition internationale des processus productifs (B. LASSUDRJEDUCHÊNE, 1982) qui s'appuie sur un réseau de filiales ou de sous-traitants et sur le nomadisme de segments entiers des appareils de production selon la logique des avantages comparatifs. Ces deux évolutions marquantes sont le fait des firmes multinationales qui structurent l'espace mondial en réseaux de production(lI). Cette stratégie leur permet de maximiser leurs profits à partir d'une optimisation de la localisation de leur production(I2). Aujourd'hui, ce sont quelques 37.000 firmes multinationales de taille très inégale qui réalisent et contrôlent l'essentiel de la production mondiale des biens et services. Les 500 multinationales les plus puissantes représentent presque 30 à 40% du PlB Mondial soit 25.000 milliards de dollars et elles effectuent les 2/3 du commerce international sous forme d'échanges internes avec leurs 27.000 filiales soigneusement réparties dans l'espace mondial. Les firmes multinationales ont opéré, selon une pure logique de recherche du profit optimal, une déJocalisation de leurs activités industrielles consistant en une séparation des lieux de production ou de transformation de certaines marchandises de leurs lieux de consommation. Ce processus se poursuit et s'amplifie sous l'influence de la nouvelle révolution des technologies de l'information et des communications, de la dématérialisation des capitaux et de J'extension des aires géographiques du libéralisme. Il a surtout fortement contribué au décollage industriel de la plupart des Nouveaux Pays Industrialisés d'Asie(l3) qui ont joué le double jeu du marché mondial et du marché intérieur. Cette délocalisation industrielle n'a que très faiblement affecté le continent africain. Manifestement, cette triple interdépendance est caractéristique de la formation et du fonctionnement d'un nouvel espace économique mondial. Et l'intégration croissante des parties constituant le tout de l'économie mondiale donne à celle-ci, selon Jacques ADDA('4), une dynamique propre échappant de plus en plus au contrôle des États et portant atteinte à certains attributs essentiels de leur souveraineté, tels le contrôle monétaire et la gestion des finances. Il. « La croissance rapide, pratiquement ininterrompue jusqu'en 1973 (les fameuses trente glorieuses), allait entraîner la formation dans les économies les plus avancées de grand~ groupes issus de vagues successives de concentration. Poursuivant leur expansion à l'étranger, ces groupes acquièrent une dimension internationale, d'où naquit leur dénomination courante de firmes multinationales». 1. ADDA : La mondialisation de l'économie, Éd. La Découverte, 1996, p.75. 12. Cf Lionel STOLERU : Ambition Internationale. Éd. du Seuil, 1987,319 pages. 13. Dans ceUe direction, J. BRASSEUL observe que les japonais détenant la clef des nouveaux modes d'organisation et des nouvelles techniques, il semble utile pour les firmes des NPI dont la culture est proche, d'établir des liens avec les industriels de façon à faciliter les transferts de technologies. 14. Jacques ADDA: La mondialisation de l'écsonomie, tome 1 la Genèse. Collection Repères, La Découverte, 1996. - 25- u- Une Mondialisation Asymétrique Dans une évaluation de la mondialisation, Michel BEAUD(I5) observe que jamais l'humanité n'a disposé d'autant de techniques et n'a produit autant de richesses, mais également jamais elle n'a crée autant d'inégalités et de pauvreté traduisant ainsi un monde fortement asymétrique. En effet, le produit mondial a connu au cours de ce siècle une croissance exceptionnelle: en dollars de 1975, il est passé de 580 milIiards de dollars en 1900 à 6000 milliards en 1975 (environ 1500 dollars par tête) ; au milieu des années 90, il dépasse 25.000 milliards de dollars courants; ce qui représente en moyenne 4500 dollars per capita. Cependant, ce tableau serait incomplet si on n'y ajoutait pas la multiplication des crises qui sont autant de périls économiques, financiers et sociaux. En une trentaine d'années le système économique et financier a connu des crises graves d'une ampleur et dUne profondeur rarement égalées : deux crises pétrolières et plusieurs crises monétaires et financières ont fuit craindre le pire. La globalisation financière s'accompagne de la montée en puissance de la finance spéculative qui rend de plus en plus instables les équilibres des marchés boursiers et des marchés de change(I6). Le système financier international produit actuellement une série de risques, d'incertitudes et de dysfonctionnements que les institutions financières internationales ne gèrent que trop laborieusement par défuut d'instruments de régulation ou de ressources financières. Cela a été révélé par la crise financière au Mexique, en Asie et au Brésil(I7). Cette économie monde fonctionne dans un contexte de paradoxes et d'inégalités bien analysé par l'ambassadeur du Canada à l'OCDE, le professeur K. VALASKAKIS(l8). Appréciant la mondialisation en relation avec la gouvernance, il note que ce phénomène bien que n'étant pas nouveau est profondément asymétrique et source de trois dualités aux conséquences particulièrement grn.ves pour les PVD : la dualité entre riches et pauvres, la dualité entre Je travail et le chômage, l'affaiblissement et le recul de l'État. ]0) Fracture sociale, dualité entre riches et pauvres: un monde écartelé entre gigantisme et pauvreté. Elle traduit une grave et dangereuse fracture sociale à l'échelle mondiale. Les inégalités à l'échelle du monde sont simplement sidérantes: les pays industrialisés qui représentent 23% de la population mondiale contrôlent 85% du revenu total ; l'Afrique à peine 1%. Jamais 1'humanité n'a été confrontée à autant d'inégalités et de pauvreté. Peut-on rendre la mondialisation responsable de cet 15. Michel BEAUD, Histoire du capitalisme de J500 à nos jours. Éd. Seuil, coll Point, 380 pages. 16. André CARTAPAN1S et divers: Turbulences et spéculations dans l'économie mondiale, Éd. Économica, 1996,229 p. 17. Moustapha KASSE, La crise en Asie : quel/es leçons pour l'Afrique? Revue du Conseil Économique du Sénégal n06, Août-ûct. 1998. 18. Kimon VALASKAKlS : Mondialisation et gouvernance. Revue Futuribles, Avril 1998. - 26- état de fuit selon l'interrogation de P. KRUGMAN19)? Toujours est-il que les inégalités Nord-Sud se creusent. Actuellement, les pays de l'OCDE sont quatre fois plus riches qu'à l'époque des« Trente Glorieuses », à un moment où l'Étatprovidence était omniprésent. Selon le « Rapport mondial. sur ~ développement hwnain» publié par le PNUD(1O), sur les 23.000 milliards de PIB mondial, les 18.000 milliards vont aux pays développés (20% de la population mondiale) et 5.000 milliards vont aux 70% de la population. La pauvreté est devenue une réelle préoccupation tant pour les décideurs que pour les analystes. Le Rapport de la Banque Mondiale sur le Développement concernant l'année 1993 dénombre 1133 millions de pauvres dans le monde et l'Afrique compte pour un peu plus de 250 millions de pauvres soit environ 45% de sa population. Plus grave encore, la pauvreté est en sensible progression en raison notamment d'une quasi-stagnation de la croissance des revenus (2,1% sur la période 1991-95)(11). Dans la décennie 90, l'Afrique est le seul continent qui s'est appauvri et elle abrite vingt des vingt cinq pays les plus pauvres du monde. Le cinquième le plus pauvre du monde, selon la Banque mondiale vit, avec moins d'un dollar par jour. De plus, la part des 20% les plus pauvres du monde dans le revenu mondial est tombé de 2,3% à 1,4%. Pendant ce temps, Michel BEAUD, citant un Rapport du National Labor Committee américain, souligne que le PDG de Disney a gagné 223 millions de dollars en 1993 soit 325.000 fois le salaire d'un ouvrier haïtien travaillant pour un sous-traitant de son groupe. Quant aux profits des 500 plus grandes entreprises (industries et services) du monde, ils ont été, en 1995, de 320 milliards de dollars, c'est-à-<tire plus que le produit intérieur brut des 43 pays à faible revenu. Cette dualité établit que l'économie mondiale est une économie d'archipel « où se concentrent non seulement la compétitivité, mais aussi les inégalités, mettant à l'épreuve les capacités de solidarité des sociétés »(12). Cette situation soulève un double défi : celui de l'égalité des chances entre les nations et celui de la justice sociale. Elle a conduit la CNUCED à souligner que la nouvelle économie mondiale ne profite pas à tous les pays de manière équitable. 20) La dualité entre le travaü el le chômage Le chômage structurel est le trait le plus marquant des sociétés contemporaines. On décompte plus de 36 millions de chômeurs au niveau de l'OCDE, soit 7,1% de la main d'œuvre. Le phénomène affecte environ 40% de la population active des PVD. Pour ce qui est des pays industrialisés, il s'agit, semble-t-il, d'un chômage de prospérité pour reprendre l'expression de Lionel 19. Paul R KR.UGMAN : La mondialisation n'est pas coupable, vertus et limites du libre échange. Éd La Découverte, 1998. 20 pNUD , Rapport mondial sur le développement humain 1996. Éd. Économica, 1996. 21. Mbaya KANKWENDA, L.J GREGOIRE, H. LEGROS et H. OUEDRAOGO, La lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne. Éd Économica, 1999,473 pages. n Pierre VELTZ, L'économie mondiale, une économÎe d'archipel in Mondialisation au-delà des mythes, Éd. La Découverte, collection les dossiers de l'état du monde, 1997. - 27- STOLERlfD>. Pourquoi la progression du chômage n'est pas encore contenue? Plus dramatique encore, les perspectives sont sombres et débouchent sur le fameux dilemme : soit le chômage, soit la stagnation prolongée ou la baisse des salaires. Alors, pourquoi cette incapacité des pouvoirs publics à résoudre le chômage ou à défaut le maîtriser? Toujours est-il que cette dualité montre un fossé qui se creuse entre ceux qui sont « inclus» et ceux qui sont « exclus ». n s'agit d'une véritable rupture du pacte social. C'est dans le Tiers-Monde que les conséquences sont les plus désastreuses : des étudiants qui ont fait des études dures et sérieuses peuvent se trouver à l'âge de la retraite sans jamais avoir l'occasion d'éprouver leurs compétences. 3°) La dualité des pouvoirs entre concentration et l'affaÜJüssemeni des États dans la nwndia6sation. La mondialisation multiplie les interdépendances sans augmentation symétrique des moyens pour les gérer. Lionel STOLERU évoque alors deux dossiers brûlants: l'environnement et les Nouvelles Technologies de la Communication et de l'Information (NTCI) dont Internet. Ces deux éléments, sans surveillance, peuvent être des boîtes de Pandore aux conséquences (bonnes ou mauvaises) incalculables. Or, dans le jeu mondial, l'État est totalement disqualifié ou alors tellement affaibli qu'il n'est plus opératoire ni pour amortir les chocs, ni pour saisir les opportunités offertes~ les marchés mondiaux des biens et services, des technologies et des capitaux >. Le Président du Brésil et éminent sociologue, Fernando Henrique CARDOSO, s'est insurgé contre cet état de fait. 11 est évident, observe-t-i~ que la mondialisation impose de nouvelles tâches à l'État qui, « au lieu de s'affaiblir doit plutôt se renforcer pour être à même de promouvoir le développement» (25). En réalité, le rôle de l'État est bien plus complexe. Outre les fonctions classiques comme la sécurité, la santé ou l'éducation, il doit accueillir dans un cadre démocratique les demandes sociales croissantes pour plus d'équité, plus de justice, un environnement sain, le respect des droits de l'homme. A une citoyenneté ~lus exigeante doit correspondre aussi un raffinement plus grand des actions de l'Etat. Un État organisé, donc fort, aura de meilleures conditions pour faire face aux besoins découlant de la mondialisation. En même temps, les États se doivent d'œuvrer en faveur d'une redéfinition des règles du jeu international qui appellent une négociation. Ce serait une erreur grossière que de voir la mondialisation comme résultant uniquement des forces du marché. Les limites à l'intérieur desquelles le marché fonctionne sont déterminées politiquement dans un contexte où le jeu du pouvoir entre les nations est toujours très clairement présent. Lionel STOLERU, L'Ambition internationale. Éd. Seuil collection L'histoire immédiate, 1987,319 pages. 24 M. KASSE, Anomie de L'État face à ses nouvelles missions. Revue du Conseil Économique et Social du Sénégal. 25. Conférence prononcée par l'auteur à l'Université de Wirwatersrand de Johannesburg, lors de sa visile officielle en Mrique du Sud en 19%. 23. - 28- 1II - L'Afrique larguée par la mondialisation De quelque côté que l'on mène l'analyse, on découvre toujours que l'Afrique est effectivement déconnectée des affaires économiques et politiques du monde. Tout semble indiquer que dans la mondialisation, il y a de moins en moins de place dans les réseaux des échanges commerciaux, financiers et de services pour les faibles pays africains, même s'ils sont les plus nombreux. On passe pour ainsi dire d'une déconnexion revendiquée (S. AMIN, 1985) à une déconnexion de facto, voire imposée. Les expressions ne manquent point pour qualifier cet état de fait: Afrique larguée, Afrique naufragée, Afrique déconnectée, tout cela pour dire que l'Afrique est presque en dehors du temps du monde. Comment mesurer cette faible insertion à l'économie mondiale? La Banque mondiale avance un indicateur composite caractéristique du rythme d'intégration à l'économie mondiale. Il est calculé à partir de quatre ratios à saVOir : le ratio du commerce réel rapporté au PlB ; le ratio de l'IDE; les côtes de crédit publiés par l'Institutional Investor ; la part des produits manufacturés dans les exportations. L'indice est alors défini comme « la moyenne simple des variations intervenues dans les quatre indicateurs précités pendant une période considérée ». Ce sont les écarts-type par rapport à la moyenne qui sont retenus(26). Les évaluations sont traduites dans le tableau qui suit: Graphique 4: Variation du ratio des échanges par rapport au PIB 1980-83 à 199093 (en %) 1,6 1.4 1,37 1,33 1,2 1,OB 0,6 0,6 0,45 0,4 0,2 -O,OB -0,27 a :> -0,2 -0,4 -0,6 ""~ ... ~i ~ Il a. ... ~ .~ ~l>~ -~~ "'''' ~J! a.Il 11 .-" 10 .... ~ w "'0 .. ~ l>~" 8." el'! :> W ~l>J f~~ ., ! <~~ t: ~ " ~< ~l> ::li 0,05 ~ /J) :> "'0 .. ïi < -0,36 •" " ~ .~ 1'-" <~ :> /J) Source: Global Economic Prospects and the DeveJoping countries J996- Banque Mondiale 26. Banque mondiale: les perspectives économiques mondiales et les pays en voie de développement, 1995, - 29- Graphique 5: Variation dell côtell de crédit (en %) 0,8 D,57 0,6 0,4 0,2 0,04 -0,39 ° -0,2 -0,4 -0,08 -0,03 ,:" "go.;: ,n .go-- ~ co..: ...!-'. :i: " -0,6 Source: Global Economie Prospects and the Developing countries 1996- Banque mondiale Graphique 6: Variation du ratio desflux d'IDE par rapport lUI PIB (en %) 0,035 0,03 .--- 0,03 0,03 .--- 0,025 0,02 0,017 ~ 0,015 0,01 .--- 0,01 0,005 ° 0,002 r--I Pays .. r1t'Io"eftl 6lo:vt Pays .. revef'N t'lliblo el Aste de fE" o.ope. ~e .A.rrWi~ l.JItine Ce_~ .. eanllbeo ° ° Moyen Orlerl. AtHquo ksia ~ ° sut Aft1~ ~""rl....,., lttenn6<Ialrw lttenn6<Iairw Source: Global Economie Prospects and the Developing countries 1996- Banque mondiale - 30- Graphique 7 : Variation de la part des produits manufacturés dans les exportations (en%) 2,56 0,06 ." :1 UJ :1 ." D ';; 0<: Source: Global Economie Prospeets and the Developing eountries 1996- Banque mondiale Graphique 8 : L'indice du rythme d'intégration 0,87 0,77 0,8 0,6 0,4 0,46 0,31 0,2 0 .{),2 Source: Global Economie Prospeets and the Developing eountries 1996- &nque mondiale En effet, si les pays d'Asie (du Sud, de l'Est et Centrale) ont des indices au-dessus de la moyenne, il en est tout autre pour l'Afrique. L'Afrique du Nord avec un indice de -0,9 s'en sort mieux que l'Afrique subsaharieIUle qui a le plus mauvais indice -0,46). Cette mauvaise place de l'Afrique subsaharienne s'explique par les insuffisances observées au niveau de certains indicateurs comme les Investissements Directs Étrangers (IDE). Le faible niveau des IDE s'explique par l'instabilité et l'incertitude caractéristiques de la plupart de ces pays mais aussi par d'autres facteurs comme les coûts de transport élevés, les réseaux de télécommunication assez limités et la faible participation au commerce extérieur. Sur la base de l'indice du rythme d'intégration, le Rapport de la Banque mondiale classe les pays en développement selon que leur intégration à l'économie mondiale est rapide ou lente, Les résultats obtenus sont reproduits dans le tableau ci-après qui met en évidence les facteurs susceptibles d'expliquer les fortes disparités existants entre les différents groupes de pays. - 31 - Graphique 9: Répartition des pays à intégration rapide selon les zones géographiques o sie de l'Est o sie du SlJd o rnlr iq UIllatlne el caraïbes o Moyeo-Ori<ri tIt ....'riqUllduNord o .... "iqUllSlbsataieme o Europe Et ....sie C81lrale Source: Global Economie Prospects and the Developing countries J995- Banque mondiale Graphique 10: Répartition des pays à intégration modérée selon les zones géographiques D ....sie de rEst DAsle du Sud D ....mérique latine el CaraTbes DMoyen-Orienl et Alrique du Nord CAlrique Subsaharienne C Europe et Asie Centrale Source: Global Economie Prospects and the Developing countries J995- Banque mondiale Graphique Il: Répartition des pays à intégration faible selon les zones géographiques C ....sie de rEst 3 10 2 ~g C ....siedu Sud D Amérique latine el Caraïbes C ~rient et ....frique du Nord E1 ....frique Subsaharienne C Europe et ....sie Centrale Source: Global Economie Prospects and the Developing countries J995- Banque mondiale - 32- Graphique 12: Répartition des pays à intégration lente selon les zones géographiques 2 2 C Asie de r Est C Asie du Sud CAmérique Latine et CaraTbes C Moyen-Orient et Afrique du Nord CAlrique Subsaharienne CEurope et Asie Centrale Source: Global Economic Prospects and the Developing countries 1995- Banque mondiale n apparaît ainsi plus clairement que la plupart des exportateurs d'Asie de l'Est à croissance forte sont panni les pays à intégration rapide grâce à l'expansion de leurs échanges commerciaux, de leurs exportations de produits manufacturés et de leurs ratios d'investissements directs étrangers alors que la majorité des pays d'Afrique subsaharienne sont concentrés dans les catégories « d'intégration faible» et « intégration lente ». Cette analyse rapide indique que si le continent africain veut tirer parti de la mondialisation et participer aux réseaux commerciaux, financiers, technologiques et informationnels, il doit entreprendre et réussir, en plus des profondes réformes de politiques économiques, son insertion à l'économie mondiale par le marchepied du régionalisme. En définitive, la mondialisation révèle un vigoureux regain du régionalisme compris grosso modo comme le mouvement de deux sociétés ou plus, vers leur intégration, ou le partage accru de leur souveraineté pour des motifS d'efficience économiques et socialé27).Tout semble indiquer que la région est devenue le cadre de gestion et de transformation des risques en jeu gagnant. SEcnON 2: Multipolarité mondiale et exigence du niveau régional Le régionalisme était, autrefois, réservé à l'Europe, puis principalement à des aux pays en développement nouvellement indépendants et confrontés handicaps structurels (fàiblesse et désarticulation de la production et des marchés, volumes réduits des ressources humaines et financières, trop forte extraversion, etc.). Seulement, le processus de régionalisation est en train de se généraliser à l'échelle de la planète. Le premier bastion du libéralisme, 27. Charles OMAN : Globalisation et régionalisation: quels enjeux pour les pays en développement? Études de l'OCDE, 1994, 152 pages. - 33- l'Amérique du Nord se convertit au régionalisme avec la mise en fonctionnement de l'ALENA avec ses 360 millions de consommateurs et son PNB de plus de 6.000 milliards de dollars. Ce projet initial conçu par J'Administration Américaine en 1990 était intitulé « Initiative pour les Amériques » et avait pour ambition de couvrir l'ensemble des pays du continent américain de l'Alaska, à la Terre de Feu. L'objectif était de renforcer les échanges commerciaux, de promouvoir l'investissement et de réduire la dette extérieure. Ce r~ain d'intérêt pour le régionalisme est confirmé par la participation active des États-Unis aux: travaux: de l'Asia Pacifie Economic Cooperation (APEC). L'Europe, quant à elle, est l'exemple même de gestion d'une communauté d'intérêts politico-économiques: elle réalise l'achèvement d'un espace unifié qui rassemble quelques 380 millions de consommateurs. L'ASEAN réalise une zone de libre-échange de 320 millions de consommateurs avec un PNB de plus de 310 milliards de dollars. L'Amérique Latine n'est pas en reste, avec entre autres, le MERCOSUR Le Président du Brésil, lors de ses visites officielles au Mexique, en Inde et en Afrique du Sud, avait vivement plaidé pour l'intégration qui doit être un objectif majeur en Amérique du Sud. TI préconisait une plus grande entente entre les puissance moyennes que sont l'Inde, l'Afrique du Sud et le Brésil. L'émergence du niveau régional transparaît bien dans le tableau qui suit : - 34- Tableau 1 : Le retour en force de la régionalisation dans les années 1980 Groupements Années de fonnation (ou de ré-activation) Canada - U.S. Trnde Aera (CUSTA) Janvier 1988 États-Unis - Canada Union du Maghreb Arabe (UMA) Février 1989 Algérie - Libye - Maroc Mmritanie - Tunisie Marché commun du Sud (MERCOSUR) Mars 1991 Brésil - Argentine Uruguay - Paraguay Communauté Économique Africaine (CEA) Juin 1991 Tous les pays de l'OUA États-Unis - Canada Mexique North American Free Trade Area (NAFRA) Accord bilatéral d'abolition des droits de douane (d'ici à 1996) Septembre 1991 Mexique et Chili Pacte Andin' (suppression des frontières douanières) Décembre 1991 Bolivie - Chili - Équateur Pérou - Colombie Marché commun de la Baltique Janvier 1992 Estonie - Lettonie et Lituanie Association des États du Sud-Est Asiatique (ASEAN)' Janvier 1992 Brunei - Indonésie Malaisie - Philippines Singapour - ThaIlande Mai 1982 CEE + AELE (19 pays). Espace Économique Européen , Pays membres Réactivation , Début de la négOCiation L'expérience montre que c'est à l'intérieur de chaque bloc que les échanges s'organisent et se réalisent à titre principal. En somme, on observe que la plupart des grandes nations industrialisées organisent des espaces de commerce privilégié, voire de gestion des complémentarités avec les nations voisines. Ces faits sont très significatifs et montrent que la mondiaJisation fuit émerger le niveau régional. En effet, le système mondiaJisé laisse apparaltre clairement l'organisation d'un espace multipolaire avec la constitution d'une constellation de blocs régionaux, autour d'une triade hégémonique et fortement hiérarchisée en trois pôles : - le pôle nord américain qui comprend les États-Unis, le Canada, le Mexique et l'Amérique du Sud ~ - le pôle européen regroupant l'Union Européenne, l'Europe de If&!, l'Afrique et les Caraibes ~ - le pôle asiatique avec le Japon, les Nouveaux Pays IndustriaJisés, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le reste de l'Asie, pôle où se constituent des unions-douanières et se négocient des accords de libre échange et de coopération pennettant l'exploitation du commerce de proximité. - 35- La configuration multipolaire et le poids respectif des grandes organisations régionales sont illustrés par les trois graphiques qui suivent: Graphique 13: Poids relatif des différents pôles en terme de population (en mUlions),1997 400 350 300 250 200 150 100 50 o ALENA MERCOSUR UE-15 Source: Statistiques de la Banque mondiale Graphique 14 : Poids relatif des t1ifférents pôles en terme de superfl.Cie (en milliers de km?, 1997 ~ooo 20 000 1~ 000 10000 ~ooo ALENA MERCOSUR UE-15 Source: Statistiques de la Banque mondiale Graphique 15: Poids re/otif des t1ifférents pôles en terme de PNB (en müMrds de dollars), 1997 ZI 000 20000 1~ 000 10000 ~ooo ALENA MERCOSUR UE-15 Cette structuration de l'économie mondialisée augure une nouvelle vitalité du régionalisme qui n'épargne plus aucune partie du monde. Sa dimension tout comme son dynamisme changent compl~ment la configuration de la mondialisation-globalisation. Comme le note H. BOURGUINAT: On - 36- accède à j'évidence à une ère nouvelle de la régionalisation. En effet, on peut observer qu'entre 1948 et1994, plus d'une centaine d'accords d'intégration ont été signés et notifiés au GATT dont 33 dans le laps de temps entre 1990 et 1994. C'est dire que la signature de l'accord de Marrakech instituant l'OMC, n'a nullement affiubli la création de zones de libre échange qui continuent donc de susciter un intérêt évident. Les statistiques montrent que les échanges se réalisent de plus en plus au niveau régional. Dans la mondialisation caractéristique, le commerce intra-union européenne qui s'élevait à 25% du total du commerce extérieur en 1948, a atteint 6()01o. Le commerce intra-est-asiatique dépasse, depuis 1994, la moitié du commerce total de cette zone. De même, les États-Unis réalisent plus de la moitié de leurs exportations avec le Canada et le Mexique. Entre 1990 et 1994, le commerce intra MERCOSUR a triplé(2ll). La régionalisation appanu1 alors comme une lame de fond de l'économie mondiale. Quels sont alors les traits caractéristiques de ce nouveau régionalisme? Encadré 2 : La tendance au régionalisme Le ft lIOIlVetIII régionalisme H. Les années récentes ont été marquées par la l' multiplication des arrangements régionaux (accords de libre échange, unions douanières) : il n y a actuellement aucun membre de 1'OMC qui ne soit en même temps membre d'un groupement régional. Ainsi, en Europe, le réseau d'accords entre l'Union Européenne et d'autres pays s'est renforcé, avec les propositions d'élargissement à certains pays de l'Est, avec la création d'une zone de libre échange avec des pays méditerranéens. En Amérique du Nord, après la conclusion de l'ALENA entre le Canada. les États-Unis et le Mexique, des négociations ont été entamées pour conclure des accords similaires avec les partenaires commerciaux d'Amérique Latine. En Amérique du Sud, le MFRCOSUR cherche aujourd'hui à mettre en place son propre tarifextérieur commun. En Afrique, une union douanière constituée essentie//ement de pays francophones d'Afrique de l'Ouest est devenue e.lJëctive depuis janvier J998. En Asie, après la réactivation de l'ASEAN, un autre projet d'intégration régionale retient aujourd'hui l'attention .. il s'agit de l'APEC, qui rassemble les pays du Pacifique, dont les États-Unis et le Japon. l ' L 'OMC et le régionalisme La création de régions économiques a été d'emblée reconnue par le GA1T, au travers de l'article XXIV. La question qui se pose aujourd'hui à l 'OMC est ce//e de la relation entre régionalisme et multiJatéralisme: à quel/es conditions les accords régionaux sonJ-ils compatibles avec l'appartenance à l'OMC? Dans le domaine du commerce de marchandises, l'écart entre les droits de douane avant l'union et après l'union doit être examiné par l 'OMC .. il en va de même pour les dijJerences constatées entre les normes régionales et internationales, les procédures d'approbation des produits et les règlements sanitaires. Dans le domaine des services, la proliftration des accords régionaux risque\ d'entraîner des dijJèrences croissantes dans les normes d'accès aux marchés. Z8. Philippe HUGON : Économie Politique internationale et Mondialisation. Éd. Économica, 1997, p.61. - 37- Analysant les nouveaux schémas de régionalisation J.M. SITO~9>tes classe en trois groupes : - le multilatéralisme régional dont l'exemple type est l'ALENA. Cette organisation regroupe les États-Unis, le Canada et le Mexique et le Traité l'instituant est entré en vigueur enl994 autour des objectifS de démantèlement des barrières bilatérales aux échanges, tarifaires ou non tarifaires. Contrairement aux expériences usuelles, il n'est pas prévu de transfonner la zone en union douanière ou en marché commun ; l'intégration confèdérale symbolisé par le MERCOSUR n se compose de quatre pays d'Amérique Latine : l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et Uruguay. Le Traité signé en1991 vise entre autres objectifs la mise en place d'un marché commun avec une libre circulation des biens, des capitaux, des services et de la main d'œuvre. Le Tarif Extérieur Commun est effectivement entré en vigueur en 1995. L'organisation repose sur une logique confédérale avec l'essentiel des pouvoirs dévolus au Conseil des Ministres qui fait office de gouvernement confédéral ; -l'intégrationfédérative dont le prototype est l'Union Européenne Cette organisation est la suite d'\ID très long cheminement du marché commun à l'union économique. Le caractère fédératif découle d'abord de l'existence d'une autorité supranationale représentée par la Commission et le Conseil des Ministres, ensuite de la constitution d'une législation communautaire supérieure à la législation nationale et enfin de l'existence de politiques communes décidées par le Conseil des Ministres et mises en œuvre par la Commission. Ce nouveau régionalisme des années 90 se distingue de l'ancien régionalisme des années 80 sur les points qui suivent: alors que l'ancien s'est constitué dans un contexte de guerre froide, le nouveau s'est manifesté dans un cadre mondial multipolaire dans lequel les premières superpuissances sont en train d'être confinées à des rangs de puissance régionale en compétition avec d'autres puissances émergentes ; l'ancien régionalisme a été crée, par moments imposé « d'en haut », par des États forts qui en sont les principaux acteurs, ce qui n'est pas le cas pour le nouveau où divers autres acteurs jouent un rôle important; l'ancien régionalisme était à la fois protectionniste et orienté de l'extérieur, le nouveau est très ouvert et parfaitement compatible avec l'accélération des échanges commerciaux. Le trait marquant de ce nouveau régionalisme est une recomposition du système mondial en blocs géopolitiques homogènes de haute compétition. Cela correspondrait parfaitement à une stratégie de division des risques face aux adversaires internes et externes, dont les pays en voie de développement qui cherchent à affinner leur droit au partage de la prospérité de l'économie mondiale. Dès lors, les transformations courantes de l'économie mondiale et l'émergence de ces blocs économiques obligent les États marginalisés à se mettre à l'abri du risque pour ne pas disparaitre. En conséquence, il faut J.M SIROEN: La régionalisation de l'économie mondiale, Collection Repères, Paris 2000,p 22 - 3819.. analyser les processus d'intégration dans ces pays à la lumière des arguments du régionalisme de développement qui doit fournir des solutions à plusieurs problèmes de développement du Sud : la dépendance n'étant jamais viable au seul niveau national, elle pourrait être une stratégie de développement au niveau régional (autonomie collective) par création d'une division régionale du travail et d'un système monétaire et de crédit ; les micro-États peu viables isolément doivent coopérer pour intéresser les investissements directs étrangers ou être des clients des pays de la triade ; la négociation collective à l'échelle d'une région pourrait améliorer la position économique des pays marginalisés du Tiersmonde et protéger la position structurelle des grands exportateurs de la région; la résolution des conflits régionaux, la promotion de la sécurité et de la paix. Le nouveau régionalisme fondé sur un ou plusieurs de ces arguments conjugués soulève beaucoup de questions extrêmement importantes auxquelles il faut apporter des réponses claires : - Qu'en sera-t-il d'un monde où les échanges commerciaux se dé.!ouleraient principalement dans un espace tripolaire? Les pays riches de la triade sont-ils capables de fixer un objectifcohérent de soldes commerciaux entre eux ? - Quelle sera la place de l'investissement direct étranger dans un système régionalisé ? - Est-il acceptable que les oligopoles stratégiques contrôlent à leur bénéfice exclusif la dimension régionale? - Quelle est l'incidence de la régionalisation sur les règles actuelles de rOMe ? Les politiques commerciales deviendront-elles plus coopératives ou plus conflictuelles ? - Que devraient faire les PVD en général, et l'Afrique en particulier? Quelle forme de régionalisme comme moyen de surmonter les contraintes pesant sur les petites économies ? A cette série d'interrogations viennent s'ajouter d'autres au plan politique, social et culturel à savoir: - Quel régime politique implique la nouvelle donne régionale et quels seraient les comportements des acteurs? - Quelle politique sociale pour accompagner la régionalisationmondialisation? La politique sociale sera t-elle l'exclusivité du niveau national, où trouvera t-elle des formes d'organisation régionales? Autrement dit, le rapport capital-travail peut-il être géré par l'entité régionale? - Quel sort sera réservé aux identités culturelles ? Sans nul doute, les réponses à ces importantes questions devraient permettre l'approfondissement du débat sur la régionalisation qui est souvent réduite à sa dimensioo économique. C'est un choix délibéré qui a été pris d'écarter certaines de ces importantes questions pour mieux se concentrer sur celles relatives au lien entre la régionalisation et le développement. Au regard de l'opportunité de la régionalisation, il fàut savoir comment la faire émerger ? - 39- Avant d'aller plus au fond des problèmes deux questions préalables doivent être éclaircies, à savoir: Quels sont les arguments avancés pour justifier r option d'intégration? Et quels sont les principaux arguments techniques? La première question renvoie au schéma d'organisation de l'intégration qui est fonction des objectifs visés. En ce qui concerne les schémas d'intégration, ils revêtent une grande importance car, il est tout à fuit illusoire de penser qu'en additionnant des marchés étroits et mal constitués, souvent soumis à de multiples barrières, on aboutit à l'intégration pour en tirer les avantages. TI y a ainsi toute une dynamique à enclencher dans un schéma d'intégration pertinent. Le débat sur la régionalisation s'est souvent exclusivement focalisé sur ces principes fondateurs du schéma de l'intégration par les marchés formalisés, à travers les cinq étapes de Béla BALASSA. Encadré 3 : Le parcours l'ers /'intéJ!1'ation L'intégration régionale est un processus dynamique entre le point de départ qui est la zone de libre échange et le point d'arrivée qui est l'union économique et monétaire. Cette carte indique le chemin de l'intégration qui estjalonné de plusieurs étapes: Est cel/e de la « r,one de /ibre- échange". Un peu plus loin, ayant utilisé des politiques tarifaires extérieures communes, nous arrivons à la bome du : ~ ~ qui est cel/e de l' (( union douanière ». Nous reprenons la route en assurant la libre circulation des produits et voyons à l 'horizon la bome du : ~ L../ qui marque l'entrée dans le « mo.rché commun ». Si plus loin nous arrivons à harmoniser les politiques économiques, financières et sociales. nous aboutissons à la bomedu: qui annonce l'arrivée à l' « lUlion éconotnÜ/ue ». Et finalement, en Wlifiant toutes les politiques des États comme si el/es étaient toutes des provinces-membres d'une même nation, nous débouchons à la bome du : qui constitue la contrée de l'intégration économique. Actuellement, la plupart des organisations d'intégration se trouve à la deuxième borne de la route. La question se pose alors: «dans quelle mesure est- 40- il souhaitable de voyager plus loin sur le chemin de l'intégration régionale et comment accélérer le rythme ? ». On a certainement oublié que tout accord ou schéma d'intégration est avant tout un projet politique. Ce sont les moyens qui sont essentiellement économiques. C'est pourquoi le processus comporte plusieurs dimensions que la théorie économique occulte ou ne permet pas de voir. Ce sont ces schémas qui inspirent la pratique. Cependant, en parcourant les différents traités et accords fondateurs de ces organisations, on dénombre une bonne dizaine de raisons ou objectifs qui motivent les pays membres. importe maintenant d'étudier ces raisons pour bien voir comment elles sont effectivement mises en œuvre ou simplement ignorées. La première série de raisons concerne l'intégration comme moyen pour les «petits pays» d'être présents sur le marché mondial. Ces pays, quelles que soient leur taille et l'importance de leurs ressources, ne disposent que d'un très fàible poids pour pouvoir marquer une présence significative sur le marché mondial. Le régionalisme leur offre des avantages comme la création de trafics, la réalisation d'économies d'échelle de production, de consommation ou de commercialisation, la réduction des coûts, etc. En conséquence, le régionalisme devient une sorte de marchepied vers le marché mondial. La deuxième série de raisons est que l'intégration permet à certains pays de profiter des débouchés de proximité de leurs puissants voisins. De manière générale, la proximité géographique est une source d'approfondissement des échanges. La troisième série de raisons est Liée au fait que l'intégration offre un meilleur cadre d'exploitation des avantages comparatifs. Cela est valable à la fois pour les grands et pour les petits pays. La quatrième série de raisons réside dans la possibilité d'une maîtrise collective des politiques économiques et monétaires pour rendre possibles l'assainissement des cadres macro-économiques nationaux et la réalisation des réformes indispensables pour la relance de la croissance. Les forces motrices de la mondialisation sont des acteurs privés de grande dimension à savoir les firmes multinationales de production ou leurs filiales locales, les investisseurs sur les marchés financiers, les entreprises multinationales des NTIC et des autres services(JO). Ces acteurs tout puissants animent la compétitivité et la concurrence. Ce sont eux qui négocient souvent avec des États fortement affiublis et ayant perdu l'essentiel de leurs moyens d'action sur les politiques économiques (fàibles capacités de manipulation monétaire ou budgétaire, fàible niveau commercial, etc.). Cet affaiblissement conduit les États à rejoindre ou à constituer un bloc régional pour retrouver un nùnimum de marge de manœuvre dans la gestion de la politique économique et financière. La cinquième série de raisons est liée à l'amélioration de la compétitivité intérieure par le recours aux fucteurs de production localisés dans la région et la baisse des coûts de transaction consécutive à la réalisation d'infrastructures de base. n Charles OMAN : Globalisation et régionalisation: quels enjeux pour les Pays en développement, Éd. de l'OCDE, 1994, 152 pages. - 41 - JO. La slxième raison est la recherche des avantages de l'organisation des relations commerciales de proximité. Les pays ont tendance, rappelons-le, à organiser leurs relations commerciales avec leurs voisins immédiats. Le ratio de la part du commerce d'un pays et de sa part dans la production mondiale permet d'expliciter les avantages liés au commerce de proximité comme le montre le tableau qui suit : Tableau 2: Commerce et proximité: ratio de la part du commerce d'un 1 e pays et de sa part dans 1a productIon mon d'al Commerce avec : États-Unis Canada APA Japon P.E.D.-Asie C.E.E. 1,3 États-Unis 5,2 1,7 1,1 0,6 0,4 0,4 Canada 0,6 0,6 2,9 APA 0,6 2,0 1,5 0,6 0,5 0,8 0,5 Japon 1,1 0,9 3,1 0,5 0,5 0,2 P.E.D.-Asie 0,8 3,3 0,5 1,2 C.E.E. 0,3 0,3 2,5 0,3 0,3 0,5 , . AP.A : Autres Pays Amencams P.E.D.-AsIe: Pays en Développement - ASIe Source: L. summers, J99 J L'analyse de ce tableau révèle une forte corrélation entre l'intensité des relations commerciales de proximité et la constitution d'unions économiques intégrées. Dès lors, on est conduit à penser que l'intensité des relations commerciales de proximité est une condition primordiale de la constitution d'un espace économique intégré. La septième ~on est que l'intégration accroît les capacités des pays dans les négociations multilatérales. n est clairement établi que les pays membres d'une union douanière ont une meilleure capacité de négociation internationale. D'une part, ils constituent un marché plus important et détiennent un pouvoir de rétorsion plus grand en cas de conflit commercial. D'autre part, ils peuvent, en ~ustant leurs tarifs extérieurs, fuire porter, dans une large mesure, certains coûts sur des pays tiers. De même, ils peuvent fixer des tarifs optima pour les pays membres à condition d'organiser, par le nouveau tarif, des mécanismes de transfert d'avantages(3I). La huitième raison procède du fuit que le régionalisme autorise la création d'un espace capable de maîtriser, voire de dépasser la logique du libéralisme économique en mettant l'économie de marché au service de la société. Des normes sociales et environnementales peuvent être négociées car, après l'échec du Sommet de Copenhague sur le développement et celui de Rio sur l'environnement, il apparaît impossible de résoudre la question sociale au niveau mondial. Le niveau régional peut parfaitement être un espace réglementé en vue du dialogue social et de J'organisation collective de la protection sociale. La neuvième raison provient du fà.it que l'espace régional est souvent le cadre le plus approprié pour la déloca1isation industrielle qui sépare les lieux. de production des marchandises de leurs lieux. de commercialisation. 31. SûLUGRAL : Divers dossiers intitulés« Du GAAT à rûMe». - 42- Enfin, la dixième raison est relative à la gestion des risques politiques. En effet, il est bien connu que les pays, surtout subsahariens, sont exposés à divers chocs importants contre lesquels ils sont très peu armés. C'est le cas des guerres civiles et des violences politiques diverses qui, souvent, débordent les frontières nationales pour affecter conséquemment plusieurs pays en commençant par ceux qui sont situés dans la proximité immédiate(J1). Une littérature économique abondante accrédite diverses théories fournissant les arguments et les instruments techniques de mise en œuvre de ces schémas; ce sont, entre autres, les théories de la création et du détournement de trafic, des économies d'échelle, de l'organisation du commerce de proximité ou des effets du voisinage, de la polarisation et du leadership et de l'oie sauvage de Walton(3J). A titre illustratif, il importe d'exposer les grandes lignes des trois premières théories citées dans l'ordre et qui fonnent le référentiel le moins contesté et en conséquence le plus utilisé. Encodré" : Les effets de créotion et de détournement de trafic L'analyse menée sur un petit pays peut être étendue à un groupe de pays formant une union douanière: ces pays suppriment entre eux leurs droits de douane (et plus généralement toute forme de protection) et instaurent un Tarif Ertérieur Commun (l'EC) envers les pays tiers. Quels sont les e.fJéts de la libéralisation douanière et de l'instauration d'un TEC sur le bien-être des pays de l'Union? Pour répondre à cette question, il convient de mettre en balancement, à la suite de VINER, deux phénomènes: un e.fJét de « création de trafic Il qui accroît le bien-être, et un eJJèt de « détournement de trafic» qui le diminue. l' L'effet créotion de trajù: L'e.fJét de création du trafic naît de la libéralisation des échanges entre pays de l'union: la suppression des droits de douane permet une meilleure allocation des ressources, dans la mesure où les productions inefficaces, jusqu'ici protégées par un tarif, sont remplacées par des importations moins chères, en provenance de partenaires de l'union. lI/ustrons ce premier e.fJét au travers d'un exemple. Supposons que la France produise des montres et décide de former une union douanière avec la Suisse. Le coût de production d'une montre en France est de 80$, de 70$ en Suisse et de 100$ aux ÉtatsUnis (pays tiers). Avant la formation de l'union, la France dispose d'un tarifspécifique de 20$ sur les importations de montres: les consommateurs français s'approvisionnent en France au prix de 80$ l'unité, bien que la Suisse soit plus efficace dans la production de montres. Après la formation de l'union, les consommateurs français vont substituer à leurs produits nationaux des importations en provenance de Suisse, au prix de 70$. lP. AZAM, Une politique de développement pour l'Afrique : progranune de recherche, in Quel avenir pour l'économie africaine? OCDE, 1995, pp 77-108. 33. Cette théorie montre qU'ml pays qui s'industrialise en utilisant des technologies progressives, rémunère davantage la main d'œuvre, crée des extemalités positives au profit des pays limitrophes sous forme de lransferts technologiques, de savoir-faïre (cadres) et de gains de productivité - 43· JZ. 20) L'effet détournement de trafic L'effet détournement de trafic provient de la nature discriminatoire du trafic extérieur: ce dernier renchérit les importations en provenance des pays tiers et conduit les pays membres à leur sub~1ituer des importations plus onéreuses en provenance des partenaires de l'union. Illustrons ce second effet, à l'aide de notre exemple des montres. Supposons que le coiJt de production d'une montre soit respectivement de 120$ en France, 100$ en Suisse et 90$ aux États-Unis. La France dispose d'un tarifspécifique de 20$ sur les importations. Avant la formation de l'union, les consommateurs français s'approvisionnaient aux États-Unis, au prix de 1l0$. La formation de l'union conduit les consommateurs à s'approvisionner en Suisse, alors même que la produdion américaine est plus efficace. 30) Effet net L'impact final de la formation de l'union douanière sur le bien-être dépend de l'importance respective des effets création et détournement de trafic: l'union accroÎt le bien-être si l'effet création l'emporte sur l'effet détournement de trafic. Les avantages d'une union douanière vont alors dépendre de plusieurs variables des droits : - le niveau des droits de douane avant l'union: s'ils sont élevés au départ, l'effet création de trafic sera important .. - le niveau du TEe: si ce dernier est faible, l'effet détournement de trafic sera limité .. - l'intensité des échanges entre pays membres: si ces derniers commerçaient peu avec le reste du monde, l'effet détournement de trafic sera faible. En premier lieu, les effets de création et de détournement de trafic dérivent d'une des théories fondatrices de l'intégration. En effet, depuis MUNDELL (1961), les économistes ont tenté de développer une méthode d'évaluation des coûts et des avantages de la participation à une union économique efficiente. En somme, quels sont les gains nets liés à l'intégration et quels sont les mécanismes de partage ? Cette question renvoie à deux types d'effets attendus de l'intégration : - en tennes de coût de production, il y a un effet de création d'échanges si l'intégration conduit à passer à des sources d'approvisionnement moins coûteuses ; - et un effet de détournement de trafic si l'intégration pennet à un partenaire (A) d'acheter à un partenaire (B) des biens suscepubles d'être produits à moindre coût en (C). Combinés, ces deux effets signifient que les gains de l'intégration seront d'autant plus grands que le tarif initiaJ entre partenaires est élevé, que seront moindres les différences de coûts entre les pays partenaires et les pays tiers et que les élasticités-prix des demandes et des offres domestiques seront fortes. Ains~ les regroupements produiront plus des effets de détournement de flux que des effets de création d'échanges à cause des conditions de départ. Le fait que les pays en développement ne peuvent pas souvent présenter le profil de zones commerciales ou de zones monétaires optimaJes (selon les catégories de l'analyse orthodoxe) ne permet pas de conclure que les gains potentiels de l'intégration sont inexistants. n y a toujours quelques avantages à l'intégration qui procèdent: - 44- - des économies de coût de transaction; - des économies d'échelle qui de surcroît, contribuent au développement d'une infrastructure de base; - de l'approfondissement de la délocalisation dont peuvent profiter prioritairement les pays en développement intégrés. En second lieu, concernant les économies d'échelle, on peut observer que l'élargissement des débouchés entraîne toute une série d'incidences positives, surtout sur le niveau des capacités productives. Les pays peuvent ainsi profiter de l'élargissement de la dimension des marchés. Ains~ l'existence d'économies d'échelle incite les nations à poursuivre une politique systématique d'intégration verticale et fou horizontale car, un haut niveau de production abaisse les coûts unitaires par une répartition des charges fixes sur des quantités produites plus importantes. Cela permet d'avoir une meilleure autonomie vis-à-vis des restrictions liées à la taille du marché. En troisième lieu, les recherches des ces dernières années se sont beaucoup intéressé au commerce de voisinage. La thèse la plus courante est celle de l'avantage de proximité développée par KRUGMAN(l991 et 1992) à travers un modèle qui se fonde sur le cas de n « provinces» obtenant chacune un produit différent et se regroupant ensuite en B « blocs régionaux », sous les hypothèses fortes qui suivent: chaque « province» se spécialise dans un bien différent, les produits de chaque « province» entrent symétriquement dans la demande mondiale, avec une élasticité de substitution entre deux produits, le monde s'organise en B « blocs» d'égale dimension avec libre échange à l'intérieur de chacun d'eux et un tarif (ad valorem) imposé par chaque pays vis-à-vis de l'extérieur, les blocs fIxent leurs niveaux de tarif de façon non coopérative. a u= Ce modèle reprend la problématique du tarif optimal qui veut dire que si les blocs ou unions sont formés par des pays voisins, les bénéfices doivent l'emporter sur les coûts. Dans ce cas, compte tenu des avantages des coûts de transfert et de communication, l'effet de détournement doit se trouver réduit et, par contre, les effets positifs (création de trafic et économies d'échelle) paraissent devoir être plus importants. Le modèle de KRUGMAN montre toute l'importance de la proximité et de la contiguïté. C'est-à-dire qu'il y a tout avantage à se situer sur un marché plus étendu qui offre ce qu'on appelle « l'internationalisation de la protection ». Dans le fond, il existe bel et bien un renouveau de l'intérêt académique pour le régionalisme; ce qui apparaît dans la multiplication des modèles d'approche de l'intégration, comme par exemple le concept de pôle fédérateur qui s'appuie sur les effets de polarisation et de diffusion développés par François PERROUX. La théorie a été revisitée et les effets de polarisation se traduisent par le fait que tout centre d'expansion industriel, commercial, - 45- agricole ou de services est un espace d'attraction d'hommes, de marchandises, des services, des capitaux, de vie intellectuelle et sociale. Ce centre diffuse deux séries d'effets : des effets d'appauvrissement des pays ou reglOns moins favorisés (backwash effects), qui se manifestent sous des formes diverses comme les phénomènes migratoires des hommes et des capitaux, la disparition des industries concurrencées, la régression de l'agriculture etc., des effets d'entraînement (spread effects), sur les pays et régions environnants; leur intensité' est fonction du niveau relatif de développement. Ces effets contrebalancent les effets d'appauvrissement et ils sont d'autant plus faibles que le pays est plus pauvre. Le Nigeria, l'Afrique du Sud, le Kenya, le Cameroun, la Côte d'Ivoire jouent le rôle de pôle fédérateur dans leurs sous-régions respectives. En prenant la Côte d'Ivoire, on constate qu'elle est plus apte à jouer le rôle de pôle fédérateur que tous les autres pays africains pouvant avoir les mêmes prétentions. Cela procède d'abord de son poids économique et financier qui représente près de 40% du PIB de l'Union Économique et Monétaire OuestAfricaine, ensuite de l'importance des flux de personnes et de capitaux qu'elle charrie à l'intérieur de l'Union. Ainsi, plus de 26% de sa population est constituée d'émigrés venant principalement des pays environnants. Sur le plan financier, G. SEMEDO et P. VILLIER notent « qu'en 19&7 la Côte d'Ivoire a pris beaucoup moins de billets émis dans les autres États de l'Union que ceuxci n'en recevaient de ce pays. Les mouvements des billets ont été lourdement déficitaires (-96,3 milliards de francs CFA), ils se sont traduits par un excédent au Burkina Faso ( 41,9 milliards de francs CFA), au Togo (2& milliards de francs de CFA), au Bénin (15,6 milliards), au Sénégal (4,5 milliards) et par un relatif équilibre au Niger (-0,4 milliard). Ces flux réguliers de billets contribuent à assurer la surliquidité des systèmes bancaires togolais et burkinabé et à réduire quelque peu les tensions de trésorerie des banques béninoises »(34). Ces statistiques montrent concrètement que la Côte d'Ivoire est plus fédérateur que les autres pays comme par exemple le Nigéria, l'Afrique du Sud ou le Cameroun. Cette approche des pôles fédérateurs est très proche de celle du leadership régional développée par KINDELBERGER et que J. M. SIROEN résume comme suit : « la fourniture d'un bien public régional ou international se heurte à la question du resquilleur, c'est-à-dire du pays qui bénéficierait du bien public sans en supporter les coûts. La question est résolue si un pays accepte d'assumer une fonction de leadership qui est certes coûteuse mais qui, en contrepartie, lui permet de donner au système international ou régional les formes qu'il attend »(35). C'est le cas de l'Allemagne dans l'UE et des ÉtatsUnis dans l'ALENA Pour cette conception, la régionalisation s'expliquerait G. SEMEDû ET P. VILLIER: La zone franc mécanismes et perspectives macroéconomiques, Éd. Ellipses, 1997, p.35. 35. 1. M. SfIROEN : op. cit PP90-91 3-4. - 46- aussi par l'existence de puissances régionales comme dirait lM. SIROEN, c'est une condition sans doute insuffisante mais vraisemblablement nécessaire. Tout l'argumentaire de ces schémas et théories tourne autour du développement par l'intégration(36)qui est présenté comme un moyen de sortir de la crise économique et sociale et d'échapper aux incertitudes des marchés financiers et des matières premières. C'est cela qui a pu déterminer les hommes politiques, l'intelligentsia et les opinions publiques africaines, à prendre une claire conscience que l'intégration est un objectif prioritaire. Chacun de leurs pays considéré isolément traîne l'un au moins de ces trois obstacles difficilement franchissables: étroitesse des marchés (les revenus disponibles), insuffisance de l'épargne et des capitaux, faiblesse du potentiel technologique et scientifique. Ce sont ces obstacles qui expliquent qu'aucun pays, quelles que soient sa taille et l'importance de ses ressources naturelles, ne constitue un cadre approprié pour un développement économique soutenu et durable. C'est pourquoi l'objectif d'intégration demeure en permanence l'un des thèmes majeurs du discours des hommes politiques. n est resté le slogan mobilisateur: « Un destin pour l'Afrique »(37) car, tout le monde se convainc que « L'Afrique sera intégrée ou ne sera pas »(38). Sur cette base, les expériences d'intégration se sont multipliées si bien qu'en 1989 on dénombrait quelques 200 organisations en Afrique; cela faisait observer au Doyen K.OUALI que de « 1958 à 1975, il est né, chaque année, une organisation économique» On ne connaît même pas celles qui survivent aujourd'hui. Ces expériences n'ont pas toujours été concluantes car elles n'ont réussi ni à créer un cadre efficient et fonctionnel d'harmonisation des politiques économiques et monétaires, ni à développer de façon significative les échanges intercommunautaires. Pourquoi la régionalisation en Afrique n'a pu générer le développement et comment rendre les stratégies plus opérantes ? Moustapha KASSE: Le développement par l'intégration, Éd. NEAS, Dakar, 1991,249 pages. 37. A. WADE: Un destin pour l'Afrique, Éd. Karthala, 1995 38. Abdou DIOUF, Recueil de discours sur l'Intégration, doc. publié par la Présidence de la République du Sénégal 1998. - 4736. CHAPITRE 1 Difficile émergence régionale de l' Afriq ue « L'intégration est une question de survie pour / 'Afrique» Cheikh Anta DIOP La coopération régionale, l'intégration économique et le panafricanisme continuent de constituer depuis les indépendances, des idées forces ou un des mythes mobilisateurs de l'Afrique sub-saharienne. Malgré les résultats encore modestes et après plus de trois décennies de pratique, tous les responsables politiques africains continuent de croire que si le continent veut survivre, prospérer et s'insérer dans la mondialisation, il n'a point d'autre alternative que l'intégration sous-régionale et régionale. Anticipant sur les économies d'échelle, les bailleurs de fonds multilatéraux comme bilatéraux adhèrent et soutiennent les processus intégrateurs sur le continent. Tout ce monde semble s'accorder sur des idées développées dans les précédents chapitres selon lesquelles l'intégration économique, les investissements et le libre échange sont des facteurs-elés de l'amélioration des niveaux de vie et des conditions de travail ainsi que d'une meilleure protection de l'environnement. Seulement, la région ou encore l'espace d'intégration continue de susciter des interrogations et parfois de vives polémiques entre hommes politiques et hommes de sciences. Faut-il accorder la priorité à la construction d'une communauté plus large à l'échelle du continent, comme par exemple la Communauté Économique Africaine, ou est-il plus efficient de développer et de renforcer les organisations sous-régionales existantes ? Quels mécanismes de coordination faut-il mettre en place pour rendre l'ensemble cohérent? Ces questions sont agitées par les dirigeants africains depuis la création de l'Organisation de l'Unité Africaine en 1963 jusqu'à l'élaboration récente, à Lomé en juiUet 2000, de la Charte instituant l'Union Africaine. Dans l'Acte final de Lagos, les Cbefs d'État et de Gouvernement de l'OUA déclaraient: «nous réaffirmons notre engagement de créer d'ici l'an 2000, sur la base d'un traité à conclure, une communauté africaine afin d'assurer l'intégration économique, cultureUe et sociale de notre continent. Cette communauté a pour but de promouvoir le développement collectif accéléré, auto-dépendant et endogène des États membres, la coopération entre eux et leur intégration dans tous les domaines économique, social et culturel ». Ils se sont également engagés à prendre une série de mesures concrètes au cours des années 80 notamment « À renforcer les communautés existantes et à • 49- créer d'autres groupements économiques dans les autres régions de l'Afrique, de manière à couvrir l'ensemble du continent (Afrique centrale, Afrique Orientale, Afrique Australe, Afrique du Nord, Afrique de l'Ouest) ». Les années 80 vont être marquées par d'importantes réalisations en matière de création d'institutions d'intégration et de coopération. C'est ainsi qu'à la suite de l'adoption de l'Acte final de Lagos en 1980 qui insistait très fortement sur l'impérative nécessité de réaliser au plus tard en l'an 2000 l'intégration de l'ensemble du continent, le traité instituant la Communauté Économique Africaine a été ratifié à Abuja en 1991. Aujourd 'hui, en dehors de l'Égypte, tous les pays africains sont engagés dans une ou plusieurs organisations d'intégration sous-régionales. De fuit, quatre grandes communautés économiques se sont constituées en Afrique englobant l'ensemble des pays de l'Afrique du Nord (Union du Maghreb Arabe, UMA), de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), de l'Afrique centrale (CEEAC) ainsi que de l'Afrique australe et de l'Est (ZEP). Le mouvement se poursuit et s'élargit avec la formation de beaucoup d'autres organisations de coopération dont l'UEMOA est la dernière-née. Malgré cet engagement, les résultats d'ensemble restent encore assez modestes. Dans la plupart des espaces, les échanges commerciaux inter-africains sont restés assez faibles et, considérés sur une longue période, ils ont même régressé dans certaines sous-régions. L'étape de l'union douanière est rarement atteinte, si bien que beaucoup d'organisations disparaissent bien avant terme. Au niveau monétaire, en dehors de la Zone franc, les accords de coopération sont quasi inexistants. On peut alors se demander si l'expérience de l'UEMOA n'est pas à suivre et si elle peut être le maillon d'une dynamique plus vaste d'intégration économique africaine. Pour cela, nous allons dans une première section analyser les enjeux de l'intégration à l'échelle du continent, telle qu'elle est envisagée par les chartes de l'OUA et celle plus récente de l'Union africaine. Dans une seconde section nous verrons les apports d'un régionalisme « protégé» dont l'espace économique et financier peut être remodelé par la création d'une véritable division sousrégionale du travail fondée sur les avantages comparatifs des différents pays membres. Dans une troisième section, il sera question d'une gestion des interdépendances dans le cadre d'une intégration élargie. SEcnON 1 : Le processus chaotique et sans fin de l'intégration africaine. Globalement, le continent est formé par plus d'une cinquantaine de micro-États pour la plupart très pauvres, dont les possibilités de développement en isolement sont limitées. Ds sont incapables d'accéder séparément à une dimension optimale au triple plan économique, politique et culturel. Un développement équilibré exige alors un impératif d'élargissement de leur marché ~ ce qui appelle, sous une forme ou une autre, la coopération régionale. C'est pour cette raison bien simple que l'intégration et la coopération constituent un élément des stratégies de développement de l'Afrique. Dès lors, il devient nécessaire de réaménager cet espace géopolitique africain éclaté, dans une ou plusieurs entités optimales dynamiques. Il est attendu de ce réaménagement qu'il contrecarre les effets - 50- néfastes de la balkanisation de l'Afrique qui se sont traduits par l'existence d'une multitude d'États-nations souverains. C'est pourquoi, le processus de coopération et d'intégration en Afrique qui a rencontré au départ beaucoup de résistance, a été souvent envisagé à travers le réaménagement géopolitique de l'espace continental, soit en sous-régions, soit en régions. En effet, le cloisonnement actùel- émanant du partage de l'Afrique lors de la Conférence de Berlin (1884-1885) a empêché les complémentarités naturelles de jouer pleinement et a privé les pays africains des avantages de spécialisation et d'économie d'échelle(39). En conséquence, il faut opérer une véritable restructuration fonctionnelle de l'espace géopolitique pour éviter la reproduction du développement bloqué et ses incalculables conséquences sociales, et accélérer de ce fait le processus de croissance. Ainsi, de la coopération renforcée entre les États africains dépendra la dynamique susceptible de produire des effets de stimulation. A terme, par le jeu de l'effet de groupe, on pourrait assister à l'émergence de dynamiques plus efficientes au niveau sous-régional, régional, voire continental. Cependant, même si nous avons remarqué que de nombreuses tentatives de regroupement ont eu lieu entre pays africains (Union Guinée-Ghana, Fédération du Mali, Union Guinée-Ghana-Mali, Confédération de la Sénégambie etc ... sans grands succès) il faut aussi noter les difficultés considérables qu'il ya à réaliser une politique économique régionale et inter-régionale. Dans cette optique, depuis les indépendances afiicaines en 1960, la vision dominante qui ressort de tous les discours des décideurs politiques est celle d'une Afrique intégrée, seule alternative crédible à la stagnation et au sousdéveloppement. Toutes les assises des hommes d'État ont invariablement comporté un volet coopération régionale entraînant une volumineuse production juridique et réglementaire. Des textes caractéristiques et souvent qualifiés d'historiques ont alors balisé cette préoccupation d'unité et d'intégration: Charte de l'OUA (1963), Plan de Lagos et Acte final de Lagos (1980), Traité de création de la Communauté Économique Africaine(I99l), Acte Constitutif de l'Union Africaine (2000). 1 - les textes fondateurs : charte de l'OUA, plan d'action de Lagos, traité de la communauté économique et l'acte constitutif de l'union africaine La Charte de l'OUA, acte fondateur de l'unité afiicaine, stipule dans son article 2 que l'un des objectifs majeurs est de renforcer l'unité et la solidarité des États africains, de coordonner et d'intensifier les efforts pour offiir de meilleures conditions d'existence aux peuples. Pour arriver à ces fins, les États membres doivent coordonner et hannoniser leurs politiques, en particulier dans les domaines de la Politique et de la diplomatie, de l'économie, des transports et de 39. NGUlNDZA-ûKOUYI : De la zone franc à ... la zone euro en Afrique? Réflexion sur les incertitudes et /es enjeux de la construction monétaire en Afrique francophone. Symposium international sur l'avenir de la zone franc avec l'avènement de l'euro, CODESRIA, 4-6 novembre 1998. - 51 - la communication, de l'éducation et de la culture, de la science et des techniques, de la défense et de la sécurité. La. réalisation de ces objectifs est confiée à trois commissions (article 20): la Commission Économique et Sociale, la Commission de l'Éducation, de la Science, de la Culture et de la santé et la Commission de la Défense. Celles-ci opèrent à travers le Plan d'Action de Lagos (pAL) et l'Acte Final de Lagos (AFL) qui constituent le modèle pour un développement africain plus endogène qui devait conduire à la mise sur pied d'une Communauté Économique Africaine. TI faut rappeler que la Charte de l'OUA est le produit d'un laborieux compromis politique et économique entre deux groupes d'États aux orientations idéologiques trop éloignées, à savoir les modérés du groupe de Monrovia et les radicaux du groupe de Casablanca. Depuis, cette organisation a accumulé trois dysfonctionnements qui l'ont complètement paralysée : d'abord, la politisation extrême de ses organes et de ses activités ; ce qui a entraîné une mise en veilleuse de toutes les commissions techniques et les commissions spécialisées devant s'occuper de développement économique et sociale; ensuite, la faiblesse organique et fonctionnelle de son Secrétariat administratif incapable de gérer tout le processus d'intégration dans sa triple dimension politique, économique et sociale; enfin, la modicité de ses moyens financiers qui ne permettaient même pas de faire face aux simples charges administratives. En 1980, les Chefs d'État et de gouvernement de l'Organisation de l'Unité africaine réunis à Lagos, lors d'une séance consacrée exclusivement aux problèmes économiques du continent ont adopté le Plan d'action de Lagos (pAL) et l'Acte final de Lagos (AFL). Ces derniers ont été concoctés par les intellectuels et les experts africains préalablement réunis à Monrovia autour de la nécessité d'établir, à la suite de la décolonisation et en raison des difficultés économiques, un ordre économique et social nouveau. Celui-ci est fondé sur une stratégie de développement économique mettant l'accent sur les besoins et les potentialités de la région. Contrairement au modèle de développement de la première génération basé sur les activités exportatrices de biens primaires d'origine agricole ou minière, le nouveau modèle réoriente le système productif africain vers les impératifs d'un développement plus endogène. Dans cette optique, le PAL fixe trois objectifs: d'abord la promotion de l'autosuffisance alimentaire sur le plan individuel et collectif, dans un cadre sousrégional et régional, ensuite l'accélération du processus de croissance et de diversification de la production, enfin le passage progressif vers l'intégration économique et l'établissement d'un marché commun africain. Ces objectifs comprenaient des sous-objectifs assez nombreux et déterminants: l'endogénéisation des forces affectant l'offre et la demande afin de ma.t"triser le processus de croissance, les modes de production et de consommation, l'utilisation de la science et des technologies et la mise en place de capacités techniques, la participation populaire au développement économique et social, la planification du processus de développement avec l'établissement de priorités économiques et financières. Des propositions et des recommandations de politiques sectorielles dans les domaines de l'agriculture, de l'industrie, des transports et des conununications, des ressources humaines et naturelles, de la - 52- science et des techniques ainsi que de l'intégration. L'Acte final de Lagos ordonne tous ces projets et établit un véritable calendrier de réalisation. Les Chefs d'État et de gouvernement réunis en 1991 à Abuja (capitale politique du Nigeria) se sont rappelé le Plan d'Action et l'Acte final de Lagos (avril 80) pour réaffirmer leur engagement de créer d'ici l'an 2000 une Communauté Économique Africaine afin d'assurer l'intégration économique, sociale et culturelle du continent. Après avoir noté les efforts accomplis dans le domaine de la coopération économique sectorielle et de l'intégration économique sous-régionale, les Chefs d'État et de gouvernement justifient la nécessité d'une intégration « plus large et plus complète» et décident alors d'instituer une communauté économique africaine. Le Traité comporte 69 articles qui définissent les objectifs, les institutions, les modalités de renforcement des communautés existantes, la libéralisation des échanges, la libre circulation et les droits de résidence et d'établissement, la coopération dans le domaine monétaire, financier et des paiements, la coopération dans les domaines de l'agriculture, de l'industrie, des transports et communications, de l'éducation, de la culture et de la science, de l'énergie et des ressources naturelles. On est en présence d'un projet extrêmement ambitieux qui embrasse tous les secteurs de la vie économique, sociale et culturelle. Les objectifs de la communauté sont la création, à l'échelle du continent, d'un cadre de la mobilisation des ressources humaines et matérielles de l'Afrique en vue d'un développement auto-suffisant et de l'élévation du niveau de vie des populations, la promotion du développement intégral systématique et l'intégration des économies africaines en vue de favoriser un développement endogène et auto-entretenu. EUe va s'atteler également à la promotion de la coopération, à la coordination et à 1'harmonisation des politiques entre les groupements économiques existants et futurs en vue de la création d'un marché commun africain. Le moyen est le marché commun avec l'abolition de toutes les restrictions quantitatives et autres entraves au commerce, l'établissement d'un tarif extérieur commun et l'instauration d'une politique commerciale commune à l'égard des États-tiers. Des étapes sont fixées pour aboutir à l'union douanière. Une des originalités du traité est la création de trois institutions financières importantes: la Banque Centrale, le Fonds Communautaire de Développement et le Fonds Monétaire Africain. Cette belle architecture juridique à la fois complète et cohérente n'a encore trouvé, depuis 1991, aucun début d'application. Elle n'a même pas été ratifié par la majorité des États africains. Cela nous évitera de porter une critique de certaines dispositions de caractère économique et financier comme par exemple l'institution du TEe, les modalités techniques d'harmonisation des politiques économiques et financières, les mécanismes de réalisation d'un ordre monétaire autour d'une Banque Centrale. Des questions vitales relatives aux règles de convertibilité, des taux de change et des compensations sont sans réponse. Comme demeurent également sans réponse la structure du capital du FCn et du FMA de même que leur modalité de fonctionnement et leur gouvernance institutionnelle. Au niveau strictement politique, il est prévu un Parlement dont les modes de représentation ne sont pas clairement spécifiés. Le troisième texte de base est le récent Acte Constitutif de l'Union - 53- Africaine adopté le 12 juillet 2000 à Lomé par la 36ème Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement de l'OUA. Ce document est le produit d'une part de la Déclaration de Syrte des 8 et 9 septembre 1999, adoptée lors de la session extraordinaire de la Conférence des ChefS d'État et de Gouvernement de l'OUA et d'autre part des nombreuses remarques et propositions de révision de la Charte de l'OUA. En effet, depuis longtemps, la révision de la charte de l'OUA s'imposait bien que, au cours de ses quarante ans d'existence, des modifications aient été apportées. Les raisons d'une révision de la Charte tournent essentiellement autour d'une triple nécessité: d'abord de rendre l'OUA plus efficace et plus adaptée aux. changements sociaux, politiques et économiques qui se produisent à l'intérieur et à l'extérieur du continent, ensuite de relever le défi de l'intégration conformément au Traité d'Abuja instituant la Communauté Économique Africaine et enfin de disposer d'une administration forte, performante et efficace, disposant d'un personnel technique compétent. n s'y ajoute la nécessité d'abréger le calendrier d'exécution du Traité instituant la CEA en créant rapidement toutes les institutions prévues notamment la Banque Centrale Africaine, le Fonds Monétaire Africain, la Cour de Justice et le Parlement. L'Acte Constitutif de l'Union Africaine concrétise la déclaration de Syrte et tente de réactualiser la Charte de l'OUA qui, tout de même, date de 1963. Depuis cette date, bien des chœes ont véritablement bougé: mondialisation multipolaire de haute compétition avec les nouvelles technologies de la communication et de l'information entraînant la marginalisation rampante du continent africain, retour en force de la régionalisation, avènement de la démocratie pluraliste et de la protection des droits de 1'homme dqmis la chute du mur de Berlin, nouvelles exigences de la bonne gouvernance des Etats. En comparant l'Acte Constitutif de l'Union avec d'autres documents de l'OUA, on s'aperçoit qu'elle innove sur certains aspects qui peuvent être regroupés en trois points essentiels: D'abord, au niveau institutionnel, l'ancien Secrétariat Général de l'OUA dispanût au profit d'une Commission Exécutive qui joue le rôle de secrétariat de l'Union et comprend un Président assisté par des vices-présidents et des commissaires (art.20). n est mis en place un Conseil Exécutif composé des Ministres des Affaires Étrangères ou de tout autre ministre désigné par les gouvernements des États membres (art.lO) et qui est chargé d'assurer la coordination des politiques dans les domaines d'intérêt commun (art. 13). fi a été crée sept comités techniques spécialisés (art. 14) chargés des questions d'économie rurale et agricole (1), des afl:àires monétaires et financières (2), des questions commerciales, douanières et d'immigration (3), de l'industrie, de la science, de la technologie, de l'énergie, des ressources naturelles et de l'environnement (4), des transports, des communications et du tourisme (5), de la santé, du travail et des affaires sociales (6), de l'Éducation, de la culture et des ressources humaines (7). Ensuite, des organes nouveaux sont mis en place. n s'agit d'abord des institutions financières comme la Banque Centrale Africaine, le Fonds Monétaire Africain et la Banque africaine d'investissement, ensuite du Parlement panafricain qui doit assurer la pleine participation des peuples africains au développement et à l'intégration économique du continent et enfin de la Cour de - 54- justice et du Conseil Économique, Social et Culturel qui est un organe consultatif composé des représentants des différentes couches socio-professionneUes des États membres de l'Union. Enfin, au niveau de l'intégration, il est recommandé une accélération du processus de mise en œuvre de la CEA afin de promouvoir le développement socio-économique et de faire face, de manière plus efficace aux défis de la mondialisation. Également, il est souhaité de coordonner et d'hannoniser les politiques entre les Communautés économiques régionales existantes et futures, en vue de la réalisation graduelle des objectifs de l'Union. Ce panorama des innovations est complété par les prises de position purement politiques sur la promotion des principes et des institutions démocratiques, le respect des droits de l'homme, le droit d'ingérence dans les affaires intérieures des États, la lutte contre l'impunité, le terrorisme et la bonne gouvernance. Malgré ces innovations, l'Acte Constitutif de l'Union Africaine contient trop de lacunes et d'insuffisances qui seront analysées plus loin dans le cadre de l'évaluation globale des textes fondateurs de l'unité africaine. II - les trappes à l'inactivité: inOation de textes et écart par rapport aux objectifs économiques L'inflation de textes de même que les nombreux bons discours et les généreuses paroles n'ont point permis le règlement des questions fondamentales de l'unité et du panafricanisme au double plan économique et politique. fi est vrai que de nombreuses conventions ne se bornent pas toujours à fiùre l'état des lieux des questions, elles s'efforcent souvent de fuire des propositions. II serait intéressant d'abord d'approcher de plus près le Plan d'action et l'Acte Final de Lagos qui ont défini le cadre et fixé les orientations et options principales du développement et de l'intégration des économies africaines, ensuite d'évaluer les facteurs d'échec et enfin de voir si l'Acte Constitutif de l'Union Africaine peut être ce contrat communautaire vers les États-Unis d'Afrique. /0) Les traits généraux du PAL et de l'AFL Le PAL est le produit d'une très large concertation entre les intellectuels, les hommes de science et les chercheurs, les techniciens du développement et les décideurs africains et les institutions internationales comme l'OUA et la Commission Économique pour l'Afrique sous l'égide du PNUD. Le PAL cherche à renouveler, au niveau national, régional et continental, l'approche des grands problèmes que doivent affronter à long terme les pays africains. Cet examen conduisait l'ensemble des participants à reconnaître que la stratégie appliquée durant les années 60 et 70 n'avait réussi, ni à améliorer la situation économique et sociale de l'Afrique, ni à rendre son indépendance politique effective et significative du point de vue économique; on estimait que cet échec avait été aggravé par la situation économique mondiale et par la persistance, imputable à l'absence de progrès dans les négociations Nord-Sud, d'un ordre économique international peu équitable. Le Plan de Lagos met en avant des principes et des objectifs ayant trait au développement socio-économique de l'Afrique, ainsi que des lignes - 55- directrices et des recommandations d'action, de manière à constituer un cadre pour l'élaboration et la mise en œuvre par les gouvernements de mesures précises agissant tant individuellement que collectivement. Si le plan met l'accent sur l'action des pouvoirs publics, c'est non seulement pour tenir compte des mesures sélectives que prennent même les plus « libéraux» des gouvernements africains, mais aussi parce que bien de ses principes et de ses objectifs ne sauraient être respectés ou atteints par le seul jeu des mécanismes du marché. Le Plan adopte comme principe fondamental la nécessité de compter sur ses propres forces, tant au plan national que collectif. Il en découle des objectifs tels que la satisfaction des besoins fondamentaux, la création d'emplois productifs, le renforcement des capacités technologiques et gestionnaires, la maîtrise des immenses ressources naturelles que possède le continent et la mise en route d'un développement auto-entretenu. L'autonomie alimentaire apparaît comme une condition nécessaire d'une politique consistant à compter sur ses propres forces, tandis que l'industrialisation est considérée comme le principal instrument de l'intégration économique et du progrès technique. Selon le sommet de Lagos, l'action collective devrait aboutir à la mise en place progressive d'un marché commun africain, suivie de la coordination des regroupements existants, à la création d'une Communauté Économique Africaine. Des regroupements plus limités, visant à la fois la libération des échanges et la coopération en matière d'investissement et de production, peuvent être considérés comme d'importants maillons du processus qui devrait conduire à la réalisation de ces objectifs panafricains. Le Plan appelle donc au renforcement des regroupements et à l'établissement de liens entre eux. Il attache une importance particulière à la constitution de quelques grands regroupements régionaux rassemblant à eux tous la totalité des pays membres de l'OUA. Acet égard, le PALet l'AFL avaient fixé des orientations stratégiques qui devraient se traduire en politiques sectorielles planifiées et pertinentes qu'il convient de passer en revue. Dans le secteur agricole et alimentaire, le PLA visait à : (i) (ii) (iii) (iv) (v) - 56- apporter des améliorations immédiates à la situation alimentaire et jeter les bases de la réalisation de l'autosuffisance en matière de céréales, d'élevage et de produits de la pêche; réduire de 50% les pertes après récolte au cours de la période 1980-1985 ; constituer des réserves alimentaires stratégiques représentant 10% de la production alimentaire totale; accroître la production halieutique annuelle d'un miJlion de tonnes en 1985 de façon à relever d'un kilogramme la consommation de poissons par habitant; étendre les réserves forestières de 10% en 1985, et réduire progressivement les exportations de bois en grume de façon à ce qu'elles se situent au-dessous du volume de 1980. Dans le secteur industriel, les objectifs fixés pour la période 19801990 étaient de : (i) (ii) (iii) (iv) (v) (vi) (vii) (viii) créer une base solide d'industrialisation auto-entretenue aux niveaux national et sous-régional ; mettre en valeur les ressources humaines et veiller à leur pleine mobilisation dans le processus de développement industriel ; produire en quantité suffisante les facteurs modernes de production agricole tels que les engrais, les pesticides, l'outillage et les machines agricoles ; produire en quantité suffisante des matériaux de construction de logements décents dans les zones urbaines et rurales à l'intention de la population sans cesse croissante ; développer des industries de production de biens d'équipement intermédiaires ; transformer et valoriser une part de plus en plus importante des matières premières ; satisfaire les besoins industriels et sociaux en énergie en mettant en valeur les ressources énergétiques continentales ; et satisfaire les besoins du continent en textile. n avait été établi, comme objectif quantitatif, que la part de la production industrielle africaine atteigne 1,4% de la production industrielle mondiale en 1990. - S'agissant des transports et des communications, le Plan d'Action de Lagos fixait comme objectif la réalisation des plans nationaux et régionaux dans le cadre de la décennie des Nations Unies pour les transports et les communications en Afrique, 1978-1988. Dans cette optique, des projets nationaux, sous-régionaux et régionaux ont été élaborés pour la mise en place d'une infrastructure intégrée et diversifiée avant l'an 2000, ainsi que le désenclavement des pays sans littoral. L'objectif était de créer les conditions infrastructurelles de formation d'un marché rendant possible la circulation effective des personnes et des biens. - Dans le cas des ressources naturelles, le PAL recommandait que, dans les années 80, les pays africains: (i) procèdent à une évaluation de leur patrimoine; (ii) intègrent la mise en valeur des ressources naturelles aux plans nationaux et multinationaux; (iii) et effectuent des études d'ensemble sur la main d'œuvre, la technologie et les besoins en capital nécessaires à la mise en valeur des ressources naturelles. - Le PAL recommandait que la mise en valeur des ressources humaines et des compétences scientifiques et techniques tiennent compte des besoins des différents programmes sectoriels. La priorité devait être accordée aux principaux secteurs de production, à savoir l'agriculture et - 57- l'alimentation, l'industrie, les transports, les communications et les ressources naturelles. - Au niveau macro-économique, le plan prévoyait un scénario où le taux de croissance du PIB serait d'environ 7% par an au cours des années 80, 4% par an pour la production agricole, 9,5% par an pour les industries manufacturières, 7% par an pour les exportations en termes réels et moins de 8,2% par an pour les importations. Après l'adoption du PAL, des propositions techniques concernant la mise en œuvre des stratégies d'un développement endogène auto-entretenu et auto-centré dans le cadre de politiques sectorielles ont été faites par la Commission Économique des Nations-Unies pour l'Afrique et le Secrétariat de l'OUA. Toutes les instances interafricaines s'accordent sur ce point: si le continent veut survivre dans le système mondial multipolaire, c'est-à-{fue sortir de la marginalité pour amorcer une dynamique de croissance et de développement, il n'a point d'autre voie que l'intégration régionale et sousrégionale. De fait, la régionalisation à l'écheUe du continent devient la seule alternative crédible pour sortir de la crise et de la stagnation. Malgré ces certitudes et la praxis qui a suivi, l'Afrique a traversé une crise économique et sociale très profonde qui se manifeste sous trois formes : d'abord la montée des déséquilibres macro-économiques et macro-financiers matérialisée par la dégradation de tous les principaux indicateurs, ensuite la désintégration des structures de production et des infrastructures de base, enfin la détérioration du bien-être social, notamment l'éducation, la santé, le logement et surtout la montée de la pauvreté de masse. Cette crise n'épargne aucune des sous-régions y compris ceUes productrices de pétrole et d'autres matières premières de base d'origine agricole ou minière. Ces faibles performances font que l'Afrique est la seule région du monde où la production par tête d'habitant a notablement baissé dans le courant des années 90 et où la pauvreté s'est élargie. Ainsi, selon Mbaya KANKWENDA, l'Afrique au sud du Sahara compte environ 250 millions de pauvres soit environ 45% de la population. Plus grave encore, cette pauvreté est en sensible progression en raison notanunent d'une quasi-stagnation de la croissance des revenus par habitant (2,1 % sur la période 1991-1995) et de perspectives modestes d'expansion économique pour l'ensemble du continent africain: 4% en moyenne contre 5,4% pour les pays en développement au cours de la décennie 1997-2006 et 6 à 7% pour la période 2010-2020 selon le Rapport de la Banque mondiale sur les perspectives économiques de la planète et des pays en développement(40). 2°) Lesfadeurs d'échec du PAL eidel' AFL A la 21 ème Session de l'OUA les 18 et 20 juillet 1985, le Programme Prioritaire de Redressement Économique de l'Afrique reconnaît que « cinq Mbaya KANKWENDA : La lutte contre la pauvreté en Afrique subsaharienne, Éd. Écononùca 1999, 465p. 40 - 58- années après l'adoption du PALet de AFL très peu de progrès ont été enregistrés dans la mise en œuvre du plan et de l'acte, bien que la stratégie de base pour un développement autoeentré et endogène reste toujours valable. Au cours de ces cinq ans, de nombreux obstacles et contraintes ont été rencontrés et de nombreuses erreurs commises ». Des résultats aussi décevants appellent des interrogations fortes qui sont déterminantes pour l'avenir même de l'intégration économique: pourquoi les objectifs et les priorités du PAL n'ontils jamais été réalisés? Pourquoi l'Afrique se détoume-t-elle de ses propres textes économiques, politiques et sociaux ? Les schémas et les mécanismes d'intégration sont-ils pertinents ? Ces questions sont importantes et nécessitent une évaluation de ce qui a été fait dans le domaine. Il est vrai que les responsables politiques ont semblé préférer la fuite en avant consistant à refuser les évaluations critiques qui auraient, sans nul doute, permis de déceler les erreurs et de les corriger afin d'aller de l'avant. Ils ont alors pris de nouveaux textes au lieu d'amender ceux qui existent déjà. A la lumière des expériences, les facteurs et obstacles qui suivent ont contrarié la réalisation du PAL et de l' AFL. Le premier facteur est le manque de volonté politique qui se manifeste dans l'illusion entretenue par certains États de pouvoir s'en sortir seuls en appliquant des politiques économiques et financières nationales, telles que celles contenues dans les Programmes d'Ajustement Structurel. Cette attitude se traduit par les réserves sur les abandons de souveraineté dans les processus intégrateurs, à telle enseigne que les Institutions de mise en œuvre des schémas d'intégration n'ont aucun pouvoir sur les États nationaux. Le deuxième fàcteur est d'ordre technique et il se manifeste à trois niveaux: d'abord les priorités retenues sont assez mal ciblées, ensuite la mise en œuvre des stratégies est absente et enfin les divers projets retenus n'ont point de plan de financement. Au total, on observe une incapacité à traduire les orientations en politiques, programmes et projets. Le caractère trop général des stratégies et options a pour corollaire leur non application effective. A cela s'ajoute le fuit que les Chefs d'État et de gouvernement ont cette fficheuse tendance à omettre de prendre les décisions strictement politiques qui sont à leur portée comme par exemple la coordination des partis politiques, la rationalisation des représentations diplomatiques pour débattre de problèmes techniques compliqués qui devraient relever de la compétence des experts. Le troisième fàcteur est l'acceptation par les djrigeants africains de visions et programmes imposés par les bailleurs de fonds et les institutions financières internationales. Dès l'adoption du PAL, la Banque mondiale, agacée, publje successivement trois rapports annuels qui sont de véritables contrepropositions au PAL. Le premier est paru en 1981 sous le titre « le développement accéléré en Afrique au sud du Sahara: programme indicatif d'action». Il s'agit du plan BERG qui lance les principes d'une organisation libérale des économies africaines. Le deuxième rapport est publié en 1983 sous le titre « rapport intérimaire sur les perspectives et programmes du développement». Ce texte indique clairement les réformes que les africains doivent mettre en place pour bénéficier désormais des ressources des bailleurs de fonds dont la Banque mondiale et le FMI deviennent les têtes de pont. Le troisième rapport est publié en 1984 et s'intitule « un programme d'action - 59- concertée pour le développement stable de l'Afrique au sud du Sahara». Les auteurs insistent sur les changements politiques et institutionnels des pays africains, l'allocation plus rationnelles des ressources financières, l'endettement, la forte croissance démographique, le fàible développement des ressources hwnaines et la technologie. La succession de ces trois rapports en l'intervalle de trois ans a parachevé les propositions de la Banque mondiale relatives à la réforme de tous les centres et les institutions de pouvoir en Afrique. Le quatrième facteur est lié à la faiblesse structurelle et institutionnelle des organes d'administration et de management de l'unité africaine et à leur manque de liaison avec le processus d'intégration. D'abord les deux chartes de l'OUA comme de l'Union africaine ne prévoient pas explicitement des abandons de souveraineté au profit des autorités supranationales, en conséquence, il n'existe aucune sorte d'autorité centrale forte capable de prendre en charge la gestion de l'ensemble du processus d'uniformisation et d'harmonisation des différentes politiques. Ensuite les organes techniques sont inefficients soit par défaut dans le cas de l'OUA soit par excès dans le cas de l'Union africaine. Cette charte prévoit que chaque commission technique se compose de deux membres désignés par les États soit 106 commissaires. Avec de tels effectifs, les commissions risquent de ne point être efficaces et fonctionnelles. Enfin, un autre frein est l'extrême pol itisation des postes ainsi que la complexité des règles et des procédures qui pousseront à la formation d'une bureaucratie lourde et paralysante. Le cinquième facteur provient de l'amplification des conflits et des guerres civiles qui prennent leurs sources dans des facteurs externes tels l'héritage colonial et l'ancienne guerre froide mais aussi et surtout dans des facteurs internes comme l'état de pauvreté, l'utilisation de la force comme mode de production par des « seigneurs de la guerre», les résistances à la démocratisation ainsi que les luttes des élites pour le contrôle de l'appareil d'État et la mainmise sur les ressources. Cette détérioration de l'espace politique porte atteinte gravement à la paix, à la stabilité et à la sécurité qui sont des facteurs essentiels pour le développement économique et social. Au demeurant, c'est la conjugaison de tous ces facteurs qui explique la non application de tout l'arsenal juridique et des multiples résolutions et recommandations qui n'ont véritablement pas débouché sur des actions concrètes. Dans ces conditions, les grands enjeux d'une véritable renaissance africaine passeront par la réévaluation et la réactivation du PAL ainsi que l'application des décisions et recommandations les plus progressistes de ]'Acte Constitutif de l'Union africaine, c'est-à-dire celles qui sont réellement applir.ables et porteuses de progrès substantiels pour la régionalisation. En effet, ces deux textes, du PALet de l'Acte, ont le mérite de faire du renforcement des communautés économiques et de l'intégration des priorités pour le développement économique et social du continent. Particulièrement, ils recommandent la consolidation des organisations sous-régionales existantes et celles qui sont à créer. C'est dans cette perspective qu'il faut analyser le passage possible de ce que l'on appelle le régionalisme « protégé» (par exemple l'UEMOA) à une dynamique plus large à l'échelle de tout le continent. Évidemment cette démarche ne s'imposerait pas si ta convergence des - 60- économies était possible à }' échelle continentale. SEcnON 2 : L'impossible convergence des économies africaines et le blocage de l'intégration. La situation économique de l'Afrique à l'orée du 3ème millénaire se présente comme suit : Tableau 3: Les résultats économiques de l'Afrique (1965-1999) Indicateurs Croissance moyenne du PIB réel Croissance moyenne du PIB réel par habitant Taux d'inflation Solde budgétaire (% du PIB) Ratio investissementIPIB Ratio épargneJPIB Croissance moyenne de la production agricole Croissance moyenne de la production manufacturicre Croissance moyenne des exportations réelles Croissance moyenne des importations réelles Ratio dette extérieureJPIB Ratio dette extérieure/exportations • : Non disporuble. 19651973 19741979 19801985 19861994 19951999 4,0 1,5 5,6 2,9 0,0 12,7 -5,4 26,0 22,5 2,6 2,7 -D;2 15,7 -7,8 23,7 18,9 1,5 2;2 -D,5 22,2 -6,5 21,4 17,3 2,9 3,4 1,1 13,3 -2,7 19,5 16,3 3,7 6,7 2,6 6;2 23,0 7,0 2,3 -2,9 -1,0 42,8 21,1 0,5 3,3 1,0 61,8 26,2 3,8 4,3 6;2 60,1 22,2 • 20,0 • 2,7 7,3 8;2 7,4 • • . . Source: RAD 95 et dcvlSlon de la statistique de la BAD En interrogeant les statistiques et la pratique économique, on peut observer qu'eUes n'évoluent pas au même rythme que les textes et les résolutions qui, naturellement, traduisent l'intérêt que les politiques portent à l'unité économique du continent. Dans les orientations comme dans les différents traités ratifiés, la régionalisation apparaît toujours comme la mère de toutes les vertus, la formule magique, la panacée à toutes les difficultés économiques et financières du continent (p. JACQUEMOT, 1993). Les différents plans et traités ne trouvent aujourd'hui aucun début d'exécution : le PAL est complètement abandonné, le démarrage de la CEA demeure une pétition de principe et les institutions financières projetées comme la Banque Centrale Africaine, la Banque d'Investissement et le Fonds Monétaire Africain restent à l'état de simples idées de projet. Le plus décevant est la non exécution des engagements économiques et financiers qui oot été pris dans le cadre du Progranune Prioritaire Africain pour le Redressement Économique (APPER, 1986-90) adopté lors de la 21 ème Session de l'OUA à Addis-Abeba en juillet 1985. Ce programme de très haute qualité avait suscité beaucoup d'espoir par son contenu et ses recommandations. La Conférence des ChefS d'État et de gouvernement rappelle que le PALet l'AFL avaient défini le cadre conceptuel et fixé les orientations et principes pour le - 61 • développement, la coopération, l'intégration et la solidarité de l'Afrique. Elle observe alors que la réalisation de ces aspirations a cependant été entravée par des obstacles de nature structurelle (extraversion des économies, absence de complémentarité, étroitesse de la base économique, insuffisances structurelles de l'économie mondiale créant des conditions défavorables pour les pays en développement, etc.), d'essence politique (situations conflictuelles, insuffisances de volonté politique, non-respect des engagements pris en commun, etc.) et de caractère conjoncturel. Dès lors, il s'avère nécessaire d'élaborer une plate-forme commune d'action afin d'une part de dynamiser la coopération sous-régionale et régionale en faveur du redressement de la situation économique, et d'autre part de mobiliser l'apport extérieur qui viendrait soutenir les efforts internes. Par ailleurs, l'actuelle crise dans les relations économiques internationales qui affecte la coopération multilatérale commande que l'Afrique renforce sa capacité de négociation, dans les fora internationaux pour assurer une prise en compte effective de ses intérêts spécifiques, d'où la nécessité de présenter un front uni sur toutes les questions internationales d'intérêt commun. Ce prograrrune avait, pour une fois, convaincu la Communauté internationale qui, lors d'une Session Spéciale de l'ONU, devait élaborer les actions pour une décennie du développement africain. Cela aurait du être une sorte de Plan Marshall pour l'Afrique. Cependant, les résolutions adoptées n'ont jamais reçu le moindre début d'exécution si bien que la « décennie du développement africain» solennellement proclamée et unanimement acclamée n'a produit aucun résultat. La « décennie gâchée», « la décennie d'espoirs déçus», « la décennie perdue» sont les différentes expressions utilisées pour qualifier la dérobade de la communauté internationale. En référence au taux de croissance, au niveau des déséquilibres macroéconomiques, au poids de la dette, à la pression de la demande sociale, l'économie africaine est entièrement installée dans une conjoncture dépressive et de crise. Tout cela est trop éloigné de l'engagement pris par les Chefs d'État et de gouvernement, lors du Sommet de l'OUA, de « promouvoir le développement économique et social et l'intégration de leurs économies en we d'accroître l'auto-dépendance et favoriser un développement endogène et auto-entretenu ». Sans entrer dans des querelles de chapelle au plan méthodologique, il convient d'analyser la problématique de l'intégration à l'échelle afiicaine sous l'angle des théories économiques. En effet, l'économie positive, comme disait J.M. KEYNES, est par principe indépendante de toute position éthique particulière ou de tout jugement normatif. En tant que corps de savoirs systématisés, elle s'explique ce qui est; alors que l'économie normative plus régulatrice dégage les critères de ce qui devrait être. En conséquence, les faibles progrès de l'intégration à l'échelle de l'Afrique doivent être évalués à la lumière des théories et des recherches économiques sur la convergence et la constitution de ZMO, comme cela a été fait dans le cadre de l'UEMOA. 1 - la convergence des politiques économiques des différents pays africains est-elle réalisable? La littérature économique relative à l'intégration perçoit la convergence - 62- comme une condition nécessaire à la réalisation d'une union économique et financière efficace entre deux ou plusieurs pays. C'est cette importance qui justifie la recherche de critères quantifiables permettant de dire si oui ou non des pays engagés dans la création d'un espace ont des politiques économiques ou monétaires qui fucilitent cette intégration. Sans entrer dans les débats théoriques, le simple bon sens indique que des pays ayant des fondamentaux macroéconomiques quantitativement différents et évoluant parfois dans des sens opposés ne peuvent avoir des politiques économiques identiques. En conséquence, la théorie des unions économiques définit un certain nombre de conditions préalables ou nécessaires pour la réalisation d'une union efficace entre deux ou plusieurs pays. Ces conditions entrent dans le cadre d'une harmonisation des niveaux de développement, des déficits publics, de l'endettements, des taux d'inflation, etc. Dès lors, la question se pose de savoir s'il est possible de réaliser une union économique optimale à l'échelle de l'Afrique? Cela postule implicitement la similitude dans les préférences, donc dans les comportements de convergence des politiques macro-économiques. Mais, la réalité révèle que les pays africains manifestent des divergences trop importantes dans leur évolution actuelle, relativement aux critères de convergence sus-évoqués, par exemple. En effet, la structure des marchés de la plupart des pays africains ne remplit pas les conditions voulues pour que la libéralisation des échanges se traduise par une forte progression de ces derniers. Les économies des partenaires ne sont guère complémentaires du point de vue de leurs biens et des facteurs de production. Également, les possibilités de différencier la production et la consommation en fonction du degré de transformation et du niveau de revenu sont réduites. Audelà des lacunes observées dans les textes, des fà.ibles réalisations des options pour le développement économique et la coopération, cette question s'impose: est-il possible de réaliser la convergence des économies africaines ... ? Autrement dit, de we adopter par tous les pays des politiques économiques « vertueuses» ? Autrement dit, pour créer une union économique et monétaire comme le souhaitent les dirigeants africains, faut-il commencer par coordonner les politiques économiques et par intégrer les économies ou fàut-il au contraire commencer par l'union monétaire? L'intégration fédérative qui est le modèle de référence retenu par les décideurs africains suppœe le passage obligé de ta convergence économique qui est, dans la pratique, un processus à la fois graduel et long d'harmonisation de toutes les politiques macroéconomiques. Les critères sont rattachés à trois types d'analyse théorique: la similitude des taux d'inflation, le degré d'intégration des politiques économiques et les performances macro-économiques. ]0) Les taux d'inflation. Le critère de la similitude des taux d'inflation se fonde sur l'idée que les déséquilibres de la balance des paiements s'expliquent essentiellement par les différences de taux d'inflation qui prennent leur source dans les politiques monétaires et dans les structures de développement. En effet, le différentiel des taux d'inflation provient du fà.it que chaque pays procède à son propre arbitrage entre inflation et chômage en même temps qu'il délimite sa propre frontière d'arbitrage. Dans le cas de l'Afrique, les disparités de taux d'inflation sont trop - 63- fortes et vont de 1,2% à 26% avec des politiques monétaires parfois fortement différenciées. Les différentiels des taux. d'inflation sont renforcés par des structures économiques complètement dissemblables. Ces données rendent totalement illusoire la création d'une Union Économique et/ou monétaire. L'analyse concrète des taux d'inflation montre une baisse continue depuis 1995. Elle passe de 17% en 1990 à 12% en 1998 après avoir atteint 33% en 1995, alors qu'elle ne s'établissait à pas moins de 42% en 1994. Dans plus de la moitié des pays, le taux d'inflation a été inférieur à la moyenne régionale, même si l'on note un important dérapage au Zimbabwe et au Malawi, où les prix à la consommation ont augmenté de 31,7% et 18% respectivement. Au Congo (RDC) l'inflation a chuté vertigineusement, passant de 175,5% en 1997 à 5% en 1998. En Afrique du Sud, malgré un rand faible, l'inflation est restée limitée à 6,1%. Les performances perfonnances enregistrées avec la baisse de l'inflation sont principalement dues au renforcement de la discipline budgétaire et à l'adoption de politiques monétaires plus rigoureuses, combinées à une stabilisation des taux de change. Ainsi, les divergences des taux d'inflation sont très importantes. En effet, le taux d'inflation annuel moyen en Afrique, sur la période 1991-1998, varie entre 4178% en RDC et 1,2% aux Seychelles, soit un différentiel de 4176,9%. Ce chiffre extrêmement élevé nuit à la compétitivité de la région et constitue nécessairement un obstacle à l'union éconollÙque africaine. 2°) Le second criJère concerne le degré de compatibilité des politiques économiques. Ces politiques économiques portent sur des structures productives nationales trop différentes. Les potentialités économiques du continent sont trop contrastées entre d'un côté, les pays sahéliens enclavés, pauvres et soumis à des cycles récurrents de sécheresse, et de l'autre, les pays à rente pétrolière et minière disposant selon les conjonctures d'importants surplus financiers, enfin les pays côtiers en voie d'industrialisation. Les déséquilibres macroéconomiques et macro financiers et les distorsions constatées dans le fonctionnement des marchés respectifs des biens et services, du travail, de la monnaie et des taux de change sont loin d'être identiques. Trois indicateurs peuvent bien matérialiser ces déséquilibres qui ont amené l'application de programmes d'ajustement de nature déflationniste dans la quasi-totalité des pays africains : les déficits budgétaires, l'endettement extérieur et les taux de change. - Les déficits budgétaires La macro analyse des statistiques budgétaires montre que le solde budgétaire de l'Afrique baisse continuellement entre 1990 et 1997 avec respectivement des taux de 4,3% et 1,8% du PlB, même s'il a atteint le niveau de 2,7% en 1998. Cela dénote les faibles perfonnances qui s'expliquent essentiellement par les politiques budgétaires relativement restrictives prônées par les institutions financières internationales. C'est surtout en 1998 que ces résultats sont les plus évidents, et ce malgré les fortes pressions exercées sur les finances publiques par la chute des recettes à J'exportation qui, dans la - 64- plupart des pays, constituent une importante source de revenus pour l'État. La position budgétaire de plusieurs pays a connu de fortes fluctuations en raison de la baisse brutale des prix des produits d'exportation (notamment le pétrole dans le cas de certains pays d'Afrique Centrale et de l'Ouest), mais aussi à cause de l'impact budgétaire des troubles civils en Sierra Léone, en Angola et au Congo (ROC). Seuls le Botswana (5,6%), le Gabon (2,8%), la Guinée Équatoriale (0,7%), la Mauritanie (4,4%), le Sénégal (1%) et la Tanzanie (0,3%) ont enregistré des excédents de leur solde budgétaire. Cependant, On observe que les pôles moteurs que sont l'Afrique du Sud, le Cameroun, le Nigeria et la Côte d'Ivoire ne présentent pas les meilleures situations budgétaires, ils connaissent quelques difficultés pour équilibrer leurs budgets. Toutefois il est constaté une amélioration du solde budgétaire dans presque tous les pays ce qui s'explique plus par une réduction considérable des dépenses publiques que par une hausse des recettes. Malgré tout, les divergences des soldes budgétaires sont trop importantes. En 1998, le solde budgétaire varie d'un déficit de 32% du PIB à Sâo-Tomé et Principe à un excédent de 5,6% du PIB au Botswana. Ces différences de performance dans le rythme de la réduction du déficit budgétaire confirment les fortes divergences dans les politiques économiques et financières appliquées ainsi que l'absence d'harmonisation des politiques budgétaires. En définitive, cette absence de convergence à l'égard de cet indicateur va énormément compliquer le processus d'union économique africaine. - L'endettement extérieur L'endettement est le microcosme des politiques économiques africaines. L'encours total de la dette extérieure africaine a légèrement diminué, passant de 330,2 à 314,7 milliards de dollars EU de 1996 à 1997. En 1998, il connaît une légère hausse à un niveau de 319,9 milliards de dollars EU. La dette à long terme constitue l'essentiel de l'encours total. Le poids de l'endettement extérieur reste élevé puisqu'il représente en moyenne la moitié du PIB soit 56,7% en 1998 et presque deux fois et demie la valeur des exportations soit 215,2%, la même année. Un quart environ du total des recettes d'exportation a été consacré au service de la dette extérieure. Par ailleurs, l'endettement de certains pays africains à faible revenu pourrait augmenter en raison de la dégradation des termes de l'échange et de la perte éventuelle des parts de marché pour les exportations de certains produits de base. Cette perte est due à des ajustements compétitifs du taux de change de la part des pays est-asiatiques. La dette extérieure des pays africains est extrêmement contrastée avec cette classification en entités fortement endettées (Algérie, Côte d'Ivoire, Égypte, Maroc, Nigeria, etc.) en pays moyennement endettés (Afrique du Sud, Cameroun, Sénégal etc.) et en pays très faiblement endettés (Burkina, Mali, Niger etc.). Un idée de la fourchette de variation est offerte par les 30 milliards de dollars EU d'endettement de l'Algérie et 189,7 millions dollars EU des Comores en 1997. Pour la plupart des pays africains, l'endettement ne cesse de s'alourdir d'année en année. L'accroissement annuel moyen de la dette extérieure sur la période 1991-1997 est de 1,8%. - 65- - Le taux de change réel Les politiques monétaires et commerciales des pays africains sont extrêmement contrastées: multiplicité des zones monétaires et des régimes de change. Le taux de dépréciation monétaire a varié d'un peu moins de 9% en Algérie et de 64% au Malawi ~ les monnaies des pays nord-africains et le franc CFA n'accusant qu'une baisse marginale. Le Zimbabwe (46%), le Malawi (47%), la Sierra Leone (52%) et le Burundi (27%) ont enregistré une forte baisse de leur taux de change. Bien que le rand sud-africain ait fait l'objet d'attaques accentuées en milieu d'année, suite à la crise des marchés émergents, la monnaie n'a perdu que 10% de sa valeur par rapport au dollar en 1998, mais a reperdu du terrain au début de 1999. Le naïra nigérian est resté stable pendant la majeure partie de la période 1996-1998. Enfin, le lancement de l'euro aura une incidence sur les marchés des changes et sur les transactions commerciales et financières en particulier dans la zone CFA et en Afrique du Nord, qui entretiennent des liens économiques et commerciaux plus étroits avec l'Union Européenne. Ainsi, toutes ces disparités enregistrées dans les critères dits de convergence, laissent entrevoir les obstacles quasi infranchissables à la réalisation de l'union africaine. Cependant, l'ampleur de ces divergences est moins importante au sein des sous-espaces économiques régionaux. Le réalisme dicte alors de bâtir le processus d'intégration économique africaine à partir de blocs régionaux constitués, notamment autour des cinq blocs retenus par la CEA et la BAD avec des leaderships confirmés: Cameroun en Afrique Centrale, Kenya en Afrique de l'Est, Afrique du Sud en Afrique Australe, Égypte en Afrique du Nord et Nigeria en Afrique de l'Ouest. Alors, la question est posée : quel mécanisme d'interconnexion fàut-il mettre en place? 3°) le troisième criJère est composite. Ce critère se présente sous un double aspect: celui d'un indicateur d'opportunité qui repose sur la circulation d'un actif acceptable à l'intérieur de la communauté et celui de la proximité des préférences nationales. En clair, cela signifie qu'en dehors d'un consensus entre les pays sur les déterminants essentiels de leurs économies, tout processus d'unification économique et monétaire est impossible. Ensuite, le second critère est relatif à l'intensité des échanges. Là encore, l'existence de plusieurs zones monétaires avec plusieurs monnaies inconvertibles ainsi que la faiblesse des échanges intra-africains rendent difficile la marche vers l'intégration économique et monétaire. Les performances économiques trop fortement contrastées viennent renforcer les divergences des économies nationales. Cela est révélé par la croissance du pm. Celle-ci connaît un ralentissement depuis 1997 avec un taux de 3,4% passé à 3,2% en 1998. Elle avait atteint son niveau le plus élevé de la période 1990-93 avec 5,5%. Les explications de ce ralentissement de la croissance économique en Afrique sont essentiellement le ralentissement de l'économie mondiale, qui a trouvé son origine dans la crise financière asiatique de 1997, la baisse des volumes d'exportations, mais aussi et surtout la baisse des prix. - 66 - En outre, la croissance du PIS réel par tête d'habitant a connu aussi un recul mais elle demeure positive depuis 1995 où elle était de 0,2% avant d'atteindre un niveau considérable de 2,7% en 1996 pour ensuite enregistrer des baisses considérables en 1997 et 1998 avec 0,7% et 0,6% respectivement. Toutefois, le rythme de la croissance économique diffère fortement d'un pays à l'autre. En effet, le taux de croissance annuel moyen sur la période de 19911998 varie de 19,4% en Guinée Equatoriale à -6% au Congo (ROC). Ainsi, seuls le Burundi (-1,7%), les Comores (-0,6%), la ROC (-6%), Djibouti (1,5%) et la Sierra Léone (-4,8%) ont enregistré des taux négatifs, tous les autres pays ont en moyenne des taux de croissance positifs du PIS réel sur la période. II- l'Afrique peut-elle constituer une zone monétaire optimale (ZMO) ? Quand deux ou plusieurs pays décident de lier leurs taux de change, ils s'engagent dans le sens de la création d'une zone monétaire. Cet objectif se trouve en bonne place dans tous les traités d'intégration africaine. Or, la batterie de critères économiques et financiers constitutifs d'une ZMO sont de quatre ordres: le critère de mobilité des facteurs de production, le critère du degré d'ouverture, le critère de diversification des économies nationales, les critères financiers. On peut alors se poser la question de savoir dans quel sens ils jouent dans l'espace africain. Même si l'état actuel des statistiques africaines ne permet pas de les calculer avec exactitude, ce que nous tenterons de faire plus loin dans Je cadre de l'UEMOA, il importe d'opérer une analyse globale des quatre critères pour être mieux édifié sur leur portée et leurs limites. JO) Le critère de mobilité des facteur~' de production. Rappelons brièvement les termes du débat entre changes fixes et changes flottants amené par MUNOELL (1961) qui s'intéresse aux coûts que supporterait un pays donné A, s'il se décidait à avoir un taux de change fixe avec un autre pays B. Dans la première hypothèse, en cas de fixité des changes et d'immobilité des facteurs, toute politique monétaire expansionniste menée dans A pour lutter contre le chômage, se traduira par un déséquilibre de sa balance des paiements car il y aura l'inflation et j'accroissement des importations. Toute politique de désinflation en B entraînera ainsi la déflation, donc un recul de la croissance. Il y a donc un conflit d'objectifs qui ne peut être géré que par le recours aux changes flexibles. Autrement dit, la flexibilité des changes va pallier le degré de mobilité des facteurs. Dans la seconde hypothèse, les facteurs de production sont parfaitement mobiles entre A et B. Dans ce cas, l'équilibre reviendra par un simple déplacement de la main-d'œuvre de A vers B, car les facteurs de production qui partent de A vont entraîner une augmentation de l'offre de biens et services en B qui va absorber la hausse des prix. Au terme de cette - 67- analyse, la mobilité du travail entre les pays réduit la nécessité d'une variation du taux de change en tant qu'instrument pour restaurer la compétitivité externe et pour éliminer les déséquilibres externes, puisque la mobilité du travail des régions tendrait vers la convergence des salaires et autres coûts (égalité du facteur-prix). La ZMû devient ainsi une zone où il y a mobilité des facteurs à l'intérieur et immobilité à l'extérieur. C'est dire que la frontière d'une ZMû est la limite à partir de laquelle il n'y a plus mobilité des facteurs. Dans le cas de l'Afrique) les disparités à l'intérieur des pays comme celles entre pays sont telles que la mobilité des facteurs est un phénomène quasiment exceptionnel. C'est sans doute cela qui explique l'utilisation par la plupart des pays de l'arme du taux de change, c'est-àdire les manipulations du TCER, pour améliorer les positions compétitives. Par ailleurs, étant donné que le degré de mobilité du travail peut être lié à la distance géogr3;Phique, ce critère est souvent utilisé comme support des unions monétaires entre Etats voisins. 20) Le critère cri/ère du degré d'ouverture. L'espace est dit optimal lorsque les politiques monétaires et fiscales sont utilisées pour atteindre trois objectifs qui sont : le plein emploi, la stabilité des prix et l'équilibre de la balance des paiements. L'analyse est axée sur la distinction entre biens échangeables et biens non échangeables. Les biens échangeables peuvent être des biens exportables ou importables. En somme, ils sont plus nombreux que les exportations et les importations à cause de la consommation intérieure d'une partie des biens exportables et de la production nationale d'une partie des biens importables. Dans ce cas, le critère de réalisation d'une ZMû est le degré d'ouverture du pays mesuré par le ratio biens échangeables / biens non échangeables. Plus une économie est ouverte) moins les taux de change flexibles ont d'effets pour rééquilibrer la balance, puisque tous les prix varient avec le change. TI faut aJors utiliser les politiques monétaires et fiscales et adopter des taux de changes fixes. En conséquence, plus ce ratio est élevé, plus le pays est ouvert à l'extérieur et plus il est sensible à l'instabilité des prix, plus il a intérêt à avoir des changes fixes. Or, en Afrique, le problème majeur qui se pose est essentiellement la faiblesse des biens échangeables du fait des mono-productions agricoles ou minières qui nourrissent les activités exportatrices. 30) Le degré de diversification des économies nationales il est établi qu'une économie diversifiée est plus apte à faire face aux chocs asymétriques et à certains effets néfastes (chômage, inflation, etc.). Ainsi, une économie diversifiée pourrait entrer en relation avec le reste du monde dans un système de change fixe aJors qu'une économie non diversifiée devrait adopter les changes flexibles. L'avantage de la diversification est qu'elle permettrait de diminuer l'impact d'un choc négatif affectant un produit et de prévenir le besoin de variation dans les prix relatifs par le biais du taux de change. - 68- 40) Les aitères financiers sont de deux ordres: le degré d'intégration financière et l'intégration fiscale. Ces critères tentent de montrer qu'un grand degré d'intégration des marchés financiers élimine la nécessité des changes flexibles pour résorber les déséquilibres de balance de paiement. Ainsi, une ZMO est une zone qui a un fort degré d'intégration des marchés financiers, ce qui veut dire que le pays peut fàcilement soutenir sa monnaie sur le marché des changes grâce à la mobilité des fàcteurs. Le second critère établit qu'un haut degré d'intégration fiscale entre deux pays permet de mieux amortir les divers chocs à travers les transferts fiscaux d'une région à faible taux de chômage à une région à taux de chômage élevé. En retour, l'harmonisation fiscale implique généralement que les pays membres d'une union monétaire adhèrent à une forme d'union politique. Comme antérieurement observé, il demeure que l'ensemble de ces critères n'épuisent pas tous les contours et toutes les questions relatives aux anticipations rationnelles et à l'inefficacité des politiques monétaires. Ainsi, au-delà de ces analyses théoriques, les données réelles tirées des économies peuvent aider à l'élaboration de nouvelles approches et à la fOnDulation de nouveaux critères de référence. Au demeurant, les théories et les recherches actuellement disponibles montrent qu'il est impossible de rendre convergentes les économies africaines et de faire du continent une ZMO. En revanche le concept de solidarité, souvent agité dans les différents foras, est plus acceptable, mais à condition d'en définir les mécanismes et de les faire accepter par tous. De quelque côté que l'on mène l'analyse du régionalisme africain, on s'aperçoit que les multiples expériences entreprises depuis les années 60 se sont avérées non concluantes. La mondialisation multipolaire conjuguée à la crise du développement ont fait ressurgir la problématique et relancer les enjeux de l'intégration africaine. Cette dynamique a conduit à la création, le Il janvier 1994 à Dakar, de l'Union Économique et Monétaire OuestAfricaine (UEMOA) sur le socle de l'UMOA et en juillet 2000 à celle de l'Union Africaine en lieu et place de l'OUA. L'UEMOA est constituée autour de l'objectif de création d'économies compétitives de grande envergure par une meilleure articulation des espaces économiques nationaux. Les politiques économiques et financières, d'abord intégrées, devraient aboutir à la création d'une véritable division régionale du travail avec les politiques sectorielles communes, et à la fonnation d'un système monétaire et de crédit qui impulse et stimule les échanges. Cette expérience présente un intérêt évident en ce qu'elle cherche à édifier une union économique sur une coopération monétaire solidement établie. Les objectifs sont beaucoup moins classiques: réaliser l'intégration institutionnelle, établir la coordination des politiques économiques dans une zone de libre échange et enfm opérer la convergence durable des économies afin d'établir les bases d'une croissance compatible avec les contraintes de la politique monétaire commune. Avec de tels objectifs, l'Union monétaire se présente comme un enjeu majeur d'intégration sous-régionale. Saura t-elle relever ces multiples défis, favoriser le développement économique des États membres et - 69- servir de marchepied pour accéder au système mondial ? Si elle y parvient, elle aurn un rôle phare pour l'Union Africaine en gestation. CHAPITRE 2 L'UEMOA: une nouvelle approche inspirée du modèle de régionalisme protégé L'UEMOA est une région composée de pays qui partagent une monnaie commune : le franc CFA directement rattachée au franc français par une parité qui est restée fixe pendant une cinquantaine d'années. Dans la nouvelle entité, l'agriculture produit les 35% du pm avec un potentiel de terres arables de 20 millions d'hectares dont 25% seulement sont exploités. Elle occupe environ 70% de la population et fournit l'essentiel des revenus. Les cultures de rente destinées au marché mondial se composent principalement du café, du cacao, de l'arachide, du coton. des fruits et légumes. Les zone de savane sont des milieux d'activités pastorales. Une longue façade maritime offre des potentialités importantes de pêche et d'activités touristiques. Au plan minier les principales ressources sont l'or, le phosphate, l'uranium, le fer, la bauxite, le nickel, le zinc, le cuivre, le plomb, le titane. En matière énergétique, les réserves de pétrole sont importantes, de même que le gaz naturel et 1'hydroélectricité. Les infrastructures de base comprennent 130.350 kilomètres de routes dont 43.000 d'envergure nationale et internationale et environ 4.000 kilomètres de voies ferrées. Le réseau de communication et de télécommunication se densifie avec rapidité et le capital humain est appréciable. Enfin tous les pays sont engagés dans des processus de réforme et de restructuration de leurs économies en collaboration avec les institutions financières internationales. L'UEMOA est 1'héritière de l'Union Monétaire Ouest Afiicaine (UMOA) qui regroupait six États : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. Durant les trente années d'existence de l'UMOA, les pays membres ont obtenu des perfonnances économiques meilleures que celles de leurs voisins hors Zone Franc. Cependant, ces pays ont connu des déséquilibres macro-économiques graves qui les ont contraints à renforcer les politiques d'ajustement structurel dont les résultats ont été assez médiocres. De plus, la situation monétaire, à son tour, s'est fortement détériorée, suite a une longue période de surévaluation du franc CFA. Cette crise a révélé que la discipline monétaire commune est insuffisante pour résoudre les déséquilibres macro-économiques et macro-financiers et relancer la croissance économique. Elle a également montré l'impérieuse nécessité d'assurer une cohérence dans tout le système de l'UMOA en organisant la convergence des politiques et en mettant en place un mécanisme de surveillance multilatérale desdites politiques. De la sorte, cette forme d'intégration monétaire peut être conçue comme une composante de l'intégration • . (41) econorruque . Le fonctionnement de l'UEMOA repose sur une cession partielle de souveraineté par les États membres, au profit d'institutions communes dans des domaines où l'action communautaire est plus efficace que les actions nationales isolées. A l'analyse, il s'agit moins d'un abandon que d'un partage de souveraineté pour des intérêts communs biens compris. 41.. BCEAO, Etudes el et Recherches. Dossier UEMOA, 0°443, décembre 1994. . 71· Quels sont les enjeux véritables de l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine à travers l'adoption de son schéma d'intégration économique et de son organisation institutionnelle ? Quel est l'apport de la coopération monétaire préalablement établie au sein de l'UMOA pour consolider et approfondir l'intégration économique? Encadré 5 : L'artkle 4 du titre premier du Traité de l'UEMOA Il définit cinq objectifs : « Renjôrcer la compétitivité des activités économiques et financières des États membres dans le cadre d'un marché ouvert et concu"entiel et d'un environnement juridique rationalisé et harmonisé; oF Assurer la convergence des performances et des politiques économiques des États membres par l'institution d'une procédure de surveillance multilatérale; * Créer entre les États membres un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d'établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi que sur un tarifextérieur commun et une politique commerciale commune; * Instituer une coordination des politiques sectorielles nationales par la mise en œuvre d'actions communes et éventuellement de politiques communes notamment dans les domaines suivants: ressources humaines, aménagement du te"itoire, transport et télécommunications, environnement, agriculture, énergie, industrie et mines; * Harmoniser, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun, les /é~islations des États membres et particulièrement le ré~me de lafiscalité ». SECT/ON 1 : Les enjeux d'une union économique autour de la dynamique de la zone franc. La séquence traditionnelle en matière d'intégration économique régionale est que la libéralisation commerciale a presque toujours précédé la coopération monétaire, comme ce fut le cas dans l'Union Européenne. Or, l'expérience en Afrique de l'Ouest, surtout francophone est bien différente car si certains pays ont opté pour la séquence tradi tionne]) e, ces pays de L'UEMOA on choisi par contre, celle de la « coopération monétaire d'abord, »(42) conformément à leur appartenance à la zone franc, n importe de rappeler que depuis les années 1940, la France a organisé l'intégration de son empire colonial pour mieux exploiter les échanges entre la métropole et les colonies productrices de matières premières. Sans remonter à la création des francs CFA en 1945 et à celle de la Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest en 1959, la coopération monétaire à proprement parler a démarré avec la signature le 12 mai 1962 du Traité de l'Union Monétaire Ouest Africain (UMOA) autour du dispositif de compte d'opérations avec le Trésor français, 42., LAPORTE Bertrand: L'intégration monétaire avant l'intégration commerciale: le cas de l'Afrique de l'Ouest. Revue d'économie du développement, N°3, septembre 1996, p. 95. - 72 - En fait, comme l'observe Abdoul Aziz WANE(43), l'originalité de la Zone franc dans le contexte actuel de flottement des monnaies a été soulignée à plusieurs reprises mais, elle ne réside pas dans le rattachement au Franc Français aujourd'hui et à l'euro demain. Beaucoup de pays en développement ont fait ce choix en définissant la valeur externe de leur monnaie par rapport à une devise ou un panier de devises. En revanche, la Zone franc offre l'exemple unique de ce que CORDON appelle une union monétaire intégrale avec centralisation des réserves depuis 30 ans, libre convertibilité de la monnaie, liberté de mouvements des capitaux. Ce sont ces traits qui font que le franc CFA comporte une série de qUàtre avantages qui en font une monnaie assez prisée dans la sous-région ouest-africaine, notamment par les opérateurs économiques des pays frontaliers et hors zone comme le Nigéria, le Ghana, le Libéria, la Mauritanie, la Gambie et la Guinée Conakry dont les monnaies se sont fortement détériorées. Ces avantages cumulés par le franc CFA sont: une parfaite stabilité sur une période relativement longue; la libre convertibilité soutenue par la garantie du franc français, la solidarité entre États membres par le mécanisme du compte d'opérations; la rigueur dans la gestion des politiques économiques assise sur • une politique budgétaire saine, • une politique monétaire de qualité, • une maîtrise de l'inflation pour préserver la stabilité du cadre macroéconomique. Les études de DEYARAlAN et de MELO (1987), de GUILLAUMONT (1988) ont montré les performances économiques de la Zone relativement à des pays de niveau comparable. En revanche, des études plus récentes menées entre autres par DEY ARAlAN et de MELO (1990), et ELBADAWI et MAlD (1992) montrent que pendant les années 80 les indicateurs de performance de la zone se sont détériorés plus que ceux des groupes comparables, en particulier dans la deuxième moitié de cette décennie("'). Quels sont alors les fondements de l'intégration monétaire préalable? 1 - l'intégration monétaire préalable Créée en 1962, l'UMOA est composée de sept pays qui établissent entre eux la convertibilité de leur monnaie, organisent la fixité de leur taux de change et synchronisent leurs politiques monétaires. Cette coopération monétaire est d'une part une coopération verticale entre la France et les pays Abdoul A. WANE : Imperfections des marchés financiers et politique monétaire dans l'UMOA. Thèse de Doctorat d'État, soutenue à la Faculté des Sciences Économiques de Dakar, AoÛt AoOt 2000,378 p. . "". Dans ce sens P.HUGON note: Les règles de convertibilité et de garantie assurent une crédibilité des pays membres dans leurs relations avec l'extérieur. El/es permettent la confiance et la stabilité des francs CFA. L'autorité monétaire n'a pas à défendre la parité de la monnaie. Le droit de regard de la France assure la cohésion et la coopération in La zone franc à l'heure de l'euro Éd. Karthala , 1999,p.18. 7 43.. - J- membres avec comme caractère essentiel la parité fixe entre le franc français et le CF A et d'autre part une coopération horizontale entre les pays membres qui ont le CF A comme monnaie commune. Le Traité ratifié en 1973 comporte deux volets: l'un est politicoinstitutionnel, l'autre technique. }O) Le volet politique et institutionnel L'organigramme de gestion politique de l'Union comprend deux organes: la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernements et le Consei 1 des Ministres. Le premier organe a pour mission la définition des orientations générales et la nomination aux différentes instances de l'Union. Le second est l'organe décisionnel qui se compose des Ministres de l'Économie assistés éventuellement des Ministres des Affaires Étrangères. Il détermine les politiques monétaires applicables. Trois institutions complètent le dispositif politique: la Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) et la Commission bancaire. La BCEAO est chargée de la mise en application de la politique monétaire et bénéficie de la personnalité juridique qui lui confère l'autonomie. Elle détermine les concours aux États, assure l'émission monétaire, les interventions sur le marché monétaire et les opérations de crédit. Elle est chargée de la publication des statistiques. ]0) Le volet technique Sous son aspect technique, le fondement de la coopération monétaire entre la France et les pays de l'UMOA se situe dans l'accord de compte d'opérations supervisé par le trésor français. Cet accord repose sur les trois règles qui suivent: La première règle est relative à la garantie par la France de la convertibilité du franc CFA qui est relié au franc français par une parité fixe: 1 FCFA = 0,01 F. Ce taux a été maintenu fixe entre 1948 et le 12janvier 1994, date de la dévaluation. La deuxième règle est celle du transfert du CF A à l'intérieur de la zone U MOA ainsi que le libre mouvement des capitaux et des biens. La troisième règle concerne la centralisation des réserves de la Banque Centrale des États de l'Afrique de j'Ouest ainsi que celles de ses représentations nationales dans un compte ouvert au niveau du Trésor français appelé compte d'opérations. En vertu de ces règles, la BCEAO apparaît par conséquent comme un simple correspondant du Trésor. Ce dernier est le mécanisme essentiel de la solidarité monétaire au sein de la zone franc. Sur les livres du Trésor Français, chaque Banque Centrale africaine est titulaire d'un compte courant tenu en francs français dénommé « compte d'opérations ». Les Banques sont tenues de verser sur ce compte au moins 65% de leurs avoirs extérieurs. Ces dispositions - 74- techniques traduisent le caractère vertical et budgétaire de la coopération monétaire France-UMOA. C'est alors le Trésor Français qui est le correspondant de la Banque de France, celle-ci soldant les comptes de celui-là de manière journalière. En contrepartie du découvert illimité en réserves extérieures accordé par le Trésor Français à la Banque Centrale des pays de l'UMOA, ces dernières sont tenues de libeller leurs avoirs extérieurs en francs français. Cet aménagement consolide la position du franc français comme monnaie de réserve pour les pays de l'UMOA en dépit du poids économique dérisoire de ces derniers par rapport à l'économie française. Cette situation comporte d'ailleurs un avantage, car le compte d'opération toujours débiteur des pays de l'UMOA est couvert grâce aux découverts assurés par le budget français. L'évolution de l'Union a été caractérisée durant les années 60 par une remarquable stabilité économique et monétaire. La contribution du budget français est rendue facile par le faible poids du déficit extérieur de l'UMOA sur le déficit budgétaire français (environ 0,5% du déficit public de la France). Toutefois, à partir des années 80, on va observer une brusque perturbation par un retournement de conjoncture sans précédent lié aux deux chocs pétroliers de 1973 et 1979 et à la détérioration des termes de l'échange à partir de la fin des années 70. II - le passage de l'union monétaire à l'union économique Le passage d'une union monétaire à une union économique est un processus assez inédit, c'est plutôt l'inverse que l'expérience européenne a montré. Au plan théorique, trois arguments sont avancés pour justifier cette séquence. En premier lieu l'union monétaire influence le niveau relatif et l'instabilité des taux de change réel (TCR) et favorise conséquemment les relations commerciales. Quand deux ou plusieurs pays mettent en place un accord de coopération commerciale, il apparaît entre eux un problème de compétitivité. En effet, l'écart de compétitivité déséquilibre la coopération et appelle des mécanismes de compensation difficiles à mettre en œuvre. Dans ce cadre, les ajustements monétaires finissent par être la seule solution, bien que celle-ci soit limitée dans le temps. Ainsi, grâce à une politique monétaire et de change autonome, les pays les moins compétitifs peuvent participer à l'accord commercial, sans que s'installent des déséquilibres structurels régionaux. Toutefois, les effets de l'instabilité des TCR se retrouvent aussi au niveau de la commercialisation. L'incertitude sur la rentabilité des activités et donc sur les volumes échangés limite la constitution de réseaux commerciaux stables. Au regard de l'instabilité des volumes, le coût associé à la mise en place ou au maintien d'un réseau commercial peut apparaître trop élevé, si ce n'est un risque encouru trop important. Alors, les réseaux parallèles prennent le relais avec les incertitudes qu'ils engendrent. Or, la constitution de réseaux commerciaux stables est le préalable à l'intensification des échanges entre les pays. - 75- En second lieu, une coopération monétaire préalable à la coopération commerciale permet d'une part de consolider les tissus industriels nationaux, base des échanges entre pays, en réduisant l'instabilité des taux de change réels et en supprimant l'usage de dévaluations agressives et répétitives et d'autre part, de réduire les coûts de transactions qui sont souvent élevés à cause de la défaillance des systèmes bancaires nationaux et de l'inconvertibilité des monnaies. Les effets de la coopération monétaire sur les échanges ne passent pas uniquement par la réduction de l'instabilité de TCR bilatéraux. En effet, compte tenu du mauvais fonctionnement des systèmes bancaires, les coûts de transaction entre monnaies, mais plus encore entre monnaies inconvertibles, sont très souvent élevés. Cela peut constituer des coûts dissuasifs au développement des échanges. En prenant l'exemple de l'Afrique de l'Ouest, les niveaux de compétitivité sont très différents suivant les pays, si bien que beaucoup d'entre eux ont eu recours à des dévaluations agressives et répétitives comme instrument de politique commerciale. La valeur réelle de la monnaie au Nigeria et au Ghana a ainsi été divisée par trois au cours de la décennie 1980. La rentabilité de pans entiers de secteurs industriels de pays « partenaires» a alors été remise en cause, et c'est précisément le cas du secteur textile ivoirien face aux dévaluations multiples de la monnaie nigériane. En troisième lieu, la coopération monétaire est génératrice de stabilité de la monnaie, en conséquence, elle permet la consolidation des structures productives des pays en empêchant notamment les brusques variations de compétitivité relative. Cette stabilité de l'environnement macro-économique des entreprises est un préalable à l'instauration de relations commerciales stables et durables. Ce sont ces arguments qui militent en faveur de cette séquence « coopération monétaire d'abord, coopération commerciale ensuite». Elle semble plus approprié que le cheminement traditionnel pour réaliser à long terme l'intégration économique régionale entre pays développés. Dans le cas de l'UMOA, la coopération monétaire a réduit l'appréciation et l'instabilité des taux de change réels (TCR) bilatéraux entre les pays de l'Union et les pays du SME. La monnaie unique supprime l'usage des dévaluations entre les pays participants à l'union. Et l'harmonisation des politiques monétaires qui en résulte, réduit les écarts des taux d'inflation qui restent la seule source de variation des TCR bilatéraux. La fréquence et l'ampleur des variations des TCR bilatéraux entre pays de l'UEMOA et pays du SME sont donc limitées. Des études faites par Bertrand LAPORTE (1996) ont montré que l'instabilité des TCR bilatéraux est significativement inférieure pour les relations entre pays de l'UEMOA et du SME par rapport aux autres relations. En définitive, des études récentes ont montré que la coopération commerciale, suite à la coopération monétaire dans le cadre de l'ex-UMOA, s'est traduite par un effet croissant sur les échanges au cours du temps. Par conséquent, la séquence « intégration monétaire d'abord, intégration commerciale ensuite» semble plus efficace en termes de création d'échanges intra-régionaux pour l'Afrique de l'Ouest. Évaluant les performances de l'UMOA, les Chefs d'État et de Gouvernement avaient commandité une étude à la BCEAO pour le passage à - 76- l'union économique. Seulement, les difficultés économiques et financières de l'organisation ont accéléré le passage à l'union économique. Ces difficultés se caractérisent par des déficits budgétaires, des déficits extérieurs, une récession mais surtout, elles risquent d'hypothéquer la viabilité de la coopération verticale avec la France qui doit, pour la première fois, intervenir pour soutenir les déficits du compte d'opération. Le manque de compétitivité de la zone est désormais posé en termes de surévaluation du taux de change et de détérioration des termes de l'échange. L'échec de l'ajustement réel imposé par les institutions financières internationales repose le problème de l'ajustement monétaire comme seule alternative et moyen de retour à la Compétitivité pour les économies de l'UMOA. La mesure ultime de dévaluation du CFA en1994 va inaugurer une ère nouvelle d'approfondissement de l'intégration économique. SEcnON 2 : un schéma d'intégration sur le modèle de l'union européenne Le Traité instituant l'lIEMOA s'inspire de l'expérience de l'Union Européenne (lIE) qui est un exemple de régionalisme fermé visant à la libéralisation économique partielle pour un grand marché protégé, mais elle est renforcée par une hiérarchie de pouvoir centralisé et un régime intercommunautaire fondé sur des règles et dirigé par des structures institutionnelles solides dont les objectifs sont tant socio-politiques qu'économiques. Les piliers fondamentaux de la construction de l'UEMOA sont calqués sur le schéma de l'UE et reposent sur l'assainissement du cadre macroéconomique et réglementaire, l'unification des espaces économiques nationaux et l'harmonisation des politiques sectorielles. 1 - l'assainissement du cadre macro-économique et réglementaire Il est un facteur indispensable à la compétitivité. Il s'agit essentiellement dans un premier temps, d'organiser la convergence des politiques budgétaires et leur mise en cohérence avec la politique monétaire commune, ainsi que la rationalisation et l'harmonisation des législations régissant l'activité économique. Cela suppose alors l'harmonisation des fiscalités intérieures visant d'abord la rationalisation de la fiscalité indirecte par la généralisation de la taxe sur valeur ajoutée (IVA), le réexamen dans une perspective sous-régionale de la fiscalité pétrolière et l'élargissement de l'assiette par la fiscalisation du secteur informel. Ensuite, il sera procédé de manière graduelle à l'harmonisation de la fiscalité directe, en accordant une priorité à la fiscalité de l'épargne, des valeurs mobilières et des instruments financiers, dans la perspective de la mise en place du marché financier régional en cours de réalisation. Par ailleurs, l'harmonisation du droit des affaires vise à adapter le cadre réglementaire aux mutations socio-économiques de l'heure. Les réformes ainsi envisagées tiendront compte des dispositions arrêtées en application du traité instituant l'Organisation pour l'Harmonisation du Droit des Affaires (OHADA). Enfin, le Traité a défini un mécanisme de surveillance multilatérale des ·77 - politiques macroéconomiques nationales qui sera axé en priorité sur l'organisation d'une convergence effective des politiques budg~taires, articulée autour d'indicateurs précis et chiffrés. Il l'unification nationaux des espaces économiques Elle comporte deux volets : l'institution d'une union douanière et la mise en place d'un marché financier. 1°) L'union douanière de l'UEMOA La mise en place d'un marché financier unifié et intégré de 60 millions d'habitants nécessite particulièrement la réussite d'une union douanière. Celle-ci constitue avec la surveillance multilatérale et les politiques sectorielles communes, une face importante du schéma d'intégration économique de l'UEMûA. - Considérations générales sur l'union douanière Après la zone de préférence douanière et la zone de libre échange, l'union douanière est considérée comme la troisième étape du processus d'intégration économique, qui comporte six étapes qu'il convient de rappeler: - la zone de préférence douanière à l'intérieur de laquelle les droits de douane sur le commerce entre les pays membres sûnt abaissés à un niveau significativement inférieur à ceux appliqués aux échanges avec les pays tiers ; - la zone de libre échange dont la principale caractéristique consiste dans la suppression totale des droits de douane entre les pays membres qui demeurent toutefois maîtres de leur politique douanière à l'égard des pays tiers ; - l'union douanière, proprement dite, qui constitue une zone de libre échange renforcée par la mise en place d'un tarif extérieur commun (TEC) dans l'union; - le marché commun au sein duquel est réalisée une liberté totale de circulation tant des marchandises que des facteurs de production : ce marché implique nécessairement l'harmonisation des politiques économiques ; - l'union économique qui est le stade le plus avancé de l'intégration économique proprement dite : elle suppose en plus du marché commun, une harmonisation poussée voire l'unification des politiques économiques des pays membres ; - l'union économique et monétaire constitue la fonne la plus achevée de l'intégration. En plus des acquis de l'union économique, elle inclut les avantages d'une monnaie et d'une politique monétaire uniques : c'est le stade suprême du processus d'intégration que consacre le traité de l'UEMûA. D'une manière générale, la finalité de l'union douanière réside dans sa vocation potentielle à favoriser la croissance économique des pays membres à partir notamment: - des économies d'échelle susceptibles d'€tTe favorisées par l'unification des marchés nationaux qui, en élargissant les débouchés ouverts aux entreprises installées dans les pays concernés et en améliorant leurs perspectives de rentabilité, créent les conditions d'un accroissement significatif des investissements ; - 78- - de l'intensification des relations commerciales entre les pays concernés, censée résulter de l'élimination de toutes les entraves à la libre circulation des marchandises et de l'instauration de la « préférence communautaire ». Ces implications précédemment citées résultent, des effets de création de commerce et des effets de détournement de commerce qui sont les effets attendus de l'instauration d'une union douanière. Ces effets se présentent comme suit : - l'effet de création de commerce se traduit par le développement au sein de la zone concemée- de nouveaux courants commerciaux, résultant de l'abandon par certains pays de certaines productions pour s'approvisionner auprès de leurs partenaires, sur la base soit d'avantages comparatifs, soit d'une décision volontariste concertée; - l'effet de détournement de commerce se traduit quant à elle par l'application de la préférence communautaire, par un redéploiement au profit des pays de la zone, de certaines importations précédemment effectuées auprès des pays tiers. Cependant, il faut considérer qu'un processus d'intégration est plus efficace lorsque les effets de création de commerce qu'il génère sont plus importants que ses effets de détournement de commerce. Toutefois, il fuut préciser que la plupart des expériences d'intégration menées en Afrique ne dépassent pas l'étape de la zone de préférence douanière et au meilleur des cas se limitent à la zone de libre échange. La question qui se pose aujourd'hui est celle de savoir si l'UEMOA fera exception en allant plus loin. Au vu de l'évolution assez timide du commerce intra-eommunautaire (Cf. graphique 16), on peut penser qu'aussi bien les effets de création de commerce que les effets de détournement de commerce ne se sont pas encore manifestés. Graphique 16: Évolution du conunerce intra-commJlnautaire dans l'UEMOA, en pourcentage des exportations totales de l'Union (1984-1997) 9.2 1984 '985 1911ll 1991 ,_ 1990 199' 1992 1ll9J 1994 1996 '9911 ,lllJ1 Source: BCEAO, IFS Les courants commerciaux tardent à se créer car les échanges commerciaux à l'intérieur de l'union ont du mal à atteindre 10% de leurs échanges totaux. En effet, les pays ont toujours tendance à s'approvisionner plus à l'extérieur de la zone qu'auprès de leurs partenaires de la zone. En outre, ils espèrent une rentrée de devises plus importante en échangeant avec l'extérieur qu'avec le partenaire local, surtout après l'ajustement de la parité du franc CfA de 1994. .79 - Par ailleurs, la substitution aux importations n'a pas eu les effets escomptés car les coûts de production de biens substituts aux biens importés sont toujours élevés; ce qui, en partie, handicape les entreprises produisant de tels biens. Ainsi, les importations d'ensemble semblent toujours provenir de l'extérieur (Cf. graphiques 17, 18, 19,20). Graphiques, 17, 18, 19, 20 : Poids relatif des importations en provenance des pays membres par rapport aux importations totales de la zone en provenance de la France (en %) - 80- 1993 45.00 3i,47 40.00 1 - - - - - - - - - - . =.....- - - - - - - - - - - - - - - - - _ 35,00 1----..;:....------1 30.00 I - -............,...."...,........,...,.l:~-I 25,00 1-----,,.,,...-..-:....::,:....... 20,00 ~---.....;..........,.:;,::..,--- 15,00 1---;;..,...-------::-"-1 10,00 1-. ,-_.--_ _t=. 5.00 0,00 1 _ - ' - _ I -_ Bénln _l._.J-_-I._..J~ _ _I_...J._ __ = _ ' _ __ Burkina Faso Côte-<1'I-voire Niger Mali _l._...L_ _.l_...J.._ Sénégal Togo Source .- OCDE, Banque de France 1994 45,00 40,00 35,00 30,00 25,00 10,00 15,00 10,00 5,00 0,00 Bénin Burkina Faso CÔIe-d'evDlre Mali Niger Sénégal Togo Source. OCDE, Banque de France Graphique 21 : Exportations des pays de /,UEMOA vers la France en pourcentage des exportations totales de ['Union Zl r-- 25 20 15 - 21,4 --, 17 1:, - \ < '. I~ 14 -- 1---- 10 c------ ~ - 1-- ._- i o 1991 1992 1993 1994 Source' BCEAO, annuaire statistique du FMI - 81 - - Les principes de base de l'union douanière de l'UEMOA Les réformes requises pour la matérialisation de l'union douanière de l'UEMOA visent essentiellement la mise en place d'un système tarifaire propice à l'amélioration de l'allocation des ressources productives, à la compétitivité des économies, ainsi qu'à l'intensification des échanges intracommunautaires. Cependant, certains principes ont été retenus et un calendrier élaboré pour la mise en place de l'union douanière. - les réformes envisagées. Les principaux axes des réformes pour conduire à l'union douanière sont: - l'élimination de toutes les barrières tarifaires et non tarifaires entravant les échanges intra-eommunautaires ; - la rationalisation et l'harmonisation des politiques commerciales à l'égard des pays-tiers, par l'élimination de toutes les barrières non tarifaires aux échanges et la mise en place d'un tarif extérieur commun. En d'autres termes, outre la levée immédiate de toutes les barrières non tarifaires entravant les échanges entre les pays membres il faut impérativement: - la libre circulation, en franchise de tous les droits et taxes, des produits du cru et de l'artisanat traditionnel ; - à compter du 1er juillet 1996 la réduction de 30% des droits d'entrée pour les produits industriels originaires agrées(45); cette taxe réduite est appelée Taxe Préférentielle Communautaire (TPC). Cette TPC est passée d'une réduction de 30% à une autre encore plus élevée de 60% en 1997 et elle devrait être de 80% à compter du 1er janvier 1999. L'Acte Additionnel nO 04/98 du 30 décembre 1998 stipule qu'à partir du 1er janvier 2000, les produits originaires bénéficieront d'une réduction de 100% des droits et taxes d'entrée, à leur importation dans les États membres ; - la réduction de 5% des droits d'entrée pour les produits originaires non agréés, à partir du 1er juillet 1996 ; - l'institution d'un système transitoire de compensation des moinsvalues de recettes fiscales ; - l'institution d'un Prélèvement Communautaire dl! Solidarité (PCS) de 5% sur la valeur en douane des marchandises importées des pays tiers par les États membres de l'Union. Les ressources du PCS sont affectées comme suit: Sont considérés comme produits industriels originaires : - les produits industriels dans la fabrication desquels sont incorporées des matières premières communautaires représentant en quantité, au moins 60% des matières premières, - les produits industriels obtenus à partir des matières entièrement importées de pays tiers ou dans la fabrication desquels les matières premières communautaires utilisées représentent moins de 60% de l'ensemble des matières premières, à condition que la valeur ajoutée soit au moins égale à 40% du prix de revient ex-usine hors taxes de ces produits. 45. - 82- • compensation des moins-values de recettes douanières, • dotation d'un fonds de réserves destiné à la couverture des déficits de compensation des moins-values, • la dotation des fonds structurels, • le financement du fonctionnement de l'Union, • toute autre affectation décidée par le Conseil des Ministres; - à partir du 1er juillet 1997 et relativement aux échanges entre pays membres, la détermination du rythme et des modalités d'élimination des droits de douane, des restrictions quantitatives et des mesures d'effet équivalent concernant les produits industriels originaires ; - à partir du 1er janvier 1998, la mise en place de l'Union douanière avec un TarifExtérieur Commun (TEC). Ces réformes organiseront ainsi l'harmonisation et la rationalisation des taux de protection effective entre les différents secteurs d'activité, de manière à éliminer les distorsions contre-productives prévalant dans ce domaine, mais aussi à garantir la rationalisation des systèmes tarifaires minimisant le nombre de taxes ainsi que celui des catégories de produits et généralisant le principe de la taxation ad valorem, en substitution aux valeurs mercuriales. Enfin, elles organisent l'élimination des exonérations qui, dans la situation actuelle, concernent près de 26% des importations des États membres(46) . -le calendrier de réalisation de l'union douanière. Le calendrier arrêté par les instances de l'UEMOA, pour le désarmement tarifaire interne est respecté et depuis janvier 1999, la réduction des 80% est appliquée dans tous les États membres, à l'exception de la Guinée Bissau. Le régime préférentiel transitoire des échanges au sein de l'Union en est à sa troisième étape d'abaissement des droits d'entrée. Somme toute, pour la simplification des systèmes tarifaires, il est envisagé de ramener à trois le nombre de taxes prélevées au cordon douanier. Seront désormais prélevés un droit de douane (DD), une redevance statistique (RS) de 1% applicable à tous les produits, y compris ceux exonérés de droit de douane et un Prélèvement Communautaire de Solidarité (PCS) qui est une ressource affectée à l'Union, en lieu et place des taux multiples prévalant dans la situation actuelle. Cependant, seuls trois taux seront applicables au DD en fonction de la nature des produits répartis en trois catégories(47) : - les produits de première nécessité ou de première catégorie qui représentent en moyenne 16% des importations des pays membres ; - les intrants et les besoins d'équipement ou de deuxième catégorie, qui représentent en moyenne 23% des importations de l'union; - les produits de consommation courante dont la part dans les importations globales est d'environ 61 % en moyenne. Le calendrier retenu pour le désarmement tarifaire externe dans le cadre d'un programme de convergence se présente comme suit: 46.. BCEAO - Études et Recherches, Dossier UEMOA, n° 443, Décembre 1994. 47.. Idem. - 83- - 1er juillet 1998 : plafonnement des taux maxImum à 30%, la Redevance Statistique (RS) non comprise; - 1er janvier 1999 : taux maximum de 0%, 5%, 10% et 25% respectivement pour les quatre catégories de produits ainsi énumérées, non compris la RS ; - 1er janvier 2000: taux de 0%, 5%, 10% et 20% respectivement pour les quatre catégories de produits ci-dessus : RS Fixée à 1% pour tous les produits y compris ceux exonérés de droit de douane. La première évaluation, faite en juillet 1998 a montré que la première échéance du plan de convergence a été respectée par tous les États. Par contre, le respect de la deuxième échéance, est assez contrastée. Néanmoins, pour certaines catégories de produits, on a une majoration de la fiscalité de porte par l'application soit d'une taxe dégressive de protection (TDP) qui assure une protection temporaire à un nombre restreint de produits pour lesquels les pays ont des préoccupations particulières, soit par l'application d'une taxe conjoncturelle à l'importation (TCI) visant à amortir l'impact, sur les prix intérieurs, des fluctuations des cours mondiaux de certains produits (riz, sucre notamment). A ce niveau, il faut s'interroger sur l'impact de ces mesures de réforme sur les échanges intra-comunautaires et sur les finances publiques. - Impact sur les échanges intra-comnwnautaires. TI ya lieu de relever que des résultats appréciables ont été acquis seulement au bout de deux ans et demi aussi bien en termes de flux d'échange de produits originaires que de flux des échanges commerciaux en général, traduisant ainsi la volonté des États d'effectuer les réformes nécessaires pour faire face aux échéances de la mondialisation. La création d'un flux d'échange de produits originaires: au 1er janvier 1999, 1.134 produits fabriqués par 277 entreprises de l'Union ont été agréés par la Commission (contre 544 produits en mai 1997, soit une augmentation de 108%).Outre les droits et taxes d'entrée, ces 1.134 produits circulent à l'intérieur de l'Union sous le régime de la Taxe Préférentielle Communautaire, avec une réduction de 80% des droits de porte. - 84- Tableau 4 : Répartition par pays des entreprises et de leurs produits agréés Pays Nombre d'entreprises % Nombre de produits agréés % Bérun 08 3,3 25 2,6 Burkina Faso 14 5,7 90 9,5 Côte d'Ivoire III 45,5 496 52,3 Guinée Bissau - 0,0 - 0,0 Mali 23 9,4 85 9,0 Niger 08 3,3 29 3,1 Sénégal 67 27,5 149 15,1 Togo 13 5,3 80 8,4 244 100,0 948 100 TOTAL Source: UEMOA Le tableau ci-dessus (conçu à partir des données de juin 1998) montre qu'en termes de nombre d'entreprises, la Côte d'Ivoire arrive à la tête du peloton avec 45,5% des entreprises de la sous-région; elle est suivie par le Sénégal (25,5%), le Niger et le Bénin ferment la marche avec chacun 3,3%. La même tendance est observée en ce qui concerne le nombre de produits agréés par pays. En ce qui concerne la répartition des produits agréés par branche de production (cf. tableau 4), les industries chimiques ont obtenu le plus d'agréments, auprès de la Commission de l'UEMOA (36,9%), suivis d'assez près par les produits des industries alimentaires (26,2%). Avec respectivement Il,1% et 9,80/0, les matériaux de construction et les industries textiles occupent la troisième et la quatrième places. - 85- Tableau 5: Répartition par branche des entreprises dont les produits sont agréés à la TPC Nombre d'entreprises(048) % d'entreprises Produits alimentaires 64 26,2 Produits chimiques 90 36,9 Textiles 24 9,8 Matériaux de construction 27 11,1 Autres 39 16,0 TOTAL 244 100,0 Branches Source: UEMOA En ce qui concerne maintenant l'impact sur les flux des échanges commerciaux: l'analyse des données provisoires sur le commerce extérieur des pays membres montre que le volume des importations intra-eommunautaires a connu en 1997 une hausse de 79,5% par rapport à 1996. Les taux de croissance observés sont positifs et vont de 4,97% à 28,9%. Néanmoins, il convient de relever que le taux de croissance des importations intra-eommunautaires (7,95%) est sensiblement supérieur à celui des importations totales (6,56%) ce qui traduit une intensification des approvisionnements dans la zone. La même tendance est observée au niveau de chacun des pays, à J'exception de la Côte d'Ivoire et du Bénin. Cette réorientation des sources d'approvisionnement est très prononcée au Mali où l'on observe Wl accroissement des importations intra-eommunautaires (+5,0%), alors que les importations totales subissent une baisse prononcée de 14,9%. S'agissant des produits industriels agréés à la TPC, ils ont connu un essor remarquable. En effet, pour l'ensemble de l'Union, les importations ont plus que triplé (214,1%) par rapport à celles de 1996. La part des produits agréés dans l'ensemble des importations intra-eommWlautaires a également connu une hausse significative puisqu'elle passe de 4,09% en 1996 à 18,64% en 1997. Au total, on peut dire qu'Wl flux de commerce de produits industriels agréés s'est créé entre les pays membres grâce à l'instauration de la Taxe Préférentielle CommWlautaire. Toutefois, l'évolution du commerce intracommunautaire, dans sa globalité, est encore mitigée. Qu'en est-il maintenant pour les finances publiques ? - Impact sur les finances publiques. Sur cette question, les moins-values de recettes douanières induites 48. Les entreprises dont plusieurs produits sont agréés ont été classées dans la branche correspondante à leur activité principale. - 86- par le régime préférentiel transitoire sont estimées à 10,7 milliards de FCFA pour la période allant de juillet 1993 à décembre 1998. Cependant, les demandes brutes de compensations parvenues à la Commission à ce jour font état de 6,4 milliards de FCFA. Le Niger, le Mali, le Bénin et le Burlc:ina Burkina Faso enregistrent les plus grandes pertes de recettes. Tandis que la Côte d'Ivoire et le Togo, qui ont importé très peu de produits agréés enregistrent les plus faibles pertes de recettes. 20) La mise en place d'un marchéfinancier régional - Présentation du marché financier régional fi faut harmoniser les règles de gestion monétaires au regard de l'organisation de plus en plus libérale de l'activité économique tant nationale qu'internationale, à travers la recherche de mécanismes flex.ibles de régulation monétaire, associant le relâchement des contraintes administratives à une réduction progressive du rôle de la monnaie centrale dans le financement de J'économie au profit de la mobilisation des ressources financières. Le développement d'un marché financier commun aux États membres de J'Union constitue donc la seconde étape du renforcement du secteur financier dans les économies concernées, après J'assainissement et la relance du secteur bancaire, la réhabilitation du secteur des assurances (avec le traité de la CIMA) et la prévoyance sociale (avec le Traité CIPRES). L'organisation du marché financier constitue ainsi une action importante pour J'allocation efficiente des ressources dans la perspective de l'intégration économique dans J'UEMOA et devrait participer à la politique d'assainissement et de diversification des systèmes financiers en vue d'un financement sain de J'activité productive. C'est au comité de pilotage (CP) et aux comités nationaux pour J'intégration (CNI) que le Gouverneur de la BCEAO a confié la mises en place l'examen et l'approfondissement et des modalités de réalisation du marché financier à l'écheJle sous-régionale. Ces arguments laissent apparaître la justification économique du projet de marché financier régional de l'UEMOA. Par ailleurs, J'existence d'un marché efficace des capitaux, en multipliant les options d'investissement, favorise une meilleure mobilisation de l'épargne intérieure et permet de mieux orienter cette dernière vers les investissements à haut rendement. Donc, la création du marché financier apparaît comme une réponse aux besoins des agents économiques et constitue un facteur de dynamisation tant de J'épargne que du comportement des entreprises et des États comme émetteurs de titres sur les marchés. En définitive, il faut noter que ce marché financier est à la fois un facteur de croissance et d'incitation, et cela grâce aux opportunités de financement qu'il met à la disposition des entreprises qui présentent des conditions de sécurité et de rentabilité. Compte tenu de la fragilité des ressources bancaires, il offre un outil appréciable pour le financement long des entreprises, et pour parachever la privatisation des entreprises publiques. Il est également un moyen de rappel, dans J'Union, des capitaux placés à l'étranger ainsi que de placement des excédents de trésorerie - 87- des ménages et des investisseurs institutionnels. Enfin pour les États, la création du marché financier constitue des moyens d'allègement des tensions sur les finances de l'État, d'arbitrage entre la dette publique et la dette privée, d'incitation à la bonne gestion des finances publiques. -La bourse régionale Dans le cadre du schéma technique d'organisation des marchés financiers, la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) est le lieu de cotation d'obligations d'entreprises, des titres d'États et d'autres instruments financiers. Le principe de fonctionnement de la BRVM dans l'UEMOA repose sur une Bourse Centrale unique basée à Abidjan où s'effectuent toutes les transactions sur titres (actions, obligations, ...), assistée d'antennes locales dans chaque pays membre. Celles-ci recueillent les biens internes tout en étant connectées à la Bourse Centrale grâce à un système satellitaire et reçoivent de ce fait les ordres de cette dernière en vue de leur diffusion en direction des intervenants (sociétés de Bourse) et du public. La bourse centrale fonctionne de la manière suivante: à chaque séance de cotation, un cours d'équilibre sera arrêté à partir de la confrontation des ordres d'achats et de ventes de la clientèle sur chaque titre. Le cours ainsi défini est unique par séance de cotation. Deux principes fondamentaux régissent l'organisation de la Bourse Régionale: - l'égalité d'accès en tenne de temps aux informations de la Bourse Régionale, pour chaque intervenant sur le marché, quel que soit son pays de résidence ~ - et la mutualisation des coûts de fonctionnement de la Bourse avec une répartition proportionnelle des coûts d'accès au réseau quel que soit le lieu de l'opération. Par ailleurs, en vue d'organiser un marché régional des valeurs mobilières digne de ce nom, certaines options sont retenues notamment sur le plan institutionnel et au niveau des acteurs commerciaux. Au plan institutionnel, il est envisagé la création d'un comité de protection de l'épargne (CPE) en vue d'organiser la réglementation et le contrôle de l'appel public de l'épargne, dans l'objectif de sauvegarder les intérêts des investisseurs, notamment de la clientèle particulière. Ce comité est chargé à fois du contrôle des informations fournies par les émetteurs au moment de l'éoùssion des titres, et des agréments à consentir aux différents acteurs du marché. Au niveau des acteurs commerciaux, il est convenu que soient créées des sociétés de gestion et d'intermédiation (SGI), sur l'initiative des opérateurs éconooùques, notamment les banques, les sociétés d'assurance, les particuliers, sous réserve de satisfaire aux conditions de capital minimum et de moralité. Enfin, en ce qui concerne les produits négociables, dans le souci d'adapter le marché à l'environnement des pays de l'Union et de développer progressivement la culture fmancière chez les opérateurs économiques, il est prévu que la Bourse Régionale cote à son démarrage des produits simples, à - 88- savoir les actions, les obligations et les titres participatifs. Par ailleurs, les obligations de courte et de moyenne échéance, émises à l'attention des particuliers, pourront y être négociées en vue de susciter et de développer la confiance de ceux-<;i dans le marché. Toutefois, le système à mettre en place sera suffisamment souple et évolutif pour accueillir les produits nouveaux au moment opportun. nI - l'barmonisation des politiques sectorieUes Elle est facilitée par l'unification des espaces économiques nationaux, conjuguée à l'assainissement du cadre macroéconomique et réglementaire. D'une manière générale, l'harmonisation des politiques sectorielles aura comme fmalité de favoriser l'émergence dans la zone d'unités de production compétitives, aptes à relever les défis de la compétition internationale. Dans cette perspective, les actions à mettre en œuvre sous la direction de la BOAD, auront notamment trait au développement des ressources humaines, à l'aménagement du territoire, à l'amélioration de l'environnement et des réseaux de transport et télécommunication, aux politiques agricoles, énergétiques et minières. La priorité est ainsi donnée à l'élaboration d'un programme minimwn de politique commune de production et d'échange. Les filières ciblées sont : le bétail, le poisson, les fruits et légwnes, le ciment et les autres matériaux de construction, textile, cuirs et peaux, sucre, produits de minoterie et éventuellement les produits pharmaceutiques vu l'acuité des problèmes rencontrés dans l'approvisionnement des populations en médicaments essentiels à la suite du changement de parité du franc CFA en 1994. Les institutions de l'Union comme celles de l'U.E ne prévoient nulle part un mécanisme budgétaire de caractère fédéral. Pourtant en Europe la question est inscrite à l'ordre du jour, en discussion au double niveau des théoriciens et des praticiens de l'intégration. Déjà du plan WERNER en 1970, au rapport MACDOUGALL en 1976 les réflexions menées estimaient qu'il fallait accompagner le processus de création de l'union monétaire par la mise en place d'un budget fédéral pouvant assurer des fonctions de stabilisation, de redistribution et d'assurance; et cela en l'absence d'un instrument d'ajustement macro-économique comme le taux de change(49). Pareilles réflexions sont fort utiles dans le cadre de l'UEMOA où un budget fédéral pourrait parfaitement servir au financement des chocs asymétriques (les sécheresses, les risques de change), de la réduction des écarts de revenus et des équipements de base communautaires. SEC170N 3: la convergence institutionnelle: les harmonisations législatives et réglementaires TI est partout observé que les accords d'intégration suscitent et accélèrent un processus d'harmonisation institutionnelle qui vise à réduire les 49. Sur cette question les travaux se sont multipliés: ALLEN(l976),DUBOZ ML. et NICOT B.(1998),ZUMER F.(l998). - 89- écarts entre les principes et les pratiques. Selon Jean-Marc SIROËN, la convergence institutionnelle qui accompagne les accords d'intégration porte notamment sur le droit de la propriété, le droit des affaires et de la concurrence, la liberté des investissements, les normes et parfois le caractère démocratique du système politique. Quant à l'harmonisation, elle constitue souvent un préalable aux accords préférentiels(5O). C'est dire que les pays candidats à toute union d'intégration doivent alors conformer leurs législations aux directives élaborées par les autorités compétentes. Cette coopération s'opère essentiellement à travers l'harmonisation de l'environnement juridique de l'activité économique par le biais du Traité dc l'OHADA et à travers l'hannonisation des prix et de l'ensemble des autres statistiques. J. l'harmonisation de l'environnement juridique de l'activité économique Une intégration économique exige obligatoirement un cadre juridique qui favorise sa création, entretient son existence, mais aussi qui la fortifie et la développe. Les objectifs des normes juridiques communes sont: - de mettre à la portée de tous les pays les solutions juridiques les plus simples et techniquement meilleures ; - de favoriser les échanges à travers les frontières ; - d'améliorer les conditions de la libre concurrence ; - de faciliter la communication et le transfert des techniques modernes de gestion des entreprises ; - d'assurer la sécurité juridique aux entreprises et aux investisseurs en facilitant la connaissance des lois et règlements dans tous les pays; - de restaurer la confiance des chefs d'entreprises et des investisseurs; - de fortifier l'unification monétaire et la monnaie elle-même dans l'ensemble des pays de la « zone» ; - d'appuyer l'intégration économique; - et enfin de renforcer l'unité politique africaine. TI s'agit ainsi d'harmoniser l'environnement juridique des entreprises et des activités productives, essentiellement à travers le droit des sociétés, le droit des transports, le droit de la vente des marchandises, le droit de la liquidation judiciaire, le droit du recouvrement des créances, le droit de la concurrence, le droit de l'arbitrage, l'information financière et le droit du travail(Sl). Par ailleurs, il s'agit aussi d'offrir aux investisseurs des opportunités favorables de rentabilisation de leurs investissements et de restaurer la compétitivité internationale des économies des pays membres. En résumé, il s'agira d'actualiser les législations en vigueur pour les adapter aux mutations de l'environnement et d'assurer la sécurité juridique et judiciaire indispensable aux opérateurs économiques, de restaurer la confiance des investisseurs au moyen d'incitations appropriées. 50" Jean-Marc SIROËN, La régionalisation de l'économie mondiale, p19, Éd. La Découverte, 2000, 121 p. SI., BCEAO - Études et recherches - Dossier UEMOA, N° 443, décembre 1994. - 90- Toutefois, pour une meilleure réussite des objectifs pourSlliVIS, pourswVIS, la compatibilité de la stratégie d'intégration économique de l'UEMOA avec l'OHADA doit être assurée même si le Traité de l'Union est entré en vigueur à une date postérieure à celle du traité de l'OHADA. C'est pour cela que le Gouverneur de la BCEAO a souhaité une synergie, voire une concertation poussée et permanente entre son institution, du reste membre de la Commission et le directoire de l'OHADA mis en place depuis le 2 octobre 1993 en marge du sommet de la francophonie par neuf États. U -l'barmonisation du cadre juridique des finances publiques et des législations fiscales Dès la naissance de l'UEMOA, l'harmonisation des politiques budgétaires nationales est devenue une préoccupation plus actuelle. L'harmonisation du cadre juridique des finances publiques et des législations fiscales qui sont des éléments fondamentaux des politiques budgétaires s'inscrit dans ce vaste chantier de l'harmonisation des législations, telle que le prévoient les dispositions du traité instituant l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine. JO) L 'harmonisation du cadre jurioJque des finances publiques L'article 67 du Traité dispose : « l'Union harmonise les législations et les procédures budgétaires, afin d'assurer notamment la synchronisation de ces dernières avec la procédure de surveiJ/ance multilatérale de l'Union Ce faisant, eUe assure l'harmonisation des lois des finances et des comptabilités publiques ». L'objectif visé est de doter les États d'un dispositif législatif et réglementaire homogène, susceptible de favoriser la modernisation, l'amélioration et la rationalisation de la gestion budgétaire. Un cadre juridique harmonisé touche à la fois les procédures budgétaires, les documents budgétaires et les techniques d'enregistrement des différentes opérations de l'État. n forme le soubassement technique indispensable pour pouvoir comparer entre elles les données financières des pays membres de l'UEMOA, et pour fonder les bases d'une convergence des politiques budgétaires et monétaires. 2' L 'harmonisation des législationsfiscales Il s'agit essentiellement d'une harmonisation des fiscalités indirectes intérieures. La fiscalité directe et la fiscalité du secteur informel suivront ensuite. Cependant, les taxes indirectes concernent essentiellement la taxe sur la valeur ajoutée, les droits d'accises et les taxes sur les produits pétroliers. Les systèmes fiscaux mis en œuvre dans la zone ainsi que les taux d'imposition varient considérablement d'un pays à l'autre. Toutefois, dans l'UEMOA, les objectifs visés par l'harmonisation des fiscalités indirectes intérieures sont essentiellement : - favoriser le renforcement de l'union douanière et l'expansion des échanges commerciaux intra-<:ommunautaires ; - 91 - - garantir l'égalité de traitement des agents économiques ; - doter l'Union d'un outil fiscal performant, créant ainsi un cadre favorable à la promotion de la production et de l'investissement dans l'UEMOA; - l'harmonisation aura un effet compensatoire par rapport aux moinsvalues induites par l'adoption de tarif extérieur commun (TEC). Ainsi, les réformes à entreprendre en vue de l'harmonisation des fiscalités indirectes au sein de l'Union doivent s'orienter vers une homogénéisation des législations, la simplification des systèmes fiscaux par la suppression des superpositions d'impôts, l'élargissement de la base d'imposition en direction du secteur informel notamment, et le renforcement de l'efficacité de l'administration fiscale(51). Enfin, les dispositions complémentaires à prendre pour renforcer ces tendances dans le sens d'une rationalisation et d'une harmonisation complète, se présentent comme suit : - pour la TVA, il s'agira d'un élargissement de l'assiette et d'une réduction du nombre de taux assortie d'une baisse de leur niveau; - pour les droits d'accises, l'adoption d'une liste commune des produits qui les concernent devrait constituer la première préoccupation; - pour les taxes sur les produits pétroliers, l'harmonisation visera essentiellement une simplification des systèmes actuellement en vigueur, eu égard aux prix internationaux, aux coûts d'importation ou de production, et à l'utilisation finale des contraintes budgétaires. Tableau 6 : Taux d'imposition par produit imposable au droit d'accise, dans les limites communautaires Produits imposables Taux minimum Taux maximum BOISSONS Boissons non alcoolisées à l'exclusion de l'eau Boissons alcoolisées 0% 10% 20% 45% TABACS 10% 40% cAFÉ 1% 12% COLA 10% 30% FARINE DE BLÉ 1% 5% HUILES ET CORPS GRAS 1% 15% THÉ 1% 12% ARMES ET MUNITIONS 15% 40% PRODUITS DE PARFUMERIE ET COSMÉTIQUES 5% 15% 51' . ". BCEAO - Etudes et recherches - DoSSIer UEMOA, N° 443, décembre 1994. - 92- Enfin, l'élaboration d'un Code Communautaire des Investissements figure au nombre des actions prioritaires arrêtées par la Conférence des Chefs d'États et de Gouvernements de l'UEMOA au cours de sa première réunion tenue à Ouagadougou le 10 mai 1996. Ainsi, les différentes réunions de concertation entre les États, la Commission et les partenaires au développement de l'Union, ont relevé qu'en dépit des énormes avantages fiscaux offerts par certains codes nationaux, les États de l'Union ne sont pas arrivés à convaincre les investisseurs à s'intéresser davantage à la zone et à y investir massivement. Ce code simple et aisé à interpréter, donne suffisamment de garantie aux investisseurs étrangers, notamment en ce qui concerne le droit d'établissement, la liberté d'exercer leur activité dans tout l'espace UEMOA et la garantie de transfert des capitaux et des rémunérations. UI - l'harmonisation des statistiques de prix et de l'ensemble J'ensemble des autres statistiques Dans le but de promouvoir la viabilité de l'Union, la recherche de la convergence (surtout pour les taux d'inflation) d'un certain nombre d'indicateurs macro-économiques s'avère nécessaire. Dans ce cadre, la BCEAO s'est toujours préoccupée de la convergence des taux d'inflation et de façon concomitante à l'harmonisation des statistiques de prix. L'examen des différents indices de prix fait ressortir souvent que la composition de l'indice était très différente d'un pays à l'autre. Compte tenu de ces difficultés et de l'importance du suivi de l'évolution des prix dans le cadre de la surveillance macro-économique (des pays de l'UEMOA), singulièrement dans un contexte post-dévaluation, la Banque Centrale s'est fixée comme objectif dans l'immédiat, une amélioration et une harmonisation des statistiques de prix avec le concours technique et financier de l'Union Européenne et de la France. L'objectif est la confection et l'adoption d'un guide méthodologique et d'un logiciel de traitement des statistiques de prix uniformisés pour tous les États. Toutefois, la lourdeur des enquêtes et la faiblesse du système d'informations statistiques (ce qui nuit à la comparabilité) et la fiabilité aléatoire de plusieurs statistiques handicapent grandement l'élaboration et la prévision des politiques à court, moyen et long termes. Pour contrer cet état de fait, les pays africains de la Zone franc, en général, ont décidé de créer avec l'appui de la France, un Observatoire Économique et Statistique pour l'Afrique Sub-saharienne dénommée AFRlSTAT. Son rôle est de conseiller les services nationaux de statistiques des pays membres dans la collecte et le traitement de l'information statistique notamment au niveau des fUlances publiques, de la dette extérieure, des prix et des comptes économiques. - 93- SECTION 4 : La gouvernance administrative, le contrôle parlementaire et juridictionnel de l'union Toute la gouvernance institutionnelle s'inspire largement de l'expérience de l'Union Européenne avec des adaptations relatives aux domaines parlementaire et juridictionnel. Mais, au-delà du texte juridique, la motivation principale est d'ordre politique, à savoir une claire volonté partagée de construire un espace économique intégré et d'accepter pour y parvenir des règles et un transfert certes timide de souveraineté au profit de certaines institutions communes. 1 -les organes de gestion administrative de J'union Ces organes de' gestion administrative comprennent: la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement, le Conseil des Ministres et la Commission. 10)La Conférence de Chefs d'État et de Gouvernement Elle sert essentiellement de guide et d'orientation générale au schéma communautaire (Article 17 et 199 du Traité de l'UEMOA). Elle joue également un rôle et une fonction d'ajustement permanent du schéma de l'intégration, mais aussi un rôle d'organe de gestion de la volonté politique des États membres en matière d'intégration. En ce qui concerne la nature des actes devant être pris par la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement, le traité de l'Union a prévu et retenu une catégorie d'actes juridiques appelés actes additionnels, à chaque fois qu'une étape importante devra être franchie dans la voie de l'intégration, étape qui nécessite l'affirmation d'une nouvelle volonté politique non équivoque. On peut citer notamment: - la modification du nombre de membres de la Commission: ce stade correspond en effet à l'introduction éventuelle de la pondération à l'intérieur de la communauté (Art. 24), - la création d'organes consultatifs nouveaux (Art. 40), - la gestion financière de la période transitoire (Art. 57), - la définition des principes directeurs pour le choix des domaines prioritaires (Art. 60), - la mise en œuvre des politiques sectorielles au sein de ['Union (protocole additionnel nO 2). 20) Le Conseil des Ministres Adjoint à la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement par le traité instituant l'Union, le Conseil des ministres: exerce un pouvoir nominatif; il prendra en effet les actes juridiques relatifs à l'application du Traité et des politiques communes, assure la mise en œuvre des orientations des politiques générales définies par la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement (Art. 20), - 94- assure la coordination des politiques des États (Art.63), exerce un pouvoir de décision en matière budgétaire, pouvoir qu'il partage avec la Commission (Art. 47). 30) La Commission Elle est composée de sept membres appelés commissaires désignés par la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement. Elle est l'organe de base de l'union car elle est chargée- de la gestion quotidienne du processus d'intégration. En vue du bon fonctionnement et de l'intérêt général de l'Union, elle exerce les pouvoirs propres que lui confere l'article 26 du Traité. Par ailleurs, l'article 28 stipule que les membres de la Commission accomplissent leurs fonctions et ne sollicitent et n'acceptent d'instructions de la part d'aucun gouvernement. Mais, l'article 33 stipule que le Président de la Commission est désigné parmi les membres de celle-ci par la Conférence des Chefs d'État pour un mandat de quatre ans renouvelable. Son siège est à Ouagadougou, et son Président a été nommé dès le début de l'année 1998 pour le démarrage des activités. En effet, au mois de mai de la même année, ce responsable de la Commission déclarait à Abidjan, le démarrage effectif de toutes les activités engagées dans le processus d'intégration économique. 11 est dans ses attributions de déterminer l'organigramme des services de la Commission et de procéder à des nominations aux différents emplois. Cependant, en dehors des actes additionnels, tous les autres actes juridiques produits au sein des organes communautaires font intervenir en amont ou en aval, la Commission qui dispose de six catégories de pouvoirs(5J): - elle transmet à la Conférence ou au Conseil des Ministres, avis et recommandations, - elle exerce par délégation du Conseil et sous son contrôle, le pouvoir d'exécution de ses actes, - elle exécute le budget de l'Union, - elle établit un rapport annuel sur le fonctionnement et l'évolution de l'Union, - enfin, elle informe le Comité interparlementaire et les organes législatifs des États membres. II- les organes de contrôle parlementaire et juridictionnel Ces organes sont principalement le Comité interparlementaire, la Cour de Justice et la Cour des comptes. 1°) Le Comité interparlementaire Ce Comité est composé de cinq membres par pays, désignés par l'organe législatif de chaque État membre. Il tient lieu de Parlement de l'Union à titre provisoire. Il peut exprimer ses vues et ses opinions par le biais de résolutions ou de rapports (article 35). Il reçoit chaque année le rapport Rémi GODEAU: Le Franc CFA .. pourquoi la dévaluation de 1994 a tout changé. Éd. Sépia, Paris 1995, p. 168. - 95- 53.. établi par la Commission sur le fonctionnement et l'évolution de l'Union. Il peut entendre le Président du Conseil des Ministres et le Président de la Commission à son initiative ou à leur demande. 20) Les organes de contrôlejuridictionnel Il est crée au niveau de l'Union deux organes de contrôle juridictionnel dénommés Cour de justice et Cour des Comptes dont les statuts et le fonctionnement sont énoncés dans le protocole additionnel n° l(art.38). La Cour de justice a pour mission de veiller au respect du droit quant à l'interprétation et à l'application du Traité de l'Union (Art. 1cr du 1cr protocole additionnel) d'une part; eUe apprécie la légalité des règlements, directives et autres décisions d'autre part. La Cour des Comptes, quant à elle, assure par l'intermédiaire de ses trois conseillers qui sont nommés par la Conférence de Chefs d'État, le contrôle de tous les comptes des organes de l'Union. Cependant, ce dispositif parlementaire et juridictionnel est complété par la chambre consulaire régionale et le comité des experts qui sont deux organes consultatifs ; la BCEAO et la BOAD y sont ainsi intégrées en tant qu'instituts autonomes spécialisés. En conclusion, que faut-il penser de ce modèle de gouvernance? Il n'est tout de même pas une pâle copie de celui de l' U . E, quoique le chemin parcouru ne soit pas assez long. Les institutions prévues par le traité sont-elles porteuses d'espoir ? Trois remarques importantes peuvent être formulées à propos de cette gouvernance institutionnelle. D'abord, dans l'organigramme, les politiques prennent beaucoup trop de place par rapport aux techniciens qui sont mieux placés pour l'élaboration et l'exécution des principaux projets intégrateurs. La Conférence des Chefs d'État marque trop fortement les périmètres des prérogatives nationales et compromet le nécessaire abandon de souveraineté au profit de l'Autorité supranationale chargée de gérer le fonctionnement de l'intégration. Le pouvoir de nomination des hauts cadres de l'Administration de l'Union (commissaires et magistrats) limite l'indépendance de ceux-ci vis-à-vis des autorités politiques de leur pays d'origine. Ils ne peuvent, en conséquence, que défendre les intérêts nationaux souvent au détriment de ceux de la région, surtout en situations de conflits d'intérêts. Ensuite, malgré l'étendue de ses attributions, le Président de la Commission est une sorte de grand fonctionnaire toujours redevable aux différentes instances qui l'ont nommé. Les marges d'autonomie et les possibilités d'initiatives sont extrêmement restreintes. Dépendant à la fois de la Ccmférence des Chefs d'État et du Conseil des Ministres, il ne dispose que de très faibles moyens pour défendre exclusivement les intérêts supérieurs de l'Union et surtout jouer un rôle d'animateur et de producteur d'idées. Enfin, le Parlement est ici un simple comité non élu au suffrage universel des citoyens de l'Union. C'est cette raison qui fait que les parlementaires se regroupent en fonction de leur appartenance nationale et non en fonction de politiques ou de progranunes de l'Union. Par ailleurs, les attributions sont assez limitées: la Commission n'engage pas sa responsabilité devant le Parlement en vue de nouer avec lui un dialogue fécond sur les - 96- politiques économiques et sociales de l'Union. Au terme de ce premier chapitre, il est l?isible de constater que beaucoup de tentatives de coopération entre les Etats, ancieIUles colonies françaises d'Afrique de l'Ouest, ont échoué. Ce fut le cas notamment de la première et de la deuxième Fédération du Mali, de l'Union Douanière d'Afrique de l'Ouest (UDAO), de l'Union Douanière des États de l'Afrique de l'Ouest (UDEAO). Face donc aux multiples expériences du passé et au choc provoqué par le changement de parité du franc CFA en 1994, les États de l'ex-UMOA ont ratifié le Traité de l'UEMOA autour d'un enjeu majeur: la définition des contours d'un vaste espace économique que l'UMOA n'était pas parvenue à instaurer. Les pays membres de cette nouvelle institution ont signé avec la nouvelle structure des objectifs plus ambitieux d'un processus d'unification économique sous l'impulsion de la BCEAO. Le texte prévoit la constitution d'une union douanière au sein de laquelle circulent librement hommes, marchandises, services et capitaux mais aussi, la création d'un marché financier visant à diversifier les sources de financement de l'activité économique. Ce marché de 60 millions d'habitants sera caractérisé par une baisse puis une suppression progressive des droits de douane. En attendant, les produits provenant d'un pays tiers sont frappés au tarif extérieur commun (TEC). À terme, la fiscalité indirecte sera simplifiée et harmonisée entre les sept pays membres de l'Union élargie à la Guinée Bissau depuis le 02 mai 1997. Par ailleurs, il est prévu un rapprochement des politiques monétaires et notamment budgétaires. Les mesures relatives aux politiques sectorielles viseront essentiellement à développer l'aménagement du territoire, la production énergétique, les transports, les télécommunications, etc. Cependant, il faut noter qu'en Afrique de l'Ouest en général, les facteurs structurels sont très importants dans la mise à jour des échanges. Ce sont souvent des contraintes fortes pour les pays de la région (enclavement des pays, coûts de transport, etc.). Les politiques économiques nationales n'ont pas permis de sunnonter ces contraintes. Dans certains cas, elles ont même été déstahilisantes pour l'économie. En revanche, la coopération économique entre les nations est une réponse efficace à ces contraintes. Des études faites par GUlLLAUMONT et GUlLLAUMONT-JANNENEY (1984) ont montré que les accords comme l'UMOA, la CEDEAO et les accords de Lomé, ont eu des effets positifs sur les échanges. Mais parmi ces accords, l'UMOA (devenue UEMOA) est la plus « efficace» en tem1es de création d'échanges intrarégionaux. En effet, ils démontrent sur la période 1963-1979 que le taux de croissance des exportations des pays de l'UMüA vers eux-mêmes était supérieur au taux de croissance des exportations dans le monde, une fois pris en compte la différence entre le dynamisme de la demande de ces pays et le dynamisme de la demande mondiale. Ce succès réside en partie dans la séquence de l'intégration régionale menée par les pays de l'UMüA. Ceux-ci ont choisi une voie différente de celle traditionnellement mise en œuvre. Donc la coopération monétaire préalable à la coopération commerciale favorise la réalisation de l'intégration économique régionale. - 97- En limitant l'instabilité des taux de change réel, en réduisant les coûts de transaction liés à l'inconvertibilité des taux de change réels, en favorisant la mobilité des capitaux, ..., la coopération monétaire consolide les systèmes productifs nationaux et pennet la constitution de réseaux commerciaux stables entre pays. Les échanges peuvent alors être la base du développement de la région et de son intégration à l'économie mondiale. D'ailleurs, bien que souvent critiquée pour la faiblesse de ses résultats en termes de création d'échanges intra-régionaux, la coopération économique régionale semble avoir réduit la dépendance commerciale vis-à-vis du Nord en créant des liens commerciaux en Afrique de l'Ouest, plus particulièrement entre les pays de l'ex-UMOA. La création de l'UEMOA par sept pays de la région, avec la possibilité d'associer des pays partenaires (comme ce fut le cas avec l'adhésion de la Guinée Bissau depuis le 2 mai 1997) dans certains domaines de politique économique, devrait permettre d'améliorer l'efficacité des anciens accords (CEAO et VMOA) et surtout d'élargir le champ géographique de cette coopération économique. L'UEMOA apparaît ainsi comme la solution pour apporter stabilité et développement aux économies des États membres, donc pour relever les multiples défis. La question est alors de savoir de quelle manière l'Union génère les efficiences nécessaires à la régulation des chocs et ainsi, au développement économique. En d'autres tennes, l'UEMOA est-elle une zone monétaire optimale? Enfin, la stabilité de l'Union est-elle assurée à travers la convergence des politiques économiques ? L'analyse de ces questions fera l'objet de notre troisième chapitre. - 98- CHAPITRE 3 La question de la Zone Monétaire Optimale appliquée à l'UEMOA. Il importe de rappeler que les unions régionales sont justifiées par un nombre varié et complexe de facteurs qui vont des avantages liés à la création et à la multiplication des échanges au jeu positif des économies d'échelle nécessaires à la production industrielle, des extemalités favorables à la croissance et à la réduction des coûts de transaction. À ces facteurs communs s'ajoutent d'autres qui sont spécifiques au continent africain à savoir, entre autres, la formation d'une poussière de micro-États-nations, la montée des instabilités et des incertitudes liées à la mondialisation manifestement multipolaire. Globalement, l'intégration est présentée comme un moyen déterminant pour la promotion de conditions fàvorables au développement économique et social. Les économistes ont généralement manifesté beaucoup de scepticisme quant à la capacité de l'intégration à promouvoir efficacement les échanges et le développement. Les libéraux par exemple estiment qu'un libre-échange sans entrave produirait de bien meilleurs résultats. Les analyses sont souvent ramenées aux préceptes de l'économie pure en ignorant ou en négligeant les fàcteurs institutionnels, politiques et géographiques, dont l'espace ou encore la région. Seulement cette notion de région est une catégorie assez difficile à définir, bien que l'économie de l'espace contribue à apporter quelque lumière. Avec le processus d'unification monétaire de l'Europe, des recherches théoriques d'une très grande ampleur ont été engagées sur les critères de détennination d'une zone monétaire optimale (ZMO). Quel intérêt ces réflexions présententelles pour l'économie politique de l'intégration en général, afiicaine en particulier? C'est l'objet de ce chapitre. Méthodologiquement, nous avons préféré remonter des faits disponibles aux théories postulées des ZMO. Le biais européen justifie cette démarche, même si elle n'est pas assez féconde. La dévaluation du franc CFA intervenue en 1994 et les réfonnes qui ont suivi dans les économies oucst-afiicaines membres de la zone franc en particulier, constituent l'aboutissement du processus d'ajustement engagé par les pays concemés(S4). Ces réfonnes devraient permettre de renverser la tendance en restaurant la compétitivité, en facilitant la résorption des déficits publics et en créant les conditions d'un retour à la croissance. Cependant, l'analyse des principaux indicateurs économiques et financiers montre une évolution positive de la plupart d'entre eux, surtout durant la période suivant l'ajustement de la parité du franc CFA par rapport au franc français (FF). Il apparaît alors clair qu'il y a une relation causale entre ces performances et la dévaluation du franc CFA de 1994, même si cette évolution BEKOLO-EBE Bruno : Bilan de la dévaluation du franc Cfa. Symposium international sur l'avenir de la zone franc avec l'avènement de l'euro. CODESRIA, Dakar, 4-6 novembre 19%. 54.. - 99· positive des agrégats ne peut suffire pour apprécier l'impact de l'ajustement sur les économies de la « zone ». Par ailleurs, si l'analyse des indicateurs montre un renversement positif de la tendance dans les économies de l'UEMOA, un examen des composantes de la croissance (Cf. tableau 9) par exemple, conduit à nuancer cette appréciation positive que l'on peut avoir de ces grandeurs maCf<r économi9ues. A partir de ce moment, des questions se posent: l'UEMOA peut-elle être considérée comme une zone monétaire optimale? Assure t-elle la convergence des politiques économiques ? De quelle manière génère-t-elle les efficiences nécessaires à la régulation des chocs et donc au développement économique des pays membres ? La réponse à ces questions nous conduit, dans le cadre de ce chapitre, à faire une analyse de l'évolution des indicateurs macroéconomiques, qui fera l'objet de la première section. Dans la seconde section, nous allons analyser quelques critères de reconnaissance d'une zone monétaire optimale comparativement à la situation économique de l'UEMOA. SEcnON J : Analyse des fondamentaux macro-économiques de L'UFMOA L'objectif de l'UEMOA est d'atteindre l'étape la plus avancée de l'intégration économique et monétaire. Cependant, au moment où sont posés les premiers jalons de la coopération, il est nécessaire de situer les « forces » en présence, donc de faire une analyse de la situation économique des pays de l'UEMOA depuis l'entrée en vigueur du Traité. Depuis la dévaluation du fCfA en janvier 1994 coïncidant avec la création de l'Union Économique, un cycle de croissance a été amorcé dans les pays membres. Par ailleurs, l'analyse des agrégats macro-économiques (Cf. tableau 8) nous conduit effectivement à tirer la conclusion que la dévaluation du fCfA a eu des effets positifs. Si on considère le PIB réel, on se rend compte que celui-ci connaît une évolution positive assez régulière depuis 1994. Par conséquent, presque tous les membres de l'Union enregistrent des taux de croissance qui tendent vers 5% en 1996, à l'exception du Mali qui est à la traîne avec 3,7% de croissance la même année. Cette situation diffère ainsi nettement de celle qui prévalait avant l'ajustement de la parité, surtout durant la période 1985-1993 caractérisée par des taux de croissance du PIB réel négatifs ou nuls. Cependant, ce rythme assez soutenu de la croissance semble être propulsé surtout par l'économie ivoirienne dont le taux est de 7%. Par conséquent, sa décélération en 1996 a entraîné celle de toute la région. Toutefois, le taux de croissance estimé en 1998 dans l'UEMOA est en moyenne de 6%. Outre cette évolution positive, on remarque une certaine décélération de la croissance sur la période après-dévaluation, comme on l'a déjà souligné, et cela nous conduit à nous poser des questions sur la durabilité des effets de cette dévaluation. C'est aussi une baisse de l'inflation qui accompagne l'évolution positive de la croissance. L'effet de la dévaluation, toutes choses étant égales - 100- par ailleurs, a entrâmé une inflation de l'ordre de 28,9% en 1994, mais celle-ci ne cesse de baisser considérablement les années suivantes pour atteindre 3,4% en 1997, d'autant plus qu'il a été prévu un taux d'inflation moyen de l'ordre de 3% en 1998 dans l'Union. La croissance économique s'accompagne aussi d'une apparition puis d'un maintien d'un excédent commercial ; ce qui traduit un redressement des comptes extérieurs, donc un desserrement de la contrainte extérieure. Cet excédent commercial contribue ainsi à la réduction du déficit courant. Le solde commercial est passé de -820 milliards de FCFA en 1993 à +377 milliards de FCFA en 1994, puis à 702 milliards en 1997, soit respectivement de -1,1% à +3,7% puis +4,8% du PIB. Conséquence, le solde des transactions courantes est passé de -820 milliards de FCFA en 1993 à -724 milliards en 1994 puis à +645 milliards de FCFA en 1997, soit de -10,7% du PIB en 1993 à -7,1 % en 1994, puis à -4,5% du PIB en 1997. Toutefois, il faut noter que l'évolution de ce solde courant s'est manifestée par ce que l'on pourrait appeler un « effet courbe en J », caractéristique habituelle d'une dévaluation., en passant de -724 à -973 milliards de FCFA entre 1994 et 1995. En 1996, le solde des transactions courantes a néanmoins baissé en déficit à -920 milliards de francs CF A. L'évolution favorable des comptes extérieurs pourrait s'expliquer par un ralentissement sensible des importations, ou du coefficient d'importation qui est passé de 69,7% en 1997 à 21,9% en 1995; 7,9% en 1996 et 10% en 1997 alors que les exportations sont passées de 108,7% en 1994 à 19,4% en 1995, Il,1% en 1996 et 13,4% en 1997. Cette baisse sensible de la croissance des exportations reste quand même inférieure à celle des importations, ce qui est favorable au solde des transactions courantes. Les finances publiques ont aussi évolué positivement, traduisant un redressement caractérisé par une forte réduction des déficits. C'est ainsi que dans l'UEMOA, particulièrement le solde primaire de base a évolué de -2,9% du PIB en 1993 à -1,2% du pm en 1994 puis à 0,70/0, 1,7% et 0,9% du PIB respectivement en 1995, 1996 et 1997. Quant au solde budgétaire base engagements, il est passé de -9,5% du PIB en 1993 à -9% 6,1% -4,3% et -4,5% du PlB respectivement en 1994, 1995, 1996 et 1997. Enfin le solde budgétaire base versements quant à lui est passé de -4,7% du PlB en 1993 à 15,80/0, -8,2%, -5,7% et -6,1% du PIB respectivement en 1994 1995 1996 et 1997. De plus, les arriérés de paiements sont en nette baisse dans l'Union et passent de 369 milliards de FCFA en 1993 à -689 en 1994 puis à 248, -182 et -239 milliards de FCFA respectivement en 1995, 1996 et 1997. L'évaluation de ces performances montre très clairement un lien de causalité entre la dévaluation du FCFA survenue en 1994 et l'évolution positive des agrégats macroéconomiques. Alors, la question est de savoir si la dévaluation est la seule cause de ces performances observées, dans la mesure où l'analyse approfondie des divers autres indicateurs nous conduit à en douter un peu. D'abord, il faut souligner que la dévaluation est survenue dans un contexte de reprise du commerce mondial et de hausse des cours des principaux produits exportés, à savoir le café, le cacao, le coton ou le pétrole qui forment le soubassement des exportations des pays membres de -101 - l'UEMOA. Durant cette période, la demande mondiale favorable à ces produits a occasionné une croissance importante des productions de rente caractéristiques des économies de la « Zone », À cela s'ajoute l'influence notable des conditions climatiques sur la production vivrière de ces économies. Cependant, même si les exportations ont légèrement augmenté durant cette période, il n'en demeure pas moins que l'augmentation de leur prix a été plus déterminante et, de ce fait la dévaluation a surtout été un amplificateur des effets bénéfiques de l'évolution positive des cours et de l'accroissement des volumes. La preuve en est que la production n'a pas été stimulée pour autant après la dévaluation. Par ailleurs, on observe, à partir de l'évolution des taux d'investissement ou de la structure des exportations, que la croissance économique est soutenue plutôt par le secteur primaire, les produits de rente en particulier, que par le secteur industriel dont la contribution ne se modifie pas significativement. Ainsi, cette croissance est tirée par la demande intérieure et donc par la consommation des ménages même si cette dernière voit son rythme ralentir (Cf. tableau 7). Tableau 7 : Contribution à la croissance économique en % de variation (UEMOA) 1995 1996 1997 Demande intérieure - Consommation privée - Consommation publique - Investisseroenl pri vé - Investissement public 8,4 5,0 0,4 1,6 1,4 4,3 3,3 0,2 0,5 0,2 4,8 2,7 0,6 1,0 0,5 Solde extérieur -2,8 1,0 -0,1 Croissance du PIB 5,6 5,3 4,7 Source: Rapport UFMOA La contribution de l'investissement à la croissance reste encore très faible par rapport à une contribution de la demande intérieure de 8,4% en 1995 puis 4,3% en 1996 et 4,8% en 1997, celle de l'investissement est passée de 3% à 0,7% puis 1,5% respectivement en 1994, 1996 et 1997. Il est aussi intéressant de noter que les pays membres de l'UEMOA bénéficient de gains substantiels de productivité grâce à une évolution favorable du taux de change effectif réel car, une variation positive (négative) correspond à une appréciation (dépréciation) du taux de change effectif réel et signifie une perte (gain) de compétitivité. Ces gains sont sans nul doute en rapport avec le rôle moteur joué par le secteur primaire dans la relance de l'activité économique et de la croissance accompagnée par l'évolution favorable des cours. -102 - Tableau 8 : Indicateurs de convergence dans l'UEMOA Tableau 8.1 : Ratio Masse saJariaJelrecettes fiscale (1993-1996) Armées! Pays Bénin Burkina Côte FUQ d1voire Mali Niger Sénégal Togo 1993 57 n n 49 97 60 125 1994 50 56 48 43 102 56 81 1995 44 48 39 37 80 48 59 1996 43 43 38 28 50 45 55 Tableau 8.2 : Variations nettes des arriérés intérieurs (1993-1996) Années / Bénin Pays Burlcina Côte Faso d1voire Niger Mali Sénégal Togo 1993 -8,2 1,7 -37,4 3,6 8 7,1 28 1994 -10,6 -6,5 -11,8 -9,9 6 -32,1 5,4 1995 -17 -15, -19,8 -10,1 -12,4 -14,9 -5,9 1996 -21,1 -18,5 0 -18 -19,8 0 1,9 Tableau 8.3: Variations nettes des arriérés extérieurs (1993-1996) Années Bénin / Pays Burkina Côte FUQ d'Ivoire Niger Mali Sénégal Togo 1993 1,6 7,6 -37,4 3,6 8 7,1 28 1994 -3,2 -14,8 -11,8 -9,9 9 -32,1 5,4 1995 0 -3,8 -19,8 -10,1 -12,4 -14,9 -5,9 1996 0 0 0 -18 -19,8 0 1,9 Tableau 8.4 : Ratios Investissements publics financés sur ressources internes / Recettes fiscaJes Armées/ Bénin Pays Burkina Côte Faso d1voire Mali Niger Sénégal Togo 19 1993 5 12 11 11 3 13 1994 5 9 14 13 6 10 5 1995 11 11 8 18 13 4 11 7 10 16 14 4 11 2 1996 Tableau 8..5 : Ratios soldes primaires de baselRecettes fiscales (1993-1996) Armées / Bénin Pays Burkina Côte Faso d'Ivoire Mali Niger Sénégal Togo 1993 3 -37 -81 -37 -58 -21 -In 1994 -6 -50 -43 -42 -126 -15 -98 1995 -27 -9 -21 -28 -52 -2 -40 1996 3 -4 -12 -6 5 0 -23 -103 - En analysant l'évolution des divers indicateurs budgétaires (tableau na 8), on remarque que même si le montant des investissements publics financés sur la base de ressources internes demeure encore faible dans l'UEMOA, la Côte d'Ivoire a fait des avancées significatives dans ce sens à cause de la politique d'industrialisation assez poussée menée par les autorités de ce pays. De ce fait, malgré la relative progression de la fonnation brute du capital fixe et du taux d'investissement, celle-ci reste insuffisante pour pouvoir impulser un véritable décollage économique de la sous-région. Outre cette évolution positive, il faut aussi noter les flux d'assistance exceptionnelle en provenance des bailleurs de fonds, mais aussi les allégements de dette intervenus tout au long de la période, constituant de ce fait une composante des mesures d'accompagnement de la dévaluation. Or, même si ces allégements sont intervenus, la dette extérieure, de même que le service de la dette (et par conséquent, les intérêts payés sur la dette) n'ont cessé d'augmenter (Cf. graphique 22). Graphique 22: Évolution de la dette dans ['UEMOA (1985-1995) en millions de dollars • Bénin __.__Niger ---.-C6œ Burkina Faso d'Ivoire --if-Mali -·-Togo -+---Sénégal 25000 20000 r--&. 15000 . 10000 / ~ .. 5000 ~ 0 ~)( _ U ~ ~-~ ~ ~ ~~ U U 1 i , ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ CD ID CD CD <Xl CD ~ ~ U1 8l -..j 8il , 1 1 ~ ~ .~;az;=~ ~ ~ <Xl )( i=>< X 1 1 ~ ~ ~ ~ lB 1.0 1.0 ~ ~ 1\) W Source: BCEAO, annuaire statistique du FMI. Ceci est l'une des principales causes de l'incapacité des États à dégager un volume de ressources suffisant pour financer ou soutenir l'investissement d'équipements et d'infrastructures de base. C'est pourquoi la dette est passée de 31 milliards de dollars en 1993 à 29,7 puis 31,9 milliards de dollars - 104- respectivement en 1994 et 1995. Cependant, la Côte d'Ivoire à elle seule absorbe plus de 50% de la dette de l'Union. Après l'analyse de ces divers indicateurs économiques et financiers de l'UEMO~ il apparaît alors clairement que l'ajustement de la parité du FCFA de 1994 n'est pas le seul facteur de la relance de l'activité et de la reprise de la croissance ~ bien d'autres facteurs sont à prendre en considération et dont l'influence peut parfois être très significative. À partir de ce moment, nous sommes amené à nous interroger aussi bien sur l'incidence des réformes de 1994, qui ont donné naissance à l'UEMOA que sur l'amélioration des conditions concernées. fi se pose ainsi la véritable problématique de l'optimalité de l'UEMOA ~ en d'autres termes, l'Union est-elle une zone monétaire optimale au regard de toutes ces évolutions ? La réponse à cette question fera l'objet de la section suivante de ce chapitre. SECTION 2 : l'UFMOA est-el/e une zone monétaire optimale? Depuis MUNDELL (1961), beaucoup d'auteurs ont tenté de développer la méthode de détermination des coûts et avantages de la participation à une union monétaire. Cependant, l'une des grandes questions de la théorie des unions monétaires concerne les conditions d'entrée dans une union monétaire efficiente. Une autre question concerne l'efficacité de l'union monétaire en tant que fàcteur apte à assurer la stabilité et la pérennité. Au w des évolutions passées et des nombreuses réformes survenues dans la zone franc en général après l'ajustement de la parité en 1994, il est important d'étudier de quelle manière l'Union génère les efficiences nécessaires à la régulation des chocs et donc au développement économique. En d'autres termes, nous allons essayer de répondre à la question de savoir si l'UEMOA est une zone monétaire optimale. Par conséquent, poser le problème de l'efficience d'une union monétaire revient à poser le problème d'une zone monétaire optimale et donc, des critères de reconnaissance d'une telle zone. Ce problème préoccupe les économistes depuis les années 60 et a trait surtout aux conditions dans lesquelles un pays a intérêt à adhérer à une union monétaire, c'est-à-dire à un régime de change fixe entre différentes monnaies, ou à s'accrocher à Wle monnaie unique circulant dans plusieurs pays. C'est SNIDER qu~ par cette occasion, nous semble t-iL a donné une meilleure définition de la zone monétaire optimale, en tant que « zone à l'intérieur de laquelle l'ajustement optimal a lieu avec des taux de change fixes, tandis que du point de we des relations de cette zone avec les autres zones, l'ajustement optimal implique de préférer des taux variables »(55). Partant de là, nous allons analyser les différents critères (traditionnels et modernes) de reconnaissance d'une zone monétaire optimale, qui sont aussi des critères économiques, financiers et de politique économique. Par la suite, nous testerons leur opérabilité dans l'UEMOA. Colette NEME : Économie Internationale .. fondements et politiques. Éd Litec. Paris, 1996, pp. 368-371. - 105- 55.. 1 - Les analyses traditionnelles des critères La théorie des zones monétai res optimales a été proposée par MUNDELL en 1961. À l'origine, la ZMO est définie comme une réunion d'espaces économiques qui sont soumis soit à un régime de monnaie unique, soit à un régime de change fixe entre les différentes monnaies qui ont cours dans la zone. Les travaux sur cette question se sont notablement élargis et ont pennis de dégager plusieurs critères de définition d'une ZMO qui ont été catégorisés assez diversement: critères traditionnels et critères modernes relatifs à la convergence, critères économiques et critères financiers. Les critères économiques comprennent la mobilité des fàcteurs (MUNDELL, 1961), la flexibilité des prix et des salaires (KENEN, 1964), le degré d'ouverture pour atteindre les objectifs de la politique monétaire et fiscale (Mc KTNNON, 1963), le degré de diversification des économies nationales (KENEN, 1964). En ce qui concerne les critères financiers, ils sont relatifs au degré d'intégration financière (INGAM, 1969 et SCITOVSKY, 1967), à l'intégration fiscale (JOHNSON, 1975). Sans entrer dans les débats théoriques de fond, nous allons développer les critères les plus plausibles et les moins contestés. 10) Le critère de mobUité des fadeurs Comme déjà analysé, ce critère découle des travaux de MUN DELL pour qui estime que la mobilité des fàcteurs de production à l'intérieur d'un espace est la condition principale de fonctionnement d'une zone monétaire optimale. En fait, le point de départ est l'adaptation au besoin d'un postulat rocardien sur le commerce international, selon lequel la mobilité des biens équivaut à la mobilité des facteurs. Dès lors, la zone monétaire optimale peut se définir lorsque la mobilité des facteurs à l'intérieur de la zone est plus forte que celle qui apparaît vis-à-vis de l'extérieur. On ne peut maintenir le change fixe que lorsqu'il y a mobilité interne des facteurs. La fonnule des changes fleXIbles sera plus avantageuse dans le cas où la mobilité des fàcteurs est plus faible à l'intérieur de la zone. Cependant, ce critère se heurte d'abord à la critique de FLEMfNG qui considère que la mobilité internationale du capital devrait être la condition optimale d'une zone monétaire et de KENEN pour qui le critère est non seulement irréaliste mais en plus, il est rare. Et au meilleur des cas, il ne s'applique essentiellement qu'à des zones monétaires optimales trop petites et trop nombreuses. À la lumière du fonctionnement de l'UEMOA, on peut dire que sur beaucoup d'aspects, ce critère n'est nullement approprié. En effet, les statistiques montrent qu'à partir du milieu des années 80, il ya eu une réduction de l'inflation et ce jusqu'au début des années 90 (Cf. Tableau 9) avec dans certains cas, des baisses conjuguées des prix et des salaires. - 106- Tableau 9 : Évolution des taux d'inflation dans l'UEMOA 1990-1997 Pays Années 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 Bénin Côte Burkina Faso d1voire -û,7 3,6 2,6 0,1 24,7 7,8 6,1 2,7 -û,8 1,6 4 2,7 26 14,3 1,8 3,9 1,9 1 0 1,5 40,8 12,8 4 3,7 Mali Nigel" Sénégal Togo 1,6 1,5 -6 -û,1 24 12,6 6,4 -û,7 -5,5 0,3 -1,7 0 -Û,7 32 8,1 2,7 1,6 1,2 0,4 3,8 -3,16 57,7 16,4 4,7 5,3 ° 0,8 -Û,1 35,9 10,6 5,26 3,5 Source: Banque Mondiale En ce qui concerne la main d'œuvre, les flux financiers et l'investissement direct, la mobilité est beaucoup plus forte vis-à-vis de l'extérieur qu'à l'intérieur de la « zone». Par exemple, on peut penser que la mobilité des facteurs est beaucoup plus forte enlTe le Sénégal et la France ou l'Union Européenne ou même les États-Unis, qu'enlTe le Sénégal et la Côte d1voire ou un autre pays partenaire de la zone; les échanges intra-eommunautaire le prouvent. De même, les stratégies de développement fondées sur l'import-substitution ont conduit à une prolifération d'unités manufacturières concurrentes de petite taille dont les coûts de production sont élevés (des industries textiles, des sucreries, des manufactures de tabac, des industries crumiques, etc.). L'analyse des performances des économies de l'UEMûA après la dévaluation, déjà faite plus haut, nous a montré qu'aussi bien l'import-substitution que la promotion à l'exportation n'ont pas produit les effets escomptés. 20) Le critère de degré d'ouverture Ce critère découle des recherches de Mc KINNûN (1963) qui définit une zone monétaire optimale comme une zone dans laquelle les politiques monétaires et fiscales sont utilisées pour trois objectifS (qui peuvent être contradictoires) : le plein emplo~ la stabilité des prix et l'équilibre de la balance des paiements. Le critère repose sur la distinction entre biens échangeables et biens non échangeables. En effet, lorsqu'une économie est ouverte, le rapport biens échangeableslbiens non échangeables est ITès élevé. Dans ce cas d'espèce, le pays en question a intérêt à adopter un système de change fixe avec le reste du monde. En revanche, si l'économie est peu ouverte, le recours au flottement est plus avantageux. En conséquence, un fort degré d'ouverture devient donc un critère de réalisation d'une zone monétaire optimale. Bien que présentant un intérêt évident, ce critère comporte aussi des défàuts importants : d'abord son ratio est particulièrement difficile à appréhender et même ambigu; il l'est encore un peu plus pour des pays en développement comme ceux de l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine. De même, les ratios qui sont souvent utilisés à savoir: commerce extérieur/PNB, commerce intra-zone/commerce total, part de marché de ces pays dans le commerce intrazone, sont peu significatifS. On peut toujours trouver une belle illustration à travers l'évolution du commerce intra-eommunautaire. Donc, au vu du fonctionnement de l'Union, ce critère de Mc KlNNûN aussi n'y est pas opérant. - 107- 3°) Le crUère de diversification des économies Ce critère découle de la théorie de KENEN pour qui un pays peut d'autant plus avoir un taux de change fixe à l'intérieur d'une zone monétaire que son économie est très diversifiée. En fait, une économie diversifiée a les moyens de compenser les effets néfastes de l'instabilité de certains produits (inflationchômage). Par contre, une économie peu diversifiée doit donc recourir au change flexible. De toute évidence, ce critère apparaît comme peu plausible et peu pertinent dans les pays en développement ceux de l'UEMOA en particulier qui sont, dans leur grande majorité, des mono-producteurs et des mono-exportateurs de produits primaires avec un faible développement industriel, de plus, ils sont souvent handicapés par l'instabilité des cours des matières premières. 4°) Le crUère de degré d'intégration financière Selon SCITOVSKY (1967) et INGRAM (1969), un fort degré d'intégration des marchés financiers élimine la nécessité de recourir au change flexible pour corriger les déséquilibres de paiement. Donc, plus l'intégration financière est forte, plus les différentiels d'intérêt et par là, de change, sont réduits. Les pays en question ont alors intérêt à participer à une union monétaire à évoluer en régime de change fixe car les flux financiers viendront compenser les déficits de la balance des paiements. On retrouve le critère de mobilité du capital déjà retenu par MUNDELL. Cependant, concernant ce critère, la libre circulation des capitaux laisse penser que l'intégration financière relève d'une échelle plus large que celle de la communauté. Aussi, le rééquilibrage par les actifs financiers suppose que les déséquilibres soient réversibles(56). En ce qui concerne l'UEMOA, les pays membres ne disposent pas souvent de surface économique suffisante pour développer des marchés monétaires et financiers dans le cadre national même si de louables efforts ont été entrepris pour asseoir un marché financier au niveau régional. C'est dire que ce critère n'est pas adapté au contexte actuel de l'Urnon, même si les comptes d'opérations, en réduisant les risques financiers, ont joué un rôle régulateur comparable au marché libre. Le critère de l'intégration fiscale développée par JOHNSON en 1975 peut présenter un grand intérêt, surtout pour l'UEMOA. L'auteur essaie de montrer qu'un haut degré d'intégration fiscale entre deux pays permet de mieux amortir les divers chocs par le biais d'un mécanisme de transferts fiscaux d'une région à faible taux de chômage vers une région à taux de chômage élevé. II - Les analyses récentes des critères Ces critères sont dits modernes du fuit de leur caractère récent. Des recherches récentes ont renouvelé la problématique des critères de reconnaissance d'une zone monétaire optimale. fi faut souligner que les progrès de l'UE et le regain d'intérêt pour le régionalisme ont beaucoup contribué à la 56. Colette NEME : Économie Internationale ,. fondements et politiques. Éd. Litec. Paris, 1996, pp. 368-371. - 108- réouverture du débat. Ces nouvelles approches partent de la définition des conditions macro-économiques devant être remplies par les pays candidats à une union monétaire. C'est pOllfquO~ leurs formulations s'inspirent des derniers développements de l'analyse macroéconomique et des expériences d'intégration en Europe. Ces critères sont de trois ordres : -la similitude des taux d'inflation, -le degré d'intégration des politiques économiques, - et les critères macro-économiques. JO) La simUiJude des taux d'inflation Ce critère est tiré des travaux de HARBERLER, FLEMING et DE GRAUWE qui montrent que les déséquilibres des paiements tiennent aux divergences de développement structurel, aux différences en matière d'agressivité commerciale et de politique monétaire. L'accent est principalement mis sur les perturbations d'ordre macro-économique, macro-éconornique, relatives à l'offre et à la demande. Dans ce contexte une zone monétaire optimale sera celle dans laquelle on peut observer une similitude des taux d'inflation. À l'observation, le contexte actuel de l'UEMOA laisse apparaltre que ce critère semble mieux indiqué que ceux préddemment étudiés. En effet, avec la politique monétaire commune, l'Union présente une évolution assez synchronisée des taux d'inflation des pays membres (Cf. Tableau 9). De plus, l'inflation a été généralement maîtrisée même si elle a été énormément perturbée par le changement de parité de 1994. En plus, la similitude du taux d'inflation est l'un des objectifs premiers du Traité de l'UEMOA. Sa réalisation est placée sous la responsabilité de la BCEAO. Par ailleurs, les taux de croissance du PIB réel progressent vers un taux moyen de 5% pour la même année. 20) Le degré d'intégratÜJn des politiques économiques Dans le débat sur les ZMO, certains auteurs comme INGRAM, HARBERLER, TOWER et WILLET, estiment que ce ne soot pas, à proprement parler, les critères économiques qui sont importants dans la définition d'une zone monétaire optimale, mais plutôt la compatibilité des politiques économiques entre les pays membres et leur aptitude à faire fàce à l'inflation et à la croissance. C'est cela qui impose non seulement l'harmonisation mais aussi la coordination des politiques économiques, monétaires et budgétaires. Sur cette base, il serait tentant d'expliquer l'échec des expériences d'intégration par les différences des politiques appliquées particulièrement avant les années 80. À cette période, chaque pays définissait de fuçon autonome sa politique nationale de développement sans aucune interférence externe. Toutefois, avec la crise de la fin des années 70 et l'approfondissement des déséquilibres internes et externes, des programmes d'ajustement structurel ont été mis en œuvre dans la quasi-totalité des États africains. Ces programmes vont-ils modifier la donne de la coopération et de l'intégration et cela malgré la relative similitude du diagnostic de la crise des économies et l'identité des mesures de réforme et de régulation des politiques -109 - économiques ? Conçus dans des cadres nationaux, avec des objectifs et des séquences différents, ils rendent parfois difficiles la convergence des politiques économiques et sociales. En conséquence, ce sont ces incompatibilités qui permettent d'affirmer que l'ajustement structurel constitue un frein pour le processus d'intégration. Sous ce rapport, le cadre de l'UEMOA est beaucoup plus favorable avec non seulement la politique monétaire commune, mais également l'avènement de la dévaluation qui a quelque peu unifonnisé à la fois les objectifs de politique économique et les instruments de régulation. En conséquence, l'harmonisation des politiques monétaires, budgétaires et d'endettement va être l'une des pièces maîtresses pour la réussite de la nouvelle expérience d'intégration. C'est donc dire que ce critère se présente comme une condition nécessaire à la réalisation d'une zone monétaire optimale. 3°) Les critères macro-économiques À la différence des auteurs qui ont porté leurs analyses sur l'arbitrage entre changes fixes et changes flexibles et sur les conditions de réalisation d'une véritable union monétaire optimale, les travaux de BOURGUINAT comme ceux de KINDLEBERGER s'orientent vers la recherche de critères macroéconomiques. Selon le Pr. H. BOURGUlNAT, on observe aujourd'hui un renouveau du régionalisme et cela de quelque façon que l'on observe les lignes d'évolution de la mondialisation. Lorsqu'on s'interroge sur les raisons de ce regain de faveur pour les regroupements régionaux, on mentionne immédiatement quelques arguments qui coulent presque de source. En revanche, on s'étend beaucoup moins sur d'autres qui correspondent davantage à ce qu'on pourrait appeler la « zone grise» du non dit(57). Dès lors, BOURGUlNAT (1993) pense qu'il faut soumettre tout projet d'union monétaire à une sorte de batterie d'indicateurs d'opportunité, qui repose sur deux conditions: d'une part, la circulation d'un actif acceptable à l'intérieur de la « zone» et d'autre part, la communauté ou au moins la proximité des préférences nationales en matière d'évolutions significatives (taux d'inflation, salaire réel, productivité, etc.). En conséquence, le critère d'intégration va essentiellement reposer sur l'idée selon laquelle en dehors d'un consensus sur les déterminants essentiels des économies d'une zone, tout processus de monnaie unique est quasiment impossible. Sous le même angle de l'analyse macro-économique, KINDLEBERGER formalise deux critères : l'intensité des échanges et les préférences identiques aussi bien pour les biens et services échangés que pour les biens collectifs eux-mêmes. En définitive, les conditions d'optimalité d'une Zone monétaire sont ainsi liées à des critères de nature macro-économique. Ramenées à l'UEMOA, ces conditions semblent apparalue dans le traité de l'Union. n importe de bien observer que ces critères sont loin de rendre compte de toute la diversité et de toute l'ampleur des recherches théoriques relatives aux S7.. H.BÜURGUlNAT : J'émergence conlemporaine des zones el bJocs régionaux. In « Mondialisation et régionalisation, un défi pour l'Europe », Éd. ÉconoDÙca, 1993 p.3. ·110 - ZMO. Ces recherches se prolongent maintenant dans le domaine de la convergence des politiques économiques et financières. Ainsi, après avoir analysé tous ces critères et testé leur opérationnalité dans l'Union, deux enseignements majeurs peuvent en être tirés : Selon le premier on ne peut waiment pas dire, du moins pour le moment, que l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) est une rone monétaire optimale. Cependant, sans nul doute, il existe des fàcteurs fuvorables qui sont entrain de contnbuer à la constitution d'une ZMO. Le second enseignement est qu'on ne peut regrouper en union monétaire que des économies qui présentent des conditions économiques semblables. Autrement dit, pour la mise en place d'une rone monétaire optimale, il faut une similitude des comportements des différentes économies, voire des réactions fuce à un choc (externe). Cette similitude pennettra d'atteindre les objectifs majeurs de l'intégration économique, c'est-à-dire la stabilité interne et. donc la convergence des économies. En conclusion, l'intérêt de ce chapitre a été de pœer la problématique de l'optimalité de l'UEMOA. Ainsi, nous avons constaté que dans cet. espace, les indicateurs économiques et. financiers révèlent des évolutions positives particulièrement dans la période qui a suivi l'ajustement de la parité du FCFA en janvier 1994. Donc, il semble assez clair qu'il y a une causalité entre la dévaluation et les performances constatées dans l'Union. Cependant, les pays membres de l'UEMOA ne connaissent pas encore les efficiences attendues de l'intégration économique. Par ailleurs, les critères de reconnaissance d'une rone monétaire optimale, développés par la théorie des unions monétaires ne sont pas souvent adaptés au contexte de l'Union. D'une manière générale, les critères traditionnels de MUNDELL et. Mc KINNON apparaissent bien peu vérifiés dans de nombreuses unions monétaires, mêmes au niveau de celles qui sont les plus avancées. En effet, ils ignorent la composante financière de la rone monétaire optimale qui semble essentielle dans cette période où la détermination du change est liée pour une grande part aux mouvements internationaux des capitaux. C'est du reste ce qui conduit à la recherche d'autres critères qui prennent en compte, outre les relations commerciales, les relations fmancières des pays. Cependant, le projet de l'UEMOA est très ambitieux et. présente les aspects essentiels pour la mise en place d'une rone économique et monétaire optimale. S'il arrive à réussir l'harmonisation des politiques économiques et budgétaires, l'instauration d'une union douanière et d'un marché financier régional, il réalisera les composantes essentielles d'une ZMO. Il y aura alors une parfaite concordance avec les propositions plus modernes comme celles de KENEN, INGRAM et SCITOVSKY mais aussi celles de BOURGUINAT et KINDLEBERGER, relatives aux unions monétaires optimales analysées sous l'angle macroéconomique. De ce fuit, on peut se permettre d'we optimiste quant à l'apparition de signes de rone monétaire optimale dans l'UEMOA. C'est à ce niveau que les théories sur les ZMO prennent toute leur importance parce qu'elles mettent à la disposition des responsables politiques mais également des marchés, un tableau de bord qui signale les carences institutionnelles et les domaines d'action pour accélérer ce processus intégrateur. Mais pour cela, il fuudra d'énormes efforts d'organisation, de la patience de la part des pays -111- membres de l'Union et de leurs peuples et surtout, une adhésion forte et confiante. Au demeurant, l'Union n'est pas encore une zone monétaire optimale. Dans un contexte de fortes spéculations et de turbulences dans un système mondial à haut risque, les tendances à la convergence des économies se confirment notamment en matière d'inflation, de croissance du PIB réel, de politiques budgétaires et d'endettement. Elles constituent autant de signes encourageants. Alors, qu'entend-on par convergence et quel est l'intérêt de ce concept pour l'intégration? - 112- CHAPITRE 4 Les critères de convergence des économies de l'UEMOA et les instruments de leur surveillance. Les recherches théoriques contemporaines comme les dernières expériences, particulièrement en Europe, montrent que le régionalisme, quel que soit le chemin emprunté, s'analyse désormais en termes de convergence, un mot souvent utilisé mais rarement défini. Suivant une première approximation, c'est un concept qui désigne les interactions fortes qui existent entre les politiques économiques et sociales poursuivies par les différents États membres. Comme nous l'avons montré plus haut, les critères que la littérature sur les Zones Monétaires Optimales semble établir à partir des travaux de MUNDELL et des autres auteurs, ne sont pas significatifS dans le cadre de l'UEMûA. Un regard rapide sur les statistiques révèle d'importants écarts de développement entre les deux entités de l'Union: la rone sahélienne vulnérable et plus pauvre (Burkina Faso, Mali, Niger) et les pays de la façade maritime (Côte d'Ivoire, Sénégal, Bénin) relativement plus industrialisés et ayant des revenus per capita plus élevés, à l'exception du Togo qui s'est notablement appauvri depuis la dévaluation de 1994. Ces écarts qui peuvent être mesurés par des indicateurs économiques (pIB, croissance, environnement des activités productives) institutionnels (qualité de l'État, législation), politiques (état de la démocratie) et sociaux (niveau d'instruction, état sanitaire et nutritionnel) doivent être réduits. Dans ce cadre, l'idée même de convergence des politiques devient un impératif puisque son absence entra1nerait des extemalités négatives dont les conséquences seraient essentiellement la fragilisation de la cohésion et de l'efficacité du processus d'intégration. C'est pourquoi le Traité de l'Union Européenne signé à Maastricht le 7 février 1992 conditionne la création de l'Union Économique et Monétaire à la réalisation par chaque État de quatre critères de convergence définis par l'article 109 J ainsi que par un protocole annexé au dit Traité et qui sont: la réalisation d'un degré élevé de stabilité des prix, le caractère soutenable de la situation des finances publiques, le respect des marges normales de fluctuation prévues par le mécanisme de change du système monétaire européen pendant deux ans au moins, et le caractère durable de la convergence. S'inspirant de cette pratique, le Conseil des Ministres de l'UMûA du premier semestre de 1992, avait arrêté les indicateurs de convergence élaborés par la BCEAû et affiné par un groupe d'experts régionaux et des techniciens de l'Union Européenne. Cette réflexion a été prise en charge par le Conseil des -113 - Ministres de l'Union qui adopta une série de 5 indicateurs de convergence budgétaire assortis de valeurs critiques en vue de leur mise en œuvre au niveau des États membres(58). Ce choix des critères de convergence continue d'animer un débat intense portant à la fois sur leur origine, leur portée et leurs limites ainsi que leurs niveaux requis et leurs modes de calcul. S'agit-il, comme l'observe D.PELLISSIER, d'un débat académique de type poule-œuf à savoir si l'union monétaire doit précéder l'intégration économique ou l'inverse(59)? Plus concrètement, pour créer une UEM faut-il commencer par coordonner les politiques économiques et par intégrer progressivement les économies, thèse défendue par les « économistes» ou, faut-il, au contraire, commencer immédiatement par l'union monétaire, thèse défendue par les « monétaristes»? Les différentes études réalisées sur l'UEM et récemment sur l'UEMÜA ainsi que les thèses sur les wnes monétaires optimales montrent que la détermination des critères de convergence n'est pas directement tirée de modèles macro-économiques. Ces critères sont plutôt le résultat de délibérations d'experts au sein des conférences inter-gouvernementales. Ce constat nous amène à nous poser quatre interrogations relatives aux raisons de la convergence des économies et aux moyens d'y parvenir, au mode de cette convergence, aux théories et mécanismes qui constituent son fondement, et enfin, à J'application concrète de la surveillance multilatérale telle qu'elle est stipulée à Jiarticle 4(b) du Traité de l'UEMüA. De ce fait, ce critère, même s'il connaît des évolutions significatives, n'est pas encore suffisamment avéré dans l'UEMüA. SEC110N 1 : La convergence comme condition sine qua non de toute intégration Relativement à un ensemble de pays, la convergence est perçue aujourd'hui comme une condition nécessaire liée au pouvoir d'édifier une union économique et monétaire de manière viable. C'est cette importance qui explique, sans doute, la recherche de critères quantifiables permettant de dire si oui ou non des pays engagés dans la création d'un espace ont des politiques économiques ou monétaires qui facilitent cette intégration. Ainsi, les tableaux 9 et 10 nous permettent d'observer des évolutions synchronisées des taux de croissance du pm réel et des taux d'inflation pour les différents pays membres de l'Union. Ces évolutions pourraient s'interpréter: - d'une part, comme une tendance à la convergence nominale des économies du fait des similitudes observées dans l'évolution des taux d'inflation, grâce essentiellement à la politique monétaire restrictive toujours menée dans l'Union sous la responsabilité de la BCEAü ; - d'autre part, comme une tendance à la convergence en termes réels des économies du fait des similitudes observées dans l'évolution des taux de croissance du PlB, et grâce aux réformes intervenues à, la suite de la dévaluation 58.. 59.. Comme indiqué dans mon ouvrage sur l'intégration. D.PELLISSIER Pour comprendre la nouvelle politique monétaire, Revue Le Trimestre du Monde, 1993 - JJ4- du FCFA en 1994 et qui ont eu comme conséquence les effets que nous avons déjà évoqués dans les développements antérieurs. Cependant, un autre aspect de la convergence des économies dans l'UEMOA concerne essentiellement la convergence des politiques budgétaires et d'endettement par laquelle le traité de l'Union accorde une importance primordiale au schéma des harmonisations. A partir de ces observations, il ressort que l'organisation de cette convergence tourne autour de six actions essentielles(60) tendant respectivement à: - contenir les déficits publics globaux à des niveaux compatibles avec un endettement public extérieur et intérieur soutenable; - dégager une épargne propre des administrations publiques à partir d'une maîtrise de la masse salariale; - réaliser un excédent du solde primaire de base ; - promouvoir le financement des investissements publics sur la base de ressources internes propres ; - apurer les arriérés de paiements intérieur et extérieur ; - maîtriser l'évolution de la dette publique intérieure et extérieure de manière à l'adapter aux capacités de remboursement. Pour assurer le suivi de la convergence, un conseil de convergence a été institué, à titre transitoire, avec pour mission principale de réaliser la cohérence entre la politique budgétaire et la politique monétaire dans chaque État d'une part, et de servir de cadre infonnel d'échanges d'informations sur les politiques économiques et financières des membres d'autre part. Ces raisons ont favorisé la mise sur pied d'un cadre de surveillance multilatérale des politiques économiques nationales, notanunent la politique budgétaire, un certain nombre d'indicateurs de convergence budgétaire (cinq) (61)ont été retenus à la suite de concertations entre le FMI, la France, l'Union Européenne et la BCEAO. fi s'agit notamment: - du rapport de la masse salariale aux recettes fiscales qui ne doit pas excéder 50%. La maîtrise de l'évolution salariale s'avère nécessaire pour la meilleure poursujte des politiques d'assainissement des finances publiques en vue d'une part, de dégager une épargne publique consistante pour le financement des investissements publics et d'autre part, de mieux orienter cette épargne vers les investissements publics. On connaît par ailleurs l'ampleur des dépenses salariales dans les statistiques des États de l'Union. Cependant, la couverture des dépenses salariales (en vue de dégager une marge suffisante pour le financement des autres charges courantes et des dépenses en capital) pourrait être assurée par les recettes fiscales que sont les ressources propres et stables ; - d'une variation nette des arriérés intérieurs au moins nulles à défuut de leur résorption, assortie d'une interdiction d'accumulation de nouveaux arriérés pour fuvoriser une bonne gestion des finances publiques et une stimulation de l'actjvité économique. La surveillance de cet indicateur s'avère aussi nécessaire BCEAO : Études et recherches, dossier UEMOA, nO 443, décembre 1994. Comnùssion UEMOA : note de réflexion sur l'approfondissement des critères de convergence, juin 1999. - IIS- 60.. 61 .. dans la mesure où l'accumulation d'arriérés intérieurs a été un mode particulier de financement des déficits publics ; - d'une variation nette des arriérés extérieurs, au moins nulle à défaut d'un apurement, assortie d'une interdiction d'accumulation de nouveaux arriérés pour rétablir la crédibilité des États membres au sein de la Communauté financière internationale. TI faut nécessairement éviter l'accumulation d'arriérés nouveaux et procéder à l'apurement du stock d'arriérés existant. Cette mesure sert à éviter le blocage dans le fonctionnement du schéma de la croissance économique avec endettement; - du rapport des investissements publics financés sur ressources internes, sur recettes fiscales, et qui doit être supérieur à 20%., le financement des investissements dans les États membres de l'Union étant encore en grande partie assuré par les ressources extérieures. Ce ratio vise à contraindre les États à dégager des ressources pour ce financement car ces investissements constituent le moteur de la croissance économique. La mobilisation de ces ressources exige le plus souvent une contrepartie budgétaire nationale que les États éprouvent des difficultés à dégager. Cela bloque la bonne exécution des projets de développement , entraînant un impact négatif sur la croissance ; - du solde primaire de base qui doit représenter 15% des recettes fiscales. Ce solde traduirait la capacité de l'État à gérer sainement, s'il n'y avait pas de problème de la dette. Il permet donc de décrire la capacité de l'administration publique à gérer les dépenses propres avec des ressources propres, en faisant abstraction du service de la dette, notamment des intérêts. Le choix de ces indicateurs a tenu compte de la spécificité du contexte économique et financier des États de l'Union, de la célérité avec laquelle les informations nécessaires à leur élaboration peuvent être disponibles et de la nécessité d'une homogénéité du contenu des agrégats retenus d'un pays à l'autre. Dans cette optique, la BCEAO a été chargée d'assurer le suivi de ces indicateurs budgétaires jusqu'à la mise en place de la Commission de l'Union. En définitive, les critères retenus et les valeurs critiques qui leur sont associées visent à assurer : - la maîtrise de l'évolution des charges sociales ; - la constitution d'une épargne par les administrations publiques ; - la réalisation d'un solde primaire positif; - la réduction du ratio service de la dette extérieure sur les recettes budgétaires totales à un niveau soutenable; - l'élimination, à un horizon dOlU1é, des arriérés de paiement et la non accumulation de nouveaux arriérés ; - le maintien du déficit public à un niveau compatible avec les objectifs relatifs au compte courant de la balance des paiements et au taux de couverture de l'émission monétaire. Deux politiques et les indicateurs qui leurs sont associés sont soumises à une surveillance stricte du fait de leur importance déterminante dans le renforcement de l'exercice de la convergence: la politique budgétaire et la politique d'endettement des États de l'Union. Pour ce qui est de la dette, la surveillance s'opère à travers l'harmonisation des politiques d'endettement d'une part, et celle de la gestion courante de la dette, d'autre part. D'ailleurs, des - 116- réflexions sont en train d'être menées sur la soutenabilité de la dette qui constitue une des préoccupations majeures des différents États de l'Union. Cependant, lors de la session du 20 septembre 1996, le Conseil de convergence a cru devoir tenir compte des contraintes majeures qui pèsent sur l'union économique et monétaire en ce qui concerne la surveillance du taux d'inflation et du taux d'endettement. En effet, l'internationalisation croissante des économies et des performances requiert une attention plus grande en matière d'évolution des prix des principales économies partenaires dans le commerce international. Les modifications qui ont été alors proposées par la Commission depuis le II septembre 1998 ont porté sur : - la fixation de la valeur cible relative au ratio masse salariale sur recettes fiscales à 40% , au lieu du niveau de 50% précédemment retenu. li faut d'ailleurs observer que ce ratio connaît une baisse considérable et se fixe à un niveau inférieur à 40010 dans presque tous les pays concernés à l'exception du Togo et du Niger qui accusent un léger retard. Hors Guinée-Bissau, les ratios relatifs aux différents États membres pour l'année 1998 sont dans une fourchette comprise entre 27% pour le Mali et 51,2% pour le Togo. Ces résultats sont dus aux nombreuses actions entreprises par les autorités comme les départs volontaires à la retraite, la limitation des recrutements aux secteurs jugés prioritaires, etc. Aussi, des mesures de portée structurelle ayant trait à la réforme de la fonction publique ont été prises et visent à accroître la productivité de l'administration publique tout en réduisant son coût à travers une meilleure gestion des carrières et la mise en œuvre de l'avancement au mérite.; - l'introduction du taux d'inflation annuel moyen comme indicateur de surveillance avec un niveau de 3% maximum comme valeur de réftrence. En effet, le taux d'inflation, lorsqu'il atteint un certain seuil, peut alimenter la spirale « prix-salaire» avec pour conséquence un renchérissement du coût des facteurs de production, notamment celui du travail. À ce moment il peut compromettre la compétitivité de l'Union dans son ensemble ou engendrer de sérieuses distorsions en matière de compétitivité entre les États membres, accentuant les coûts de l'intégration. En outre, la politique monétaire unique en vigueur dans l'Union se traduit par une unicité des taux d'intérêt directeurs pour l'ensemble des pays membres, or dans un contexte de libéralisation financière, le taux d'intérêt joue un rôle déternùnant sur l'évolution économique, notamment son influence sur l'épargne et l'investissement et, par ricochet, sur le niveau de l'emploi. n importe de voir comment se comportent les principaux indicateurs calculés à cet effet à l'aide des données de la BCEAO sur la période 1993-1996 pour mieux apprécier les perspectives globales de convergence telles que dégagées par les autorités de.la Commission de Surveillance multilatérale. Les variations des arriérés intérieurs et extérieurs sont dans presque tous les pays inférieures ou égales à zéro. Cela prouve que les arriérés de paiement dans l'UEMOA ont considérablement baissé. La suppression de la dette par les principaux créanciers de l'OCDE mais aussi les mesures de rééchelonnement de la dette à la suite de la dévaluation ont contribué à cette baisse. Ainsi, sur la période 1993-1998, les arriérés intérieurs ont été réduits en moyenne de 113,8 milliards par an pour l'ensemble de l'Union. Par ailleurs, pour les arriérés de paiements extérieurs, les performances sur la même période sont mitigées pour certains pays, dans la mesure où l'apurement des arriérés n'est pas systématique -117 - d'une année à l'autre. En effet, on observerait que des années d'apurement alternent avec des années d'accumulation. Toutefois, le Mali et le Burkina ne détiendraient plus de stock d'arriérés de paiement extérieurs. Le ratio investissements publics financés sur ressources internes fait défaut dans l'UEMOA et reste très inférieur à 20%. Cela confinne le fait que l'épargne interne propre des administrations publiques est trop faible et que les pays de la « zone» ont souvent recouru aux ressources externes pour financer les investissements. Cependant, ce ratio a quand même connu des évolutions positives sur la période passant de Il % en 1993 à 21 % en 1998 pour une norme communautaire minimale de 20%. Cela est certainement dû à la maîtrise des dépenses courantes, notanunent de la masse salariale qui a eu des répercussions favorables sur la contribution des ressources internes à l'effet d'investissement. Néanmoins, il faut souligner les disparités très importantes dans l'évolution de ce ratio d'un État membre à l'autre. Seuls le Burkina et la Côte d1voire respectent depuis 1997 la norme communautaire en se situant respectivement à 25,3% et 26,7% pour l'année 1998. Les autres Etats n'ont pas encore atteint le seuil de 20%. En ce qui concerne le déficit des soldes primaires de base, toutes les statistiques disponibles montrent une nette amélioration dans tous les pays de l'UEMOA à quelques exceptions près. En effet, ce ratio qui était de l'ordre de 10,5% en 1993 pour l'ensemble de l'Unjon a été porté à 19,7% en 1998. Hors Guinée-Bissau, trois États membres à savoir le Burkina, le Niger et le Togo ne respectent pas encore la norme communautaire minimale de 15% en 1998. Ils n'ont jamais atteint le seuil indiqué depuis 1993 et ont souvent présenté, des ratios négatifs sur la période retenue. Cette baisse est la conséquence d'une politique budgétaire restrictive marquée beaucoup plus par une compression des dépenses publiques que par l'augmentation des recettes. Cependant, ce ratio demeure toujours inférieur à 15%. Même s'il connaît des évolutions remarquables, ce critère n'est pas encore significatif dans l~ cadre de l'UEMOA. Enfin, s'agissant du taux d'inflation annuel moyen qui a été introduit à partir de 1998 comme critère de convergence, pour une norme communautaire d'un taux maximum de 3% en 1998, seuls le Sénégal et le Togo ont respecté cet objectifavec des taux respectifs de 1,3% et de l%. Les performances des autres États se sont situées dans une fourchette comprise entre 4,1% pour le Mali et 5,8% pour le Bénin ; ce qui laisse apparaître un différentiel d'inflation assez important de 4,8% qui est quand même un écart assez important dans une union monétaire avec une politique commune de taux d'intérêt. Toutefois, on note une tendance à la baisse générale des taux d'inflation après la hausse brutale provoquée par le changement de la parité dU franc CFA par rapport au FF. Au demeurant, l'analyse de tous ces indicateurs définis par le Traité de l'UEMOA permet de dire qu'il y a effectivement une tendance à la convergence des économies concernées, donc une similitude des comportements, ne serait-ee que pour ce qui concerne les politiques budgétaires et d'endettement, même si cette tendance est encore faible. Cependant les indices utilisés ne sont pas totalement assis sur une méthodologie solide et incontestable, c'est pourquoi il faut pousser la réflexion vers la recherche d'indicateurs calculables de convergence. Sur cet aspect de la question, des recherches importantes sont engagées et un débat d'une grande - 118- ampleur est en train de s'instaurer pour avoir une batterie d'indicateurs fiables qui ne masquent aucune réalité économique et financière. Malgré son caractère assez technique, il faut tout de même en rendre compte pour bien situer l'état de la question à la fois pour les chercheurs et les décideurs. SECTION 2 : Les indicateurs de convergences et la surveillance multilatérale.L 'UFMDA Depuis une vingtaine d'années, les recherches sur la régionalisation et les unions monétaires se sont à la fois approfondies et élargies; elles ont surtout débouché sur de nouvelles formulations macro-économiques assez astucieuses mais dont l'opérationnalité doit être souvent testée. Avec le processus d'unification monétaire européenne, la théorie des zones monétaires optimales suscite un regain d'intérêt. Cette approche des unions monétaires consiste à définir les conditions macro-économiques que doivent remplir les pays qui veulent adhérer à une union monétaire. La définition d'un certain nombre de critères de convergence a conduit la littérature économique à raisonner en termes de convergences tout en s'appuyant sur les théories traditionnelles des zones monétaires optimales (ZMO), à raisonner en termes de convergences. L'idée principalement avancée est que les différences de structure économique qui subsistent au sein des pays membres seront à l'origine des coûts d'ajustement, mais ces coûts sont d'autant plus limités que les structures économiques se ressemblent. Dans la présente section, nous allons d'abord rappeler les fondements théoriques de la convergence, ensuite évoquer quelques résultats des travaux empiriques pour enfin définir, tout au moins, une méthodologie de la convergence à partir de tests relatifs aux données des économies de l'UEMOA. 1 - Aspects théoriques de la convergence La notion de convergence trouve son origine dans l'article classique de Solow (1956). En effet, le modèle de Solow laisse prévoir la diminution de la productivité marginale du capital lorsque le niveau (par tête) de celui-ci augmente. n y a en conséquence un ralentissement du taux de croissance du capital (et du produit) par tête au fur et à mesure qu'augmentent la richesse, le niveau de vie et le capital par tête. Aussi, la transmission internationale du savoir devrait pennettre aux fonctions de production d'être identiques dans l'ensemble des pays, que ce soit ceux du « Nord» ou ceux du « Sud ». Autrement dit, si l'on suit cette proposition, on pourrait prédire à partir du modèle de Solow, un rattrapage (ou une convergence) des pays du « Nord» par ceux du « Sud ». Toutefois, l'auteur reconnaît qu'un tel processus est lent. Mais à long terme, on devrait assister à la convergence de tous les pays vers le même niveau de pm par tête, les pays pauvres ayant tendance à croître plus vite que les pays riches. Cependant, la confrontation de la théorie avec les faits laisse subsister des contradictions dans le modèle de Solow. En effet, les applications empiriques montrent plutôt, que les pays riches continuent d'enregistrer des taux de croissance par tête plus élevés et que les pays initialement pauvres (à l'exception de certains) ont toujours des taux de croissance par tête de plus en plus faibles, -119 - que ce soit par rapport aux pays riches ou dans le temps, surtout si l'on fuit prévaloir l'hypothèse d'homogénéité des écononùes. éconofiÙes. Pour concilier la théorie et les observations empiriques sur la convergence, les nouvelles approches -notamment celle dite de la croissance endogène- ont donné une nouvelle actualité et un nouvel éclairage à la question de la convergence ou du « rattrapage ». Elles ont fuit intervenir l'hétérogénéité des écononùes éconofiÙes afin de prendre en compte le concept de convergence conditionnelle qui veut qu'une écononùe éconofiÙe croît d'autant plus vite qu'elle est éloignée de son propre état régulier. Les résultats empiriques constituent ainsi une parfaite illustration de l'aspect théorique de la convergence des écononùes. éconofiÙes. Il - Les recherches sur la convergence Les recherches se sont multipliées ces dernières années sur les critères de convergence et cela en relation directe avec la nouvelle extension de l'aire de la régionalisation. Les travaux empiriques sont nombreux et variés. En effet., certains d'entre eux étudient les variables nonùnales nofiÙnales et financières du Traité de Maastricht., d'autres comme BARRO (1991) ou QUAH (1990 privilégient l'étude de la convergence réelle (plB, taux de chômage, etc.). Parallèlement., les méthodes se sont diversifiées allant d'une simple évaluation de la dispersion des variables à des concepts plus sophistiqués utilisant la co-intégration. Dans ce dernier cadre, l'existence d'un vecteur de co-intégration (1-1) entre deux séries apporte la preuve que celles-ci ont convergé. Alors que les méthodes statistiques ne permettent pas de prendre en compte des changements de régime qui pourraient intervenir inopinément, des mesures dynamiques sont proposées pour tenir compte de l'évolution du degré d'intégration entre les écononùes. éconofiÙes. En d'autres termes, ces méthodes permettent une évaluation du processus de convergence. Les études comparatives qui ont porté sur la croissance écononùque éconofiÙque des régions des USA, du Japon et du noyau dur des grands pays d'Europe ont pernùs à certains auteurs comme BARRO (1984), BAUMOL (1986), DELONG (1988), BARRO (1991) et BARRO et SALA-l-MARTIN (1991) d'utiliser le concept de f3 convergence pour montrer, en définitive, qu'une écononùe éconofiÙe pauvre tend à rattraper le niveau de revenu ou de production par tête de l'écononùe l'éconofiÙe la plus riche et cela dans le cadre d'un espace en voie d'intégration. C'est dire que cette convergence absolue est le résultat d'une certaine homogénéité relative des régions caractérisées par la similarité des cadres institutionnels, des systèmes légaux, d'un gouvernement central commun et d'une même culture. Dès lors le champ d'application de la convergence absolue concerne davantage les régions que les pays. Cette problématique ainsi formulée est d'un intérêt évident pour l'UEMOA dont les pays membres ont en partage une monnaie, une langue, des institutions et certaines cultures. La notion de convergence est techniquement effective lorsque la dispersion en coupe instantanée baisse au cours du temps, quand on la mesure au moyen de l'écart-type du logarithme du revenu ou de la production par tête d'un groupe de pays ou de régions. Les auteurs comme EASTERLIN (1960), BORTO et STEIN (1964), STREISSLER (1979), BARRO (1984), BAUMOL (1986), -120 - DROWRfCK et NGUYEN (1986), BARRO et SALA-l-MARTIN (1991) ont abouti aux mêmes résultats énoncés ci-dessus, à savoir: la convergence absolue serait essentiellement le fait de régions homogènes. C'est en cela que les deux concepts vont avoir une grande portée pour l'évaluation de la convergence dans l'espace de l'UEMOA. Dans cette direction A. BECART et A. ONDO OSSA (1997) ont utilisé à la fois les notions de CT et P pour évaluer la convergence des économies des deux unions monétaires africaines de la zone franc (UEMOA et CEMAC). Les résultats de leur analyse peuvent se résumer ainsi : si la convergence absolue semble être explicite dans le modèle théorique, « dans la réalité, elle n'est vérifiée que dans des circonstances précises et très limitées car l'homogénéité des pays ou des régions n'est pas courante ». Le second cas concerne la prise en considération de la convergence conditionnelle qui prévoit que l'existence de paramètres différents entre pays conduit à vérifier l'existence d'une dynamique de convergence favorisée par un développement industriel « massif ». Enfin, il existe un processus de convergence dans l'UEMOA favorisé par une forte homogénéité. Cependant une étude menée sur la convergence dans les pays SADe (South Africa Development Conununauty) n'a point offert les mêmes résultats. Elle a montré que plutôt une absence apparente de convergence dans ces pays et une divergence significative des indicateurs politiques et de stabilité qui suggèrent que cette région n'est pas encore fin prête pour une intégration monétaire. Dans ces conditions, les essais prématurés et insuffisants d'une intégration monétaire pourraient générer des coûts et des récriminations politiques qui affaibliraient les projets d'une coordination dans les échanges, le développement d'infrastructures, la défense et la justice. Cette leçon est intéressante pour nos développements futurs sur l'Union africaine. faut observer que l'analyse descriptive n'explique pas complètement le rapport convergence 1 divergence mais elle montre avec plus d'exactitude, non seulement conunent les pays pauvres se comportent par rapport aux pays riches dans un processus d'intégration, mais aussi conunent la convergence est obtenue. Beaucoup de chercheurs vont alors s'investir dans une dynamique de perfectionnement des méthodes. Ainsi, dans deux articles QUAH (1992 et 1995) suggère une approche utilisant une méthodologie de type chaîne-Markov pour estimer la probabilité que les pays relativement pauvres (riches) pourraient augmenter (diminuer) leur revenu par tête dans une période et converger. La méthodologie de QUAH démontre que le processus de convergence est un processus de transition à travers un certain nombre d'états. Dans cette optique d'amélioration des méthodes, certains auteurs conune HALDANE et HALL (l991) de même que HALL, ROBERTSON et WICKERS (1992) ont utilisé le concept de co-intégration, déjà analysé avec le filtre de KALMAN, pour proposer une mesure dynamique de la convergence appliquée à l'expérience d'intégration en Europe. n est vrai qu'en prenant les taux de change nominaux, ils n'ont pas réussi à mettre en évidence une relation de co-intégration en Europe entre 1970 et 1991. Cependant, si on divise cette période en deux, soit par exemple avant et après 1980, la relation est mise en évidence pour les taux de change. n -121- Mais c'est surtout l'utilisation du filtre de KALMAN qui sera plus détenninante dans l'explication. En effet., c'est cette méthode qui va pennettre d'expliquer et de justifier la convergence qui s'est établie de manière significative vers les milieux des années 80 dans le cas européen. Dans ce sens L. BONNE (1997), dans une analyse dynamique des symétries des chocs au niveau de l'Union Européenne, utilise le filtre de KALMAN avec une méthode économétrique récente non seulement pour mesurer de façon dynamique l'évolution de la convergence des structures des économies européennes, mais également pour tenir compte des cassures dans les processus de convergence. Les résultats qui ressortent de son étude confirment: - l'existence de convergence d'un groupe de pays du «noyau» (France, Belgique, Autriche et Pays-Bas); - un manque de symétries des sentiers de convergence malgré une intégration croissante entre les pays noyaux et l'Allemagne. Paradoxalement., le noyau n'exerce pas une attraction sur les autres pays européens. Autrement dit, l'effort paneuropéen (réel) de convergence s'est fait entièrement en direction de l'Allemagne, parallèlement à la convergence spécifique dudit noyau, dénotant ainsi le manque de symétrie des sentiers de convergence. 111- Les méthodologies de détermination de la convergence des économies de L'UEMOA. La méthodologie de détennination de la convergence des économies dans l'UEMOA est relative d'abord à cr et p convergence, ensuite au filtre de KALMAN et enfin à l'indicateur de solidarité. JO) cr et p convergence n s'agit des deux méthodes les plus simples et en conséquence, souvent utilisées pour mesurer le degré de convergence des économies. Deux raisons majeures justifient parfaitement le choix porté sur ces deux instruments : -la première raison est qu'ils sont les plus communément utilisés du fait de leur extrême simplicité. Ces deux méthodes ont été développées par BARRO et SALA-l-MARTIN (1991) dans leur étude de la convergence des États-Unis d'Amérique et des pays de l'OCDE, ainsi que des États-Unis et d'autres régions du monde. Des auteurs tels que A. BECART et A.ONDO OSSA (1997) ont tenté de les adapter à l'analyse de la convergence au sein des deux unions africaines de la zone franc que sont l'UEMOA et la CEMAC ; - la deuxième raison tient à l'aspect calculable les tests réalisables permettent, de manière rapide, de vérifier l'hypothèse de base, à savoir l'existence de tendances vers un processus de convergence des économies considérées. car convergence Le premier instrument d'évaluation de la convergence est cr convergence qui est mesurée par la dispersion ou l'écart-type du logarithme de - (? -122 - revenu par tête des pays constitutifs de l'UEMOA. Celui-ci doit baisser au cours du temps. Les résuhats des travaux qui ont adopté cette méthodologie aboutissent à la conclusion que les régions homogènes enregistrent une convergence absolue. Pour le cas qui concerne, l'UEMOA, les pays membres présentent des caractéristiques « semblables ». De plus, dans leur développement, conformément au modèle de base de Solow, ils convergent vers un « stadystate» unique à partir d'une situation initiale spécifique. C'est dire que c'est le pm de départ, forcément différent entre les pays (dotation en facteurs, politiques budgétaires antérieures, niveau de développement atteint), qui constitue la seule teclmologie) sont originalité. Toutes les autres (préférence pour le présent et la technologie) semblables. Cependant, deux hypothèses sont posées dans le cadre de la méthodologie de (J" -convergence: dans la première, les différences entre les revenus par tête à l'intérieur d'un groupe tendent à se réduire dans le temps et dans la seconde hypothèse, la convergence (le rapprochement) des pays initialement différents est possible lorsque la dispersion de leurs revenus par tête autour de la moyenne diminue avec le temps. Autrement dit, l'écart-type de ces revenus par tête devient de plus en plus petit. TI fàut alors se résoudre, à l'analyse de l'évolution de l'écart-type du logarithme du pm des pays de l'UEMOA de 1960 à 1998. Elle révèle que dans la période qui va de 1960 à 1979, l'écart-type augmente, ce qui est clairement indiqué par le graphique 23 ci-après. Graphique 23: Évolution de l'écart-type du logarithme du PIB réel par tête dans l'UEMOA (1960-1998) ;ft. 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 10 Ecart-type 0,1 o ~ "-rr~_ 8 .-~ ~ ~ N'lD~ ~ ~ ~ ~ ~ ~~ §~ Années .- 1 Ecart-type ~ Ce constat est synonyme de divergence qui ne peut s'expliquer que par des différences accrues dans les rythmes de croissance des revenus. Toutefois, de 1980 à 1994, l'écart-type moyen tend à baisser impliquant ainsi une réduction des divergences. TI faut dire que cette baisse a surtout été accélérée par la dévaluation de 1994 malgré l'intermède de la très légère hausse de 1995. Cependant, il convient de préciser que la tendance à la baisse de l'écarttype du logarithme du PŒ moyen a été favorisée, entre 1980 et le début des années 90, entre autres facteurs, par la crise économique qui a frappé ces pays durant toute cette période et la manifestation de ladite crise a été la montée des -123 - déséquilibres macroéconomiques et macro-financiers subséquents à la chute des cours des matières premières et à la détérioration de l'environnement international. Pour la Côte d'Ivoire et le Sénégal (les plus riches de l'UEMOA en termes de PIB réel par tête), cette situation a induit des performances souvent négatives. En fait, il s'agit d'un nivellement par le bas, autrement dit, il existe une convergence mais dans un sens défavorable. Suite à l'harmonisation des politiques économiques avec la création de l'UEMOA, la baisse de l'écart~ enregistrée à partir de 1994 annonce une tendance plus favorable à la convergence. -fJ- convergence La littérature empirique la plus récente utilise ~-œnvergence qui exprime le rapprochement des niveaux de développement (en termes de taux de croissance, de revenu par tête). Elle est caractérisée par une relation négative entre le taux de croissance cumulé sur une période donnée (relativement longue) et le niveau initial du PIB par habitant. En effet, ~ mesure ainsi la vitesse de convergence. Toutefois, si les valeurs à l'état régulier sont égales pour tous en d'autres termes, les ~; pays ont tous le même état régulier, en toute logiq,ue, partant d'une situation initiale (Yo). Chaque pays devrait converger vers l'Etat Régulier (ER) soit par le bas pour les pays « pauvres », qui auront une croissance plus rapide, et cela d'autant plus rapide qu'ils sont « pauvres », soit par le haut pour les plus « riches », qui ont déjà dépassé E~ et qui connaîtront une régression d'autant plus rapide qu'ils sont « riches ». D'ailleurs, les petits pays comme ceux de l'UEMOA peuvent être considérés comme relativement stables et les similitudes constatées dans le comportement des différentes économiques nous rapprochent de la situation envisagée par BARRO et SALA-I-MARTIN (référence à leur article de 1990 et au chapitrell de leur ouvrage), de qui nous tirons le modèle économétrique suivant: ln(y/Y.J = a-(1-e-Pj.ln(yJ + u (1) avec Yit = PIB par tête du pays ~ à la date t a = coefficient constant de la régression qui intègre une valeur à estimer, u = résidu. La valeur de a proposé par l'auteur est telle que: a =g + (1-e-P).fln(Y,) (2) (1-e-P)./ln(Y,) + g.(t-l)j avec y' = YÉtatRégulier g = taux de croissance de y qui doit être positif f3 = étant généralement présenté comme une approximation log linéaire de l'équation: y, = y,'Jt-l.,rl..lJt-ll1-b autour de l'État Régulier fi mesurant la vitesse de convergence c'est-à-dire la vitesse à laquelle le produit réel d'une économie s'approche de sa valeur d'État Régulier Y. Ainsi, en développant l'équation (1), on obtient : ln(YJ = a + b.ln(Y~J + u (3) avec b = e-P = coefficient de la régression et g~ dans l'équation (2) à l'État Régulier. -124 - L'estimation économétrique de l'équation (3) par la méthode standard des moindres carrés ordinaires pour les différents pays de l'Union sur la période 1985-1998 a donné les résultats sont ainsi représentés : ln(YJ = 1,179366 + 0, 799346.ln(Y,..J t-student (3,0195) (12,0593) n = 98 (7 pays x 14 ans) R 2 =0,6394 R2 = 0,6350 F=145,426 Durbin-Watson = 1,7977 Par ailleurs, la solution de l'équation (3) sous forme d'équation fondamentale de la convergence absolue se présente sous la forme : Y,= YI bt-I. ~I-bl-II1-l» (4) Les paramètres a et b sont identiques dans tous les pays. Les résultats indiquent que b<1. Donc, si les paramètres (dont le taux de croissance) ne se modifiaient pas dans le temps lorsque t tend vers l'infini, y, tendrait vers une valeur unique pour chaque pays (~-l», qui ne dépend pas de y initial; d'où y' = ~-l>. Ceci confirme la tendance à la convergence des économies de l'UEMüA. Ces résultats laissent apparaître que la valeur de b, le régresseur sur la période 1985-1998, permet d'écrire : b = efl d'où ft =-ln(b) =-In (0,799346) = 0,22396 - 22,4%. Concrètement, ce résultat signifie qu'au niveau de l'UEMüA, en règle générale, au cours de la période étudiée, l'écart séparant chaque année le produit réel de sa valeur de ER (Y = 356$) se réduit de 22,4%. 2°) La méthode du filtre de KALMAN Le filtre de KALMAN est un algorithme permettant de calculer des espérances conditionnelles dans un cadre assez général. L'analyse de cette méthodologie, sera très largement inspirée des travaux de BAMBA N'GALADJü Lambert et DlüMANDE Kanvaly (1998)(62>. Ces auteurs considèrent la variable macro-économique x.t pour le pays 1 et pour deux pays référence A et B. L'objectif visé est de voir si le pays 1 tend vers le pays A ou vers le pays B et à quelle vitesse. En termes empiriques, l'équation économétrique est telle que : X AJ - Xl' = lX{, + /31t (XAJ- XaJ + UI, (1) avec Ultest un bruit blanc. L. BAMBA N'GALADJO et Kanvaly DIOMANDE Convergence nominale vs convergence réelle et/ou convergence des politiques économiques vs convergence des structures économiques dans les pays de l'UEMOA. Symposium international sur l'avenir de la Zone Franc avec l'avènement de l'euro. CODESRIA, Dakar, 4-6 novembre 1998 61.. -125 - L'évolution temporelle des paramètres <lt et pt donne quelques éléments d'information sur la convergence vers le pays A si: E /im(PrJ =0 et E Iim (lX{J = 0 Inversement, si le pays 1 converge vers le pays B, nous aurons alors : E /im(PrJ = 1 et E Iim (lX{J = 0 Le modèle (1) peut être estimé grâce au filtre de KALMAN. Les événements possibles, quand ait tend vers zéro, sont les suivants : (a) E /im(PrJ = 0 , auquel cas Xli = X AJ (b) E /im(PrJ = 1 , auquel cas Xli =X Bt Ensuite, quand X Al < X Bt , trois cas de figures peuvent se présenter: (c) 0 < E Iim(PrJ <1 , auquel cas X AJ <Xli <XBt (d) E /im(PrJ > 1 , auquel cas XAJ <XB,<X/t < X B,<X/t (e) E /im(PrJ < 0, auquel cas X/t <XAJ<XBt Enfin, quand XAl < XBt, , trois cas de figures sont envisageables : (c') 0 <E /im(PrJ <1, auquel cas X Bt <X/t<XAJ (d') E lim(PrJ > 1 , auquel cas Xli <XB,<XAJ (e') E lim(PrJ < 0, auquel cas X Bt < X AJ <X/t La représentation graphique de Pr, estimés indique vers quelle situation le pays 1 converge et à quelle vitesse. En effet, pour lX{, = 0, lorsque les coefficients Pr, tendent vers 0 (ou respectivement 1), on dira que le processus de convergence vers la référence A (ou respectivement B) est entamé. La vitesse de convergence est mesurée par le rythme auquel les coefficients Pr, tendent vers zéro (0) ou 1. Cependant, ces auteurs reconnaissent que l'ambiguïté de cette méthode réside dans le choix du pays référence. Dans leurs régressions, la France a été considérée comme la référence A et la moyenne des pays de l'UEMOA comme la référence B, pour la première variable nominale, celle des taux d'intérêt. Le choix de la France paraît naturel à ce niveau, étant donné les règles de fonctionnement de la Zone Franc dont tous les pays de l'UEMOA sont membres. On peut donc considérer que c'est la France qui définit les orientations générales de la politique monétaire dans la Zone Franc. De plus, pour la variable nominale considérée (les taux d'intérêt du marché monétaire ou le taux de réescompte), on peut admettre que les niveaux français influencent de façon notable ceux des pays de l'UEMOA. L'analyse des données statistiques et des résultats relatifs à certaines variables nominales (taux d'intérêt, taux de réescompte, taux d'inflation) et certaines variables réelles (PIB réel par tête, déficit budgétaire) a été effectuée à cet égard. Les résultats empiriques auxquels ces auteurs ont abouti, montrent les différentes évolutions des variables que nous trouvons au niveau des critères officiels de convergence. - Le taux d'intérêt du marché monétaire Le graphique 24 montre qu'il n'y a pas de convergence des taux d'intérêt des marchés monétaires de l'Union et de la France entre 1980 et 1985. Le taux français, plus élevé, s'écarte progressivement du taux de l'Union. A partir de 1986, il y a un brusque rattrapage et le taux d'intérêt du marché -126 - monétaire de l'Union converge rapidement vers celui du marché français à partir de 1992. Graphique 24: Évolution des taux d'intérêt des marchés monétaires de l'UEMOAet de la France (1980-1998) 18 16 14 i 12 ~ 10 ~:::s 8 l- 6 . j 1\ .. ...,,_ ... 4 2 O+------t------+------t------t------j 1975 1985 1960 1990 1995 2000 Ann"s Les résultats empiriques des estimations concernant cette variable sont illustrés sur le graphique 25 suivant. Graphique 25: Évolution des coefficients; convergence des taux d'intérêt des marchés monétaires France UEMOA (1980- 1993) 60 40 j i o 20 0 ~ ~i- 1982 1984 1986 1988 1990 --i-; 1992 -60 -80 -100 1- Années -127 - - Le taux de réescompte Sur la période 1980-1998, le taux de réescompte français est resté constant à 9,5%. Le taux de l'UEMOA a fluctué autour du taux français durant cette période. À partir de 1982, le taux de l'UEMOA devient supérieur à celui français et passe au-dessous en 1985, pour remonter à nouveau au-dessus à partir de 1989. Cependant, après 1994 avec la création de l'UEMOA, on remarque une tendance à la convergence du taux de réescompte de l'UEMOA qui baissent progressivement vers celui de la France. Graphique 25: Évolution des taux d'intérêt des marchés monétaires de l'UEMOA et de la France (1980-1998) 18 16 14 ~ 12 FTMUl 'GI ~ 10 ~ :l {! ~ 8 6 4 2 O+----+----+----+----+-------l 1975 1980 1985 1990 1995 2000 Années Pour la période 1980-1998, les résultats empmques des estimations concernant cette variable sont illustrés sur le graphique 27. - 128- Graphique 27: Évolution des coefficients: Convergence des taux de réescompte de la France et de l'UEMOA (1980-1993) 1 0,9 0,8 0,7 III 1l 0,6 ~ 0,5 8 0,4 o Coefficient a CoeffICient b 0,3 0,2 0,: 1-+-----+1-+-----+1-+---+--+---+1---+---+1---+----11--1 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 Années - Les taux d'inflation Le graphique 28 qui illustre les évolutions des taux d'inflation montre que celles-ci ne sont pas homogènes sur la période 1980-1993. À partir de 1994, à la suite de l'ajustement de la parité du franc CfA par rapport au franc français, il ya une évolution harmonisée des taux d'inflation vers un taux moyen de 3% en 1998. En d'autres termes, dès 1995, tous les pays se sont engagés dans une politique déflationniste. Graphique 28 : Évolution des taux d'inflation des pays de l'UEMOA (1980-1998) 70 60 c o ~ 50 o Bénin 40 DB. Faso lC .='c 30 DC.I 20- o Mali ~ 10 o Niger .J!!o~~~ -10 1 -20 o Sénégal o Togo o~ ~~~~~~ ~ Bénin ~ Années -129 - - Les taux de croissance réelle par habitant Le graplùque 29 montre que durant la période 1980-98, les taux de croissance réelle par tête sont très différents d'un pays à l'autre. On remarque aussi que le pm par tête a augmenté pour les pays comme le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Sénégal tandis que pour la Côte d'Ivoire, le Niger et le Togo, il a baissé. Graphique 29: Évolution des taux de croissance réelle par tête des pays de nlEMOA (1980-1998) 150 CBénin 100 CB. Faso ~ CC.I c: .S! li c ..E CMali CI Niger o Sénégal Togo Mali CTogo Pays Bénin Cependant, on note qu'après la dévaluation, tous les pays ont cormu des performances positives en matière de croissance du pm par tête avec de meilleures performances pour la Côte d'Ivoire et le Togo. - Les déficits budgétaires Le graplùque 30 qui illustre les évolutions des déficits budgétaires fait apparaître de fortes divergences entre les pays. Ainsi, on remarque que le Burkina Faso a souvent réalisé les meilleures performances suivi du Sénégal vers la fin des armées 1990. En revanche, le Togo et le Mali réalisent les plus mauvaises performances. - 130- Graphique 30: Évolution des déficits budgétaires en % du PIS dans l'UEMOA (1980-1998) 160 140 o Bénin 120 100 80 60 40 20 DB. Faso DC.I o Mali DNiger o Sénégal o Togo o -20 Pays ~ Années Cependant, des raisons d'être optimiste quant à la convergence des déficits budgétaires existent car, à part le Togo qui traîne, tous les autres pays convergent vers un déficit budgétaire nul en 1998. Ces performances enregistrées surtout après la dévaluation, ont accéléré la création de l'UEMOA et 1'harmonisation des politiques budgétaires et d'endettement. 30) L'indicateur de solidarité Ce nouveau critère d'optimalité énoncé par Albert ONDO OSSA(63) (2000) repose sur l'idée que la capacité d'une zone monétaire à mire fuce de manière durable à des chocs asymétriques dépend pour l'essentiel de la solidarité entre ses différents membres. La solidarité devient ainsi la condition nécessaire et suffisante d'optimalité. Cette solidarité est définie par l'auteur comme « une communauté de responsabilités et d'intérêts et traduit un sentiment qui pousse deux économies à se porter mutuellement assistance. Elle se mesure à l'aptitude d'un pays à accepter le coût de la gestion d'un autre »(64). A cette défmition, deux théorèmes sont associés : - si deux pays A et B appartierment à une zone monétaire optimale alors A et B sont solidaires, cela revient à dire que la solidarité devient une condition nécessaire d'optimalité; - si deux pays A et B sont solidaires, alors ils doivent former une zone 63.. A. ONDO OSSA: La théorie des zones monétaires optimales à la lumière de l'expérience et des perspectives de la zone franc africaine; réwùon sur les ~rfonnances éconouùques des pays de la Zone Franc, AERe, Dakar, 2000. .. Idem. - 131 - monétaire optimale. La solidarité devient alors une condition suffisante d'optimalité. En définitive, A.ONDO OSSA retient que « deux pays A et B fonnent une ZMO (changes fixes ou monnaie unique) si la solidarité à l'intérieur de la rone qu'ils constituent est plus forte que celle qui apparaît vis-à-vis de l'extérieur. En revanche, si la solidarité est plus faible à l'intérieur de la rone que vis-à-vis de l'extérieur, la fonnule des monnaies autonomes et des changes flexibles est la plus avantageuse entre les deux pays ». Dès lors, tout pays membre d'une zone solidaire est redevable des actes posés par les autres membres, autrement dit de leurs excédents et déficits. Ainsi, pour qu'il y ait monnaie unique entre deux pays (ou pour que le taux de change de leurs monnaies ne se modifie pas), il faut que le déficit de l'un puisse être compensé par l'excédent de l'autre. Pour ce faire, les deux pays doivent convenir d'une politique et d'un mode de gestion de leurs avoirs extérieurs capables de restaurer l'équilibre de leurs balances des paiements. La rone monétaire optimale implique ainsi nécessairement des stabilisateurs, sinon des transferts compensateurs pennettant de rééquilibrer les balances des paiements des régionsnations concernées (BOURGUlNAT, 1992) (65). Tous les membres de l'Union appartiennent à la zone franc qui est avant tout un espace de solidarité, celle-ci s'exprime à travers le compte d'opérations qu~ rappelons-le, désigne le compte courant tenu en francs français sur les livres du Trésor Français au nom de la Banque Centrale de l'Union, la BCEAO. Depuis 1973, la BCEAO est contrainte de déposer, non plus 100%, mais 65% de ses réserves en devises auprès du Trésor français sur son compte d'opérations. Ce compte qui a toujours servi de mécanisme de compensation interzone est un exemple type de solidarité. Cela est d'autant plus vrai qu'en 1994, DEV ARAJAN et WAL TON ont observé que les « grands» pays, à savoir la Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Cameroun, en finançant une partie de leur déficit budgétaire par accumulation d'arriérés à l'égard du secteur privé, ont exporté leur déficit dans l'ensemble de l'Union. Cela fait intervenir nécessairement le critère de solidarité qui, du reste, a toujours existé et constitue un des éléments fondamentaux de la Zone Franc en général, mais aussi un critère de réalisation d'une ZMO. Manifestement, le mécanisme du compte d'opérations est avant tout un mécanisme de solidarité fondé sur une certaine péréquation des ressources financières: les pays excédentaires aident les pays déficitaires. C'est elle qui est à la base de la relative stabilité du franc CFA qui explique en grande partie les perfonnances économiques caractéristiques de la zone jusqu'à la fin des années 80. Au tenne de ces développements, la conclusion qui s'impose est aujourd'hui l'urgente nécessité de réviser les critères de convergence à la lumière des nombreux acquis de l'Union. En effet, ces critères ainsi que les valeurs de référence qui leur sont associées ont été définis dans un contexte où 65.. A. ONDO OSSA: « La théorie des zones monétaires optimales à la lumière de l'expérience et des perspectives de la zone franc africaine; réUIÙon sur les performances économiques des pays de la Zone Franc, AERe, Dakar, 2000. ·132 - l'Union était dans une situation de détresse budgétaire dont les principales caractéristiques ont déjà été décrites plus haut. Cene conjoncture basse une fois dépassée, l'Union doit passer à la vitesse supérieure par la création d'une véritable division sous-régionale du travail et la prise en charge des investissements d'infrastructures qui faciliteront la libre circulation des capitaux, des biens, des services et des hommes. L'union pourrait alors être le maillon de base d'un processus plus vaste de la consolidation de la CEDEAO et de la régionalisation à l'échelle africaine tant qu'elle sera souhaitable et possible. Si l'on adopte la démarche opérante c'est-à-dire celle des « poupées russes» ou encore « des cercles concentriques» de L. S. SENGHOR, cette dynamique appelle la formation et la consolidation de sous-ensembles qu'il faut articuler par des mécanismes à découvrir et à mettre en place. Tous les textes de l'OUA insistent sur la double nécessité de créer des groupements sous-régionaux qui fàvoriseraient la réalisation d'une communauté plus large à l'échelle de l'Afrique et 1'harmonisation de leurs règles et modalités de fonctiOimement. -133 - CHAPITRE 5 Parachever la dynamique de construction de L'UEMOA L'une des étapes ultimes de l'intégration est l'union économique qui devient effective par l'élaboration et la mise en œuvre de politiques économiques et financières communes afin d'établir une véritable Division Régionale du Travail (DRT). Cette DRT se fonde d'une part sur les avantages comparatifs à partir des dotations factorielles naturelles et d'autre part sur les avantages construits découlant des capacités compétitives. Dans ce cadre, le Traité de l'UEMüA dans ses articles 63 et 64 traite des politiques économiques des États membres qui sont considérées comme des questions d'intérêt commun et, en conséquence, coordonnées au sein du Conseil. D'ailleurs ce Conseil, sur proposition de la Commission, se prononce sur les grandes orientations des politiques économiques des États de l'Union. A l'article 10 l, il est institué un cadre juridique définissant les politiques sectorielles devant être mises en œuvre par les États membres. Ces politiques sont d'ailleurs énoncées dans le pr<tocole additionnel n 0 2 qui délimite les domaines d'action, à savoir le développement des ressources hwnaines, l'aménagement du territoire, la politique des transports et des télécommunications, l'amélioration de l'environnement, la politique agricole, la politique énergétique, la politique industrielle et minière et les autres politiques sectorielles qui malheureusement à ce jour, ne sont pas encore définies. On peut observer que ce pr<tocole est un simple document d'orientation générale. Par conséquent, il ne précise que les intentions des États, sans définir les domaines d'action précis et les plans de réalisation. On sait simplement que les États sont conscients de la nécessité d'élaborer des politiques communes dans les domaines sus-mentionnés, ce qui pennettrait d'aboutir au plus vite à l'Union Économique. n importe alors de prolonger ces orientations par quelques réflexions techniques au niveau de certains domaines détenninants dans la réalisation d'une véritable division régionale du travail. Au préalable, il semble nécessaire dans une communauté économique, d'identifier quel pays membre a avantage à produire tel bien afin de déterminer quelles unités industrielles il serait plus rentables d'y implanter. Ceci rationaliserait les dépenses en rétablissant au mieux les investissements. L'analyse des biens produits au sein de l'UEMOA pourrait ainsi pennettre d'attnbuer une « tâche bien précise» à chaque membre pour la bonne marche de l'Union. Dans ce sens, la théorie des avantages comparatifs peut se présenter comme un instrument de répartition des activités productives dans l'Union. n fàut procéder à un rappel de cette théorie pour la confronter aux réalités de l'UEMOA. -135 - SECTION 1 : À la recherche d'un instrument d'allocation des activités. Le problème majeur de l'organisation volontariste d'une division du travail dans un espace dormé réside dans la répartition des activités productives. La question centrale sera alors: qui doit produire quoi? Cette question renvoie à la recherche d'instrument ou de critères d'allocation des activités. Les théories du commerce international-anciennes comme nouvelles-apportent quelques réponses à ce genre de question. Le modèle canonique ricardien est sans doute le plus connu et constitue la référence de la pensée libérale pour justifier l'impérative nécessité de la spécialisation des nations en fonction des dotations factorielles naturelles. Tel est le résultat de la fameuse théorie des avantages comparatifs améliorée par HECKCHER-OHLIN-SAMUELSON, MARSHALLLERNER (les élasticités critiques). Elle repose sur trois prémisses, à savoir: - premièrement, le commerce sans entrave crée la prospérité car l'échange dès lors qu'il existe est mutuellement favorable aux différents partenaires : - deuxièmement, l'ouverture au commerce implique de se spécialiser dans les activités où on possède les meilleurs atouts comparativement aux autres; - troisièmement, les modifications des taux de change par la dévaluation ou la réévaluation permettent de mieux s'ajuster et de tirer partie des échanges de bien et services. Le taux de change effectif réel (TCER) dorme une borme estimation des conséquences sur la balance extérieure des variations du taux de change effectif nominal, liées aux modifications de prix résultant des chargements d'efficacité du système productif. J. Bref rappel de la théorie des avantages comparatifs comme instrument de répartition des activités productives Toute intégration vise implicitement la valorisation du potentiel économique pour lequel le pays dispose d'un avantage relatif, c'est-à-dire de meilleurs atouts comparativement à ses partenaires. Cette spécialisation se présente aujourd'hui sous diverses formes dont la plus importante est l'avantage comparatif que peuvent acquérir les entreprises présentes sur le territoire national et qui découle principalement de quatre sources alternatives ou complémentaires: une dotation favorable de ce territoire en ressources naturelles; l'abaissement relatif des coûts par le choix des segments les mieux adaptés aux facteurs macro-économiques de production; l'abaissement relatif des coûts par l'innovation micro-économique dans le processus de production, notamment grâce aux économies d'échelle que les entreprises sont susceptibles d'obtenir; l'obtention d'éléments de monopoles par la création de nouveaux produits. Avec la montée de la compétitivité à partir d'une amélioration impressiormante de la productivité des facteurs de production, la spécialisation - 136- perd un peu de son intérêt, si bien que l'avantage comparatif n'est plus qu'un élément d'un enjeu plus général: l'avantage compétitif C'est pourquoi dans ses articles 88, 89 et 90, le Traité de l'Union fixe les règles de la concurrence donc de la compétition à charges égales. L'égalité des chances des entreprises de l'Union est ainsi préservée. Dans ce contexte, chaque pays est condamné à se donner ses bases de compétitivité pour équilibrer son commerce extérieur. Il ressort de tout cela que chaque État membre a la possibilité de se construire un avantage. II - Les résultats de l'évaluation des avantages comparatifs dans l'uemoa Il demeure, comme le rappelle K. DIOMANDE « que le fait pour un pays de disposer d'un avantage comparatif dans la production d'un bien signifie qu'il pourrait être plus efficace dans cette activité que dans d'autres» (66). Utilisant l'indicateur d'avantage comparatif de BALASSA à savoir : Xjk Til< Xit ::= Xit Où X = exportations 1 = pays exportateur k = produit t = ensemble des produits exportés n ::= la zone UEOMA. OIOMANDE s'est efforcé de mesurer les avantages comparatifs des pays de la zone UEMOA à l'exception du Togo pour défaut de données. Les résultats obtenus établissent que : - le Bénin ne bénéficie d\m avantage comparatif que pour les produits pétroliers et les produits pharmaceutiques. Le désavantage comparatif concerne des produits tels que ceux de la minoterie, des conserves de poisson et de viande, du textile, du bois; - le Burkina Faso présente un avantage comparatif significatif pour l'élevage et se dérivés, les boissons et glaces alimentaires et l'égrenage du coton. Par contre, il présente un désavantage comparatif pour les principaux produits agro-industriels ; -la Côte d'ivoire présente un avantage comparatif dans la minoterie, les conserves de jus de fruits et légumes, les produis dérivés du café et du cacao, les produits laitiers et œufs, le sucre et les sucreries, l'industrie du textile et de l'habillement, la première transformation du bois et des ouvrages en bois. Cependant, eUe présente un désavantage révélé pour l'extraction de minerais, de 66. Kanvaly DIOMANDE : Avantages comparatifs révélés et spécialisation industrieIJe dans l'UMEOA, R. Politique industrielle -137 - nuneraux., les poissons et les crustacés surgelés, les boissons et glaces alimentaires, l'industrie du cuir et la chaussure; - le Mali possède un avantage comparatif révélé pour les bois et glaces alimentaires, l'égrenage du coton, l'industrie du cuir et de la chaussure. Le désavantage est observé pour les autres produits étudiés; - le Niger présente la particularité de ne posséder aucun avantage révélé pour aucun produit. Cependant, une étude poussée sur le tabac pourrait lui assurer un avantage comparatif pour ce produit; - le Sénégal possède un avantage comparatif révélé d'abord par une longue zone maritime où se pratiquent des activités de pêche et de tourisme pour l'extraction de minerais et minéraux, les conserves de poisson et de viande, les poissons et autres crustacées surgelés, les produits pétroliers, la fabrication d'engrais et les papiers et cartons. Le désavantage comparatif apparaît pour les produits laitiers, les œufS et les ouvrages en bois. Cet état comparatif des avantages indique les domaines dans lesquels les États peuvent se spécialiser positivement et permettre à leurs entreprises de bénéficier pleinement des économies d'échelle sur un marché de près de 60 millions de consonunateurs. Enfin, les expériences d'intégration passées ont été pratiquement toutes marquées par un manque de volonté politique. En fait, une intégration totale par les marchés nécessite de se départir au moins d'une « parcelle» de sa souveraineté au profit de l'Union mais aussi d'une partie de ses recettes douanières pour s'aligner au même niveau dans la perspective de la mise en place d'un TEe. Dans cet ordre d'idées les pays africains en général et ceux de l'UEMOA en particulier, doivent nécessairement harmoniser au mieux leurs politiques agricoles dans la mesure où ils peuvent acquérir des avantages comparatifs nets dans ce secteur. L'organisation et la portée d'une politique agricole communautaire fera donc l'objet de la section suivante. SEcnON 2 : Nécessité de rendre opérationnelle les politiques sectoriel/es Dans le Traité de l'UEMOA, les politiques communes figurent en très borme place dans le schéma d'intégration économique. Les politiques sectorielles qui constituent la substance même de l'Union sont définies par les articles qui vont de 62 à 80 et sont précisées et programmées par le Protocole n02. Cette harmonisation des politiques sectorielles aura comme finalité de fàvoriser l'émergence, dans l'Union, d'unités de production aptes à relever les défis de la comp.-~ivité internationale. En ce qui concerne les domaines d'intervention, ils sont au nombre de huit: les ressources humaines, l'aménagement du territoire, les transports et les télécommunications, r environnement, la politique agricole, la politique énergétique, la politique industrielle et minière et les autres politiques sectorielles. Les deux domaines les plus importants des politiques sectorielles par leurs effets d'induction et d'entraînement sont r agriculture, la science et la technologie. - 138- I-Les politiques agricoles communautaires Dans tous les pays membres de l'Union, l'agriculture est considérée comme un secteur prioritaire pour généralement trois séries de raisons: d'abord sa contribution au pm (entre 25 et 70%) qui en fait un secteur détenninant pour la croissance, ensuite la population active qu'elle occupe (entre 60 et 80% de la population active) et enfin l'ampleur du déficit alimentaire qui fait de l'Union une rone d'insécurité alimentaire. Ce déficit est estimé à une valeur d'environ 1000 milliards de francs CFA pour tous les pays de l' Union. Ce bilan céréalier de l'Union soulève deux questions majeures qui relancent le débat sur les politiques agricoles et alimentaires: Comment ledit bilan va-t-il évoluer les prochaines années? Quelles sont les possibilités réelles qu'offre l'économie céréalière de l'Union? Les perspectives d'évolution montrent que les besoins vont doubler dans la prochaine décennie, suite au jeu combiné d'une démographie explosive, d'une urbanisation accélérée et chaotique et d'une agriculture inefficiente. Cela impliquerait impérativement un accroissement des importations comme l'indique le tableau suivant : T a bleau 10: L es Impo rtafIons d ecé r éales Mil-Sorgho Riz Milliers de tonnes 707 165 Début de décennie 93 Fin de décennie 992 328 Prospectives 2000 1312 Prospectives 2010 1776 562 Source : SMIARlFAO-USDA Maïs Blé Total 122 49 111 143 466 560 1460 1694 2574 3545 823 1064 Au regard de l'ampleur des déficits en ressources, la solution du problème du bilan céréalier réside dans la mise en œuvre de politiques d'autosuffisance alimentaire qui passeraient par une augmentation des rendements et des superficies. Pour avoir une idée de ce qu'il faut fàire, si on projette en l'an 2010 l'objectif d'autosuffisance alimentaire du sous-espace sahélien (en supposant maintenues les importations de blé), il faut multiplier par deux l'intégralité des surfaces actuellement cultivées en les réservant exclusivement à la production céréalière. En plus, il faut améliorer les capacités du secteur céréalier à répondre aux besoins exprimés, par les incitations la disponibilité des fu.cteurs modernes de production et l'accessibilité au crédit. En effet, la modernisation de l'agriculture céréalière requiert une stabilité des revenus des producteurs et un système fonctionnel de crédit pour investir. Il restera alors une autre difficulté à résoudre : les céréales locales, (le mil et le sorgho) ne sont pas actuellement substituables au riz. Les transfonnations technologiques en cours de ces deux produits ne les rendent pas encore adaptés aux habitudes et modes de consommation des populations urbaines. C'est dire que le riz va continuer de tenir (avec le blé) une place centrale dans la consommation céréalière ouest-africaine. Il faudra alors développer cette production ou voir exploser les importations. Également, l'ensemble du monde rural de l'UEMOA est marqué par une détérioration quasi pennanente de la situation sociale des producteurs qui se manifeste à travers la dépréciation des -139 - revenus et la montée de la pauvreté. Tous ces éléments rendent nécessaire une politique commune de revitalisation de la production agricole. Elle pourrait parfaitement s'inspirer de l'expérience européenne. La création d'un espace régional agricole dans l'Union devrait s'organiser autour de deux préoccupations majeures qui vont véritablement relancer les enjeux du monde rural. Il s'agit d'une part de la création d'unités communautaires de production des intrallts agricoles, la réalisation dUne infrastructure de base nécessaire à l'expansion de l'agriculture, comme les aménagements hydro-agricoles et les routes qui ne sont pas financièrement à la portée des États pris isolément ; et d'autre part de l'instauration de structures de défense et de stabilisation des prix des principaux produits agricoles, pour la préservation des recettes fiscales publiques, mais aussi du pouvoir d'achat des agriculteurs. La première préoccupation renvoie aux conditions d'amélioration de la productivité et des rendements agricoles, elles mêmes liées à la modernisation de l'agriculture. Le recoupement de certaines statistiques de la FAO permet d'établir cet état comparatif des rendements en Afrique et en Asie: T a bl eau 11 : C ompar81S0n des ren d ement s : AI" r1Gueet As"le Swface en nùllions d'ha T<ùI Céréal es Riz Mil Sorgho Mais Afrique 58,4 5,1 17,5 17,2 14,7 Asie 307 ISO 20,1 19,2 38,6 Rendement par Quintaux / ha Afrique Asie 10 26 14,7 34 7,3 7,6 8,6 9,6 27,7 12,9 Production en nùllions de tonnes Afrique 58,2 7,5 12,7 14,8 18,9 Asie 797 441 15,3 18,4 107 Source: SMIARlFAO-USDA Il ressort de ce tableau que la production par tête d'habitant en Afrique est de 130 kg alors que pour l'Asie, elle est de 266 kg pour une population trois fois plus importante que celle du continent africain. On peut se poser la question de savoir pourquoi l'Afrique ne peut pas obtenir des résultats proches de ceux de l'Asie? Les réponses sont à chercher dans l'utilisation des facteurs de production (fumure animale, engrais, culture attelée, irrigation etc.), le développement de la recherche agronomique, la modification des systèmes de culture. Du point de vue de l'irrigation, l'Asie (soit une population de 2,7 milliards) cultive actuellement plus de 150 millions d'hectares sous irrigation alors que l'Afrique (avec une population de 800 millions) n'en irrigue que 8 millions. Les différences de rendement que voilà expliquent que l'Asie exporte en Afrique de l'Ouest des produits agro-alimentaires et devient aussi un concurrent important pour certaines cultures de rente: café pour l'Indonésie, cacao pour la Malaisie et coton pour la Chine. Les enjeux et défis sont assez importants pour imposer l'instauration des bases d'une véritable politique agricole commune. Dans ce domaine, la leçon de l'Union Européenne est édifiante car dès 1988, le développement du monde rural a été considéré comme un objectif prioritaire dont la réalisation s'est opérée sur la base de trois principes. Le premier principe concerne la sélectivité qui consiste - 140- à repérer les pôles utiles de développement et à délimiter les territoires pertinents pour l'action. Le deuxième principe a trait à la solidarité car les ressources humaines et financières ne vont pas vers l'agriculture et ses sous-secteurs les plus faibles. Il fuut alors que la solidarité s'organise pour donner des chances aux secteurs du bas. Le troisième principe se rapporte au partenariat entre tous les acteurs du secteur. Techniquement, la PAC repose sur l'organisation des marchés, les préférences communautaires et la solidarité financière à travers les montants monétaires compensatoires. De la sorte, elle protège le revenu des agriculteurs et assure la sécurité alimentaire de l'Union. La PAC absorbe les 3/4 des ressources de la Communauté par le biais du Fonds Européen d'Orientation et de Garantie Agricole (FEOGA). On peut prolonger cette réflexion au niveau du systéme américain réputé comme modèle libéral, donc régi par les lois du marché. La réalité est tout autre. En effet, la politique agricole américaine est définie depuis 1933 par des lois cadres pluriannuelles appelées « farms bills ».Elles sont caractérisées par trois séries de paramètres pour les grandes cultures: les prix, la régulation de l'offre et les aides à l'exportation. En matière de prix, le « Loon rate» est en réalité un prix plancher à coté du « target prisse» qui est un prix cible supérieur, la différence (deficiency payment) est une subvention publique. En matière de commerce extérieur, les États-Unis sont dotés d'un autre instrument qui est le programme EEP (Export Enhancement Program) qui est une subvention du Trésor américain aux exportations. Dans le Farm Act de 1990 ces subventions étaient évaluées à 5 milliards de dollars par an. L'avantage du système américain est sa souplesse. De plus par rapport à l'UE, les modes de financement sont différents: dans le cas américain, le contribuable paie le dificiency payment alors qu'au niveau de l'UE, c'est le consommateur qui supporte la différence entre le prix garanti et le prix du marché international. Il faut être très attentif à ces mécanismes dans le cadre de l'élaboration d'une politique agricole commune, pour permettre de résoudre l'inévitable dilemme PAC-ûMC. C'est autour de l'idée force d'instauration d'une nouvelle politique agricole commune que s'étaient rencontrés les Ministres de l'agriculture des pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre les 18 et 19 mars 1992 à Dakar. Les propositions élaborées sont encore d'une grande actualité pour la formalisation d'une politique agricole commune. Elles s'organisent autour de deux axes fondamentaux: la création d'un marché agricole intra-régional ; une approche concertée des marchés internationaux pour les principales filières d'exportation. Ces propositions qui visent trois objectifs: mieux produire, mieux négocier et mieux vendre, ont été présentées à la communauté internationale des bailleurs de fonds. Elles concernent: les grandes filières régionales: bétail/viandes, céréales, oléagineux; la compétitivité des produits d'exportation sur le marché mondial : café, cacao, coton, oléagineux ; les mesures d'accompagnement: échanges d'informations, crédit, recherche / formation / vulgarisation, organisations socioprofessionnelles, gestion des ressources naturelles et problèmes fonciers ; les productions « moins dominantes» produits halieutiques, fruits et -141· légumes, ... l'environnement politique: ajustement structurel, monnaie, ... Du point de vue des marchés régionaux du bétail et des céréales, l'essentiel des mesures proposées vise à créer les conditions d'un libre échange (suppression des taxes intérieures, amélioration des transports, harmonisation des protections aux frontières, ... ). Au niveau de la promotion des exportations, les mesures portent sur la réduction des coûts à tous les niveaux des filières dont la gestion serait professionnalisée, l'atténuation des fluctuations des prix et un paiement intégrant la qualité, l'utilisation de techniques modernes de vente. La deuxième préoccupation concerne les problèmes relatifs aux institutions, aux diverses incitations et à la lancinante question de la protection qui ne peut trouver une solution que dans un processus d'intégration. Le libéralisme triomphant a réussi à exclure officiellement deux instruments de politique agricole: la protection et les subventions, si bien que leur simple évocation contrevient aux idées et principes économiques dominants. Or, aucune agriculture ne s'est développée sans protection. En Europe comme aux États-Unis la protection est encore incontournable et fait l'objet d'âpres négociations au sein de l'OMe. n en va de même pour les subventions. En prenant l'exemple du riz, pour se maintenir sur le marché mondial malgré des coûts de production beaucoup plus élevés que ceux de ses concurrents asiatiques (Thaïlande, Vietnam, Cambodge, Inde) et pour assurer la pérennité de leur industrie rizicole, les États-Unis mettent en œuvre une politique (Food Security Act) extrêmement coûteuse de subventions qui peut représenter jusqu'à 60% du prix au producteur. Plus de la moitié des exportations de riz américain bénéficient de programmes spécifiques: aide alimentaire, crédits ou subventions directes, prêts particuliers avantageux comme par exemple les « Marketing Loans ». Dans une politique commune, il devient possible d'entrevoir les subventions dans les limites des gains de productivité. Une politique communautaire dans le domaine de l'agriculture passerait par la création d'unités communautaires et l'industrialisation au service de l'agriculture. 10) La création des unités communautaires au service du développement de l'agriculture Le secteur agricole de l'Union, en l'état actuel de ses structures et de ses infrastructures, serait totalement inapte à réaliser les performances nécessaires à l'instauration de l'autosuffisance alimentaire pourtant impérative. L'intégration devrait y aider par la mobilisation des moyens d'une révolution verte, c'est-à-dire une transformation profonde des conditions de production et de travail au sein du secteur rural à telle enseigne que la production puisse augmenter aussi bien en quantité qu'en qualité. Elle peut se fuire en rendant disponible l'eau, les fucteurs de production et les variétés à très haut rendement qui contribuent à l'augmentation de la production et de la productivité du travail agricole. - 142- -L'entreprise communautaire, facteur d'exploitation et de gestion de la politique hydraulique Incontestablement, l'eau est le principal facteur limitant de l'accroissement de la productivité et l'absence de sa maîtrise fait supporter aux producteurs des risques qui ne permettent pas de lancer durablement un processus d'intensification de la production. Les expériences de développement montrent que la culture irriguée entraîne une forte élévation des rendements en offrant: une meilleure maîtrise de l'approvisionnement en eau ; la possibilité de pratiquer plusieurs cultures ; l'utilisation de variétés améliorées qui rentabilisent l'emploi d'intrants. Mais surtout, l'irrigation atténue le risque climatique. Pourtant sa maîtrise totale entraîne des coûts d'investissement incompatibles avec les capacités de financement des États isolés. Les ressources hydrauliques de l'Afrique de l'Ouest sont considérables et doivent être exploitées dans le contexte d'une sécheresse persistante, d'une pression démographique croissante et d'une recherche de l'autosuffisance 67 alimentaire . L'Afrique de l'Ouest du point de vue géographique, coïncide avec les quinze pays suivants: le groupe des quatre pays sahéliens (le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Sénégal) et le Cap-Vert qui occupe quelques îles au large des côtes de l'Atlantique; les dix autres pays qui s'étendent vers le Sud et le SudOuest entre le groupe sahélien et la Côte Atlantique: le Bénin, la Côte d1voire, la Gambie, le Ghana, la Guinée Bissau, la Guinée Conakry, le Libéria, le Nigéria, la Sierra Léone et Je Togo. Si le régime des précipitations est contrôlé dans chaque région géographique par des particularités climatiques, il n'en va pas de même pour le réseau hydraulique qui dépend des reliefS. Dans ce sens, observe CIUBAT ARIU (1986), les précipitations sont divisées par la ligne de partage des eaux en deux parties : des rivières qui coulent vers le Sud sur des chemins relativement courts jusqu'à la Côte Atlantique et des cours d'eau qui se dirigent vers le Nord, sur des chemins sinueux et beaucoup plus long car contrôlés par le relief généralement plat des pays de la zone sahélienne(68). Les eaux de surfàce sont non seulement accessibles à tous les pays de la sous-région, mais sont aménageables au profit de tous. En plus, elles ont la particularité de receler d'importantes potentialités hydro-énergétiques dont peuvent bénéficier les secteurs agricole et industriel dans un processus intégré de développement économique et social. L'aménagement des bassins qui était inscrit dans les priorités de développement de chacun des pays, mais souvent rendu impossible par l'ampleur des capitaux à immobiliser, va pouvoir se réaliser grâce à une coopération entre les États qui partagent les eaux des différents lacs et fleuves de la région; c'est le cas notamment des organisations de mise en valeur dont l'objectif est Moustapha KASSE : Le développement par l'intégration, Dakar, NEAS, avril 1991, p. 108. 68. V. CIUBATARlU : Aspects généraux et remarques conceptuelles pour une évaluation comparative. Colloque sur l'Aménagemenl des bassins, IDEP, juin 1986. - 14367.. l'exploitation communautaire du potentiel hydrologique en vue du développement à grande échelle de cultures irriguées et de la solution de l'épineuse question énergétique. Étant donné que l'option nucléaire n'est pas envisageable pour l'Afrique de l'Ouest, en l'absence de consommateurs importants et concentrés, il reste alors la valorisation des ressources hydroénergétiques identifiées dans les bassins de l'Ouest-africain qui représentent une superficie et un potentiel aménageable très importants pour l'avenir. S'y ajoutent les disponibilités dans d'autres pays à vocation agricole comme la Côte d'Ivoire, la Guinée, certaines régions du Nigeria(69). Cependant, l'exploitation nécessitera la construction de certains ouvrages de régulation, notanunent la nùse en service de grands barrages et de structure d'exploitation des périmètres irriguées. Si cela était réalisé, avec des rendements en céréales de l'ordre de 8 tonneslha, il suffirait 600.000 ha de cultures irrigués pour couvrir les besoins vivriers en riz de l'ordre de 1.300.000 tonnes, en blé de l'ordre de 500.000 tonnes et en sucre de l'ordre de 600.000 tonnes(70). Dès lors, la maîtrise totale de l'eau se présente comme solution unique pour atténuer les conséquences de la crise agricole induite par de longs cycles de sécheresse et de désertification. A travers une nouvelle logique d'exploitation rationnelle et optimale, le nùlieu naturel va retrouver son rôle traditionnel d'allié et non d'obstacle au développement. A l'échelle des États, cette irrigation comporte quatre contraintes d'ordre financier, technique, de politique agricole et de gestion et de fonnation. La contrainte majeur est constituée des enjeux fonciers qui ne peuvent se résoudre adéquatement que dans un processus d'intégration. Sur le plan financier, les aménagements hydro-agricoles ont des coûts extrêmement dissuasifs qui dépassent largement les capacités de financement des États. A titre d'illustration, les projets de développement intégré de l'Organisation de la Mise en Valeur du Fleuve Gambie (OMVG) consistant en la construction de deux barrages (Kekreti et Yelitenda), en la nùse en valeur de quelques 110.000 ha et en la transfonnation du Fleuve en voie navigable, implique un investissement d'environ 270 nùllions de dollars(71) soit près de 37% du PNB du Sénégal ou 87% de celle de la Gambie. fi est clair que de tels investissements ne peuvent être envisagés avec les ressources propres des pays qui sont en déséquilibre durable. TI en va de même pour les projets de l'Organisation de Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) avec deux ouvrages (Diarna et Manantali) coûtant respectivement 190 et 700 nùllions de dollars avant la dévaluation du FCFA de 1994. Concernant le Fleuve Niger, les seules études de nùse en valeur ont coûté 27 nùllions de dollars en 1994 et l'aménagement des vallées des Voltas a nécessité un investissement de 60 nùlliards de FCFA selon Sophie BESSIS(72). Naturellement, de tels investissements excèdent les ressources et les capacités financières des États pris isolément. C'est cette difficulté qui impose la création 69. SCET INTERNATIONAL: Essai de réflexion sur les stratégies anti-sécheresse possibles. Le rapport synthèse, janvier 1976. On pense qu'il faudrait plutôt une surface irriguée d'environ 950.000 ha pour pouvoir couvrir tous les besoins à partir de l'an 2000 et au~elà. 70. Moustapha KASSE : Le développement par l'intégration, NEAS, avril 1991, p. 109. 71. Avant la dévaluation de 1994. 72. L'arme alimentaire: op. cil, pp. 110-11. -144 - d'organisations communautaires pour l'aménagement et l'exploitation des bassins fluviaux et lacustres, par la construction et la gestion de grands barrages hydroélectriques. La politique de mise en valeur commune sera facilitée par la multi-nationalité des grands bassins fluviaux aménageables dont les caractéristiques ressortent dans le tableau qui suit: Tableau 12 : Bassins fluviaux aménageables en Afrique de l'Ouest Bassins fluviaux Gambie Superficie en kJn2 Longueur en Etats concernés km 77.850 1.200 Gambie, Guinée, Guinée Bissau, Sénégal 1. 500.000 4.200 Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d'ivoire, Guinée, Mali, Niger, Nigéria, Tchad. Sénégal 338.000 1.760 Guinée, Sénégal. Volta 400.000 1.625 Bénin, Burkina Faso, Côte d'ivoire, Ghana, Mali, Togo. Tchad 2.500.000 750 Niger Mali, Mauritanie, Cameroun, Niger, Nigéria, Tchad Crée en 1962, la Volta River Authority (VRA) avait ouvert la voie d'une coopération entre pays riverains et d'un partage des avantages. Cette option a été affirmée par le Dr KWAMÉ NKRUMAH lorsqu'il déclarait à l'inauguration du projet d'Akossombo le 22 janvier 1966 « nous sommes disposés et prêts à fournir de l'électricité à nos voisins ». Dans cette direction d\mité et de coopération, la VRA réorientait le projet vers la production de l'électricité destinée aux besoins productifs des pays voisins: Bénin, Côte d1voire et Togo. C'est le 22 août 1969 qu'un accord a été conclu entre la VRA et le CEH (Bénin et Togo) pour l'alimentation en électricité du Togo et du Bénin à partir des installations d'Akossombo. Les travaux ont débuté en 1970 pour être achevés en 1972. En ce qui concerne le financement, les trois gouvernements ont accepté une approche conjointe des bailleurs de fonds et des institutions de financement. Ainsi, le Canada à la demande des trois pays, a accepté de financer l'ensemble du projet. Cet accord a été considéré comme un modèle de coopération et devrait servir d'exemple au Ghana et à la Côte d1voire désireux d'exploiter leurs potentialités énergétiques. En janvier 1975, la VRA et l'EECI (Énergie Électrique de Côte d'Ivoire) signent un protocole d'accord visant le renforcement de la coopération entre les deux pays à travers l'utilisation maximale des ressources électriques grâce à la construction d\me interconnexion. A partir de ces expériences, les conceptions de mise en valeur des Bassins vont se développer, surtout que les bassins aménageables de l'Afrique de l'Ouest ont un caractère international, ce qui fàcilite leur exploitation interétatique. On se rend compte que les ressources hydrauliques considérables -145 - d'Afrique de l'Ouest ne peuvent être exploitées que dans le cadre dUne coopération régionale qui s'organise autour d'objectifs économiques communs. Le développement agricole, l'autosuffisance et la sécurité alimentaires resteront des objectifs illusoires sans une politique cohérente d'irrigation et d'électrification des zones rurales. Or, cette exploitation des ressources hydrauliques n'est possible et rentable que dans un cadre communautaire qui permet d'alléger le fardeau des immobilisations financières et des dépenses récurrentes. Par ailleurs, les problèmes techniques qui se manifestent dans la maintenance des équipements, la conception et le financement des aménagements, ainsi que l'intensification des cultures, trouvent de meilleures réponses dans la mise en valeur communautaire intégrée. C'est naturellement au niveau des politiques agricoles que l'intégration sera indispensable pour les États. En effet, tant que ceux-ci restent isolés, les politiques agraires se heurteront toujours à des contraintes qui proviendront de l'exiguïté de l'espace national, de la faiblesse des ressources matérielles, humaines et financières, du faible pouvoir de négociation sur les marchés financiers extérieurs et les places de commercialisation des productions locales. Quelles que soient la qualité et même la pertinence de ces politiques agraires, elles sont vouées à l'échec avec de telles contraintes. Le cadre régional devient le lieu de solutions des différentes contradictions et contraintes qui bloquent l'avènement dUne agriculture performante. n crée une zone d'efficience et de cohérence qui contourne les divers obstacles. De plus, la coopération régionale rend possible la mutation du paysan (accoutumé aux techniques culturales traditionnelles) en un agriculteur moderne. Elle autorise la mise sur pied de systèmes de commercialisation avec des prix plus rémunérateurs. Dans chacun des États, les politiques agricoles ont entraîné des différenciations sociales entre une élite paysanne qui a profité techniquement et économiquement de la modernisation et une majorité de paysans appauvris et marginalisés. La régionalisation pourrait apporter des correctifs aux différentes distorsions. L'aménagement des bassins et la formation des cadres dUne agriculture en voie de modernisation trouvent leurs meilleures solutions à ce niveau régional. La mise en valeur des ressources sera conçue de façon à avoir un impact optimal sur les fàcteurs limitants du développement de la sous-région, à servir de support aux productions des régions avoisinantes et à renforcer les complémentarités entre les différentes régions des trois États(73). Les avantages liés à l'entreprise multinationale de gestion régionale de la politique hydraulique ressortent bien à travers l'expérience sur beaucoup de points exemplaires de l'Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) qui est en la matière un modèle original et réussi. Au départ, des réserves étaient émises sur le projet, au double plan de sa rentabilité économique et de l'ampleur de ses effets écologiques. Au niveau économique, on avait craint que les coûts d'aménagement par hectare ne fussent excessifs, voire complètement dissuasifs. Dès lors, ils ne pouvaient nullement, disait-on, être rentabilisés par les systèmes de production agricole actuels caractérisés par leur 73. Assane DIOP : Objechfs et Orientahons de la Planification du développement régional intégré du Bassin du Fleuve Sénégal, illEP, juin 1986, p.65. - 146 - arriération et par l'extrême faiblesse de leur rendement. Cet argumentaire manque de profondeur car les surfaces aménagées par l'OMVS sont les moins coûteuses en Afrique de l'Ouest. La création d'une entreprise régionale de la dimension de l'OMVS est un progrès incontestable dans la mesure où les États disposent d'un potentiel irrigable suffisant, à partir duquel trois groupes de cultures peuvent se développer : vivrières (riz, maïs, sorgho) industrielles (canne à sucre, tomate industrielle) et fourragères (sorgho, maïs fourrager, niébé). La couverture des besoins nécessite la mise en place de politiques agricoles disposant d'un réseau d'irrigation et bénéficiant de ressources matérielles et financières appréciables. La mise en valeur de la vallée dans le cadre d'une économie intégrée devrait pennettre d'abord la production vivrière (dans l'optique de la culture irriguée céréalière), ensuite la production fourragère (pour la restructuration de l'élevage) et enfin l'exploitation minière et l'industrialisation. Cette politique globale devrait induire une amélioràtion des revenus des producteurs, une réduction de la vulnérabilité des économies vis-à-vis des facteurs climatiques et une accélération du développement économique et social. De tels objectifs ne seraient jamais atteints si les pays de la région devaient compter exclusivement sur leurs ressources internes. L'intégration se présente alors comme un instrument de lutte contre la famine et la dépendance. Elle devient non pas un simple objectif mais un impératif de suivie. Toutefois, il faut noter qu'à ces effets agricoles s'associent d'autres effets comme le développement des ressources énergétiques, le développement des transports et le développement industriel. En conséquence, des unités régionales comme l'OMVS, l'OMVG, la Mano River Union doivent être créées, multipliées et renforcées autour des fleuves porteurs de vie. Il importe d'œuvrer avec rigueur pour leur réal isation, leur consolidation et leur succès. Elles seules peuvent pennettre aux États d'Afrique de l'Ouest de réussir des politiques agraires capables de satisfaire une demande exponentielle de biens alimentaires et de diversifier également la production. Il est totalement inexact de penser que la démultiplication de ces organisations conduit à l'inefficacité et à la dispersion des moyens. En réalité, ces organisations sont assez spécialisées et ne conduisent pas forcément au double emploi. Il faudra simplement accroître leur efficacité, articuler davantage leurs actions autour de rigoureux plans et procéder à une coordination de leurs activités. - Les unités communautaires dans la production, la commercialisation et la distribution des facteurs modernes de production agricoles Si la réalisation des objectifs quantitatifs des plans en matière agricole nécessite une maîtrise de l'eau, elle exige aussi l'utilisation de facteurs modernes de production agricole: engrais, matériels agricoles, produits phytosanitaires, etc. Ces facteurs constituent des consommations intennédiaires nécessaires à l'intensification du développement agricole. Comme dans les autres domaines, c'est la nécessité qui pousse à l'établissement d'une politique communautaire. - 147- Un rapport de la défunte CEAO avait établi une évaluation assez exhaustive des besoins en facteurs pour l'horizon 2000(74). Ces besoins se structurent de la façon suivante : a) Pour les engrais Dans la zone de savane, au sud du Sahara, il faut en moyenne 100 jours de travail pour produire 0,5 tonne. de céréales par hectare. Au niveau des pays développés du Nord, la productivité du travail est 1000 fois supérieure. Le problème des engrais explique en partie cet énorme fossé dans les rendements. Ainsi, pOUT nowrir les 820 millions d'Africains, il faut multiplier par 5 ou 6 la demande d'engrais, quantité qui dépasse de loin les possibilités de production. À partir de documents nationaux relatifs à l'agriculture, nous avons synthétisé dans ce tableau les besoins en volume et leurs coûts. Tableau 13 : Les besoins estimatifs d'engrais dans l'UEMOA Pays Niger Mauritanie Burkina Faso Côte d'Ivoire Sénégal Tonnage Coûts 200 à 220.000 T 25.000 T 200 à 220.000 T 1.000.000 à 1.400.000 T 320 à 365.000 T 18 rrùlliards F.CFA 2,5 rnilliardsF.CFA 20 rrùlliards F.CFA 45 à 64 milliards F.CFA 20 à 24 rrùlliards F.CFA On obtient ainsi une demande d'engrais dont le volume se situerait entre 2.045.000 à 2.530.000 tonnes pour une valeur comprise entre 128 et 165 milliards de F.CFA pour des pays qui accusent de lourds déficits budgétaires. Ces besoins d'engrais constituent un volume minimal si les États veulent simplement assurer leur autosuffisance alimentaire et maintenir l'expansion des cultures d'exportation. Pourtant, la situation actuelle du marché des produits alimentaires commande que l'on dépasse ces objectifs. La monopolisation excessive du marché des céréales entraînera dans les prochaines décennies des coûts insupportables pour les économies déficitaires d'Afrique de 1'0uest<7S), étant donné que la demande de produits alimentaires sera de plus en plus pressante. Ces pays seront alors condamnés à accroître leur volume de production; ce qui nécessitera une utilisation à très grande échelle des fertilisants et une rationalisation des formes d'exploitation. L'usage des engrais s'imposera d'autant plus que les terres sont sownises à un processus accéléré de dégradation du fait des systèmes et formes de production, du faible recours aux techniques modernes, de l'érosion des sols, des feux de brousse et des méthodes particulières de l'élevage intensif. b) Pour le matériel agricole Les besoins en tracteurs sont immenses du fait de la faible motorisation agricole. Le niveau réel du parc dépendra du degré d'intensification agricole. Quoi qu'il en soit, la mécanisation et la motorisation restent des éléments 74.. CEAO : Production, commercialisation et distribution de facteurs de production aricole dans les États de la Communauté. Étude réalisée en 1980. 7 Moustapha KASSE, Le Développement par l'intégration, NEAS, avri11991, p.123. - 148- détenninants dans l'accroissement de la production et de la productivité du travail agricole. La production domestique de ce matériel est nécessaire car les engins importés sont souvent inadaptés aux terrains et aux sols(76). c) Pour les produits phytosanitaires La demande est encore extrêmement faible par rapport à l'importance du marché. Un tel marché pennet d'entrevoir de véritables perspectives d'une industrialisation basée sur la fabrication des outils pouvant améliorer les conditions de travail agricole dans un secteur vital du développement économique et social. Ce domaine d'industrialisation améliorera aussi les aptitudes techniques des producteurs directs. EUe est une exceUente perspective qui s'offre aux États concernés qui, avec leurs maigres ressources financières, ne peuvent supporter une importation massive de ces fàcteurs de production sans préjudice pour les recettes en devises déjà fortement éprouvées. La création d'unités communautaires de fabrication et de commercialisation des facteurs de production pennet aux États de disposer sur leur espace régional et aux moindres coûts, des moyens indispensables à l'extension des bases de l'agriculture. De même, ils pourront conserver une part de leur valeur ajoutée découlant des investissements. À ce niveau, on peut envisager trois unités communautaires de fabrication d'engrais, de matériels agricoles et de produits phytosanitaires. Il importe, en créant ces unités communautaires, d'intégrer les entreprises nationales qui existent déjà, puis d'ouvrir le capital social aux autres États membres qui ne disposeraient pas d'unités nationales, ainsi qu'à toute autre entreprise nationale ou étrangère intéressée. Dans le secteur des engrais, il existe à l'échelle de l'UEMOA deux pays producteurs, le Sénégal et la Côte d'Ivoire, qui ont déjà mis en place les ICS et la SIVENG. Du fuit que la Côte d1voire ne dispose pas en la matière de la meilleure dotation factorielle naturelle, l'U1Ùté communautaire de production d'engrais pourrait être installée au Sénégal où elle profiterait des ressources en phosphates ainsi que de l'infrastructure portuaire de Dakar. Aujourd'hui, les ICS occupent la première place dans les exportations sénégalaises et fournissent près de 32 milliards de la valeur ajoutée en 1998. Les autres États contribueront au capital social pour permettre à la Société Communautaire de production d'Énergie (SCPE) de réaliser les investissements nécessaires pour Satisfuire la demande régionale en croissance régulière. Une fois ces préalables acceptés, les études techniques pourront déterminer le volume des capitaux à mobiliser, les modes de commercialisation et les modalités de partage des bénéfices. Disons simplement qu'une telle unité pennettra aux États de disposer d'abord de la quantité nécessaire et d'avoir une politique plus adéquate en la matière (en évitant des duplications préjudiciables pour la sous-région). Une U1Ùté communautaire de production de Matériel Agricole (UCPMA) doit être mise en place dans les mêmes conditions; et elle pourrait articuler les entreprises nationales existantes : la SISMAR (Société Industrielle de Matériels Agricoles) qui a pris le relais de la SISCOMA (créée au Sénégal 76. Idem. - 149- depuis 1961), la Société Malienne d'Études et la Construction de Matériel Agricole créée en 1974, l'IVüIRE-oUTlLS. Il existe d'autres sociétés de moindre importance dans les autres pays. Leur fusion devrait être réalisée. Les objectifs de cette unité communautaire de production de matériel agricole (UCPMA) seraient de produire un matériel parfaitement adapté et à des prix compétitifs. Pour cela, des études techniques complémentaires seraient nécessaires pour déterminer la répartition du capital social mais aussi des bénéfices. Cette unité pourrait alors concevoir et produire un tracteur léger pour les États de la Communauté et qui serait multifonctionnel et attelable à n'importe quel outil agricole: secteur de charrue, herse, etc. Ces analyses, bien que rapides, montrent que les crises des agricultures ouest-africaines relèvent de l'existence d'un ensemble structuré d'obstacles que seul un processus large et organisé d'intégration peut lever définitivement, même si l'on conçoit aisément qu'une politique régionale n'est pas le substitut mais le complément indispensable des politiques agraires nationales, d'où l'importance du projet UEMüA Ces politiques nationales devraient indiquer très précisément et très clairement: - la place de l'agriculture dans la stratégie d'accumulation productive interne ; - les structures d'encadrement et de gestion des exploitations et les différents enjeux fonciers ; - la fixation planifiée des objectifs à atteindre et des moyens nationaux mobilisables pour les atteindre; - la politique des prix agricoles et de distribution des revenus. Ainsi, il est clair que l'agriculture est indissociable d'une industrialisation forte et dynamique. 20) Une industrialisation au service de l'agriculture Toutes les expériences évoquées de l'industrialisation d'importsubstitution ont apporté la preuve que ce modèle non seulement n'exploite pas les ressources locales, mais n'accroît pas le savoir-fuire de la société. De plus, il immobilise des capitaux trop lourds pour satisfaire principalement la demande de la minorité privilégiée. Dès lors, son apport à la croissance et au progrès social est limité ce qui se révèle entre autres dans sa faible valeur ajoutée au produit national. Une industrialisation en profondeur est indissociable de l'agriculture. Celle-ci se présente comme une réserve de main-d'œuvre pour le secteur industriel, un débouché pour ses produits et une source d'accumulation. Dans le processus de transformation et de restructuration du secteur rural, la demande de biens industriels s'accroît et concerne les branches prioritaires (pétrochimie et mécanique) qui contribuent toutes à l'élévation de la productivité dans le secteur agricole. La politique industrielle régionale devrait donc partir de l'agriculture. Les analyses précédentes ont trop largement établi que l'agriculture a besoin en amont d'industries mécaniques (machine, outils agricoles) d'industries chimiques (engrais, pesticides) et pharmaceutiques (produits phytosanitaires). Le problème consiste alors à créer des unités communautaires de production de ces - 150- fucteurs dont la distribution est principalement effectuée par les États qui jouent un rôle important dans les entreprises de production des intrants. Dans tous les pays ouest-africains, les conditions de production marchande n'ont pas pris racine en investissant le procès de production et le procès de travail et en imposant leurs formes propres. Elles sont restées en surface, créant une sorte de capitalisme formel dépourvu de dynamisme(77). Dès lors, des fonctions trop importantes en matière de promotion du développement rural et de transfonnation étaient imparties à l'État qui accomplissait des missions importantes dans la modernisation et l'expansion du secteur agricole. L'État assumait ainsi des rôles qui étaient traditionnellement dévolus soit aux paysans individuels, soit aux acteurs économiques privés. Cette forte présence de l'État dans l'agriculture est un fucteur favorable à l'élaboration d'une politique commune, qui devrait s'appuyer sur l'industrialisation rurale dont l'objectif est double : valoriser les ressources et offiir les moyens d'une élévation de l'efficacité de la production et du travail dans l'agriculture. En aval, l'agriculture permet la promotion des industries agroalimentaires. Généralement, de telles industries requièrent une technologie très peu onéreuse, peu sophistiquée et se prêtent parfaitement au développement rural décentralisé. Elles peuvent constituer, en conséquence, un élément essentiel d'une stratégie défensive pour les pays en voie de développement. Ces pays peuvent trouver à court terme dans les industries agroalimentaires des potentialités de développement d'une industrie légère pour le 8 marché intérieuF ). Elles fourniraient des produits plus fonctionnels, plus adaptés au niveau des revenus, aux goûts et aux habitudes de consonunation. De ce point de vue, on peut parfaitement penser à des unités communautaires dans les domaines du textile, du cuir, de la pharmacie, de l'huilerie et de la savonnerie. Les avantages relatifS des pays de la sous-région en particulier et du Tiers-Monde dans ces sous-secteurs sont confirmés par les processus de décolonisation qui leur affectent des segments de production qui sont du reste à la base de la forte croissance des Nouveaux Pays Industriels d'Asie du Sud Est et d'Amérique Latine. Les pays ouest-africains doivent tirer parti de toutes ces tendances et les exploiter dans leur schéma d'industrialisation. Un autre avantage de telles industries réside dans le fait qu'elles peuvent fuciliter l'exportation de produits agricoles à plus forte valeur ajoutée et éviter le recours aux importations en provenance des pays développés qui incorporent des coûts de fabrication élevés. Il - Parachever l'édifice institutionnel Les questions institutionnelles et d'organisation bien qu'importantes sont souvent sous-analysées. Dans les débats qui les concernent, les économistes sont totalement exclus. n est vrai qu'eux-mêmes ont considéré ces questions comme secondaires et relevant à la limite de la théorie de la boîte noire. Les recherches Moustapha KASSE, op. cil., p. 169. 1.1. ROBERT: Les géants de l'agro-business. Dossier sur les industries agroalimentaires. Revue Économistes du Tiers-Monde, nO 50. -151 - 77. 78. récentes (f. VEBLEN, V. HAYECK, K. ARROW, R COASE. O. WlLIAMSSON) ont relancé les enjeux de la théorie des organisations et des institutions et ont pennis de mettre en évidence ce fuit. Les relations économiques et financières sont profondément structurées par les cadres institutionnels qui les régentent et les gèrent, de sorte qu'on ne sawait concevoir les unes sans analyser les autres(79). Les institutions peuvent être définies à la fois sur le plan du droit, de la sociologie et de l'économie. Elles sont alors comprises conune un ensemble de règles socio-économiques, mises en place dans des conditions historiques sur lesqueUes les individus ou les groupes d'individus n'ont pour l'essentiel guère de prise, dans le court et le moyen terme. Du point de vue économique, ces règles visent à définir les conditions dans lesquelles les choix individuels ou collectifs d'allocation et d'utilisation des ressources pourront être effectués. Cela confère aux institutions un rôle-elef de régulation des fonctions et mécanismes économiques en vue de choix optimaux. C'est pourquoi, il faut leur donner des pouvoirs, des procédures et des règles suffisants pour prendre des décisions adéquates et efficientes. Dans toutes les dynamiques d'intégration, en Afrique comme ailleurs, les problèmes institutionnels revêtent une grande importance du fuit des missions économiques, financières, politiques et sociales imparties aux organisations. Généralement, le schéma institutionnel est inspiré du modèle de l'Union européenne avec une Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement, un Conseil des Ministres, des Comités techniques dans les principaux domaines d'activités, une Commission Exécutive ou alors un Secrétariat Exécutif plus ou moins bien étoffé. Dans le cadre de l'Union Économique et Monétaire OuestAfricaine, l' édifice institutionne~ à la différence par exemple de la SADCC est très fortement calqué sur celui de l'Union Européenne. Mais il faut rappeler que depuis la signature de l'Acte Unique en 1986, le dispositif institutionnel s'est profondément modifié avec l'existence et le fonctionnement d'un réel pouvoir supranational. L'Exécutif est représenté par le Conseil des Ministres et la Commission. Cette dernière est complètement indépendante et dispose de pouvoirs étendus de propositions et de décisions qui s'imposent aux États membres. Le Conseil Européen est composé des Chefs d'État et de Gouvernement qui se réunit deux ou trois fois l'an pOùt fixer les grandes orientations stratégiques et se prononcer sur des questions urgentes d'intérêt communautaire et cela sans règles formelles. Quant au Conseil des Ministres, il a la même périodicité de réunion et arrête ses décisions à la majorité qualifiée. Il règle les afiàires courantes. Ce rappel est indispensable pour bien montrer les limites des copies africaines de l'union européenne. Manifestement, les questions relatives à la supranationalité et à la règle de la majorité qualifiée sont totalement évacuées dans les institutions africaines de gouvernance de l'intégration, au profit d'une omniprésence de la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement, instance suprême qui se réunit une fois par an pour résoudre les problèmes sownis par le Conseil des Ministres et pour désigner en son sein le Président en exercice de l'Union. Cette structure est non seulement inefficace mais surtout, elle porte ombrage aussi bien au Conseil des 79. C. MENARD :L'économie des organisations. Collection Repères, Paris 1990, P 17. - 152- Ministres qu'à la Commission. L'Afrique avancera plus vite dans la voie de l'intégration quand son dispositif institutionnel sera plus fonctionnel tout en disposant de pouvoirs plus étendus et plus autonomes. Dans ce sens, il importe de mieux se rapprocher du schéma européen en modifiant les modes de désignation de la Commission et en lui reconnaissant des compétences générales plus étendues dans tous les domaines d'activités de l'Union. Ainsi, la Commission serait responsable devant le Conseil des Ministres qui en fait deviendrait l'instance de commandement et de contrôle. Dans le même temps, il fàut parachever le dispositif institutionnel en spécifiant les compétences et les modes démocratiques d'élection des membres du Parlement de l'Union. A l'allure où vont les choses, 00 semble s'orienter clairement vers une désignation des parlementaires de l'Union. Que cette désignation soit faite à partir des propositions des parlements nationaux ne change rien au problème de la nécessité d'un Parlement élu au suffrage universel (ou populaire) sur la base d'un programme. En ce qui concerne r ordre juridique, les seuls articles 38 et 109 du Traité sont nettement insuffisants pour créer une communauté de droit. Dans des pays comme les nôtres, les fonctions assignées à la Cour doivent être mieux connues et toutes les compétences mieux affinnées. fi est bien évident que le partage entre les compétences nationales et les compétences communautaires doivent être réglées par les textes ou par le principe de subsidiarité. Également, les acteurs de l'intégration doivent connaître leurs droits en vue de mieux les faire respecter. C'est sans doute de la sorte que l'on fera évoluer le droit communautaire. La matière commence à s'accumuler avec les diverses expulsions d'immigrés en violation du droit de libre circulation et de libre établissement. fi en est de même pour les nombreux contrôles dont se plaignent les camionneurs souvent bloqués aux postes frontaliers sans considération auCWle pour le droit de libre circulation des biens. III - Prendre en charge la dimension sociale Contrairement à l'Acte unique européen, le Traité de l'UEMOA a complètement ignoré la question sociale. Pourtant pour des pays en développement caractérisés par des taux de chômage et de sous-emploi très élevés, de fortes inégalités sociales, des disparités de tous ordres entre pays et au sein des pays, entre les différentes régions, l'explosion urbaine, l'analphabétisme, la malnutrition, l'insécurité sanitaire, la progression du nombre de réfugiés, il fàut impérativement allier développement social et développement économique. En conséquence la prégnance de tels problèmes confère à la dimension sociale une importance capitale et essentielle. Les indicateurs sociaux et ceux du développement humain montrent l'ampleur des problèmes qui se posent au niveau de la quasi-totaJité des pays membres de l'Union, imposant l'urgence d'une politique sociale commune. Ces indicateurs sont les suivants, à partir d'un classement concernant 175 pays: - 153· Tableau 14 : Indicateurs sociaux de l'UEMOA PAYS Canada Côte d'Ivoire Bénin Togo Sénégal Guinée-Bissau Mali Burkina Faso Niger Sierra Leone Rang 1 145 146 147 160 163 171 172 173 175 Indicateur d'espérance de vie 0,90 0,45 0,49 0,43 0,41 0,30 0,36 0,36 0,37 0,14 Indicateur de niveau d'éducation 0,99 0,39 0,35 0,50 0,32 0,46 0,25 0,19 0,14 0,30 Indicateur dePIB 0,99 0,26 0,26 0,17 0,25 0,11 0,07 0,11 0,11 0,09 Indica leur du développemen t humain 1994 0,960 0,368 0,368 0,365 0,326 0,291 0,229 0,221 0,206 0,176 Source: PNUD: Rapport mondial sur le développement humain, 1997. L'Union a besoin de réduire le chômage, surtout celui des jeunes, d'améliorer à la fois le niveau de vie et les conditions de travail de ses citoyens et de renforcer les capacités compétitives de ses entreprises. Ces éléments se présentent alors comme des préalables à la croissance économique et à la création d'emplois. Ainsi va se poser l'urgente nécessité de construire un espace social. Les problèmes que soulève toute politique sociale communautaire sont de trois ordres: le chômage, les disparités et l'harmonisation des conditions de vie et de travail. En premier lieu, il yale chômage qui est le plus grand fléau affectant dans IlŒ pays la composante la plus dynamique: la jeunesse. La capacité à juguler ce phénomène réside dans la relance de la croissance et le développement. Le processus d'intégration par les économies d'échelle qu'il autorise, stimule la production, les échanges et génère des emplois durables. En second lieu, on observe au niveau des pays membres des disparités trop fortes qui font que les bénéfices et les coûts de l'intégration sont trop largement inégaux. Ce phénomène ne tàcilite pas la régionalisation. En conséquence, il importe d'œuvrer pour un développement harmonieux en renforçant la cohésion économique et sociale de tous les pays engagés dans le processus de régionalisation. C'est pourquoi il faut réduire les disparités de tous ordres et aider à combler les écarts de développement entre les divers pays membres. « L'harmonie n'est pas la réduction de tous au plus petit commun multiple: c'est un développement d'ensemble qui ne sacrifie ni les plus faibles en les enfonçant, ni les plus forts en les décourageant C'est une volonté de faire bénéficier les uns et les autres des fruits mieux répartis d'une croissance plus régulière)} (llO). En troisième lieu, la politique sociale doit permettre une harmonisation des conditions de vie et de travail des travailleurs des entreprises; ce qui implique l'instauration d'un dialogue social permanent entre les divers partenaires de l'entreprise. Cela pose de fuit le problème des normes sociales. Les orientations d'ensemble qui doivent présider à un politique sociale sont ainsi bien délimitées. On est alors mieux armé pour répondre à cette question: comment intégrer la dimension sociale dans la régionalisation en Afrique de l'Ouest ? La construction d'une Afrique de l'Ouest plus sociale ne passe pas seulement par l'adoption de règles sociales communes, mais aussi par l'institution Peter SUTHERLAND: PUF,1988, p.31 - 15490. r Janvier 1993 ce qui va changer en Europe, Édit. d'un véritable dialogue social ; ce qui suppose qu'émergent des acteurs sociaux africains, au niveau syndical et patronal par exemple. À long terme, l'objectif de l'UEMüA devrait être d'assurer une convergence des niveaux de vie entre les différents pays car c'est l'une des conditions de la convergence des niveaux de développement Si un alignement brutal sur les normes des pays les plus « riches» serait dangereux pour les pays les moins avancés de l'Union, la diffusion progressive de normes plus tàvorables sera aussi un moyen de contraindre les entreprises de ces pays à accroître leur productivité avec l'appui des politiques sectorielles communes, à utiliser plus rationnellement leur main d'œuvre en jouant SUT la formation et sur la qualification. Cependant, un modèle de ce genre ne peut fonctionner que si la croissance est au rendez-vous et que si le modèle social ouest-africain, qui associera protection sociale et dialogue social, ne sera pas remis en cause. Avec le développement du chômage et la pression en tàveur de la protection sociale et du marché du travai~ l'UEMüA va être toujours dominée par la logique du libéralisme économique ou alors va-t-elle réussir à réinvestir, par les règles et par le dialogue social, un espace réglementé où l'économie de marché est mise au service de toute la société? La comparaison des mesures nationales de politique de l'emploi est certes un moyen de mesurer la diffusion des « bonnes politiques », mais l'enjeu demeure de tàire accepter l'idée que la politique de l'emploi doit être un objectif central de la politique économique. Parallèlement, il tàut assurer la convergence des normes sociales qui ne peuvent plus être définies uniquement dans le cadre national, alors que l'espace économique ouest-africain est lancé dans un processus d'unification. Face à des entreprises qui pensent leur stratégie au niveau communautaire, voire mondial, on crée ainsi, pour les représentants des salariés, la possibilité de maîtriser les informations pertinentes sur leur entreprise et de nouer des relations entre salariés de la sous-région, contacts qui seraient susceptibles de déboucher sur des plates-formes revendicatives communes. Le renforcement des structures représentatives au niveau régional serait un élément essentiel, car il conditionnerait l'engagement de négociations entre partenaires sociaux au niveau de l'Union. Cependant, il faut souligner que la constitution d'un mouvement social régional suit avec retard la progression des entreprises de la sous-région qui sont, du reste, encouragées par l'instauration des politiques sectorielles communes. C'est dire que les syndicats nationaux, les mouvements de citoyens doivent être plus attentifs à ce qui se passe dans les autres pays de l'Union. Déjà, sous certains aspects, la monnaie unique favorise la convergence sociale en rendant plus aisées les comparaisons de prix et de salaires. Sa dimension symbolique devrait aussi contribuer à développer la conscience des salariés de la sous-région d'appartenir à une entité commune. Naturellement, le social, par nature, est bien différent de l'économique. La réalisation du marché commun a essentiellement consisté à ouvrir l'espace du marché, à permettre la libre circulation des biens, des services et des capitaux. Il s'agissait moins de réglementer que de supprimer des barrières, d'ouvrir des espaces à la libre activité des industriels, des marchands et des financiers. Or, construire une Afrique de l'Ouest sociale est une toute autre problématique. En effet, we du social, c'est bâtir des institutions et élaborer des règles qui ont pour finalité d'encadrer les forces du marché. Or, ces règles et ces institutions ne -155 - peuvent se forger en un jour et trouver leur pleine efficacité. S'il s'avère possible même si cela nécessite encore des efforts à faire de réaliser une convergence des structures économiques, on ne peut unifier aussi rapidement des règles qui résultent d'une longue maturation produite par l'histoire de chacun des pays. Pour autant, le social ne peut plus rester longtemps confiné dans le cadre national, alors que l'espace économique ouest-africain est toujours plus unifié sous le double effet de la monnaie unique et de la convergence de plus en plus effective des politiques économiques. La segmentation des espaces de régulation ouvrait la voie à une compétition par le moins-disant social. n faut donc instaurer des mécanismes évitant des exacerbations de la concurrence au sein du salariat régional, par exemple. En définitive, l'intégration économique et monétaire en Afrique de l'Ouest n'est qu'une étape d'une construction beaucoup plus vaste dont les éléments économique et monétaire, politique, culturel et social sont techniquement bien articulés. Elle ne saurait donc être dissociée de cette architecture d'ensemble, et elle ne saurait avoir de sens qu'en s'y attachant étroitement. Or, à Y regarder de près, on s'aperçoit que l'Afrique est véritablement en panne de développement économique et social. De fait, la crise qu'elle traverse est à la fois politique, économique, financière et sociale: les besoins essentiels des populations ne sont pas satisfà.its, la demande sociale explose partout tandis que les acquis industriels et commerciaux se dégradent, les investissements privés directs étrangers stagnent et la croissance reste faible. Alors se posent des questions essentielles pour lesquelles les réponses sont urgentes: l'Afrique peut-elle s'insérer dans la mondialisatioo de très haute compétition en maîtrisant sa démographie et en faisant fàce aux exigences scientifiques et technologiques? Peut-elle le faire avec ses 53 États isolés ou devra-t-elle le faire en amorçant une forte dynamique de coopération et de régionalisation? Peut-elle mener de pair Démocratie et Développement? Enfin, les populations peuvent-elles accéder à ces systèmes démocratiques fiables et basés sur leurs seules responsabilités ? - 156- CHAPITRE 6 Pour une nouvelle approche du régionalisme africain En faisant un bilan objectif et sans complaisance de l'intégration à l'échelle de l'Afrique, on constate que les résultats sont absolument faibles aussi bien en tennes de schéma qu'en tennes de réalisation. fi faut reconnaître qu'il s'agit d'un échec patent de toutes les constructions volontaristes qui restent encore à l'état de simples projets de textes, de résolutions ou de vœux bien pieux. En somme, trente années d'intégration africaine n'ont guère pennis de faire avancer r option de création d'une zone optimale ou de réaliser la convergence des économies. Les unions douanières comme les unions économiques et monétaires ne dépassent que rarement l'état de projet, le commerce intra-régional au lieu de progresser recule, le tarif extérieur commun ne se met pas en place, l'hannonisation des politiques économiques ne s'opère point et la coopération monétaire et financière ne décolle pas. Pendant ce temps, les coûts de financement des sommets des chefs d'État et des conseils de ministres, des études, des séminaires de vulgarisation et des salaires des lourdes bureaucraties (perdues dans le labyrinthe des procédures) augmentent. Que faire? Comment repenser le processus ? SECTION 1 : africaine? A la recherche d'un schéma réaliste d'intégration Paradoxalement et malgré ses médiocres performances, l'intégration continue toujours d'être considérée, en Afrique, comme la solution de sortie de crise par la libéralisation des échanges, la réalisation des économies d'échelle, la relance de la production agricole, industrielle et des services et l'exploitation de toutes les complémentarités potentielles. Avec quel schéma et quel espace d'intégration peut~n atteindre de tels objectifS ? Dans les années 1960, le débat sur l'intégration tournait autour de deux conceptions diamétralement opposées: l'intégration par la production consistant à créer de façon volontariste un processus productif communautaire, et l'intégration par le marché inspirée des principes libéraux. Chaque conception avait sa référence organique (COMECON ou CEE), dégageait son espace, ses séquences et son rythme. La problématique de l'intégration se plaçait au cœur du débat est-ouest, socialisme-eapitalisme. Posé en ces termes, ce débat est, aujourd'hui, très largement dépassé non point par l'extinction de ses aspects idéologiques mais par la nécessité d'une combinaison de l'intégration par la production et par le marché. La production est un objectif et le marché un moyen. Dans ce sens, au deuxième Colloque des intellectuels ouest-arncains sur « l'Intégration en Afrique de l'Ouest» tenu à Conakry du 15 au 20 avril 1980, le Secrétaire exécutif de la CEA adoptait une position théorique de synthèse selon laquelle l'Afrique doit poursuivre simultanément l'intégration du marché et de la production, et même consacrer plus de ressources à l'intégration de la production - 157- en vue de réduire la dépendance extérieure excessive de la région, le manque critique de capacité de production et l'absence de viabilité interne des économies membres. Sinon, l'intégration par le marché ne servira qu'à promouvoir les biens et services étrangers comme cela a été largement le cas jusqu'à présent ». Cette analyse est très pertinente car elle postule que la sortie de la crise africaine du développement passe par la relance de l'offre de production agricole et industrieUe (processus de production unifié) sur des marchés protégés (espace captif). En conséquence, il importe d'une part de créer tout un processus productif à partir des projets communautaires et de l'harmonisation des politiques sectorielles et, d'autre part, de mettre en place un système monétaire et financier qui facilite l'accès au crédit et le développement des échanges commerciaux. Les cadres institutionnels appropriés pour une bonne mise en œuvre de ces politiques d'intégration peuvent être recherchés au niveau des différentes expériences de régionalisme à l'échelle mondiale. À y regarder de près, toutes les expériences d'intégration en Afrique s'inspirent du modèle européen qui a débuté avec le Traité de Rome de 1957 pour s'achever avec le marché unique de 2002, soit 45 ans plus tard, avec environ une quinzaine de pays impliqués. Cette construction de l'Europe est une aventure collective. Elle a connu des hauts et des bas, des heures d'enthousiasme mais aussi des périodes de déception. Selon J. DELORS, pour édifier cette union, il fallait partir des principes chers à son fondateur Jean MONNET: désigner un objectif mobilisateur et fixer un calendrier pour l'atteindre. Cet objectif un espace unique, commun à 320 millions de personnes, débarrassé des multiples obstacles aux échanges et à la coopération entre les douze pays avait le soutien des milieux économiques et sociaux(81). Plus de 300 décisions ont été prises et appliquées pour la seule abolition des frontières. Hormis les réformes du Traité, les deux tiers de ces décisions ont été prises à la majorité qualifiée du Conseil des Ministres, au lieu de l'unanimité. TeUe est l'odyssée qui a conduit à la création d'un « contrat communautaire» dotant « l'union d'une ambition, éclairée d'une même vision globale et des moyens financiers de l'accomplir ». En Afrique, depuis les années 1%0 l'intégration est inscrite au calendrier de l'OUA avec l'élaboration de la Charte de 1963, l'adoption du PAL en 1980 et la signature du Traité instituant la CEA en 1991 soit une quarantaine d'années. Sur une décennie, on ne constate véritablement aucune avancée significative de l'intégration au niveau africain. Au tournant du nouveau millénaire, l'Afrique cherche encore ses marques pour relancer son unité sur le modèle européen d'intégration fédérative. Cependant, depuis les années 1960, ce sont les organisations sousrégionales qui ont véritablement proliféré et se sont développées sous la forme de marché commun avec plus ou moins de succès. La plupart de ces accords font partie de la catégorie des arrangements instituant des échanges préférentiels, ce qui permet ainsi de les qualifier de régionalisme « protégé », mais qui peut se transformer en régionalisme « ouvert» par adjonction de nouveaux États membres. En les comparant, on s'aperçoit que l'UEMOA est 81., J.DELORS: Le nouveau concert européen Éd. Odile Jacob, Paris, 1992, 349 p. Voir du même auteur la préface de l'ouvrage collectif: 1992 Le Défi, Nouvelles données économiques de l'Europe sansfrontières. Éd. Flammarion, 1988, 249 p. - 158- le modèle le plus avancé en matière d'intégration fédérative. La question se pose alors de savoir si ces sous-régionalismes, dont certains sont dits protégés, peuvent s'élargir pour permettre l'amorce d'une véritable dynamique d'intégration africaine? Cette option se retrouve dans plusieurs textes de l'OUA qui affirment que les organisations sous-régionales, régionales et continentales doivent être renforcées pour aboutir à terme à une intégration économique vitale au niveau continental. Mais, au préalable, il fuut bien savoir quelles sont les raisons qui justifient la prolifération des organisations sousrégionales. Comme nous l'avons déjà analysé, la nouvelle théorie du commerce international justifie la régionalisation à partir de deux objectifs jumelés, les effets de création et de détournement de trafic, et les effets d'agglomération des pôles fédérateurs ou de la théorie du voisinage. Dans cette optique, il devient logique pour des pays d'adhérer à des accords commerciaux avec ceux de leur voisinage géographique immédiat, même si ceux-ci produisent au moindre coût les biens et services échangés. Ces accords instituant des échanges préférentiels présentent potentiellement d'autres avantages dits « dynamiques ». En effet, une augmentation des échanges entre pays voisins diminue les coûts de transport. De plus, ces accords sous- régionaux vont généralement au-delà d'une simple réduction des tarifs et s'efforcent d'encourager une circulation plus libre de marchandises entre les membres. Us offrent également une rente de situation aux exportateurs qui peuvent vendre leurs produits au sein de l'Union à des prix plus élevés, soit le prix mondial plus le tarif extérieur commun. On a pu dire que les blocs commerciaux sous-régionaux étaient des partenaires « naturels », des voisins étant censés commercer entre eux hors de toute proportion, même en l'absence d'accords formels. Sous ce rapport, on peut, par exemple souligner l'intensité des relations commerciales entre le Bénin, membre de l'UEMOA et le Nigéria non membre, ces relations sont plus fortes que celles établies entre le premier et la plupart de ses partenaires de l'Union. n en est pratiquement de même entre le Ghana et la Côte d'Ivoire, le Sénégal et la Gambie. L'idée s'est ainsi imposée d'utiliser la coopération commerciale pour permettre aux industries naissantes des pays membres de bénéficier de marchés élargis, protégés de la concurrence de producteurs extérieurs plus efficaces et produisant à des coûts moins élevés, étant donné que ce protectiorullsme doit diminuer graduellement avec le temps. Ces arguments tirés des économies d'échelle figurent parmi les avantages « dynamiques »(82) attribués aux accords instituant des échanges préférentiels. Ces avantages peuvent être complétés par la mise au point de l'infrastructure (transports régionaux et réseaux de communication), ainsi que par la mise en commun des efforts de recherche. En pratique, il est très difficile d'évaluer les gains et les pertes imputables aux accords instituant des échanges préférentiels. Ainsi, la notion de « règles d'origine» comporte de très grandes ambiguïtés. Dans l'économie moderne mondialisée, de plus en plus de biens sont fàbriqués à J'aide de matières premières et de pièces provenant de plusieurs autres pays. Lorsque ces pièces 111., ADEDEJI A: Perspectives de coopération et d'intégration économique en Afrique, Colloque de Conakry, 15-20 avril 1980. -159 - proviennent des pays non membres du groupement régional, elles peuvent être frappées de droits de douane ou être exemptes de mesures d'incitation en fàveur des investissements étrangers. De tels produits doivent-ils bénéficier de facilités? Doivent-ils en jouir entièrement, partiellement ou pas du tout? Ces questions doivent être résolues dans le cadre de règles d'origine négociées avec le plus grand soin. Au nombre des autres conséquences des accords instituant des échanges préférentiels, il y a la perte de recettes tarifàires, qui peut être importante dans certaines unions. Toutefois, pour ce cas, le traité de l'UEMOA prévoit un dispositif automatique de compensation (provisoire). Cependant, au sein de l'Union, on a commencé généralement à libérer les échanges intérieurs puis graduellement les échanges extérieurs, pour ensuite créer des liens étroits entre les différents accords commerciaux, surtout au sein du même continent africain. Ces tendances donnent à penser que le processus de régionalisme protégé par le biais d'accords instituant des échanges préférentiels peut mvoriser, plutôt qu'entraver, un accroissement excessif des échanges africains et même mondiaux. Autrement dit, il existe des processus dynamiques de coopération latérale qui prodiguent leurs bienfaits au delà des frontières des groupes existants. Enfin, il reste que le régionalisme protégé est discriminatoire. Parallèlement à la conclusion et à la consolidation d'accords instituant les échanges préférentiels qui incarnent le principe du partenariat dans le développement, il existe deux autres formes de coopération «ouverte »(83) (l'une est parrainée par les gouvernements, l'autre ne l'est pas) qui doivent retenir de plus en plus l'attention et qui ont des implications pour l'avenir de l'aide au développement. A la suite des développements récents, il s'avère nécessaire de redéfinir l'espace géopolitique des entités à intégrer, en spécifiant les rapports entre Africains, mais aussi les rapports avec le reste du monde. SECTION 2 : Les blocs régionaux constitués et leur impérative harmonisation Manifestement, une intégration véritable appelle la définition par les politiques de l'espace (région) dans lequel se créent et s'entretiennent les liaisons et les interdépendances dans le domaine économique, monétaire et même social. Or, la notion de région peut soulever des problèmes nombreux et complexes que le simple jeu des critères d'optimalité ne peut point résoudre. Elle implique fondamentalement le contenant (limites géographiques) et le contenu (les ressources disponibles, les politiques appliquées). Elle doit alors être saisie en se référant à des données géographiques, économiques, sociales et culturelles liées à la solution de problèmes socio-économiques et politiques qui se posent à un groupe de pays à un moment donné. Elle peut évoluer avec les éléments qui la composent et les tâches à résoudre. A partir de ces considérations, la question se pose de savoir s'il est possible de construire une région africaine sous forme de marché commun de 53 États caractérisés par une très grande faiblesse de 10.. ADEDEJ] A: Perspectives de coopération et d'intégration économique en Afrique, CoUoque de Conakry, 15-20 avril 1980. - 160 - leurs relations commerciales et financières, la prépondérance des économies de rente d'origine agricole ou minière, l'absence de complémentarités des activités productives, la faiblesse des économies d'échelle et le poids élevé des taxes douanières dans les recettes publiques. Tout cela devrait inciter à la recherche d'autres modalités de réalisation de la régionalisation. Dans ces conditions, il faut le dire très clairement, l'accord devient presque impossible du fait non pas seulement du nombre de partenaires, mais aussi de leur hétérogénéïté. De plus, dans toutes les communautés mises en place, l'exécution des décisions incombe principalement aux États qui, sans nul doute, n'accepteraient point qu'une décision s'écarte trop des intérêts nationaux dont ils ont la charge. Dès lors, il faut s'en tenir à l'Afrique du possible, donc construite à partir de sous-régions solides et fondées sur la théorie du voisinage. Ce n'est pas par manque d'ambition pour l'Afrique. Les différents textes de l'OUA comme de l'Acte Constitutif de l'Union africaine reviennent souvent sur la recommandation relative à l'élargissement et à la consolidation des organisations sous-régionales qui devraient être les maillons décisifs de l'intégration africaine. Comment faut-il alors les restructurer pour en faire des espaces de production et de consommation? Ensuite, faut-il les coordonner pour créer des ensembles cohérents? Cette perspective d'analyse relance les enjeux de toutes les or~anisations sous-~égionales existantes comme t'UEMOA, la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), la Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC), l'Union du Maghreb Arabe (UMA), la Communauté Économique des Pays des Grands Lacs (CEPGL), la Communauté pour le Développement de l'Afrique Australe (SADOC), la Zone d'Échanges Préférentiels de l'Afrique Orientale et Australe ( ZEP), etc. En effet, les regroupements qui marchent un tant soit peu sont les regroupements sousrégionaux qui, au moins à défaut de réaliser de grandes performances, ont le bénéfice d'exister. C'est donc de ce niveau qu'il faut partir pour repenser autrement toute la problématique de la régionalisation en Afrique. La Commission Économique des Nations-Unies pour l'Afrique, instituée dans les années 1980, avait divisé le continent en cinq blocs sousrégionaux. Cette division est reprise mais mieux affinée par la Banque Africaine de Développement(84)qui distingue cinq régions: l'Afrique Centrale, l'Afrique de l'Est, t'Afrique du Nord, l'Afrique Australe et l'Afrique de l'Ouest. Leur part respective dans le PŒ africain est la suivante : 84.. Banque Africaine de Développement: Rapport sur le développement en Afrique 2000, Intégration Régionale en Afrique. -161- Graphique 31 : Répartfflon du PiS africain par région 45 40 - 39 35 35 30 25 20 1~ 15 10 5 o .--- ~ '--- ... r----1 Afrique centrale '-- 1 1 Afrique de rEst Afrique du Nord Afrique Australe Afrique de l'Ouest Source: BCFAO, annuaire statistiques du FW 1 - L'Afrique centrale Cette région, se compose de 10 pays: Burundi, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, République Centrafricaine, République Démocratique du Congo, Rwanda, Sao Tomé et Principe et Tchad. Le profil macroéconomique se reflète dans le tableau qui suit : T ableau 15 AfrilQue centrale : prmclpaux f'di i cateurs macroeconoml ues Indicateurs 1990 1995 1996 1997 1998 1999 Taux de croissance du PlB réel (%) PIB par habitant (dollar EU) Inflation (%) Solde budgétaire (% du PlB) investissement intérieur brut (% du PlB) Épargne nationale brute (% du PlB) Croissance des exportations en tenues réels (%) Balance commerciale (% du PIB) Solde des opérations courantes (% du PIB) Croissance des termes de l'échange (%) Dette extérieure (% du PIB) Service de la dette (% des exportations) -4,0 4,3 49~ 31~ 10,8 -7,6 9,9 12,6 9,7 62,6 -3,9 16,6 11,6 9,6 11,8 .~,9 -~,O ·7,0 3,9 133,4 19,0 I~,O 70,~ 20,0 3,6 331 37,0 -3,3 19,2 12,2 10,2 11,3 .(;,9 0,7 122,1 22,1 3,4 321 19,8 -3,3 16,8 11,3 16,6 12,~ -~,6 4,1 119,7 20,6 3,9 304 6,6 -7,0 19,6 8,4 3,4 6,1 -11,2 -11,0 127,8 16,6 2,0 293 1,6 -~,9 19,~ 10,~ 9,6 ~,7 -13,2 -3,8 121,7 ... Source: Division de la statistique de la BAD et FMI. Comme en Afrique de l'Est, des accords de coopération virent le jour en Afrique Centrale dès la période coloniale. En effet, en 1910 était créée la Fédération de l'Afrique Équatoriale Française composée du Congo, du Gabon, de la République Centrafricaine et du Tchad. A l'époque, des services communs de transports, de postes et télégraphes, de perception et de répartition des droits de douane avaient été mis en place. En 1958, avec la Loi - 162- DEFFERRE, les gouvernements de ces territoires devenaient autonomes au sein de la Communauté française et en 1960 ils accédaient à l'indépendance. Les nouveaux États décidèrent de maintenir leurs liens économiques et de former en 1959 l'Union Douanière Équatoriale (UDE). L'objectifmajeur de rUDE, était de permettre une transition sans problèmes vers l'indépendance dans le contexte d'un espace de coopération et d'intégration. Les principaux instruments de coopération inscrits dans l'accord prévoyaient la création d'une union douanière, la coordination des taxes intérieures des quatre États et la poursuite de la mise en œuvre corrunune des services de transports, postes et télégraphes. En 1961, était signée une convention permettant l'intégration progressive du Cameroun dans rUDE. Ce processus de régionalisation a atteint son point culminant en 1966 avec la création de l'Union Douanière et Économique de l' Mrique Centrale (UDEAC), composée de cinq États, la République Centrafricaine, le Congo, le Gabon, le Tchad et la République Unie du Cameroun. Contrairement aux accords passés dans le cadre de la Communauté est-africaine, les accords de coopération de l'UDEAC se caractérisent par l'absence de règles clairement établies et d'instruments chargés de la répartition des coûts et des bénéfices de l'intégration. Néanmoins, il faut signaler que certains instruments, qui, à l'origine n'amélioraient pas cette répartition des bénéfices de l'intégration, ont finalement servi ce but. Il s'agit notarrunent de la taxe unique, du Fonds de solidarité et des encouragements fiscaux inscrits dans le cadre du Code commun des investissements. Les membres de l'UDEAC sont membres d'une banque centrale commune, la Banque des États d'Afrique Centrale qui remplace la Banque Centrale des États d'Afrique Équatoriale et du Cameroun. Cette banque a le privilège exclusif d'émettre le franc CFA qui a cours dans les États membres. Afin de permettre à ces monnaies d'être échangées sur les marchés extérieurs, ces pays disposent d'un Fonds de réserve commun. Certains pays de l'Afrique Centrale ont constitué, en 1976, la Corrununauté Économique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) qui est composée du Burundi, du Rwanda et du Zaïre. L'objectif de la Communauté est de promouvoir la coopération entre les États membres dans les domaines social, économique, commercial, scientifique, touristique et technique. Lors de la Conférence des chefs d'État, qui s'est tenue en décembre 1979, des projets prioritaires ont été identifiés dans les domaines de l'industrie, des transports et communications. Cette Communauté dispose d'énormes potentialités. Malheureusement, ces richesses ne peuvent point être valorisées, suite à une guerre civile qui implique la quasi-totalité des États membres et qui a totalement ruiné le fonctionnement de la Communauté. La Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) est la dernière-née des organisations d'intégration en Mrique Centrale. Elle a été créée en 1998 sur le modèle de l'UEMOA, pour remplacer I:UDEAC. Elle regroupe six pays: le Cameroun, le Congo, la Guinée Equatoriale, la République Centrafricaine et le Tchad qui ont en partage une banque centrale unique. La BEAC qui émet le franc CFA de J'Afrique Centrale. Les objectifs et les mécanismes sont exactement les mêmes que ceux de l'UEMOA, à savoir le passage de l'union monétaire à l'union économique. -163 - Cette sous-reglOn abrite deux organes d'intégration: la Communauté Économique des pays des Grands Lacs (CEPGL) et la Communauté Économique des États d'Afrique centrale (CEEA). Créée en 1976, la GEPGL regroupe le Burundi, la République Démocratique du Congo et le Rwanda. Elle est paralysée par une guerre civile larvée impliquant ces trois pays. Quant à la Communauté Économique des États de l'Afrique Centrale (CEEAC) dont le traité a été adopté en 1983, elle se compose de l'Angola, du Burundi, du Cameroun, du Congo, du Gabon, de la Guinée Équatoriale, de la République Centrafricaine, de la République Démocratique du Congo, du Rwanda, Sâo Tomé et Principe et du Tchad. L'objectif est de mettre en place une union douanière et d'harmoniser les politiques économiques et financières. Cette organisation est encore dans la léthargie pour les mêmes problèmes politiques. II - L'Afrique de l'Est. Cette zone Est-africaine regroupe les Comores, Djibouti, l'Érythrée, l'Ethiopie, le Kenya, Madagascar, l'ne Maurice, l'Ouganda, les Seychelles, la Somalie et la Tanzanie. Cette région représente 7% du PlB africain avec un revenu per capita d'environ 222 dollars, soit le tiers environ de la moyenne africaine qui est de 687 dollars. La situation économique et sociale de la région est fortement contrastée, avec des pays pauvres et désertiques renfermant peu de ressources naturelles, tels que la Somalie et d'autres possédant une végétation luxuriante et de riches terres arables, comme le Kenya, Maurice, Madagascar et l'Ouganda. Même si cette région n'a pas connu un développement rapide de ses ressources minières et pétrolières, elle dispose de ressources agricoles et humaines suffisantes pour s'engager sur la voie du développement durable. L'agriculture y est l'activité économique dominante mais le pôle moteur est constitué du Kenya (qui contribue pour plus de 24% environ du PIB en 1998), de l'Ouganda et de la Tanzanie (qui avaient formé dans le passé la Communauté Économique d'Afrique de l'Est). Les pays qui connaissent les performances économiques les plus importantes sont l'Ile Maurice et l'Ouganda avec des taux de croissance qui approchent 7 à 8%. Tableau 16 : Mrique de l'Est: principaux indicateurs macro-économiques Indicateurs 1990 1995 1996 1997 1998 1999 Taux de croissance du pœ réel (%) PIB par habitant (dollar EU) Inflation (%) Solde budgétaire (% du pœ) Investissement intériew- brut (% du pœ) Épargne nationale brute (% du PlB) CTOissance des exportations en termes réels (%) Balance commerciale (% du PlB) Solde des opérations courantes (% du PIB) Croissance des termes de l'échange (%) Dette extérieure (% du pœ) Service de la dette (% des exportations) 4,4 230 22,4 -5,1 19,1 14,1 1,9 12,2 -5,1 10,1 87,2 18,7 5,7 226 12,5 -3,1 19,8 13,9 10,4 -11,6 -5,9 14,7 101,7 Il,0 6,5 237 8,0 -3,5 18,7 13,9 Il,7 Il,0 -4,8 10,4 94,2 14,8 3,9 248 1,4 -2,1 18,0 12,8 5,7 10,6 -5,1 0,9 85,3 14,3 4,4 249 4,9 -1,3 18,8 13,0 Il,4 20,2 -6,5 -1,8 87,9 . . Source: DIVIsion de la statistique de la BAD et FMi. -164 - 2,9 258 4,6 -1,8 18,0 12,1 -4,1 Il,8 -5,9 8,6 81,1 19,6 ... La régionalisation y a démarré bien avant les indépendances avec la formation en 1917 d'une union douanière regroupant le Kenya, l'Ouganda et le Tanganyka. Mais c'est surtout en 1967 que les trois pays (le Kenya, l'Ouganda et la Tanzanie) signaient le traité établissant la Communauté Économique de l'Afrique de l'Est qui fut un modèle du genre. Cette Communauté avait pour objectif de « créer et réglementer des relations économiques industrielles, commerciales et autres, entre les États partenaires aftn de parvenir à un développement accéléré, harmonieux et équilibré et à une expansion soutenue des activités économiques dont les bénéfices seraient également partagés)}. Pour en arriver là, les États partenaires s'engageaient à assurer la création et le maintien d'un tarif d'importation commun pour tous les produits arrivant chez eux en provenance de pays tiers, à abolir entre eux toute restriction aux échanges commerciaux. Le même engagement les portait à s'offrir mutuellement des libertés de paiements nécessaires à la réalisation des objectifs de la Communauté, à harmoniser leurs politiques monétaires de façon à contribuer au bon fonctionnement du marché commun et à gérer de concert les services communs appartenant aux trois pays. Ils s'engageaient en outre à ne pas passer d'accords par lesquels une concession tarifaire accordée à un pays tiers ne serait pas offerte à l'un d'entre eux. Afin d'attirer les investissements, le Traité de base prévoyait également l'harmonisation des encouragements fiscaux. Ces pays convenaient aussi de coordonner leurs efforts de planification économique et toute autre activité destinée à favoriser la réalisation de leurs objectifs communs. Ce traité de 1967 constituait l'apogée des efforts déployés pour permettre la création d'un accord de coopération économique qui favoriserait un développement équilibré des États membres et assurerait une répartition équitable des bénéfices. Avant et après la signature du Traité, divers instruments devraient servir à réaliser ces objectifs. Il s'agissait notamment d'une loi sur les licences industrielles, d'un fonds commun de répartition des revenus douaniers, d'un mécanisme pour l'identification et l'allocation d'industries destinées au marché commun, d'une banque de développement et d'un système de transfert des taxes. Dans cette Afrique de l'Est, fonctionnent quelques onze accords de coopération et d'intégration régionale ont été négociés dont les plus importants sont l'Union Douanière de l'Afrique Australe (UDAA), la Common Monetary Area (CMA), la Communauté pour le Développement de l'Afrique Australe (SAOCC), le Marché Commun de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique Australe (COMESA), la Communauté de l'Afrique de l'Est (BAC). Cette dernière communauté fut exemplaire en ce qu'elle a créé une coopération véritable dans les domaines monétaire, économique et des services. En 1991, lors d'un Sommet à Naïrobi, les trois États du Kenya, de l'Ouganda et de la Tanzanie ont décidé de réactiver cette coopération et de lui donner un second souffle. Et en 1996 (cinq années plus tard) ils ont signé l'accord instituant la Commission Permanente Tripartite pour la Coopération en Afrique Orientale. L'objectif est de mettre en place un marché unique. Au lieu de s'appuyer sur les entreprises publiques conjointes pour gérer la production directe, cette nouvelle initiative part du principe que l'État doit couvrir les coûts -165 - indirects du développement de l'infrastructure pour créer un environnement d'affaires adéquat permettant au secteur privé de prospérer. Un certain nombre de domaines ont été ciblés, à savoir l'industrie, les échanges, la science et la technologie, les transports et les communications, la sécurité, l'immigration, le tourisme, la protection de la santé humaine et animale, l'enseignement et la culture. Le secrétariat de cette nouvelle institution est devenue fonctionnelle depuis 1995. III - L'Afrique du nord Cette région de l'Afrique se compose de sept pays arabo-berbères à savoir l'Algérie, l'Égypte, la Libye, le Maroc, la Mauritanie, le Soudan et la Tunisie. Elle représente 39% du PIB africain. L'Algérie contribue à elle seule pour environ 30% du PIB de la région qui a un revenu per capita de 1354 dollars, soit deux fois et demi la moyenne du continent. Le rapport de la BAD sur le développement en Afrique en l'an 2000 souligne les disparités considérables dans la répartition du revenu à l'intérieur de la région: il s'échelonne entre 6660 dollars en Libye (pays exportateur de pétrole) et seulement 410 dollars en Mauritanie et 290 dollars au Soudan. Les principaux secteurs de la région du Nord sont l'énergie, l'agriculture et le tourisme. La plupart des pays mettent en œuvre des réformes économiques de très grande ampleur, ce qui se traduit par des avancées considérables. En effet, des pays conune l'Égypte, le Maroc et la Tunisie ont entrepris de diversifier leurs économies nationales et l'accent est particulièrement mis sur l'industrie de transfonnation et les productions à forte valeur ajoutée. Le Soudan, par exemple, possède de vastes superficies de terres agricoles riches qu'il peut exploiter pour exporter des produits alimentaires vers les pays voisins et l'Europe. L'Égypte s'est engagée sur la voie du développement durable et attire désormais des flux massifs d'investissement étrangers. La Mauritanie a mis en œuvre un ensemble de réformes économiques qui devraient lui permettre, si elles sont menées à bien, d'exploiter pleinement ses abondantes ressources minières et halieutiques. Enfin, l'Algérie et la Libye bénéficient, elles aussi, d'un potentiel économique considérable. • d"lcateurs macr nQue d u Nord : pnnClpaUI ID T a bleau 17 : M" nomlQ ues 1997 1998 1999 Indicateurs 1990 199:1 Taux de croissance du PIB réel (%) PlB par habitant (dollar EU) InJlstion (%) Solde budgétAire (% du PIB) Investissement intérieur brut (% du PIB) Épargne nationale brute (% du PIB) Croissance des exportations en termes réels (%) Balance commerciale (ù du PIB) Solde des opérations courantes (% du PIB) Croissance des termes de l'échange (%) Dette extérieure (% du PIB) Service de la dette (% des exportations) 2,9 1323 16,6 -3,2 27,8 25,6 4,5 -7,6 -3,9 1,6 90,7 42,1 3,0 1,4 :1.8 1209 1278 Bit 20,7 22,6 10,0 -3,0 -2,0 -0,4 22,7 20,9 20,6 20,9 21,5 22,5 9,6 8,8 0,4 -7,9 -5,4 -4,7 1,:1 -2,6 0,2 1,3 3,0 17,6 65,2 58,6 :12,7 41,2 32,2 27,7 . . . Source: DIVISIOn de la statistique de la BAD et FMI. - 166- 1996 4,9 B13 6,6 .2,3 22.7 20,4 -1,6 -7,9 .2,5 -3,5 49,9 28,2 4,5 B66 4,5 -1,9 21,0 19,0 6,0 -5,8 ~,O -0,8 53,3 ... L'intégration dans cette région n'est pas nouvelle puisqu'en 1964, l'Algérie, la lama hirya Arabe Libyenne, le Maroc et la Tunisie, établissaient les principes d'une coopération économique entre les pays du Maghreb. fi fut créé le Comité consultatif pennanent du Maghreb (CPCM) ainsi que divers autres commissions et comités spécialisés portant notamment sur l'éducation et l'enseignement, le tourisme, les postes et télécommunications, les transports et communications, l'emploi, le travail et la standardisation, les produits pharmaceutiques, les assurances et ré-assurances. Également un Centre d'Études et de Recherches Administratives devrait être mis en place. En outre, des organes spécialisés disposant d'une relative autonomie, étaient mis en place: il s'agit du Bureau de commercialisation de l'Alfa pour le Maghreb et du Centre d'Étude Industrielle du Maghreb. Cette coopération fut assez dynamique et les premières mesures consistaient à lancer le mouvement de régionalisation. En 1969 était élaboré un programme quinquennal de coopération économique qui devait promouvoir les échanges commerciaux grâce à la réduction des barrières tarifaires et développer également les industries ainsi que les autres secteurs d'activités. Il fut envisagé de créer une banque régionale de développement entre des États qui, à l'époque, avaient d'importants excédents financiers à cause du choc pétrolier. Seulement, tout le processus d'intégration devait achopper sur le problème de la répartition des coûts et bénéfices de l'intégration. En 1970, la lama Hirya Arabe Libyenne se retire de l'accord. Il a faJlu attendre 1989 pour voir la création de l'Union du Maghreb Arabe dont l'objectif était de créer avant 1995 une Union Douanière qui devait être ouverte à d'autres pays africains et arabes. Depuis sa naissance, les cinq États membres à savoir l'Algérie, la Libye, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie ont signé une trentaine d'accords multilatéraux portant sur les échanges commerciaux, les droits de douane, la garantie des investissements, etc. Toutefois, l'Union n'a jamais pu véritablement décoller, faute de consensus sur son fonctionnement. La situation sera compliquée d'abord par l'embargo aérien qui a frappé la Libye et ensuite par le fait que deux pays (le Maroc et la Tunisie) ont signé des accords d'association avec l'Union Européenne autour de l'objectif principal qui est de tirer parti des opportunités offertes par le marché européen. Ce sont ces deux facteurs auxquels s'ajoutent des divergences éminemment politiques qui vont mettre en veilleuse le fonctionnement de l'UMA. En effet, la région présente les complémentarités indispensables pour réussir l'intégration; elle devra s'engager dans cette voie si elle veut être concurrentielle sur le marché mondial. IV - L'Afrique australe L'Afrique Australe comprend l'Afrique du Sud, l'Angola, le Botswana, le Lesotho, le Malawi, le Mozambique, la Namibie, le Swaziland, la Zambie et le Zimbabwe. Elle se caractérise surtout par ses ressources agricoles et minières extrêmement importantes et par le poids écrasant de l'Afrique du Sud. EUe assure près de 35% du PIB du continent avec un revenu per capila moyen de 1502 dollars soit presque le triple du revenu moyen africain. Cependant les -167 - disparités sont assez fortes entre les pays ayant des revenus confortables notamment le Botswana (3070 dollars), l'Afiique du Sud (3310 dollars), la Namibie (1940 dollars) et le Swaziland (1390 dollars) ; et d'autres pays qui comptent comme les plus pauvres du monde: Mozambique (200 dollars), Malawi (200), zambie (330) et Angola (350). rlQue A us t r ale: pnnclpaux ID d"Icateurs macro-ecODoml(Jues T a bleau 18 : AC· Indicateurs 1990 1995 1996 1997 1998 1999 Taux de croissance du PIB réel (%) PlB par habitant (dollar EU) Inflation (%) Solde budgétAire (% du PIB) Investissement intérieur brut (% du PIB) Épargne nationale brute (% du PIB) Croissance des exportations en termes réels (%) Balance commerciale (en% du PIB) Solde des opérations courantes (% du PIB) Croissance des termes de J"échange (%) Dette extérieure (% du PIB) Service de la dette (% dC'l exvortations) 0,8 1.537 34,2 -4,.5 17,4 16,9 1,.5 5,6 -1,2 1,5 32,5 10,9 .5,.5 1.591 .56,8 -4,6 17,0 14,9 7,9 2,8 -1,6 3,6 38,.5 16,3 3,7 16.52 78,4 -5,6 18,1 16,0 8,8 1,9 -2,2 -0,5 39,2 20,5 3,7 1,6 2,0 1610 1416 1333 17,9 18,9 24,3 -4,4 -3,6 -3,2 17,3 17,0 16,5 14,4 14,0 14,1 7,2 0,0 -0,6 2,0 ... 1,1 -2,3 -3,0 -9,0 -1,1 -2,4 -0,6 38,7 44,6 36,6 21,1 21,4 ... Source: Division de la statistique de la BAD et FMI. Cette impossibilité de réaliser une répartition équitable des coûts et des bénéfices, ainsi que les conséquences socio-économiques et les tensions politiques qui en découlèrent devaient mener en juillet 1977 à la dissolution de la Communauté. Malgré ses faiblesses, malgré les contraintes et tensions, la Communauté aurait pu être sauvée si la volonté avait été de la partie. La Communauté pour le Développement de l'Afrique Australe (SADC) est l'organisation d'intégration la plus structurée de la région. Elle fut créée en 1980 à Lusaka et regroupait entre autre l'Angola., le Botswana., le Lesotho, le Malawi, le Mozambique, le Swaziland, la Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe. Plus tard, la Namibie a été intégrée à l'organisation lors de son indépendance en 1990. Puis, ce fut le tour de l'Afrique du Sud en 1994. À la suite de ces adhésions, elle est devenue la SADCC. La Déclaration de Lusaka qui instituait officiellement la SADCC en 1980 proposait que soit entreprise une étude des dispositifs existants en matière de paiements et de douane en vue d'édifier un système régional d'échanges fondé sur la négociation bilatérale annuelle concernant des objectifs commerciaux et une liste de produits. Peu après, le gouvernement tanzanien présentait un mémorandum sur la coopération industrielle et faisait des propositions portant sur les échanges et les questions connexes. Bien que ces questions aient été réexaminées en 1983-1984, aucune décision n'a été prise jusqu'ici au sujet des dispositifs d'échanges et de paiements qui, de ce fait, sont du ressort de négociations bilatérales. Les propositions présentées par la Tanzanie étaient destinées à permettre la réalisation de courants d'échanges liés à des accords de coopération industrielle et à faciliter la mise en correspondance de capacités de production inutilisées et de besoins d'importation. Le mémorandum envisageait une gestion publique des échanges et des accords entre États, toutes choses devant définir non seulement des listes de produits à échanger, mais aussi, en gros, leur prix et leur volume. Ces accords devaient être mis en - 168- œuvre au moyen de licences d'exportation et d'importation par origine et destination. Les pays signataires devaient s'accorder mutuellement un régime préférentiel, que ce soit au niveau tarifaire ou sous la forme de tout autre dispositif contractuel. En matière de paiements, des propositions visaient les accords de compensation bilatéraux. Les soldes débiteurs nets devaient -dans la mesure du possible- être réglés par l'exportation de produits nécessaires aux pays créditeurs. On suggérait enfin d'examiner la possibilité d'instituer une compensation multilatérale des soldes au sein de la SADCe. Vers la fin de 1983, les ministres du Commerce et des Finances se réunissaient pour étudier des mécanismes d'expansion des échanges. Ils se mettaient d'accord sur la portée éventuelle d'un programme de développement des échanges, mais ils observaient qu'il fallait éviter les conflits ou les doubles emplois avec les mesures qui étaient prises par la Zone d'Échanges Préférentiels (ZEP). Sur le plan institutionnel, la SADCC définit des institutions souples comme la Conférence au sommet, le Conseil des Ministres et un Comité Permanent de fonctionnaires ainsi que le Secrétariat. Les différences entre la SADCC et les autres regroupements d'intégration sont notables au niveau institutionnel: d'abord les activités sectorielles sont décentralisées, c'est-àdire qu'un État déterminé est chargé d'en définir et d'en coordonner le programme; ensuite, des comités ministériels ont été institués dans chaque grand domaine d'activités; en outre, les propositions d'actions ne peuvent être présentées que par un gouvernement ou par un organisme intergouvernemental et enfin le secrétariat central est très peu étoffé. Sous l'angle des résultats, on peut observer que la SADCC s'est remarquablement bien comportée, ainsi entre 1970 et 1991, la part des exportations intra-régionales est passée de 3 à 6%. Le commerce intra-SADCC a progressé de 70%; il est actuellement chiffré à environ 9 milliards de dollars. En Afrique Australe, le marché commun de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique Australe (COMESA) a remplacé en 1993 la Zone d'Échanges Préférentiels (ZEP) qui avait été créé en 1982. Cette organisation regroupe vingt membres autour de l'objectif de suppression des droits de douane en vue de la création d'une zone de libre échange en l'an 2000. La COMESA a bénéficié de certaines institutions de l'ancienne ZEP, notamment la banque chargée des échanges et du développement, créée en 1985 pour promouvoir l'investissement et le financement des opérations commerciales. Également, il a bénéficié du centre d'arbitrage commercial et du tribunal de la ZEP pour régler les litiges entre les pays membres. Enfin, le COMESA est une organisation beaucoup moins performante que la SADCC pour des raisons liées au nombre trop élevé de ses membres et aux guerres civiles qui engendrent l'instabilité politique et économique. v - L'Afrique de l'ouest Cette région comprend 15 pays à savoir: le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo qui forment l'UEMOA, auxquels s'ajoutent le Cap-Vert., la Gambie, le Ghana, la - 169- Guinée Conakry, le Libéria, le Nigeria et la Sierra Léone. L'Afrique de l'Ouest réalise environ 13% du PIB africain, avec un PNB per capita de 339 dollars. Les principaux indices économiques se présentent comme suit: nque de 1'0uest : pnoclJI aux .ID d"leateurs maero-économiqu T ableau 19 : M' Indicateurs 1990 1995 19% 1997 1998 1999 Taux de croissance du pœ réel (%) PlB par habitant (dollar EU) JnIlation (%) Solde budgétaire (% du PlB) Investissement intérieur brut (% du pœ) Épargne nationale bruIe (% du PlB) Croissance des exportations en termes réels (%) Balance commerciale (ù du PŒ) Solde des opérations courantes (% du PlB) Croissance des termes de l'échange (%) Dette extérieure (% du PIB) Service de la dette (% des exportations) 5.0 385 13,3 -2,2 17,1 16,1 10,3 9,2 -0,9 9,3 98,0 21,8 3,5 328 21,2 -1,0 16,6 12,6 10,6 5,3 -4,3 4,3 115,5 22,4 4,8 364 12,1 -0,9 15,7 18.0 12,5 9,9 2,0 8,4 100,0 18,3 3,7 367 9,3 -2,6 17,9 17,5 1,3 7,5 -0,7 2,6 94,1 15,8 3,2 373 7,2 -5,8 20,6 14,7 0,0 1,2 -6,1 -9,4 93,3 21,3 2,7 378 5,0 -6,1 23,2 14,9 6,9 ... .gO 10,3 106,3 ... Source: DTVision de la statistique de la BAD et FMi. Cette région a une longue expérience d'intégration et de coopération et c'est là où l'on trouve le plus grand nombre d'accords intergouvernementaux de coopération. Pour analyser les développements survenus dans cette région, il faut faire la distinction entre les systèmes de coopération destinés à regrouper plusieurs États en un même processus d'intégration à objectifs multiples et ceux qui visent le développement sur une échelle géographique et sectorielle plus limitée. Quatre organisations relèvent de cette dernière catégorie: l'Union Économique et Monétaire Ouest africaine (UEMOA), le Conseil de l'Entente avec son Fonds d'Entraide et de Garantie des Emprunts ; l'Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) et la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). L'idée d'élargir les processus d'intégration a été envisagée lors d'une rencontre entre les deux chefs d'État du Togo et du Nigeria, deux pays qui ont évolué en marge des organisations de coopération existantes. Ils lancent alors en 1972 ridée de la mise sur pied d'une institution chargée de la coopération sous-régionale. Mandat était donné aux Ministres et experts d'élaborer un nouveau cadre et une nouvelle stratégie de coopération dans la sous-région ouest-africaine. Lors des réunions qui ont suivi, les Gouvernements des deux pays se mettaient d'accord sur les principes directeurs suivants : - la nouvelle communauté économique fait fi des obstacles linguistiques et culturels; - elle doit établir des objectifs limités mais facilement réalisables et adopter en toute conséquence une approche souple et pragmatique; - des institutions chargées de traiter des questions exigeant une attention immédiate doivent être mises en place; - la nouvelle communauté doit adopter une politique consistant à maintenir les portes ouvertes pour permettre à tout pays de la sousrégion qui le souhaiterait de devenir membre au moment où cela lui conviendrait. -170 - A partir de ces principes, il a été fonnalisé en novembre 1973 un ensemble de propositions de relance de l'intégration qui seront entérinées par les deux gouvernements à la réunion des Ministres regroupant en définitive 15 pays d'Afrique de l'Ouest. Après étude, ces propositions étaient inscrites dans un projet de Traité que devait examiner une autre réunion ministérielle qui eut lieu en janvier 1975. La troisième réunion des Ministres convoquée à Lagos devait mettre au point le Traité qui sera ratifié à Lagos même le 29 mai 1975 par les Chefs d'Etat et les ministres plénipotentiaires représentant les 16 pays d'Afrique de l'Ouest. Ainsi se mettait en place la nouvelle organisation: la Communauté Économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). La Communauté s'est fixée pour objectif final la création d'une union douanière des États membres par l'élimination progressive des barrières tarifaires et non tarifaires entre les États membres et la suppression des restrictions imposées aux mouvements des personnes et des capitaux, l'hannonisation des politiques agricoles et industrielles, la promotion de projets communs de développement, en particulier dans les domaines de l'agriculture, des transports et communications, de l'énergie et des politiques monétaires. Un Fonds commun pour la coopération, les compensations et le développement a été créé; les Etats membres, y contribuent en fonction de leurs niveaux respectifs de développement. En outre, il existe en Afrique de l'Ouest plusieurs systèmes financiers qui regroupent plusieurs pays et dont les activités relèvent de tous ces secteurs. Cependant, tous ces systèmes financiers utilisent le franc CFA émis par la Banque Centrale des États d'Afrique de l'Ouest. Selon certains, il faut exploiter cette opportunité et élargir à la CEDEAO le système du franc CFA par la définition d'un système de conversion ou de change entre le FCF A et les autres monnaies africaines des pays membres de «l'Union élargie ». Cette décision devrait faciliter les échanges, mais aussi, mieux assurer la convergence des économies à travers l'hannonisation des politiques économiques. La CEDEAO qui a longtemps été immobilisée dans la recherche de la paix par le biais de l'ECOMOO85 a relancé ses activités d'hannonisation et de coordination des politiques économiques et financières en Afrique de l'Ouest. Elle a pris un certain nombre d'initiatives heureuses comme le systéme de chèque de voyage, l'encouragement des activités bancaires par le biais de l'ECOBANK et surtout, l'encouragement du secteur privé. Enfin, depuis 1973, devrait fonctionner la Mano River Union (MRU) fonnée par la République de Guinée, le Liberia et la Siena Leone. Cette organisation est paralysée par les conflits annés qui ont bloqué le secrétariat sis à Freetown. A l'analyse, les régions africaines font preuve de beaucoup de dynamisme en matière de régionalisation. Les organisations mises en place fonctionnent et cela à l'exception des pays en situation de guerre civile; c'est le cas par exemple de la CEPGL, de la CEEAC, de la COMESA dont les L'ECOMOG est l',acronyme" Économic Conununity of West African Monit.oring." TI a été crée par les Etats membres de la CEDEAO en 1990 pour rétablir la paix et la 85 stabililé au Libéria. -171- membres importants les plus influents sont installés dans l'instabilité politique et la précarité économique. C'est dire que les projets régionaux semblent ainsi apporter un nouveau souffle au processus d'intégration en Afrique. Ils font déjà beaucoup mieux que les projets continentaux qui ont du mal à fonctionner ou même à simplement démarrer. Mais, il faut être prudent car généralement tout projet, comme toute ambition d'intégration régionale, portent en euxmêmes des germes de fragilité puisqu'ils s'inscrivent dans des dynamiques géo-politico-économiques extrêmement complexes et mouvantes qui exigent de tous les décideurs publics et privés, de tous les acteurs et institutions concernés- détermination., adhésion et confiance. Les deux initiatives que viennent de formaliser les décideurs africains relancent de façon plus vigoureuse les enjeux de l'unité africaine et vont s'appuyer sur les blocs régionaux harmonisés et coordonnés. Il s'agit de l'Union Africaine et du NEPAD qui est un Nouveau Partenariat avec le monde industrialisé, les institutions financières internationales et le secteur privé. Leur mise en œuvre soulève plusieurs questions dont au moins deux apparaissent comme essentielles à savoir: Comment unifier un espace de 700 millions d'habitants regroupés en 53 Etats composés de plus de 1.000 ethnies parlant environ quelques 5.000 dialectes et langues, vivant dans des frontières poreuses arbitrairement délimitées et évoluant dans des systèmes économiques et financiers trop fortement différenciés ? Tous ces handicaps à l'intégration peuvent-ils être levés par l'organisation institutionnelle contenue dans l'Acte Constitutif de l'Union Africaine largement inspiré du fédéralisme européen? Les analyses précédentes ont largement montré que ce n'est pas en additionnant des marchés étroits et mal constitués, souvent soumis à de multiples barrières qu'on aboutit inéluctablement à l'intégration pour bénéficier de ses avantages en conséquence. Il y a toute une dynamique à enclencher dans un schéma organisationnel pertinent au double plan technique et institutionnel. Dans cette optique, on peut se demander si le pari de l'Union Mricaine peut être tenu. - 172- CHAPITRE 7 Le pari de l'union africaine est-il perdu? « Unir l'Europe ... c'est la placer sous une autorité commune capable d'émettre des décisions majoritaires. Exiger en toute chose un accord unanime, c'est supposer d'avance le problème résolu.. c'est présumer qu 'il existe entre les pays coalisés une adhésion suffisante, une sorte d 'harmonie préalable qui les prédispose à des appréciations concordantes ». Robert Schumann (86) L'Acte Constitutif de l'Union Africaine adopté au Sommet de l'OUA de Lomé en juillet 2000, s'inscrit ainsi dans une logique de réactualisation de la Charte de l'OUA visant à doter le continent d'une ambition éclairée et d'objectifs réalisables pour un nouveau départ de l'unité africaine. Avec les deux documents de l'Union Africaine et du NEPAD, les décideurs politiques ont pris l'initiative d'élaborer des stratégies qui tentent de placer le continent au cœur des enjeux d'un nouveau développement, de nouvelles voies d'une afro-renaissance comme dirait Jean Marc ELA. Cette idéologie d'une renaissance africaine renoue avec les visions parfois prophétiques des pères fondateurs de l'unité africaine (de K. N'KRUMAH (Africa must be united) à 1. NYÉRÉRÉ, en passant par L.S.SENGHOR). Les rédacteurs de l'Acte Constitutif de l'Union Africaine affichent la conviction et la volonté d'ouvrir, « Les voies de l'espérance pour l'Afrique du 21 ème siècle» (titre de l'ouvrage du Président B. COMPAORÉ). Cette option s'impose comme un préalable pour sortir le continent de l'immobilisme et de la marginalité. Il fuut toujours avoir à l'esprit que l'Afrique est aujourd'hui la région du monde la plus pauvre et qu son PNB dépasse à peine celui de la Belgique. A la fin des années 90, la production moyenne par habitant en prix constants, était inférieure à ce qu'elle avait été, il Ya 30 ans. Le continent est à la marge de l'expansion industrielle mondiale et risque d'être exclu de la Nouvelle Révolution de la Technologie de l'Infonnation de la Communication. Avec plus de 45% de la population qui vivent dans la pauvreté absolue avec moins d'un dollar par jour, les indicateurs du développement humain sont extrêmement faibles et montrent que la majorité des africains n'ont pas accès à la santé (200 millions), à l'éducation (150 millions d'analphabètes), au logement, à l'eau potable (250 millions). A cela s'ajoute la propagation des conflits d'origines ethniques et autres qui font qu'aujourd'hui, au moins un africain sur cinq vit dans une économie profondément bouleversée par une guerre civile. A titre d'illustration, dans Il pays affectés, le nombre de morts dans les conflits serait 86..Écri15 de Paris, avril 1955, Un état d'esprit européen est-il possible? -173 - compris entre 4 et 7 millions, soit 5% de leur population totale. En prenant, le conflit angolais, on estime qu'il a coûté environ 2 milliards de dollars et fait plus d'un million de morts et 800.000 déplacés. La guerre est le pire ennemi du développement et inversement le développement est la meilleure forme de prévention des conflits. Paix, sécurité, stabilité et bonne gouvernance deviennent des variables du développement économique et social. Cette situation catastrophique et l'état de précarisation sociale imposent de réinventer de nouvelles façons de penser et d'agir propres au régionalisme africain, principal planche de salut dans ce monde multipolaire fait de grands blocs économiques et financiers en situation de compétition. Les Africains prennent conscience qu'il faut réformer profondément la Charte de l'OUA qui, après plus de trois décennies, nécessitait des modifications et des amendements relatifs à ses principes directeurs, ses orientations d'ensemble, ses objectifs, son fonctionnement, ses structures d'encadrement et d'administration. Dans cette perspective, l'Acte unique est une innovation majeure. Il exprime bien une volonté d'aller plus vite et plus loin. Toutefois, à y regarder de près, il est loisible de constater qu'il comporte des limites de fond. Celles-ci restreignent notablement sa portée liée à sa fonction d'instrument de relance des enjeux de l'unité économique et politique du continent.. SECTION 1 : Portée et limites de l'Acte constitutif de J'Union Africaine Sans nul doute, sur beaucoup d'aspects, l'Acte Unique est un document de progrès en ce qu'il trace des voies de l'avenir en s'inspirant de l'Union Européenne et aussi de l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) qui sont des modèles de régionalisme ouvert et fondé sur deux piliers: des institutions unifiées de gouvernance (Commission, Conseil Exécutif, Parlement, Cour de Justice, Conseil Economique et Social) et des critères de convergence (déficits internes et externes, inflation, endettement, budget etc.). Ces deux piliers fondateurs devraient permettre l'élaboration de politiques économiques et monétaires communes qui consolideraient la marche vers l'unité. L'évaJuation critique s'impose pour bien mettre en évidence les limites et les insuffisances de l'Acte Unique, afin de dépasser les modestes résultats qui ont toujours marqué le régionalisme africain. En effet, l'analyse de l'Acte unique révèle des lacunes qui se situent à quatre niveaux: celui des institutions et des règles de gouvernance de l'union, des stratégies et des priorités ciblées, des projets d'institutions financières, des options stratégiques oubliées ou esquivées et que devraient combler le NEPAD. I. les limites juridiques et institutionnelles Il pouvait apparaître qu'à travers l'Acte Constitutif de l'Union Africaine les décideurs, en l'occurrence les Chefs d'État et de Gouvernement, se seraient donné comme objectif majeur l'accélération du processus d'édification de l'unité africaine, en arrêtant toutes les mesures concrètes, idoines et destinées à établir progressivement cette unité organique du - 174- continent. Généralement, ces Traités internationaux tiennent souvent lieu de loi constitutionnelle pour les communautés ou unions qui les édictent. En conséquence, on est en droit d'attendre de l'Acte Constitutif qu'il ait un caractère formel qui lui permette d'identifier, de définir et de légitimer ~ous les chantiers qui mènent vers la nouvelle union d'une cinquantaine d'Etats. n devrait alors fixer les orientations et les diverses règles devant contribuer à la réalisation des objectifs et à la définition des obligations des diverses institutions de l'Union et des États membres. Il devrait définir les droits des citoyens, de même que les libertés économiques fondamentales comme la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, la liberté de s'établir, de fournir des services, d'importer ou d'exporter. La reconnaissance de tels droits devrait permettre aux entreprises et opérateurs économiques de franchir les frontières et de faire prospérer librement leurs aflàires. Une unité africaine qui, après quarante années d'existence, voit encore des milliers d'africains quotidiennement rapatriés dans leur pays d'origine, des marchandises et des camions bloqués par des barrières les plus diverses, ne présente aucun intérêt, sinon diplomatique. Or, r Acte Constitutif -dans son contenu comme dans sa forme actuelle- est un document qui ne répond à que partiellement à ces soucis majeurs. De surcroît, il n'autorise pas l'élaboration d'une politique audacieuse de développement et d'intégtation et d'en assurer la mise en œuvre. D'une trop grande simplicité, il présente des lacunes énormes dans son système normatif L'Acte devrait commencer par des dispositions communes qui établiraient un état comparatif avec la Charte de l'OUA. Cela aurait permis de distinguer les articles qui ont été modifiés, les nouvelles formulations et les engagements qui ont été maintenus. Le rappel du PALet du Traité de Communauté Economique Africaine (Abuja,1991) est trop r<yJide et ne souligne pas le fait qu'aucun des engagements pris par les Etats n'a connu le moindre début d'exécution et en plus, beaucoup de dispositions de ces documents ont vieilli ou sont totalement dépassées. Dans la même direction, des organes de l'OUA qui n'ont jamais fonctionné sont reconduits sans la moindre évaluation. En ce qui concerne ces organes déterminants du dispositif institutionnel, leur composition et leurs attributions sont simplement énumérées. De la sorte, ni les conflits de compétence entre l'ordre interne et la législation de l'Union, ni les sanctions en cas de défaillance des États ou de non-exécution complète ou partielle des obligations ne sont pris en considération. Il est vrai que l'Acte définit les objectifs de l'Union en des termes trop généraux. Cependant, il n'indique pas clairement les moyens nécessaires pour les réaliser, encore moins les délais de mise en œuvre. L'Union ne dispose que de compétences d'attribution dans des domaines spécifiques. Certaines institutions comme le Parlement et la Cour de Justice- qui sont paIDÙ les piliers de l'Union- voient leur composition, leurs pouvoirs, leurs attributions et leur organisation renvoyées à des protocoles y afférents. Par exemple, quel est le rôle du Parlement et surtout, va t-il disposer d'un pouvoir de contrôle sur les différentes décisions des institutions de l'Union? n existe une foule d'autres problèmes d'orientation et de principes qui sont renvoyés à des protocoles qui seront négociés ultérieurement. Il en va de même pour la Cour de justice 1 -175 - Il est évident qu'une union qui se veut durable doit être soudée par de très solides règles de droit. En somme, comme le disait un ministre français de la justice, « le fédérateur, c'est le droit ». À ce niveau encore, le texte de l'UA est silencieux sur bon nombre de questions fondamentales : Quelles sont les compétences d'attribution c'est-à-dire les compétences contentieuses, les compétences préjudicielles et les compétences consultatives? Le texte est encore plus faible quand il s'agit des articles traitant de l'économie et des finances, notamment les règles détaillées concernant les domaines de construction de l'union africaine. Les objectifs des politiques économiques et sociales, des recherches scientifiques et technologiques ainsi que celles concernant l'environnement et les ressources humaines ne sont nulle part définis avec précision, si bien qu'aucun engagement des États n'est mentionné. Pour d'autres domaines comme l'éducation, la défense et les politiques extérieures, c'est le silence total. En ce qui concerne la procédure de prise de décision, il n'existe toujours que le consensus ou à défaut, la majorité des deux tiers des États membres. Naturellement, une telle procédure de décision condamne souvent les organisations africaines à toujours rechercher de laborieux compromis qui, à l'arrivée, s'avèrent très difficiles à appliquer. Ainsi, les décision arrêtées dans ces conditions deviennent simplement inopérantes. Si on voulait l'immobilisme, on ne s'y prendrait pas autrement. En revanche, si l'objectif est de progresser vers l'unité, la majorité qualifiée doit devenir la procédure de décision courante. -176 - Encadré 6: Dispositifinstitutionnel de l'Union Européenne - Consultation ~ Contrôle CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL 8 ':1 S '3 8 U '-- Budget PARLEMENT 0 ie. COMITÉ CONSULTATIF i !:t. g Avis COMMISSION E IROPEENNE Initiative ~ 1 CONSEIL DES MINISTRES L Exécution ~rrelS iRecours PARTICULIERS ~ COUR DE JUSTICE Arrêts Recours 1 GOUVERNEMEl'ITS ~ Recours Arrêts 1 Le système de gouvernance de l'Union, laisse apparaître des faiblesses graves pouvant entraîner des dysfonctionnements institutionnels ou alors traduire un manque d'ambition. En premier lieu, l'organe d'administration et de gestion de l'Union présente au départ des déficiences organiques et fonctionnelles. En effet, il est parfaitement compréhensible que l'administration de l'Union soit confiée à une structure assurément souple comme la commission. Toutefois, de par sa composition et ses attributions, cette structure est loin de pouvoir répondre aux besoins d'une organisation internationale dont les États sont d'une part trop nombreux et, d'autre part trop hétérogènes au triple plan économique, politique et social. Il est douteux que cet organe puisse mener à bonne fin les enjeux d'une véritable renaissance africaine. En second lieu, sur un plan strictement juridique, les organes principaux n'ont pas des compétences et des attributions différenciées. Autrement dit, le Président de la Commission n'est pas responsable devant le Conseil Exécutif qui lui-même ne possède pas de pouvoir gouvernemental de contrôle et d'imposition -ce qui lui aurait donné des compétences pour faire exécuter les décisions arrêtées- Dans le cas de l'Union européenne, qui est ici - 177- la référence, la Commission propose, le Conseil décide et la Commission exécute. En troisième lieu, la lacune majeure dont souffre la Commission est l'absence de la supra-nationalité qui renvoie à l'existence d'un pouvoir de décision immédiate. Même la Conférence des Chefs d'États et de gouvernement qui est censée être l'organe suprême de l'Union ne dispose pas de ce pouvoir de commandement. À l'évidence, les objectifs qui sont fixés par l'Union, à savoir réaliser le développement économique et l'intégration de l'Afrique nécessitent une autorité supra-nationale forte, capable de mettre en forme les décisions et de les faire exécuter. Sous ce rapport, la diversité et la spécificité des États africains appellent la mise en place d'un Exécutif fort et collégial, non d'un Président « honoris inter-pares» investi pour un an et ne disposant d'aucun pouvoir réel. Ce délai est trop court pour assurer la continuité et le contrôle des décisions arrêtées. L'attribution de la Présidence sert à ménager les susceptibilités du pays organisateur tout en procurant à son chef des satisfactions de prestige. L'Acte Constitutif prévoit des commissions techniques spécialisées couvrant les principaux domaines d'activités et qui sont au nombre de sept. Elles sont chargées de préparer les projets et programmes de l'Union, d'assurer le suivi des décisions ainsi que la coordination et l'harmonisation des projets. La formation de ces commissions constitue une avancée significative; toutefois leur composition (art. 14) ne leur permettra pas d'être de véritables institutions d'analyse et de décisions. En effet, elles sont composées de ministres ou de hauts fonctionnaires qui ne sont pas à proprement parler des techniciens, mais des politiques n'ayant pas toujours les compétences requises. Par ailleurs, elles risquent d'avoir un personnel pléthorique et d'être en conséquence complètement inefficientes. Dans la défunte Charte de l'OUA, ces organes techniques existaient bel et bien, mais en réalité, ils n'ont jamais fonctionné à cause de leur lourdeur. II. Des projets ambitieux mais peu réalistes En outre, si l'un des objectifs majeurs de l'Union africaine est le développement économique et l'intégration du continent, il faut appliquer une stratégie à long terme qui exige des priorités bien conçues, une mise en œuvre rationnelle des actions retenues avec une claire spécification des moyens et un contrôle régulier des délais d'exécution. Or, tel ne semble pas être le cas dans l'Acte Constitutif de l'Union Africaine. Autrement dit, l'Acte Constitutif est un texte séduisant dans ses intentions plausibles et louables mais peu convaincant quant à sa faisabilité. JO) Une Banque Centrale Africaine: Est-ce possible? . L'insuffisance majeure de l'Acte Constitutif se situe au niveau des institutions monétaires et fmancières prévues, dont les options et la faisabilité soulèvent beaucoup d'interrogations. En effet, dans un espace formé d'une mosaique de zones monétaires n'ayant défini entre elles aucun système de change, aucune règle de convertibilité et d'émission monétaire, il est techniquement illusoire de parler de Banque centrale. Celle-ci est toujours au cœur d'un dispositif de - 178- gestion d'un actif financier émis en contrepartie des avoirs extérieurs et des créances sur les États et sur les économies. Cet actif, accepté comme équivalent général, repose d'un côté sur les fondamentaux des économies et de l'autre sur la confiance que K. ARROW considérait comme une importante institution invisible. Aujourd'hui, aucun dispositif technique ou institutionnel n'est mis en place pour enclencher le processus de création d'une Banque Centrale Africaine. L'expérience européenne nous édifie sur la longueur des étapes qui ont conduit à la création d'une monnaie unique après divers ajustements des systèmes financiers et des politiques monétaires des Etats membres. L'Europe monétaire a démarré en 1979 (écu) et devrait s'achever en l'an 2002 avec l'émission de la monnaie commune. Le Système Monétaire Européen qui a fonctionné de 1979 à 1987 avait trois caractéristiques: d'abord il était bien ,conçu techniquement, ce qui lui a permis de fonctionner dans une période de turbulence monétaire. Ensuite, il a réussi à amortir les crises et à préserver la stabilité de l'écu face aux évolutions erratiques du dollar et du yen. Enfin, il a imposé une véritable discipline monétaire qui rendu efficaces les politiques de lutte contre l'infl;ttion et le contrôle des taux de l'intérêt. En réalité, l'Ecu n'était pas une monnaie comme les autres: elle servait à mesurer la valeur des biens produits et échangés (fonction d'étalon de valeur), ensuite, elle était peu utilisée comme moyen de paiement dans les transactions (fonction d'intermédiaire) enfin, elle est une monnaie panier dont la valeur est déterminée par les valeurs pondérées des différentes monnaies de la Communauté. Avec le Traité de Maastricht, Jes modalités de mise en place d'une monnaie commune sont proposées par le Rapport Delors. L'Euro sera émis par un organisme bancaire: la Banque centrale européenne. Sa valeur sera fonction des performances européennes ainsi que de la confiance qui lui sera accordée. Le processus de création de la Banque centrale est passé par l'expérience difficile du « serpent monétaire» avec ses parités ajustables et la coordination des politiques monétaires nationales marquée par une gestion vigilante et rigoureuse de l'inflation et des taux d'intérêt. Conformément au Traité de Maastricht, l'Union économique et monétaire a été réalisée en trois phases. La première phase qui s'est achevée le 31 décembre 1993 a consacré la fin des financements des déficits ~ublics générés par la création monétaire dans les Etats membres. La seconde a débuté en janvier 1994 et s'est achevée le 1cr janvier 1999 avec J'établissement de l'interdépendance des Banques centrales et la création de l'Institut Monétaire turopéen composé des gouverneurs des banques centrales des Etats membres. La troisième phase a démarré en janvier 1999 avec l'imposition des critères de convergence et le respect du calendrier et des procédures établis par le Traité de Maastricht. Elle a été marquée par la fixation irrévocable des parités entre les monnaies des pays adhérents, la définition et la mise en œuvre de la politique monétaire unique, la conduite d'une politique de change et l'utilisation de l'euro sur les marchés de change, l'émission par les Etats membres des nouveaux titres de la dette publique négociables en euro et la disparition de l'écu panier officiel. Ce long apprentissage qui a démàrré en 1979 et s'est achevé en l'an 2002, est passé par beaucoup de difficultés et de remises en cause. Il s'est parfaitement - 179- accommodé des réticences de certains Etats comme la Grande Bretagne qui continue de maintenir la livre sterling en dehors du SME. L'éligibilité des États dans cette phase terminale suppose que les critères de convergence économique soient remplis: degré élevé de stabilité des prix, caractère soutenable de la situation des finances publiques, respect des marges normales de fluctuation de change et caractère durable de la convergence reflétée par le niveau des taux d'intérêt à long terme. Par ailleurs, les procédures pour accélérer la convergence ont été mises en place dès l'entrée en vigueur du Traité. Elles concernent d'abord les grandes orientations des politiques économiques (art.J03), ensuite l'organisation du suivi collectif ou encore la surveillance multilatérale et enfin l'établissement des programmes pluriannuels de convergence (art. 109E2). Si nous avons tant insisté sur cette expérience européenne, c'est pour montrer les nombreuses mesures de coordination des politiques monétaires et l'acceptation par les Etats d'une discipline nationale rigoureuse qui facilite la convergence des économies. Sans entrer dans le débat sur la primauté ou non de l'union économique sur l'union monétaire, la création d'une Banque centrale africaine n'est envisageable qu'après un long processus d'harmonisation et de coordination des politiques économiques, monétaires et financières qui passerait impérativement par la définition et l'acceptation de critères de convergence. Naturellement, la monnaie est un excellent instrument d'accélération de la croissance et des échanges au sein d'une Union. Elle permet de clarifier les conditions de la compétition. Elle est aussi un facteur de rayonnement et de puissance sur la scène internationale. Mal gérée, elle devient un facteur de désordre et de rupture. Elle est trop importante pour mériter plus que les laconiques évocations de l'article 19 de l'Acte Constitutif. Le processus de création d'une Banque Centrale Mricaine soulève des questions fondamentales qui doivent trouver des réponses claires soit dans l'Acte Constitutif, soit dans des protocoles sous fonne d'orientations, de dispositifs, de procédures et de chronologie de mise en œuvre. Pourquoi une Banque Centrale et quelles sont les étapes de réalisation ? Quelle sera l'architecture financière d'ensemble ? Quels seront les fonctions, les principes et les règles de l'émission monétaire? Quel sera le degré d'indépendance de la Banque Centrale Africaine par rapport aux politiques nationales? La Banque Centrale étant le prêteur en dernier ressort, quelle politique de crédit sera appliquée ? Quel est le chronogramme préparatoire à la phase opérationnelle ? Sur toutes ces questions techniques et les préalables politiques qui les soustendent, on dispose d'une expérience édifiante relative aux différentes étapes caractéristiques de la création d'une monnaie unique et du dispositiftechnique qui doit y mener. 20) Un Fonds Monétaire Africain: Pourquoi faire et Comment? Concernant le projet de création d'un Fonds Monétaire Africain, la proposition n'est pas nouvelle puisqu'elle figurait en bonne place dans les propositions de la CEA datant des années 70 au moment même de la crise du Système Monétaire International. Cette crise était à l'origine de la montée des déséquilibres macroéconomiques et avait débouché d'une part sur l'amorce - 180- d'un cycle infernal d'endettement des pays africains, surtout ceux qui étaient pauvres et dénués de ressources pétrolières et d'autre part, sur la mise en œuvre de programmes d'ajustement structurel avec la Banque mondiale et le FMI. L'idée a été reprise, sur l'initiative de la CEA, lors de la réunion des experts sur le cadre africain de référence pour les programmes d'ajustement structurel (CARPAS). Également, le Groupe de travail « Pour une nouvelle alliance Afrique-Europe» avait émis l'idée de création d'un Fonds Monétaire Euro-Africain (FMEA) conçu sur le modèle coopératif du FMI et qui serait doté de 30 milliards d'écus(87). Le FMI est le cœur de l'édifice monétaire du système de Bretton Woods dans lequel il accomplit une triple mission: la définition et le contrôle des règles de la stabilité monétaire (régime des parités de change), l'établissement des mécanismes de péréquation des liquidités pour financer la croissance des échanges mondiaux et l'instauration d'une gouvernance de l'ordre monétaire international. Depuis la crise du SMI, le FMI fonctionne comme un club au profit des membres qui ont apporté les « quote-part» les plus importantes dans la cagnotte. Il exerce aussi une fonction de gardiennage et de gestion des risques du système financier international ainsi qu'un rôle de médecin et de gendarme pour les pays en voie de développement endettés. Les crises financières en Asie et en Amérique Latine ont montré que le FMI n'est plus apte à assurer la stabilité du SMI et à veiller sur la santé de l'économie mondiale. A quoi servirait exactement pareille institution dans la perspective du développement et l'intégration des pays africains? Sa mise en œuvre est-elle une priorité? Quelle va être sa gouvernance institutionnelle: objectifs et principes directeurs? De quelles ressources va-t-il disposer et quelles sont les conditions d'accès à ces ressources: mécanismes de financement et règles de conditionnalité ? Quels sont les mécanismes de surveillance des taux de change? Ce sont là quelques questions déterminantes qui méritent des réponses claires et convaincantes. Enfin, la Banque Africaine d'Investissement, une proposition ancienne qui avait été avancée avant la création de Banque Africaine de Développement. Dans le Progranune du « Groupe de travail pour une nouvelle alliance Afrique-Europe» il avait été proposé la création d'une Banque de Développement Eurafricaine (BADEA) pour renforcer la coopération monétaire et financière entre l'Afrique et l'Europe(88). La BADEA aurait un statut et des objectifs comparables à ceux de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) et elle serait initialement dotée de 10 milliards d'écus détenus majoritairement par l'Europe. Cependant, une telle proposition soulève une foule de questions dont deux sont relatives à la structure de financement et aux relations avec la Banque Africaine de Développement. On est tenté de croire que les rédacteurs de l'Acte Constitutif de l'Union Africaine ont oublié l'existence de la BAD dans le dispositif économique et financier de l'Union Africaine. Pourtant, elle s'est notablement Groupe NOBIL : Pour une nouvelle alliance Afrique-Europe, Éd Futuribles, 1992 &.102. . . Groupe NOBIL : op. Cil, p. 103. 87.. - 181 - restructurée et a ouvert son capital aux non africains pour devenir un instrument efficace de mobilisation de ressources financières et d'octroi de crédits pour le développement économique et social des pays africains. S'jJ est vrai que le besoin d'une Afrique unifiée est devenu un impératif pressant exigeant des options audacieuses, il faut éviter à fois la fuite en avant et les pièges d'un pragmatisme limité. SEC170N 2 : Construire l'unité de l'Afrique par des réalisations concrètes et une déferlante de projets. En dehors de cas vraiment exceptionnels, l'expérience montre que les nombreuses tentatives d'intégration sous-régionale n'ont pas connu les succès attendus. De plus, qu'elle soit prise dans sa globalité ou au niveau de ses composantes sous-régionales, l'Afrique des Etats présente des disparités énormes qui pourraient faire obstacle à la réalisation de l'Union Africaine telle que conçue dans l'Acte Constitutif. Tout simplement, avec 53 Etats, tout accord devient extrêmement difficile non pas seulement à cause du nombre des partenaires mais aussi de l'extrême disparité de leurs situations économiques, financières voire politiques et sociales. Sous ce rapport on comprend parfaitement les laborieux compromis qui ont, durant une trentaine d'années, complètement paralysé l'OUA. Dans ce contexte, l'organisation de la convergence s'impose au premier chef. Les critères qui ont été définis à partir de la théorie et de la pratique des unions économiques ne sont pas respectés ou connaissent peu de succès dans plusieurs organisations d'intégration. D'ailleurs, on a souvent présenté le débat sur la convergence des économies africaines comme un débat académique, il n'en est rien car il s'agit d'une mise en forme théorique tournée vers la pratique et qui se formule comme suit: peut-on créer une union économique ou monétaire sans coordonner les différentes politiques? La réponse est négative car l'absence de coordination conduit à des externalités négatives. Et de plus, les écarts grandissants dans les politiques et les performances entraînent toujours des comportements totalement divergents qui vont contribuer à fragiliser la cohésion et l'efficacité du regroupement projeté. Il apparaît alors clairement que la réalisation de l'Union Africaine résidera principalement dans l'aptitude de l'Acte Constitutif à mettre en œuvre des orientations volontaristes de politiques économiques et monétaires et à exécuter des projets intégrateurs. Pour y arriver, les Etats doivent harmoniser progressivement leurs économies et enclencher une marche graduelle vers l'Union. Les médiocres performances du régionalisme africain appellent à s'inscrire dans une dynamique d'une stratégie du possible et du réalisable. Conformément à l'optique de Jean MONNET, l'unité africaine se fera par des réalisations concrètes à même de créer d'abord une solidarité de fait et ensuite l'acceptation d'une communauté d'entreprise et -de travail. La ratification du Traité de Rome instituant le Marché Commun a été effectuée le 25 mars 1951 et celle de la Charte de l'OUA en juillet 1963 seulement six années séparent les deux actes fondateurs. En l'an 2000, l'Europe a achevé son unité -182 - économique et monétaire alors que l'Afrique est encore à la recherche d'un schéma acceptable d'unification. L'odyssée vers l'Union Européenne a été parsemée de remous, de ruptures, de politiques de la chaise vide et de laborieux compromis qui ont cependant permis à chaque fois de faire des progrès consistants dans le sens de l'unité. C'est à partir du moment où l'Europe a adopté la règle de la majorité qualifiée qu'elle a accéléré la marche vers l'unité, malgré une vive opposition de la Grande Bretagne et d'autres pays comme le Danemark. Depuis, elle est complètement sortie de la période d'indécision et d'immobilisme. Tel n'est pas le cas de l'Afrique qui s'est carrément fourvotée dans la recherche de l'unanimité et du consensus comme processus décisionnel sur les questions extrêmement vitales des institutions de gouvernance, du développement économique et de la régulation de l'ordre communautaire. Les sempiternelles logomachies culturalistes, historicistes et volontaristes qui rythment les différents sommets de l'organisation, n'ont pas encore suffi à faire décoller l'unité africaine d'un pouce. L'expérience de l'Europe montre que la marche vers l'union est un « étapisme » bien régulé autour d'une préoccupation centrale : bâtir un cadre institutionnel et juridique capable de prendre en charge les programmes retenus. Cela apparaît nettement dans l'Acte Unique Européen signé en février 1986 et ratifié par référendum par deux pays: le Danemark et l'Irlande. Audelà de l'architecture juridique, le principal acquis est l'adoption du vote à la majorité qualifiée et non plus à l'unanimité, ce qui permettait l'instauration d'un véritable pouvoir supranational chargé de réaliser un espace communautaire aux plans économique, monétaire et social puis de faire accepter des décisions prises. Progressivement, se sont mis en place les quatre composantes de ce pouvoir: le pouvoir de décision dévolu au Conseil des Ministres, le pouvoir exécutif confié à la Commission, le pouvoir législatif exercé par le Parlement européen et le pouvoir judiciaire dévolu à la Cour de Justice. Au plan économique, les Etats confirment leur volonté de réaliser les objectifs initialement inscrits dans le Traité de Rome, mais l'Acte Unique précise la compréhension du marché intérieur. « un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions du présent traité ... Ce marché intérieur doit être établi progressivement au cours d'une période expirant le 31 décembre 1992 ». Une autre disposition très importante est celle relative à la solidarité envers les pays et les régions défavorisés. Celle-ci se manifeste à travers les fonds dits structurels comme le Fonds Régional, le Fonds social, le Fonds agricole. De manière graduelle, à « petits pas », s'est constitué tout un ordre communautaire qui se met au-dessus des États nationaux. « Il n'y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités », observait le Général De Gaulle. En conséquence, il faut s'engager à construire l'Afrique des réalités à partir d'un programme possible et souhaité. L'article 14 de l'Acte constitutif de l'Union Africaine institue sept Comités Techniques spécialisés dans des domaines d'intérêt commun à savoir: (1) les questions d'économie rurale et agricole; (2) les affaires monétaires et financières; (3) les questions commerciales, douanières et d'immigration; (4) les industries, la science et -183 - les technologies, les ressources naturelles, et l'environnement; (5) les transports, les commulÙcations et le tourisme; (6) la santé, le travail et les affaires sociales et (7) l'éducation, la culture et les ressources humaines. À titre comparatif avec l'Acte Unique Européen, celui-ci traite dans sa section 2 « des dispositions relatives aux fondements et à la politique de la communauté». Cette section comporte 13 articles qui régissent les six domaines de la politique communautaire: le marché intérieur, la capacité 'llonétaire, la politique sociale, la cohésion économique et sociale, la recherche-développement technologique et l'environnement. Pour chaque politique les objectifs très précis sont fixés, les moyens sont clairement spécifiés et la mise en œuvre est toute tracée avec parfois des agendas d'exécution. Alors que pour l'Acte Constitutif de l'Union Africaine, les domaines « d'intérêt commun pour les Etats membres» sont simplement énumérés, sans la moindre précision sur les objectifs, les moyens ou le calendrier d'exécution. Cela masque mal le faible engagement des décideurs à réaliser les programmes arrêtés. C'est cela qui explique l'inefficacité de l'OUA quant à l'application de ses propres décisions. De la sorte, non seulement l'Acte Constitutif de l'Union Africaine n'a point fixé des pistes réalistes mais il a tout bonnement esquivé des questions stratégiques extrêmement importantes, de surcroît réalisables et pouvant constituer le fondement même d'un véritable contrat communautaire. Le NEPAD va essayer d'apporter des correctifs. Les domaines d'action qui peuvent ouvrir les chemins de l'unité sont certes nombreux mais la démarche la plus opportune est d'établir un ordre de priorité. Les objectifs possibles et souhaitables peuvent être présentés sous forme de propositions : Proposition 1: Elle concerne l'amélioration du dispositif de la gouvernance institutionnelle par introduction de trois éléments : - doter la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement d'un pouvoir de délibération avec des sessions plus longues pour lui permettre de débattre des problèmes relevant de ses compétences: définition des orientations, approbation des projets, solution des problèmes politiques et diplomatiques ; - accroître la fonction d'exécution du Conseil des Ministres en lui conférant des attributions d'ordre gouvernemental; - mettre en place une Autorité Exécutive Supranationale forte, performante et efficace qui pourrait être, dans le dispositif institutionnel de l'Acte Constitutif, la Commission Exécutive. Elle aurait une double mission: d'abord, mettre en œuvre les projets et les programmes communautaires approuvés par les Chefs d'État et de Gouvernement, sur proposition du Conseil des Ministres après étude des Commissions techniques, ensuite assurer la coordination et 1'harmonisation des programmes des quatre types d'organes chargés de la coopération en Afrique à savoir: les différentes communautés économiques, les organismes ~e développement, les organismes fournissant à leurs membres des services communs en matières techniques ou de recherches et les institutions financières. - 184- Cette Autorité serait sous la tutelle du Conseil des Ministres. Elle disposerait d'attributions élargies et de moyens lui permettant d'exécuter tous les programmes d'intégration. Cela suppose que le système de prise des décisions à l'unanimité ou par consensus soit complètement abandonné au profit du vote à la majorité qualifiée. Une telle option va sortir l'Union Africaine de l'indécision et de l'immobilisme et rendre possible l'indispensable transfert de souveraineté. Dès lors, les intérêts de l'Union peuvent être supérieurs à ceux des États. Proposition 2 : Elle consiste à créer un ordre politique nouvt:au et surtout, des institutions solides (comme le Parlement et le Conseil Economique ) dans lesquelles les divers acteurs (partis politiques, syndicats, société civile, femmes et jeunes) seront représentés par des procroures démocratiques. Les Communautés ne deviennent pérennes qu'llvec ln participation des populations au processus de prise de décision et de contrflle de l'Union. Le Parlement doit avoir une initiative en matière de lois, voter le budget préparé par la Commission Exécutive et se prononcer sur les pruje!.:s cl programmes qui lui sont soumis par la Commission. Les membres de ce Parlement doivent être élus au suffrage universel et non désignés par les autorités gouvernementales ou les parlements nationaux. Dans cette a..semhlée de l'Union, les acteurs politiques pourront alors défendre les intérêts du continent en les mettant en phase avec ceux des États membres. C'est seulement de la sorte que peut se former une conscience africaine. Proposition 3 : Elle concerne l'élaboration d'une politique ext.érielJre commune avec, au niveau diplomatique, la rationalisation des représentations nationales dans tous les pays par nominations d'ambassadeurs ayanl ut::S missions communautaires et la mise en place d'un mécanisme civil de prévention et de règlement des conflits pour la paix, la sécurité et la stabilité des pays africains. En effet, le continent est aujourd'hui demeuré un volcan de conflits, d'instabilité et d'insécurité aux conséquences dramatiques sur Ic plan humain, économique et social. Si l'on veut sincèrement réduire les risqUt:s politiques qui bloquent la croissance et le développement, il faut bien comprendre et maîtriser les facteurs qui influent sur les guerres civilc:s ct s'investir pour leur trouver des solutions. Or, la géopolitique de la conflictualité africaine indexe la lutte pour la maîtrise des ressourccs naturelles (terre, pétrole, diamant, autres mines ete.) par les élites comme facteur déterminant. Proposition 4: Elle consiste à créer une Agence d'Exécution des politiques d'infrastructures physique de base rendant possible l'intégration dcs pays, des politiques scientifiques, technologiques et particulièrement de promotion des Nouvelles Technologies de l'Information et de III Communication (NTIC). Cette révolution est en train d'opérer wle transformation structurelle extrêmell)ent profonde et rapide des systèmes économiques tout en déplaçant les sources d'enrichissement des acteurs. de bouleverser les savoirs et de modifier les modalités de formation des ressources humaines et les conditions de travail. Bien évidemment, pour tirer -185· profit du développement des NTIC pour l'agriculture, l'industrie et les services, il faut s'appuyer sur des institutions et des politiques de qualité dirigées par des hommes compétents et dotées de moyens adéquats et substantiels. Les risques seront irrémédiables si l'Afrique ne trouve pas très rapidement ces institutions et ces ressources afin de se raccorder, au plus vite, aux NTIC et cela au double niveau de la production et de la consommation. Il importe de bien comprendre les enjeux de la compétition technologique mondiale qui n'est ni pure, ni parfaite. Elle n'est pas libérale en raison des interventions massives des États dans le financement des budgets colossaux de recherche-développement. C'est le cas des États-Unis avec les programmes militaires et spatiaux de la NASA, au Japon avec le MITI (organe public) et en Europe avec les programmes communautaires comme Airbus, Ariane, Hermes, Esprit (European Strategie Prograrn for Research and Development in Information Technology), Eureka, Race (Research and Development in Advanced Communications Technology for Europe). De plus, la technologie et la recherche conditionnent la croissance économique et la création d'emplois. L'Afrique occupe aujourd'hui moins de 4% de la communauté scientifique mondiale dont les 3 /4 se concentrent dans le triangle Afrique du sud, Kenya et Nigeria. Le fléau de la fuite des cerveaux déstabilise et affaiblit complètement la communauté scientifique africaine. Cette fuite des cerveaux, selon la Banque mondiale, coûte à l'Afrique une vingtaine de milliards de dollars. L'Agence d'Exécution doit définir des programmes pertinents, évaluer et chercher les moyens de leur réalisation en mobilisant de manière complémentaire la coopération internationale, qui dans ce domaine, est incontournable. Elle doit coordonner les supports de la recherchedéveloppement qui fonctionnent actuellement, à savoir: les institutions d'enseignement supérieur et de recherche, les établissements spécialisés de recherche (publics ou privés) qui travaillent en collaboration avec les organismes similaires dans les pays du Nord et les Centres d'activités industrielles et de services. Proposition 5: La formation d'un consortium bancaire sous la direction de la Banque Africaine de Développement en vue de la mobilisation de ressources destinées au financement des grands projets d'infrastructures de base: Réseau de communication et de télécommunication, ouvrages hydroélectriques pour l'électrification et l'agriculture irriguée, unités de coproduction industrielle. Sans nul doute, il reste encore d'autres domaines d'actions à la fois souhaitables et réalisables. Toutefois, l'Organisation continentale ou à défaut, les organisations sous-régionales, doivent choisir très clairement les domaines d'intervention en vue de l'élaboration de projets intégrateurs. Ils devraient ensuite définir des critères de sélection pour ces projets de programmes multinationaux qui doivent être appropriés par les pays concernés. Et tous doivent avoir la volonté politique de les faire aboutir. Le plus important est qu'au-delà de l'Acte Constitutif, naisse et se développe une volonté politique claire de réaliser un espace économique, politique et social intégré et pour y parvenir, l'acceptation par l'ensemble des Etats des décisions prises par la majorité qualifiée. - 186- Au moment où nous abordions l'achèvement de cet ouvrage des événements importants survenaient: les dirigeants africains prennent conscience de l'ampleur et de la profondeur de la crise politique, économique et sociale qui mine leur société sans qu'ils aient une stratégie cohérente de rechange. A travers deux approches proposées au monde, à l'occasion du Forum de Davos, les Présidents Abdoulaye WADE (Plan Oméga) et Thabo MBEKI (MAP), prennent l'engagement d'élaborer de nouvelles stratégies de développement pour l'Afrique. Ces deux initiatives vont alors rejoindre celle du Secrétaire Général de l'ONU, Koffi ANNAN qui avait lancé, auparavant, le Plan du Millénaire. Ces trois Programmes partagent les mêmes préoccupations: Pourquoi la pauvreté de masse en Mrique et comment en inverser le cours à grande échelle et de façon probante? Autrement dit, est-il possible de faire reculer la pauvreté suffisamment vite? La lutte contre la pauvreté est-elle ou non compatible avec la croissance et, si oui, à queUes conditions? Les nouvelles approches du développement postulent que la croissance viendra à bout de la pauvreté. Pourtant, il n'y aura pas de croissance longue sans réduction massive de la pauvreté. Que faire? Comment accélérer la croissance? Le NEPAD ouvre des perspectives de grands travaux assis sur des secteurs prioritaires qui offrent ainsi aux économies nationales par le mécanisme des extemalités positives de meilleures possibilités de croissance que la simple suppression des barrières commerciales. Quelles sont les lignes directrices de cette nouvelle versIon du régionalisme africain? - 187- CHAPITRE 8 LE NEPAD, une dernière chance pour un développement concerté du continent Les temps que nous vivons ne supportent ni l'amateurisme ni l'impréparation car en économie plus que dans le domaine sportij « les surdoués» du week-end peuvent être écrasés par les tdcherons du quotidien comme les lièvres dilettants peuvent être dépassés par les tortues besogneuses et persévérantes. Choisir la bonne stratégie, savoir faire donner aux hommes le meilleur d'eux même, voici à quoi se résument en fin de compte les politiques économiques. Si ces impératifs sont respectés, le succès est garanti aussi bien pour une petite nation sous-développée que pour les grandes puissances économiques. Lionel Stoleru 89 Quel que soit l'angle d'analyse, les mutations introduites par la mondialisation ne se présentent pas comme un mauvais moment à passer de sorte que, telle roseau de la fable, il faille plier l'échine et attendre que le beau temps revienne. Le monde est dans un nouveau système d'économie sociale de marché, de compétition économique et de démocratie concurrentielle dans lequel pour survivre, il faut avoir des stratégies clairvoyantes, pertinentes et complètes, une bonne maîtrise des savoirs et un très grand professionnalisme. Or, depuis les années 70, l'Afrique est à la périphérie de ce système mondial, contrariée qu'eUe est par d'innombrables difficultés économiques et sociales. Celles-ci sont subséquentes d'une part à la chute brutale des cours des matières premières provoquée par la crise financière et économique mondiale, et d'autre part par les conditions climatiques défavorables à l'agriculture et les problèmes engendrés par J'instabilité et les conflits qui ont affecté une bonne partie du continent. Malgré quelques embellies dans des pays limités (Tunisie, Maurice, Botswana, Burkina Faso, Ouganda, Afrique du Sud) et dans certains secteurs, le bilan du développement se lit en termes de contre-performances qui ont conduit progressivement à la marginalisation rampante du continent (des affaires du monde). Cette situation économique africaine se manifeste par la détérioration généralisée des fondamentaux des économies nationales: fà..ible taux de croissance économique, inflation souvent galopante, endettement massif, stagnation des économies, approfondissement du double déficit chronique de la balance des paiements et des finances publiques. Le revenu moyen africain ~. Stoleru: L'ambition internationale, Éd. Seuil, 1988, p.323 -189 - représentait 14% du revenu des pays développés au milieu des années 60 ; en 1997 le rapport n'était plus que de 7%. Le taux de croissance annuel moyen du PIB entre 1965 et 1993 n'était que d'environ 0,5%, de loin inférieur à la croissance démographique (de 2,9 à 4,1%). Après la haute conjoncture de 1994, avec un taux de 5,5%, il n'y eut pas de consolidation puisque le taux de croissance du PIB de la région a réamorcé une tendance baissière pour se fixer à 3,2% en 1998 et à un peu moins de 2% au début du millénaire. Les économies africaines ont assez mal réagi aux chocs externes comme la morosité de l'économie mondiale, la baisse des cours des matières premières dont le pétrole, la crise asiatique qui ont entraîné des effets désastreux sur le déficit budgétaire, le taux d'inflation, la croissance du PIB, l'endettement et le taux de change. A la fin des années 90, l'Afrique représentait 12% de la population mondiale mais fournissait moins d' 1% du PIB mondial. Les résultats du développement industriel et agricole sont aussi modestes. n avait été mis en place une stratégie d'industrialisation par substitution aux importations qui avait de faibles relations en aval comme en amont avec le secteur agricole: les performances se sont révélées décevantes. Au niveau des relations avec l'extérieur, la part de l'Afrique dans les exportations est modeste. Elle est complètement absente du commerce mondial dans les branches les plus dynamiques des produits manufacturés et des services. Au plan social, la dégradation du bien-être s'élargit avec la montée de la pauvreté dont le rythme de croissance est plus rapide que celui des revenus. Dans les années 80, le Plan d'Action de Lagos (PAL)90 pour le développement économique de l'Afrique 1980-2000 cherchait à résoudre au niveau continental, régional, sous-régional et national, les grands problèmes du développement. Cette nouvelle politique de l'OUA a été consignée dans le PAL lors de la XYlème session ordinaire de la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement (Monrovia en juillet 1979). Elle a été précédée par des travaux d'experts économistes et des directeurs des offices de planification. À la clôture de la session, une déclaration a été adoptée sur les principes directeurs à respecter et les mesures à prendre pour réaliser l'autosuffisance nationale et collective dans le domaine économique et social, en vue de l'instauration d'un nouvel ordre économique. Également, les Chefs d'État et de Gouvernement de l'OUA « s'engageaient, au nom de leurs gouvernements et de leurs peuples à promouvoir le développement économique et social et l'intégration de leurs économies en vue d'accroître l'auto-dépendance et favoriser un développement endogène et auto-entretenu pour faciliter et renforcer leurs rapports sociaux et économiques; pour l'édification au niveau national, sousrégional et régional d'une économie africaine dynamique et interdépendante, pour l'établissement, chaque année, de programmes spécifiques pour matérialiser cette coopération économique sous-régionale, régionale et continentale )). 90 OUA-CEA : Le plan d'action de Lagos pour le développement de l'Afrique 1980- 2000 - 190- La mise en œuvre de cette déclaration a été inscrite dans le Plan d'Action de Lagos dont l'ambition était à la mesure du retard économique du continent. Le contenu était très large et concernait des domaines aussi variés que: - l'agriculture et l'alimentation dont le plan de développement a été approuvé à Arusha et adopté dans la déclaration de Monrovia de juillet 1979 ; - l'industrialisation du continent par la poursuite d'objectifs à court, moyen et long terme, visant à atteindre en l'an 2000 au moins 2% de la production industrielle du monde, conformément aux objectifs de la conférence de Lima ; - l'exercice de la souveraineté totale des pays africains sur leurs ressources naturelles, en s'appuyant sur la formation des hommes capables de maîtriser les technologies appropriées ; - le développement et l'utilisation rationnels des ressources hwnaines nécessaires à ce plan d'action; - la politique scientifique et technologique mise au service du développement du continent aux niveaux national, sous-régional et régional ; -l'adoption et la mise en œuvre d'une stratégie générale en matière de transports et de communications ; - la promotion et l'intensification des échanges commerciaux et financiers sur les plans national et inter-africain. Cette énumération non exhaustive montre toute l'importance accordée au PAL, ainsi que les grands espoirs qu'il a suscités lors de son adoption et de sa promulgation. Malgré, cela les années 90 vont montrer de très faibles taux de réalisation des objectifs du programme. Au bout du compte, ces résultats bien en-<leça des espérances, ont justifié les évaluations sévères comme « la décennie gâchée », « la décennie des espoirs déçus» ou plus fréquemment « la décennie perdue ». En effet, qu'il s'agisse de la croissance économique, de la résorption du double déficit structurel de la balance commerciale et des finances publiques, de la dette extérieure et intérieure, des niveaux de pauvreté, de la nutrition, de la santé, de l'éducation en un mot de l'amélioration du bien-être social, les performances sont dans l'ensemble très médiocres. L'afropessimisme a amplifié et dramatisé cette réalité comme pour préparer toutes les opinions publiques à des thérapies pénibles. Le cycle qui a suivi est connu: consensus de Washington et imposition des programmes d'ajustement structurel comme solution inévitable avec des conséquences sociales désastreuses. Les insuccès du PAL ou encore le grand écart entre les intentions et la réalité pourraient être imputables aux raisons qui suivent: - l'absence de transformation par les États des orientations et programmes continentaux en politiques et projets nationaux; - l'absence de volonté politique et de détermination à poursuivre des stratégies et politiques économiques et financières pertinentes ; - 191 - - la différence de conception et de perspective entre les Africains, les donateurs et institutions multilatérales ; - chez les partenaires de l'Afrique, le manque d'enthousiasme à aider le continent à atteindre les buts et objectifs qu'il s'est fixé; -l'illusion entretenue que chaque pays, agissant à titre individuel, peut surmonter isolément les énormes difficultés' de la transformation socio-économique. Le développement exclusif dans le cadre de l'Étatnation porte préjudice à l'intégration, à la coopération régionale; - la détérioration de l'environnement économique international et la marginalisation continue de l'Afrique; - le fait que les pays se préoccupent des crises à court terme notamment la gestion des déséquilibres financiers extérieurs et intérieurs et la dette extérieure; - le rôle croissant des « experts» qui participent directement ou indirectement à la prise de décisions économiques, politiques et sociales ; - les effets de la sécheresse et de la désertification; -l'extrême vulnérabilité de l'agriculture aux aléas climatiques ; - le poids de la conflictualité africaine avec les guerres civiles, ethnique et tribales qui perturbent les activités productives, détruisent l'infrastructure, entrâment le déplacement de millions de persormes et obligent les gouvernements à détourner les rares ressources des activités de développement. Face à la montée des déséquilibres et de l'endettement, la faible teux de réalisation concrète du PALet des plans subséquents a contraint les dirigeants à mettre en place les PAS autour de quatre objectifs majeurs: - l'ouverture des économies sur le système des relations économiques et financières internationales ; - l'élimination de l'État dans les choix de production et d'allocation des ressources ce qui implique, à terme, le démantèlement du secteur public et des monopoles dits naturels et leur privatisation; - l'élimination des distorsions dans le libre jeu de tous les marchés; -la promotion du secteur privé dans toutes les activités productives. Suite au long règne sans partage des P.A.S., la médiocrité des performances économiques et financières du continent amène la Banque mondiale à opérer une évaluation exhaustive et autocritique des politiques mises en œuvre. Elle publie en 1994, le Rapport « Adjustment in Africa » qui montre que les rythmes des réformes restent encore faibles et conséquemment, le niveau de la croissance ne permet pas encore une réduction de la pauvreté et une résolution des nombreux problèmes sociaux liés à une démographie galopante et une urbanisation rapide et chaotique, deux phénomènes conjugués qui font exploser la demande sociale. Ce n'est pas notre objet d'évaluer en profondeur cette question relative à la pertinence ou non des PAS. Toutefois, le moins que l'on puisse en dire est que ces politiques ont échoué; elles n'ont pas atteint leur objectif -192 - majeur: l'instauration d'un processus vertueux de croissance économique (M. KASSE, 1991). Si elles se sont avérées aussi peu performantes, c'est parce qu'elles ont, comme le note J.Stiglitz 91 , confondu les moyens avec les fins: la libéralisation, la recherche des grands équilibres, les privatisations sont prises comme des fins plutôt que comme des moyens d'une croissance durable, équitable et démocratique. Elles se sont « beaucoup trop focalisées sur la stabilité des prix plutôt que sur la croissance et la stabilité de la production. Elles n'ont pas su reconnaître que le renforcement des institutions financières est aussi important pour la stabilité économique que la maîtrise des déficits budgétaires et de la masse monétaire. Elles se sont concentrées sur les privatisations, mais n'ont guère attaché d'importance à l'infrastructure institutionnelle nécessaire au bon fonctionnement des marchés, et particulièrement à la concurrence ». Les nombreuses évaluations critiques de l'ajustement menées par des chercheurs universitaires (T.MKANDAWlRE 92 , Sarnir AMIN, Ben HAMMOUDA, M.KASSE, Makhtar DIOUF, etc.) ont abouti à l'exigence de « Repenser Bretton Woods à partir d'Afrique» (Thème du Colloque des intellectuels africains patronné par le Président Blaise COMPAORE à Ouagadougou en avril 2000 avec la participation d'environ 300 enseignants-ehercheurs et d'éminents experts des Institutions Financières Internationales). Cesdits programmes n'ont pas réglé la crise africaine 93, En analysant de plus près cette crise africaine qui est la préoccupation majeure des décideurs politiques en ces débuts du millénaire, on se rend compte qu'elle présente un caractère multidimensionnel à la fois économique, politique et social. Et aucun pays n'y échappe entièrement « Nous traversons tous la même crise et partageons les mêmes conséquences» (Blaise COMPAORE,1998). En premier lieu, cette crise africaine est économique. Toutes les recherches et les différentes analyses montrent que les économies africaines sont installées dans une crise durable qui se manifeste sous trois formes à savOIr: - la dégradation générale des principaux indicateurs macroéconomiques et macro financiers, l'approfondissement des déficits des finances publiques et de la balance des paiements ; - la désintégration des structures de production et des infrastructures ; - la détérioration des facteurs constitutifs de l'indicateur du développement humain: éducation, santé publique, nutrition et logement. Manifestement, sur chacun de ces points, on peut exhumer des statistiques pertinentes mais quels que soient les indicateurs utilisés, les performances des ~I 1. STIGLITZ: vers un nouveau paradigme pour le développement, Revue Economie politique nOS, Premier trimestre 2000 92 MKANDAWIRE : Mains visibles. Assurer la responsabilité du développement social. Rapport de L'UNRlSD, Genève 2000 93 H. BEN HAMMOUDA et Moustapha KASSE, Repenser Brel/on Woods, Éd. K~a,2002,316p -193 - éconofiÙes depuis les décennies 1970, 1980 et 1990 sont restées très modestes à telle enseigne que globalement, ces économies n'ont pas pu améliorer leur productivité. Il en est résulté une faible compétitivité qui conduit à la marginalisation du continent sur le marché mondial et à son endettement. La croissance des secteurs productifs a été constamment faible et quelquefois négative, faisant de l'Afrique la seule région du monde où la production par tête d'habitant a baissé au cours des années 80. Inexorablement, pareille situation débouche toujours sur une rupture des grands équilibres financiers et sur la montée des secteurs non productifs. En second lieu, la crise africaine est aussi politique. Elle se manifeste sur trois plans interconnectés, celui de la détérioration de l'espace politique avec une perte de légitimité des principales institutions dont l'État, celui de la précarité de l'État-nation et celui de la conflictualité africaine. L'aspect le plus important est certainement la crise instrumentale de l'État africain induite selon P. Hugon par deux causes. D'une part par l'extrême précarité due au débordement d'en haut (l'appartenance à des réseaux régionaux et transnationaux) et par son incapacité à financer ses missions les plus fondamentales comme assurer la sécurité, la santé et l'éducation qui accroissent la qualité des ressources humaines et la productivité des facteurs de production. fi en résulte une perte de légitimité des institutions. Cela conduit à la dégénérescence étatique c'est-à-dire un État débordé et surchargé qui tombe facilement dans l'organisation d'un pouvoir patrimonial autoritaire et anti-démocratique (M. KASSE, 1993)94. C'est cela qui explique la chute de l'espace démocratique africain et le renforcement de la corruption qui est un échange occulte pour accéder à un avantage indu donc une forme particulière de recherche de rente (BUCHANAN, 1980). L'ampleur de ce phénomène est telle que celui-ci gangrène la concurrence et introduit des distorsions le fonctionnement des marchés. Les chasseurs de rente introduisent alors des biais dans le libre jeu des institutions. Pour les auteurs du Public Choice (BUCHANAN, TûLLISûN, TULLûCK) le pouvoir d'intervention de la puissance publique dans l'économie qu'il soit direct grâce aux commandes publiques ou indirect par les réglementations, tarifs et quotas, en fait l'interlocuteur privilégié des chasseurs de rente. Le second volet de la crise politique s'exprime aussi dans la perpétuation et l'élargissement de la conflictualité africaine. La crise de l'Étatnation et les questions ethniques et tribales sont incomplètement prises en compte dans l'analyse économique. Pourtant, ces phénomènes se présentent comme des chocs perturbateurs qui placent plusieurs pays dans le chaos économique, politique et social. Il importe de cerner ces problèmes lancinants qui font partie des préoccupations majeures de tous les dirigeants africains ainsi que de leurs diverses organisations continentales, régionales et sousrégionales. En effet, depuis quelques années, on observe la multiplication, l'extension et la complexification des conflits sur l'ensemble du continent 94 Moustapha KASSE : Démocratie et développement, Éd NESA-eREA,1993, 102 - 194- africain au moment même où la situation économique et sociale se détériore et que l'exigence démocratique s'impose à tous les États. La majorité des chercheurs (Achille MBEMBE, Ben HAMMOUDA, M. KASSE, etc.) qui se sont intéressés à la conflictualité africaine mettent en avant la volonté des élites de faire main basse sur les ressources pour disposer de moyens plus substantiels leur permettant d'aller à la conquête des pouvoirs politiques en pleine déconfiture. Ainsi on délimite les lignes de conflits autour des richesses pétrolières: Angola, Congo-Brazzaville, Nigeria, ou des richesses diamantifères: République Démocratique du Congo (RDC), Sierra Léone, République Centrafricaine (RCA), ou des espaces géostratégiques fortement disputés ou plus simplement des vestiges de la colorusation cololÙsation ou de l'ancienne guerre froide: Soudan, Ouganda, Somalie. Ces conflits, qu'ils mobilisent des armées régulières ou des civils en armes, ont des coûts financiers et humains exorbitants. C'est surtout les civils-dont le contrôle est l'un des objectifs des belligérants qui payent les plus lourds tribut à la guerre et aux affrontements. À titre d'illustration, au niveau des Il pays africains concernés, les divers conflits en question ont fait entre 4 et 7 millions de morts ce qui représente entre 3 et 5% de leur population totale. Par ailleurs, pour l'ensemble de ces pays en état de guerre, les victimes civiles (réfugiés, déportés, déplacés, destructions des productions et des instruments de travail, insécurité, grande et petite délinquance etc.) ont constitué jusqu'à 90% de la population alors que pour la seconde guerre mondiale elles représentaient de 50%. À quoi s'ajoutent les autres préjudices matériels et moraux de tous ordres. Sur un autre plan, les dépenses entraînées par les conflits sont considérables à la fois pour les belligérants et pour la communauté internationale qui est entrain de s'investir à grande échelle par la mise sur pied de forces militaires d'interposition ou de maintien de la paix. Plus globalement, au niveau du financier, on peut observer que des ressources importantes sont mobilisées bien que les armes proviennent pour l'essentiel du marché noir ou de stocks existants dans les pays en développement ou dans les pays développés. Au niveau du financement des conflits, on observe une évolution de leurs formes et une plus grande diversification de leurs sources. Devant la perte des appuis internationaux, qui du temps de la guerre froide constituaient l'essentiel des financements, les mouvements armés développent de nouvelles filières et de nouveaux réseaux de mobilisation de ressources. D'ailleurs, ces financements tentent de s'incruster d'une manière durable dans le tissu économique local afin de leur donner un caractère plus durable, plus contrôlable et plus autonome. Dans ce cadre la poursuite de la guerre ne va point se heurter à une quelconque contrainte financière. C'est ainsi que les ressources minières (pétrole, diamant ou autres) sont commercialisées à partir de circuits parallèles et non officiels. Ce sont ces nouvelles formes de financements assez proches de pratiques délictueuses qui se développent et s'élargissent. Aujourd'hui, tous les mouvements armés exploitent la commercialisation illégale de biens ou de services licites ou illicites pour financer leurs activités (drogues, diamant, or, pétrole etc. ). Or, il est bien - 195- établi que le développement durable qui est l'aspiration fondamentale des peuples n'est possible que dans la paix, la sécurité et la stabilité. En troisième lieu, la crise africaine est une crise sociale. Au plan social, on observe une dégradation des indicateurs du bien-être comme l'éducation, la santé, le logement et l'environnement et un accroissement du chômage et de la pauvreté. L'Afrique sub-saharienne compte selon les plus récentes statistiques environ 250 millions de pauvres soit 45% de sa population. TI semble que le rythme de croissance de la pauvreté est plus rapide que celui des revenus. Ce processus est aggravé par une forte et incohérente croissance urbaine et une démographie galopante deux phénomènes conjugués qui font exploser la demande sociale et vont accentuer les désordres de toutes sortes. Comme quoi, la main invisible du marché est prédatrice de la condition sociale. Cette condition sociale des populations défavorisées sera aggravée dans les pays en développement dès le début des années 80, amenant les ONG ainsi que les organisations internationales à alarmer l'opinion publique mondiale. L'UNICEF (Ajustement à visage humain 1984), le BIT (1990), la FAO (1990) ainsi que des chercheurs P. HUGON (1989), H. SINGER (1989), LOXLEY (1990) accusent directement les mesures de stabilisation et d'ajustement structurel, la détérioration du cadre macro-écono11Ùque et fmancier, à la récession écono11Ùque internationale, la dégradation des termes de l'échange et l'endettement massif Dans les pays soumis aux programmes d'ajustements structurels, les conséquences des mesures économiques et financières accentuent les difficultés de la population par le freinage de la demande et la compression des dépenses publiques, le recul des dépenses sociales, la baisse des effectifs de la fonction publique, la réduction de la fréquentation des écoles et des centres de santé. Les réformes visant la réduction des déficits et la relance de la croissance débouchent sur une dégradation du développement humain avec une recrudescence de la pauvreté. C'est sur le terrain de la réconciliation entre la croissance économique et le développement social que le PNUD se sépare du cadre de référence dominant pour s'élever en créant différents concepts caractéristiques de la conditiou humaine: l'indicateur du développement durable (IDH), l'indice de la pauvreté humaine (lPH), l'indicateur sexospécifique (ISDH) et l'indicateur de la participation des femmes (IPF). Dans le premier Rapport Mondial sur le Développement Humain (RMDH) publié en 1990, le PNUD définit un Indice composite du DéveloppemenL Humain (IDH) prenant en compte l'ensemble des dimensions de la vie humaine: économique certes, mais aussi sociale, culturelle et politique. L'IDH mesure le niveau moyen auquel se trouve un pays donné selon trois critères essentiels du développement: la longévité, l'instruction et les conditions de vie. Cet indicateur composite est calculé en combinant trois variables: l'espérance de vie, le niveau d'éducation (mesuré d'une part, par le taux d'alphabétisation des adultes et, d'autre part, par le taux combiné de scolarisation dans le primaire, le secondaire et le supérieur) et le PŒ réel par habitant (mesuré par la PPA ou parité de pouvoir d'achat). Quant à 1'}PH, il - 196- s'attache aux déficits rencontrés dans trois domaines essentiels de l'existence humaine et qui sont eux-mêmes déjà pris en compte dans l'IDH. Les variables considérées sont ici le pourcentage d'individus risquant de décéder avant l'âge de quarante ans, le pourcentage d'adultes analphabètes et les services procurés par l'économie dans son ensemble, cette troisième variable étant représentée par trois critères: le pourcentage d'individus n'ayant pas accès aux services de santé et à l'eau potable et le pourcentage d'enfants de moins de cinq ans victimes de malnutrition. Quant à l'ISDH il corrige l'IDH en fonction des inégalités sociologiques entre les sexes. Enfm l'IPF indique si les femmes sont en mesure de prendre une part active à la vie politique et économique. Tous ces indicateurs annuellement calculés pour l'ensemble du monde par les RMDH sont révélateurs du retard énorme de l'Afrique en matière de développement humain. En prenant par exemple l'IDH la vingtaine de pays où cet indicateur baisse depuis 1990 est composée principalement de pays africains. En affinant l'analyse, on découvre que l'IDH de la République de Guinée est de moitié celui du Vietnam avec une espérance de vie de 47 ans dans le premier pays et 67 ans dans le second, les adultes y sont alphabétisés respectivement à 36% contre 93%. On pourrait prendre d'autres exemples pour montrer non seulement le retard mais surtout le recul africain en matière de développement social. Au regard de l'évolution des RMDH, il apparaît que le défi majeur est la réduction de la pauvreté et des inégalités ainsi que l'investissement dans les ressources humaines. Le challenge des démocraties africaines est de montrer leur capacité à trouver les voies et moyens pour y parvenir. Cela devrait certainement passer par l'élaboration et l'exécution de programmes concernant, entre autres, la croissance économique, le droit au développement et la participation des femmes. Dans son rapport intitulé East Asian Miracle, la Banque mondiale (World Bank,J993) souligne que de nombreuses économies d'Asie de l'Est ont pris le chemin d'une croissance rapide et équitable. « Pourquoi l'Asie s'est-il développé plus rapidement que l'Afrique?». Une réponse évidente est que l'Asie a fait un effort d'investissement plus important que celui de l'Afrique. Entre 1965 et 1990, le ratio moyen entre l'investissement et le PIB était de 17,3% en Afrique contre 30,6% pour l'Asie de l'Est et du Sud-Est. En définitive, suite aux médiocres résultats de l'ajustement structurel, c'est la montée de la pauvreté de masse qui a poussé à la fois les décideurs politiques et la communauté des économistes à chercher des solutions de court terme au détriment du développement à long terme qui a été systématiquement occulté. Les débats et les réflexions portaient principalement sur les problèmes de stabilisation et d'ajustement structurel (amélioration des fondamentaux de la macro-économie), d'endettement soutenable, d'aide au développement. La pensée néo-libérale dominante incarnée dans la praxis des institutions financières internationales, (lFI) dénonçait très fortement les distorsions introduites par l'État dans le processus de fonctionnement des marchés (marché des biens et services, marché du travail, marché des capitaux et marché des changes). L'analyse de ces divers dysfonctionnements dont la source principale est attribuée au « trop d'État» avait conduit les IFI à exiger la réforme systématique de tous les espaces de concentration des pouvoirs : pouvoir politique à travers le redéfinition des missions de l'État et - 197- l'élargissement du processus démocratique, pou voir économique avec le désengagement de l'État, la privatisation et la restructuration du secteur public, pouvoir éducatif et de fonnation des ressources humaines. Cependant, l'approfondissement de la crise africaine sous tous ses aspects, la baisse continue des niveaux de vie des populations ont réintroduit dans l'analyse économique les problèmes du développement à long terme que les progrès de la recherche économique pennettaient de prendre en charge pour aller bien au-delà de la simple gestion de la crise. Il s'agit notamment du renouvellement des théories de la croissance, de la théorie des organisations et des institutions considérées comme des vecteurs de réduction des coûts de transactions, de l'information imparfaite et asymétrique, enfin de remploi de modèle d'équilibre général pennettant une meilleure maîtrise des interactions entre les marchés, les institutions et divers acteurs. Les vertus de la crise africaine ainsi que celles d'une vingtaine d'années d'expérience de réfonnes économiques, politiques, institutionnelles et sociales sont, entre autres, d'indiquer au moins trois perspectives de solution pour en sortir: d'abord l'instauration d'un processus durable de croissance, ensuite la création d'un espace optimal et enfm l'insertion dans l'économie mondiale de haute compétition. L'articulation de ces éléments nécessite une nouvelle vision stratégique du développement adossée sur un programme cohérent et opérationnel qui dégage les orientations, fixe les priorités et détennine les moyens pour une croissance forte et durable et une amélioration de la situation sociale à moyen et long tenne. En clair, pour sortir de la crise, le continent africain a besoin d'une nouvelle vision. et d'un leadership fort pour sa mise en œuvre. SECTION J : Une nouvelle vision du développement concerté. Les divers Plans et Programmes ainsi que les théories qui les ont portés ayant échoué, il importe d'en tirer les leçons pour ne point rééditer les mêmes erreurs. Quelles nouvelles approches plus pertinentes et plus performantes du développement de l'Afrique? « L'Afrique peut revendiquer eme sa place dans le 21 siècle?». Que doivent faire les acteurs du développement ? C est dans ce cadre de recherches de nouvelles solutions que les dirigeants africains, les intellectuels, la société civile, le système des Nations-Unies et les institutions internationales de coopération s'interrogent pour savoir ce qu'il faut faire pour insérer le continent dans cette économie mondiale de très haute compétition. Étant donné l'énormité des problèmes à résoudre et le caractère limité des moyens et des ressources, le continent doit, à travers ses diverses institutions, fixer ses priorités et établir son échéancier de réalisation. Ce processus ne se résume pas à imiter des initiatives ou même des programmes qui ont réussi ailleurs, il faut une étude attentive de la situation d'ensemble et une cherche de solutions idoines en phase avec les préoccupations des partenaires au développement. La Déclaration du Millénaire des Nations Unies faite par les chefs d'État et de Gouvernement fixe avec clarté ce qui peut constituer les objectifs internationaux du développement, à savoir : - 198- - Réduire de moitié entre 1990 et 2015 la proportion de la population vivant dans l'extrême pauvreté. - Scolariser tous les enfants dans l'enseignement primaire d'ici 2015. - Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomie des femmes en éliminant les disparités entre les sexes dans l'enseignement primaire et secondaire d'ici 2005. - Réduire des deux tiers les taux de mortalité infantile et juvénile entre 1990 et 2015. - Réduire des trois quarts les taux de mortalité liés à la maternité entre 1990-2015. - De 1990 à 2015, assurer l'accès aux services de santé génésique entre 1990 et 2015. - Appliquer des stratégies nationales axées sur le développement durable d'ici à 2005, de manière à réparer les dommages causés aux ressources environnementales d'ici 2015. Ces objectifs clairement définis avec des horizons de réalisation fixés, sont avalisés par les décideurs les plus significatifs des institutions internationales: le Secrétaire Général de l'ONU, Kofi Annan, le Secrétaire général de l'OCDE, Donald Johnson, le Directeur Général du FMI, Horst Kôhler, et le Président de la Banque mondiale, James Wolfensohn. Ils ont solennellement proclamé que leurs différentes institutions s'emploieraient à faire de ces objectifs de développement le fondement commun de leurs actions et de leurs programmes, et à mesurer leur efficacité. De ce fait, les tendances actuelles devront être radicalement inversées pour que puissent se concrétiser ces objectifs. n faut alors au minimum réaliser un taux de croissance annuel moyen de 7% qui nécessite des investissements colossaux de l'ordre de 65 milliards de dollars pour des pays dont l'épargne intérieure est quasi inexistante. Le recours à l'épargne extérieure s'impose et cela exige le développement d'un partenariat de type nouveau avec les acteurs du système mondial ayant des excédents de ressources. C'est dire que l'Afrique a un besoin urgent d'un Programme d'action cohérent et opérationnel fondé sur une meilleure gouvernance économique et politique pour assurer des prestations efficaces aux divers opérateurs économiques et financiers sollicités. Ce Programme devrait être porté et soutenu par un leadership fort et solidement implanté. C'est dans ce contexte que furent entreprises deux initiatives: le Plan Omega (PLOM) du Président Abdoulaye Wade et Le Millénium Partnership for the African recovery Program (MAP) élaboré par le Président Tabo MBeki avec la collaboration des Présidents Olusegun Obasanjo, Abdou Aziz Bouteflikha et Hosni Moubarak. La fusion de ces deux plans a été réalisée à Pretoria, suite à une recommandation du 39Cmc Sommet de l'OUA à Lusaka (en juillet 2001) sous l'appellation de la Nouvelle Initiative africaine qui deviendra par la suite le NEPAD acronyme du sigle anglais New Partnership for Africa Development. Contrairement aux plans et programmes antérieurs ( Plan de Lagos, Programme Prioritaire pour le Développement de l'Afrique, Décennie des Transports, Programme d'industrialisation, CARPAS ... ), les nouvelles initiatives sont conçues par des Chefs d'État qui en ont la paternité et qui de surcroît ont pris l'engagement de les réaliser en concertation avec des partenaires extérieurs. -199 - 1- Le plan OMEGA 95 (pLOM): un pacte décroissance soutenue et de développement durable a partir d'investissements dans le capital physique et le capital humain Le PLOM conçu par le Président Abdoulaye Wade est construit à partir d'un double constat à savoir : - Selon le premier que la colonisation obéissait au principe du pacte colonial selon lequel économie des colonies était le complément de celle de la métropole ? Dans cette logique, toutes les infrastructures construites étaient des voies d'évacuation des matières premières ; - le second constat il appara.ît qu'après les indépendances, avec l'aide des institutions de la communauté internationale, la logique du développement a reposé sur un binôme : le crédit (pour financer les déficits) et l'aide publique à des conditions concessionnelles. Or, avec le temps, ce binôme a conduit à l'impasse de la dette qui, non seulement n'a pas financé la croissance économique mais continue de se massifier tandis que raide plafonne malgré les objectifs qui lui avaient été assignés dans les années 1970. Ce constat d'échec impose de trouver d'autres stratégies et d'autres moyens qui assurent une croissance et un développement durables pour l'Afrique. Ce sont ces objectifs qui ont donc conduit à l'élaboration du PLOM. Pour y parvenir, il faut résorber les disparités structurelles entre les pays développés et l'Afrique dans au moins deux secteurs de base: les infrastructures et l'éducation. En effet, pour le PLOM « si l'Afrique disposait des mêmes infrastructures de base, eJle pourrait consacrer ses ressources à la production et à l'amélioration de la productivité pour aborder favorablement la compétition internationale. Cette disparité constitue un handicap très sérieux dont la charge de la résorption devrait revenir à la communauté internationale, et plus particulièrement aux pays industrialisés ». fi apparaît clairement que ces principes fondateurs du PLOM ne sont pas trop éloignés de ceux des théories de la croissance endogène confortées par les expériences historiques de développement observées dans le monde d'abord, aux États-Unis entre les années 50 et 70 avec le développement des grandes infrastructures de base et des grands travaux dont le (New Deal) processus bien connu grâce aux travaux de la Nouvelle École Historique américaine, notamment ceux du prix Nobel D. North chef de flle des « cJiométriciens »; ensuite en Europe avec les « Trente glorieuses» années de croissance (1945-1975) et enfin en Asie avec les économies émergentes. Ces politiques de croissance accélérée ont permis à l'Asie de retrouver la puissance économique en l'intervalle d'une génération. Abdoulaye Wade: Plan Oméga pour l'Afrique, février 2002. École de Dakar: Synthèse des travaux du Colloque International des ÉconoRÙes sur la cohérence et l'opérationnalité du Plan Oméga, Dakar les 11-13 juin 2001 95 - 200- Ces différentes expenences historiques ont pour dénominateur commun l'utilisation pleine et entière des principales sources de la croissance que sont les investissements dans le capital physique comprenant les infrastructures de base (c'est-à-dire les routes, les chemins de fer, les infrastructures portuaire et aéroportuaire, les ouvrages hydro-agricoles, les télécommunications et l'énergie) ensuite les investissements dans le capital humain en faveur de l'éducation, de la santé et de la nutrition et enfin les investissements dan l'agriculture au sens large comprenant les activités agricoles, l'élevage, la pêche et les forêts. A quelle pensée théorique s'apparente le PLOM ? JO) La filiation avec Keynes et les théories de la croissance endogène Les articulations normatives qui sous-tendent le Plan Oméga présentent des liens théoriques évidents avec le keynésianisme et surtout, les approches contemporaines de la croissance. En effet, le panorama des théories de la croissance endogène dégage au moins trois significations de cette notion: - d'abord elle peut signifier une croissance dont le taux dépend du système économique et social et des comportements des agents, contrairement aux théories traditionnelles pour lesquelles le taux de croissance n'est déterminé que par des variables supposées exogènes comme le progrès technique et l'accroissement démographique; - ensuite elle est aussi assimilée à une croissance dont le taux ne s'annule pas à long terme en dépit de l'accumulation continue des facteurs de production et cela contrairement aux approches néoclassiques pour lesquelles le taux de croissance à long terme est nul. La croissance endogène devient alors une croissance auto-entretenue; - enfin dans certains modèles, la croissance endogène est considérée comme le résultat d'un progrès technique endogène. Dans ces modèles, le progrès technique est rémunéré et l'innovation technologique se fait à un rythme régulier et continu grâce à l'accroissement du temps de formation ou des ressources consacrées à la recherche-développement. Ces différentes théories identifient quatre sources de croissance: le capital physique, le capital humain, le capital public et l'innovation technologique. Cependant, l'accumulation de tels facteurs ne suffit guère à engendrer une croissance auto-entretenue encore faut-il la présence d'un mécanisme qui empêche ou compense la diminution des productivités marginales des facteurs de production au fur et à mesure de leur accumulation. C'est en introduisant les extemalités dans l'analyse que les modèles de croissance endogène parviennent à résoudre ce problème. TI y a extemalité lorsque les décisions de consommation ou de production d'un agent affectent la situation d'un autre agent autrement que par les relations de marché. Elle peut être positive ou négative. - 201 - En insistant sur la nécessité de réaliser des investissements importants dans les secteurs prioritaires le PLOM se présente comme un programme de croissance durable et auto-entretenue. li constitue une avancée inappréciable par rapport aux visions antérieures. Dans sa conception comme dans ses objectifs, le droit à la croissance pOUT l'Afrique est revendiqué et en même temps, les voies et moyens de sa mise en œuvre en collaboration avec toute la communauté internationale sur la base d'intérêts communs partagés. Son approche est en beaucoup de points semblables aux nouvelles théories de la croissance endogène qui font dépendre le taux de croissance du comportement des agents et des caractéristiques des systèmes économiques, contrairement aux théories traditionnelles pour lesquelles le taux de croissance est déterminé par des variables supposées exogènes comme le progrès technique et l'accroissement démographique (modèle de Solow). Les modèles traditionnels supposaient que le tau~ de croissance à long terme dépendait de l'expansion de la population et des gains de productivité qui permettent d'améliorer l'efficacité du travail; ce taux était dépendant de la propension à épargner. En clair, le taux de croissance à long terme était « exogène », en ce sens qu'il ne dépendait ni du comportement des agents (épargne, investissement, recherche etc.), ni de la politique économique (budget, fiscalité etc.). Une telle approche n'est pas satisfaisante, puisqu'elle ne permet pas d'expliquer les écarts entre pays, ni les disparités persistantes de niveau de vie. La pensée économique du développement comme les recherches empiriques récentes ont fait apparaître une forte corrélation entre le capital au sens large (y compris le capital humain) et la croissance. Dans ces formulations, les leviers de la croissance sont constitués de quatre facteurs principaux qui s'avèrent être les secteurs prioritaires du Plan Oméga à savoir : le capital physique (infrastructures de base), le capital public, le capital humain (éducation et santé) et l'innovation technologique. La rupture avec l'analyse néo-classique est nette. Pour cette École de pensée, si à court ou à moyen terme, l'investissement est considéré comme le moteur de l'activité économique, à long terme cependant, il est supposé n'avoir aucun impact sur le taux de croissance. Contrairement à cette approche, les théories de la croissance endogène s'intéressent aux mécanismes économiques qui permettent le déclenchement et l'entretien d'une croissance durable et autoentretenue. Pour ce faire, la théorie établit une relation positive entre croissance et investissement en capital physique et en capital social. L'État intervient en général à travers la fourniture de ces deux types d'infrastructures: les infrastructures physiques et les infrastructures instil'..Jtionnelles. TI ne peut le faire qu'à partir de ses ressources budgétaires. Ce biais nous renvoie directement au message de Keynes sur lequel nous reviendrons plus loin à propos de la réhabilitation de l'État par le PLOM. - 202- a) Les investissements dans le capital physique pour la résorption du gap ;"frastructurel ;"jraslructurel Toutes les théories de la croissance s'accordent sur le fait que l'accumulation du capital physique est un facteur essentiel de la croissance. De façon générale, ces infrastructures comprennent: - les réseaux routiers (routes internationales reliant le pays à certains de ses voisins, routes nationales et départementales, routes urbaines et pistes de désenclavement) et le réseau d'assainissement; - les infrastructures portuaires et les projets d'extension des ports secondaires ; - les infrastructures ferroviaires ; - les infrastructures de télécommunication; -le réseau de fourniture d'eau et d'électricité; - les infrastructures aéroportuaires. Ces infrastructures ont un double rôle: accompagner la production des secteurs productifs et satisfaire les besoins des consommateurs. Dans la quasitotalité des pays africains, la caractéristique marquante de ces infrastructures est leur insuffisance quantitative et leur état de délabrement très avancé : moins de 30% des routes revêtues sont en bon état, la plupart des ports secondaires ne sont plus fonctionnels, la fréquence des délestages sur la fourniture de l'énergie électrique en dit long sur la vétusté du matériel de production. De plus, la géographie du continent comme l'observe Sachs (1998) est un frein aux échanges car la majorité des populations vit dans l'hinterland et non sur la côte, ce qui favorise la précarité des infrastructures. C'est cela qui explique le traçage des routes héritées de la période coloniale qui obéit plus à une logique d'économie de traite qu'à celle d'une économie moderne. Au demeurant, ce traçage ne prend pas davantage en compte les impératifs de l'intégration. L'absence de voies de communication (routes, télécommunications) permettant d'assurer la mobilité des personnes, des biens et services et de l'information (et par conséquent, l'intensification des échanges) entraîne des obstacles aux échanges, d'où une segmentation des marchés. Même les économies prises isolément ne sont pas épargnées par cette segmentation des marchés; ce qui a pour effet de favoriser une « sélection adverse » vis-à-vis des producteurs de biens échangeables. L'accroissement des coûts de transactions consécutifs aux dysfonctionnements des marchés a pour conséquence de rendre onéreux l'accès à certains marchés. Ces derniers devenant hors de portée, la plupart des producteurs et des promoteurs de projets ont tendance à s'orienter vers des créneaux de production qui ont pour objet de satisfaire exclusivement la demande locale, en raison de l'attrait relatif du marché intérieur. fi s'ensuit une stagnation voire une baisse du volume des biens échangeables. Ainsi, un biais apparaît parti cu1ièrement à l'encontre du secteur des biens exportables d'où une perte de compétitivité à l'exportation pour le pays. C'est pourquoi, le développement des infrastructures de base devrait relancer les enjeux de l'intégration. Plusieurs gains peuvent être associés à cette intégration qui - 203- découle entre autres facteurs, de l'élargissement des marchés, de l'accroissement du stock de capital humain et de la meilleure répartition des ressources productives. Le problème crucial que rencontrent les firmes implantées en Afrique ne demeure-t-il pas la faiblesse des débouchés pour leur production? Cela résulte d'une part de la faiblesse de la demande intérieure solvable, et d'autre part de l'étroitesse des marchés des facteurs de production, des biens et des services. En permettant l'extension et le décloisonnement de ces marchés dans une optique de croissance endogène, l'intégration devient alors très bénéfique. La question centrale est de savoir qui de l'État et du marché doit assurer l'offre de biens d'infrastructures? Ou autrement: l'État peut-il être producteur exclusif de ces biens? Il est connu que les biens infrastructurels ne peuvent pas être produits par le marché (sauf les biens publics mixtes comme les radios privées et les routes à péage) car les agents privés ne sont pas incités à les produire du fait qu'ils sont difficiles à rentabiliser. En effet, certaines infrastructures, comme la sécurité nationale, la défense nationale, l'éclairage public, deviennent des biens publics parce que le marché n'est pas incité à les produire. Ces biens publics sont créateurs d'extemalités positives, c'est-à-dire que l'agent privé qui les produirait aurait un avantage marginal à le faire comparer à ce que la collectivité dans son ensemble tirerait comme avantage de cette production. Cependant, il existe deux limites de taille d'abord l'absence d'efficience parétienne, l'environnement économique devenant non décomposable et ensuite, les consommateurs peuvent bénéficier des biens sans participer aux charges d'accès (passagers clandestins). À tout cela, il s'ajoute que du point de vue du bien-être des consommateurs, beaucoup d'indicateurs construits incluent le niveau de consommation de ces biens publics: les infrastructures routières, l'électricité, les télécommunications, l'eau potable. Toutes ces raisons expliquent la nécessité pour l'État d'offrir ces biens dont l'impact positif sur le processus de croissance et de développement est avéré. D'ailleurs, l'efficacité de l'État est généralement mesurée par sa capacité à satisfaire la demande de ces types d'infrastructures. Cela explique en partie que les infrastructures ont été gérées comme des monopoles naturels et leur production essentiellement abandonnée au système public. Cependant, quelques années d'expérience ont montré que ces monopoles publics ont été inefficients et leurs mauvaises performances ont conduit aux différents programmes de privatisation en vue de redresser ces secteurs. Cela conduit naturellement à la participation du secteur privé à la production et à la gestion des infrastructures. Dans son Rapport sur le développement dans le monde (1994), la Banque mondiale estime « qu'il faut créer les conditions institutionnelles et organisationnelles qui obligeront les fournisseurs de services d'infrastructures à être plus efficaces et plus attentifs aux besoins des usagers ... Trois forces convergentes contribuent à créer les conditions d'une transformation. Tout d'abord, il y a eu d'importantes innovations en technologie ainsi que dans la réglementation des marchés. Ensuite, un consensus commence à se faire sur l'utilité d'une participation plus grande du secteur privé. Enfin la nécessité reconnue de ménager l'environnement». À partir des enseignements et des échecs dans les - 204- politiques infrastructurelles, la Banque mondiale propose d'abord une plus grande implication du secteur privé, ensuite l'application des normes commerciales de gestion aux entreprises publiques, enfin la soumission des prestations d'infrastructures aux lois du marché. Pour y arriver, la Banque propose une gamme de formules sous la forme de quatre options majeures: - Option A : L'État est propriétaire et l'exploitation est assurée par une société ou par une administration publique. - Option B : L'État est propriétaire, mais l'exploitation est sous-traitée au secteur privé. - Option C: Le secteur privé est propriétaire et exploitant, et ses activités sont souvent réglementées. - Option D : Le service est assuré par la communauté et l'usager. Ces orientations et recommandations sont reprises par la Banque Africaine de Développement dans son Rapport sur le développement de l'Afrique consacré aux infrastructures africaines (1999). Au demeurant, que ce soit au niveau de la production ou du financement, les agents privés interviennent massivement dans le secteur des infrastructures: les routes, les ports, les aéroports, les barrages hydroélectriques sont construits par les entreprises privées des grands travaux et les entreprises financières comme les ménages participent au financement. Toutefois, la participation souhaitée du secteur privé devrait entraîner la modification des modes et des critères de décision souvent de nature publique pour les rapprocher des pratiques des opérateurs privés, et également de la responsabilité et des compétences des producteurs privés. b) Les investissements dans les populatwns pour la résorption du gap au niveau des infrastructures institutwnnelles et du capital social C'est dans les années 1960 que les recherches sur les relations entre éducation et croissance ont abouti à la formalisation de la théorie du capital humain (MINCER 1958 et 1974), BECKER (1964 et 1975, et T.W. SCHULTZ 1% 1). Le capital humain désigne l'ensemble des capacités intellectueUes et physiques incorporées aux individus (ou groupes d'individus) et pouvant leur permettre de participer de manière efficiente et efficace à l'activité productive. Il englobe divers éléments tels que: l'éducation et la formation, l'état de santé, la force physique, les connaissances, les qualifications et la nutrition. Dt:s études macro-économiques établissent clairement que les périodes de croissance soutenue de la production nationale par unité de production vont de pair avec les améliorations en matière d'instruction, de santé, de nutrition et de mobilité. Elles ont administré la preuve qu'il existe, tant au niveau des pays développés que dans les pays en développement, une corrélation positive entre l'investissement qu'une nation effectue dans l'éducation et sa croissance économique. Les théories de la croissance endogène ont élaboré trois modèles qui ont fortement contribué à préciser les articulations des facteurs de la croissance comme les ressources humaines et les institutions qui génèrent les itUlovations technologiques - 205- servant de locomotive à la croissance économique. On peut rappeler qu'il s'agit du modèle du prix Nobel ROMER (1986 et 1990), de LUCAS (1988) et de BARR096 (1990). Ces modèles ont une caractéristique commune qui est que l'extemalité positive peut provenir soit du capital physique (même si les biens en question sont publics), soit du capital humain «leaming by doing » soit des innovations technologiques. Cela signifie que l'investissement dans l'éducation et la santé améliore directement le bien-être des populations, mais contribue également au renforcement des différentes formes du capital humain. Dans une économie mondiale où les capitaux, les biens et les technologies circulent librement, ce sont les ressources humaines qui vont différencier les performances. Dans ces conditions, les politiques éducatives, comme celles relatives à la santé deviennent des composantes structurelles de la politique économique. Comment se présente schématiquement la corrélation entre les différentes composantes du capital humain et la croissance économique? Le schéma qui suit illustre parfaitement cette articulation : 96 RJ. Barro et X. SI. Martin : Économie growth, MeGraw-Hill, Ine. 1995, 539p. - 206- Relations entre croissance économique accélérée et capital humain DÉVELOPPEMENT HUMAIN Cycle A DH---.Cr Taux de scolarité. Couverture maladie Capacités des entrepreneurs, directeurs, travailleurs, agriculteurs Dépenses des ménages en produits de développement humain et répartition au sein des ménages Structure de la production et des exportations Revenu des ménages et aux de pauvreté Ressources publiques et ratios de dépense Capital social Polltiaue O1v1ronncmc:nl&.le Cycle B t Distributioo des revc:nw Ces nouvelles théories de la croissance sont parfaitement adaptées au contexte de l'Afrique. 20) L'évalflation des besoins à des fins de mobilisation des ressourcesfinancières La structure du PLOM comprend trois volets: l'évaluation des besoins d'investissement, les modes de financement et la mise en œuvre institutionnelle. a) l'évaluation des besoins Concernant, l'évaluation des besoins d'investissement, la méthode proposée est conduite au niveau sectoriel et à J'échelle nationale. Toutefois, l'évaluation des besoins transnationaux et continentaux se fera par agrégation sous-régionale des besoins nationaux bien spécifiés, en plus des projets de - 207- dimension sous-régionale et continentale. Pour ce qui concerne les infrastructures routières, les besoins sous-régionaux et régionaux feront l'objet d'une évaluation particulière. De même, au niveau de l'éducation, l'enseignement élémentaire et secondaire général sont évalués dans le cadre des besoins nationaux, alors que l'enseignement technique, la formation professionnelle, l'enseignement supérieur seront conçus à l'échelle régionale et continentale; leur évaluation dépassera donc le cadre national. b) Le financement: de l'échec du binôme aide-endettement à la recherche de nouvelles ressources pour le financement des secteurs clefs Les multiples plans et initiatives sur la dette africaine ont un point commun: le refus des créanciers d'annuler la dette qui se massifie chaque jour. L'impasse du financement par endettement est donc patente. L'emprunt extérieur a été pendant longtemps considéré comme une source de financement des déficits interne et externe (modèles à double déficits de CHENERY et STRüUT, 1966). Au niveau interne, le déficit renvoie à l'insuffisance de l'épargne intérieure qui doit financer les besoins d'investissement alors qu'au niveau externe, il s'agit de trouver les ressources nécessaires au financement du solde déficitaire de la balance courante. Nombre de pays vont donc recourir à l'épargne extérieure pour couvrir leurs besoins de consommation et d'investissement. En ce sens, l'emprunt extérieur permet de desserrer les contraintes intérieures et de différer des mesures impopulaires de politique économique comme la réduction des consommations des élites urbaines ou la diminution de la pression fiscale. En ce qui concerne l'endettement de l'Afrique, comme souligné plus haut au niveau de l'introduction, il est à la fois excessif et insoutenable (KASSE, 1994). Dans ce contexte, il faut savoir comment éviter de ne pas basculer dans l'un ou l'autre de ces deux précipices: accorder trop peu de crédits au continent (c'est le freiner à court terme dans son développement) ; mais également lui octroyer trop de crédits (c'est l'étrangler à long terme dans son endettement). Globalement, en 1980, le stock de la dette des pays en développement (PED) s'élevait à 586 milliards de dollars; en 2000, il est passé à 2 527 milliards de dollars, il a donc été multiplié par plus de quatre. Dans le même temps, les PED ont remboursé 4096 milliards de dollars, soit sept fois leur dette de 1980. En conséquence et selon le rapport Global Développement Finance 2001 de la Banque mondiale, les pays du Sud ont remboursé au Nord, en 1999, 137 milliards de dollars de plus que ce qu'ils ont reçu sous forme de nouveaux prêts. En 2000, c'est 101 milliards de dollars! On peut alors raisonnablement en déduire que le mécanisme de la dette représente un transfert de richesses des économies pauvres du Sud aux détenteurs de capitaux du Nord. En considérant les allègements promis, à la fin de l'année 2000, on constate qu'ils s'élevaient à 34 milliards de dollars, mais cela ne représentait que 1,6% de la dette totale du Tiers-monde, et 15% de la celle des pays pauvres très endettés (PPTE). On est très loin des pourcentages annoncés régulièrement à grand renfort médiatique. À cela s'ajoute le fait que les quelques allègements, fort partiels, qui sont décidés sont étalés sur plusieurs - 208- dizaines d'années et liés à certaines conditionnalités politiques et économiques difficilement accessibles aux pays concernés. Cependant, si la Banque mondiale et le FMI ont lancé l'initiative PPTE, c'est parce que la situation financière de ces pays devenait de plus en plus dramatique et leur position totalement intenable. Il fallait rendre la dette soutenable pour garantir la poursuite des remboursements. D'ailleurs, dans son « Rapport Statistique de la dette extérieure», paru en 2001, l'OCDE note que «la mise en œuvre intégrale de l'Initiative ne se traduira pas par une diminution de la valeur de la dette, car les allègements prendront pour l'essentiel la forme de remises d'intérêts et de dons destinés à financier le service de la dette, et non de réductions directes de l'encours de cette dette». C'est dire que le problème demeure entier. C'est pourquoi certains ont pu dire que « l'initiative PPTE, est un coup de canif dans un baobab ». Les crises d'endettement ne sont ni nouvelles ni propres au continent afiicain. Si l'endettement pose problème c'est parce qu'il est insoutenable et qu'il n'a point servi à financer le développement, notamment l'industrialisation de l'Afrique qui, s'appuyant sur une agriculture modernisée, performante et bénéficiant de la surabondance des capitaux aurait pu se réaliser à peu de frais (KASSE, 1994). Au contraire, la crise de la dette traduit l'extraordinaire constat de quasi-eessation de paiements du fait de la détérioration des revenus des débiteurs, suite à la chute des recettes d'exportation et à l'impertinence des choix d'investissement dont la rentabilité demeure pour la plupart inférieure ou égale au coût de l'emprunt. Cela engendre une insolvabilité croissante des économies africaines. Que faire de l'endettement du continent? Est-il possible de créer un cercle vertueux d'endettement au double service de la croissance et de l'amélioration de la solvabilité ? Tous les indicateurs de la dette montrent qu'elle est devenue insoutenable et continue d'asphyxier financièrement le continent malgré les efforts multiples de rééchelonnement, les rachats (debt buy backs), les rachats convertis en actifs réels (debt equity swap), les conversions en obligations (exit bonds), les réaménagements et les annulations partielles. Depuis une vingtaine d'années toutes ces formules se sont avérées insuffisantes pour réduire de façon substantielle la valeur actuelle de la dette. Il est difficile, voire inacceptable que les pays africains continuent à payer les intérêts alors que ce prélèvement sur leurs ressources pèse lourdement sur leur capacité à investir et sur leur niveau de vie. De plus, cet endettement excessif a pour conséquence de créer un climat d'incertitude qui encourage les sorties de capitaux et décourage les IDE ou le retour des capitaux enfuis. Enfin, l'endettement soulève un problème d'équité car ceux qui remboursent ne sont pas les principaux bénéficiaires. L'état actuel de la dette africaine ne peut que conduire à réclamer son annulation totale. Ce serait le premier pas indispensable vers la construction d'un monde où le but n'est pa" le remboursement de la dette, mais la satisfaction des besoins humains fondamentaux. La conjugaison d'une dette de plus en plus écrasante et d'une trop grande pauvreté rend impossible le financement des investissements collectifs sans le~quels le développement ne peut commencer. fi y a donc un besoin - 209- urgent de créer un cercle vertueux de croissance et d'amélioration de la solvabilité « à la place du cercle vicieux actuel », où les remboursements présents compromettent la croissance, c'est-à-dire les remboursements futurs. En ce qui concerne le volet relatif à l'aide publique au développement (APD), l'impasse est avérée. L'analyse économique de l'altruisme a réussi à fixer les frontières de l'économie du don (F.R. MAIllEU, H. RAPOPORT, M. KOULIBALY, 1998) et les nombreux problèmes qu'elle soulève. En premier lieu, on constate depuis les années 90, une réduction générale (en volume comme en valeur) de l'APD qui affecte globalement l'Afrique, même si cette région continue d'être prioritaire pour les principaux bailleurs de fonds. L'objectif fixé par les Nations-Unies d'affecter 0,7% du PNB des pays développés à l' APD est très loin d'être atteint. Le taux moyen enregistré est d'environ 0,22%. Cette réduction du volume de l'APD se combine avec certaines incertitudes quant à la stratégie poursuivie pour sa mise en œuvre. En second lieu, concernant le lien entre l'aide au développement et la croissance, différentes études réalisées sur la question montrent que l'APD n'a que faiblement contribué à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté, car les fonds mobilisés sont orientés prioritairement vers les secteurs sociaux à rentabilité différée. Les besoins en ressources financières, particulièrement en ce qui concerne la balance épargne-investissement pour l' Mrique, sont énormes et l'APD en est la source principale. D'après la CEA (Rapport 1999), en Afrique, un investissement de 35% du PNB serait nécessaire pour atteindre un taux de croissance annuel de 7%. Une épargne additionnelle essentiellement externe et équivalente à 18% doit être recherchée. L'APD étant actuellement de 9% du PIB, un gap de financement de 9% reste à combler. La CNUCED propose le même type d'estimation des besoins de fmancement pour l'Afrique sub-saharienne (Rapport 2000 sur le financement des PMA). n faudrait 50 à 150% de ressources supplémentaires pour atteindre un taux de croissance annuel de 6%. L'Afrique aurait dû bénéficier d'au moins 10 milliards de dollars de transfert de ressources pour qu'elle puisse atteindre le taux de croissance indispensable. Elle ne reçoit même pas le dixième. Dès lors que l'APD constitue la source essentielle et qu'elle accuse une baisse substantielle permanente, il faut rechercher d'autres sources. Aujourd'hui les marchés financiers échangent chaque jour quelques 1200 milliards de dollars. Ces mouvements de capitaux sont commandés par quatre (4) facteurs : - le paiement des transactions commerciales de biens et services ; -les contreparties financières de transferts, d'immobilisations corporelles (IDE) ; - les investissements de portefeuille destinés à en améliorer le rendement, la liquidité ou la répartition du risque; - les spéculations sur les taux de change. Cependant, on observe que les pays africains sont dans leur grande majorité complètement absents de ces courants, ce qui nécessite de nouvelles approches pour participer à la mobilisation des ressources indispensables au financement des investissements dans les secteurs prioritaires. En matière de - 210- recherche de nouvelles sources, le PLOM distingue les ressources africaines et celles provenant de la communauté internationale et du système financier. Les ressources endogènes des pays africains comprennent : - les ressources mobilisées dans le cadre des financements des infrastructures et des secteurs sociaux; - les réserves excédentaires de certains pays africains; - les ressources de certaines institutions financières africaines ; -l'épargne intérieure des pays. Les ressources externes sont celles qui sont attendues de la communauté internationale et du secteur privé. Elles comprennent : - l'émission de bons de Trésor par les pays développés pour mobiliser des ressources en faveur du Plan Oméga; -la création de ressources spéciales par l'émission de Droits de Tirage Spéciaux (DTS) spécialement conçus pour l'Afrique; -l'appel aux ressources privées et aux marchés financiers; -les prêts sur 50 ans avec bonification du taux d'intérêt; - les investissements directs étrangers par intéressement des entreprises des pays développés: 2/3 des fonds servent à rémunérer ces entreprises, lel/3 restant étant réservé aux entreprises africaines. En définitive, si les investissements sont laissés aux seuls efforts de l'Afrique par le biais des deux modes de financement (le crédit et l'aide), on peut estimer que la disparité infTastructurelle ne sera pas résorbée avant une cinquantaine d'années au moins, durée qui compromettrait la croissance et le développement durable. Toute l'originalité du Plan Oméga réside dans le caractère novateur des modes de financement. Si les ressources sont essentiellement d'origine à la fois internes et publiques, elles ne peuvent provenir que de la fiscalité. Or, une augmentation du taux d'imposition aurait un double effet: l'arbitrage des agents entre consommation et épargne va se faire au détriment de la seconde (mauvais donc pour la croissance) et ensuite le rendement de l'investissement risque de baisser. En conséquence, l'État étant J'agent le plus habilité à valoriser le capital physique et le capital humain, des ressources financières spéciales. c) La réintroduction de l'État dans le champ de l'action économique: la résurrection de Keynes par les théories de la croissance endogène. La montée en puissance du marché préconisée par la pensée néolibérale a fini par reléguer l'État aux oubliettes. Les théories de la croissance endogène le réintroduisent fort opportunément dans le jeu économique par le biais de la fonction de production agrégée de biens et services non exclusifS (infrastructures de base, éducation, santé, nutrition, etc.) producteurs d'externalités positives et pour lesquels le rendement privé pourrait être inférieur au rendement social. C'est une toute autre question que la possibilité ouverte de leur commercialisation privée (autoroutes ou simples routes à péage). ROMER comme LUCAS montrent que l'écart entre les taux de croissance d'équilibre et l'optimum social peut être résorbé par des subventions à l'investissement ou au système éducatif. En considérant les - 211 - dépenses d'éducation, de santé et de formation ainsi que la mise au point des infrastructures publiques comme des facteurs de croissance en ce qu'elles accélèrent l'accumulation de capital humain et de capital physique, les théoriciens de la croissance endogène, à la suite de KEYNES, mettent en exergue le rôle économique de l'État. Admettre que la dépense publique a un impact très important dans les secteurs de l'investissement en capital physique, en capital humain et en recherche développement, c'est le retour assuré de KEYNES. De plus, la réhabilitation du rôle économique de l'État est rendue plus indispensable par l'intégration africaine créatrice de rendements croissants et d'éconouùes d'échelle. Elle nécessite des politiques plus structurelles que conjoncturelles. Ces développements font le départ entre le PLOM et la pensée néolibérale (soubassement des politiques d'ajustement structurel version déflationniste). Dans l'analyse néo-classique, une politique de dépenses publiques n'a pas d'effet expansif sur le niveau des activités, surtout lorsqu'elle est financée par des emprunts ou par des prélèvements fiscaux sur les surplus des ménages. Pareille politique se traduirait par des effets d'éviction des dépenses privées de telle sorte que les variations nettes finales de la production soient nulles. fi en est ainsi parce que le modèle néo-classique ignore les effets multiplicateurs des dépenses publiques. En conséquence, l'État doit se garder d'intervenir pour ne point introduire des distorsions dans les équilibres qu'une main invisible établit parfaitement. Cette conclusion est fortement contestable pour plusieurs raisons. D'abord, il est établi que la nature de certains biens et services fait qu'ils ne peuvent être fournis que par l'État ou sous son contrôle: il s'agit des biens et services non exclusifs et ceux pour lesquels le rendement privé de leur production est inférieur au rendement social. Ensuite, l'équilibre concurrentiel est sous-optimal par rapport à l'optimum social. Cela résulte de l'introduction des externalités dans les fonctions de production agrégées alors que les agents les ignorent dans leur calcul éconouùque. Enfin, les dépenses publiques sous fonne d'investissement dans le capital humain, le capital public, d'appui à la recherche et à l'investissement privé facilitent le processus d'accumulation qui est à l'origine de la croissance. Dans la logique du PLOM, ces investissements sont réalisés par des ressources externes mobilisés par les États. L'État libéré de ces investissements devrait se consacrer à de nouvelles missions qui participeraient à l'amplification du processus de croissance. En effet, il disposera de moyens budgétaires plus substantiels en vue de: - créer un cadre macro-éconouùque et institutionnel favorable à l'investissement privé; - élaborer une politique fiscale plus compatible avec le niveau souhaité d'activités productives ; - gérer la politique monétaire et les risques de change; - mettre en place des fonds d'amortissement et de gestion des charges récurrentes ; - réformer les politiques commerciales pour un meilleur accès aux marchés extérieurs; - 212- - accroître les emplois rémunérés et les revenus des personnes; - gérer les fonds de prévoyance et de sécurité sociale. d) La mise en œuvre du Plan par une Haute Autorité Supranationale L'exécution du PLOM est confiée à une Autorité supranationale directement rattachée à un Organe Politique et soumise au contrôle d'un Conseil d'Administration. Cette Autorité mondiale serait proposée après une Session Spéciale de Lancement autour des questions du Développement Africain. Elle disposerait d'un Conseil d'Administration formé des représentants des différentes sous-régions de l'Afrique et aurait pour mission de gérer les ressources et d'assurer la mise en œuvre des projets prioritaires. Cette Haute Autorité en liaison avec les Exécutifs des Plan Oméga va alors procéder à l'évaluation de tous les besoins en investissements dans les secteurs prioritaires des infrastructures physiques de base, de J'éducation, de la santé et de l'agriculture afin de prendre en charge leur gestion mais seulement après leur traduction en projets. Ce mode d'évaluation, de suivi et de gestion des programmes d'action fait que le PLOM s'inscrit dans une dynamique de rupture avec les visions antérieures notamment celles du PAL basées sur le développement national autocentré mené par un État dit « développeur ». Il dégage une stratégie proprement économique et se dote de moyens institutionnels pour sa réalisation dans un cadre d'intégration régionale. L'espace intégré permet l'élargissement des marchés, la réalisation des économies d'échelle et l'élimination de la contrainte des débouchés. Les infrastructures taillées à la dimension continentale, régionale ou sousrégionale contribuent à la formation des marchés, au développement des échanges et enfin à la répartition des ressources dans J'espace intégré. e) Résolution de la dette par la mise en place d'un Fonds Commun de Gestion de la dette Un autre volet important du Plan Oméga concerne la gestion de la dette africaine qui reste passablement méconnue et qui continue d'hypothéquer encore l'accumulation de capital pour le financement du développement. Il est proposé un Fonds Commun de Gestion de la Dette dans un cadre régional, et où serait transféré la totalité de la dette africaine. Le Fonds mettrait en place des mécanismes opératoires de gestion de la dette. Le Fonds sera administré par un Manager nommé par les débiteurs et les créanciers qui seraient équitablement représentés au niveau de son Conseil d'Administration. Par-delà tout, cette institution pourrait être au moins une structure de surveillance des engagements pris et consignés dans des plans comme celui de Becker, de Toronto ou plus récemment de l'initiative PPTE. - 213- II Le millénium partnership for recovry program (MAP): gouvernance politique, économique et options stratégiques pour le développement durable Il s'agit de former un nouveau partenariat avec le reste du monde, en fonction de ce que nous, les africains jugeons être la bonne voie à suivre pour parvenir à notre propre développement. Thabo MBKI, devant le Parlement 2002 La logique de croissance économique du Plan Oméga présente une parfaite complémentarité théorique et pratique avec les fortes préoccupations développementalistes du Millenium Partenership for the African Recovery Program (MAP). Dès l'introduction, il est solennellement proclamé que le MAP «est une promesse faite par des dirigeants africains, basée sur une vision commune, ainsi que leur conviction ferme et partagée qu'ils ont un devoir urgent d'éradiquer la pauvreté et de placer leurs pays, à la fois individuellement et collectivement, sur la voie d'un développement durable et de participer activement à l'économie mondiale et au corps social». Il est ancré sur la détermination des afiicains de s'extirper eux-mêmes et de tirer le continent du malaise du sous-développement et de l'exclusion. La pauvreté et industrialisé. La le retard de l'Afrique contrastent avec la prospérité du monde industriaJisé. marginalisation continue de l'Afrique en dehors du processus de globaJisation marginaJisation globalisation et l'exclusion sociaJe sociale de vaste majorité de ses peuples constituent une menace sérieuse pour la stabilité du monde ». Le Plan comporte 107 articles répartis en 6 chapitres. Le premier chapitre traite «De la place de l'Afrique dans la communauté mondiale». Il s'agit d'un véritable état des lieux du continent avec une insistance sur le contraste existant entre la pauvreté afiicaine et la richesse dans le reste du monde. Les inégaJités inégalités constatées deviennent de plus en plus inacceptables surtout par les populations africaines. Les dirigeants doivent aJors alors le comprendre, s'ils veulent rester au pouvoir dans les systèmes démocratiques en construction. Le deuxième chapitre analyse «Les relations de l'Afrique avec la communauté mondiaJe». mondiale». L'idée centrale est que le monde a besoin de l'Afrique qui recèle un potentiel important de ressources qui se décompose en 4 composants: le riche complexe de dépôts minéraux qui fournit la base de l'exploitation minière, de l'agriculture et du tourisme (1), le poumon écologique qui est une commodité publique mondiaJe mondiale qui fait du bien à toute l'humanité (2), les sites paléontologiques et archéologiques qui témoignent de révolution de la terre, de la vie et des espèces humaines, une grande variété de la flore et de la faune (3), la richesse de la culture africaine. L'avenir sera au valoriser ces ressources. Or, cette vaJorisation valorisation doit se continent s'il réussi à vaJoriser fuire en partenariat avec les pays développés qui détiennent le contrôle des moyens financiers et technologiques. - 214- Le troisième chapitre tente d'établir l'Exigence d'un nouveau partenariat avec le reste du monde sur la base des intérêts mutuels. Ce partenariat doit permettre à l'Afrique de tirer profit de la révolution technologique mondiale. Cela nécessite des engagements des gouvernements, du secteur privé, des institutions internationales et même de la société civile. Le quatrième chapitre porte sur l'analyse des résultats de l'Association mondiale, c'est-à-dire le nouveau contexte mondial et les avantages qui s'y attachent. La mondialisation est une donnée incontournable et l'Afrique doit chercher les voies et moyens pour s'insérer dans le processus pour en tirer tous les avantages. Le cinquième chapitre est relatif aux domaines de priorité où le Programme d'action doit être simultanément mis en œuvre. Les priorités clés retenues sont : - La paix, la sécurité et la gouvernance. - L'investissement dans les peuples de l'Afrique. - La diversification de la production et des exportations de l'Afrique. - L'investissement dans les TIC et autres infrastructures de base. - Le développement des mécanismes de fmancement. Le dernier chapitre concerne l'affirmation d'une nouvelle volonté politique des dirigeants africains d'accélérer le développement économique et social du continent en mettant fm à sa marginalisation et en promouvant son intégration dans l'économie mondiale par l'accès aux marchés extérieurs. À l'échelle du continent africain, l'Afrique du Sud post-apartheid est une locomotive et présente toutes les caractéristiques d'une économie émergente. Après avoir réalisé une transition démocratique réussie qui a montré les capacités de l'ANC à gérer l'économie, le pays doit s'intégrer dans l'économie mondiale d'autant plus qu'il dispose d'importants atouts: une agriculture performante et diversifiée (4%), un secteur industriel avancé (31,7%), une bonne économie de services (64,3%), des infrastructures de base de qualité, un bon systéme éducatif et de formation avec un taux de scolarisation de 94% et un PŒ par habitant de 3225 dollars. Malgré ce tableau de bord reluisant, le pays a d'innombrables défis à relever: épidémies du sida, criminalité, chômage, fuite des cerveaux. Les multinationales ont opéré, au début des années 90, soit un retour, soit une arrivée. D'importants investissements ont été réalisés et ils ont profité directement au secteur industriel. Cependant, la crise financière asiatique et celle de l'or vont coïncider avec une baisse notable des flux de capitaux. Le pays rencontre d'énormes difficultés dans la mobilisation de prêts à des conditions concessionnelles et de capitaux non générateurs d'endettement. Ainsi, en 1998, l'Afrique du Sud n'a drainé que 381 millions de dollars contrel,7 milliards en 1997 et elle s'est trouvée supplantée par le Nigeria (1,5 milliards de dollars). C'est dans ce contexte que le Président Thabo MBEKJ annonce devant le Parlement la reprise de la croissance avec un taux de 6% pour l'an 2000. La réalisation de cet objectif doit en principe passer par une reprise des flux d'investissements directs étrangers et un meilleur accès de l'industrie sudafricaine aux marchés extérieurs. - 215- Au vu de sa structure, le Plan MAP se présente comme un élément important du dispositif de relance de l'économie sud africaine et vient compléter les progranunes d'incitation à l'investissement privé direct étranger (notamment les Spatial Développement Initiatives) et les mesures d'ouverture du secteur industriel sur les marchés extérieurs. L'Afrique du Sud mobilise ainsi son espace vital de déploiement: l'Afrique et la Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC). En définitive, à l'analyse, il apparaît que les deux Plans Oméga et MAP se complètent et poursuivent des objectifs généraux quasi identiques visant à réaliser une croissance durable et au taux le plus élevé possible. C'est au niveau des orientations, des démarches et des instruments de réalisation qu'apparaissent des différences. Le PLOM est avant tout un plan de résorption des gaps au niveau des quatre secteurs prioritaires retenus. La mise en place d'une économie africaine compétitive commande l'amélioration de la quantité et de la qualité de toutes les infrastructures physiques de base, la valorisation du capital humain et l'accès aux NTIC, or l'épargne intérieure et les différentes ressources financières mobilisées sont insuffisantes pour combler le gap dans ces dits secteurs prioritaires. Des investissements massifs sont alors désirés pour le financement des infrastructures et des différentes composantes du capital social. Aprés quoi, l'Afrique pourrait opérer une allocation plus optimale de ses ressources afm d'aborder plus favorablement la compétition internationale. Cette orientation n'est pas celle du Plan MAP dont le Chapitre traitant des priorités clefs comporte des éléments comme la paix, la sécurité et la gouvernance, la diversification de la production, l'accès aux marchés, les investissements dans les TIC, le développement des mécanismes de financement, la dette et les mouvements de capitaux. Ces éléments comportent des paramètres qui relèvent des préoccupations propres à la situation présente de l'économie sud-africaine et de son besoin d'attirer les investissements directs étrangers et de s'insérer au marché mondial. La décision d'investissement est une décision macro-économique qui peut être obstruée par des facteurs de politique économique comme les politiques de protection, le niveau des taux de change réel, les stratégies commerciales ou par des facteurs de risque politique comme l'instabilité, l'insécurité, l'absence de systèmes démocratiques, d'institutions judiciaires fiables. 111- La synthèse des deux plans pour une vison du développement à long terme de l'Afrique: De la nouvelle initiative africaine au NEPAD Au Sommet des Chefs d'État de l'OUA à Lusaka (juillet 2001), il avait été recommandé de fusionner les deux progranunes. Cet exercice a été confié à un groupe d'experts désignés par les initiateurs des deux Plans. Le Groupe s'est réuni à Prétoria avec une forte délégation de la CEA et de l'OUA pour finaliser l'exercice de fusion des plans MAP et PLOM . Ce travail a abouti à la rédaction de la Nouvelle Initiative Africaine, officiellement adoptée comme la stratégie commune de développement de l'Afrique lors de la première réunion, le 23 octobre à Abuja, du Comité de mise en œuvre formé de 15 Chefs d'État dont les 5 initiateurs des deux projets. C'est en affinant le - 216- document, que le nom de Nouvelle Initiative Africaine (NIA) a été modifié pour devenir le New Partnership for Africa Development (NEPAD). Au demeurant, la convergence des visions économiques et politiques qui sous-tendaient les deux Plans a grandement facilité l'élaboration d'une initiative commune à partir d'une synthèse des idées maîtresses. L'exercice a été simple: d'un côté l'argumentaire des causes du nouveau Plan pour l'Afrique est puisé du MAP servant de cadre référentiel général et pennettant la définition des orientations et des objectifs; et de l'autre côté, le PLOM a offert l'architecture du Progranune d'action, à partir des secteurs prioritaires, qui, par les politiques de résorption des gaps, relance la croissance économique (l'état des réponses). Ces deux piliers vont alors constituer l'ossature du nouveau partenariat avec le reste du monde et surtout les pays industrialisés. Ce sera la Nouvelle Initiative Africaine (NIA). L e Sc h'ema d e synth'ese d es d eux plans MAP et PWM Version oriJrlnelJe MAP 1- Introductioo ll- La place de l'Afrique dans la Communauté mondiale - Appauvrissement historique d'un continent III - L •Afrique et la révolution mondiale IV - Le cas de l'Association Mondiale - Avanlages stratégiques - Un nouveau contexte mondial V - Priorités clés - la paiK, la sécurité et la gouvernance - la diversification de la production et des producteurs - l'investissement dans les TIC - le développement des mécanismes de fmancement - le programme d'action -l'association avec les PD et les institutiolls multilatérales VI- Conclusion Structuration NouveUe lnitiathle Africaine (NIA) 1- Introductioo là Il il- L'Afrique dans le temps du monde: entre la pauvreté et la marginalisation 8à25 (8 à 39) & (51 à 64) 17 à28 26 à 39 III - Une nouvelle volonté politique pour en sortir (97) 4Oà45 IV - Insertion du PLOM cornrne : - PTogramme d'actions prioritaires pour résorber les disparités structurelles et rendre l'Afrique 51 à 55 compétitive - la résOIption de la disparité infrastructurelle (79) - la résorption de la disparité éducationnelle (80) - la résOIptioo de la dib-parité de la santé (81) - la résorption des disparités de l'agriculture (82) - les investissements dans les TIC (83) - les effets attendus (84) - le fmancement (85) 55 à 104 V - L'impératif d'un nouveau partenariat pour la 55-57 mise en œuvre (40 à 50) & (101 à 104) 78-82 82-85 86-% 97-100 100-104 105-107 VI - Conclusion (105 à 107) Dès les premières lignes, le NEPAD évalue la place de l'Afrique dans le système économique et financier mondial afin d'identifier correctement les problèmes à résoudre. est alors observé qu'en ce début du 3ème millénaire, au moment où l'humanité possède d'appréciables moyens techniques et financiers, jamais les inégalités n'ont été aussi criardes avec l'avènement en Afrique d'une pauvreté de masse. En effet, l'Afrique compte aujourd'hui un peu plus de 250 millions de pauvres, soit environ 45% de sa population. Plus grave encore, la pauvreté est en sensible progression en raison d'une stagnation de la croissance des revenus (2,1 % sur la période 1991-95). n .217 - Durant la décennie 1990, l'Afrique est le seul continent qui s'est autant appauvri. La croissance, même si elle n'est pas suffisante est essentielle pour diminuer la pauvreté, ne ffit-ee que par l'amélioration soutenue des revenus des personnes. Sous ce rapport, certaines évaluations montrent que si le continent veut réduire de moitié la pauvreté à 1'horizon 2015, il lui faudra réaliser un taux de croissance cible d'au moins 7% sur une période d'au moins deux décennies. Cela nécessite des investissements de l'ordre de 35 à 40% du PIB de chaque pays, ce qui représente 65 milliards de dollars. Même en mobilisant le volume global de l'épargne intérieure, les excédents en devises, l'aide extérieure et les capacités d'endettement, le challenge est quasiment impossible. TI s'y ajoute que contrairement à d'autres régions notamment l'Asie et l'Amérique Latine, la production moyenne de l'Afrique, par habitant et en prix constants à la fin des années 1990, était inférieure a ce qu'elle était, il y a trente ans et que sa production industrielle comme sa part dans le commerce mondial ont reculé. Plus grave encore, le Continent est en passe d'être laissé à la marge de la révolution mondiale des technologies de l'information et de la communication. A l'analyse, les possibilités de résoudre cette situation des économies africaines existent. Le système mondial dispose, aujourd'hui, de moyens techniques et financiers énormes tandis que l'Afrique possède d'importants atouts dont son gigantesque potentiel de ressources naturelles inexploitées, ainsi que de réserves démographiques et culturelles porteuses de croissance. Ce qu'il faut alors ce sont des politiques économiques cohérentes et régionalisées en faveur d'un développement durable par l'intégration et dont les fondements pourraient être : - l'amélioration de la gouvernance qui stabilise les institutions et les fondamentaux du cadre macro-économique; la gestion des conflits qui déstabilisent l'espace africain; - la mise en place d'un environnement incitatif pour les investissements dans les secteurs moteurs de la croissance qUI accroissent à la fois la compétitivité et la diversification des économies; - la forte réduction de la dépendance à l'égard du binôme aide et endettement. Les politiques économiques élaborées à partir de ces principes devraient permettre de vaincre tous les obstacles et handicaps à l'avènement d'une économie performante capable d'enclencher un processus soutenu de croissance. Elles favoriseraient également l'ermergence d'un système politique démocratique. Ces politiques constituent de nouvelles réponses pour sortir de la pauvreté par une croissance forte, durable et bénéficiant conséquemment à toutes les couches de la population. Cette configuration des objectifs du NEP AD est assez proche des « cercles de causalité cumulative 97 pour l'Afrique» de la Banque mondiale et qui se présente comme suit : tme siècle, Banque mondiale: L'Afrique peut-elle revendiquer sa place dans le 2J Ome Washington 1999, 330 p. 97 - 218- SEC110N 2: le NEPAD: un agenda de croissance soutenue pour l'éradication de la pauvreté et la relance des enjeux du développement. Le Nl!.fJAD est un programme de paix et de développement, les africains sont résolus à chanter leurs propres chansons et à danser au son de leur propre musique. Thabo MBEKI Dès le préambule et pour la première fois, les dirigeants africains analysent avec lucidité l'état du continent et insistent sur l'urgence des solutions à mettre en œuvre de concert avec la communauté internationale. Désormais, envers leurs peuples et le reste du monde, les plus hautes autorités politiques s'engagent à œuvrer ensemble pour la reconstruction du continent par la consolidation de la démocratie, la saine gestion des économies nationales et l'établissement avec les pays développés d'un partenariat fondé sur une coopération mutuellement favorable, des engagements communs et des accords contraignants. Les objectifs toujours réaffirmés graviteront autour de deux préoccupations majeures: élaborer une nouvelle stratégie de développement capable d'éradiquer ou de faire reculer, à l'horizon 2015, la pauvreté et intégrer le continent dans la mondialisation afin d'en tirer tous les avantages, surtout technologiques et financiers. L'ordOlUlancement des idées maîtresses du Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Mrique tourne autour de trois éléments bien articulés : - les orientations et les objectifs tournés principalement vers l'éradication de la pauvreté; - le vaste programme d'action fondé sur des priorités sectorielles ; - et les moyens de sa mise en œuvre et de sa réalisation. Cohérence et opérationnalité constituent les deux préoccupations sousjacentes à l'ensemble du Progranune. 1 - Les orientations pour une prise en mains par les africains de leurs propres destinées et l'appel à l'extérieur pour compléter les efforts internes Il est affirmé avec insistance que la nouvelle initiative est « une promesse faite par des dirigeants africains, fondée sur une vision économique et politique commune ainsi qu'une conviction ferme et partagée qu'il incombe d'urgence d'éradiquer la pauvreté, de placer leurs pays individuellement et collectivement sur la voie d'une croissance et d'un développement durables tout en participant activement à l'économie et à la vie politique mondiales. Ensuite, il est réaffirmé la détermination des africains de s'extirper euxmêmes, ainsi que leur continent, du malaise du sous-développement et de l'exclusion d'une planète en cours de mondialisation. En outre, l'engagement est pris d'éradiquer tous les maux dont souffre le continent comme la pauvreté et la détérioration de tous les indicateurs du développement humain. Sur tout le continent, les Africains devront désormais refuser d'être conditionnés par - 219- les circonstances. Et enfin, tout débouche sur la reconnaissance d'une double nécessité pour les peuples de prendre en mains leur propre destinée et celle de faire appel au reste du monde pour compléter les efforts internes. Des signes de progrès et d'espoir commencent déjà à apparaître avec la multiplication des régimes démocratiques qui s'engagent à protéger les droits de l'homme, à axer le développement sur l'individu et à promouvoir des économies de marché. Apparaissent également des convictions nouvelles pour aller dans le sens de la bonne gouvernance et de la poursuite des réformes économiques et sociales. Tout cela montre une volonté d'aller dans le sens de la bonne gouvernance en poursuivant les réformes économiques et institutionnelles indispensables. 11- La gestion de la conflictualité et la bonne gouvernance comme préalable pour la croissance et le développement Les facteurs extra-économiques comme les conflits inter-étatiques, les guerres civiles, les instabilités politiques, les violations des droits de l'homme accroissent les risques, les incertitudes et la méfian-èe. Ces variables deviennent alors très déterminantes dans la décision d'investissement. Des recherches établissent qu'aujourd'hui les investissements publics comme privés sont contrariés par des problèmes liés au processus démocratique éprouvé, à la multiplication des guerres civiles, aux conflits ethniques, toutes choses qui font qu'il y a trop de risques et d'incertitudes pour l'afflux et la rentabilité des investissements. Dans ce contexte, la gestion de la paix et de la sécurité devient une impérieuse nécessité à la limite des préalables pour attirer les capitaux privés. Dès lors, si l'on veut redonner confiance aux investisseurs privés comme publics, il faut impérativement mettre en place des mécanismes de gestion d'un espace stable et sécurisé assis sur des piliers de bonne gouvernance. Sur le premier préalable concernant la gestion des conflits, le NEPAD note que « l'expérience a montré que la paix, la sécurité, la démocratie, une bonne gouvernance, le respect des droits de l'homme et une saine gestion économique, sont des préalables au développement durable. C'est pourquoi les Chefs d'État s'engagent à promouvoir ces principes individuellement et collectivement, dans leur pays, leur région et sur le continent ». Deux déclarations assez expressives viennent confirmer ce nouvel engagement politique. fi s'agit d'abord de celle du Président Thabo MBEKl qui a déclaré devant le Parlement Sud- africain lors d'un débat sur le NEPAD le 31 octobre 2001 « nous devons instaurer une culture des droits de l'homme, lutter contre la corruption et rendre compte de toutes nos actions » et ensuite de celle du Président Olusegun OBASANJO qui fait observer lors de la réunion du Comité de mise en œuvre du NEPAD à Abuja que « en Afrique contemporaine, la vieille accusation d'ingérence dans les affaires intérieures ne tient plus. Nous devons dialoguer davantage et organiser davantage des consultations les uns avec les autres sur les questions de paix, de sécurité, de démocratie, de droits de l'homme». Pour bien appuyer ces nouvelles orientations, il a été crée à cette Conférence d'Abuja, un Sous-Comité spécial - 220- sur « la paix et la sécurité» présidé par l'Afrique du Sud et dans lequel siégent l'Algérie, le Gabon, le Mali et l'Ile Maurice. Sa mission est de prévenir et régler les conflits. Le second préalable est relatif à la bonne gouvernance politique comme économique, qui fait l'unanimité de tous les acteurs publics et privés, malgré la relative ambiguïté qui entoure le concept. Ce concept de bonne gouvernance est apparu il y a une dizaine d'années dans le domaine du développement. Il est utilisé pour la première fois, dans une étude de la Banque mondiale. fi s'agissait à l'époque, pour les promoteurs des Progranunes d'Ajustement Structurel (PAS), de corriger l'approche « économiciste» de ces programmes et de mettre davantage l'accent sur l'importance de leur environnement normatif et institutionnel. Le concept a été par la suite affmé par de nombreuses institutions internationales et partenaires au développement ( PNUD, Banque Mondiale, OCDE, BAD). Généralement, il désigne à la fois 3 éléments : la nature du régime politique, la capacité des pouvoirs publics à créer un cadre d'ordre et de stabilité, à formuler et à exécuter des politiques performantes et la construction d'un environnement propice au développement économique et social. Ainsi compris, la bonne gouvernance intègre toutes les dimensions de l'activité économique et les mécanismes d'allocation et de répartition des ressources. Elle recouvre deux volets importants: un volet politico-institutionnel, qui concerne avant tout l'État en tant qu'agent de régulation et un volet relatif à la gestion des ressources. - 221 - Encadré 7 : Différentes défutilions du concept de gouvernance Agence Canadienne de Développement InternatÜJnal (ACDJ) : l'ACDI utilise les termes « bon gouvernement» ou « saine gestion des affaires publiques» pour désigner la façon dont un gouvernement gère les ressources sociales et économiques d'un pays. Le bon gouvernement (ou la saine gestion des affaires publiques) désigne un exercice du pouvoir, à divers échelons du gouvernement, qui soit efficace, intègre, équitable, transparent et comptable de l'action menée. Banque Asiatique de Développement: Pour la Banque Asiatique de Développement, la gouvernance se réfère à l'environnement institutionnel dans lequel les citoyens inœragissent entre eux et avec les agences gouvernementales. Même si les aspects reliés aux politiques sont importants pour le développement, le concept de bonne gouvernance tel que définie par la Banque aborde essentiellement les ingrédients reliés à une gestion efficace. La Banque perçoit la gouvernance comme un synonyme de gestion du développement efficace. Banque Inter-américaine de Développement: La Banque Inter-amèricaine de développement est cancernée par les aspects économiques de la gouvernance et la capacité de mise en œuvre de l'appareil gouvernemental. Ceci implique la modernisation du gouvernement et le renforcement de la société civile, la transparence, l'équité sociale, la participation et l'égalité des sexes. Banque Mondiale: La Banque Mondiale définit la gouvernance comme la manière dont le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques et sociales d'un pays, et dans un but de développement. Cette définition fait ressortir les trois axes de la gouvernance à savoir: la forme du régime politique, la manière dont l'autorité est r?Xercée dans la gestion d'un pays, et la capacité du gouvernement à déterminer et appliquer les politiques. Comité d'aide au développement de l'OrganisatWn de CoopératÜJn et de Développement Économiques (OCDE - CAD). Le CAD utilise une définition de la gouvernance qui rejoint celle de la Banque mondiale, et qui désigne « l'exercice du pouvoir politique, ainsi que d'un contrôle dans le cadre de l'administration des ressources de la société aux fins du développement économique et social ». Progranune des Nations-Unies pour le Développement (PNUD). Pour le PNUD, il faut entendre par gouvernance, l'exercice d'une autorité politique (/a formulation de politiques), économique (/a prise de décisions à caractère économique) et administrative (/a mise en œuvre de politiques) aux fins de gérer les affaires d'un pays. Suivant cette définition, la gouvernance repose sur des mécanismes, des processus et des institutions qui permettent aux citoyens et aux groupes d'exprimer des intérêts, de régler des litiges et d'avoir des droits et obligations. Face à chute de l'espace politique et depuis une dizaine d'années, sous l'instigation des partenaires au développement et des institutions internationales, des efforts louables ont été entrepris en Afrique pour mettre en œuvre la bonne gouvernance politique. Ces efforts sont orientés vers plus de participation, de responsabilité, de décentralisation et de transparence. La gouvernance économique ne doit pas être en reste car l'environnement éconollÙque est révélatrice d'au moins quatre foyers de distorsions qui dissuadent les IDE : - 222- - un environnement économique défavorable accompagné d'une forte inefficacité des politiques sectorielles et de la structure des incitations économiques ; - la faible efficacité du capital humain imputable à la crise pennanente des systèmes éducatifs et de fonnation ; - la détérioration et l'inadéquation des infrastructures de base ; - les coûts dissuasifs des facteurs techniques. n est maintenant bien établi que le déclin des IDE en Afrique subsaharienne procède aussi de détenninants économiques stricto sensu à côté de facteurs plus diffus tels que les risques, les incertitudes et la confiance. Ces facteurs économiques qui peuvent freiner les investissements sont maintenant parfaitement bien connus. fi s'agit des déséquilibres macro-économiques persistants, des taux d'inflation élevés, de la surévaluation des monnaies entraînant des taux de change réels dissuasifs, des politiques de protection inappropriées, des stratégies commerciales mal conçues et de la mauvaise gestion des affaires publiques. La capacité de nuisance de ces facteurs justifie l'inscription de la gouvernance économique à l'ordre du jour des institutions internationales. Elle requiert de l'État et de tous les acteurs politiques, économiques et sociaux de la volonté, du temps et une stabilité institutionnelle, somme toute des éléments indispensables pour créer progressivement un environnement de gestion économique et social cohérent, adapté, diversifié et prévisible. La gouvernance économique va alors consister à construire des systèmes, des procédures et des organisations capables de réguler dans la transparence et l'équité, la production et la redistribution des richesses économiques ainsi que les ressources nécessaires au développement de l'ensemble de la société à long tenne. Elle peut alors se décliner en quatre grands domaines reliés entre eux mais distincts dans leurs champs respectifs, leurs méthodes et leurs principes généraux de fonctionnement : - la gestion macro-économique qui implique: la gestion des déficits publics internes et externes, la politique de maîtrise de l'inflation, la politique monétaire et politique de change, les politiques sectorielles incitatives aux activités productives, - la création et le développement d'un environnement favorable aux producteurs. Dans ce sens, les aspects les plus couramment évoqués par les opérateurs concernent: • le système financier, • le régime fiscal applicable aux entreprises, • la législation du travail, - la régulation économique pour laquelle trois domaines semblent devoir être privilégiés pour améliorer la gouvernance économique globale: • le système financier, • la èoncurrence, • les moyens comptables et d'audit. - 223- - l'édification et le développement d'une société civile forte et active. Ce qui appelle la mise en place d'un cadre institutionnel ouvert sur le pluralisme, la promotion de la dimension genre, l'indépendance de la magistrature et d'autres entités telles que les commissions électorales, les organes chargés des droits de l'homme et les dispositifs anticorruption. Une société civile diversifiée et dynamique est indispensable pour demander des comptes aux gouvernements. La prise en charge des problèmes de gouvernance économique impose à l'État et à tous les acteurs politiques, économiques et sociaux, de la volonté et une stabilité institutionnelle minimale. Ces conditions sont nécessaires pour créer progressivement un environnement de gestion économique et sociale cohérent, adapté, diversifié et prévisible. Cela implique le développement rapide des capacités d'élaboration de politiques et de stratégies cohérentes, à court, moyen et long terme, combinant l'action de l'État au marché et visant à mobiliser sans conflits sociaux majeurs les ressources internes et externes en vue du développement. UI- Un programme prioritaire d'investissements dans des secteurs porteurs de croissance et particulièrement dans les infrastructures, les ressources humaines et les NTIC TI est un point sur lequel tout le monde s'accorde; il s'agit de la hiérarchie des secteurs qui constituent de fuit les leviers de la croissance. À ce niveau du Programme d'action les deux initiatives (pLOM et MAP) montrent leur parfaite complémentarité en ce sens qu'elles mettent l'accent l'une sur la hiérarchie des secteurs et l'autre sur les structures d'encadrement et les préalables au développement durable. Ces secteurs retenus sont au nombre de huit à savoir: . -l'accès aux marchés mondiaux et la diversification de la production, - les infrastructures de base, les Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication, - l'éducation, - la santé, -l'agriculture, - l'énergie, - l'environnement. En les agrégeant, on peut retrouver les deux foyers de l'accumulation du PLOM: le capital physique et le capital sociaL Pour chaque secteur, le NEPAD estime que « l'objectif est de combler l'écart actuel entre l'Afrique et les pays développés afin d'améliorer la compétitivité du continent et de permettre à l'Afrique de participer au processus de mondialisation ». Les préoccupations d'une réduction des gaps au niveau des différents secteurs sont fort justement réaffirmées. Cela appelle des investissements massifs qui ne peuvent être attendus principalement que du secteur privé. Ces IDE devraient - 224- placer les pays africains individuellement et collectivement sur les chantiers d'une croissance soutenue qui mettra alors un terme à la marginalisation de l'Afrique. C'est la croissance qui offrira les marges de manœuvre nécessaires pour réaliser les objectifs de réduction de la pauvreté et ceux annoncés dans la Déclaration du Millénaire des Nations Unies. Quel sera le rytlune de croissance qui permettra d'atteindre ces objectifs? Le débat est aujourd'hui lancé par les recherches de DEMERY ET WALTON (1998) qui établissent que si l'Afrique veut réduire de moitié la pauvreté, elle doit réaliser des taux de croissance d'au moins 7% sur une période de 25 ans. L'investissement devrait alors passer à environ 30% du PlB. L'épargne intérieure étant faible, il faut alors recourir à l'épargne extérieure et aux IDE pour atteindre cet objectif de croissance économique. Amoako et al chiffrent les ressources extérieures complémentaires à 102 milliards de dollars pour la période 1999-2000, de 84 milliards de dollars pour la période 2006-2010 et de 41 milliards de dollars pour 2010-2015, soit un total de besoin de financement d'environ 227 milliards de dollars. Ces investissements devront porter principalement sur les secteurs clefs constitutifs du capital physique et du capital social comme les infrastructures qui doivent jouer un rôle entraînant par suite des insuffisances quantitatives et qualitatives constatées. L'infrastructure routière est faiblement développée sur le continent et la densité routière y est généralement très en deçà de celle des pays d'Asie et d'Amérique Latine. Pourtant, les modes de transport sont dominés en Afrique par les routes en raison surtout des multiples obstacles géographiques à la navigation, et de la déficience des réseaux ferroviaires qui sont estimés à 73.000 kilomètres dont 22.000 pour la seule Afrique du Sud. En 1996, les routes revêtues étaient de l'ordre de 311.184 kilomètres dont la moitié en mauvais état. En milieu rural, dominé par les routes non revêtues, 80% de ces dernières sont en mauvais état. De 100 km2 pour 1.000 habitants, la densité de routes revêtues a stagné à 150 km 2 dans la période 1984-1995. Le secteur des télécommunications se caractérise globalement par la faiblesse relative du taux de pénétration du réseau et l'obsolescence des équipements. Le résultat en est que l'Afrique a l'un des taux de couverture les plus bas au monde. n ne détient que 2% des lignes principales de la planète. Le nombre de lignes téléphoniques qui était de 0,45 ligne pour 100 habitants était estimé à 0,74 ligne en 1980. En 1986, il atteignait 1,06 ligne. En ce qui concerne les télécommunications, la densité téléphonique en 1996 était de 2 lignes pour 100 habitants alors qu'elle atteignait 30,60 en Europe et 40,39 en Océanie. Près de 34 pays africains ont une densité téléphonique encore inférieure à 1 alors que la demande de services téléphoniques reste très forte. Par ailleurs, l'infrastructure en télécommunication n'a pas suivi les mutations technologiques du secteur au plan international. De même, pour l'électricité la puissance installée du secteur est passée de 43 kilowatts par habitant en 1965 à 87 kilowatts en 1986 avant de stagner par la suite. Au milieu des années 90, la puissance installée sur le continent était estimée à 350.000 gigawatts-heures. Seule une infime partie des ressources hydroélectriques disponibles est utilisée. Les centrales - 225- hydroélectriques représentent à peine 15% du total à côté des centrales à combustibles fossiles. Quelques 64,4% des capacités hydrologiques sont concentrées en Afrique de l'Est et en Afrique australe, 32,2% en Afrique de l'Ouest, 1,2% en Afrique du Nord. La production la plus importante d'électricité est assurée par l'Afrique Australe (environ 55% de la production continentale). IV- Un double levier pour la mise en œuvre du programme : l'intégration et la mobilisation des populations Au niveau des moyens, la réalisation des objectifs du NEPAD commande aux dirigeants africains d'assumer ensemble un certain nombre de responsabilités consistant à : - consolider les mécanismes de prévention, de gestion et de résolution des conflits aux niveaux régional et continental et faire en sorte que ces mécanismes soient utilisés pour restaurer et maintenir la paix. - promouvoir et protéger la démocratie et les droits de l'homme dans leur pays et leur région en établissant des nonnes claires de responsabilité, de transparence et de démocratie directe au niveau local et national. - restaurer et maintenir la stabilité macro-économique en particulier en mettant au point des normes et des cibles appropriées en matière de politiques monétaires et budgétaires et en instaurant des cadres institutionnels adéquats pour en assurer la réalisation. - instaurer des cadres juridiques et réglementaires transparents à l'intention des marchés financiers, pour assurer l'audit des compagnies privées comme du secteur privé. - revitaliser et élargir la prestation des services d'enseignement, de formation technique et de santé en accordant une forte priorité à la lutte contre le VIHISIDA, le paludisme et autres maladies contagieuses. - promouvoir le rôle des femmes dans le développement socioéconomique en renforçant leurs capacités dans les domaines de l'éducation et de la formation, en développant des activités lucratives grâce à un accès plus facile au crédit et en assurant leur participation à la vie politique et économiq,ue du pays. - renforcer la capacité des Etats d'Afrique à instituer et faire respecter la législation et à maintenir l'ordre. - promouvoir le développement des infrastructures de l'agriculture et la diversification de celle-ci, orientée vers les agro-industries et les manufactures au service des marchés locaux comme de l'exportation. La réalisation de toutes ces mesures suppose leur appropriation par les peuples africains ainsi que leur mobilisation préalable. Ces peuples devraient alors reprendre confiance en leur génie et en leur capacité pour l'édification d'une Afrique renaissante. Pour ce faire, il semble nécessaire, de redéfinir les identités, les valeurs et les cultures afin de rwou ver les courages perdus pour penser par nous-mêmes et rompre avec le fatalisme. - 226- v - LE NEPAD face à la communauté d'un nouveau internationale ou l'exigence partenariat pour le développement Ce Nouveau Partenariat a donné plus de visibilité aux problèmes du continent. De ce fait, J'ensemble de la communauté internationale lui a manifesté une très grande disponibilité pour contribuer positivement à sa réalisation notamment, au niveau du financement des secteurs clefs et plus particulièrement, celui des infrastructures de base. Le G8, l'Union Européenne, les Institutions financières internationales et les principaux pays développés ont trouvé que l'Afrique dispose désormais d'un cadre pertinent et crédible de coopération et de concertation pour relever les défis du développement. Les dirigeants de l'Union Européenne, de la Belgique, de la France (Rencontre, le 8 février entre Treize Chefs d'État africains et le Président J. ClllRAC, qui a déclaré à cette occasion que « l'aide décline de façon inacceptable et que l'écart se creuse avec le reste du monde, une approche nouvelJe du développement de l'Afrique est en train d'émerger qui suscite beaucoup d'espoirs ») de Londres (tournée africaine en février du Premier Ministre Tony BLAIR accompagnée d'une déclaration du Gouvernement britannique favorable à une accélération de la coopération avec l'Afrique à travers le NEPAD) d'Ottawa et du Japon (Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique, le 3 décembre lors de laquelle, le Premier Ministre a clairement déclaré que « Le monde du 21 ème siècle ne connaîtra la stabilité et la prospérité que si les problèmes de l'Afrique sont résolus »). De même, les responsables de la Banque mondiale, du FMJ et du PNUD ont eu des réactions positives. Analysons de plus près deux attitudes de la communauté internationale vis-à-vis du NEPAD : celle du Gouvernement britannique et celle duG8. La déclaration du Gouvernement britannique lors de la tournée africaine du Premier Ministre Tony Blair (février 2001) reconnaît que les contraintes qui s'exercent sur la croissance dépendent de deux éléments : d'une part les gouvernements africains, et d'autre part les pays industrialisés. Le NEPAD est un excellent cadre de coopération dans lequel les dirigeants africains s'engagent individuellement et collectivement à préserver la démocratie, à régler les conflits, à améliorer la gouvernance économique et politique, à se concentrer sur la réduction de la pauvreté et à créer les conditions propices à l'investissement et à la croissance. En retour, les pays industrialisés doivent apporter, - en relation avec le secteur privé, les ressources indispensables pour financer les investissements dans les secteurs prioritaires, notamment les infrastructures. Parallèlement, des prises de position claires sont prises en faveur d'un accès préférentiel aux marchés de l'Union européenne par levée des barrières tarifaires et non tarifaires ainsi que l'abandon des protections des secteurs agricoles. Le Gouvernement Britannique avance d'autres propositions extrêmement novatrices en recommandantque: - 227- -les pays de l'OCDE s'engagent sur un calendrier d'introduction d'un accès en franchise de droits consolidés et de quotas, accompagnés de règles d'origine souples dans le cas des importations africaines ; - les pays de l'OCDE s'engagent dans le cadre des négociations de 1'OMC sur un échéancier rapide pour l'abandonner des subventions à l'agriculture qui perturbent les marchés mondiaux; - les pays de l'OCDE et les pays africains devraient travailler ensemble afin que les règlements sanitaires et phytosanitaires ne créent pas de nouveaux obstacles au commerce ; - l'investissement privé dans les infrastructures devrait être encouragé; - les pays de l'OCDE devraient apporter un soutien prolongé aux initiatives propres aux pays Africains, qui mobilisent les communautés, et ce depuis la base jusqu'au niveau national et régional, dont le but est d'empêcher la propagation des maladies. Les différentes rencontres initiées par les membres fondateurs avec le G8 lors de ses réunions de Milan (juin 2001) et Kananaskis (juin 2002) sont révélatrices de l'intérêt que les grandes puissances du monde manifestent au NEPAD considéré comme le cadre pouvant gouverner les rapports entre l'Afrique et le monde. Il est vrai que lors du dernier sommet du G8 aucun engagement financier important n'a été pris en dehors d'un milliard de dollars mobilisé dans le cadre de l'initiative d'allégement de la dette. Toutefois, les règles et les lignes directrices d'un plan d'action se mettent progressivement en place. n s'agit comme l'a déclaré Tony BLAIR« d'aider l'Afrique à s'aider elle-même». Cette nouvelle coopération sera davantage précisée lors du prochain Sommet en France en prélude à la rencontre, le Président J. ClllRAC estime «qu'il faut construire un partenariat d'un type nouveau qui ne sera ni complaisant ni rhétorique. n sera généreux, précis et exigeant ». Au total, le Comité de mise en œuvre accomplit un travail remarquable de marketing et réaffirme partout où de besoin que les dirigeants africains ont enfin un Programme d'action, une vision du futur et qu'ils n'ont pas peur de la mondialisation. Toutefois, ils souhaitent que les avantages soient équitablement distribués. Il faut pour cela un accès aux marchés, de meilleurs termes de l'échange et une aide visant à accroître les flux financiers en direction de l'Afrique. SECT/ON 3 : la mise en œuvre du NEPAD par la régionalisation et l'implication du secteur privé La mise en œuvre du NEPAD repose sur trois piliers : la mobilisation des populations, l'intégration économique et financière du continent avec création d'espaces optimaux capables de rentabiliser les investissements et de produire des économies d'échelle et le recours à un nouveau partenariat avec la communauté internationale et le secteur privé pour un retour massif des investissements directs étrangers. - 228- 1- L'intégration régionale comme moyen de développement Sur le premier mécanisme, en termes de stratégie, l'intégration économique africaine organisée autour de profils économiques régionaux est à la fois plus pertinente et plus efficace. L'espace économique du continent est subdivisé en cinq régions qui développent chacune en son sein une ou plusieurs initiatives d'intégration: - en Afrique Centrale avec la Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC), la Communauté Economique des États de l'Afrique Centrale (CEEAC), la Communauté Économique des Pays des Grands Lacs (CEPLG), - en Afrique de l'Est avec la Communauté Économique de l'Afrique de l'Est (CEA), - en Afrique du Nord avec l'Union du Maghreb Arabe (LIMA), - en Afrique Australe avec l'Union Douanière de l'Afrique Australe (UDAA), la Communauté pour le Développement de l'Afrique Australe (SADC), la Zone d'Echanges Préférentiels (ZEP), le Marché Commun des États de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique Australe (COMESA) - et en Afrique de l'Ouest avec la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (LIEMOA), l'Union du Fleuve Mano (UFM). Ces blocs fonctionnent de façon assez inégale et réalisent, par moments, des résultats appréciables dans les domaines respectifs du commerce intra-régional, de la coordination des politiques économiques et monétaires, de la mobilité des facteurs comme la main d'œuvre et les capitaux. En définitive, il est attendu de tous ces schémas d'intégration qu'ils contribuent non seulement au développement de la taille de marchés, à la réduction des coûts de transaction, mais aussi à l'amélioration de la concurrence entre producteurs. 1I- Établissement d'un partenariat stratégique avec le secteur prive national, régional et international Nous voudrions que le secteur privé joueen Afrique le même rôle qu'il a joué dans le développement de l'Europe, des États-Unis et du Japon. Abdoulaye WADE Sur le second point, constatant l'impasse du financement par endettement et aide publique, le NEPAD accorde au secteur privé et aux Investissements Directs Étrangers (IDE) un rôle primordial dans le financement des projets. Dans ce sens, la nouvelle initiative est une rupture avec l'État développeur et le rôle de premier plan antérieurement conféré aux - 229- institutions publiques. Le financement du Nouveau Partenariat est attendu principalement du Secteur Privé, des IDE lO7 et de l'inversion de la direction de la fuite des capitaux. Avec la baisse du flux d'aide publique à l'Afrique, le secteur privé est le châmon manquant pour prendre le relais en mobilisant les ressources indispensables à la croissance. Il faut ajouter à cela l'instauration de politiques incitatrices capables d'inverser la fuite des capitaux. Le secteur privé international a manifesté son intérêt pour le NEPAD et des propositions concrètes sont sur la table des décideurs politiques. Deux rencontres viennent le prouver. La première rencontre est organisée les 17 et 18 janvier 2001 à Dakar par le Conseil National du Patronat sénégalais en partenariat avec la Confédération Panafricaine des Employeurs, l'Organisation Internationale des Employeurs et le BIT. Le thème portait sur « le rôle et la place du secteur privé africain» dans le NEPAD. À cette occasion, le secteur privé africain a proposé la création d'un Fonds d'investissement qui devrait aider à la mobilisation de l'épargne privée et d'autres ressources financières. La deuxième rencontre s'est déroulée à Dakar les 16 et 17 avril 2002 autour du partenariat avec le secteur privé pour le développement de l'Afrique. Plus de 500 représentants d'entreprises privées internationales ont fait le déplacement pour répondre à l'appel des hommes politiques pour se tenir au courant des opportunités offertes par le continent africain. Les dirigeants africains sont mis en relation avec quelques centaines de grandes entreprises autour du financement des secteurs prioritaires du NEPAD : infrastructures, énergie, environnement, agriculture. L'inexistence d'une banque de projets déteint sur le succès de la rencontre Cependant, si les hommes d'affaires ont exprimé leur disponibilité, ils ont insisté sur la nécessité d'un partenariat entre le public et le privé et sur l'importance de la bonne gouvernance. Ils ont clairement déclaré que pour attirer les capitaux sur le continent et permettre au secteur privé international de jouer un rôle dans le financement du développement, les États doivent garantir la sécurité des investissements, améliorer la gouvernance et élargir leur espace. Pour ce faire, il faut créer des environnements incitatifs à l'échelle régionale où les entreprises peuvent entrer dans une compétition transparente, disposer d'un système juridique transparent et efficace où les règles de la concurrence sont bien fixées, les droits de propriété clairs pour les investisseurs locaux et étrangers et les informations fiables en ce qui concerne les marchés et les risques qui les entourent. Cela appelle la lutte contre la corruption et le démantèlement des situations de rente. Parallèlement, il faut poursuivre et approfondir les réformes pour restaurer les grands équilibres macro-économiques et maîtriser l'inflation. - 230- SEcnON 4 : la recherche d'un managemenJ institutionnel pour une gouvernance des rapports entre l'Afrique et le reste du monde L'organisation et la stratégie des affaires sont aussi importantes pour le succès d'une entreprise que la technologie, les coût et la demande. P.Milgrom et J Roberts À la finalisation de la fusion des deux plans, les aspects institutionnels n'ont pas fait l'objet de réflexions et de débats approfondis contrairement au Plan Oméga où la question relative aux structures d'administration, de suivi et d'évaluation a donné lieu à plusieurs échanges au sein d'une commission spécialisée. En effet, l'exécution du PLOM devrait être confiée à une Haute Autorité Internationale d'Exécution dirigée par un Manager nommé par les États bénéficiaires des investissements et les divers créanciers. Celui-ci est responsable de la gestion de l'Agence devant un Conseil d'Administration composé de membres représentants les bénéficiaires, les investisseurs, les représentants des institutions internationales comme la Banque mondiale, le FMJ, le Programme des Nations Unies pour le Développement, l'Union Européenne, les membres du G8. Les rédacteurs du NEPAD n'ont pas cru devoir prolonger ce débat relatif à l'organigramme institutionnel. Ils ont tout bonnement renvoyé la question à l'Union Africaine qui « devrait retrouver le mécanisme approprié de mise en œuvre qui aura besoin d'un soutien technique de base en matière de recherche et de formulation de politiques ». 1 - Le débat inachevé sur les institutions de gestion, d'administration, d'évaluation et de suivi du NEPAD Au moment de l'élaboration de la synthèse des deux Plans originels, les experts n'avaient pas une claire conscience des enjeux véritables liés aux questions relatives à la gestion administrative, au suivi et à l'évaluation qui renvoie à trois éléments: la structure de mise en œuvre, les procédures définissant les règles de compétences, les modalités du suivi et de la résolution des dysfonctionnements et le contrôle dans l'exécution des décisions. Il est clair qu'un document de stratégie de cette ampleur qui est appelé à brasser beaucoup de ressources et va impliquer des acteurs aussi nombreux que divers, exige un cadre institutionnel approprié et adéquat avec des compétences avérées, des règles claires et des coûts de transaction réduits au minimum. Ce cadre devrait prendre en charge l'élaboration des projets à partir de l'évaluation des besoins dans les domaines qui répondent à la configuration des priorités sectorielles dans les espaces d'intégration concernés. Face à ce vide institutionnel, le Président Abdoulaye WADE avait proposé un schéma d'organisation administrative, de suivi et d'évaluation en trois étages: un étage politique, un étage décisionnel et un étage d'exécution comprenant trois échelons continental, sous-régional et national. ·231- la structure continentale .j HIGH AlJfHORlTY Heads of Stale Steeriog Cnmmitee PRESIDENT r--t VICe-President Resoorœs 1 - -1- - - - - - - .... - - t 1 1 VlCC-Presidenl 1 Pubbc &ctor + -1- - - - - - - , t t Vioe~Presidt:nt VMx:·Prcsident Project &. Privale &ct(){ WOIIn.1ion BOARD OF GOVERNORS 2 for cach regioo (10) .. ··· .i. --f--- rl REGION REGION REGION i ···· · REGION ; REGION ·lnfr.structllre -lnfrnstructure -ÙlÔ1llilructIn -Wrastructlft -Wrastruct1Ill -ITC -ITC -ITC -ITC -ITC ·ITC - Education - Heatth - Agriculture -Market - Education -Health - Agriculture - Mme! Acœss - Private Soclor -Debt - Education • Health • Agriculture • Market Access • Private Sector -[)eh! - Education - Health • Agriculture . Market Acccss • Private Soclor -[)eh! • Educalion - Health • Agriculture •-Market Market Ac= ·Privale S«tor -Deh! Acœss - Privale S<:dor ·Debt ·· ··· :Î ~~~ ~.j jT • :jr r~! _. -1-' ~ -~ t-.-.-.-~: ~ r~~ ~-.~.J:.: ~ ~.::.l~~:t~ .-.-.-.'.-~:. ~ [~-..-.·.-~t.:~~:. ~ L":'-":-="~"='j==="'L"=-="="=L:='= i 1 __ .J _ La mise en œuvre du NEPAD est à ce niveau exécuté par les organisations régionales. La principale difficulté est l'arbitrage à réaliser si l'espace comporte plusieurs organisations d'intégration: laquelle va-t-on charger d'exécuter les tâches du NEPAD ? Actuellement on a choisi comme interlocuteur ou correspondant l'organisation la plus représentative qui devient l'organisation leader avec des missions d'agence d'exécution. Ce problème est - 232- commun aux 5 régions qui fonctionnent actuellement. Ce serait le cas par exemple de la CEDEAO en Afrique de l'Ouest qui coexiste avec d'autres organisations comme l'UEMOA, la Mano River Union. Il faudra établir à l'avenir des règles de choix.. La structure administrative à l'échelon national À ce niveau une simple illustration est fournie mais les États sont entièrement libres de mettre en place des organisations capables d'enchaîner des actions aux objectifs qu'ils se sont fixé. Dans le cas du Sénégal il a été retenu la fonne organisationnelle suivante : PRfiSfnF.NCY ~ 1 GOVERNMENT -----.~L- (1) 1 Ile UStL'fOR '''''bR' Ellecutive Officerofthe New Arricau Initiative ---' 1 (2) li . Un schéma institutionnel à repenser à la lumière des responsabilités du NEPAD Tout le débat institutionnel, a été ramené à la double nécessité de disposer d'une structure fonctionnelle aux moindres coûts internes d'organisation. Sur cette base, la structure administrative du MAP a été purement et simplement reconduite car elle présentait une gestion administrative allégée et souple pour l'administration du NEPAD. Le schéma institutionnel est le suivant : Persona! A5sislBnl Chainnan Steering Liaison and Coordinalioo ColTllüttcc ChiefOperaling Officer (Administration and Secretariat Services) .... Pr~ Econorn:ic G&::avuna'X'(, .,d C..,iUI F1ow1 ......... ~dln C<>offiinalo< Pobtical Govemance Ma1td ..... A~.,d DNO"BifiC'1t.ion of oroduCls PIOgl'.J1lm PIOgrunm CoordinatOl COOlilinato< Infr'.struCtUlt and Human enviJonrnenlOTC Developmenl ~ .............. -....,\ - 233- En définitive, la gestion du NEPAD est réalisée par deux structures : une structure de décision et une structure d'exécution et de facilitation. JO) La structure d'orientation et de décision: le Comité d'Orientation et de nUse en œuvre(CMO). TI est composé de 15 Chefs d'État chargés de la mise en œuvre du NEPAD à savoir les cinq chefs d'État initiateurs, plus dix autres à raison de deux par région. Ce Comité est dirigé par un Bureau souple comprenant un Président et deux Vice-Présidents en l'occurrence le Président OJusegun OBASANJO et les Présidents Abdoulaye WADE et Abdoul Aziz BOtITEFLlKA. Les attributions imparties au Comité sont les suivantes : déterminer quelles sont les questions stratégiques qui doivent faire l'objet de recherche, de planification et de direction au niveau du continent; mettre en place les mécanisme d'évaluation rétrospective des progrès accomplis en vue de la réalisation des cibles convenues d'un commun accord et du respect des normes acceptées par tous ; examiner les progrès accomplis dans l'exécution des décisions prises, afin de prendre les mesures idoines pour surmonter tout problème ou rattraper tout retard. 2°) La strudure d'exécution: le Steer;ng Commitee. Il fait office de Secrétariat Exécutif et se compose des représentants des Chefs d'État initiateurs. TI élabore les dossiers techniques à soumettre à l'appréciation du CMO et prépare toutes les rencontres internationales. Toutefois, cet organe est absent du texte. En conséquence, il fonctionne sans légitimité et sur une base quasi informelle. Il est secondé par un Comité Technique d'experts qui se réunit chaque fois que de besoin pour étudier et évaluer les questions techniques. Lors de sa réunion d'Abidjan, le Steering Commitee avait décidé, entre autres choses, la répartition de la gestion des secteurs du Programme d'action entre les 5 Chefs d'État fondateurs: Bonne gouvernance économique et flux des capitaux confié au Président du Nigeria. La gouvernance politique et le maintien de la paix, de la stabilité et du règlement pacifique des conflits confié au Président d'Afrique du Sud. Accès au marché et diversification de la production confié au Président de l'Égypte. Développement humain confié à l'Algérie. Le Sénégal doit superviser les infrastructures de base, l'environnement, les NTIC et l'énergie. Pour chacun des cinq Chefs d'État, il est imparti un travail d'identification et d'évaluation des besoins, de coordination et de gestion des projets sur l'ensemble du Continent. ·234· 3°) Proposition d'un schéma institutionnel fonctionnel Si l'aspect juridique est un élément important de l'architecture des organisations, la description de ceNe architecture doit également prendre en compte d'autres éléments: les flux de ressources, les relations d'autorité et de contrôle, la répartition des pouvoirs, les attributions de responsabilités, les processus de décision pour attirer les ressources, l'information et la diffùsion des idées au sein de l'organisation PMilgrom et J Roberts98 Les problèmes d'organisation et d'administration revêtent Wle importance assez grande pour mériter une attention plus soutenue. La mise en œuvre du Progranune impliquera à une grande échelle Wl ensemble d'acteurs au niveau régional et continental, des baiUeurs de fonds, des Institutions internationales, des États et des entreprises. Également: il est attendu un volume appréciable de ressources financières mobilisées à partir de projets techniquement bien conçus. Un Programme d'une telle ampleur doit avoir un schéma institutionnel à la fois cohérent, pertinent et efficace. Cela demande Wle administration fonctionnelle qui devra répondre à différentes préoccupations de transparence, de compétence, d'efficacité, d'indépendance vis-à-vis des États en matière de gestion et de bonne gouvernance. S'il est vrai qu'il faut éviter les pièges des principaux biais bureaucratiques observés au niveau de beaucoup d'organisations internationales, l'organigramme pourrait comprendre au moins trois maillons: d'abord, Wl maillon politique comprenant les décideurs de haut niveau. Ce maillon pourrait être le Comité actuel de mise en œuvre dont les attributions doivent être précisées, affinées par des modalités d'articulation avec le Président en exercice de l'Union Africaine; ensuite, Wl maillon décisionnel où pourraient se retrouver tous les acteurs impliqués dans la réalisation du progranune. TI devrait disposer de démembrements pour valider les activités et traduire en décisions les orientations dégagées parleCMO; enfin, un maillon d'exécution ou se réalise la coordination la consolidation des projets régionaux, sous-régionaux et continentaux. C'est ce maillon qui gère les ressources, lance et contrôle la passation des marchés, assure le suivi et l'évaluation des projets. Il faut s'empêcher de tomber dans le travers d'Wle sous-administration incapable de répondre aux multiples sollicitations techniques émanant 98 P. Milgrom et 1. ROBERTS: p.765 - 235- d'acteurs divers. En conséquence, le NEPAD doit être doté d'une administration compétente capable d'assurer une nouvelle gouvernance des rapports de l'Mrique avec le monde. La réflexion doit se poursuivre en vue de trouver ce schéma institutionnel et son organigranune adéquat~ - 236- Conclusion générale Cette cooclusion générale veut ouvrir des chantiers qui relancent le débat sur le devenir de l'Afrique dans une mondialisation irréversible et en pleine mutation et qui, de surcroît, cherche de nouvelles règles de gouvernance. En effet, la configuration actuelle du monde laisse apparaître une multipolarité axée autour de l'Amérique du Nord, de l'Europe et de l'Asie-Pacifique et accessoirement de l'Amérique Latine. Celle-ci s'est complètement substituée à l'ancienne bipolarité Est-Quest, d'essence idéologico-politique. Alors comment faire prendre en charge les préoccupations de l'Afrique prise dans le tourbillon de l'exclusion économique et financière, des crises politiques et sociales à répétition et des fluctuations incessantes des cours des matières premières? Sans doute trois types d'actions semblent s'imposer: - des choix de politiques internes propres à chaque pays pour créer les conditions d'un développement durable et perfonnant et qui allient les initiatives individuelJes et les ambitions collectives ; - des actions communes entre les différents pays pour amorcer un processus profond de création d'un véritable pôle africain de développement qui soit un marchepied et en même temps une base de négociation avec le système mondial multipolaire ; - la recherche et la définition de nouvelles règles d'insertion à l'économie mondiale qui résolvent la dette extérieure, le financement du développement par drainage des investissements privés directs étrangers, l'accès aux Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication., l'ouverture des marchés conunercl3UX. La mondialisation partagée entre gigantisme et exclusion devait accélérer le processus d'intégration. En effet, il apparaît aujourd'hui que les pays qui font les frais de la consolidation du monde multipolaire autour de blocs régionaux relativement exclusifs et discriminatoires sont particulièrement ceux qui sont à l'écart d'un processus de régionalisation. Ce phénomène est bien la manifestation la plus importante d\me plus grande ouverture économique à l'échelle du monde. Dans le contexte du processus de hOéralisation des échanges mondiaux impulsé par l'Organisation Mondiale du Conunerce, il fucilite la libération des échanges, plutôt qu'il ne l'entrave. n élargit les marchés, ffit-œ parfois au sein d'espaces protégés. Enfin, en entraînant davantage de pays dans le sillage des économies libérales tournées vers l'extérieur, il fàvorise également le mouvement de réfonne, surtout dans des pays en développement résolus à tourner le dos à la gestion centralisée. C'est dire que la configuration actuelle de l'économie mondiale vient corroborer l'idée qu'il faut désormais raisonner non plus en tennes de pays mais de région, précisément parce que les entités nationales sont aujourd'hui coincées entre la globalisation des marchés financiers et celle des réseaux de production. En clair, une Afrique éparpillée en une multitude d'États-nations sera très mal préparée aux enjeux et contraintes de la mondialisation qu'elle doit assumer et non subir. Cela confere au débat sur le n est vrai que ce régionalisme africain une urgence et de nouveaux enjeux. TI - 237- débat a commencé dans les années 1950 et 1960 quand les pères fondateurs des États africains avaient clairement pris conscience que l'extrême morcellement du continent n'était pas favorable au développement économique et social. La Charte de l'OUA et le Plan de Lagos, élaborés respectivement en 1963 et en 1980 avaient fait de l'intégration un engagement impératif pour les États africains. Plus précisément dans l'Acte Final de Lagos, les Chefs d'État et de Gouvernement prenaient « l'engagement de créer, d'ici l'an 2000, sur la base d'un Traité à conclure, une Communauté Africaine afin d'assurer l'intégration économique, culturelle et sociale du continent. Cette Communauté aurait pour but de promouvoir le développement collectif accéléré, auto-dépendant et endogène des États membres, la coopération entre eux et leur intégration dans tous les domaines économique, social et culturel». Il a été retenu de prendre une série de mesures concrètes tendant notamment à renforcer les Communautés Économiques existantes et à créer d'autres Groupements Économiques dans les autres régions de l'Afrique, de manière à couvrir l'ensemble du continent (Afrique de l'Ouest, Mrique Centrale, Afrique Orientale, Afrique Australe, Afrique du Nord). Il est extrêmement regrettable que les objectifs pertinents et cohérents de l'ambitieux Plan d'Action de Lagos ne soirot jamais passés dans les actes, ensuite que le Traité portant création de la CEA préw dans l'Acte Final n'ait pas eu le moindre début d'exécution et enfin que l'échéancier politique arrêté ait été complètement oublié. La première décennie 1980-1990 n'a connu aucune réalisation ni modification des moyens prévus par les différents programmes d'intégration et de coopération régionales, conune par exemple les 22 milliards de doUars pour le financement du plan agricole, les 15 milliards pour le plan d'industrialisation, les 1,5 milliards pour les ressources naturelles et les 9 milliards pour les transports et les communications. Toutefois, depuis les années 1990, l'approfondissement de la mondialisation, l'apparition de ses conséquences asymétriques et l'affaiblissement délibéré des États-nations poussent la quasi totalité des pays africains à reprendre conscience de l'impérieuse nécessité de la régionalisation. Conséquemment, ils vont se regrouper en de grandes communautés dont les plus importantes sont: en Afrique Australe, l'Union Douanière de l'Afrique Australe (UDAA) et la Communauté pour le Développement de l'Afrique Australe (SADC); en Afrique Centrale, la Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC), la Communauté Économique des États de l'Afrique Centrale (CEEAC) et la Communauté Économique des Pays des Grands Lacs (CEPLG) ; en Afrique de l'Est, la Communauté Économique de l'Afrique de l'Est(EAC) ; en Afrique du Nord, l'Union du Maghreb Arabe (UMA) ; en Afrique Orientale et Australe, la Zone d'Échanges Préférentiels, à laquelle a succédé le Marché Commun de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique Australe (COMESA) et en Afrique de l'Ouest, la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) et l'Union du Fleuve Mano (UFM). Cette inflation de communautés apporte la preuve que le régionalisme doit fournir des solutions à plusieurs problèmes de développement comme: - 238- - la mise en place d'un espace optimal de production, de consommation et d'échange; - la viabilisation des micro-États dans des organisations et institutions qui réduisent les incertitudes et les risques de réversibilité de leurs politiques économiques et sociales tout en offrant des perspectives d'anticipation à leurs acteurs; - la négociation coUective à l'écheUe d'une région qui pourrait améliorer la position économique de pays marginalisés par le système mondial ou protéger la position des grands exportateurs de la région; - la résolution des conflits régionaux et l'établissement d'un espace d'ordre, de sécurité, de stabilité et de paix civile qui garantisse la croissance et le développement économique. En dépit de cet argumentaire en faveur du régionalisme de développement, l'intégration en tant que teUe a trés peu progressé, ce qui apparaît nettement: - d'abord, au niveau économique avec le faible pourcentage du commerce intra-régional, l'absence d'entreprises communautaires de c0production, la persistance des barrières douanières entre les États en l'absence de tarifs extérieurs communs, l'inexistence de politiques économiques sectorieUes hannonisées et convergentes, ainsi que l'inexistence d'une véritable intégration monétaire ; - ensuite, au niveau institutionnel avec les insuffisances constatées dans les organisations africaines qui souffrent sensiblement des mêmes lacunes et faiblesses managériales, à savoir : crise du système social et humain (conflits interpersonnels et entre les composantes d'une même nation, différents paliers de l'organisation) ; style de leadership ou de direction défavorables à l'efficacité ; faible productivité des ressources humaines, absence d'une ligne de responsabilité clairement définie, inefficacité des mécanismes de facilitation et de sanction, absence de lien entre rendement et rémunération ; perception d'une image négative de l'administration, de l'institution publique par les utilisateurs et les bénéficiaires ; inadaptation de la structure de l'organisation des services(division du travail, attributions et procédures) ; - enfin, absence du niveau social dans la prise en compte de cette dimension de l'intégration. n est vrai que la question sociale est à la fois complexe et bien difficile à élaborer. Le processus normatif en matière sociale passe par l'adoption de règles communes et l'institutionnalisation d'un véritable dialogue social communautaire, ce qui suppose l'émergence d'acteurs sociaux africains aux niveaux syndical et patronal. - 239- Ce sont certainement ces faiblesses qui se répercutent négativement dans les organisations et qui font qu'elles ne peuvent être des forces motrices. On peut même aller plus loin et souligner que la plupart de ces institutions d'intégration traversent aujourd'hui une crise d'efficacité qui remet en question leur viabilité: absence d'exécutifs dotés de pouvoirs élargis sans lesquels ils ne peuvent mener à bien leur mission, manque de ressources propres substantielles pour financer les projets communautaires, notamment ceux concernant les infrastructures de base, lacunes institutionnelles qui empêchent un fonctionnement efficace des communautés, lourdeur bureaucratique et absence d'implication des opérateurs économiques (secteurs privés, chambres de commerce et associations de la société civile). Alors peut-on sérieusement envisager avec optimisme l'avenir de la régionalisation en Afrique subsaharienne ? Sous ce rapport, il faut évaluer les expériences en cours, avec les techniques et les instruments de l'analyse économique qui ont connu des progrès prodigieux. Avec plus de pertinence, ils permettent de mieux saisir les réorientations à opérer afin de mener à bien les réformes institutionneJles propices à la réussite de l'intégration. L'UEMOA offre sur certains aspects une alternative exemplaire avec des avancées significatives dans le processus sous-régional de création aussi bien d'un ordre économique que monétaire. Les barrières commerciales sont renversées à des vitesses impressiormantes, les relations conunerciales deviennent de plus en plus intenses, les biens et les capitaux traversent les frontières avec une célérité sans précédent, l'infonnation occupe une place privilégiée dans les stratégies de développement, même la culture se mondialise. De plus, la convergence des politiques macro-économiques nationales s'effectue et devrait permettre une homogénéisation des performances des États membres, tandis que l'harmonisation des législations et l'unification des espaces économiques et financiers faciliteront l'entrée et l'installation des investissements directs étrangers. Les politiques sectorielles communes seront un pas de plus vers la réalisation d'infrastructures de base et d'objectifs prioritaires pour lrunioo. Cependant, l'UEMOA ne devra pas commettre les mêmes erreurs que les expériences d'intégration qui l'ont précédée, conune l'UDEAO ou la CEAO. À l'échelle du continent, une nouvelle conscience apparaît autour de la nécessité d'une Afrique réaménagée dans un grand ensemble régional et dotée d'une économie moderne et puissante. Cette conviction est fortifiée par la faiblesse organique et institutionnelle de l'OUA qui, au bout de trois décennies, s'est avérée totalement incapable d'édifier une unité économique, même minimale, de l'Afrique. Ces différents échecs ont rendu aujourd 'hui, à la fois nécessaire et urgente, une « Renaissance africaine». Pour rompre avec ce passé, l'élaboration d'une stratégie viable d'intégration soulève l'épineuse question de la faisabilité d'une communauté de 53 États. En effet, on peut s'accorder sur l'idée qu'unir l'Afrique, ce serait la placer sous une autorité supranationale qui prendrait ses décisions à la majorité qualifiée. Or, l'analyse économique comme le réalisme politique laissent planer le doute sur la probabilité d'une pareille entreprise. C'est dire, au demeurant, qu'il faut s'en tenir à l'Afrique du possible non point par manque d'ambition, mais parce que - 240- les pouvoirs de décision dans l'état actuel des organisations africaines d'intégration relèvent des États. L'expérience de l'OUA est édifiante: plutôt qu'une instibJtion communautaire qui prend des décisions, elle a fonctionné comme une grande organisation internationale sans réels pouvoirs. Tout au long de son existence, elle a révélé son incapacité à décider, soit parce que les décisions sont lentes à se profiler, soit parce que celles-ci se réduisent à de laborieux compromis entre les intérêts nationaux pour devenir en fin de parcours beaucoup trop compliquées pour être appliquées. L'analyse économique menée en tennes de convergence ou de zone monétaire optimale montre la nécessité de repenser complètement le schéma d'intégration continentale et sa gouvernance. Pour avancer dans la bonne direction, elle commande les mesures qui suivent: - l'instauration d'instibJtions fonctionnelles avec un abandon de souveraineté au profit d'Wle Haute Autorité dotée de fonctions exécutives et de compétences suffisamment larges pour réaliser Wle meilleure exécution de l'ensemble de la politique écooomique et financière. L'Union Européenne est le prototype de ce régionalisme fenné visant à la libéralisation économique partielle pour un grand marché protégé. Toutefois, l'organisation doit être renforcée par un niveau hiérarchique disposant d'un pouvoir centralisée et un régime inter-eommunautaire fondé sur des règles et dirigé par des strucbJres institutionnelles solides ; - l'élaboration d'un programme économique de politiques sectorielles techrùquement mis en fonne dans un plan qui définirait les objectifs à réaliser, les moyens à mobiliser, les délais de réalisation ainsi que les différentes articulations avec les programmes et les acteurs nationaux ; -la constitution d'un système monétaire et de crédit pour le financement des projets communautaires et pour fàciliter les échanges corrunerciaux ; -la mise en place d'un réseau dense d'infrastructures de transport et de télécommunications car là où les lignes ferroviaires sont défectueuses, où il n'existe pas de routes joignant les différents pays et où les télécommunications ne sont pas importantes, il est quasiment impossible de réaliser l'intégration des marchés et la libre circulation des facteurs; - la libéralisation du commerce et l'instauration d'un système d'infonnations commerciales qui pennettent aux opérateurs économiques de chaque pays de savoir qui fait quoi, en quelle quantité, qui dispose de quel produit, quel type de marché satisfaire pour pouvoir réaliser ses opérations à l'intérieur de la zone et dans le meilleur délai; - la mise en œuvre d'industries motrices assises sur les ressources naturelles disponibles et la maîtrise des ressources énergétiques avec une politique d'énergie bon marché; - le règlement du problème des protections excessives par des barrières tarifaires et non tarifaires. En définitive, le cadre opératoire pour de telles mesures ne peut plus être exclusivement la nation. C'est plutôt au niveau régional qu'il faut chercher l'espace optimal d'efficience pour cette stratégie pertinente, pennettant la valorisation des ressources matérielles et humaines, la bonne maîtrise du savoir - 241- et des NTCf, la réalisation de meilleures articqlati0"!S des divers acteurs éconoIJÙques et financiers. C'est également à ce niveau qu'il faut fure preuve de plus de professionnalisme. Par ailleurs, ce progranune peut plus facilement relier le national et le communautaire et surtout établir un partage des rôles entre les organes des États et ceux des institutions d'intégration. Ce programme pourrait bien être celui de l'Union Africaine. Cette nouvelle organisation ne sera supérieure à la défunte OUA que si les États comprennent et acceptent que la meilleure satisfaction des intérêts de chacun d'entre eux ne peut se réaliser en dehors de l'Union, même si c'est au prix de désavantages temporaires. Également, toutes ces mesures programmées doivent faire l'objet de projets communautaires ou d'arrangements librement acceptés par ceux qui y souscrivent. Alors cela évitera de trop rêver et permettra de s'engager dans un processus contrôlé « de petits pas» pour établir progressivement entre pays africains un véritable contrat de développement autour de ces grands projets intégrateurs. Ceux-ci peuvent n'avoir qu'une valeur symbolique au cas où les crédits et les ressources à leur consacrer arriveraient à manquer. L'important aujourd'hui est de lancer un vaste programme africain de grands travaux destinés à stimuler l'activité économique et qui serait comparable au New Deal. Ce serait la meilleure occasion d'aller bien au-delà du domaine purement commercial et financier. Autour de ces chantiers de l'Union Africaine, il faut mobiliser et canaliser toutes les forces vives et les différentes composantes sociales pour faire de l'intégration leur propre affaire. C'est de la sorte qu'on pourra infléchir le processus d'intégration par le haut et par les bureaucrates pour la restituer aux populations qui pourraient prendre des initiatives et développer des dynamiques régionales ou sous-régionales porteuses. C'est pourquoi le changement d'attitude et de mentalité ne peut venir que d'une pression suffisante des organisations de base: celle des jeunes, des femmes, des communautés de base, des producteurs qui se constituent en réseaux actifs et informés, conscients de leurs intérêts et décidés à les faire prévaloir. Une Afrique qui réussit à surmonter le démon de ses divisions entrera dans le XXI è siècle avec tout l'éclat qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'avoir. En effet, les nombreux conflits socio-politiques intra-régionaux montrent d'une part que l'intérêt réel des nations africaines se trouvait ailleurs que dans la croyance au principe absolu de la souveraineté nationale et d'autre part que l'éducation très nationaliste de chaque peuple le rendrait incapable de comprendre ses voisins et de percevoir autre chose que ses propres intérêts égoïstes immédiats. À cela devrait s'ajouter la mise en œuvre de politiques suffisamment lucides, autour de la création d'un bon cadre macro-éconoIJÙque, de la redynarrùsation des secteurs agricole et industriel, de la libéraJisation des entreprises, de l'encouragement à l'initiative privée et du développement de la formation et de la recherche. La renaissance africaine est à ce prix. Dans cette perspective, le troisième millénaire pourrait bien être celui de l'Afiique. Tous les analystes conviennent que les taux de croissance actuels en Afrique ne sont pas assez élevés pour freiner les tendances à la baisse des économies et pour réduire ou éradiquer une pauvreté endémique. Les pays - 242- isolés ne peuvent point atteindre ces objectifs, une trentaine d'expériences d'ajustement le prouve largement. L'intégration éconollÙque est la solution pour l'Afrique, principalement parce qu'elle pennet, tout au moins aux éconollÙes du continent, d'être llÙeux présentes sur le marché mondial, de profiter des débouchés de proximité et d'offrir un meilleur cadre d'exploitation des avantages comparatifs, de mettre en commun les ressources pour l'investissement, d'élargir les marchés locaux et de mener un processus d'industrialisation efficace en exploitant les éconollÙes d'échelle et en tirant parti des possibilités d'intégration verticale transfrontalière et de partage de la production. En élargissant les marchés, en facilitant l'accès aux intrants et en accroissant le volume potentiel de production des entreprises, l'intégration contribuera à attirer les investissements directs étrangers (IDE) et à atténuer certains effets défavorables de l'environnement éconollÙque et monétaire international. Cependant, à l'heure de la globalisation inéluctable, l'objectif n'est plus, pour un pays ou un groupe de pays, de rechercher une autonollÙe collective (sur la base d'un modèle de substitution aux importations) et un développement autarcique ou autocentré. Ces illusions sont balayées par les nouvelles perspectives offertes par l'intensification des échanges qui font que chaque pays cherche à tirer profit de la croissance induite par les exportations. C'est pourquoi, depuis au moins une vingtaine d'années, les éconollÙstes tentent de déterminer les coûts et les avantages de la participation à une union éconollÙque et monétaire efficiente. Car ce n'est pas en additionnant des marchés étroits et mal constitués, souvent SOUJTÙS à de multiples barrières qu'on aboutit inéluctablement à l'intégration pour bénéficier de ses avantages. U y a toute une dynamique à enclencher dans un schéma organisationnel pertinent au double plan technique et institutionnel. C'est cette perspective d'une croissance accélérée au taux le plus élevé possible que tente d'ouvrir le NEPAD qui apparaît ainsi comme un Programme dont l'objectif majeur est l'établissement d'un nouvel ordre politique et éconOllÙque continental. Dernière initiative pour le développement intégré en Afrique, il est normal et même salutaire que ses objectifs fassent l'objet de très vives controverses, particulièrement au niveau des intellectuels et des États. Les questionnements sont justifiés par les résultats médiocres observés dans les processus d'intégration entamés depuis les années 60, à l'exception de l'UEMOA. En effet, les nombreuses organisations IlÙses en place au cours de cette période ont connu ou connaissent des difficultés et des dysfonctionnements qui constituent des obstacles majeurs à leur efficacité. Al'état actuel du débat, trois questions majeures sont soulevées dans le cadre de la IlÙse en œuvre du NEPAD : son orientation que l'on taxe de néolibérale, la faiblesse de son arclùtecture et le caractère irréaliste des modalités de financement des secteurs prioritaires retenus. Au préalable, il faut rappeler, et tous les développements le montrent largement, que le NEPAD n'est pas un programme de politique éconollÙque entendue comme une combinaison d'un ensemble de moyens pour atteindre dans un délai détenniné des objectifs initialement fixés. n est plus simplement un plan d'action qui vise à décharger - 243- les États de la réalisation des investissements qui portent essentiellement sur les secteurs clefs générateurs d'externalités positives pour les économies nationales. En d'autres tennes, chaque pays doit se conditionner pour en tirer avantage en accélérant oies réfonnes politiques, économiques, sociales et institutionnelles avec de nouvelles règles de bonne gouvernance, de gestion publique transparente et de lutte contre la corruption. Aujourd'hui, si les analystes ne semblent pas imputer totalement la stagnation économique des pays africains aux seuls programmes d'ajustement structure~ cependant beaucoup d'entre eux soulignent qu'en accordant une prépondérance quasi absolue aux mesures de stabilisation à court tenne, au lieu de s'attaquer aux problèmes structurels fondamentaux, ces programmes ont en fait amené les économies africaines à s'écarter de la voie d'une croissance durable (CORN~ 1991; STEWART, 1992). L'analyse de la stratégie de développement à long terme montre qu'il est vital de trouver des solutions pour remédier à l'insuffisance des infrastructures de base et des ressources humaines. Ce sont ces faiblesses relatives que devrait combler le NEPAD. En ce sens, il offre des opportunités aux États en leur pennettant de venir à bout des obstacles et handicaps à l'instauration d'un système politique démocratique et d'une économie nationale perfonnante, capable d'enclencher un processus de croissance soutenue qui rend possible tous les arbitrages en faveur du bien-être des populations. fi appartient aux États d'élaborer conséquemment des politiques économiques, financières et sociales pour moderniser leur agriculture, développer leurs bases industrielles, réduire la pauvreté par un plus grand accès aux services de base, élargir leurs infrastructures sociales, accroître l'emploi, maîtriser les Technologies de l'Infonnation et de la Communication afin de les mettre au service du développement et de comprimer les dépenses publiques. Au demeurant, les États disposeront désonnais de moyens plus adéquats pour réaliser certaines missions comme l'allégement des impôts et des charges qui pèsent sur les personnes physiques et morales, le financement de la création d'entreprises et des initiatives locales qui fondent la richesse d'un pays, la réfonne des systèmes éducatifs et de fonnation afin de mieux les adapter aux exigences de l'entrée des jeunes dans la vie active, ainsi que l'amélioration de la santé, de la nutrition et de la sécurité. En réponse aux objections, on peut dire en premier lieu que l'infrastructure théorique du NEPAD s'apparente plus au keynesianisme et aux théories contemporaines de la croissance endogène qu'à la pensée néo-libérale. C'est KEYNES qui a mis en évidence le rôle stratégique de l'investissement dans la relance des activités productives, alors que les théoriciens de la croissance endogène mettent l'accent sur le primat de l'accumulation du capital physique et du capital humain dans le processus de croissance. C'est dire que ce programme impose aux États de nouvelles tâches si bien qu'au lieu de s'affaiblir, ces États devraient au contraire se renforcer. Donc, c'est un mauvais procès de voir derrière ce nouveau programme une sorte de main invisible du néo-libéralisme ambiant. En second lieu, concernant l'architecture, tous les développements qui précèdent montrent que le NEPAD n'est pas une juxtaposition d'engagements - 244- ou de vœux pieux émis par des chefs d'État africains. Au contraire, il est une construction à la fois pertinente, cohérente et opérationnelle. Les enchaînements et les synergies ne sont pas toujours bien perçus. Pourtant, les idées directrices s'articulent parfaitement en ce que premièrement d'abord la gestion des conflits et l'amélioration de la gouvernance stabilisent et sécurisent les institutions et les fondamentaux du cadre macro-économique, ensuite les investissements dans les secteurs constitutifs du capital physique et du capital social accroissent la productivité, améliorent la compétitivité et diversifient les économies, et enfin la forte réduction dans le financement du binôme aide et endettement oblige à la recherche et à la mobilisation de ressources plus qualitatives pour financer les projets de dimension régionale. En troisième lieu, l'énorme déficit d'épargne fait que le financement du Programme d'action prioritaire soulève beaucoup d'interrogations. Cela est dans l'ordre normal des choses, car tous les Programmes et Plans élaborés pour le continent ont toujours buté sur un problème essentiel: les moyens financiers et non financiers exigés pour leur réalisation. Aujourd'hui, le système mondial dispose des moyens techniques et financiers appréciables tandis que l'Afrique possède d'importants atouts à travers son énorme potentiel de ressources naturelles et environnementales inexploitées, ses réserves démographiques et culturelles importantes. C'est dire que les solutions existent, à condition d'élaborer des stratégies novatrices de partenariat pour la mobilisation de l'épargne interne et externe. C'est un objectif cardinal du NEPAD. En définitive, tout processus d'intégration profite avant tout aux États qui présentent des politiques économiques et financières performantes, capables de les doter de structures productives souples. En revanche, le développement intégré n'apportera rien aux États ayant des politiques peu flexibles qui ne peuvent tirer avantage des économies d'échelle et des débouchés de proximité. La nouvelle configuration de la régionalisation-mondialisation montre que pour réussir, le processus d'intégration appelle un leadership fort mettant en cohérence l'espace polarisé à partir d'une économie « locomotive» ou d'un pouvoir «hégémonique» qui exploite les complémentarités internes. Ainsi, pour reprendre les termes de FOGEL, nous estimons qu'il faut toujours un pilote dans l'avion. ·245· QUELQUES RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. ADDA J.: La mondialisation de l'économie 1. Genèse. Collection Repères, La Découverte, Paris 1996, 124 pages. 2. ADDA J. : La mondialisation de l'économie 2. Problèmes. Collection Repères, La Découverte, Paris 1997, 124 pages 3. ADEDEJI A.: Perspectives de coopération et intégration économique. Colloque de Conakry, 15-20, avril 1980. 4. ALAIS M. : L'intégration monétaire de la CommlDUlUté Économique Européenne. Revue d'Économie du Développement, N°2, pp.135-151. 5. AZAM J.P. : Macro-économics Reforms in the CFA Zone. 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Difficile émergence régionale de l'Afrique 49 SEITJON 1 : Le processus chaotique et sansfin de l'intégration africaine 1- Les textes fondateurs: Charte de L'OUA, plan d'action de Lagos, traité de la communauté économique et l'acte constitutif de l'Union Africaine. II- Les trappes à l'inactivité: inflation de textes et écart par rapport aux objectifs économiques. SECT/ON 2 : L'impossible convergence des économies africaines et le blocage de l'intégration 1- La convergence des politiques économiques des différents pays africains est-elle réalisable? II- L'Afrique peut-elle constituer une zone monétaire optimale (ZMO) ? CHAPITRE 2. l'UEMOA : Une nouvelle approche inspirée du modèle de régionalisme protégé 71 SECT/ON 1 : Les enjeux d 'une union économique autour de la dynamique de la zone franc 1- L'intégration monétaire préalable. 11- Le passage de l'union monétaire à l'union économique. SECT/ON 2 :Un schéma d'intégration sur le modèle de l'Union Européenne 1- L'assainissement du cadre macro-économique et réglementaire. 11- L'unification des espaces économiques nationaux. III- L'hannonisation des politiques sectorielles. - 251- SECT/ON 3 : La convergence institutionnelle: les harmonisations législatives et réglementaires 1- L'harmonisation de l'environnement juridique de l'activité économique. II - L'harmonisation du cadre juridique des finances publiques et des lé~islations fiscales. 11- L harmonisation des statistiques de prix et de l'ensemble des autres statistiques. SECT/ON 4 : La gouvernance administrative, le contrôle parlementaire et juridictionnel de l'Union 111- Les organes de gestion administrative de l'Union. Les organes de contrôle parlementaire et juridictionnel. CHAPITRE 3. La question de la zone monétaire optimale appliquée à L'UEMOA 99 SECT/ON 1 : Analyse des fondamentaux macro-économiques de L'UEMOA SECT/ON 2 :L'UEMOA est-elle une zone monétaire optimale? (11- Les analyses traditionnelles des critères. Les analyses récentes des critères. CHAPITRE 4. Les critères de convergence des économies de l'UEMOA et les instruments de leur surveillance 113 SECT/ON 1 : La convergence comme condition sine qua non de toute intégration. Les indicateurs de convergence et la surveillance multilatérale. SECT/ON 2 L'UEMOA 1- Aspects théoriques de la convergence. 11- Les recherches sur la convergence. IlI- Les méthodologies de détermination de la convergence des économies de L'UEMOA. CHAPITRE 5. Parachever la dynamique de construction de L'UEMOA 135 SECTION 1 : À la recherche d'un instrument d'allocation des activités. 1- Bref rappel de la théorie des avantages comparatifs comme instrument de répartition des acti vités producti ves. 11- Les résultats de l'évaluation des avantages comparatifs dans )'UEMOA. - 252- SECT/ON 2 : Nécessité de rendre opérationnelle les politiques sectorielles 1les politiques agricoles conununautaires. II- Parachever l'édifice institutionnel. III- Prendre en charge la dimension sociale. CHAPITRE 6. Pour une nouvelle approche du régionalisme africain 157 SECT/ON 1 : À la recherche d'un schéma réaliste d'intégration africaine? SECT/ON 2 : Les blocs régionaux constitués et leur impérative harmonisation 1IIIIIIVV- L'Afrique L'Afrique L'Afrique L'Afrique L'Afrique Centrale. de l'Est. du Nord. Australe. de l'Ouest. CHAPITRE 7. Le pari de l'Union Africaine est-il perdu? 173 SECTION 1 : Portée et limites de l'Acte constitutifde l'Union Africaine 1II- Les limites juridiques et institutionnelJes. Des projets ambitieux mais peu réalistes. SECT/ON 2 : Construire l'unité de l'Afrique par des réalisations concrètes et une déferlante de projets. CHAPITRE 8. Le NEPAD, une dernière chance pour un développement concerté du continent 189 SECT/ON 1 : Une nouvelle vision du développement concerté 1- Le plan oméga (plom) : un pacte de croissance soutenue et de développement durable à partir d'investissements dans le capital physique et le capital humain. 11- le millenium partnership for recovry program (MAP) : gouvernance politique, économique et options stratégiques pour le développement durable. III- La synthèse des deux plans pour une vision du développement à long terme de l'Afrique: de la nouvelle initiative africaine au NEPAD. SECT/ON 2: le NEPAD : un agenda de croissance soutenue pour l'éradication de la pauvreté et la relance des enjeux du développement. 1- Les orientations pour une prise en mains par les africains de leurs propres destinées et l'appel à l'extérieur pour compléter les efforts internes. - 253- 11- La gestion de la conflictualité et la bonne gouvernance comme préalable pour la croissance et le développement. III- Un programme prioritaire d'investissements dans des secteurs porteurs de croissance et particulièrement dans les infrastructures, les ressources humaines et les NTIC. IV- Un double levier pour la mise en oeuvre du programme : l'intégration et la mobilisation des populations. V- Le NEPAD face à la communauté internationale ou l'exigence d'un nouveau partenariat pour le développement. SECT/ON 3: la mise en œuvre du NEPAD par la régionalisation et l'implication du secteur privé 1- L'intégration régionale comme moyen de développement. II- Établissement d'un partenariat stratégique avec le secteur privé national, régional et international. SECT/ON 4 : la recherche d'un management institutionnel pour une gouvernance des rapports entre l'Afrique et le reste du monde 1- Le débat inachevé sur les institutions de gestions, d'administration, d'évaluation et de suivi du NEPAD. II- Le schéma institutionnel à repenser à la lumière des responsabilités du NEPAD. CONCLUSION GÉNÉRALE 237 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 247 TABLE DES MATIÈRES 251 - 254- ACHEvÉ D'IMPRIMER EN NOVEMBRE DANS LES 2003 ATELlERS DES PREsSES LITTÉRAIRES À SAINT-EsTÈvE - 66240 D. L. : 4e-rRTMESTRE 2003 W D'IMPRIMEUR: J9632 Le morcellement du continent en une multitude d' « Etats-nains» avait semblé constituer un des handicaps majeurs du développement économique et social de l'Afrique. L'intégration était alors déclinée comme la meilleure réponse pour concevoir une division régionale du travail capable d'exploiter toutes les dotations factorielles naturelles des pays et de créer un espace monétaire optimal. Une trentaine d'organisations avait été mise sur pied. La majorité a disparu sans résultats probants. Le processus devait s'achever par la création de la Communauté Économique Africaine, conformément aux recommandations du Plan d'Action de Lagos (1980-2000). Cependant, cette organisation n'a jamais connu le moindre début d'exécution. L'approfondissement de la mondialisation multipolaire avec la formation de Blocs régionaux puissants et de haute compétition (Europe, Amérique du Nord, Amérique Latine et Asie) a imposé à l'Afrique engoncée dans la crise économique et sociale, les enjeux d'un régionalisme plus opérant. L'ampleur et la permanence de la détérioration de la situation économique et financière, la dégradation des facteurs du bien-être social et les contre performances des interminables et multiples réformes ont poussé les dirigeants africains à formuler de nouvelles stratégies de développement par l'intégration. Les trois nouvelles initiatives que sont l'UEMOA, l'Union Africaine et le NEPAD surajoutées à la dizaine d'organisations qui survivent, indiquent les nouveaux enjeux. Ce regain du régionalisme se présente comme un sursaut des dirigeants africains qui s'engagent individuellement et collectivement à préserver la démocratie, à régler les conflits, à améliorer la gouvernance économique et politique, à se concentrer sur la réduction de la pauvreté et à favoriser les conditions propices à l'investissement et à la croissance. En retour, ils attendent que les pays industrialisés et le secteur privé puissent apporter de concert des ressources indispensables pour financer les investissements dans les secteurs clés notamment les infrastructures. Le présent ouvrage analyse les chances de succès de ces nouvelles initiatives. Moustapha KASSÉ est professeur agrégé à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il enseigne dans plusieurs Universités africaines. Ancien Doyen, il a présidé pendant trois Sessions les Jurys du Concours d'Agrégation de Droit, Sciences Économiques et Gestion. Il a administré de 1983 à 1999, le Comité Technique Spécialisé pour la promotion des enseignants en Sciences Économiques et Gestion. Président du Forum Mondial des Chercheurs (Genève, 1998), Membre fondateur et Vice-Président de \' Association des Économistes d'Afrique de l'Ouest, Premier Président de la Conférence des Institutions d'Enseignement et de Recherche en Afrique (CŒREA), initiateur du Programme de Troisième Cycle Inter-Universitafré (fTCI). Il préside l'École de Dakar, \' Association Sénégalaise des Économistes. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages et articles dont les derniers en date sont: Repenser Bretton Woods: les réponses africaines (2001), Le NEPAD et les enjeux du développement (2003). ISBN: 2-912717-12-4